CJCE, 5e ch., 13 janvier 1994, n° C-376/92
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Metro SB-GroSSmarkte (GmbH)
Défendeur :
Cartier (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moitinho de Almeida
Juges-Rapporteurs :
MM. Edward, Joliet
Avocat général :
M. Tesauro
Juges :
MM. Rodriguez Iglesias, Grévisse
Avocats :
Mes Wissel, Tilmann.
LA COUR,
1 Par ordonnance du 22 septembre 1992, parvenue à la Cour le 12 octobre suivant, l'Oberlandesgericht Düsseldorf a posé, en application de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle relative à l'"étanchéité" d'un système de distribution sélective comme condition de sa validité au regard de l'article 85 du traité CEE.
2 Cette question a été posée dans le cadre d'une action intentée par la société Metro contre la société Cartier en vue de faire constater que cette dernière était tenue de fournir gratuitement sa garantie aux montres Cartier qu'elle mettait en vente.
3 Metro SB-GroSSmärkte GmbH (ci-après "Metro"), société établie à Düsseldorf, est la filiale du groupe Metro qui exploite, en République fédérale d'Allemagne et dans d'autres États européens, un grand nombre d'entreprises de commerce de gros en libre service organisées selon le principe "cash and carry".
4 Cartier SA (cette société et le groupe Cartier seront dénommés ci-après "Cartier"), société établie à Paris, est la filiale de distribution de la société Cartier Monde, dont le siège est à Luxembourg et qui dispose, dans de nombreux pays, d'entreprises de distribution analogues. Les produits Cartier sont généralement considérés comme des produits de luxe.
5 Cartier ne fabrique pas elle-même les montres mais se les procure auprès d'un fabricant établi en Suisse. Elle les commercialise par un réseau de distribution sélective. A l'intérieur du marché commun, ce réseau repose sur des contrats conclus, dans les différents États membres, par les filiales de Cartier ou, à défaut, par des importateurs grossistes choisis par la société mère, avec des détaillants, dénommés "concessionnaires", sélectionnés selon des critères qualitatifs. Ces contrats de distribution sont établis sur la base d'un contrat type.
6 Ce contrat type a été notifié en 1983 à la Commission, qui a examiné sa compatibilité avec l'article 85, paragraphe 1, du traité et en a critiqué certaines clauses. Cartier ayant supprimé ces clauses et transmis un contrat modifié à la Commission, celle-ci lui a fait savoir, par une lettre administrative du 21 décembre 1988, que l'affaire pouvait être classée.
7 Aux termes de ce contrat, Cartier s'engage à n'approvisionner en produits de sa marque, à l'intérieur de la Communauté, que des distributeurs agréés. En contrepartie, ces derniers s'engagent à ne vendre ces produits à l'intérieur de la Communauté qu'aux consommateurs finals, ou encore à d'autres distributeurs agréés qui y sont établis.
8 Metro n'appartient pas au réseau des concessionnaires Cartier. Elle parvient cependant, depuis plusieurs années, à se procurer des montres Cartier sur le marché d'États tiers tels que la Suisse où le système de distribution sélective de Cartier comporte certaines failles. Les montres y sont achetées par Metro auprès d'intermédiaires commerciaux indépendants qui, eux-mêmes, se fournissent, semble-t-il, auprès de concessionnaires, membres du réseau international Cartier, lesquels ne peuvent, en vertu du droit helvétique, se voir imposer de ne revendre qu'à des concessionnaires Cartier agréés. Les montres ainsi acquises sont ensuite revendues par Metro à l'intérieur du marché commun.
9 Les montres Cartier sont vendues avec une garantie du fabricant. Celle-ci se présente sous la forme d'un certificat qui doit être rempli au moment de l'achat. En exécution d'une clause figurant dans le texte de la garantie internationale accompagnant chaque montre, Cartier fait dépendre sa promesse de garantie de l'apposition, sur le certificat, du cachet et de la signature d'un concessionnaire Cartier agréé.
10 Cartier a cependant, pendant un certain temps, exécuté des prestations de garantie pour des montres vendues par Metro. Depuis 1984, elle refuse absolument d'assurer gratuitement sa garantie aux montres qui n'ont pas été acquises auprès de ses distributeurs agréés. Metro a dès lors décidé d'organiser son propre système de garantie, ce qui constitue pour elle une charge financière considérable.
11 Estimant que la limitation de la garantie était incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, Metro a, en 1984, porté devant le Landgericht Düsseldorf une demande visant à faire constater l'obligation, pour Cartier, d'accorder sa garantie aux montres Cartier qui sont accompagnées d'un certificat de garantie rempli et signé par Metro.
12 En première instance, le Landgericht Düsseldorf a rejeté comme non fondée l'action en constatation introduite par Metro.
13 Appel de ce jugement a été interjeté devant l'Oberlandesgericht Düsseldorf (ci-après l'"OLG") qui a confirmé ce rejet. Il a notamment considéré comme dénuée de pertinence la question de savoir si la limitation de la garantie de Cartier était contraire à l'article 85 du traité.
14 Le 10 novembre 1987, le Bundesgerichtshof (ci-après le "BGH") a cassé ce jugement, au motif que l'OLG avait procédé à une clarification insuffisante des faits. Il a notamment précisé que la question de la légalité du système de distribution sélective Cartier ne pouvait rester sans réponse. Selon le BGH, si le système de garantie Cartier n'était pas intégré dans un système licite de distribution sélective mais se présentait de façon isolée, il enfreindrait, en effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité.
15 Lors de la deuxième procédure devant la juridiction d'appel, l'OLG a fait droit à l'action en constatation introduite par Metro. L'OLG s'est prononcé à cette occasion sur certaines clauses du contrat type de distribution qui, selon lui, feraient dépendre les livraisons croisées entre détaillants agréés, qu'elles aient lieu à l'intérieur d'un même État ou qu'elles aient un caractère transfrontalier, d'une autorisation spéciale consentie par les filiales de Cartier. Il a considéré que, en raison de ces clauses, le système de distribution sélective Cartier enfreignait l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le système de distribution sélective Cartier étant à ses yeux illicite, l'OLG a estimé que la limitation de la garantie Cartier ne pouvait pas non plus être justifiée.
16 Dans le cadre d'un nouveau pourvoi en révision, le BGH a, le 19 décembre 1989, cassé ce deuxième arrêt de l'OLG. Il a, en effet, estimé que l'interprétation qu'il donnait des clauses relatives aux livraisons croisées entre détaillants agréés était erronée et que les clauses litigieuses ne constituaient pas une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Le BGH a, par ailleurs, souligné que la limitation de la garantie Cartier résultait d'un engagement contractuel de Cartier à l'égard de ses revendeurs et entrait donc dans le champ de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Enfin et surtout, il a précisé que la limitation de la garantie n'était admissible que pour autant que le système de distribution sélective des montres Cartier dans le marché commun présente un caractère "étanche" (lückenlos). En conséquence, le BGH a renvoyé l'affaire devant l'OLG pour que celui-ci détermine si Cartier dispose ou non d'un système "étanche" de distribution sélective dans le marché commun.
17 Lors de la troisième procédure en appel devant l'OLG, le débat a alors porté essentiellement sur le caractère "étanche" ou non du système de distribution Cartier. Dans son ordonnance de renvoi, l'OLG part de l'hypothèse que, dans les pays tiers, il n'existe pas un système de distribution sélective qui soit garanti contractuellement et que l'on fasse respecter en pratique, et que, dès lors, les montres Cartier peuvent arriver légalement en grande quantité sur le territoire du marché commun où Metro peut les vendre librement. Selon l'OLG, si l'on conclut, ainsi qu'il paraît devoir découler de l'arrêt du BGH, que le fait que les tiers se procurent effectivement la marchandise et l'écoulent ensuite librement, et même le seul fait qu'ils puissent se livrer à pareille activité, suffit à entraîner la caducité du système, il conviendrait ou, à tout le moins, il serait possible de faire droit à la demande de Metro. En revanche, à supposer que n'aient pas d'importance décisive les importations à partir de pays tiers où le système de distribution ne présente pas un caractère "étanche" sur le plan théorique ou, tout au moins, sur le plan pratique, l'action de Metro devra être rejetée si le système contractuel de Cartier est conforme, du point de vue de la sélection des concessionnaires, aux principes formulés par la Commission et la Cour de justice des Communautés européennes, ce qui ne paraît guère douteux à l'OLG.
18 Par ordonnance du 22 septembre 1992, l'OLG s'est demandé si l'"étanchéité" du système dans les pays extérieurs à la Communauté conditionnait la validité du système de distribution sélective dans la CEE et a, par conséquent, saisi la Cour de la question préjudicielle suivante :
"L'inapplicabilité de l'article 85, paragraphes 1 et 2, du traité CEE à un système de distribution sélective pour la CEE de produits de prestige (montres de la catégorie de prix supérieure et de la catégorie luxe) est-elle remise en cause pour la raison que, dans les États n'appartenant pas à la Communauté européenne, des clauses contractuelles similaires ne prévoient pas de système de distribution sélective, ou ne prévoient qu'un système imparfait de distribution sélective, de sorte que les marchandises relevant dans la CEE de ce système peuvent y être acquises librement et introduites légalement sur le marché commun par des tiers étrangers au système?"
19 Ainsi que le souligne la Commission, ce n'est qu'en prenant en considération le droit allemand que l'on peut comprendre pourquoi la juridiction de renvoi se demande si l'"étanchéité" d'un système de distribution sélective à l'échelle mondiale est une condition de validité, au regard du droit communautaire, du système de distribution sélective mis en place dans la Communauté.
20 Le concept d'"étanchéité" a été développé en République fédérale d'Allemagne dans le cadre d'actions en concurrence déloyale (actions en cessation ou en dommages et intérêts) dirigées contre des tiers qui commercialisent des produits couverts par une concession de vente exclusive, ou qui vendent à des prix inférieurs aux prix contractuellement imposés par le fabricant. Il a ensuite été étendu au cas d'actions intentées contre des tiers à un système de distribution sélective.
21 L'"étanchéité" (Lückenlosigkeit) d'un système de distribution sélective signifie qu'un distributeur non agréé ne peut se procurer les marchandises qui sont soumises à ce système qu'en participant à la violation par un distributeur agréé de ses engagements contractuels. L'"étanchéité" doit être à la fois théorique et pratique. L'"étanchéité" théorique suppose que le fabricant ait conclu, avec les distributeurs qu'il a sélectionnés, un ensemble de contrats qui assurent que les produits soumis à distribution sélective ne parviendront aux consommateurs que par l'intermédiaire de distributeurs agréés. Quant à l'"étanchéité" pratique, elle implique que le fabricant prouve qu'il fait respecter son système en agissant contre ses partenaires infidèles ou contre les tiers qui se procureraient les marchandises auprès de distributeurs violant leurs obligations contractuelles.
22 Cette théorie a d'abord une importance sur le plan de l'administration de la preuve. Dès lors qu'il prouve l'"étanchéité" théorique et pratique de son système de distribution, le fabricant qui agit contre des tiers qu'il accuse de concurrence déloyale bénéficie d'un renversement de la charge de la preuve : les tiers sont alors présumés agir de manière déloyale puisqu'ils ne peuvent s'être procuré les marchandises litigieuses que par des voies détournées, en incitant un distributeur agréé à commettre une rupture de contrat ou en exploitant simplement une telle rupture.
23 L'"étanchéité" a ensuite une portée de nature substantielle. Elle conditionne en effet en droit allemand la possibilité de mettre en œuvre le système de distribution sélective à l'égard de ceux qui ont souscrit des engagements contractuels. Ce n'est que si le système est "étanche" que le fabricant peut agir contre le distributeur agréé pour le contraindre à respecter ses engagements contractuels. Si le défaut d'"étanchéité" du système entraîne, pour les distributeurs agréés, la concurrence de distributeurs libres, le fabricant ne pourra plus faire respecter les contrats par les membres de son réseau.
24 En réponse à la question préjudicielle ainsi replacée dans son contexte, il convient de souligner d'abord que le concept d'"étanchéité" a été développé dans le cadre des actions en concurrence déloyale dirigées contre des tiers à des accords de concession exclusive de vente, à des accords de prix imposés, ou à des accords mettant en place un système de distribution sélective. Dans ces procès en concurrence déloyale, la validité du contrat au regard de l'article 85 du traité se présente comme une question préalable. Un fabricant ne peut, en effet, reprocher à un tiers de s'être associé à la violation d'un engagement contractuel que si ce dernier est lui-même valide au regard de l'article 85 du traité. Cela n'implique pas qu'il faille, en sens inverse, pour porter un jugement sur la légalité d'un accord au regard de l'article 85 du traité, se soucier de savoir si les conditions sont remplies pour que cet accord puisse être opposé à des tiers par le jeu d'une action en concurrence déloyale.
25 Ensuite, l'application de l'interdiction des ententes édictée par le droit communautaire ne saurait dépendre d'une condition particulière à un système national. Or, comme la Commission l'a relevé à juste titre, la condition de l'"étanchéité" qui a été dégagée en droit allemand est inconnue des droits de presque tous les autres États membres. Par exemple, la Cour de cassation française a jugé que le fait, pour un intermédiaire non agréé, de mettre en vente des produits dont le conditionnement portait la mention "vente exclusive par des distributeurs agréés" constitue en lui-même un acte de concurrence déloyale (Cour de cassation française, chambre commerciale, arrêt Rochas, 27 octobre 1992, Dalloz 1992, jurisprudence 505). Il n'est donc même pas nécessaire en droit français de prouver que le commerçant non agréé a été approvisionné par un distributeur agréé infidèle et a participé à la violation par celui-ci de ses engagements contractuels.
26 En outre, ainsi que l'a bien vu la Commission, subordonner la validité d'un système de distribution sélective au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité à son "étanchéité" aurait pour résultat paradoxal que les systèmes de distribution les plus rigides et les plus fermés seraient traités plus favorablement, au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, que des systèmes de distribution plus souples et plus ouverts au commerce parallèle.
27 Enfin, la reconnaissance de la validité d'un réseau de distribution sélective dans le marché commun ne peut pas dépendre de la capacité qu'aurait le fabricant à réaliser partout l'"étanchéité" du réseau alors même que la législation de certains États tiers peut faire obstacle à la réalisation de cet objectif ou même empêcher de l'atteindre.
28 De ces observations, il résulte que l'"étanchéité" d'un système de distribution sélective n'est pas une condition de sa validité au regard du droit communautaire.
29 Au vu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la juridiction de renvoi que l'inapplicabilité de l'article 85, paragraphes 1 et 2, du traité, à un système de distribution sélective pour la CEE de produits de prestige (montres de la catégorie de prix supérieure et de la catégorie luxe) n'est pas remise en cause pour la raison que, dans les États n'appartenant pas à la Communauté européenne, des clauses contractuelles similaires ne prévoient pas de système de distribution sélective, ou ne prévoient qu'un système imparfait de distribution sélective, de sorte que les marchandises relevant dans la CEE de ce système peuvent y être acquises librement et introduites légalement sur le marché commun par des tiers étrangers au système.
30 Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus (voir le point 17), l'OLG a, dans son ordonnance de renvoi, fait apparaître qu'une réponse sur le problème de l'"étanchéité" lui permettrait de trancher le litige pendant devant lui. Au cas où la "non-étanchéité" du système le rendrait invalide au regard de l'article 85 du traité, la limitation de la garantie serait illicite et l'action intentée par Metro devrait, selon lui, être déclarée fondée. En revanche, si la "non-étanchéité" n'avait pas cette conséquence, la limitation de la garantie serait licite et l'action intentée par Metro devrait être rejetée.
31 La réponse à la question préjudicielle ayant fait ressortir que l'"étanchéité" du système de distribution sélective n'est pas la condition de la validité du système, il convient encore d'examiner à quelles conditions la limitation de la garantie aux montres acquises auprès de distributeurs agréés peut être considérée comme licite au regard de l'article 85 du traité. Metro l'ayant invité par lettre à préciser en ce sens sa question préjudicielle, l'OLG a expliqué dans une ordonnance du 9 novembre 1992 que "cette question (constituait) déjà l'objet de l'ordonnance de renvoi". Devant la Cour, cette question a été longuement débattue par les parties tant dans leurs observations écrites que lors de la procédure orale.
32 A cet égard, il convient d'observer qu'un engagement contractuel de limiter la garantie aux commerçants du réseau et de la refuser aux marchandises écoulées par les tiers aboutit au même résultat et produit le même effet que des clauses contractuelles réservant la vente aux membres du réseau. Comme ces clauses contractuelles, la limitation de la garantie est un moyen pour le fabricant d'empêcher que les tiers au réseau ne se livrent au commerce des produits couverts par le système.
33 Dès lors que sont licites les clauses contractuelles par lesquelles le fabricant s'oblige à ne vendre que par l'intermédiaire de distributeurs agréés et par lesquelles ces commerçants agréés s'engagent eux-mêmes à ne revendre qu'à d'autres commerçants agréés ou à des consommateurs, il n'y a pas de raison de soumettre à un traitement plus sévère le régime de limitation contractuelle de la garantie aux produits vendus par l'intermédiaire des distributeurs agréés. Au regard de l'article 85 du traité, seuls comptent l'objet de cette limitation et l'effet qu'elle produit.
34 Aussi est-il nécessaire de préciser, eu égard au problème posé devant la juridiction nationale que, dès lors qu'un système de distribution sélective satisfait aux critères de validité de l'article 85 du traité, tels qu'ils ont été précisés par la jurisprudence(voir arrêt du 11 décembre 1980, L'Oréal, 31/80, Rec. p. 3775), il y a lieu de considérer comme valide également la limitation de la garantie du fabricant aux produits contractuels acquis auprès des distributeurs agréés.
Sur les dépens
35 Les frais exposés par le gouvernement hellénique, le gouvernement français et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Statuant sur la question à elle soumise par l'Oberlandesgericht Düsseldorf, par ordonnance du 22 septembre 1992, dit pour droit :
1) L'inapplicabilité de l'article 85, paragraphes 1 et 2, du traité CEE à un système de distribution sélective pour la CEE de produits de prestige (montres de la catégorie de prix supérieure et de la catégorie luxe) n'est pas remise en cause pour la raison que, dans les États n'appartenant pas à la Communauté européenne, des clauses contractuelles similaires ne prévoient pas de système de distribution sélective, ou ne prévoient qu'un système imparfait de distribution sélective, de sorte que les marchandises relevant dans la CEE de ce système peuvent y être acquises librement et introduites légalement sur le marché commun par des tiers étrangers au système.
2) Dès lors qu'un système de distribution sélective satisfait aux critères de validité de l'article 85 du traité CEE, tels qu'ils ont été précisés par la jurisprudence de la Cour, il y a lieu de considérer comme valide également la limitation de la garantie du fabricant aux produits contractuels acquis auprès des distributeurs agréés.