TPICE, 2e ch., 18 décembre 1992, n° T-10/92
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Cimenteries CBR (SA), Blue Circle Industries (plc), Syndicat national des fabricants de ciments et de chaux, Fédération de l'industrie cimentière ASBL
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Barrington, Biancarelli, Saggio, Kalogeropoulos
Avocats :
Mes Waelbroeck, Vandencasteele, Rivalland, Didier, Van Houtte, Brouwer.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
LES FAITS A L'ORIGINE DU LITIGE
1 Le 25 avril 1989, la Commission, agissant d'office, a procédé à un certain nombre de vérifications dans les bureaux d'une dizaine d'entreprises ou associations d'entreprises de plusieurs Etats membres, dans le cadre d'une enquête portant sur l'existence d'accords ou de pratiques concertées dans l'industrie cimentière européenne. D'autres entreprises ou associations d'entreprises ont également fait l'objet de vérifications dans les jours et les semaines qui ont suivi.
2 Sur la base des documents recueillis au cours de ces vérifications, ainsi que des renseignements communiqués, en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 du Conseil, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), par les entreprises et associations d'entreprises concernées, la Commission a conclu à l'existence probable d'un système d'accords ou de pratiques concertées, tant sur le plan international que sur le plan national, entre les producteurs européens de ciment, appuyés par certaines associations professionnelles nationales et internationales. Ce système aurait, essentiellement, pour objet la répartition des marchés des Etats membres, le maintien d'un cloisonnement entre ces marchés et la limitation des importations, qu'elles proviennent d'autres Etats membres ou de pays tiers.
3 C'est dans ce contexte que la Commission a décidé d'ouvrir des procédures en constatation d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (affaires IV/27.997 - CPMA, IV/33.126 et IV/33.322 - Ciment) à l'encontre d'un groupe de 76 entreprises ou associations d'entreprises de l'industrie cimentière, parmi lesquelles les requérantes. Dans le cadre de ces procédures, la Commission a adressé, dans le courant du mois de novembre de l'année 1991, une communication des griefs (ci-après "CG") à l'ensemble de ces entreprises ou associations d'entreprises, leur reprochant des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et les informant qu'elles encouraient le risque de se voir infliger des amendes.
4 Dans sa CG, la Commission distingue, pour l'essentiel, deux ordres de griefs, concernant, respectivement, des comportements sur le plan international et sur le plan national. Un premier ordre de griefs a trait à des réunions qui auraient eu lieu au sein du Cembureau, association européenne regroupant les différentes fédérations nationales, et à la mise en œuvre d'un certain nombre d'actions qui auraient été arrêtées au cours de ces réunions. Un deuxième ordre de griefs concerne des agissements qui auraient eu pour objet la répartition des marchés nationaux entre les seuls producteurs de l'Etat membre concerné et la limitation des importations.
5 La CG est divisée en deux parties, chacune d'elles se décomposant elle-même en plusieurs chapitres. La première partie, intitulée "Les faits", comporte neuf chapitres. Les deux premiers chapitres concernent "le marché du ciment" et "les organisations internationales de cimentiers", tandis que les sept autres chapitres correspondent à l'analyse des pratiques relevées sur autant de marchés nationaux. La deuxième partie, intitulée "Appréciation juridique", est, quant à elle, divisée en trois sous-parties, dont la première, relative à l'applicabilité aux faits litigieux de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, comporte dix chapitres. Les trois premiers chapitres concernent les accords et pratiques décrits au chapitre 2 de la première partie ("les organisations internationales de cimentiers"), alors que les sept autres chapitres se rapportent aux accords et pratiques décrits dans chacun des chapitres de la première partie consacrés à l'examen d'un marché national. Les deux autres sous-parties concernent, respectivement, la non-applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, et l'applicabilité de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.
6 Bien qu'il s'agisse d'un seul document, le texte de la CG n'a pas été communiqué dans son intégralité à chacune des 76 entreprises et associations d'entreprises concernées. En effet, seuls les chapitres relatifs aux comportements sur le plan international (chapitres 1, 2, 10, 11 et 12) et les sous-parties B et C de la deuxième partie de la CG ont été communiqués à l'ensemble des entreprises et associations d'entreprises concernées. Les chapitres relatifs aux comportements sur le plan national (chapitres 3 à 9 et 13 à 19) n'ont été envoyés qu'aux entreprises et associations d'entreprises établies dans l'Etat membre en question. Outre les chapitres les concernant, les destinataires de la CG ont reçu le sommaire complet de la CG, ainsi qu'une liste de l'ensemble des documents du dossier, avec la mention de ceux d'entre eux qui leur étaient accessibles.
7 Après avoir reçu la CG et la liste des documents qui leur étaient accessibles, un certain nombre d'entreprises et associations d'entreprises, dont les requérantes, ont demandé à la Commission de leur communiquer les chapitres adressés à chacun des autres destinataires de la CG et dont elles-mêmes n'avaient pas été destinataires. Elles ont également demandé à la Commission de leur donner accès à l'ensemble de son dossier, à l'exception des documents internes ou confidentiels. En réponse à ces demandes, la Commission a notamment fait savoir aux requérantes, par différentes lettres qu'elle leur a adressées dans le courant des mois de décembre 1991 et de janvier et février 1992, qu'elle refusait de leur transmettre les chapitres de la CG adressés à chacun des autres destinataires, ainsi que de leur donner accès aux documents contenus dans le dossier, autres que ceux qu'ils avaient déjà pu consulter. En arguant de la connexité entre les deux procédures, la Fédération de l'Industrie Cimentière (ci-après "FIC") a, en outre, demandé à la Commission d'être admise à répondre simultanément à la CG qui lui avait déjà été transmise et à celle que la Commission entendrait lui envoyer concernant l'accord "Cement en Beton Stichting" (ci-après "accord CBS"), notifié depuis le 14 janvier 1975. La Commission, par lettres des 27 janvier et 12 février 1992, a indiqué à la requérante que la procédure en cours était sans lien avec l'accord CBS. Elle a, par suite, rejeté les demandes de la FIC visant, d'une part, à joindre la procédure relative à l'accord CBS et la procédure à l'origine du présent litige et, d'autre part, à proroger le délai qui lui était imparti pour répondre à la CG.
La procédure
8 C'est dans ces circonstances que, par requêtes déposées au greffe du Tribunal respectivement les 12, 14 et 17 février 1992, les parties requérantes SA Cimenteries CBR (ci-après "CBR"), Blue Circle Industries PLC (ci-après "Blue Circle"), Syndicat National des Fabricants de Ciments et de Chaux (ci-après "SNFCC") et la FIC ont formé les présents recours, visant à l'annulation des décisions contenues dans les lettres susmentionnées de la Commission. Un cinquième recours ayant le même objet, introduit par la "Eerste Nederlandse Cement-Industrie NV" et par la "Vereniging Nederlandse Cementindustrie", a été radié par ordonnance du Tribunal (deuxième chambre) du 14 septembre 1992, suite au désistement des requérantes.
9 Parallèlement à leurs recours, l'ensemble des requérantes ont introduit des demandes de mesures provisoires, en application des articles 185 et 186 du traité CEE et de l'article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, visant à la suspension de la procédure engagée par la Commission dans l'attente de l'arrêt du Tribunal à intervenir sur le fond. Par ordonnance du 23 mars 1992, le président du Tribunal a rejeté les demandes de mesures provisoires, tout en prorogeant le délai imparti aux requérantes pour répondre à la CG jusqu'au vendredi 27 mars 1992 ou, dans la mesure où les requérantes se conformeraient aux conditions fixées par la Commission quant au nombre de copies à déposer, jusqu'au mardi 31 mars 1992.
10 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables et d'informer les parties que l'audience serait limitée à la question de la recevabilité des recours. Après avoir invité les parties à présenter leurs observations, le Tribunal (deuxième chambre) a ordonné, le 11 novembre 1992, la jonction des affaires T-10, 11, 12 et 15-92, aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.
11 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal sur la recevabilité des présents recours à l'audience du 24 novembre 1992. A l'issue de l'audience, le président a prononcé la clôture de la procédure orale.
Les conclusions des parties
12 Dans l'affaire T-10-92, CBR conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- déclarer le recours recevable et fondé ;
- annuler la décision de la Commission du 15 janvier 1992, lui refusant la communication de la totalité de la CG et l'accès complet au dossier qu'elle a demandés en vue d'exercer effectivement ses droits de la défense à l'encontre de la CG que lui a envoyée la Commission dans les affaires IV/33.126 et IV/33.322 - Ciment, et IV/27.997 - CPMA ;
- condamner la Commission aux dépens.
13 Dans l'affaire T-11-92, Blue Circle conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision ou les décisions de la Commission par lesquelles celle-ci lui a refusé la communication de l'ensemble de la CG, ainsi que l'accès à tous les documents pertinents du dossier, et a fixé le délai de réponse à la CG au 24 ou 28 février 1992 ;
- condamner la Commission aux dépens.
14 Dans l'affaire T-12-92, le SNFCC conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- constater que la Commission a violé les droits de la défense du Syndicat en lui refusant l'accès à la totalité des pièces accessibles aux parties nationales non françaises du dossier qu'elle a constitué ;
- annuler la décision de la Commission lui refusant cet accès, telle qu'elle est matérialisée dans ses lettres successives des 23 et 27 décembre 1991 et 10 janvier 1992 ;
- condamner la Commission aux frais et dépens qui seront justifiés ultérieurement.
15 Dans l'affaire T-15-92, la FIC conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- déclarer le recours recevable et fondé ;
- annuler, en conséquence, les décisions de la Commission du 29 novembre 1991, du 27 janvier et du 12 février 1992 refusant à la requérante :
(a) la faculté de répondre simultanément à la CG que lui a envoyée la Commission dans les affaires IV/27.997 - CPMA, IV/33.126 et IV/33.322 -Ciment, et à celle que la Commission entend lui envoyer concernant l'accord CBS, et ceci dans un délai raisonnable d'au moins deux mois ;
(b) de lui transmettre une "précision" claire et complète des griefs que la Commission retient à son égard ;
(c) l'accès à toutes les pièces non-confidentielles du dossier, et
(d) de lui envoyer certains chapitres de la CG.
- condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission, pour sa part, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter les recours comme irrecevables ;
- subsidiairement, dans la mesure où ils seraient jugés recevables, les rejeter comme non-fondés ;
- accorder une priorité aux présentes affaires en vertu de l'article 55, paragraphe 2 du règlement de procédure ;
- condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux de la procédure en référé.
Sur la recevabilité
A - Arguments des parties
17 La Commission, sans pour autant soulever formellement une exception d'irrecevabilité au sens de l'article 114 du règlement de procédure, estime que les recours sont irrecevables. De l'avis de la Commission, les motifs de cette irrecevabilité varient selon les conclusions présentées dans les différents recours. Ainsi, les conclusions tendant à obtenir la communication de la totalité de la CG et l'accès aux documents relatifs aux chapitres de la CG qui n'ont pas été adressés à chacune des requérantes seraient manifestement irrecevables, du fait qu'elles sont dirigées contre la CG elle-même, alors que la jurisprudence de la Cour exclut clairement une telle possibilité (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639). Ce raisonnement aurait, par ailleurs, de l'avis de la Commission, été pleinement confirmé par l'ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal le 23 mars 1992, précitée.
18 S'agissant des conclusions relatives à l'accès aux documents qui se rapportent aux chapitres de la CG envoyés aux requérantes, la Commission, tout en présentant des arguments quant au fond du droit, soulève également la question de leur recevabilité. Selon la Commission, l'accès au dossier est une étape de la procédure administrative étroitement liée à la CG elle-même, ne constituant, en réalité, qu'une expression parmi d'autres du principe général du respect des droits de la défense et, plus particulièrement, du droit d'être entendu. Sauf dans des cas exceptionnels, telle l'hypothèse d'un acte dépourvu de toute apparence de légalité, la non-communication d'un ou de plusieurs documents, de même que les questions relatives à la CG, ne sauraient être traitées que dans le cadre d'un recours dirigé contre la décision qui met un terme à la procédure administrative. La jurisprudence de la Cour (arrêt du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107-82, Rec. p. 3151) et du Tribunal (arrêt du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T-68, 77 et 78-89, Rec. p. II-1403) confirmerait cette approche.
19 La Commission exclut également que la jurisprudence plus récente de la Cour, citée par certaines des requérantes - et en particulier l'arrêt du 24 juin 1986, Akzo/Commission, 53-85, Rec. p. 1965 - soit venue modifier l'appréciation qu'il convient de porter sur les demandes formulées par les requérantes. La défenderesse fait notamment valoir que l'on ne saurait mettre sur le même plan, d'une part, une CG et, d'autre part, une décision de transmettre à un tiers plaignant des informations confidentielles - laquelle revêt un caractère final, en ce sens que la nature confidentielle d'une information est définitivement perdue dès sa communication à un tiers - ou encore une décision prise en vertu de l'article 11 du règlement n° 17 laquelle, contrairement à une CG, impose une obligation à son destinataire. De l'avis de la Commission, les requérantes ne sauraient non plus invoquer la jurisprudence de la Cour dans l'affaire BEUC (arrêt du 28 novembre 1991, BEUC/Commission, C-170-89, Rec. p. I-5709), puisque, contrairement aux entreprises destinataires d'une CG en matière de concurrence, qui sont recevables à attaquer la décision finale, le tiers plaignant dans les procédures en matière de dumping n'a pas qualité pour introduire un recours en annulation contre la décision finale.
20 La Commission souligne enfin qu'en tout état de cause, les différentes correspondances attaquées en l'espèce ne sont pas des actes susceptibles de recours, au titre de l'article 173 du traité CEE, en ce qu'elles sont de simples lettres de ses services, plus préparatoires encore qu'une CG et qui, par conséquent, n'affectent en rien la situation juridique des requérantes.
21 Les requérantes, pour leur part, considèrent que la situation de l'espèce diffère totalement de celle en cause dans l'affaire IBM (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, précité) en ce que, contrairement à une CG qui est un acte préparatoire et qui exprime un point de vue provisoire, les décisions attaquées en l'espèce constituent des actes par lesquels la Commission s'est prononcée définitivement, dont les effets juridiques s'imposent obligatoirement aux destinataires et affectent leurs intérêts.
22 Les requérantes soulignent, par ailleurs, que la Cour a déjà admis, dans l'intérêt des droits de la défense, la recevabilité de recours introduits contre des décisions prises par la Commission dans le cadre de la procédure administrative préalable - et ce bien qu'un recours contre la décision ultérieure constatant l'infraction fût possible (arrêts du 24 juin 1986, Akzo, précité, du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, 374-87, Rec. p. 3283, et du 28 novembre 1991, BEUC, précité) -, dès lors que de telles décisions modifient la situation juridique des requérantes et présentent un caractère définitif, comme c'est le cas en l'espèce.
23 La requérante CBR estime, en particulier, que l'accès complet au dossier devant comporter non seulement l'accès à l'ensemble des pièces non confidentielles, mais aussi - et en priorité - l'accès à la totalité des chapitres de la CG, toute tentative de scinder ces deux aspects du recours est artificielle et doit, par conséquent, être écartée. Elle fait valoir également que, contrairement à l'affaire IBM, dans laquelle la procédure judiciaire visait à protéger l'intérêt de la requérante à ne pas devoir se défendre dans le cadre d'une procédure administrative qu'elle estimait être entièrement illégale, CBR souhaite, en l'occurrence, donner plein effet à la procédure administrative, en lui préservant un caractère contradictoire que seul l'accès au dossier et à la totalité de la CG peut garantir. La requérante s'interroge, en outre, sur l'intérêt qu'a la Commission à s'opposer à la recevabilité des présents recours, alors qu'une annulation postérieure des décisions qu'elle sera amenée à prendre au terme de la procédure administrative l'obligera à reprendre cette procédure et à donner aux entreprises et associations d'entreprises concernées la possibilité de faire connaître leur point de vue sur les griefs retenus contre elles, à la lumière des nouveaux éléments, auxquels elles auraient dû avoir accès dès l'origine.
24 Blue Circle, ainsi d'ailleurs que CBR et la FIC, estiment que, contrairement à l'interprétation faite par la Commission de l'arrêt de la Cour dans l'affaire BEUC (arrêt du 28 novembre 1991, précité), le recours du BEUC aurait été déclaré recevable, en dépit du fait que cette association n'était pas recevable à attaquer la décision finale de la Commission et non, comme l'a soutenu la Commission, parce que cette qualité ne lui avait pas été reconnue. Blue Circle considère également que la possibilité d'attaquer la décision définitive de la Commission ne constitue pas une protection suffisante de ses droits, pouvant remplacer le présent recours, dans la mesure où le fait de retarder le contrôle juridictionnel jusqu'au stade de la décision définitivement adoptée par la Commission, au titre de l'article 85 du traité porterait atteinte à son droit à ce qu'une telle décision soit fondée sur une évaluation correcte des éléments de preuve disponibles.
25 Le SNFCC souligne que, à la différence de la CG, qui est une mesure préparatoire, l'accès au dossier constitue en soi une procédure spéciale, distincte au sein de la procédure administrative de constatation d'infraction aux articles 85 ou 86 du traité. Le refus d'accès au dossier entraînerait, selon le requérant, deux préjudices : l'un, immédiat, qui affecte la situation juridique du destinataire dès le stade de la procédure administrative contradictoire ; l'autre, potentiel, qui pourra, le cas échéant, se concrétiser dans la décision finale de condamnation adoptée par la Commission.
26 La FIC précise, pour sa part, que la Commission ne saurait voir dans l'ordonnance de référé rendue par le président du Tribunal la confirmation du bien-fondé de son argumentation quant à l'irrecevabilité des recours en annulation, dans la mesure où il est de jurisprudence constante que l'examen auquel se livre le juge des référés est provisoire et ne lie pas le Tribunal quant au fond du litige. Elle considère également que les décisions attaquées modifient de façon caractérisée sa situation juridique, puisqu'elles fixent de façon définitive la manière dont les droits de la défense pourront être exercés et portent atteinte, dès à présent, à la substance et à l'exercice utile de ces droits.
27 A l'audience, les requérantes ont, en outre, invoqué à l'appui de leurs conclusions relatives à la recevabilité des présents recours, deux arrêts de la Cour en matière d'aides d'Etat (arrêts du 30 juin 1992, Royaume d'Espagne/Commission, C-312-90, et République italienne/Commission, C-47-91, non encore publiés au Recueil), par lesquels celle-ci aurait jugé recevables des recours introduits contre des actes préparatoires, à savoir des lettres d'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité.
B - Appréciation du Tribunal
28 Pour statuer sur la recevabilité des présents recours, il convient, à titre liminaire, de rappeler que constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, au sens de l'article 173 du traité CEE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci. A cet égard, il y a lieu d'observer que, lorsqu'il s'agit d'actes ou de décisions dont l'élaboration s'effectue en plusieurs phases, seules constituent, en principe, des actes attaquables les mesures qui fixent définitivement la position de l'institution au terme de la procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale (voir l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM, précité, points 8 et suivants et l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64-89, Rec. p. II-367, point 42).
29 En l'occurrence, il y a lieu de constater que les requérantes reprochent, en substance, à la Commission d'avoir violé leurs droits de la défense, en ce qu'elle a refusé, d'une part, de leur communiquer la totalité des chapitres de la CG et, d'autre part, de leur donner accès à l'ensemble des documents faisant partie du dossier, sous réserve des secrets d'affaires, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles. La FIC, quant à elle, reproche, en outre, à la Commission de ne pas avoir précisé clairement les griefs retenus à son encontre et de ne pas lui avoir accordé la possibilité de répondre simultanément à la CG à l'origine du présent litige et à celle que la Commission entendrait lui envoyer prochainement, à propos de l'accord CBS.
30 S'agissant des griefs des requérantes relatifs à l'accès au dossier, il convient encore d'observer, par ailleurs, qu'il ressort des pièces produites devant le Tribunal, ainsi que des explications orales des parties, que deux sortes de documents recueillis par la Commission au cours de l'enquête n'ont pas été rendus accessibles à chaque destinataire de la CG. Il s'agit, d'une part, des documents se rapportant aux chapitres de la CG relatifs à chacun des marchés nationaux, qui n'ont été communiqués qu'aux seules entreprises et associations d'entreprises ayant été destinataires des chapitres correspondants de la CG. Il s'agit, d'autre part, de certains documents qui, tout en se rapportant aux griefs communiqués, seraient, selon la Commission, couverts par le secret professionnel tel que prévu à l'article 20 du règlement n° 17, dans la mesure où ils ont été obtenus dans l'exercice des pouvoirs d'investigation conférés à la Commission par le règlement n° 17 et n'ont pas été retenus à la charge de l'entreprise ou association d'entreprises destinataire des griefs.
31 En l'espèce, il appartient au Tribunal de vérifier si les mesures attaquées par les requérantes modifient leur situation juridique de façon caractérisée. Pour ce faire, il y a lieu d'apprécier si les actes attaqués sont de nature à produire, par eux-mêmes, des effets juridiques susceptibles d'affecter les intérêts des requérantes ou si, au contraire, ils ne constituent que des mesures préparatoires dont l'illégalité pourrait être soulevée dans le cadre de recours dirigés contre les décisions finales de la Commission, tout en assurant une protection suffisante (arrêt du 24 juin 1986, Akzo, précité, point 19).
32 Le Tribunal relève qu'en l'espèce les requérantes ont toutes reçu une CG et qu'un délai leur a été fixé par la Commission pour la présentation de leurs observations, conformément aux dispositions de l'article 2, paragraphes 1 et 4, du règlement n° 99-63 de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2269, ci-après "règlement n° 99-63").
33 A cet égard, le Tribunal rappelle que la CG doit énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels se base la Commission, ainsi que la qualification juridique qui leur est donnée (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, Akzo/Commission, C-62-86, Rec. p. I-3359, point 29), la Commission ne pouvant, en vertu de l'article 4 du règlement n° 99-63, retenir contre les entreprises et associations d'entreprises destinataires de la communication que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.
34 Il convient, toutefois, de rappeler que "ni l'engagement d'une procédure, ni une communication des griefs ne sauraient être considérés, de par leur nature et leurs effets juridiques, comme des décisions au sens de l'article 173 du traité CEE, contre lesquelles un recours en annulation est ouvert. Dans le cadre de la procédure administrative telle qu'elle est organisée par les règlements n° 17 et n° 99-63, ils constituent des actes de procédure, préparatoires par rapport à la décision qui en constitue le terme ultime"(arrêt du 11 novembre 1981, IBM, précité, point 21).
35 Il résulte de ce qui précède que la question, soulevée par la partie requérante FIC, de savoir si la procédure suivie en l'espèce porte atteinte aux droits de la défense et, par conséquent, est entachée d'illégalité, en ce que la Commission, d'une part, n'aurait pas précisé les griefs retenus à l'encontre de chacun des destinataires et, d'autre part, se serait réservée la possibilité de communiquer de nouveaux griefs dans le cadre de l'accord CBS, pourra être soulevée par la FIC, sans que sa protection juridique ne soit affectée, dans le cadre du recours qu'elle sera, le cas échéant, amenée à introduire contre la décision finale de la Commission.
36 Il convient de souligner, par ailleurs, que le fait de porter un jugement, au stade actuel du déroulement de la procédure administrative, sur les griefs retenus par la Commission à l'encontre de chacun des destinataires de la CG, reviendrait, alors que cette procédure est toujours en cours, à préjuger la possibilité pour la Commission de modifier sa position à l'égard des entreprises et associations d'entreprises concernées, après avoir examiné leurs observations écrites et orales en réponse à la CG et à anticiper ainsi les débats sur le fond (arrêt du 11 novembre 1981, IBM, précité, points 18 et 20). Dès lors, les conclusions présentées sur ce point par la FIC sont prématurées et doivent être rejetées.
37 S'agissant, par ailleurs, des mesures par lesquelles la Commission a refusé aux requérantes, d'une part, de leur communiquer la totalité des chapitres de la CG et, d'autre part, de leur donner accès à l'ensemble des documents faisant partie du dossier - en ce compris les parties de la CG adressées à d'autres entreprises et associations d'entreprises - le Tribunal estime qu'il convient d'analyser le cadre procédural dans lequel s'insèrent ces mesures.
38 A cet égard, le Tribunal considère, en premier lieu, que la procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence a pour objet de permettre aux destinataires d'une CG de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue, dans sa CG, sur la base de ces éléments. L'accès au dossier relève ainsi des garanties procédurales visant à protéger les droits de la défense et à assurer, en particulier, l'exercice effectif du droit d'être entendu, prévu à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 et à l'article 2 du règlement n° 99-63. Il en résulte que le droit d'accès au dossier constitué par la Commission se justifie par la nécessité d'assurer aux entreprises en cause la possibilité de se défendre utilement contre les griefs formulés à leur encontre dans la CG.
39 Le Tribunal rappelle, en deuxième lieu, que le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions constitue un principe fondamental du droit communautaire qui doit être observé en toutes circonstances, même s'il s'agit d'une procédure administrative. Le respect effectif de ce principe général exige que les entreprises et associations d'entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, Rec. p. 461, points 9 et 11).
40 Il convient d'ailleurs de relever que, pour la mise en œuvre de ces principes, la Commission elle-même, dans son douzième rapport sur la politique de concurrence (p. 40 et 41), s'est exprimée comme suit : "la Commission accorde aux entreprises impliquées dans une procédure la faculté de prendre connaissance du dossier les concernant. Les entreprises sont informées du contenu du dossier de la Commission par l'adjonction à la communication des griefs ou à la lettre de rejet de la plainte, d'une liste de tous les documents composant le dossier, avec l'indication des documents ou parties de ceux-ci qui leur sont accessibles. Les entreprises sont invitées à examiner sur place les documents accessibles. Si une entreprise souhaite n'en examiner que quelques-uns, la Commission peut lui en faire parvenir des copies. La Commission considère comme confidentiels et, par conséquent, inaccessibles pour une entreprise déterminée, les documents suivants : les documents ou parties de ceux-ci contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises ; les documents internes de la Commission, tels que les notes, projets ou autres documents de travail ; toutes autres informations confidentielles, telles que celles permettant d'identifier les plaignants qui souhaitent ne pas voir révélée leur identité, ainsi que les renseignements communiqués à la Commission sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel".
41 Dans son arrêt Hercules du 17 décembre 1991 (Hercules/Commission, T-7-89, Rec. p. II-1711), le Tribunal en a déduit que la Commission a "l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles".
42 De tout ce qui précède, il résulte que, même s'ils sont susceptibles d'être constitutifs d'une violation des droits de la défense, des actes de la Commission refusant l'accès au dossier ne produisent, en principe, que des effets limités propres à un acte préparatoire s'insérant dans le cadre d'une procédure administrative préalable. Or, seuls des actes affectant immédiatement et de manière irréversible la situation juridique des entreprises concernées seraient de nature à justifier, dès avant l'achèvement de la procédure administrative, la recevabilité d'un recours en annulation.
43 Cette conclusion n'est pas de nature à être remise en cause par l'argumentation présentée par les requérantes, tirée de la jurisprudence de la Cour dans les affaires Akzo (arrêt du 24 juin 1986, précité) et BEUC (arrêt du 28 novembre 1991, précité). En effet, il s'agissait, dans les deux cas, de décisions de la Commission relatives à la communication à des tiers de certains documents. Par conséquent, les décisions attaquées étaient indépendantes de la décision devant intervenir au terme de la procédure engagée par la Commission et, par là même, suffisamment détachables de cette décision ultime. Dans l'affaire Akzo, la décision par laquelle la Commission a considéré que certains documents ne revêtaient pas un caractère confidentiel et pouvaient donc être communiqués au tiers plaignant, revêtait un caractère définitif et était sans lien avec une éventuelle décision à intervenir au terme de la procédure engagée au titre de l'article 86 à l'encontre de la requérante. En effet, ainsi que la Cour l'a jugé, le recours ouvert contre cette dernière décision n'est pas de nature à garantir à l'entreprise une protection adéquate de ses droits, les effets irréversibles qu'entraînerait une communication irrégulière de certains de ses documents à des tiers n'étant pas susceptibles d'être réparés par l'annulation d'une telle décision. Dans l'affaire BEUC, le refus d'accès au dossier a été opposé à un tiers à la procédure. Or, la procé ure mise en œuvre en l'espèce sur la base du règlement (CEE) n° 2423-88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (JO L 209, p. 1), n'étant pas susceptible d'aboutir à une décision faisant grief aux consommateurs ou à des organisations du type de celle du BEUC, un acte refusant à ce dernier l'accès au dossier non confidentiel de la Commission portait immédiatement atteinte à ses intérêts et, partant, ne saurait être attaqué que dans le délai de recours ouvert à son encontre.
44 Cette conclusion n'est pas davantage de nature à être remise en cause par la jurisprudence de la Cour concernant, d'une part, les décisions de demande de renseignements ou de vérification, adoptées par la Commission respectivement en vertu des articles 11, paragraphe 5, et 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 et, d'autre part, les lettres d'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, en matière d'aides d'Etat.
45 S'agissant, d'une part, des décisions de demande de renseignements ou de vérification, il convient de souligner que, outre le fait qu'un recours contre ces décisions est expressément prévu par la réglementation applicable, ces actes s'insèrent dans la procédure d'enquête préalable qui n'est pas de nature contradictoire et se différencie de celle qui, suite à l'envoi d'une CG, doit permettre à la Commission d'adopter une décision constatant une infraction aux règles de concurrence du traité (voir arrêt de la Cour du 18 octobre 1989, Orkem, précité, points 20 à 25).
46 S'agissant, d'autre part, des lettres d'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, il y a lieu d'observer que la Cour, dans ses arrêts du 30 juin 1992 (Royaume d'Espagne/Commission et République italienne/Commission, précités) a jugé que, dans les circonstances propres à ces espèces, la décision d'ouvrir la procédure impliquait un choix sur la qualification de l'aide et des règles de procédure y afférant et produisait ainsi des effets juridiques définitifs, consistant notamment dans la suspension du versement de l'aide envisagée. La Cour a considéré, en effet, que ni une décision ultérieure de la Commission constatant la compatibilité de l'aide avec le traité, ni la possibilité de recours juridictionnel contre une décision de la Commission constatant son incompatibilité ne permettraient d'effacer les conséquences irréversibles du retard dans le versement de l'aide.
47 A la différence des situations ci-dessus mentionnées, l'éventuelle violation du droit des destinataires d'une CG de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs, n'est susceptible de produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des entreprises et associations d'entreprises concernées que lorsque la Commission aura adopté, le cas échéant, la ou les décisions constatant l'existence des infractions qu'elle leur reproche. En fait, jusqu'à ce qu'une décision finale soit adoptée, la Commission peut, au vu notamment des observations écrites et orales des parties, abandonner certains ou même la totalité des griefs initialement articulés à leur encontre. Elle peut également réparer d'éventuels vices de procédure en rouvrant l'accès au dossier, initialement refusé, afin que les destinataires de la CG puissent se prononcer à nouveau et en pleine connaissance de cause sur les griefs qui leur ont été communiqués. Or, si, par hypothèse, le Tribunal devait reconnaître, dans le cadre d'un recours contre une décision mettant un terme à la procédure, l'existence d'un droit d'accès complet au dossier qui aurait été méconnu et, partant, annuler la décision finale de la Commission pour violation des droits de la défense, ce serait l'ensemble de la procédure qui serait entachée d'illégalité. Dans de telles circonstances, la Commission serait obligée soit d'abandonner toute poursuite à l'encontre des entreprises et associations d'entreprises en cause, soit de reprendre la procédure en donnant aux entreprises et associations d'entreprises concernées la possibilité de faire à nouveau connaître leur point de vue sur les griefs retenus contre elles à la lumière de l'ensemble des nouveaux éléments auxquels elles auraient dû avoir accès. Dans cette dernière hypothèse, une procédure contradictoire régulière suffirait à rétablir pleinement les requérantes dans leurs droits et prérogatives.
48 De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que les actes par lesquels la Commission a refusé, d'une part, de communiquer aux requérantes la totalité des chapitres de la CG et, d'autre part, de leur donner accès à l'ensemble des documents faisant partie de son dossier ne sont pas susceptibles de produire des effets juridiques de nature à affecter, d'ores et déjà, et avant l'intervention éventuelle d'une décision constatant une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité et prononçant, le cas échéant, une sanction à leur encontre, les intérêts des requérantes.
49 Enfin, le Tribunal estime, en tout état de cause, qu'aucune circonstance exceptionnelle, au sens de l'arrêt IBM/Commission du 11 novembre 1981, précité, (voir point 23) n'est de nature, en l'espèce, à permettre de regarder les actes attaqués comme dépourvus de toute apparence de légalité. En effet, si un débat s'est engagé entre les parties sur la question de savoir dans quelle mesure la protection de la confidentialité prévue à l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17 s'étend à l'ensemble des informations recueillies par la Commission dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par le règlement n° 17 et qui n'ont pas été retenues à la charge d'une entreprise, il convient de relever qu'en admettant même que la Commission ait pu, en l'espèce, faire une application erronée des dispositions de l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17, une telle circonstance ne serait pas de nature à retirer toute apparence de légalité aux actes attaqués, alors surtout que cette question de droit n'a pas encore été tranchée par le juge communautaire.
50 De l'ensemble de ce qui précède, il résulte que les recours doivent être déclarés irrecevables.
Sur les dépens
51 A l'audience, les requérantes ont fait valoir qu'en application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Commission devait être condamnée aux dépens, même si les présents recours devaient être rejetés, dès lors que la présente procédure n'est que le résultat d'un comportement déraisonnable de la Commission qui porte préjudice à leurs droits de la défense. A l'appui de leur demande, les requérantes invoquent, en particulier, l'ordonnance de la Cour du 7 octobre 1987 (Briggemann/CES, 248-86, Rec. p. 3963).
52 Il y a lieu d'observer qu'en vertu de l'article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels. En application de la même disposition, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.
53 Le Tribunal rappelle que les présents recours ont été déclarés irrecevables dans la mesure où les actes attaqués en l'espèce ne sont ni de nature à produire des effets juridiques immédiats susceptibles d'affecter les intérêts des requérantes, ni susceptibles d'être qualifiés d'actes dépourvus de toute apparence de légalité. A cet égard, le Tribunal souligne qu'ainsi qu'il résulte du point 49 du présent arrêt et contrairement à la situation visée dans l'ordonnance de la Cour invoquée par les requérantes, l'on ne saurait reprocher à la Commission d'avoir agi en contradiction avec la jurisprudence de la Cour ou du Tribunal. Il n'y a donc pas lieu, en l'espèce, de faire application de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.
54 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens, il y a lieu de condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
déclare et arrête :
1) Les recours sont rejetés comme irrecevables.
2) Les requérantes sont condamnées aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé.