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Décisions

CCE, 7 octobre 1992, n° 92-500

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

CSM-Sucre

CCE n° 92-500

7 octobre 1992

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 14 et 15, après avoir, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), donné à l'entreprise intéressée l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit:

I. LES FAITS

(1) Par décision en date du 6 décembre 1990, la Commission a, en vertu de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17, obligé la CSM NV (ci-après CSM) à se soumettre à une vérification. La décision de la Commission a été remise à CSM le 12 décembre 1990. Dans les considérants de cette décision, la Commission indique qu'elle dispose d'informations selon lesquelles CSM aurait participé à des accords et/ou des pratiques concertées avec certains autres producteurs de la Communauté concernant la commercialisation de sucre.

Les agents mandatés par la Commission ont procédé à la vérification immédiatement après la remise de ladite décision à l'entreprise. Ils ont contrôlé, entre autres, les douze documents mentionnés dans l'annexe 1 (3). Les agents de la Commission avaient l'intention de prendre copie de ces documents mais CSM les en a empêchés. Les documents en question concernent l'échange entre CSM et Suiker Unie d'informations relatives à l'achat de betteraves ainsi que des informations de la part de Tiense Suikerraffinaderij NV sur les prix d'achat pour betteraves appliqués par cette entreprise. CSM a déclaré s'opposer à la prise de copies parce que les documents en question n'étaient pas susceptibles d'établir des faits en rapport avec l'objet de la vérification, tel que décrit dans le mandat présenté par les agents de la Commission.

Les agents de la Commission ont établi un procès-verbal de ces faits qui a été contresigné par CSM. Des extraits de ces documents, permettant uniquement de les identifier, ont été annexés au procès-verbal.

La vérification s'est poursuivie le lendemain, 13 décembre 1990. Au cours de cette journée, CSM a déclaré être alors disposée à autoriser que des copies soient prises de quatre des douze documents susmentionnés. Elle a déclaré s'être trompée sur le contenu de ces quatre documents. Les agents de la Commission ont pris copie de ces quatre documents et l'ont confirmé par écrit [annexe 2 (3)]

Le 19 mai 1991, la Commission a décidé d'engager une procédure à l'encontre de CSM conformément au règlement n° 17. Le 13 juin 1991, une décision a été adressée à CSM lui infligeant une astreinte conformément à l'article 16 paragraphe 1 du règlement n° 17 et une communication des griefs relative à la procédure susmentionnée lui a été adressée.

A la suite de la décision de la Commission infligeant une astreinte à CSM, celle-ci s'est, le 14 juin 1991, déclarée disposée, en protestant contre l'obligation qui lui était faite, de mettre la Commission en mesure de prendre copie des documents mentionnés à l'annexe 1 et non repris à l'annexe 2.

Le 2 juillet 1991, les copies ont été faites dans les locaux de CSM.

Le 12 juillet 1991, la Commission a reçu une réponse à la communication des griefs. CSM a renoncé à l'audition orale.

(2) Par lettre du 21 décembre 1990, CSM a demandé à la Commission de lui retourner la copie d'un document concernant le prix des betteraves à sucre, qui avait été prise par les agents de la Commission au cours de la vérification. La motivation de cette demande correspond à ce qui figure au procès-verbal susmentionné et à la déclaration citée précédemment.

La Commission a provisoirement rejeté cette demande au motif que l'instruction ouverte dans la procédure qui avait mené à la vérification dans les locaux de CSM n'était pas encore close. Il n'était donc pas encore possible de juger définitivement si le document était sans intérêt pour l'instruction. De l'avis de la Commission, il ne s'agit en tout cas pas d'un document qui ne présente manifestement aucun lien avec l'objet de la vérification tel qu'il est indiqué dans la décision du 6 décembre 1990.

II. APPRECIATION JURIDIQUE

1. Article 14 du règlement n° 17

Aux termes de l'article 14 du règlement n° 17, dans l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées par l'article 89 du traité et par des dispositions arrêtées en vertu de l'article 87 du traité, la Commission peut procéder à toutes les vérifications nécessaires auprès des entreprises. A cet effet, les agents mandatés par la Commission sont investis, entre autres, des pouvoirs de contrôler des documents professionnels et d'en prendre copie.

En vertu de l'article 14 paragraphe 3 dudit règlement, les entreprises sont tenues de se soumettre aux vérifications que la Commission a ordonnées par voie de décision.

La décision du 6 décembre 1990 oblige CSM à permettre aux agents mandatés de contrôler les documents professionnels que ceux-ci désignent et d'en prendre copie. CSM a commis une infraction à cette obligation en ce qui concerne les documents figurant à l'annexe 1.

Le fait que CSM a permis à la Commission de prendre copie des documents figurant à l'annexe 2 le deuxième jour de la vérification et des autres documents après réception de la décision de la Commission lui imposant une astreinte, alors qu'elle avait précédemment refusé d'en donner copie, n'a aucune incidence sur cette infraction. L'obligation d'une entreprise de se soumettre et de coopérer à la vérification, que la Commission effectue en vertu d'une décision prise conformément à l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17, n'est pas remplie même si l'entreprise ne s'oppose que temporairement à l'exercice des pouvoirs des agents que la Commission a chargés d'effectuer la vérification. Une autre façon de voir mettrait en péril l'efficacité de la vérification.

L'argument de CSM selon lequel ces documents ne peuvent servir à établir des faits en rapport avec l'objet de la vérification, tel qu'il est décrit dans la décision de la Commission du 6 décembre 1990, ne peut être retenu. Il ne ressort ni de l'article 14 du règlement n° 17 ni du texte de la décision susmentionnée de la Commission que l'obligation de cette entreprise de coopérer à la vérification est limitée aux documents qu'elle estime pertinents. Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice, la Commission détermine en principe les documents d'affaires qui doivent lui être présentés et dont il convient le cas échéant de prendre des copies ou d'établir des extraits [affaires 155-79 (4 (AM & S) et 46-87 (5 (Hoechst), confirmées pour les demandes de renseignements prévues à l'article 11 du règlement n° 17 par l'affaire 374-87 (6 (Orkem)].

CSM estime cependant que l'obligation de coopération des entreprises est limitée par l'objet et le but de la vérification tels qu'ils sont définis dans la décision de la Commission. CSM en conclut que c'est aux entreprises elles-mêmes de décider de la portée de leur obligation de coopération. Selon elle, ces deux affirmations sont confirmées par l'arrêt Hoechst.

La Commission ne conteste pas que c'est en premier lieu à l'entreprise elle-même d'établir ses droits si un litige apparaît au cours d'une vérification. La question qui se pose est de savoir comment une entreprise peut faire valoir ses droits. La réponse est que l'entreprise ne peut prendre en mains la défense de ses droits mais doit s'adresser au Tribunal de première instance des Communautés européennes qui a compétence exclusive pour contrôler les actes de la Commission en la matière.

Il est incontestable que les agents mandatés par la Commission pour des vérifications ne sont investis que des pouvoirs découlant de l'article 14 du règlement n° 17 et mentionnés dans la décision de vérification. Ces pouvoirs incluent également l'obligation de renoncer ou de mettre fin à l'examen de documents d'affaires qui n'ont, manifestement ou selon la conviction des agents de la Commission chargés de la vérification, aucun rapport avec l'objet de la vérification. En l'espèce, il ne s'agit néanmoins pas de tels documents. De même, la déclaration de CSM reprise au procès-verbal, par laquelle elle a justifié son refus de laisser prendre des copies, ne contient aucun élément permettant d'affirmer que les pièces en question n'ont manifestement aucun rapport avec l'objet de la vérification défini dans la décision du 6 décembre 1990. En effet, d'après la décision 82-895-CEE de la Commission (7 dans l'affaire UGAL/BNIC, l'échange d'informations sur l'achat des betteraves, qui sont un élément important du coût du produit fini, est susceptible de constituer une infraction aux règles de concurrence du traité CEE en ce qui concerne la commercialisation du sucre.

Il appartient exclusivement au Tribunal de première instance des Communautés européennes de contrôler la validité de la décision de vérification et des actes pris en application de cette décision par les agents de la Commission chargés de la vérification. Si les agents de la Commission chargés de la vérification prennent des copies ou établissent des extraits de documents d'affaires qui, de l'avis de l'entreprise concernée, n'avaient manifestement pas de rapport avec l'objet de la vérification, l'entreprise peut à tout moment demander à la Commission la restitution des documents en question. De plus, l'entreprise a la possibilité d'introduire un recours en annulation contre la décision de vérification. Il est en tout cas interdit à la Commission d'utiliser des moyens de preuve obtenus sur la base d'une décision de vérification illégale ou n'entrant pas dans le champ d'application d'une telle décision [ordonnances du président de la Cour de justice des 26 mars et 28 octobre 1987 dans les affaires 46-87R (8 et 85-87R (9].

2. Article 15 du règlement n° 17

Aux termes de l'article 15 paragraphe 1 point c) du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 100 à 5 000 unités de compte lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles ne se soumettent pas aux vérifications ordonnées par voie de décision prise en application de l'article 14 paragraphe 3.

CSM ne s'est pas soumise, au sens de ladite disposition, à la vérification ordonnée par la Commission par décision du 6 décembre 1990, en empêchant, comme il a été indiqué ci-dessus, les agents mandatés par la Commission pour la vérification de prendre copie des documents mentionnés à l'annexe 1.

La Commission estime qu'il y a lieu de ce fait d'infliger une amende à CSM. Pour déterminer le montant de cette amende, elle tient compte de ce que CSM a, de sa propre initiative, accepté le deuxième jour de la vérification de donner copie aux agents de la Commission des quatre documents qui sont mentionnés dans l'annexe 2. La Commission a donc considéré que, sur ce point, l'infraction à l'article 14 du règlement n° 17 avait été commise par négligence. En outre, il n'est pas contesté que, pour le reste, CSM a coopéré à la vérification. D'autre part, CSM s'est opposée volontairement à la prise de copie des autres documents et elle n'a accepté celle-ci que sous la menace d'une astreinte. Même si CSM a fait erreur sur le contenu et la portée de ses obligations, il ne peut être question de négligence car CSM a agi en pleine connaissance de tous les faits pertinents.

A ARRETE LA PRESENTE DECISION:

Article premier

CSM NV ne s'est pas soumise complètement à la vérification que la Commission a ordonnée par décision du 6 décembre 1990 prise en vertu de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17, en s'opposant temporairement à ce que des copies soient faites des documents mentionnés à l'annexe 1.

Article 2

Une amende d'un montant de 3 000 (trois mille) écus est infligée à CSM NV.

Article 3

L'amende infligée à l'article 2 doit être versée ou virée dans les trois mois à partir de la notification de la présente décision sur le compte bancaire suivant:

n° 310-0933000-43, Banque Bruxelles Lambert, agence européenne, rond-point Schuman 5, B-1040 Bruxelles.

A compter de l'expiration du délai de paiement susmentionné, l'amende porte de plein droit un intérêt dont le taux correspond au taux d'intérêt, majoré de 3,5 points de pourcentage, appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ses opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision est arrêtée, soit 14,25 %.

Article 4

CSM NV, Nienoord 13, NL-1112 XE Diemen

est destinataire de la présente décision.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63.

(3) Cette annexe n'est pas publiée.

(4) Recueil 1982, p. 1575.

(5) Recueil 1989, p. 2859.

(6) Recueil 1989, p. 3283.

(7) JO n° L 379 du 31. 12. 1982, p. 1.

(8) Recueil 1987, p. 1549.

(9) Recueil 1987, p. 4367.