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Décisions

TPICE, 23 février 1994, n° T-39/92

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Groupement des cartes bancaires (GIE), Europay International (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schintgen

Juges :

MM. Garcia-Valdecasas, Kirschner, Vesterdorf, Lenaerts

Avocats :

Mes Georges, May, Calvet.

TPICE n° T-39/92

23 février 1994

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

Les faits à l'origine du recours

L'accord Package Deal

1 Le 31 octobre 1980 a été conclu par les banques, caisses d'épargne et autres établissements de crédit participant au système Eurocheque l'accord dit "Package Deal" sur les commissions, les dates de valeur et le recouvrement centralisé des eurochèques uniformes émis en monnaie locale et l'ouverture du secteur non bancaire. L'accord, conclu pour la période du 1er mai 1981 au 30 avril 1986, était applicable dans un premier stade aux pays des établissements émetteurs d'eurochèques uniformes, c'est-à-dire délivrant à leur clientèle des cartes de garantie de chèque et émettant des chèques utilisables dans le système Eurocheque. Selon ses propres termes, l'accord peut être étendu aux pays des établissements accepteurs, c'est-à-dire n'émettant pas de cartes de garantie ni de chèques utilisables dans le cadre du système Eurocheque, mais payant à leurs guichets les chèques garantis, dans la mesure où ces pays sont prêts à ouvrir le secteur commercial aux eurochèques uniformes.

2 L'accord Package Deal, qui s'insère dans les accords Eurocheque, fixe, en substance, les principes suivants:

- le secteur commercial (boutiques, grands magasins, stations service, hôtels et restaurants) doit être ouvert officiellement à l'acceptation d'eurochèques uniformes et doit être informé des conditions de garantie;

- les eurochèques uniformes doivent être tirés dans la devise du pays étranger visité;

- une commission de 1,25 % du montant du chèque, sans minimum, est appliquée à tout eurochèque uniforme tiré à l'étranger en monnaie locale. Cette commission n'est plus prélevée par les guichets payeurs lors du paiement, ni par le commerçant lors de l'acceptation du chèque, mais est payée lors du remboursement du chèque par la centrale de compensation.

3 Les instructions en vigueur dans le système Eurocheque précisent que, "si une tarification bancaire nationale est appliquée pour le paiement des chèques, celle-ci ne doit pas porter préjudice aux eurochèques uniformes étrangers" et que "les banques des pays concernés s'engagent à ne pas prélever de commission spéciale à charge des accepteurs d'eurochèques uniformes".

4 L'accord Package Deal a été notifié à la Commission le 7 juillet 1982 par un administrateur-délégué de la Deutsche Bank AG à Francfort-sur-le-Main, agissant en qualité de président de l'Assemblée Eurocheque et de l'Eurocheque Working Group ainsi qu'au nom et pour le compte de chacun des groupements nationaux qui composaient les deux assemblées conformément au mandat qu'il avait reçu à cette fin de celles-ci lors de leur réunion commune du 20 mai 1982. Selon le formulaire A/B de notification, l'Association française des banques (ci-après "AFB") figure parmi les organismes financiers ayant participé à l'accord.

5 Par lettre du 29 juillet 1982, la Commission a fait part au secrétaire général d'Eurocheque International de ce qu'elle recevait constamment des plaintes de personnes qui, notamment en France, étaient obligées de verser au vendeur des commissions sur de menus achats et qui se voyaient néanmoins facturer par leur banque la commission de 1,25 % du montant du chèque prévue par les accords Eurocheque.

6 Le 24 août 1982, le secrétaire général d'Eurocheque International a répondu à la Commission que le problème des commissions "sauvages" et des doubles prélèvements avait toujours constitué une préoccupation majeure et que l'accord Package Deal avait justement été conçu pour y porter remède. Il exposait en outre, que seuls les Banques populaires et le Crédit mutuel, émetteurs d'eurochèques uniformes, appliquaient intégralement les accords Eurocheque, aucune commission n'étant demandée au client au moment du retrait d'espèces ou lors d'un achat. Les autres banques, par contre, et principalement celles appartenant au Groupement Carte bleue, n'auraient accepté d'appliquer l'accord Package Deal que pour les retraits auprès de leurs agences. Les commerçants ayant un compte auprès de ces banques et leur remettant des eurochèques étrangers se verraient appliquer une taxation variable, souvent équivalente à la commission payée sur les chèques tirés sur l'étranger. Se disant conscient de la situation en France, le secrétaire général assurait la Commission qu'Eurocheque International portait tous ses efforts sur les négociations avec les banques concernées en vue d'obtenir une application intégrale de l'accord Package Deal.

7 Le 10 décembre 1984, la Commission a adopté la décision 85-77-CEE relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-30717 - Eurochèques uniformes, JO 1985, L. 35, p 43), déclarant inapplicables les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, à l'accord Package Deal pour la période du 7 juillet 1982 au 30 avril 1986.

8 Le 25 octobre 1985, à l'initiative du Groupement des cartes bancaires "CB" (ci-après "Groupement"), qui fait office, depuis sa création en 1984, pour la France de communauté nationale Eurocheque en remplacement de l'AFB, la tarification uniforme de la commission facturée par les membres du Groupement pour les paiements par carte CB a été abandonnée.

9 Le 5 mai 1986, Eurocheque International a demandé à la Commission le renouvellement de l'exemption de l'accord Package Deal. Le 10 juillet 1986, la Commission a fait parvenir à Eurocheque International une lettre de classement provisoire, valable jusqu'au 30 décembre 1987, dans l'attente d'une refonte de l'accord Package Deal.

10 Le 16 décembre 1987, Eurocheque International a notifié à la Commission le nouvel accord Package Deal conclu le 5 juin 1987, pour une durée indéterminée, devant entrer en vigueur le 1er janvier 1988. L'accord reconduit le principe d'une commission maximale, fixée à 1,60 % du montant du chèque par l'Assemblée Eurocheque lors de sa réunion extraordinaire du 24 avril 1986, et introduit, en outre, une commission minimum, non exprimée en pourcentage, d'une contre-valeur approximative de 2 SFR par eurochèque, applicable à toutes les opérations où le maximum de 1,60 % représente un montant inférieur à cette contre-valeur.

L'accord d'Helsinki

11 Lors de la réunion de l'Assemblée Eurocheque, tenue à Helsinki les 19 et 20 mai 1983, a été conclu entre les banques et institutions financières françaises, d'une part, et l'Assemblée Eurocheque, d'autre part, un "accord sur l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères". L'accord se lit comme suit:

"Les banques et institutions financières françaises conviennent avec la Communauté internationale eurochèque que les commerçants affiliés au Groupement Carte bleue et/ou à Eurocard France SA accepteront, à partir du 1er décembre 1983, les eurochèques étrangers émis en francs français pour le paiement de biens et de services, aux mêmes conditions que celles des organisations précitées; en conséquence, le Groupement Carte bleue d'une part, le Crédit agricole et le Crédit mutuel, d'autre part, s'engagent à prendre les mesures suivantes:

1 Les commerçants affiliés aux réseaux Carte bleue et Eurocard seront informés des conditions à respecter lors de l'acceptation des eurochèques étrangers pour bénéficier de la garantie.

2 Les commerçants affiliés aux réseaux Carte bleue et Eurocard recevront l'autocollant de vitrine "ec" et l'afficheront de manière visible afin d'informer les clients étrangers que les eurochèques sont acceptés.

3 Pour les achats réglés par eurochèques, les membres du Groupement Carte bleue et d'Eurocard percevront auprès de leurs commerçants affiliés une commission qui ne pourra pas être supérieure à celle prévue pour les paiements Carte bleue et Eurocard.

4 Les banques membres du Groupement Carte bleue et d'Eurocard veilleront à ce que leurs commerçants affiliés ne majorent pas le prix des achats payés par eurochèque, même s'il s'agit d'offres spéciales ou de soldes.

5 Si le commerçant affilié contrevient aux principes énoncés ci-avant, les banques et institutions financières françaises interviendront dans les meilleurs délais afin d'en assurer le respect à l'avenir. Au cas où la commission perçue aurait été répercutée au porteur de l'eurochèque étranger, les banques et institutions financières françaises en rétrocèderont le montant à la banque émettrice. En cas de récidive, les banques et institutions financières françaises adopteront des sanctions identiques à celles pratiquées pour la Carte bleue ou l'Eurocard dans le même cas.

6 Lors de la compensation des eurochèques étrangers émis en France et conformément aux dispositions de l'accord Package Deal, une commission de 1,25 % du montant de l'ensemble des chèques précités sera ajoutée et perçue via les centrales de compensation.

7 Toutes les dispositions seront mises en œuvre immédiatement pour que cet accord entre en vigueur le 1er décembre 1983 au plus tard.

8 Avant la fin de l'année 1984, un bilan de l'expérience acquise en matière de tarification sera établi.

9 Dans le cadre de cet accord, les banques et institutions financières françaises adopteront, dès que ce sera possible, d'un point de vue technique, les procédures d'échange et de compensation automatique des données des eurochèques".

12 Le 14 octobre 1983, le Groupement Carte bleue a informé la Commission que, afin de permettre aux porteurs étrangers d'eurochèques de mieux utiliser en France ce système de paiement, les banques françaises étaient récemment convenues d'offrir aux commerçants affiliés aux réseaux Carte bleue et Eurocard France de recouvrer les eurochèques étrangers qu'ils reçoivent en paiement moyennant la même tarification que celle perçue pour les transactions qu'ils réalisent par la Carte bleue, les cartes Visa ou Eurocard - les commerçants s'engageant par là même à ne pas répercuter le montant de la commission perçue sur le porteur. Le Groupement Carte bleue ajoutait que les banques françaises offraient ce service aux porteurs d'eurochèques étrangers sans que la réciprocité ne soit accordée pour les porteurs d'une Carte bleue dans les commerces adhérents au système Eurocheque à l'étranger.

13 Le 19 septembre 1984, la Commission a informé l'AFB qu'en janvier 1983 le Crédit lyonnais avait prélevé une commission d'encaissement de 4,60 % sur le montant d'un chèque qui lui avait été remis et lui a demandé de lui indiquer quelles étaient les banques membres de l'AFB qui prélevaient généralement une commission d'encaissement et qui, par conséquent, n'appliquaient que partiellement les accords Eurocheque.

14 Le 11 octobre 1984, Eurocheque International a informé la Commission que, "depuis l'accord d'acceptation avec les banques françaises, entré en vigueur en mai 1984, les commerçants affiliés aux réseaux Carte bleue et Eurocard France s'engagent à ne plus prélever de commission pour un paiement par eurochèque. En revanche, il n'existe pas de cadre juridique formel pour les paiements par eurochèque auprès de commerçants non affiliés ou de particuliers, et ceux-ci doivent acquitter des commissions variables d'une banque à l'autre pour la remise d'eurochèques étrangers". Se déclarant sensible à cette question, Eurocheque International a pris l'engagement de s'efforcer, dans ses négociations avec les banques françaises, d'y apporter une solution.

15 Le 17 octobre 1984, l'AFB a répondu à la Commission que les banques françaises avaient souscrit au Package Deal uniquement pour les "dépannages d'espèces" offerts aux étrangers en France. En revanche, les banques membres de l'AFB, comme d'autres banques européennes, n'auraient pas souscrit aux autres accords Eurocheque concernant l'acceptation, dans le commerce, de chèques garantis ou les remises à l'encaissement par des particuliers d'eurochèques étrangers. Dans ces cas, les procédures habituelles d'encaissement de chèques tirés sur l'étranger seraient donc appliquées. Bien que la réciprocité ne soit pas assurée par les banques d'Allemagne et du Benelux, qui ont fortement développé le système Eurocheque, les banques françaises membres du Groupement Carte bleue auraient accepté, à titre expérimental, d'ouvrir leur réseau de commerçants aux eurochèques étrangers dans les mêmes conditions que celles offertes aux clients porteurs d'une Carte bleue ou d'une carte Visa. Cet accord, qui s'étendrait à près de 300 000 commerçants en France, se situerait en dehors du Package Deal. Ces banques françaises respecteraient donc totalement les accords qu'elles ont souscrits.

16 Le 12 novembre 1984, la Caisse nationale de Crédit agricole a répondu à la Commission qu'elle avait toujours recommandé aux caisses régionales l'application d'une tarification aux commerçants remettant des eurochèques uniformes à l'encaissement, et cela afin de respecter le principe de taxation de la garantie de paiement accordée aux commerçants déjà en vigueur pour les paiements par carte et notamment par Eurocard. La communauté Eurocheque aurait approuvé l'application de cette tarification aux commerçants par les banques françaises en octobre 1983 pour autant que les principes suivants soient respectés: définition d'un taux de commission sur les eurochèques remis à l'encaissement par les commerçants "au plus égal" à celui perçu pour les paiements par carte Eurocard ou Carte bleue et non-répercussion de cette commission sur les porteurs d'eurochèques.

17 Le 10 février 1985, la Caisse nationale de Crédit agricole a informé la Commission que les caisses régionales avaient décidé de se conformer à l'accord Package Deal et que c'est l'ensemble des banques françaises membres des réseaux Carte bleue ou Eurocard France qui avait convenu avec la communauté Eurocheque d'appliquer une tarification aux commerçants français remettant des eurochèques étrangers à l'encaissement.

18 La Commission ayant évoqué, dans une demande de renseignements qu'elle lui avait adressée le 11 avril 1989, la perception irrégulière d'une commission dans certains pays, en particulier en France, Eurocheque International (devenu en 1988 Eurocheque International sc, ci-après "Eurocheque International") a répondu le 7 juin 1989 qu'un accord interne entre les institutions financières françaises et l'Assemblée Eurocheque était intervenu au cours de la réunion qui s'était tenue à Helsinki les 19 et 20 mai 1983. Il s'agirait d'une décision arrêtée et consignée dans le procès-verbal et non pas d'un document formel signé par les parties.

19 Le 17 août 1989, Eurocheque International a "fait parvenir" l'accord d'Helsinki à la Commission.

20 Le 16 juillet 1990, le Groupement a formellement notifié l'accord d'Helsinki à la Commission.

La procédure administrative relative à l'accord Package Deal

21 Dans une lettre adressée à Eurocheque International le 21 décembre 1989, la Commission a constaté que le renouvellement de l'exemption posait notamment la question de l'accord d'Helsinki et a annoncé que, faute de propositions d'Eurocheque International, le système Eurocheque ferait l'objet d'une communication des griefs.

22 Le 31 juillet 1990, la Commission a adressé à Eurocheque International une communication des griefs portant tout à la fois sur le nouvel accord Package Deal et sur l'accord d'Helsinki.

23 Le 24 avril 1991, Eurocheque International, se référant à une entrevue du 21 mars 1991, a fait parvenir à la Commission un nouveau projet d'accord Package Deal et s'est déclaré disposé à supprimer l'accord d'Helsinki, en soulignant toutefois qu'il convenait, dans l'intérêt du consommateur, de sauvegarder le principe du paiement du montant intégral de l'eurochèque au moment de son utilisation.

24 A la suite des précisions qui lui ont été fournies par le directeur général de la concurrence le 4 juin 1991 au sujet des amendements que la Commission souhaitait voir apporter à l'accord Package Deal, Eurocheque International a répondu le 31 juillet 1991 que les banques européennes avaient changé de point de vue en matière de tarification des remises d'eurochèques, qu'elles souhaitaient une totale liberté tarifaire vis-à-vis de leurs clients et que, dès lors, elles ne pouvaient accepter le principe de gratuité de l'eurochèque en ce qu'il imposerait un accord interbancaire sur une commission zéro applicable à la clientèle.

La procédure administrative relative à l'accord d'Helsinki

25 Le 31 juillet 1990, en même temps qu'elle a adressé à Eurocheque International une communication des griefs portant tout à la fois sur le nouvel accord Package Deal et sur l'accord d'Helsinki, la Commission a adressé au Groupement une communication des griefs limitée à l'accord d'Helsinki. Dans cette communication, la Commission souligne, tout d'abord, que l'examen de la demande de renouvellement de l'exemption de l'accord Package Deal, ainsi que diverses plaintes dont elle a été formellement saisie, ont mis en évidence les problèmes soulevés par les conditions d'acceptation des eurochèques étrangers dans le secteur du commerce en France, lesquels ont fait l'objet d'un accord signé à Helsinki les 19 et 20 mai 1983 qui ne lui a pas été notifié. La Commission relève ensuite que, le surlendemain d'une réunion au cours de laquelle les représentants de la direction générale de la concurrence avaient confirmé qu'une communication des griefs concernant l'accord d'Helsinki avait été rédigée et était en cours d'examen par les divers services de la Commission, le Groupement a averti la direction générale, par lettre du 13 juillet 1990, qu'il venait de notifier l'accord d'Helsinki à la Commission. La communication, qui indique que la Commission se propose de constater que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité sont réunies à l'égard de l'accord d'Helsinki, constate cependant qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si l'accord remplit ou non les quatre conditions exigées par l'article 85, paragraphe 3, pour pouvoir bénéficier d'une exemption, au motif que, selon les dispositions de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n° 17"), une décision d'application de l'article 85, paragraphe 3, ne peut être rendue aussi longtemps que l'accord en cause n'a pas été notifié. La communication ajoute que, à supposer même qu'il ait été notifié, l'accord d'Helsinki ne remplit pas les quatre conditions nécessaires à l'application de l'article 85, paragraphe 3, la décision d'exemption de l'accord Package Deal de 1984 ayant clairement mis en évidence, en son point 40, que de tels accords, applicables entre les banques et leurs clients, ne sauraient, en toute hypothèse, être considérés comme indispensables au sens de l'article 85, paragraphe 3, sous a) La communication ajoute, à titre surabondant, que de tels accords aboutissent, ainsi que la décision d'exemption le souligne en son point 43, à éliminer totalement la concurrence.

26 Le Groupement, Eurocheque International et les associations des établissements financiers membres d'Eurocheque International ayant adressé à la Commission leurs mémoires en réponse à la communication des griefs, une audition à laquelle ont assisté des représentants de la Commission, des États membres, d'Eurocheque International et du Groupement a eu lieu le 28 novembre 1990.

27 Réunie à Shannon (Irlande) les 9 et 10 mai 1991, l'Assemblée Eurocheque a réaffirmé le principe selon lequel les banques sont libres de décompter une commission à leurs clients commerçants. Toutefois, faisant état des objections constantes de la Commission, l'Assemblée a manifesté son intention de faire preuve de bonne volonté en mettant fin à l'accord d'Helsinki, tout en contestant son caractère anticoncurrentiel. L'Assemblée a chargé un groupe de travail ad hoc de mettre au point un nouvel accord Package Deal.

28 Le 22 mai 1991, le Groupement a informé la Commission de la décision de l'Assemblée Eurocheque de mettre fin aux accords d'Helsinki compte tenu de l'opposition manifestée par les services de la Commission.

29 Le 28 mai 1991, le Groupement a informé ses membres par une lettre circulaire que l'Assemblée Eurocheque avait décidé de mettre fin aux accords d'Helsinki lors de sa réunion des 9 et 10 mai 1991 et que l'acceptation des eurochèques serait désormais totalement indépendante des conditions financières que les établissements du Groupement appliquent pour la remise de paiements par cartes bancaires CB.

30 Le 5 juin 1991, Eurocheque International a informé la Commission qu'elle était disposée à supprimer l'accord d'Helsinki.

31 Le 19 juin 1991, la Commission a adressé au seul Groupement une communication des griefs supplémentaire portant sur l'accord d'Helsinki. A cet égard, la Commission souligne, tout d'abord, que, malgré la notification de l'accord d'Helsinki, elle n'a pas jugé opportun d'interrompre le processus de la communication des griefs qui s'inscrirait dans le cadre plus large d'une communication des griefs portant sur l'ensemble du système Eurocheque. Elle rappelle encore que la communication des griefs, répondant par avance à la notification de l'accord d'Helsinki dont la Commission avait envisagé l'éventualité, avait conclu qu'en tout état de cause les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité ne se trouvaient pas remplies. La Commission ajoute que la notification de l'accord d'Helsinki ne contient aucun élément susceptible de modifier l'appréciation juridique qu'elle a portée sur cet accord dans la communication des griefs, certaines informations factuelles ou certains arguments contenus dans la notification ou avancés ultérieurement par le Groupement confirmant au contraire les griefs auxquels elle avait abouti. La Commission explique que c'est dans un souci du respect absolu des droits des parties qu'elle a estimé opportun de compléter la communication des griefs du 31 juillet 1990 par des considérations relatives à l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, la communication des griefs initiale n'ayant pas répondu aux arguments présentés à cet égard par le Groupement dans sa notification.

32 Le 20 juin 1991, la Commission a adressé à Eurocheque International copie de la communication des griefs supplémentaire "pour information".

33 Le 11 juillet 1991, le Groupement a présenté à la Commission un mémoire en réponse à la communication des griefs supplémentaire.

La décision attaquée

34 La Commission a adopté le 25 mars 1992 la décision 92-212-CEE, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-30717-A - Eurocheque: accord d'Helsinki, JO L. 95, p. 50), qui comporte le dispositif suivant:

"Article premier

L'accord conclu, lors de l'assemblée Eurocheque tenue à Helsinki les 19 et 20 mai 1983, entre les institutions financières françaises et l'assemblée Eurocheque sur l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères, et qui a été d'application du 1er décembre 1983 au 27 mai 1991, constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

Article 2

La demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE en faveur de l'accord mentionné à l'article 1er, pour la période du 16 juillet 1990, date de la notification, au 27 mai 1991, date de l'abandon de l'accord, est rejetée.

Article 3

1 Une amende de 5 000 000 d'écus est infligée au Groupement des cartes bancaires "CB" et une amende de 1 000 000 d'écus à Eurocheque International sc en raison de l'infraction visée à l'article 1er.

2 (omissis)

3 (omissis)

Article 4

(omissis)"

La décision a été notifiée d'abord le 25 mars 1992 et, ensuite, le 31 mars 1992.

Procédure et conclusions des parties

35 C'est dans ces conditions que, par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 25 mai 1992, le Groupement et Eurocheque International ont formé les présents recours (affaires T-39-92 et T-40-92), dont ils ont demandé la jonction.

36 Par ordonnance du 29 juin 1992, le président de la première chambre a joint les affaires T-39-92 et T-40-92 aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l'arrêt.

37 Par lettre adressée au greffe du Tribunal le 8 octobre 1992, Eurocheque International a informé le Tribunal que, le 1er septembre 1992, elle avait fusionné avec Eurocheque International Holdings SA et Eurocard International SA, ces trois sociétés ayant apporté l'intégralité de leurs actifs et passifs à une société nouvellement créée, Europay International SA (ci-après "Europay"), après quoi elles ont été dissoutes Leurs actionnaires étant devenus directement actionnaires de Europay, cette dernière a succédé aux droits et obligations de Eurocheque International. Dans sa réplique déposée le même jour, Europay a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal de lui en donner acte et de lui donner acte de ce qu'elle reprenait en son nom l'instance introduite par Eurocheque International ainsi que tous les moyens et arguments développés par celle-ci.

38 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

39 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 22 septembre 1993.

40 Dans l'affaire T-39-92, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler la décision en toutes ses dispositions applicables au Groupement;

- à titre subsidiaire, annuler l'article 3 de la décision en ce qu'il inflige une amende au Groupement

- à titre encore plus subsidiaire, réduire le montant de l'amende infligée au Groupement dans les proportions que justifient les violations de l'article 15 du règlement n° 17;

- condamner la Commission à tous les dépens.

41 La défenderesse conclut dans cette affaire à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours présenté par le Groupement tendant à l'annulation de la décision 92/212,

- condamner le Groupement aux dépens de l'instance.

42 Dans l'affaire T-40-92, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- annuler les articles 1er, 2 et 3 de la décision attaquée en tant qu'ils concernent la requérante;

- subsidiairement, annuler l'article 3 de la décision;

- très subsidiairement, réduire substantiellement le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 3 de la décision;

- condamner la défenderesse aux dépens.

43 La défenderesse conclut dans cette affaire à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours présenté par Eurocheque International tendant à l'annulation de la décision 92-212 et subsidiairement à la réduction du montant de l'amende infligée à Eurocheque International;

- condamner Eurocheque International aux dépens de l'instance.

Sur le recours dans l'affaire T-40-92

Arguments des parties

44 La requérante soutient que ses droits de la défense ont été violés, car la Commission a omis de notifier la communication des griefs supplémentaire à Eurocheque International. Les points 12, 22, 26, 27 et 28 de cette communication contiendraient des griefs nouveaux par rapport à ceux formulés dans la communication des griefs initiale, notifiée à Eurocheque International. Or, l'article 19 du règlement n° 17, combiné avec les articles 2, 3 et 4 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), requiert que la Commission communique au préalable les griefs qu'elle entend retenir non seulement à la partie notifiante, mais à toutes les parties à l'accord.

45 La défenderesse, pour sa part, allègue que la seconde communication des griefs ne saurait être qualifiée de communication de griefs "supplémentaires", puisqu'elle ne contient ni faits nouveaux ni modification de l'appréciation juridique par rapport à la première. Par conséquent, elle estime que cette seconde communication n'était pas obligatoire et que la requérante ne saurait lui faire grief de l'avoir communiquée pour information à Eurocheque International, sans la lui notifier formellement. Elle ajoute que, en tout état de cause, Eurocheque International a eu l'occasion de faire connaître son point de vue sur cette communication des griefs supplémentaire.

Appréciation du Tribunal

46 Le Tribunal constate que la Commission a adressé à Eurocheque International, en copie et aux seules fins d'information, la communication des griefs supplémentaire, sans lui impartir un délai pour présenter ses observations.

47 Or, il résulte d'une lecture combinée de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et des articles 2 et 4 du règlement n° 99-63 que la Commission doit communiquer les griefs qu'elle fait valoir contre les entreprises et les associations intéressées et ne peut retenir dans ses décisions que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

48 De même, le respect des droits de la défense, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être observé en toutes circonstances, notamment dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, même s'il s'agit d'une procédure administrative, exige que les entreprises et les associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêts de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec p 461, et du Tribunal du 18 décembre 1992, Cimenteries CBR e.a./Commission, T-10-92, T-11-92, T-12-92 et T-15-92, Rec p II-2667).

49 En l'espèce, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la décision attaquée, pour autant qu'elle vise Eurocheque International, repose sur des faits et griefs dont la défenderesse a fait état pour la première fois dans la communication des griefs supplémentaire qui n'a pas été notifiée à Eurocheque International.

50 Le Tribunal relève, en premier lieu, que la décision constate, au point 50, que, depuis le 25 octobre 1985, l'accord d'Helsinki constitue un accord restrictif de la concurrence en raison de sa nature, en ce qu'il fixe le principe de la perception d'une commission et qu'il crée, depuis cette date et pour chaque commerçant affilié au Groupement, un lien indissociable et dépourvu de toute justification entre les paiements par carte bancaire et les paiements par eurochèque.

51 Or, dans la communication des griefs initiale, notifiée à Eurocheque International, la Commission avait conclu, au point 30, que l'accord d'Helsinki constitue "une entente de prix, et qui plus est applicable dans les relations entre banques et clients et pas seulement dans les relations interbancaires, puisque, par cet accord, les banques françaises conviennent, avec l'agrément de l'ensemble de la communauté internationale Eurocheque, d'appliquer à leurs clients commerçants 'une commission du même montant 'que celle qu'elles leur facturent pour les paiements par leur carte bancaire 'CB'". Le Groupement ayant répondu à cette affirmation que "chaque banque détermine librement le montant de la commission facturée à ses commerçants du fait de la suppression depuis 1985 de la fixation des commissions que le commerçant est susceptible de payer à sa banque", la Commission a affirmé, au point 12 de la communication des griefs supplémentaire, que, "même depuis cette date, l'accord demeure restrictif de concurrence à cet égard, puisqu'il crée un lien automatique et dépourvu de toute justification entre deux moyens de paiement fondamentalement différents, l'eurochèque et la carte bancaire 'CB'". Ce faisant, la communication des griefs supplémentaire qualifie l'accord d'Helsinki, à tout le moins pour la période postérieure au 25 octobre 1985, non plus d'entente portant fixation d'une "commission du même montant", mais de mécanisme injustifié de liaison automatique entre l'eurochèque et la carte bancaire.

52 Le Tribunal estime dès lors que la communication des griefs supplémentaire a modifié la nature intrinsèque de l'infraction reprochée à Eurocheque International.

53 Le Tribunal relève, en second lieu, que la décision attaquée constate, au point 51, que, "par ailleurs, si l'on se place dans l'optique du système Eurocheque tel qu'il a été exempté en 1984 par la Commission, l'accord d'Helsinki apparaît être véritablement en contradiction avec le système, qui était fondé, entre autres, sur le principe de fonctionnement que le bénéficiaire d'un eurochèque en reçoit l'intégralité de son montant".

54 Or, en réponse à Eurocheque International, qui avait affirmé que l'accord d'Helsinki réserve aux consommateurs une partie équitable des avantages qui en découlent, la Commission a relevé, au point 27 de la communication des griefs supplémentaire, que " prétendre que l'accord a fait bénéficier les émetteurs d'une réduction des frais qu'ils encourent est oublier que, aux termes du Package Deal de 1980, signé par la communauté bancaire française, le porteur ne devait pas se voir facturer des eurochèques lors de leur utilisation à l'étranger". De même, le point 28 de la communication des griefs supplémentaire qualifie l'accord d'Helsinki de "dérogation majeure à l'accord Package Deal", pour en déduire qu'il n'est ni nécessaire ni indispensable pour atteindre les objectifs des deux premières conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

55 Le Tribunal considère que, en affirmant que l'accord d'Helsinki est contraire à l'accord Package Deal, pour en conclure qu'il ne répond pas aux deuxième et troisième conditions de l'article 85, paragraphe 3, la communication des griefs supplémentaire a élargi la portée des griefs dirigés contre l'accord d'Helsinki.

56 Or, les points 50 et 51 de la décision considèrent que l'accord d'Helsinki constitue un accord sur le principe de la perception d'une commission contraire au système Eurocheque et retiennent donc en substance les griefs et arguments formulés aux points 12, 27 et 28 de la communication des griefs supplémentaire

57 A la lumière des considérations qui précèdent, il convient d'examiner si la requérante a eu l'occasion de faire connaître son point de vue sur ces griefs avant que la Commission n'adopte une décision définitive. A cet égard, il importe de se demander si l'envoi à Eurocheque International d'une copie de la communication des griefs supplémentaire à titre d'information, sans que ne lui soit imparti un délai pour lui permettre de présenter ses observations conformément à l'article 2, paragraphe 4, du règlement n° 99-63, peut suffire.

58 Le Tribunal considère que l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, qui exige que la Commission communique par écrit à chacune des entreprises et associations d'entreprises ou à leur mandataire commun les griefs retenus contre elles, ne l'autorise pas à remplacer, à l'égard de l'une des parties à un accord, la communication des griefs directe par l'envoi, en copie et aux seules fins d'information, de la communication des griefs adressée à une autre partie. En l'espèce, il ne saurait en effet être exclu que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent, si la Commission avait régulièrement notifié à Eurocheque International la communication des griefs supplémentaire et si elle lui avait imparti un délai pour la présentation de ses observations à l'égard des points 12, 27 et 28 de ladite communication.

59 Par ailleurs, il y a lieu de constater que la réponse donnée le 31 juillet 1991 par Eurocheque International aux propositions d'amendement de l'accord Package Deal, que lui avait soumises la Commission le 4 juin 1991, ne constitue pas l'expression d'un point de vue d'Eurocheque International à l'égard des faits et griefs contenus dans la communication des griefs supplémentaire. Elle ne saurait donc démontrer que la requérante a pu faire connaître son point de vue sur ces griefs. En effet, cette lettre avait exclusivement trait auxdites propositions d'amendement de l'accord Package Deal.

60 Il s'ensuit que la Commission a violé les droits de la défense résultant pour la requérante de l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et des articles 2 et 4 du règlement n° 99-63.

61 Par conséquent et sans qu'il soit besoin pour le Tribunal d'examiner les autres moyens invoqués par la requérante à l'appui de son recours, la décision doit être annulée dans la mesure où elle constate l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité dans le chef de Eurocheque International et lui inflige une amende de 1 000 000 d'écus.

62 La constatation d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité ayant ainsi disparu à l'égard de la requérante, le recours T-40-92, en ce qu'il porte sur le refus d'une exemption, est devenu sans objet. Il n'y a pas lieu, par conséquent, de statuer sur la légalité de l'article 2 de la décision à l'égard de la requérante en ce qu'il rejette la demande d'exemption introduite par le Groupement.

Sur le recours dans l'affaire T-39-92

63 Le requérant invoque en substance quatre moyens à l'appui de son recours. Le premier moyen, pris de la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, s'articule en deux branches. Le requérant soutient tout d'abord que la Commission n'a pas établi l'existence d'une entente portant sur les prix. Il fait grief ensuite à la Commission de ne pas avoir correctement délimité le marché en cause. Le deuxième moyen est tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Le troisième moyen est pris de la violation des droits de la défense. Le quatrième moyen est pris de la violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

Premier moyen: violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité

Quant à l'entente de prix

- Arguments des parties

64 Le requérant conteste l'existence d'une entente portant sur les prix. Il fait valoir d'abord que, contrairement à l'affirmation contenue au point 48 de la décision, l'accord d'Helsinki, considéré dans le contexte économique et historique de l'époque, a pour seul objet d'établir un plafond pour la commission à l'encaissement susceptible d'être prélevée par les membres du Groupement pour les paiements par eurochèque étranger, sans pour autant en imposer la perception. La nécessité d'établir un tel plafond découlerait des instructions en vigueur dans le système Eurocheque, qui imposent aux banques de ne pas défavoriser l'eurochèque étranger en cas de prélèvement d'une commission à l'encaissement sur les paiements par chèque national.

65 Le requérant soutient ensuite que l'accord d'Helsinki n'est pas en totale contradiction avec l'accord Package Deal, comme l'affirme le point 16 de la décision. Il soutient que c'est en dénaturant les termes de l'accord Package Deal et de la décision d'exemption de cet accord que la décision constate, au point 51, que l'accord d'Helsinki se trouve en contradiction avec le système Eurocheque, en affirmant qu'il est fondé entre autres sur le principe de fonctionnement que le bénéficiaire d'un eurochèque doit recevoir l'intégralité de son montant.

66 D'une part, le requérant estime que la décision attaquée repose sur une confusion entre la commission interbancaire et la rémunération des services rendus par les banques à leurs clients. Il soutient que, si l'accord Package Deal interdit au commerçant de grever l'émetteur de l'eurochèque d'une commission lors de son utilisation afin de lui assurer le bénéfice de l'intégralité de son montant, il réserve néanmoins à la banque acceptrice la faculté de facturer une commission à ses clients commerçants.

67 D'autre part, le requérant soutient que, à l'exception des Banques populaires et du Crédit mutuel, les banques françaises, non émettrices d'eurochèques uniformes, n'ont pas adhéré aux dispositions de l'accord Package Deal relatives à l'ouverture du secteur non bancaire. A cet égard, il rappelle que, dès 1983, les banques françaises et Eurocheque International en ont informé la Commission, ce dont celle-ci aurait pris acte au point 22 de la décision d'exemption en mentionnant que "certains établissements n'appliquent, toutefois, que partiellement les accords Eurocheque". Le requérant ajoute que, en faisant expressément référence à l'accord d'Helsinki, sans l'exclure du champ de l'exemption et sans conditionner le bénéfice de l'exemption à son abrogation ou à sa modification, la décision d'exemption de l'accord Package Deal a nécessairement entraîné l'exemption de l'accord d'Helsinki.

68 Finalement, le requérant fait grief à la Commission d'avoir méconnu le contexte historique de l'évolution des systèmes de paiement en France, caractérisé par le remplacement du chèque non garanti par les cartes de paiement et de retrait, pour en déduire que l'accord d'Helsinki constitue le second volet d'une entente plus fondamentale visant à éliminer l'eurochèque, l'autre volet étant l'interdiction d'émettre des eurochèques à usage national. Le requérant ajoute que, loin d'avoir contribué à entraver le développement des eurochèques en France, l'accord d'Helsinki a eu des effets bénéfiques pour l'acceptation des eurochèques étrangers dans les commerces français, dont le nombre a sensiblement augmenté depuis 1984.

69 A cet égard, le Groupement soutient que la Commission a violé les principes établis par la Cour et par le Tribunal en s'abstenant d'apprécier les effets de l'accord d'Helsinki sur la concurrence (voir les arrêts de la Cour du 30 juin 1966, Société technique minière, 56-65, Rec p. 337, du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42-84, Rec p. 2545, et l'arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61-89, Rec. p. II-1931). En comparant systématiquement la situation résultant de la mise en œuvre de l'accord d'Helsinki avec celle qui aurait prévalu en cas d'application de l'accord Package Deal, la Commission n'aurait pas apprécié correctement les effets de l'accord d'Helsinki sur la concurrence et n'aurait donc pu en établir le caractère anticoncurrentiel.

70 La Commission soutient, en premier lieu, que l'utilisation du futur de l'indicatif "percevront" au paragraphe 3 de l'accord d'Helsinki traduit de manière évidente l'affirmation d'une obligation de facturer une commission à la charge des commerçants. Rappelant que l'accord stipule que les commerçants affiliés accepteront les eurochèques étrangers aux mêmes conditions que celles du Groupement, la défenderesse fait valoir que l'accord d'Helsinki ne porte pas seulement sur le principe de la commission, mais également sur son montant. En effet, à l'époque de l'accord d'Helsinki, les conditions pratiquées par le Groupement auraient été identiques pour l'ensemble de ses membres. Ce ne serait qu'ultérieurement, à partir du 25 octobre 1985, que, la tarification uniforme appliquée par les membres du Groupement ayant été abandonnée, l'accord d'Helsinki serait devenu un accord portant non plus sur une commission unique, mais sur une commission modulée selon les pratiques des différents établissements bancaires en matière de paiement par carte bancaire.

71 La Commission fait valoir, en deuxième lieu que le principe de la perception intégrale du montant de l'eurochèque par son bénéficiaire, tel qu'il résulte de l'accord Package Deal, n'exclut certes pas la possibilité de percevoir une commission auprès de l'émetteur de l'eurochèque, mais que l'accord Package Deal a été exempté grâce au principe du paiement intégral de l'eurochèque à son bénéficiaire. Elle ajoute cependant que, en tout état de cause, l'illégalité de l'accord d'Helsinki ne tient pas au fait qu'il ne respecte pas le " principe de gratuité ", mais au fait qu'il constitue un accord portant sur les prix pratiqués auprès des clients des établissements bancaires.

72 La Commission rappelle, en troisième lieu, que les banques françaises avaient adhéré à l'accord Package Deal. Selon les termes du formulaire A/B de notification du 7 juillet 1982, " participent à l'accord tous les organismes financiers représentés par chacun des groupements internationaux ", c'est-à-dire pratiquement tous les organismes financiers de chacun des pays des groupements nationaux parmi lesquels figure l'AFB.

73 Le Commission relève, en quatrième lieu, que la référence à l'entrave au développement des eurochèques nationaux en France, doit être comprise comme un élément d'explication du contexte national de l'accord incriminé, sans pour autant constituer un grief visant à qualifier d'entente l'interdiction faite aux membres du Groupement d'émettre des eurochèques à usage national.

74 La Commission affirme, en cinquième lieu, n'avoir disposé, jusqu'à la notification de l'accord d'Helsinki lui-même, que d'éléments d'information partiels sur les termes de l'accord et réfute l'allégation du Groupement selon laquelle la mention, dans la décision d'exemption, du fait que l'accord Package Deal n'était appliqué que partiellement par les membres du Groupement ayant ouvert leur réseau de commerçants, à l'eurochèque aurait étendu à l'accord d'Helsinki le bénéfice de l'exemption accordée à l'accord Package Deal.

75 La Commission soutient, en dernier lieu, que, malgré la progression du nombre des eurochèques acceptés en France entre 1984 et 1990, la nature anticoncurrentielle de l'entente subsiste. Elle conteste la valeur probante de l'argument tiré de cette progression, alors que celle-ci ne peut être comparée à celle qui aurait pu être enregistrée en l'absence de l'accord d'Helsinki. La défenderesse allègue que l'accord d'Helsinki a eu pour effet de rendre les paiements par eurochèque moins attractifs pour les commerçants français que tel aurait été le cas s'ils avaient continué à recevoir le paiement intégral du montant de l'eurochèque, conformément à l'accord Package Deal.

- Appréciation du Tribunal

76 Le Tribunal rappelle liminairement que, dans un arrêt rendu le 30 janvier 1985, BNIC (123-83, Rec. p. 391), la Cour a retenu qu'un accord conclu par deux groupements d'opérateurs économiques doit être considéré comme " un accord ente entreprises ou associations d'entreprises ". Or, en l'espèce, l'appartenance à l'association entraîne, en vertu de l'acte constitutif de l'association, l'adhésion de ses membres aux décisions prises par les origines directeurs du Groupement.

77 Il s'ensuit que l'accord d'Helsinki doit s'analyser comme un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, conclu entre les deux groupements d'opérateurs économiques que constituent le Groupement des cartes bancaires " CB " et Eurochèques International.

78 En vue d'établir si l'accord d'Helsinki constitue une entente de prix au sens de l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité, il convient de déterminer la portée des termes de l'accord d'Helsinki.

78 Le Tribunal constate que la phrase introductive de l'accord d'Helsinki stipule que les commerçants affiliés au Groupement Carte Bleue et/ou à Eurocard France " accepteront " les eurochèques étrangers émis en France pour le paiement de biens et de services " aux mêmes conditions " que celles qu'ils appliquent aux paiements par Carte bleue et Eurocard, tandis que, selon les termes du paragraphe 3 de l'accord, les banques et institutions financières françaises, membres du Groupements, " percevront " à la charge de ces mêmes commerçants, pour les achats réglés par eurochèque, une commission qui " ne peut être supérieure " à celle perçue à leur charge pour les paiements par carte.

80 Or, il convient de relever que, contrairement à ce que semble considérer la Commission, la phrase introductive de l'accord, en ce qu'elle impose de pratiquer " les mêmes conditions ", concerne la relation entre les commerçants affiliés au Groupement et leurs clients, tandis que le paragraphe 3 de l'accord a trait à la relation entre les banques et les commerçants. Par conséquent, il ne saurait résulter de la combinaison de ces deux éléments de l'accord que ce dernier a pour objet de fixer le montant de la commission que percevront les banques à la charge des commerçants qui leur présentent l'encaissement des eurochèques étrangers émis auprès d'eux en paiement de biens et services.

81 Au surplus, si, par les termes "mêmes conditions", la phrase introductive de l'accord, comme le prétend la Commission, visait le montant de la commission perçue, le paragraphe 3 de l'accord serait superflu voire contradictoire en ce qu'il prévoit un plafond pour cette commission. En effet, si les "mêmes conditions" visaient un montant, il serait surabondant de prévoir un plafond et contradictoire de permettre, par la fixation d'un tel plafond, que puisse être perçue une commission inférieure au montant visé par ces "mêmes conditions". Par conséquent, la phrase introductive de l'accord, sous peine de vider le paragraphe 3 de sa substance, ne saurait être interprétée comme étant constitutive d'un accord sur le montant de la commission, ainsi que le soutient le point 49 de la décision attaquée.

82 Cette analyse est corroborée par la lettre adressée le 13 novembre 1984 par la Caisse nationale de Crédit Agricole à la Commission. Selon cette lettre, les caisses régionales du Crédit Agricole appliquaient aux commerçants leur remettant à l'encaissement des eurochèques une commission approuvée en octobre 1983 par la communauté Eurochèque dont le taux était " au plus égal " à celle perçue sur les paiements par carte.

83 Le Tribunal constate en outre que, en dépit des questions posées à cet égard à l'audience, la défenderesse n'a fourni aucun élément de nature à établir que les membres du Groupement ont épuisé, la marge offerte par le paragraphe 3 de l'accord d'Helsinki et ont, en règle générale, appliqué à leurs clients commerçants, pour les paiements par eurochèque, des commissions équivalentes à celles facturées pour les paiements par cartes bancaires " CB ", ainsi que l'affirme le point 47 de la décision. Ainsi, en réponse à une question du Tribunal, le représentant de la Commission a expliqué que la finalité même du plafonnement de la commission, lequel aurait visé à prévenir le prélèvement de commissions trop élevées, rendrait peu probable voire impossible le prélèvement par les membres du Groupement de commissions inférieures au plafond établie par l'accord d'Helsinki. Le Tribunal considère que, à défaut de commencement de preuve, cette explication n'est pas de nature à étayer l'affirmation de la défenderesse.

84 Il s'ensuit que l'obligation imposée par l'accord d'Helsinki aux membres du Groupement de facturer aux commerçants qui leur sont affiliés une commission à l'encaissement ne peut être regardée comme une entente portant fixation d'un prix identique à observer dans les contrats des tiers, au sens de la jurisprudence de la Cour (voir arrêts BNIC, précité, du 3 juillet 1985, Binon, 243-83, Rec. p. 2015, du 11 juillet 1989, Belasco e.a./Commission, 246-83, Rec. p. 2117), contrairement à ce qu'affirme le point 49 de la décision.

85 Toutefois, le Tribunal estime que les membres du Groupement, en souscrivant l'obligation de prélever à la charge des commerçants qui leur sont affiliés une commission à l'encaissement de l'eurochèque tiré sur une banque étrangère, distincte de la commission interbancaire qui leur est servie en vertu de l'accord Package Deal par la banque tirée, se sont privés mutuellement de la liberté de se satisfaire éventuellement de ladite commission interbancaire comme rémunération du service d'encaissement de l'eurochèque rendu au commerçant.

86 Il en résulte que l'accord d'Helsinki a eu pour objet de restreindre de manière sensible la liberté de comportement des membres du Groupement et constitue donc une entente sur la perception d'une commission, contraire en tant que telle à l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité. Par conséquent, c'est à juste titre que la Commission, en faisant référence à sa décision 87-13-CEE du 11 décembre 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV-261-A - Association Belge des banques, JO 1987, L. 7, p. 27), a constaté au point 50 de la décision attaquée, que l'accord d'Helsinki constitue un accord sur le principe de la perception d'une commission et qu'il est, par nature, restrictif de concurrence.

87 Dès lors, l'accord d'Helsinki a pour objet de restreindre la concurrence, la prise en considération des effets concrets de l'accord n'est pas nécessaire (arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429, BNIC, précité, du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission, 45-85, Rec. p. 405, et du 11 janvier 1990, Sandoz prodotti farmaceutici/Commission , C-277-87, Rec. p. I-45).

88 Quant au fait que certaines banques auraient renoncé à opérer le prélèvement de la Commission litigieuse, il convient d'observer, au surplus et en tout état de cause, que, en soutenant dans ses mémoires que la commission litigieuse puise sa justification dans la nécessité de rémunérer le service rendu au commerçant et qu'elle traduit le souci de prévenir toute discrimination de l'eurochèque par rapport au chèque ordinaire, le requérant admet que les membres du Groupement, en concluant l'accord d'Helsinki, ont eu pour objectif de rendre obligatoire et effective la rémunération du service d'encaissement de l'eurochèque rendu par les banques à leurs clients commerçants. Cet élément contredit l'affirmation selon laquelle les membres du Groupement ne se seraient pas conformés en fait à l'obligation résultant pour eux de l'accord d'Helsinki, de grever leurs affiliés d'une commission à l'encaissement pour les paiements par eurochèque.

89 S'agissant de l'affirmation, contenue à la fin du point 50, que l'accord d'Helsinki, combiné avec l'interdiction faite aux banques françaises par le protocole d'accord du 31 juillet 1984 d'émettre des eurochèques à usage national, aurait contribué à entraver le développement des eurochéques nationaux en France, le Tribunal estime que la simple mention de l'accord d'Helsinki comme élément d'une prétendue stratégie globale mise en œuvre par le Groupement pour enrayer tout à la fois l'émission de l'eurochèque en France et l'utilisation de l'eurochèque étranger en France, ne visait pas à étendre l'incrimination de l'entente, retenue au point 50, aux eurochèques nationaux français. En effet, il s'agit là d'une considération qui a pour but de situer l'entente de prix dans son contexte, sans que cette considération soit nécessaire pour étayer la constatation de cette infraction.

90 Par ailleurs, en ce qui concerne les points 16 et 51 de la décision, le Tribunal considère qu'il est sans intérêt pour la solution du présent litige de savoir si les termes de l'accord Package Deal tolèrent ou non le prélèvement à la charge des commerçants d'une commission rémunérant le service d'encaissements de l'eurochèque. En effet, à supposer même que l'accord Package Deal tolère la perception d'une telle commission, le fait même d'en imposer le prélèvement par voie d'accord enfreint l'article 85, paragraphe 1 sous a), du traité.

91 Finalement, le Tribunal estime que la simple mention de l'accord d'Helsinki dans les motifs de la décision d'exemption de l'accord Package Deal n'a pu avoir pour effet d'étendre à l'accord d'Helsinki le bénéfice de l'exemption accordée à l'accord Package Deal. En effet, le dispositif de la décision exemptant l'accord Package Deal ne vise pas l'accord d'Helsinki. La référence contenue dans les motifs de cette décision à la situation française résultant de l'accord d'Helsinki n'avait d'autre but que d'indiquer que cette situation ne faisait pas obstacle au principe de l'octroi d'une exemption à l'accord Package Deal.

92 Il découle de l'ensemble de ces considérations que la première branche du moyen, tirée de l'absence d'entente sur les prix, est fondée pour autant que la décision constate au point 49 que l'accord d'Helsinki constitue un accord sur le montant d'une commission et qu'elle doit être rejetée pour le surplus.

Quant à la délimitation du marché en cause

- Arguments des parties

93 Le Groupement relève, en premier lieu, que le point 8 de la décision attaquée vise, pour la première fois, le marché " de l'ensemble des moyens de paiement internationaux chez les commerçants français ". Or, en fondant son refus d'accorder l'exemption sur le faible degré de concurrence sur le marché de l'ensemble des moyens de paiements internationaux utilisés auprès des commerçants français, la Commission l'aurait privé de la possibilité de présenter son point de vue sur la définition et les caractéristiques du marché par référence auquel elle a apprécié l'atteinte à la concurrence qui lui est reprochée.

94 La requérante rappelle que la définition adéquate du marché en cause constitue une condition nécessaire et préalable à tout jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel (voir l'arrêt de la Cour du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission, 6-72, Rec. p. 215, et l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68-89, T-77-89 et T-78-89, Rec. p. II-1403).

95 En l'espèce, il fait grief à la décision, en premier lieu, de se référer à trois marchés distincts pour définir le marché sur lequel aurait eu lieu la prétendue infraction : celui des eurochèques émis par des banques établies en France, celui des eurochèques émis en francs français chez 500 000 commerçants français adhérant au système de paiement par carte du Groupement par les porteurs de cartes Eurochèque non émises par des banques établies en France et celui de l'ensemble des moyens de paiement internationaux chez les commerçants français.

96 Le requérant considère que cette définition du marché " à trois niveaux ", dépourvue de toute justification, constitue une violation de l'article 85 du traité. En effet, si le marché pertinent devait être celui des moyens de paiements internationaux utilisés en France, la prétendue infraction, qui ne porte que sur les eurochèques étrangers remis aux commerçants français, ne saurait avoir d'effet sensible sur ledit marché en raison du fait que le volume des eurochèques étrangers remis aux commerçants français est infime par rapport au volume de l'ensemble des moyens de paiement qui leur sont remis.

97 En outre, le Groupement fait grief à la Commission de ne pas avoir analysé la substituabilité des eurochèques étrangers émis auprès des commerçants français avec d'autres moyens de paiement dans la mesure où une telle analyse l'aurait conduite à considérer que les eurochèques étrangers émis en France en constituaient pas un marché spécifique.

98 Il soutient, en second lieu, que si le marché pertinent est celui des eurochèques étrangers remis aux commerçants français, tous les griefs retenus aux points 32, 50, 59 et 82 de la décision, qui ont trait à une restriction de la concurrence entre les eurochèques et les paiements par carte, débordent du marché tel qu'il a été défini dans la décision. Il ajoute que si ce marché doit être retenu, les griefs formulés aux points 50, 59, 60 à 65 et 66 de la décision débordent également du marché ainsi défini puisque les eurochèques nationaux délivrés par les établissements français ne font pas partie de ce marché.

99 La défenderesse estime que le marché pertinent est celui des moyens de paiement internationaux utilisés auprès des commerçants français et que, à l'intérieur de ce marché, il convient de distinguer un sous-marché constitué parles eurochèques émis en France, par des porteurs de cartes Eurocheque non émises par des banques établies en France, auprès des commerçants affiliés au Groupement. On ne saurait faire grief à la Commission de ne pas avoir retenu comme marché pertinent le seul marché des eurochèques.

100 La défenderesse fait observer finalement que la référence à une entrave au développement des eurochèques nationaux en France a pour seul but d'expliquer le contexte national dans lequel s'est inscrit l'accord d'Helsinki, sans pour autant constituer un grief séparé.

- Appréciation du Tribunal

101 Le Tribunal relève que le point 8 de la décision définit le marché concerné comme étant " celui des eurochèques émis à l'étranger, et plus spécifiquement celui des eurochèques émis en francs français chez les 500 000 commerçants français adhérents au système de paiement par carte du Groupement par des porteurs de cartes Eurocheques non émises par des banques établies en France, et, à un second niveau, celui de l'ensemble des moyens de paiement internationaux chez les commerçants français. " En son point 76, elle précise que le premier niveau auquel il convient d'apprécier l'atteinte portée par l'accord d'Helsinki à la concurrence est, en l'espèce, le " marché directement concerné, c'est à dire celui des eurochèques étrangers émis dans le secteur du commerce en France ". Le fait que la décision ne vise que le seul marché des eurochèques étrangers émis dans le secteur du commerce en France est corroboré par ses points 50 et 56. Au premier, elle constate que l'accord d'Helsinki " a eu pour effet de rendre les paiements par eurochèques moins attractifs pour les commerçants français ". Au second, elle met en évidence que l'accord d'Helsinki porte sur les chèques émis dans un Etat membre par des ressortissants d'un autre Etat membre et a un effet particulièrement sensible sur les échanges intra-communautaires en raison du fait que " la France est le premier pays accepteur d'eurochèques " de la Communauté.

102 La Commission admet certes, au point 77 de la décision, qu' " un second niveau auquel apprécier la concurrence pourrait être, subsidiairement celui de l'ensemble des moyens de paiement internationaux utilisés chez les commerçants français ". Néanmoins, en soulignant dans le même contexte que " la concurrence est généralement limitée, pour des raisons de fait, entre ces divers moyens de paiement ", la décision justifie pourquoi elle a apprécié, en l'espèce, l'atteinte à la concurrence au premier niveau, c'est à dire à celui du marché des eurochèques étrangers émis dans le commerce en France.

103 Il ressort de l'intitulé même de l'accord d'Helsinki qu'il régit " l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères ". En raison de son volume, le marché des eurochèques étrangers émis dans le commerce en France, seul visé par l'accord d'Helsinki, constitue un marché spécifique suffisamment homogène qui est distinct du marché des autres moyens de paiement internationaux, sur lequel les membres du Groupement se font concurrence.

104 Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a constaté, au point 76 de la décision, que le marché directement concerné par l'accord d'Helsinki est celui des eurochèques émis dans le secteur du commerce en France.

105 Il résulte de l'ensemble de ces considérations que la seconde branche du moyen tirée de la délimitation erronée du marché doit être rejetée.

Deuxième moyen : violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité

Arguments des parties

106 Le requérant soutient que la Commission a violé l'article 85, paragraphe 3, du traité en lui refusant l'octroi de l'exemption demandée pour l'accord d'Helsinki. Elle aurait méconnu chacune des quatre conditions d'application de cette disposition et dénaturé les faits de l'espèce.

107 En particulier, le requérant fait valoir, en ce qui concerne la troisième condition, relative au caractère indispensable de la restriction de concurrence, que c'est en partant de la prémisse erronée que les banques françaises auraient adhéré à l'accord Package Deal que la Commission a considéré à tort, au point 72 de la décision, que l'accord d'Helsinki ne revêtait pas un tel caractère.

108 La Commission réplique que l'accord d'Helsinki ne remplit aucune des quatre conditions nécessaires à l'octroi d'une exemption. En ce qui concerne en particulier la troisième condition, elle rappelle qu'elle a constaté au point 72 de la décision que la restriction à la concurrence résultant pour les membres du Groupement de l'obligation de percevoir une commission sur les commerçants acceptant des eurochèques n'est pas indispensable pour atteindre les objectifs de l'accord Package Deal du fait que ce dernier exclut précisément le perception d'une commission auprès du bénéficiaire de l'eurochèque.

Appréciation du Tribunal

109 Le contrôle exercé par le Tribunal sur les appréciation économiques complexes effectuées par la Commission à l'occasion de l'usage qu'elle fait de la marge d'appréciation que lui confère l'article 85, paragraphe 3 du traité, à l'égard de chacune des quatre conditions, doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir (voir les arrêts de la Cour Remia e.a./Commission, précité et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487).

110 Eu égard au caractère cumulatif des conditions nécessaires à l'octroi de l'exemption (voir les arrêts de la Cour Consten et Grundig/Commission, précité, et du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19), la décision attaquée, pour autant qu'elle refuse le bénéfice de l'exemption, n'est susceptible d'annulation que si le contrôle du Tribunal fait apparaître que la Commission a manqué à ses obligations à l'égard de chacune de ces quatre conditions.

111 Aux termes de l'article 85, paragraphe 3, du traité, une exemption ne peut être accordée que si l'accord n'impose aux entreprises intéressées que des restrictions de concurrence indispensables pour atteindre les objectifs visés par ce paragraphe.

112 En l'espèce, il y a lieu d'examiner si c'est à bon droit que la Commission a considéré que les restrictions de concurrence résultant de l'accord d'Helsinki n'étaient pas indispensables pour favoriser l'acceptation de l'eurochèque étranger en France.

113 A cet égard, le Tribunal considère que, à supposer même que l'accord d'Helsinki ait été nécessaire pour obliger les commerçants affiliés au Groupement d'accepter les eurochèques étrangers émis en francs français pour le paiement de bien et de services, il n'était pas indispensable d'imposer aux membres du Groupement de prélever, auprès de leur clients commerçants, une commission pour les paiements par eurochèque étranger. En effet, les membres du Groupement auraient pu, comme les banques françaises ne relevant pas du Groupement se contenter, comme rémunération du service rendu, de la commission interbancaire qui leur est servie, en vertu de l'accord Package Deal, par la banque tirée, au lieu de se priver, par voie d'entente, de la liberté de s'abstenir de prélever, auprès des commerçants qui leur sont affiliés une commission pour les paiements par eurochèque étranger.

114 Il s'ensuit qu'en l'espèce le requérant n'a pas établi que les restrictions de concurrence résultant de l'accord d'Helsinki n'allaient pas au-delà de ce qui était strictement nécessaire pour atteindre les objectifs de l'accord Package Deal (voir en particulier les arrêts de la Cour du 8 juin 1982, Nungesser et Eisele/Commission, 25-78, Rec. p. 2015, et Verband der Sachversicherer/Commission, précité ; l'arrêt du Tribunal du 9 juillet 1992, Publishers Association/Commission, T-66-89, Rec. p. II-1995). Dès lors, la tribunal estime que c'est à bon droit que la décision, au point 72, a rejeté la demande d'exemption du requérant au motif que l'accord d'Helsinki ne pouvait être envisagé comme une restriction indispensable pour atteindre les objectifs de l'accord Package Deal.

115 Il en résulte que le moyen tiré de la violation de l'article 85, paragraphe 3, du traité doit être rejeté. Il est superflu, par conséquent, d'examiner les moyens relatifs aux autres conditions d'exemption.

Troisième moyen : violation des droits de la défense

Arguments des parties

116 La requérante soutient, tout d'abord, que la Commission a violé ses droits de la défense en formulant, aux points 8 et 50 de la décision, des griefs nouveaux par rapport à ceux qui avaient été formulés dans la communication des griefs. Le point 8 de la décision viserait, pour la première fois, le marché " de l'ensemble des moyens de paiement internationaux chez les commerçants français ". Ce changement de définition du marché en cause aurait privé le requérant de la possibilité de présenter ses moyens de défense au regard de cette nouvelle définition du marché par référence à laquelle a été appréciée l'atteinte à la concurrence reprochée. Le point 50, quant à lui, en affirmant que l'accord d'Helsinki a " contribué à entraver le développement des eurochèques nationaux en France ", aurait introduit un grief nouveau par rapport à ceux énoncés aux points 32 et 33 de la communication des griefs, qui avait circonscrit le marché comme étant celui des eurochèques étrangers remis au paiement en France et considéré que l'accord produisait des effets pervers entre les banques françaises et les banques étrangères ainsi qu'entre les commerçants français et les commerçants étrangers.

117 Le requérant fait grief, ensuite, à la Commission d'avoir privé le Groupement de son droit à un procès équitable, en alléguant l'existence d'une opposition d'intérêts entre le groupement et Eurocheque international et en affirmant, sans en administrer la preuve, que l'accord d'Helsinki a clairement un objet anticoncurrentiel, car voulu, voire exigé, par l'ensemble de la communauté bancaire française.

118 Le requérant considère, en outre, que la Commission, en prenant pour acquis que les banques françaises ne respectaient pas l'accord Package Deal, et notamment le principe de gratuité de l'eurochèque, a persisté dans son refus de répondre aux arguments du Groupement et s'est abstenue d'examiner les arguments décisifs qui auraient pu la conduire à accorder une exemption. Il y voit une violation de l'obligation de motivation. Il en irait de même pour la définition du ou plutôt des marchés en cause.

119 Le requérant reproche encore à la Commission d'avoir adopté la décision portant sur l'accord d'Helsinki avant l'adoption d'une décision relative à la demande de renouvellement de l'exemption de l'accord Package Deal. A cet égard, il relève que la Commission affirme que " l'accord d'Helsinki est en totale contradiction avec l'accord Package Deal, qui régit l'utilisation des eurochèques à l'étranger ", alors qu'elle ne s'est pas encore prononcée sur l'accord Package Deal. Ce faisant, la Commission aurait privé le Groupement des éléments nécessaires à sa défense dans le cadre du présent recours.

120 En dernier lieu, le Groupement fait grief à la Commission d'avoir détourné et excédé ses pouvoirs en utilisant la procédure relative à l'accord d'Helsinki aux fins, d'une part, de contraindre Eurocheque International a accepter des modifications substantielles à l'accord Package Deal et, d'autre part, d'imposer l'eurochèque comme moyen de paiement privilégié dans la Communauté.

121 La défenderesse conteste avoir porté atteinte aux droits de la défense du requérant. Elle rappelle, d'abord, que les points 8 et 50 de la décision ne formulent pas de griefs nouveaux et qu'elle était en droit de préciser, dans la décision, la définition du marché pertinent au regard notamment des éléments résultant de la procédure administrative. La défenderesse conteste, ensuite, avoir manqué d'objectivité. D'une part, il ne saurait lui être reproché d'avoir permis aux parties ayant des intérêts divergents de présenter leurs propres moyens et arguments et d'avoir mis l'accent sur les points qu'elle considérait comme essentiels, en l'occurrence le non-respect par le Groupement de l'accord Package Deal en ce qui concerne le secteur non-bancaire. D'autre part, elle aurait suffisamment répondu à tous les arguments soumis au cours de la procédure administrative. L'élément fondamental de la décision attaquée reprosant sur l'existence d'un accord sur les prix à appliquer aux clients des établissements bancaires, la question de la contrariété entre l'accord Package Deal et l'accord d'Helsinki demeurerait en tout état de cause, sans intérêt pour l'appréciation de l'accord d'Helsinki.

Appréciation du Tribunal

122 Le Tribunal constate, en l'espèce, qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, tel qu'il a été opéré par la Commission dans l'acte attaqué, que la Commission a suffisamment pris en compte les arguments du Groupement relatifs aux faits et circonstances juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la présente affaire et qu'il n'y a pas, dès lors, une violation de l'obligation de motivation.

123 Le Tribunal constate, en outre, qu'il résulte tant des rétroactes de la procédure administrative que des motifs de la décision que la procédure dont la décision attaquée constitue l'aboutissement a eu pour seul objectif d'incriminer et de sanctionner l'obligation faite aux membres du Groupement, en violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de prélever à la charge des commerçants qui leur sont affiliés, une commission à l'encaissement des eurochèques étrangers.

124 S'agissant du reproche tiré de l'introduction de griefs nouveaux, il suffit de rappeler que la simple mention, dans la décision, de l'entrave au développement des eurochèques nationaux, ne vise pas à étendre l'incrimination de l'entente, mentionnée, dans la phrase finale au point 50 de la décision, aux eurochèques français. De même, pour ce qui concerne le point 8 de la décision, le Tribunal rappelle que la mention du marché de l'ensemble des moyens de paiement internationaux chez les commerçants français ne vise pas à modifier la définition du marché en cause retenue par la décision par rapport à celle retenue dans la communication des griefs, à savoir le marché des eurochèques émis dans le secteur du commerce en France. Par conséquent, les points 50 et 8 de la décision ne peuvent être qualifiés de griefs nouveaux.

125 S'agissant du grief prix de la disjonction de la procédure relative à l'accord d'Helsinki de celle relative au renouvellement de l'exemption de l'accord Package Deal, le Tribunal considère que l'intérêt d'une bonne administration requiert que la Commission puisse statuer à l'égard d'un accord qui lui a été dûment notifié sans devoir attendre l'aboutissement de l'instruction portant, comme en l'espèce, sur un accord détachable de l'accord notifié. Il s'ensuit qu'en statuant sur l'accord d'Helsinki la Commission n'a pas porté atteinte aux droits de la défense du requérant.

126 Il en résulte que le moyen tiré de la violation des droits de la défense doit être écarté.

Quatrième moyen : violation de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17

Arguments des parties

127 Le requérant demande, à titre subsidiaire, l'annulation de l'article 3 du dispositif de la décision en ce qu'il lui inflige une amende et, à titre encore plus subsidiaire, la réduction du montant de l'amende.

128 Le Groupement reproche, tout d'abord, à la Commission d'avoir méconnu l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 en lui infligeant, en tant qu'association d'entreprises dotée d'une personnalité juridique distincte de celles de ses membres, une amende dépassant le seuil de 1 000 000 d'écus. A cet égard, il fait valoir que, en tant qu'association d'entreprises, il n'exerce aucune des activités qui caractérisent celles exercées par les entreprises et que, par conséquent, l'amende qui lui a été infligée au Groupement ne saurait excéder 1 000 000 d'écus. Selon le requérant, la participation à une infraction doit être établie individuellement, la simple adhésion d'une entreprise à une association d'entreprises ne présumant pas de façon irréfragable la participation de cette entreprise à une infraction commise par l'association. En fondant sa décision sur une telle présomption la Commission aurait violé gravement le principe de la personnalité des peines et les droits élémentaires de la défense.

129 Le requérant ajoute que la fixation de l'amende infligée au Groupement en fonction des profits réalisés par des tiers qui n'ont pas été impliqués dans la procédure administrative constitue une violation du principe de la personnalité des peines qui fait partie intégrante du droit communautaire.

130 De surcroît, la Commission n'aurait pas tenu compte de l'atténuation de la gravité de l'infraction résultant de l'abandon, en 1985, de la tarification uniforme des commissions prélevées pour les paiements par carte bancaire " CB ".

131 Finalement, le requérant conteste l'existence de circonstances aggravantes en alléguant qu'il est contraire aux principes fondamentaux du droit d'invoquer une infraction non établie, à savoir l'entrave au développement de l'eurochèque national en France, comme circonstance aggravante d'une autre infraction. De même, le requérant estime qu'il ne saurait être fait grief au Groupement ou aux banques françaises d'avoir dissimulé à la Commission une information importante ou d'avoir manqué de loyauté à son égard.

132 La Commission répond, d'abord que les dispositions de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 lui permettent d'infliger une amende correspondant à 10 % du chiffre d'affaires réalisé par chacun des membres d'une association d'entreprises ayant enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Elle soutient que ce sont en réalité les entreprises membres de l'association qui prennent la décision de l'association et qui participent ainsi à l'infraction à travers l'association. L'interprétation défendue par le requérant aurait pour effet de vider l'article 85, paragraphe 1, et l'article 15 du règlement n° 17 de leur substance et de leur force, car, il suffirait alors à des entreprises réalisant des chiffres d'affaires très importants et décidées à enfreindre l'article 85, paragraphe 1, de constituer une association et de faire prendre, ensuite, par cette association, des décisions contraires aux dispositions dudit article pour éviter que la Commission ne puisse prononcer d'amende supérieure à 1 000 000 d'écus, quelle que soit la gravité de l'infraction commise et quelle que soit l'importance des entreprises tirant bénéfice de l'infraction.

133 La défenderesse fait valoir ensuite que, pour déterminer le montant de l'amende, elle a procédé à une estimation approximative du bénéfice retiré par les banques françaises de l'application de l'accord d'Helsinki et que celle-ci n'a constitué qu'un des éléments pris en compte pour fixer l'amende, la décision n'établissant aucun lien direct entre cette estimation et le montant de l'amende.

134 S'agissant de la gravité de l'infraction, la Commission estime, d'une part, que l'accord d'Helsinki, en tant qu'entente de prix applicable dans les relations avec des clients, constitue une restriction de concurrence particulièrement grave et affirme, d'autre part, avoir pris en compte, pour apprécier la gravité de l'infraction, l'atténuation résultant de l'abandon de la tarification uniforme des commissions constatée au point 50, atténuation qui serait explicitement mentionnée à ce point de la décision auquel le point 78 de la décision renvoie en se référant aux points 46 et suivants de la décision. De même, la Commission aurait pris en considération le fait qu'il s'agissait du premier cas d'amende infligée dans le secteur bancaire.

135 Par contre, la Commission fait valoir qu'elle était fondée à retenir le manque de coopération des parties comme circonstance aggravante, mais que l'entrave au développement des eurochèques nationaux en France n'a été constatée que pour décrire le contexte de l'entente. Il ne s'agirait pas d'un élément de l'infraction sanctionné par l'amende infligée par la décision.

Appréciation du Tribunal

136 Le Tribunal considère que l'utilisation du terme générique " infraction " à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, en ce qu'il couvre sans distinction les accords, les pratiques concertées et les décisions d'associations d'entreprises, indique que les plafonds qui sont prévus par cette disposition s'appliquent de la même manière aux accords et pratiques concertées, ainsi qu'aux décisions d'associations d'entreprises. Il s'ensuit que le plafond de 10 % du chiffre d'affaires doit être calculé par rapport au chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises parties auxdits accords et pratiques concertées ou par l'ensemble des entreprises membres desdites association d'entreprises, à tout le moins lorsque, en vertu de ses règles internes, l'association peut engager ses membres.

137 Le bien-fondé de cette analyse est corroboré par le fait que, en fixant le montant des amendes, on peut tenir compte, entre autres, de l'influence que l'entreprise a pu exercer sur le marché, notamment en raison de sa taille et de sa puissance économique sur lesquelles le chiffre d'affaires de l'entreprise donne des indications (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100-83 à 103-83, p. 1825, points 120 et 120) ainsi que de l'effet dissuasif que doivent exercer ces amendes (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12-89, Rec. p. II-907, point 309). En effet, l'influence qu'à pu exercer sur le marché une association d'entreprises ne dépend pas de son propre " chiffre d'affaires ", qui ne révèle ni sa taille ni sa puissance économique mais bien du chiffre d'affaires de ses membres qui constitue une indication de sa taille et de sa puissance économique.

138 En l'espèce, il ressort des articles 11 et 12 de l'acte constitutif du Groupement que ce dernier peut engager ses membres, et son article 9 dispose que ses membres sont solidairement et indéfiniment responsables de tous les engagements du Groupement à l'égard des tiers et que les créanciers du Groupement ne peuvent poursuivre le paiement de dettes contre un membre qu'après avoir vainement mis en demeure le Groupement. En ce qui concerne les obligations de chaque membre envers les autres, le charge de solidarité est répartie, en vertu de l'acte constitutif, selon le nombre des opérations effectuées au moyen des cartes du Groupement, parmi lesquelles figurent les opérations de paiement présentées au recouvrement par les commerçants.

139 En ce qui concerne l'argument tiré de la violation du principe de la personnalité des peines, le Tribunal considère qu'il ressort considère qu'il ressort de ses constatations relatives à l'entente des prix que l'infraction a été commise par l'association d'entreprises que constitue le Groupement et que c'est donc à bon droit que la Commission lui a infligé l'amende. A cet égard, il y a lieu de relever qu'une association d'entreprises qui a commis une infraction ne saurait faire grief à la Commission de violer ce principe en prenant en considération le chiffre d'affaires de ses membres pour déterminer le plafond de l'amende et en faisant supporter ainsi à ses membres la charge financière que constitue celle-ci. En effet, le fait de prendre en considération leur chiffre d'affaires dans la détermination du plafond de l'amende ne signifie nullement qu'une amende leur a été infligée, ni même, en soi, que l'association en cause a l'obligation de répercuter sur ses membres la charge de celle-ci. A supposer qu'une telle obligation découle des règles internes de l'association en cause, cette circonstance est dépourvue de pertinence au regard des règles du droit communautaire de la concurrence.

140 En l'espèce il n'est pas allégué que l'amende infligée dépasse 10 % de la somme des chiffres d'affaires réalisé par les membres de ladite association d'entreprises.

141 Il s'ensuit que le montant de l'amende infligée par la décision ne dépasse pas le plafond fixé par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

142 Il résulte d'une lecture combinée des points 78, 49 et 50 de la décision attaquée que c'est en qualifiant l'accord d'Helsinki successivement d'accord sur le montant d'une commission et d'accord sur le principe de la perception d'une commission que la Commission a infligé au Groupement une amende de 5 000 000 d'écus. Or, le Tribunal n'a considéré comme établie dans le chef du Groupement que l'entente portant sur le principe de la perception d'une commission visée au point 50 de la décision. Dans ces conditions, il appartient au Tribunal d'examiner, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, s'il y a lieu de réduire l'amende infligée au Groupement.

143 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le montant des amendes doit être gradué en fonction des circonstances de la violation et de la gravité de l'infraction (arrêt de la Cour du 12 novembre 1985, Krupp/Commission, 183-83, Rec. p. 3609) et que l'appréciation de la gravité de l'infraction aux fins de la fixation du montant de l'amende doit être effectuée en tenant compte notamment de la nature des restrictions apportées à la concurrence (arrêts de la Cour du 15 juillet 1970, Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661), et Boehinger/Commission, 45-69, Rec. p. 769).

144 Pour apprécier la gravité intrinsèque de l'infraction, il convient de rappeler que l'atteinte à la concurrence incriminée au point 50 de la décision vise le seul fait d'avoir par l'accord d'Helsinki imposé aux membres du Groupement l'obligation de grever les commerçants qui leur sont affiliés d'une commission rémunérant le service d'encaissement des paiements par eurochèque. Or, le paragraphe 3 de l'accord réserve aux membres du Groupement toute latitude pour imposer, pour les paiements par eurochèque, des commissions à l'encaissement moins onéreuses pour les commerçants que celles qu'ils imposent pour les paiements par carte. Dès lors que la commission facturée pour les paiements par eurochèque peut être inférieure à la commission facturée pour les paiements par cartes, il y a lieu de considérer qu'une possibilité de concurrence a substitué à l'égard des commerçants puisque ceux-ci pouvaient choisir la banque pratiquant la commission la moins onéreuse. A cet égard, le Tribunal rappelle que la Commission n'a avancé aucun élément de nature à établir que les membres du Groupement ont épuisé la marge que leur offrait le paragraphe 3 de l'accord d'Helsinki.

145 Le Tribunal observe encore que la Commission explique, au point 80 de la décision, que le montant des amendes a été fixé par rapport au profit annuellement retiré de l'accord par les membres du Groupement au cours d'une période de six années. Or, il résulte de ce qui précède que l'infraction retenue à l'encontre du Groupement ne porte pas sur la fixation du montant de la commission, de sorte que l'estimation opérée par la Commission aux fins de déterminer le montant de l'amende n'est plus pertinente.

146 Le Tribunal considère, en outre, que c'est à juste titre que la Commission a reconnu Groupement le bénéfice de circonstances atténuantes aux points 88, 89 et 90 de sa décision.

147 A la lumière de l'ensemble de ces considérations, le Tribunal estime que l'amende de 5 000 000 d'écus infligée au Groupement n'est pas adéquate par rapport à la nature et à la gravité intrinsèque de l'infraction visé au point 50 de la décision et fixe, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, à 2 000 000 d'écus le montant de l'amende infligée au Groupement.

Sur les dépens

148 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

149 La Commission ayant succombé, dans l'affaire T-40-92 et la requérante ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner la Commission à supporter ses propres dépens, ainsi que ceux exposés par la requérante Europay.

150 Le Groupement ayant partiellement succombé, dans l'affaire T-39-92, et celui-ci ayant conclu à la condamnation de la défenderesse aux dépens, le Tribunal estime équitable d'ordonner qu'il supporte la moitié de ses propres dépens et que la Commission supporte ses propres dépens ainsi que l'autre moitié des dépens du Groupement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre),

Déclare et arrête :

Les articles 1er et 3 de la décision 92-212-CEE de la Commission , du 25 mars 1992, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité (IV-30.717-A - Eurocheque : accord d'Helsinki) sont annulés pour autant qu'ils visent Eurocheque International.

Le montant de l'amende infligée au Groupement des cartes bancaires " CB " à l'article 3 de la décision est fixé à 2 000 000 d'écus.

Le recours du Groupement des cartes bancaires " CB " est rejeté pour le surplus.

La Commission supportera ses propres dépens, les dépens exposés par Europay, ainsi que la moitié des dépens exposés par le Groupement. Le Groupement supportera la moitié de ses propres dépens.