TPICE, 1re ch., 18 novembre 1992, n° T-16/91
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Rendo NV, Centraal Overijsselse Nutsbedrijven NV, Regionaal Energiebedrijf Salland NV
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Samenwerkende Elektriciteitsproduktiebedrijven NV
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
MM. Kirschne
Juges :
MM. Vesterdorf, Garcia-Valdecasas, Lenaerts, Schintgen
Avocats :
Mes Poelman, Ottervanger, van Empel, Brouwer.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),
LES FAITS A L'ORIGINE DU RECOURS
1 La présente affaire concerne des restrictions à l'importation et à l'exportation d'électricité en vigueur aux Pays-Bas, restrictions qui découlent, en partie, d'accords conclus entre des entreprises du secteur de l'approvisionnement en électricité et, en partie, de la réglementation nationale régissant ledit secteur.
1) Les entreprises concernées
2 Les requérantes sont des sociétés locales de distribution d'électricité aux Pays-Bas. Elles sont approvisionnées en électricité par une entreprise de distribution régionale, dénommée IJsselcentrale (ou IJsselmij, ci-après "IJC").
3 En mai 1988, les requérantes (ou leurs prédécesseurs en droit) ont saisi la Commission d'une plainte au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), dirigée, entre autres, contre IJC et la NV Samenwerkende Elektriciteitsproduktiebedrijven (ci-après "la SEP"), partie intervenante dans la présente procédure. Elles alléguaient différentes infractions aux articles 85 et 86 du traité commises par la SEP et les sociétés productrices d'électricité aux Pays-Bas.
4 La SEP est une société qui a été créée en 1949 par les entreprises de production d'électricité aux Pays-Bas en vue de structurer leur coopération. Parmi ses tâches statutaires figurent notamment la gestion du réseau de haute tension et la conclusion d'accords avec des entreprises d'électricité étrangères, concernant l'importation et l'exportation d'électricité ainsi que l'utilisation des liaisons internationales du réseau d'interconnexion.
5 A la suite de la plainte des requérantes, la Commission a adopté la décision attaquée, qui concerne un accord de coopération (Overeenkomst van Samenwerking, ci-après "OVS") conclu entre les sociétés de production d'électricité, d'une part, et la SEP, d'autre part.
2) L'accord OVS
6 L'accord OVS a été conclu le 22 mai 1986 entre la SEP et ses actionnaires (les prédécesseurs en droit des quatre producteurs d'électricité existant actuellement aux Pays-Bas). L'accord n'a pas été notifié à la Commission.
7 L'article 21 de cet accord réserve à la seule SEP l'importation et l'exportation d'électricité et impose à ses participants de stipuler, dans les contrats de fourniture qu'ils passent avec les entreprises distributrices d'énergie électrique, que ces dernières s'abstiendront de se livrer à l'importation ou à l'exportation d'électricité. C'est cette disposition qui fait l'objet de la décision attaquée et du présent litige.
3) Le cadre législatif national
8 Dans les motifs de la décision attaquée, la Commission relève que la législation néerlandaise en vigueur à l'époque à laquelle l'OVS a été conclu n'interdisait pas aux entreprises autres que les fournisseurs d'importer elles-mêmes de l'électricité, mais subordonnait une telle importation à une autorisation qui était, en principe, accessible à tout intéressé. La décision attaquée ne contient pas d'indication quant à une éventuelle réglementation des exportations d'électricité.
9 Le 8 décembre 1989 sont entrées en vigueur la plupart des dispositions d'une nouvelle loi néerlandaise sur l'électricité (Elektriciteitswet 1989). Selon l'article 2 de cette loi, les concessionnaires (c'est-à-dire les quatre entreprises productrices d'électricité) et la "société désignée" (c'est-à-dire une société désignée par le ministre des Affaires économiques, conformément à l'article 8 de la loi, pour remplir certaines fonctions définies par la loi) ont pour tâche d'assurer conjointement le fonctionnement fiable et efficace de l'approvisionnement public national en électricité. Par décret ministériel du 20 mars 1990, la SEP a été désignée à cet effet.
10 L'article 34 de la loi sur l'électricité, entré en vigueur le 1er juillet 1990, dispose que la "société désignée" est la seule à pouvoir importer de l'énergie électrique destinée à la distribution publique (à l'exception de l'électricité fournie avec une tension inférieure à 500 V). La loi interdit donc aux sociétés de distribution d'importer de l'électricité destinée à la distribution publique. Selon la décision attaquée, il découle, en revanche, dudit article 34 que certains consommateurs finals peuvent importer de l'énergie électrique pour leur propre consommation et qu'ils n'ont plus besoin d'autorisation à cet effet. Il ressort de l'article 47 que les entreprises qui exploitent des lignes d'électricité doivent mettre celles-ci à la disposition de quiconque en fait la demande pour transporter l'électricité ainsi importée.
11 La loi sur l'électricité de 1989 ne réglemente pas l'exportation d'électricité. La Commission en a déduit, conformément aux indications fournies par le Gouvernement néerlandais, que celle-ci est libre tant pour les distributeurs que pour les consommateurs finals. Toutefois, à la différence de ce qui se passe pour l'importation, la loi ne prévoit pas d'obligation de transport à cet égard.
4) La procédure administrative
12 La plainte déposée en mai 1988 par les requérantes trouve son origine dans des procédures civiles engagées en raison de l'application, par IJC, d'une interdiction d'importation et d'exportation combinée à une obligation d'achat exclusif, ainsi que de l'imposition d'une taxe, dénommée supplément de péréquation des coûts (egalisatiekostentoeslag). Elle était dirigée contre les trois éléments suivants :
1) l'interdiction explicite d'importation figurant tant dans la convention générale SEP de 1971 (article 2) que dans l'accord de coopération ("OVS") de 1986 (article 21) ;
2) l'obligation d'achat exclusif découlant des accords passés par les plaignantes avec IJC, obligation qui découle, selon les plaignantes, notamment des stipulations de l'OVS en la matière ;
3) le droit d'IJC de fixer les prix unilatéralement et le supplément de péréquation imposé unilatéralement aux plaignantes.
13 Par lettre du 14 juin 1989, signée par un chef de division à la direction générale de la concurrence (ci-après "DG IV"), la Commission a informé les requérantes qu'elle avait adressé, le 8 juin 1989, une communication des griefs à la SEP et aux autres parties à l'OVS. La lettre précisait que cette procédure n'avait pas pour objet le supplément de péréquation, au motif que cette charge n'affectait pas de manière significative le commerce entre Etats membres.
5) La décision attaquée
14 La décision attaquée a pour objet l'article 21 de l'OVS, dans la mesure où il se rapporte, ou est appliqué par la SEP, aux importations faites par des consommateurs privés et où cette disposition a pour effet, par le contrôle exercé par la SEP sur les réseaux d'interconnexion, d'entraver les importations et les exportations faites par ces consommateurs ainsi que les exportations faites par les distributeurs (point 20, dernier alinéa). Elle a donc trait aux deux premiers griefs soulevés par les requérantes dans leur plainte. En revanche, la décision ne concerne pas le troisième grief invoqué dans la plainte, à savoir le supplément de péréquation imposé par la IJC (point 1, avant-dernier alinéa).
15 Par la décision attaquée, la Commission constate, en premier lieu, que l'OVS est un accord entre entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité et que l'interdiction d'importation et d'exportation d'énergie électrique effectuées par des entreprises autres que la SEP constitue une restriction de la concurrence.
16 Pour ce qui est, en deuxième lieu, de l'incidence de la loi sur l'électricité de 1989 sur l'accord OVS, la Commission relève que la SEP considère que la nouvelle loi n'a en rien modifié la portée de l'article 21 de l'OVS. Quant aux importations d'électricité, elle fait observer que, si la loi interdit qu'elles soient effectuées par d'autres que par la SEP lorsqu'elles sont destinées à la distribution publique, elles sont, en revanche, libres lorsqu'elles sont effectuées par des consommateurs finals pour leur propre consommation. Elle en déduit que l'article 21 de l'accord OVS est appliqué, dans ce domaine, d'une manière qui outrepasse la loi. Quant aux exportations, la Commission relève que le Gouvernement néerlandais a fait savoir qu'elles sont totalement libres, aussi bien pour les sociétés de distribution que pour les consommateurs privés et que ce régime s'applique tant pour l'électricité fournie par le réseau public que pour celle produite par les consommateurs eux-mêmes. A la différence du régime prévu pour les importations, dans la limite où celles-ci sont admissibles, la loi sur l'électricité n'édicte pas d'obligation de transport pour les exportations. L'exportateur potentiel, souligne la Commission, doit donc s'entendre avec la SEP au sujet de l'utilisation du réseau de haute tension à cet effet, et le rôle joué par la SEP à cet égard dépend de la façon dont elle applique l'article 21 de l'OVS. La Commission déduit de cet ensemble de constatations que le maintien de l'article 21 de l'OVS, en liaison avec le régime instauré par la nouvelle loi, constitue toujours une infraction à l'article 85.
17 En troisième lieu, la Commission examine la question de savoir si l'article 90, paragraphe 2, du traité s'oppose, en l'espèce, à l'application de l'article 85, paragraphe 1.
18 Elle constate à ce sujet que tant la SEP que les sociétés de production qui en font partie sont des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général. S'agissant des importations et exportations effectuées par les consommateurs finals privés, elle considère néanmoins que l'application de l'article 85 à l'OVS ne ferait pas échec à l'accomplissement de la mission impartie à ces entreprises. Elle estime que le contrôle absolu sur les importations et exportations dont la SEP dispose en vertu de l'article 21 de l'OVS n'est pas indispensable pour l'accomplissement de sa mission en général.
19 Pour ce qui est, en revanche, des importations destinées à la distribution publique, la Commission constate que l'interdiction faite aux sociétés de production et de distribution d'importer sans passer par la SEP est à présent fixée à l'article 34 de la loi sur l'électricité de 1989.
20 Elle en tire la conséquence suivante :
"Dans le cadre de la présente procédure engagée conformément au règlement n° 17, la Commission s'abstiendra de se prononcer sur la question de savoir si cette restriction à l'importation se justifie au regard de l'article 90 paragraphe 2 du traité, car ce faisant elle préjugerait la question de la compatibilité de la nouvelle loi avec le traité CEE, ce qui n'est pas l'objet de la présente procédure" (point 50 de la décision).
21 Pour la même raison, la Commission déclare qu'elle ne peut pas se prononcer sur l'interdiction d'exporter faite aux sociétés de production dans le domaine de l'approvisionnement public. Une interdiction d'exporter faite aux sociétés de production dans le domaine de l'approvisionnement public peut être déduite de l'obligation de livraison qui leur est imposée par l'article 11 de la loi sur l'électricité de 1989. Cette disposition oblige les producteurs à ne livrer leur électricité qu'à la SEP et à ne livrer l'électricité qui leur est livrée par la SEP qu'aux entreprises de distribution (point 51, premier alinéa, de la décision).
22 Enfin, quant à l'interdiction d'exporter, faite aux sociétés de distribution par l'article 21 de l'OVS, aussi bien en dehors que dans le domaine de l'approvisionnement public, la Commission la considère comme contraire à l'économie de la nouvelle loi, qui libère précisément les exportations, et estime qu'il est donc douteux que les parties à l'OVS puissent la maintenir et continuer à l'appliquer. Dans l'hypothèse où cette interdiction serait néanmoins maintenue, la Commission estime qu'elle ne saurait être justifiée par l'article 90, paragraphe 2 (point 51, deuxième et troisième alinéas, et point 52 de la décision).
23 Ayant constaté qu'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, n'est pas envisageable, la Commission a arrêté la décision attaquée, dont le dispositif prévoit notamment :
"Article premier
L'article 21 de l'accord de collaboration passé le 22 mai 1986 entre les prédécesseurs en droit des quatre sociétés actuelles de production d'électricité, d'une part, et NV Samenwerkende Elektriciteitsproduktiebedrijven, d'autre part, et tel qu'appliqué en liaison avec le contrôle de fait et l'influence de fait exercés sur les livraisons internationales d'électricité, constitue une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, dans la mesure où ledit article 21 a pour objet ou pour effet d'entraver les importations effectuées par des consommateurs industriels privés et les exportations de la production en dehors du domaine de l'approvisionnement public effectuées par des sociétés de distribution et des consommateurs industriels privés, et notamment des autoproducteurs.
Article 2
Les sociétés visées à l'article 3 prennent toute mesure utile pour mettre fin à l'infraction définie à l'article 1er. A cet effet, elles soumettent à la Commission, dans un délai de trois mois suivant la notification de la présente décision, des propositions visant à mettre fin à l'infraction."
Aux termes de l'article 3 de la décision, la SEP et les quatre producteurs d'électricité établis aux Pays-Bas sont les destinataires de la décision, qui a en outre été communiquée aux requérantes.
La procédure
24 Le 14 mars 1991, les requérantes ont introduit le présent recours, visant à l'annulation partielle de la décision de la Commission. Les parties à l'OVS, en revanche, n'ont pas attaqué la décision.
25 La procédure écrite a suivi un cours normal. A sa demande, enregistrée au greffe du Tribunal le 16 juillet 1991, la SEP a été admise, par ordonnance du président de la première chambre du 8 octobre 1991, à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse.
26 Le 20 mars 1991, la Commission a décidé d'engager des procédures d'infraction, au titre de l'article 169 du traité, contre neuf Etats membres, dont les Pays-Bas, concernant les monopoles publics dans le secteur des échanges de courant électrique. Ces procédures ont notamment pour objet de procéder à l'examen desdits monopoles au regard de l'article 37 du traité. Le 9 août 1991, une mise en demeure a été adressée à ce sujet au Gouvernement néerlandais.
27 Le 20 novembre 1991, la Commission a adressé aux requérantes une lettre signée par un directeur à la DG IV, indiquant "qu'il ne peut être donné suite à ce jour à votre plainte...". Dans cette lettre, la Commission informe les requérantes que la charge d'égalisation, contre laquelle la plainte originelle était essentiellement dirigée, ne peut pas faire l'objet d'une procédure fondée sur les articles 85 et/ou 86 du traité, parce qu'elle n'affecte pas de manière significative le commerce entre Etats membres. Quant à l'interdiction d'importer et d'exporter de l'électricité dans le domaine de l'approvisionnement public, la Commission se réfère à la décision attaquée pour justifier son abstention de se prononcer et informe les requérantes de l'état des procédures engagées au titre de l'article 169 du traité. Selon cette lettre, la décision attaquée peut être interprétée comme un rejet partiel de la plainte des requérantes, pour ce qui est des restrictions à l'importation d'électricité dans le domaine de l'approvisionnement public pendant la période ayant précédé l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité de 1989. Pour ce qui est de la période postérieure, la Commission affirme, en revanche, que ladite plainte fait encore l'objet d'un examen sur la base de l'article 37 du traité, sans que les dispositions du règlement n° 17 trouvent application. Elle déclare qu'il n'est pas possible, au stade actuel, de préjuger du résultat de cet examen. Le 17 janvier 1992, les requérantes ont introduit un recours contre cette lettre (Rendo II, T-2-92).
28 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois invité, d'une part, la Commission à produire une copie de la plainte et de la correspondance échangée à ce sujet avec les requérantes et, d'autre part, les deux parties à se prononcer, à l'audience, sur certaines questions.
29 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 5 juin 1992. Le président a prononcé la clôture de la procédure orale à l'issue de l'audience.
30 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision de la Commission du 16 janvier 1991, uniquement dans la mesure où la Commission ne s'est pas prononcée sur l'application de l'article 21 de l'OVS aux importations et aux exportations effectuées par des sociétés de distribution, parmi lesquelles les requérantes, dans le domaine de l'approvisionnement public ;
- ordonner à la Commission, d'une part, de déclarer encore à ce stade, par voie de décision, conformément à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, que l'article 21 de l'accord visé à l'article 1er de la décision attaquée, tel qu'appliqué en liaison avec le contrôle de fait et l'influence de fait exercés sur les livraisons internationales d'électricité, constitue aussi une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, dans la mesure où ledit article 21 a pour objet ou pour effet d'entraver les importations et les exportations effectuées par des sociétés de distribution dans le domaine de l'approvisionnement public, et, d'autre part, d'obliger les sociétés énumérées à l'article 3 de la décision à mettre fin aux infractions constatées ;
- à tout le moins, prendre toutes mesures qu'il jugera utiles pour une bonne administration de la justice ;
- condamner la Commission aux dépens.
31 La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner solidairement les requérantes aux dépens de l'instance.
32 La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner les requérantes aux dépens, y compris les dépens de la partie intervenante.
Sur la recevabilité
1) Sur le premier chef du recours
33 Sous le premier chef de leurs conclusions, les requérantes demandent l'annulation de la décision de la Commission, pour autant que celle-ci s'est abstenue de se prononcer sur l'interdiction, faite aux sociétés de distribution, y compris aux requérantes, par l'article 21 de l'OVS, d'importer et d'exporter de l'électricité dans le cadre de l'approvisionnement public. Les circonstances de l'espèce n'étant pas les mêmes en ce qui concerne les importations et les exportations, il y a lieu d'examiner d'abord la recevabilité du recours en ce qui concerne le domaine des importations d'électricité, avant de vérifier sa recevabilité en ce qui concerne celui des exportations.
a) Sur l'abstention de se prononcer sur l'interdiction, faite aux sociétés de distribution, d'importer de l'électricité
Argumentation des parties
34 La Commission est d'avis que la décision attaquée contient un rejet partiel et implicite de la plainte des requérantes, notamment dans la mesure où, contrairement à ce que les requérantes avaient demandé dans leur plainte, elle n'a pas condamné, sur la base de l'article 3 du règlement n° 17, l'interdiction faite aux sociétés distributrices d'importer de l'électricité, telle que cette interdiction ressortait de l'article 21 de l'OVS avant la mise en vigueur de l'article 34 de la loi néerlandaise sur l'électricité. En revanche, elle a précisé, en réponse aux questions du Tribunal à l'audience, qu'elle estime avoir réservé sa position pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de ladite loi, de sorte que le dossier reste ouvert à cet égard.
35 La partie intervenante estime que la Commission a réservé sa position, dans la décision attaquée, tant pour la période ayant précédé l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité que pour la période subséquente. Selon elle, même une décision constatant que l'article 21 de l'OVS constituait une infraction au droit de la concurrence avant l'entrée en vigueur de cette loi impliquerait une appréciation de la compatibilité de cette dernière avec le droit communautaire. Elle s'oppose à ce qu'une distinction soit faite entre les deux périodes et souligne que la décision elle-même ne fait pas cette distinction. La SEP est, en outre, d'avis qu'une décision d'interdiction, telle que la décision attaquée, ne saurait être interprétée comme contenant le rejet implicite d'une plainte.
36 Les requérantes ont souligné, dans leur réplique, leur intérêt à ce que toute clarté soit faite quant à la situation juridique ayant prévalu avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité. A cet égard, elles se sont référées aux litiges pendants devant les juridictions nationales.
37 En réponse aux questions du Tribunal, les requérantes ont affirmé que la décision attaquée doit être interprétée comme ayant implicitement rejeté leur plainte aussi bien pour la période antérieure que pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité. Elles contestent que la Commission ait réservé sa décision et invoquent la lettre du 20 novembre 1991, précitée, pour soutenir que le dossier ouvert au titre du règlement n° 17 a été clos.
38 Pour démontrer que la décision attaquée les concerne directement et individuellement, elles soulignent que leur position juridique est différente, dans le cadre d'une procédure au titre des articles 169 et 37 du traité, de celle dont elles bénéficient dans le cadre d'une procédure au titre du règlement n° 17.
Appréciation du Tribunal
39 Le Tribunal relève qu'en vertu de l'article 113 de son règlement de procédure, il peut à tout moment examiner d'office les fins de non-recevoir d'ordre public. L'existence d'un acte contre lequel le recours en annulation est ouvert, conformément à l'article 173 du traité, est une condition essentielle de recevabilitéet son défaut a été soulevé d'office, à plusieurs reprises, par la Cour (ordonnance du 7 octobre 1987, Brüggemann/CES, 248-86, Rec. p. 3963, et arrêt du 4 juin 1986, Groupe des droites/Parlement, 78-85, Rec. p. 1753, 1757) et par le Tribunal (arrêt du 10 juillet 1990, Automec/Commission, ci-après "Automec I", T-64-89, Rec. p. II-367, 381).
40 Il convient donc d'examiner si la décision attaquée est un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation, pour autant que la Commission s'est abstenue de se prononcer sur l'interdiction d'importer de l'électricité dans le domaine de l'approvisionnement public. Ainsi qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, il convient à cet effet de rechercher si cette abstention a produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts des requérantes, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celles-ci(voir p. ex., les arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec I, précité, et du 13 décembre 1990, Prodifarma/Commission, T-116-89, Rec. p. II-843, 860).
41 Le Tribunal relève que, dans son dispositif, la décision attaquée constate qu'une infraction à l'article 85 du traité a été commise par la SEP et les quatre producteurs d'électricité et oblige ces derniers à mettre fin à cette infraction. En revanche, ni le dispositif, ni les motifs de la décision attaquée ne rejettent explicitement et définitivement la plainte des requérantes en ce qui concerne les restrictions à l'importation imposées aux sociétés de distribution.
42 Cependant, il y a lieu d'examiner si la déclaration, figurant au point 50 de la décision, selon laquelle la Commission s'abstiendra de se prononcer, dans le cadre de la procédure au titre du règlement n° 17, sur l'application de l'article 90, paragraphe 2, du traité auxdites restrictions, implique une décision sur la plainte des requérantes.
43 Afin de déterminer le sens et la portée de cette déclaration, il faut tenir compte, d'une part, de la motivation donnée par la Commission et, d'autre part, du contexte factuel dans lequel elle s'inscrit. Etant donné que la déclaration ne se réfère qu'à la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi néerlandaise sur l'électricité de 1989, il convient d'examiner, d'abord, s'il existe une décision concernant cette période et, ensuite, s'il en existe une pour la période antérieure.
44 Quant à la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi, la Commission relève, pour motiver son abstention, que l'interdiction d'importer de l'électricité pour l'approvisionnement public sans passer par la SEP est à présent fixée à l'article 34 de la loi sur l'électricité et qu'elle ne veut pas préjuger de la compatibilité de la nouvelle loi avec le traité, étant donné que cette question ne fait pas l'objet de la procédure en cours, engagée au titre du règlement n° 17.
45 Le sens de cette motivation se trouve précisé par le fait que la Commission a engagé, environ deux mois après la date de la décision attaquée, une procédure au titre de l'article 169 du traité contre le royaume des Pays-Bas et d'autres Etats membres, concernant les monopoles publics dans le secteur des échanges de courant électrique. La décision attaquée a donc été adoptée à un moment où l'ouverture d'une procédure en manquement était déjà envisagée par la Commission.
46 Le Tribunal considère que, dans ces circonstances, le point 50 de la décision doit être interprété comme se référant implicitement à une procédure au titre de l'article 169 du traité, ayant, entre autres, pour objet d'apprécier la compatibilité de la loi sur l'électricité de 1989, notamment des restrictions à l'importation qui y sont prévues, avec les dispositions du traité.
47 La Commission exprime ainsi l'idée que l'examen de cette question doit être réservé à une procédure en manquement, de l'issue de laquelle dépendra l'appréciation à porter, au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité, sur les restrictions correspondantes, inscrites dans l'OVS.
48 Dans la décision, la Commission manifeste donc son intention de ne pas poursuivre la procédure ouverte au titre du règlement n° 17 en ce qui concerne l'interdiction d'importer de l'électricité dans le domaine de l'approvisionnement public, pour autant que cette interdiction est couverte par la nouvelle loi, et de renvoyer l'examen de cette dernière à une procédure à engager, au titre de l'article 169 du traité, contre le royaume des Pays-Bas.
49 Ce renvoi n'équivaut pas à une décision de rejeter définitivement une plainte et de classer le dossier, telle qu'elle a été prise à plusieurs reprises dans la pratique de la Commission et reconnue par la jurisprudence(voir, p. ex., les arrêts de la Cour du 11 octobre 1983, Demo-Studio Schmidt/Commission, 210-81, Rec. p. 3045, du 28 mars 1985, CICCE/Commission, 298-83, Rec. p. 1105, et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142-84 et 156-84, Rec. p. 4487). De telles décisions de classement sont caractérisées par le fait qu'elles mettent fin à l'enquête engagée, comportent (éventuellement) une appréciation des accords en cause et empêchent les parties plaignantes d'exiger la réouverture de l'enquête, à moins qu'elles ne fournissent des éléments nouveaux (voir l'arrêt BAT et Reynolds, précité, notamment p. 4571).
50 En l'espèce, rien n'empêche la Commission de poursuivre la procédure ouverte au titre des règlements n° 17 et n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), une fois que la procédure engagée au titre de l'article 169 du traité sera parvenue à son terme. En outre, la Commission n'a pas non plus arrêté sa position sur la suite qu'elle entend réserver à la plainte à ce moment.
51 Cependant, même si la plainte des requérantes demeure ainsi pendante devant la Commission, le renvoi de l'examen de la loi sur l'électricité dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 169 du traité, du fait qu'il présente, à cet égard, un caractère définitif, est susceptible d'affecter la situation juridique des requérantes sur le plan procédural.
52 En effet, la position procédurale des parties ayant saisi la Commission d'une plainte est fondamentalement différente dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 169 du traité de celle qui est la leur dans le cadre d'une procédure au titre du règlement n° 17. Dans cette dernière, les parties plaignantes jouissent de droits procéduraux clairement définis par le règlement n° 99-63, notamment du droit de recevoir communication des raisons pour lesquelles la Commission entend ne pas donner une suite favorable à leur plainte et du droit de présenter leurs observations à cet égard. Elles peuvent en outre soumettre au contrôle juridictionnel la décision adoptée par la Commission à l'issue de cette procédure (voir l'arrêt de la Cour du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26-76, Rec. p. 1875, 1902). En revanche, dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 169 du traité, les personnes ayant déposé une plainte ne bénéficient pas de droits procéduraux leur permettant d'exiger que la Commission les informe et les entende, et elles n'ont pas la possibilité de saisir, le cas échéant, le juge communautaire d'un recours contre la décision de la Commission de classer leur plainte(voir, p. ex., l'arrêt de la Cour du 17 mai 1990, Sonito e.a./ Commission, C-87-89, Rec. p. I-1981).
53 Le renvoi auquel a procédé la Commission ayant pour effet d'interrompre pour une période considérable la procédure engagée au titre du règlement n° 17, il y a lieu de constater que l'examen d'une partie des questions soulevées par les requérantes, dans leur plainte, à propos des importations d'électricité, a été soustrait à cette procédure, dans laquelle les requérantes bénéficiaient de droits procéduraux précis, et a été confié à une procédure au titre de l'article 169 du traité, dans laquelle les requérantes ne disposent pas de tels droits.
54 Pendant l'interruption de la procédure au titre du règlement n° 17, les parties plaignantes seront privées de l'exercice effectif de leurs droits procéduraux. En effet, la Commission a clairement indiqué qu'elle estime ne pas disposer, tant que la procédure engagée au titre de l'article 169 ne sera pas terminée, d'un élément qu'elle considère comme nécessaire pour déterminer si elle réservera ou non une suite favorable à la plainte, pour autant que celle-ci vise les restrictions à l'importation prévues à l'article 21 de l'OVS et identiques à celles fixées par la loi sur l'électricité.
55 Par conséquent, la déclaration inscrite au point 50 de la décision adoptée par le collège, selon laquelle la Commission s'abstiendra d'examiner les restrictions à l'importation, pour autant qu'elles résultent, à présent, de l'article 34 de la loi sur l'électricité, a produit des effets juridiques en affectant les droits procéduraux des requérantes et constitue donc, à ce titre, une décision.
56 Il découle de ce qui précède que la décision attaquée qui, suivant son article 3, n'a pas été adressée aux requérantes, les concerne directement et individuellement au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, pour autant que leurs droits procéduraux ont été affectés.
57 Le recours est donc recevable pour autant qu'il vise l'annulation de la décision de la Commission de s'abstenir de se prononcer, pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité, sur les restrictions à l'importation découlant, pour les entreprises distributrices, de l'article 21 de l'OVS.
58 S'agissant de la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi, la décision attaquée ne contient aucune indication sur la suite que la Commission entend réserver à la plainte, dans la mesure où celle-ci vise les restrictions à l'importation découlant du seul article 21 de l'OVS. Elle ne se prononce ni sur un rejet définitif des griefs y relatifs, ni sur un renvoi quelconque de l'examen de ces restrictions dans le cadre d'une autre procédure.
59 Par ailleurs, la décision attaquée, si elle a été adoptée à la suite de la plainte des requérantes, n'a que partiellement le même objet que celle-ci. D'une part, la Commission a pris en considération des griefs non soulevés par les requérantes et, d'autre part, elle n'a traité qu'une partie des griefs effectivement avancés. Ainsi, ni la charge d'égalisation, ni les reproches tirés d'une violation de l'article 86 du traité ne font l'objet d'un examen en droit dans la décision.
60 Dans ces circonstances, la décision attaquée ne saurait être interprétée comme une réponse à des éléments de la plainte qui ne sont mentionnés ni dans les motifs ni dans le dispositif de la décision, tels qu'ils ont été approuvés par le collège de la Commission.
61 Par conséquent, le Tribunal constate que la décision attaquée ne se prononce nullement sur les restrictions à l'importation applicables durant la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité. Elle n'a donc pas produit d'effets juridiques à cet égard et, dans cette mesure, une décision de la Commission fait défaut.
62 Par conséquent, le recours doit être rejeté comme irrecevable pour autant qu'il vise l'annulation d'une prétendue décision de la Commission de s'abstenir de statuer sur les restrictions à l'importation applicables durant cette période.
b) Sur l'abstention de se prononcer sur l'interdiction, faite aux sociétés de distribution, d'exporter de l'électricité
Argumentation des parties
63 Alors que la Commission n'avait pas pris position, pendant la procédure écrite, sur la recevabilité de cet aspect du recours, elle a précisé à l'audience, en réponse aux questions que le Tribunal lui avait adressées auparavant, qu'elle le considère comme irrecevable. Selon la Commission, la recevabilité du recours dépend de l'objet de la plainte déposée par les requérantes. Etant donné que celle-ci ne portait pas sur des restrictions à l'exportation, la Commission est d'avis que soit les requérantes ne sont pas directement et individuellement concernées par cet aspect de la décision attaquée, soit qu'elles n'ont pas d'intérêt à agir. En réponse aux questions posées par le Tribunal à l'audience, la Commission a ajouté qu'elle a réservé, dans la décision, sa position sur la question des exportations effectuées par les sociétés de distribution dans le domaine de l'approvisionnement public. En outre, elle a affirmé que son abstention de statuer sur ce point n'a en rien modifié la situation juridique des requérantes.
64 En réponse aux questions du Tribunal, la partie intervenante a déclaré qu'à son avis, la Commission a réservé sa position sur la question des exportations et que son abstention de se prononcer à cet égard ne peut, dès lors, pas être considérée comme une décision. Subsidiairement, elle a fait valoir qu'une éventuelle décision ne concernerait pas directement et individuellement les requérantes parce que leur plainte ne mentionnait pas les exportations.
65 Selon les requérantes, la décision attaquée contient un refus de prendre une décision sur l'interdiction qui leur est faite d'exporter de l'électricité. Elles reconnaissent que leur plainte ne mentionnait pas expressis verbis les exportations ; toutefois, elles sont d'avis que la décision, dans son ensemble, prend sa source dans leur plainte et que cette circonstance est de nature à les individualiser par rapport aux autres sociétés de distribution. En outre, elles soulignent qu'elles sont citées nommément dans le corps de la décision.
Appréciation du Tribunal
66 Le Tribunal constate que la Commission, au point 51 de la décision attaquée, déclare qu'"à nouveau", elle s'abstiendra de se prononcer sur l'interdiction d'exporter de l'électricité faite aux sociétés de production dans le domaine de l'approvisionnement public. Une telle formule pourrait annoncer, comme dans le domaine des restrictions à l'importation, un renvoi à une procédure au titre de l'article 169 du traité (voir, ci-dessus, points 46 et suiv.).
67 Toutefois, en ce qui concerne l'interdiction d'exporter faite aux sociétés de distribution, donc aux requérantes, la décision constate aux points 51, 52 et 54 que cette interdiction est contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité et ne peut être justifiée par l'article 90, paragraphe 2, du traité. Dans ce domaine, la décision ne peut donc être interprétée comme annonçant un renvoi à une procédure au titre de l'article 169 du traité.
68 Cependant, l'article 1er du dispositif de la décision attaquée se borne à constater une infraction uniquement pour ce qui est des exportations de la production d'électricité en dehors du domaine de l'approvisionnement public. Ce n'est qu'à cette infraction que les parties à l'OVS doivent mettre fin, conformément à l'article 2 de la décision.
69 Dans ces circonstances, il y a lieu d'examiner si la divergence existant entre le dispositif, d'une part, et les motifs, d'autre part, de la décision attaquée permet de conclure que la Commission a adopté une décision quant à l'interdiction d'exporter faite aux sociétés de distribution dans le domaine de l'approvisionnement public. Sous cet aspect, il suffit de relever que, même si la décision attaquée contient, dans ses motifs, le résultat d'un examen juridique, ce résultat n'est pas repris dans le dispositif de la décision. Force est donc de constater que la Commission n'a pas tiré de conséquences de son analyse juridique et n'a donc pas adopté une décision sur ce point.
70 Par conséquent, le recours doit être rejeté comme irrecevable pour autant qu'il vise l'annulation d'une prétendue décision de la Commission de s'abstenir de se prononcer sur les exportations effectuées par les sociétés de distribution dans le domaine de l'approvisionnement public.
71 En tout état de cause, il convient d'ajouter que si le dispositif de la décision devait être interprété comme une abstention de constater une infraction quant aux exportations en question, il y aurait lieu d'examiner si une telle décision pourrait concerner, directement et individuellement, les requérantes. Or, la plainte des requérantes n'était pas dirigée contre les restrictions à l'exportation découlant de l'OVS. Dès lors, les requérantes ne disposaient pas, dans ce contexte, des droits procéduraux prévus, pour les parties plaignantes, par les règlements n° 17 et n° 99-63. Par conséquent, elles ne sauraient être considérées comme directement et individuellement concernées, en raison de certains droits procéduraux qui leur seraient particuliers, par une décision éventuelle sur les restrictions à l'exportation d'électricité.
72 En faisant valoir qu'elles sont nommément désignées par la décision attaquée, les requérantes ont invoqué une jurisprudence de la Cour selon laquelle des entreprises, qui ont été identifiées dans l'acte qu'elles entendent attaquer ou concernées par les enquêtes préparatoires, sont susceptibles d'être directement et individuellement concernées par ledit acte (voir l'arrêt du 21 février 1984, Allied Corporation/Commission, 239-82 et 275-82, Rec. p. 1005, 1030). Cette jurisprudence concerne surtout des recours contre des actes portant institution de droits antidumping, introduits par les producteurs ou exportateurs dont le comportement individuel est visé par la mesure attaquée.
73 Cependant, le fait d'être identifiée dans un tel acte ne permet pas nécessairement à une entreprise de demander l'annulation dudit acte dans son ensemble. Ainsi, lorsqu'un règlement impose des droits antidumping différents à une série d'opérateurs économiques, chacun d'entre eux n'est individuellement concerné que par les seules dispositions qui lui imposent un droit antidumping, et non par celles qui imposent des droits antidumping à d'autres sociétés (voir, p. ex., les arrêts de la Cour du 10 mars 1992, Ricoh/Conseil, C-174-87, non encore publié au Recueil, et du 14 mars 1990, Gestetner/Conseil et Commission, C-156-87, Rec. p. I-781, point 12).
74 Or, en l'espèce, les requérantes ont été identifiées dans la décision attaquée en raison de leur qualité de parties plaignantes. Cette circonstance ne suffit pas pour autant pour qu'elles puissent être considérées comme individuellement concernées par des parties de la décision attaquée qui ne traitent pas des griefs soulevés dans leur plainte.
75 Par conséquent, il y a lieu de constater que les requérantes ne pourraient être affectées par une éventuelle décision sur les restrictions à l'exportation qu'en leur qualité d'entreprises de distribution d'électricité aux Pays-Bas. Une telle décision les concernerait donc au même titre que tout autre opérateur économique exerçant cette activité. Dès lors, les requérantes ne seraient pas individuellement concernées par une éventuelle décision de la Commission de ne pas obliger les parties à l'OVS à mettre fin aux obstacles à l'exportation qui en découlent, dans le domaine de l'approvisionnement public, pour les entreprises de distribution. En tout état de cause, leur recours devrait donc être rejeté comme irrecevable, même dans l'hypothèse où l'acte attaqué pourrait être interprété comme une décision de la Commission sur les restrictions en question.
2) Sur le deuxième chef du recours
Argumentation des parties
76 La Commission et la partie intervenante considèrent comme irrecevable le deuxième chef des conclusions des requérantes, visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de constater l'existence d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité et d'obliger les parties à l'accord à y mettre fin, étant donné que le Tribunal ne peut pas adresser d'injonctions à la Commission.
Appréciation du Tribunal
77 En effet, le Tribunal n'a pas compétence pour prononcer des injonctions dans le cadre d'un contrôle de légalité fondé sur l'article 173 du traité. Par suite, ce chef du recours doit être rejeté comme irrecevable.
78 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours n'est recevable que dans la mesure où il vise l'annulation de la décision de suspendre la procédure au titre du règlement n° 17, en ce qui concerne les restrictions à l'importation imposées aux distributeurs d'électricité après l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité. Il y a lieu de rejeter le recours comme irrecevable pour le surplus.
Sur le fond
79 Dans leur requête, les requérantes avaient articulé leurs griefs en deux parties. Dans la première, elles invoquaient la violation de l'obligation de motivation, inscrite à l'article 190 du traité, et la violation des formes substantielles. Dans la deuxième, elles invoquaient la violation des articles 85, paragraphe 1, et 155 du traité, des articles 1er et 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, ainsi que la violation des principes généraux faisant partie du droit communautaire, notamment du principe de sécurité juridique et du principe de sollicitude et de préparation soigneuse des actes (zorgvuldigheidsbeginsel). Dans leur réponse aux observations de la partie intervenante, les requérantes ont soutenu qu'elles avaient ainsi soulevé sept moyens tirés de :
1) la violation de l'article 190 du traité ;
2) la violation de formes substantielles - l'article 90, paragraphe 2, ayant été mentionné dans l'exposé de ce moyen ;
3) la violation de l'article 85, paragraphe 1, en combinaison avec l'article 90, paragraphe 2 ;
4) la violation des articles 1er et 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 ;
5) la violation de l'article 155 du traité ;
6) la violation des principes généraux du droit communautaire en général et,
7) en particulier, la violation du principe de sécurité juridique et du principe de sollicitude (zorgvuldigheidsbeginsel).
80 Le Tribunal estime qu'il y a lieu de distinguer, en réalité, trois moyens. Le premier est tiré de la violation du droit communautaire de la concurrence et de certains principes généraux du droit. Le Tribunal considère, en effet, qu'il n'y a pas lieu de procéder, à cet égard, à la subdivision en cinq moyens proposée par les requérantes dans leur réponse aux observations de la partie intervenante, étant donné qu'un examen séparé des différents griefs énumérés sous les points 3 à 7 de la liste dressée par les requérantes aboutirait à des appréciations artificiellement divisées et fragmentées. Le deuxième moyen est, quant à lui, tiré de la violation de l'article 190 du traité et le troisième de la violation des formes substantielles, plus particulièrement de celle, soulevée dans la réplique, de l'article 6 du règlement n° 99-63.
1) Sur le moyen tiré d'une violation du droit communautaire de la concurrence et des principes généraux du droit
Argumentation des parties
81 Par le présent moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission était obligée de constater que les restrictions à l'importation découlant de l'accord OVS constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité et de prendre une décision d'interdiction à leur sujet. Elles reprochent à la Commission d'avoir manqué à cette obligation.
82 Dans la requête, les requérantes ont exposé que l'abstention de la Commission de se prononcer sur l'article 21 de l'OVS, pour ce qui est du domaine de l'approvisionnement public, est contraire à l'esprit de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle l'article 5 du traité oblige les Etats membres à ne pas prendre des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence. Selon elles, il ressort de cette jurisprudence que le fait que l'article 34 de la loi sur l'électricité interdit, à présent, d'importer de l'électricité pour l'approvisionnement public sans passer par la SEP ne fait pas obstacle à l'applicabilité de l'article 85.
83 Dans leur réplique, elles ont développé ce moyen en affirmant que la Commission, une fois qu'elle avait constaté une infraction à l'article 85, paragraphe 1, était obligée de prendre une "décision négative", sauf si elle décidait, en motivant adéquatement son appréciation, que le comportement concerné était justifié en vertu de l'article 85, paragraphe 3, ou de l'article 90, paragraphe 2.
84 Subsidiairement, elles soutiennent que les conditions d'application de l'article 90, paragraphe 2, du traité ne sont pas remplies en l'espèce. A cet égard, elles font valoir que le fait qu'un Etat membre a pris des dispositions législatives plus ou moins identiques aux dispositions anticoncurrentielles figurant dans un accord n'est pas suffisant pour justifier l'application de l'article 90, paragraphe 2. Elles s'étonnent du fait que la Commission "semble battre en retraite" dès qu'un Etat membre confirme en quelque sorte, par la voie législative, un accord qui continue à subsister par ailleurs. Elles ajoutent qu'une interdiction absolue des importations n'est pas indispensable pour garantir à la SEP la possibilité d'accomplir adéquatement la mission particulière qui lui est impartie.
85 Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir osé tirer les conséquences de sa constatation d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1. Elles se réfèrent à la conception défendue, selon elles, par la Commission, dans les "lignes directrices concernant l'application des règles de concurrence de la Communauté au secteur des télécommunications" (JO 1991, C 233, p. 2, point 23), selon laquelle la Commission est seule compétente pour décider de l'application de l'article 90, paragraphe 2, pour souligner que, à leur avis, l'article 21 de l'OVS est entaché de nullité, en ce qu'il implique des restrictions à l'importation imposées aux sociétés de distribution.
86 Enfin, les requérantes ont fait valoir que la Commission aurait utilisé une construction juridique contraire au traité en considérant que les restrictions à l'importation qu'implique l'article 21 de l'OVS sont "provisoirement justifiées" et, de ce fait, (provisoirement) valides.
87 La Commission explique, liminairement, que l'examen des restrictions à l'importation et à l'exportation d'électricité dans le cadre d'une procédure relevant du règlement n° 17 a été rendue possible en l'espèce parce que l'OVS est un accord entre entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1. Elle rappelle que des restrictions dans ce domaine existent cependant dans la plupart des Etats membres et que, parallèlement à l'analyse à laquelle elle a procédé au titre de l'article 85 du traité, elle a examiné la situation dans chaque Etat membre, examen qui a inclu la loi néerlandaise sur l'électricité. La Commission fait valoir qu'elle a pensé que la procédure contre la SEP et les sociétés de production n'offrait pas le cadre approprié pour exprimer son avis sur une ou plusieurs des dispositions de cette nouvelle loi. C'est pourquoi elle n'a pas voulu préjuger, dans le cadre de la décision litigieuse, la compatibilité de la loi, notamment de son article 34, avec le droit communautaire.
88 Rappelant ensuite le pouvoir discrétionnaire dont elle jouit dans l'exercice de ses tâches, la Commission fait valoir qu'elle n'est ni tenue de saisir la Cour, dans le cadre de l'article 169 du traité, lorsqu'elle estime qu'un Etat membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, ni de constater et de faire cesser, à la demande d'un plaignant, une infraction aux règles de concurrence.
89 La Commission soutient que la jurisprudence de la Cour relative aux mesures nationales privant les articles 85 et 86 de leur effet utile n'est pas pertinente en l'espèce, étant donné que la procédure fondée sur le règlement n° 17, dont relève l'acte attaqué, ne vise que des entreprises et non les Etats membres. La Commission est donc d'avis qu'elle ne pouvait pas constater, dans la procédure en cause, que l'article 34 de la loi sur l'électricité était contraire aux articles 5 et 85 du traité. Elle ajoute que les requérantes n'ont pas introduit de plainte contre les Pays-Bas au sujet de l'incompatibilité de l'article 34 de la loi sur l'électricité avec le droit communautaire, et qu'elles n'ont pas prétendu que le Gouvernement néerlandais avait incité les entreprises de production à adopter l'article 21 de l'OVS.
90 La Commission se défend du reproche selon lequel elle se contenterait d'un rôle passif dès qu'un Etat membre sanctionne un accord restrictif par une loi en faisant valoir qu'elle a ouvert une procédure, au titre de l'article 169 du traité, contre plusieurs Etats membres, dont les Pays-Bas. En outre, elle souligne que la jurisprudence relative aux articles 3, sous f), 5 et 85 du traité ne s'applique pas en l'espèce, étant donné que l'article 90 constitue une lex specialis par rapport à l'article 5 du traité.
91 La Commission fait ensuite valoir que le grief selon lequel elle aurait été tenue de prendre une décision d'interdiction, étant donné qu'elle avait constaté une violation de l'article 85, paragraphe 1, a été soulevé tardivement. Il en va de même, estime-t-elle, du grief selon lequel elle aurait omis de constater qu'il n'était pas satisfait aux exigences de l'article 90, paragraphe 2, du traité.
92 En réponse à ce dernier grief, la Commission fait en outre valoir qu'elle n'était pas tenue de fournir une appréciation définitive sur l'article 90, paragraphe 2, mais qu'elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire dont elle a fait usage, en l'espèce, en ouvrant une procédure au titre de l'article 169 du traité.
93 La partie intervenante invoque le pouvoir discrétionnaire de la Commission, dont la compétence en matière de politique de la concurrence impliquerait qu'elle peut et doit pouvoir décider en toute liberté de l'opportunité de constater une infraction aux règles de concurrence.
94 Elle estime qu'une appréciation de la Commission sur l'interdiction, faite par l'OVS aux entreprises de distribution, d'importer et d'exporter de l'électricité comporterait nécessairement une appréciation de la loi sur l'électricité. Dès lors, elle considère qu'il est logique d'attendre d'abord qu'une appréciation soit portée sur l'article 34 de ladite loi. Elle souligne que la Commission ne saurait en aucun cas lui ordonner de mettre fin aux restrictions inscrites à l'OVS qui correspondent à l'interdiction qu'édicte ledit article 34, parce qu'elle ne saurait lui imposer de violer une loi nationale.
95 La partie intervenante interprète la décision en ce sens que la Commission ne s'est pas prononcée, dans le cadre de la procédure ouverte au titre du règlement n° 17, sur la question de savoir si l'interdiction, faite aux entreprises de distribution, d'importer de l'électricité dans le domaine de l'approvisionnement public était justifiée au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité. Elle estime que, jusqu'à ce qu'une réponse ait été apportée à la question de savoir si l'article 34 de la loi sur l'électricité est compatible avec le traité, il n'appartient pas à la Commission de se prononcer sur l'applicabilité de l'article 90, paragraphe 2, du traité et sur la question d'une violation de l'article 85, paragraphe 1.
Appréciation du Tribunal
96 Quant à la recevabilité du présent moyen, le Tribunal constate que les requérantes avaient déjà fait valoir, dans leur requête, que l'abstention de la Commission de se prononcer sur l'article 21 de l'OVS, pour ce qui est du domaine de l'approvisionnement public, n'était pas justifiée et qu'ainsi, la Commission avait violé, notamment, les articles 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et 155 du traité. En invoquant ces deux dernières dispositions, les requérantes ont reproché implicitement à la Commission d'avoir méconnu les obligations qui lui incombent, dans le cadre de l'application du droit de la concurrence, sur la base du règlement n° 17. Dans ces circonstances, les griefs soulevés dans la réplique à l'égard de la violation, par la Commission, d'une prétendue obligation de prendre une décision d'interdiction ne constituent pas des moyens nouveaux, mais des arguments supplémentaires à l'appui du moyen soulevé dans la requête, se référant à la violation du droit de la concurrence.
97 Quant au bien-fondé de ce moyen, il y a lieu de rappeler que la Commission s'est abstenue de se prononcer sur la question de savoir si les restrictions à l'importation litigieuses se justifient au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité, au motif que cet examen préjugerait la question de la compatibilité de la nouvelle loi avec le traité, ce qui ne serait pas l'objet de la procédure en cause. La Commission a donc manifesté son intention de renvoyer l'examen de cette question à une procédure au titre de l'article 169 du traité qui, certes, n'a été ouverte que postérieurement à l'adoption de la décision attaquée. Selon les requérantes, cette décision constitue une violation des obligations de la Commission en la matière.
98 A cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que la thèse selon laquelle la Commission serait tenue d'adopter, une fois qu'elle a constaté une infraction, une décision obligeant les entreprises concernées à y mettre fin est contraire au texte même de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, selon lequel la Commission peut adopter une telle décision. De même, l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne confère pas à l'auteur d'une demande présentée en vertu dudit article, le droit d'obtenir de la Commission une décision quant à l'existence de l'infraction alléguée (voir l'arrêt de la Cour du 18 octobre 1979, GEMA/Commission, 125-78, Rec. p. 3173, 3189).
99 Il ne pourrait en aller autrement que si l'objet de la plainte relevait des compétences exclusives de la Commission. Pour ce qui est de l'application de l'article 90, paragraphe 2, la Cour a considéré, dans son arrêt du 18 juin 1991 (ERT, C-260-89, Rec. p. I-2925, 2962), qu'il appartient au juge national d'apprécier si des pratiques contraires à l'article 86 d'une entreprise chargée de la gestion d'un service d'intérêt économique général peuvent être justifiées par les nécessités découlant de la mission particulière impartie à cette entreprise. Il ressort de cette jurisprudence que la Commission n'est pas investie d'une compétence exclusive pour faire application de l'article 90, paragraphe 2, première phrase, du traité (voir également l'arrêt de la Cour du 11 avril 1989, Ahmed Saeed, 66-86, Rec. p. 803, 853). Il s'ensuit qu'en l'espèce, le juge néerlandais est également compétent pour examiner la question soulevée dans la plainte des requérantes.
100 Il y a lieu d'ajouter que la Commission ne saurait être inconditionnellement obligée d'intervenir, à la demande d'un particulier, à l'égard des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, notamment lorsqu'une telle intervention impliquerait l'appréciation de la compatibilité d'une législation nationale avec le droit communautaire. Au contraire, il y a lieu de constater que la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire quant à l'organisation des procédures concernant les plaintes introduites par des particuliers au titre de l'article 3 du règlement n° 17.
101 Dans ces circonstances, il appartient au Tribunal de vérifier, dans le cadre du présent moyen, si, en l'espèce, la Commission a exercé son pouvoir d'appréciation sans commettre d'erreur de droit ou de fait ou une erreur manifeste d'appréciation. Cet examen implique que soit également vérifié le contexte dans lequel la décision attaquée s'insère.
102 A cet égard, le Tribunal constate que l'article 21 de l'OVS et l'article 34 de la loi sur l'électricité contiennent, tous deux, des restrictions à l'importation d'électricité par les entreprises de distribution. L'article 21 de l'OVS entend assurer, par le biais des contrats de fourniture conclus par les participants à l'accord avec les distributeurs, que ces derniers n'importent pas d'électricité, à l'exception, éventuellement, de quelques livraisons d'importance mineure dans les régions frontalières. L'article 34 de la loi sur l'électricité, en réservant à la seule SEP l'importation d'électricité destinée à l'approvisionnement public, interdit cette activité aux distributeurs, à l'exception de l'importation d'électricité d'une tension de moins de 500 V. La portée de l'interdiction inscrite dans l'OVS diffère donc légèrement de celle qui est fixée dans la loi sur l'électricité.
103 De même, la méthode retenue pour mettre en œuvre cette interdiction est différente. Alors que l'OVS cherche à atteindre le résultat recherché par le biais d'une obligation contractuelle imposée aux distributeurs par les parties à l'accord, la loi y parvient par le biais du monopole conféré à la SEP.
104 Le Tribunal constate que les interdictions à l'importation découlant, respectivement, de l'article 21 de l'OVS et de l'article 34 de la loi sont, malgré les divergences mineures relevées ci-dessus, presque identiques et susceptibles de produire, en substance, les mêmes effets, à savoir une impossibilité presque totale, pour les distributeurs, d'importer de l'électricité.
105 Dans ces circonstances, l'examen de la compatibilité de la loi nationale avec le droit communautaire revêtait un caractère prioritaire par rapport à celui de l'OVS. En effet, aussi longtemps que l'incompatibilité de cette loi avec le traité n'est pas établie, la constatation selon laquelle l'OVS constitue une infraction n'est susceptible de produire des effets pratiques que dans la mesure où les restrictions qu'il prévoit dépassent celles qui découlent de la loi.
106 Ceci résulte notamment du fait que la Commission ne saurait obliger des entreprises, en vue de mettre fin à une infraction à l'article 85, à adopter un comportement contraire à une loi nationale, sans porter sur celle-ci une appréciation au regard du droit communautaire.
107 Or, la question de la compatibilité, avec le traité, de l'article 34 de la loi sur l'électricité est susceptible de faire l'objet d'un débat à caractère politique et institutionnel. La procédure appropriée dont dispose la Commission pour traiter de questions mettant en jeu des intérêts d'ordre public national est celle de l'article 169 du traité, dans laquelle les Etats membres sont directement impliqués et dans laquelle il appartient à la Cour de constater, le cas échéant, qu'une loi nationale constitue une violation du traité.
108 Il y a lieu d'ajouter que, contrairement aux observations présentées par les requérantes dans leur réplique, la Commission n'a pas estimé que les restrictions à l'importation en question sont provisoirement justifiées et, de ce fait, provisoirement valides. En effet, étant donné que la question de l'applicabilité de l'article 90, paragraphe 2, du traité n'a pas été tranchée dans la décision, force est de constater que - selon le point 38 de la décision - ces restrictions constituent une infraction à l'article 85 du traité.
109 La Commission n'ayant pas adopté de décision sur l'application de l'article 90, paragraphe 2, du traité, l'argument des requérantes selon lequel les conditions d'application de ladite disposition ne sont pas remplies en l'espèce est inopérant. Il peut donc être écarté, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir s'il a été soulevé en temps utile.
110 Il y a lieu d'ajouter que l'argument invoqué par les requérantes dans le cadre du moyen relatif à la motivation de la décision, selon lequel la loi sur l'électricité pourrait être abrogée par le législateur néerlandais, n'est pas non plus pertinent dans ce contexte. En effet, l'article 3 du règlement n° 17 habilite la Commission à constater des infractions existantes, mais il ne lui attribue nullement la tâche de se prononcer sur des situations hypothétiques.
111 Il s'ensuit que la décision litigieuse de la Commission apparaît justifiée. Il y a lieu d'ajouter qu'un tel résultat ne porte pas atteinte à la protection juridictionnelle due aux particuliers ayant saisi la Commission d'une plainte au titre de l'article 3 du règlement n° 17. Certes, il est possible que la procédure au titre de l'article 169 du traité aboutisse à des résultats que les parties plaignantes considéreront comme insuffisants. Cependant, il convient de rappeler que la plainte des requérantes n'a nullement été rejetée, mais est encore pendante devant la Commission. Le cas échéant, les requérantes pourront donc demander la continuation de la procédure ouverte au titre des règlements n° 17 et n° 99-63, dans laquelle elles pourront pleinement faire valoir leurs droits procéduraux. Le Tribunal ne méconnaît pas que l'exercice de ces droits procéduraux souffrirait, dans cette hypothèse, d'un retard considérable, qui est cependant inévitable étant donné que la procédure au titre de l'article 169 du traité revêt, dans le cas d'espèce, un caractère prioritaire par rapport à la procédure en vertu de l'article 3 du règlement n° 17.
112 Dans ces circonstances, l'examen de la décision litigieuse par le Tribunal n'a pas révélé que la Commission ait commis une erreur de droit ou de fait, ou une erreur manifeste d'appréciation, en s'abstenant de se prononcer sur la question de savoir si les restrictions à l'importation en cause se justifient au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité. Le moyen tiré d'une violation du droit communautaire de la concurrence et de certains principes généraux de droit n'est donc pas fondé.
2) Sur la motivation de la décision attaquée
Argumentation des parties
113 Dans leur requête, les requérantes ont invoqué la violation de l'obligation de motivation, inscrite à l'article 190 du traité. Elles estiment que les considérations figurant aux points 50 et 51 de la décision attaquée ne constituent pas une motivation suffisante pour justifier l'abstention de la Commission de se prononcer sur la question de savoir si les restrictions à l'importation et à l'exportation dans le domaine de l'approvisionnement public peuvent bénéficier des dispositions de l'article 90, paragraphe 2, du traité. Selon elles, en constatant que lesdites restrictions ne sont pas justifiées, la Commission ne se serait pas prononcée, du moins pas explicitement, sur la compatibilité de la loi sur l'électricité avec le traité. Dans leur réplique, les requérantes ont ajouté que le rejet implicite de leur plainte, contenu selon elles dans la décision attaquée, n'a pas été suffisamment motivé, la Commission ayant négligé de préciser les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'y avait pas d'infraction.
114 En outre, elles ont fait valoir, dans leur réplique, que la décision attaquée est entachée de contradictions internes. Elles soutiennent, en premier lieu, que des contradictions existent dans les développements de la décision relatifs aux restrictions à l'importation et à l'exportation mises en place par les producteurs d'électricité. Elles font valoir que même si certaines de ces contradictions pourraient s'expliquer par une erreur de rédaction, il s'agirait toujours d'un raisonnement incohérent et imprécis et que le dispositif ne découle pas logiquement des considérants de la décision.
115 En ce qui concerne les entreprises distributrices, telles que les requérantes, celles-ci soutiennent qu'une contradiction existe entre le point 54 de la décision, intitulé "conclusion", selon lequel les restrictions à l'exportation, mais non les restrictions à l'importation, constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1, et le point 38, où la Commission constate que le maintien de l'article 21 de l'OVS est contraire à l'article 85, paragraphe 1, sans distinguer entre les importations et les exportations.
116 Par ailleurs, elles estiment que le dispositif de la décision est en contradiction avec les points 38, 52 et 54, dans la mesure où il ne reprend pas, dans son intégralité, la conclusion selon laquelle les restrictions à l'exportation imposées aux distributeurs constituent une infraction à l'article 85, paragraphe 1, et ne sont pas justifiées par l'article 90, paragraphe 2.
117 La Commission est d'avis que la motivation de sa décision est logique et cohérente et qu'elle n'a donc pas violé l'article 190 du traité. Selon elle, tout jugement porté sur l'article 21 de l'OVS implique inévitablement un jugement sur l'article 34 de la loi sur l'électricité, dans la mesure où ces deux articles contiennent des dispositions identiques. La Commission affirme que la motivation exposée aux points 50 et 51 de la décision attaquée est suffisante. Elle rappelle que, même si elle constitue simultanément un rejet implicite de la plainte des parties requérantes, la décision a pour destinataire la SEP et les quatre producteurs d'électricité.
118 La Commission estime que les griefs tirés par les requérantes, dans leur réplique, des contradictions internes de la décision ont été soulevés tardivement. Elle fait valoir que les requérantes n'ont pas d'intérêt à agir en ce qui concerne les griefs tirés des incohérences de la décision quant aux restrictions à l'importation et à l'exportation imposées aux sociétés productrices.
119 Elle conteste qu'il y ait un manque de cohérence entre les points 38 et 54 de la décision, relatifs aux importations par les distributeurs. Selon elle, le point 38 ne constitue qu'une conclusion intermédiaire. Elle estime que dans le contexte de la présente affaire, l'application des articles 85 et 90, paragraphe 2, du traité relève d'une seule et même appréciation, qui se déroule en plusieurs étapes. En bonne logique, il conviendrait d'examiner d'abord s'il y a eu violation de l'article 85, paragraphe 1, avant de vérifier si l'exception prévue à l'article 90, paragraphe 2, s'applique.
120 La partie intervenante soutient que la décision attaquée est suffisamment motivée. Elle estime que les incohérences entre le point 54 de la décision et la partie précédente de l'exposé des motifs résultent d'une erreur de rédaction, qui ne justifie pas l'annulation de la décision pour défaut de motivation. En outre, elle estime que les requérantes n'ont pas compris que la Commission tire, au point 54 de la décision, la conclusion de l'examen de l'article 21 de l'OVS, en énumérant les restrictions qui, selon elle, constituent une violation de l'article 85, paragraphe 1, et, en même temps, ne répondent pas aux conditions de l'article 90, paragraphe 2. Selon la SEP, il est donc logique que l'interdiction d'importer mentionnée au point 38 de la décision ne figure pas au point 54, étant donné que la Commission n'avait pas l'intention de se prononcer sur la compatibilité de celle-ci avec l'article 90, paragraphe 2.
121 Selon la partie intervenante, la décision attaquée ne constitue pas un rejet implicite de la plainte des requérantes. Elle estime que la Commission n'était donc pas tenue d'exposer en détail, dans sa décision, les raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas constater une violation des règles de la concurrence.
Appréciation du Tribunal
122 Le Tribunal relève, liminairement, que le fait que la décision attaquée n'était pas adressée aux requérantes ne s'oppose pas à ce que celles-ci invoquent un moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité. En effet, l'intérêt que peuvent avoir des personnes autres que les destinataires d'un acte, mais concernées directement et individuellement par celui-ci, à recevoir des explications, doit être pris en compte lorsqu'il s'agit d'apprécier l'étendue de l'obligation de le motiver (voir, p. ex., les arrêts de la Cour du 20 mars 1985, Italie/Commission, 41-83, Rec. p. 873, 891, et du 17 mars 1983, Control Data/Commission, 294-81, Rec. p. 911, 928).
123 Le Tribunal constate, ensuite, que les requérantes n'ont développé une partie de leurs griefs concernant la motivation de la décision que dans la réplique. S'agissant, toutefois, d'arguments supplémentaires à l'appui d'un moyen déjà soulevé dans la requête, ces griefs sont recevables au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.
124 Il y a lieu de rappeler qu'il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal (arrêts de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24-62, Rec. p. 133, du 30 septembre 1982, Roquette Frères/Conseil, 110-81, Rec. p. 3159, du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19, et du Tribunal du 24 janvier 1992, La Cinq/Commission, T-44-90, Rec. p. II-1), que la motivation d'une décision faisant grief doit être de nature à permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité et à l'intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée.
125 Le Tribunal considère à cet égard que le point 50 de la décision attaquée expose clairement la raison pour laquelle la Commission a décidé, pour ce qui est de la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi sur l'électricité, de suspendre la procédure ouverte au titre du règlement n° 17, en ce qui concerne les restrictions à l'importation imposées aux entreprises distributrices. En effet, le souci d'éviter de préjuger, dans le cadre d'une telle procédure, la compatibilité de ladite loi avec le traité ressort sans équivoque dudit texte.
126 Cette motivation a fourni aux requérantes les informations nécessaires pour contester, dans le cadre du présent recours, le bien-fondé de la raison avancée par la Commission, ce qui ressort, par ailleurs, des arguments qu'elles ont avancés au cours de la procédure écrite. Elle suffit également au Tribunal pour exercer son contrôle de la légalité de la décision.
127 L'allégation des requérantes selon laquelle cette motivation ne serait pas suffisante pour justifier la décision attaquée porte, en réalité, sur le bien-fondé des raisons avancées par la Commission, et non pas sur la question de savoir si la décision attaquée expose suffisamment lesdites raisons. Elle doit donc être écartée dans le cadre du présent moyen.
128 Quant à la prétendue contradiction entre les points 38 et 54 de la décision à l'égard des restrictions à l'importation, le Tribunal constate que la différence entre les deux textes s'explique par la place qu'ils occupent dans l'économie de la décision. Le premier de ces deux points résume le résultat de l'appréciation de l'article 21 de l'OVS au regard du seul article 85, paragraphe 1, du traité, alors que le deuxième tient compte également de la possibilité que certaines restrictions à la concurrence puissent trouver une justification dans l'article 90, paragraphe 2, du traité. Etant donné que la Commission a partiellement réservé son examen de l'article 90, paragraphe 2, il est cohérent avec la structure de l'ensemble de la décision que les infractions qu'elle a retenues au point 54 des motifs ne constituent qu'une partie de celles qu'elle avait constatées auparavant, sans avoir examiné une éventuelle justification.
129 Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré d'une insuffisance de la motivation de la décision n'est pas fondé.
3) Sur le moyen tiré d'une violation des formes substantielles, notamment de l'article 6 du règlement n° 99-63
130 Le Tribunal relève que selon les articles 19, premier alinéa, du protocole sur le statut de la Cour CEE, applicable au Tribunal en vertu de l'article 46, premier alinéa, dudit statut, 38, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour qui était applicable, lors de l'introduction de la requête, à la procédure devant le Tribunal, et 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Ceci signifie que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est basé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut et du règlement (voir les arrêts de la Cour du 15 décembre 1961, Fives Lille Cail e.a./Haute Autorité, 19-60, 21-60, 2-61 et 3-61, Rec. p. 559, 588, et du 5 mars 1991, Grifoni/CEEA, C-330-88, Rec. p. I-1045, 1067). Dès lors, la seule référence à une violation des formes substantielles, telle qu'elle se trouve dans la requête, en l'absence d'allégations précises concernant la formalité qui aurait été méconnue, ne saurait être considérée comme suffisante.
131 Certes, les requérantes ont indiqué dans la réplique qu'elles reprochent à la Commission d'avoir omis de leur adresser une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63. Toutefois, il ressort des articles 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour et 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite. Etant donné que ce n'est qu'au stade de la réplique que les requérantes ont exposé que le présent moyen est tiré de l'absence de communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, il y a lieu de l'écarter comme tardif.
132 Il résulte des considérations qui précèdent que le recours contre la décision de la Commission de s'abstenir de se prononcer sur la question de savoir si les restrictions à l'importation imposées aux entreprises de distribution peuvent trouver une justification dans l'article 90, paragraphe 2, du traité n'est pas fondé. Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.
Sur les dépens
133 Dans leur réponse au mémoire en intervention de la SEP, les requérantes ont demandé, en tout état de cause, à ne pas être condamnées aux dépens, pas même à ceux de l'intervention, compte tenu des imprécisions et incohérences de la décision attaquée.
134 La partie intervenante soutient que les requérantes doivent supporter ses dépens. Elle estime que ce n'est pas le règlement de procédure du Tribunal, entré en vigueur, selon elle, le 1er août 1991, qui s'applique à son intervention, mais le règlement de procédure de la Cour. Elle est d'avis que, même selon l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, les parties requérantes doivent être condamnées aux dépens si elles succombent quant au résultat final de la procédure.
135 Le Tribunal relève, liminairement, que son règlement de procédure est, en vertu de son article 130, entré en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant sa publication, qui a eu lieu le 30 mai 1991. La date de l'entrée en vigueur est donc le 1er juillet 1991.
136 Conformément à l'article 87, paragraphe 2, dudit règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner solidairement aux dépens. Le Tribunal considère que, contrairement aux allégations des requérantes, la Commission n'a pas contribué à la naissance du litige par une rédaction imprécise du point 50 de la décision, et qu'il n'y a donc pas lieu de faire application de l'article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure.
137 Quant aux dépens de la partie intervenante, il y a lieu de relever que la demande en intervention, ayant été déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 1991, est régie par le règlement de procédure du Tribunal. Le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 87, paragraphe 4, de son règlement de procédure pour ordonner que la partie intervenante supporte ses propres dépens. Les requérantes doivent donc également supporter les dépens de la partie intervenante.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre),
déclare et arrête :
1. Le recours est rejeté.
2. Les requérantes sont condamnées solidairement aux dépens, y compris ceux de la partie intervenante.