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Décisions

TPICE, 18 septembre 1992, n° T-24/90

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Automec Srl

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Présidents de chambre :

MM. Kirschner, Vesterdorf, Garcia-Valdecasas, Lenaerts

Avocat général :

M. Edward

Juges :

MM. Barrington, Saggio, Yeraris, Schintgen, Briët, Biancarelli

Avocats :

Mes Celona, Ferrari.

Comm. CE, du 28 févr. 1990

28 février 1990

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Les faits à l'origine du recours

1. La requérante est une société à responsabilité limitée de droit italien, dont le siège social se trouve à Lancenigo di Villorba (province de Trévise). En 1960, elle a conclu avec la BMW Italia Spa (ci-après "BMW Italia") un contrat de concession pour la distribution de véhicules automobiles BMW dans la ville et la province de Trévise.

2. Par lettre du 20 mai 1983, BMW Italia a informé la requérante de son intention de ne pas renouveler le contrat venant à expiration le 31 décembre 1984.

3. La requérante a alors assigné BMW Italia devant le Tribunal de Milan en vue de l'entendre condamner à poursuivre ce rapport contractuel. Ce recours ayant été rejeté, la requérante a interjeté appel de cette décision devant la Cour d'appel de Milan. De son côté, BMW Italia a demandé au président du Tribunal de Trévise d'ordonner le séquestre de tout le matériel appartenant à Automec et portant la marque BMW. Cette demande a été rejetée.

4. Alors que l'affaire était pendante devant la Cour d'appel de Milan, la requérante a, le 25 janvier 1988, présenté à la Commission une demande au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17").

5. Dans cette demande, après avoir décrit le déroulement et le contenu des relations contractuelles qu'elle avait entretenues avec BMW Italia et exposé le contenu des litiges l'opposant à cette dernière devant le juge national, la requérante faisait valoir que le comportement de BMW Italia et de sa société mère allemande, la BMW AG, constituait une violation de l'article 85 du traité CEE. Considérant le système de distribution de BMW, approuvé pour la République fédérale d'Allemagne par la décision 75-73-CEE de la Commission, du 13 décembre 1974, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (JO 1975, L 29, p. 1, ci-après "décision du 13 décembre 1974"), comme un système de distribution sélective et estimant qu'elle répondait aux critères qualitatifs requis, la requérante prétendait que BMW Italia n'avait le droit ni de refuser de l'approvisionner en véhicules et en pièces de rechange BMW ni de l'empêcher d'utiliser les marques BMW. Se fondant sur l'arrêt de la Cour du 22 octobre 1986 (Metro/Commission, 75-84, Rec. 3021, notamment p. 3091), la requérante considérait que BMW Italia était obligée de l'agréer comme distributeur.

6. La requérante considérait que, par conséquent, BMW était tenue

- d'exécuter, aux prix et aux conditions en vigueur pour les revendeurs, les commandes de véhicules et de pièces de rechange qu'elle lui avait transmises ;

- de l'autoriser à utiliser des marques BMW, dans les limites nécessaires à l'information normale du public et selon les modalités en usage dans le secteur automobile.

7. La requérante demandait donc à la Commission de prendre une décision ordonnant à BMW Italia et BMW AG de mettre fin à l'infraction dénoncée et de se conformer aux mesures indiquées ci-dessus et à toutes autres que la Commission estimerait nécessaires ou utiles.

8. Par lettre du 1er septembre 1988, la requérante s'est plainte d'une intervention récente de BMW auprès de ses concessionnaires italiens en vue de les empêcher de vendre des véhicules à des revendeurs potentiels sous peine de perdre leur commission. Elle ajoutait qu'elle faisait l'objet d'un boycottage de la part de BMW et qu'il lui était devenu impossible d'acquérir, auprès des concessionnaires italiens et étrangers de cette marque, des véhicules, alors que ceux-ci étaient disponibles. Ainsi avait-elle été mise récemment dans l'impossibilité d'exécuter plusieurs commandes qu'elle avait reçues.

9. Le 30 novembre 1988, la Commission a adressé à la requérante une lettre recommandée, signée par un directeur à la direction générale de la concurrence (ci-après "DG IV"). Celle-ci informait, en premier lieu, la requérante de ce que la Commission s'estimait incompétente pour faire droit à sa demande sur la base des indications qu'elle lui avait fournies. La lettre précisait, à cet égard, que si ces indications pouvaient être prises en considération par le juge national dans le cadre d'un litige visant à la réparation du préjudice que la requérante estimait avoir subi, elles ne sauraient, en revanche, être invoquées par la Commission afin d'obliger BMW à reprendre ses livraisons à la requérante. En deuxième lieu, la lettre attirait l'attention de la requérante sur le règlement (CEE) n° 123-85, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16, ci-après "règlement n° 123-85"), entré en vigueur le 1er juillet 1985. La Commission ajoutait que "les différents constructeurs automobiles européens ont, semble-t-il, modifié leurs contrats de distribution respectifs de manière à les rendre conformes au règlement. Les informations disponibles ne permettent pas de supposer que BMW Italia n'a pas à son tour pris les mesures en vue de rendre compatible son propre réseau de distribution avec les normes communautaires précitées en matière de concurrence".

10. Le 17 février 1989, la requérante a introduit contre cette lettre un recours en annulation (affaire T-64-89).

11. Le 26 juillet 1989, la Commission a adressé à la requérante une deuxième lettre recommandée, signée cette fois par le directeur général de la concurrence. Après avoir expliqué que la lettre du 30 novembre 1988 ne constituait pas une prise de position définitive de sa part, la Commission informait formellement la requérante de ce qu'elle n'entendait pas donner une suite favorable à sa demande du 25 janvier 1988. La Commission motivait sa prise de position en indiquant qu'en vertu de l'article 85 du traité CEE, elle ne disposait des pouvoirs nécessaires ni pour constater que la résiliation du contrat de concession était privée d'effets juridiques ni pour ordonner le rétablissement des relations contractuelles entre les parties sur la base du contrat type actuellement appliqué par BMW Italia dans ses rapports avec ses concessionnaires. Elle ajoutait qu'à supposer que le contrat de concession appliqué par BMW fût contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle pourrait tout au plus constater l'infraction et la nullité du contrat qui en découle. En outre, elle faisait observer qu'un cocontractant n'a pas le droit d'empêcher l'autre cocontractant de procéder à la résiliation normale du contrat, dans le respect du délai de préavis prévu dans celui-ci, comme tel était le cas en l'espèce. Cette information étant communiquée "en application et aux fins" de l'article 6 du règlement n° 99-63 de la Commission du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), la Commission invitait la requérante à présenter ses observations à ce sujet dans un délai de deux mois.

12. Par lettre du 4 octobre 1989, la requérante a répondu à cette invitation, en affirmant que dans sa plainte, elle avait uniquement revendiqué le droit de faire partie du système de distribution sélective mis en place, selon elle, par BMW et non le maintien du contrat de concession antérieur. Elle rappelait que ses représentants avaient indiqué qu'une procédure était pendante devant les juridictions italiennes pour les questions relatives à ce contrat. Pour ce qui était, en revanche, de son droit à faire partie du système de distribution, ils avaient indiqué qu'il ne découlait pas de ce contrat, mais des "principes innombrables souvent affirmés par la Commission et par la Cour en matière de distribution sélective" dès lors que la requérante avait démontré, pendant vingt-cinq ans, qu'elle répondait aux exigences de BMW. La requérante faisait encore valoir que dans sa lettre du 30 novembre 1988, la Commission, en invoquant l'absence d'indications permettant de supposer que le système de distribution de BMW n'était pas compatible avec le règlement d'exemption par catégorie n° 123-85, avait fait bénéficier BMW d'une présomption d'innocence irrégulière eu égard aux éléments de preuve qu'elle avait fournis quant au comportement de BMW. Elle s'étonnait, en outre, de ce que la Commission se prétendait incompétente pour ordonner le rétablissement des rapports contractuels entre elle-même et BMW, alors qu'elle n'avait jamais rien demandé de tel. La requérante revendiquait "son droit à être fournie à nouveau en produits BMW, non pas sur la base d'une concession exclusive mais en tant que distributeur répondant à toutes les conditions requises afin d'être sélectionné pour faire partie des membres du réseau". Elle s'opposait donc à ce que la Commission attribue à sa demande un contenu que celle-ci ne possédait pas.

13. Le 28 février 1990, le membre de la Commission chargé de la concurrence a adressé à la requérante, au nom de la Commission, une lettre dont les termes étaient les suivants :

"Je me réfère à la demande que vous avez présentée le 25 janvier 1988 à la Commission, au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement du Conseil n° 17-62, contre BMW Italie, faisant état d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE commise, selon vous, par cette société.

La Commission a examiné les éléments de fait et de droit que vous avez exposés dans votre plainte et vous a donné la possibilité de formuler vos observations sur l'intention de la Commission de ne pas donner une suite favorable à ladite plainte. Une telle intention vous a été communiquée par une lettre préliminaire du 30.11.1988, et ensuite par la "lettre article 6" du 26 juillet 1989.

Dans votre réponse du 4 octobre 1989, vous n'avez pas indiqué de faits nouveaux et vous n'avez pas fourni de nouveaux arguments ou références juridiques à l'appui de votre demande. Il en découle que la Commission ne voit pas de raisons de modifier son intention de rejeter votre demande d'intervention, pour les motifs suivants.

1. En premier lieu et par rapport à la première demande que vous avez formulée dans votre plainte (page 7, deuxième paragraphe, premier et deuxième tirets : enjoindre à BMW de livrer à Automec des voitures et des pièces de rechange et d'autoriser Automec à utiliser la marque BMW), la Commission considère qu'en vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité, elle ne dispose pas d'un pouvoir d'injonction qui lui permettrait d'obliger un producteur à livrer ses produits dans les circonstances du cas d'espèce et ceci même si la Commission avait constaté l'incompatibilité du système de distribution de ce producteur, tel que BMW Italie, avec l'article 85.1. Automec n'a d'ailleurs fourni aucune indication du fait que BMW Italie jouirait d'une position dominante et qu'elle en aurait abusée, violant ainsi l'article 86 du traité : ce n'est que cet article du traité qui permettrait éventuellement à la Commission d'imposer à BMW Italie de contracter avec Automec.

2. Par rapport à la deuxième demande d'Automec (page 7 de la plainte, troisième paragraphe : mettre fin à l'infraction qu'Automec reproche à BMW Italie), la Commission constate qu'Automec a déjà saisi les juges italiens, aussi bien en première instance qu'en appel, du litige qui l'oppose à BMW Italie, ayant pour objet la résiliation du contrat de concession qui a lié, dans le passé, les deux sociétés. Rien n'empêche Automec, aux yeux de la Commission, de soumettre au même juge national la question de la conformité avec l'article 85 de l'actuel système de distribution de BMW Italie ; cette saisine du juge national apparaît d'autant plus facile que celui-ci connaît déjà parfaitement les relations contractuelles que BMW Italie instaure avec ses distributeurs.

La Commission se permet de vous rappeler à cet égard que le juge italien non seulement est aussi compétent qu'elle pour appliquer au cas d'espèce l'article 85 du traité et notamment son paragraphe 2, mais il dispose aussi d'un pouvoir que la Commission n'a pas, à savoir celui de condamner éventuellement BMW Italie au paiement à Automec de dommages et intérêts, dans la mesure où Automec serait en mesure de prouver que le refus de vente dudit producteur lui a causé préjudice. L'article 6 du règlement 99-63-CEE confère à la Commission un pouvoir d'appréciation discrétionnaire des "éléments qu'elle a recueillis" suite à l'examen d'une plainte, pouvoir qui lui permet d'accorder des différents degrés de priorité dans la poursuite des affaires dont elle est saisie.

Sur la base des considérations qui précèdent, exposées au point 2 de la présente lettre, la Commission est parvenue à la conclusion qu'en l'espèce, il n'existe pas d'intérêt communautaire suffisant pour approfondir l'examen des faits exposés dans la demande.

3. Je vous informe par conséquent que, pour les raisons qui figurent aux points 1 et 2, la Commission a décidé de ne pas donner une suite favorable à la demande que vous avez présentée le 25 janvier 1988 en application de l'article 3, paragraphe 2, du règlement du Conseil n° 17-62."

14. Le 10 juillet 1990, le Tribunal a rejeté comme irrecevable le recours en annulation introduit par la requérante contre la lettre de la Commission du 30 novembre 1988 (arrêt du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64-89, Rec. p. II-367), au motif que cette lettre ne constituait pas une décision sur la plainte de la requérante, mais faisait partie d'un échange de vues informel dans le cadre de la première des trois phases successives que comprend le déroulement de la procédure régie par l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 et par l'article 6 du règlement n° 99-63. L'arrêt a acquis force de chose jugée.

15. Pour ce qui est du déroulement ultérieur des litiges opposant la requérante et BMW Italia devant les juridictions italiennes, la requérante a déclaré à l'audience que, d'une part, le Tribunal, puis la Cour d'appel de Milan ont rejeté son recours visant à la condamnation de BMW Italia à poursuivre des rapports contractuels avec elle et qu'elle a introduit contre cet arrêt un pourvoi devant la Cour de cassation. Elle a ajouté, d'autre part, que le recours de BMW Italia, visant à l'empêcher d'utiliser des marques déposées par BMW en vue de faire de la publicité pour des véhicules d'importation parallèle, a été accueilli par le Tribunal de Milan, après avoir été rejeté par le pretore et le président du Tribunal de Trévise. La requérante a interjeté appel de cette décision devant la Cour d'appel de Milan.

La procédure

16. C'est dans ces circonstances que la requérante a introduit, par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 1990, le présent recours.

17. La procédure écrite a suivi un cours normal. Sur proposition de la première chambre, les parties ayant été entendues à ce sujet, le Tribunal a renvoyé l'affaire devant la formation plénière. Un Avocat général a été désigné par le président du Tribunal.

18. Sur rapport du juge rapporteur, l'Avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois été décidé de tenir compte, d'office, des documents suivants, versés par les parties au dossier de l'affaire T-64-89 (Automec I) :

- la demande présentée par la requérante à la Commission, le 25 janvier 1988, au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 (annexe 5 à la requête dans l'affaire T-64-89)

- la lettre adressée par la requérante à la Commission le 1er septembre 1988 (annexe 18 à la requête dans l'affaire T-64-89)

- la lettre adressée par la requérante à la Commission le 4 octobre 1989 (annexe aux observations déposées par la requérante sur la demande incidente de la Commission dans l'affaire T-64-89).

19. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et leurs réponses aux questions du Tribunal à l'audience du 22 octobre 1991. L'Avocat général ayant déposé ses conclusions par écrit le 10 mars 1992, le président a prononcé la clôture de la procédure orale à cette date.

20. Dans sa requête, la requérante avait conclu à ce qu'il plaise au Tribunal :

- ordonner la jonction de la présente affaire avec l'affaire T-64-89 déjà en cours ;

- déclarer recevable le recours, dont elle se réservait de se désister après qu'un arrêt d'annulation de la prétendue décision individuelle du 30 novembre 1988 serait passé en force de chose jugée ;

- annuler la décision individuelle de la direction de la concurrence et, pour autant qu'il constitue la prémisse inéluctable de cette décision, le règlement (CEE) n° 123-85 ;

- déclarer qu'en vertu de l'article 176 du traité, la Commission est tenue de prendre les mesures découlant de l'arrêt à rendre ;

- condamner la Commission à la réparation des dommages ;

- condamner la Commission aux dépens.

Dans sa réplique, introduite après le prononcé de l'arrêt dans l'affaire T-64-89, elle a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision de la direction générale de la concurrence de la Commission du 28 février 1990 ; cela après avoir déclaré éventuellement que le règlement n° 123-85 est inapplicable aux systèmes de distribution sélective ; ou, à titre subsidiaire, si ce règlement devait être considéré comme applicable tant aux systèmes de distribution exclusive qu'aux systèmes de distribution sélective, annuler ce règlement comme contraire au règlement 19-65-CEE du Conseil qui en constitue la base juridique, et, en tout état de cause, comme entaché d'un vice d'injustice manifeste pour avoir réglementé de manière identique deux phénomènes tout à fait différents ;

- déclarer que la Commission est tenue, en vertu de l'article 176 du traité, de prendre les mesures découlant de l'arrêt à rendre ;

- condamner la Commission à la réparation des dommages ;

- condamner la Commission aux dépens.

21. La Commission a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter la demande de la requérante tendant à ce que soit ordonnée la jonction de la présente affaire avec l'affaire T-64-89 alors pendante ;

- rejeter le recours d'Automec ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission du 28 février 1990 (SG(90)D-2816) ;

- rejeter la demande tendant à ce que la Commission soit condamnée au versement de dommages et intérêts ;

- condamner la partie requérante aux dépens.

Sur les conclusions en annulation

1. En ce qui concerne l'objet de la plainte

Argumentation des parties

22. La requérante reproche à la Commission d'avoir méconnu l'objet de sa demande, en considérant qu'elle se limitait à demander que la Commission ordonne à BMW d'exécuter ses commandes et de l'autoriser à utiliser ses marques, alors que l'objet de l'enquête qu'elle avait demandée était de savoir si le boycottage, dont elle était victime, résultait du système de distribution de BMW ou bien s'il constituait une application discriminatoire de ce système.

23. Elle fait valoir qu'elle avait non seulement demandé à la Commission de constater la violation de l'article 85, paragraphe 1, par BMW et d'adopter une décision imposant à BMW de mettre fin aux infractions commises, mais qu'elle lui avait aussi demandé de retirer le bénéfice de l'exemption accordée au système de distribution sélective de BMW par sa décision du 13 décembre 1974, précitée, et/ou celui de l'exemption prévue par le règlement n° 123-85.

24. La requérante souligne que la Commission n'est pas liée par les demandes spécifiques qu'une partie plaignante a formulées, mais qu'elle peut déterminer elle-même le contenu de l'injonction visant à faire cesser l'infraction, à condition que cette injonction soit appropriée pour atteindre ce but et qu'elle respecte le principe de proportionnalité.

25. La Commission répond que l'objet principal de la demande d'Automec était de voir ordonner à BMW de reprendre ses livraisons et d'autoriser l'utilisation de ses marques, et que le refus, de la part de BMW, de l'approvisionner est la raison principale de la plainte et du recours de la requérante. Selon la Commission, cette demande se confond avec celle visant à ce qu'elle ordonne l'admission de la requérante dans le système de distribution de BMW.

26. Dans sa duplique, la Commission conteste que la requérante lui ait demandé de retirer le bénéfice de l'exemption accordée au système de distribution sélective de BMW, tel qu'il est prévu par le règlement n° 123-85, et de prendre ainsi une décision relevant de sa compétence exclusive.

Appréciation du Tribunal

27. Le Tribunal constate que la plainte de la requérante comportait, d'une part, une demande visant à l'adoption de deux mesures spécifiques à l'égard de BMW, à savoir une injonction lui ordonnant d'exécuter les commandes de la requérante et une injonction lui ordonnant d'autoriser la requérante à utiliser certaines de ses marques. Elle comportait, d'autre part, une demande plus générale, visant à l'adoption d'une décision obligeant BMW à mettre fin à l'infraction dénoncée et lui imposant toute autre mesure que la Commission estimerait nécessaire ou utile.

28. Face à ces demandes, la décision attaquée est articulée en deux parties. Dans la première, la Commission refuse, en invoquant son incompétence, d'enjoindre à BMW de livrer ses produits à la requérante et d'autoriser celle-ci à utiliser la marque BMW. Dans la seconde, elle refuse, en invoquant les litiges pendants entre la requérante et BMW devant les juridictions italiennes, son pouvoir d'appréciation discrétionnaire quant au degré de priorité qu'elle accorde à la poursuite d'une plainte et l'absence d'un intérêt communautaire suffisant, d'approfondir l'examen de l'affaire pour autant que la plainte visait à obtenir une décision obligeant BMW à mettre fin à l'infraction alléguée. Les deux parties de la décision attaquée correspondent donc aux deux aspects que comportait la plainte de la requérante.

29. Dans la communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, adressée à la requérante le 26 juillet 1989, il était question d'une demande de la requérante tendant à ce que soit ordonné le "rétablissement" des rapports contractuels que celle-ci entretenait avec BMW. Dans sa réponse du 4 octobre 1989, la requérante a contesté cette interprétation de sa demande en précisant qu'elle entendait revendiquer un droit de faire partie, indépendamment des rapports contractuels antérieurs, du système de distribution de BMW, qualifié par elle de système de distribution sélective. La Commission a tenu compte de cette précision en supprimant, dans la décision attaquée, toute référence à une prétendue demande de la requérante tendant à un rétablissement des relations contractuelles antérieures.

30. Par ailleurs, rien dans la décision attaquée ne permet de supposer que la Commission se serait considérée comme liée par la demande d'injonctions spécifiques telle qu'elle a été formulée par la requérante et qu'elle aurait ainsi méconnu la possibilité d'adopter, à la place des injonctions demandées, d'autres mesures appropriées pour faire cesser une éventuelle infraction. La première partie de la décision attaquée se borne, en effet, à répondre à la demande d'injonctions spécifiques, telle que formulée par la requérante, sans préjuger la question de savoir si la Commission aurait pu prendre d'autres mesures.

31. C'est ainsi que, dans la deuxième partie de la décision attaquée, la Commission a répondu à la demande plus générale, visant à l'adoption d'une décision obligeant BMW à mettre fin à l'infraction alléguée et ordonnant toutes mesures utiles à cet effet.

32. Le Tribunal constate, enfin, que la plainte introduite par la requérante ne visait pas le retrait du bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 123-85. Dans sa requête dans l'affaire T-64-89 (p. 15 et 17), la requérante a certes reproché à la Commission d'avoir violé l'article 10, paragraphe 1, du règlement n° 123-85, qui lui donne le pouvoir de retirer le bénéfice de l'application dudit règlement, dans la mesure où celui-ci était applicable. Toutefois, cette référence, faite dans un document adressé au Tribunal et non à la Commission, ne saurait avoir pour effet d'élargir l'objet de la plainte précédemment introduite. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a eu l'occasion, dans sa réponse à la lettre qui lui a été adressée le 4 octobre 1989, au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63, de préciser le contenu de sa plainte. Or, cette réponse, postérieure à l'introduction du recours dans l'affaire T-64-89, ne fait aucune référence à un éventuel retrait de l'exemption. Dans ces circonstances, la plainte ne pouvait pas être comprise, par la Commission, comme visant au retrait du bénéfice de l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 123-85.

33. Il s'ensuit que la Commission n'a pas méconnu l'objet de la plainte introduite par la requérante.

2. En ce qui concerne la première partie de la décision attaquée

Argumentation des parties

34. A l'encontre de la première partie de la décision attaquée, dans laquelle la Commission s'est déclarée incompétente pour adopter les injonctions spécifiques demandées par la requérante, cette dernière fait valoir un moyen unique, tiré de la violation du droit communautaire, notamment de l'article 3 du règlement n° 17.

35. Dans sa requête, la requérante conteste la distinction opérée par la Commission entre les pouvoirs dont elle dispose, en vertu dudit article, dans le cas d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, d'une part, et dans le cas d'une violation de l'article 86, d'autre part. Elle souligne que le libellé de l'article 3 du règlement n° 17 ne procède pas à une telle distinction et qu'il donne donc à la Commission, dans un cas comme dans l'autre, le pouvoir d'"obliger par voie de décision les entreprises... à mettre fin à l'infraction constatée". Or, en l'espèce, la seule manière de mettre fin à l'infraction à l'article 85, qui consiste en un refus de fournitures, serait d'ordonner la livraison des fournitures demandées.

36. Dans sa réplique, la requérante soutient, en premier lieu, que l'absence d'accord entre BMW et elle-même ne fait pas obstacle à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Selon elle, un comportement qui, en apparence, est unilatéral, peut tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, notamment lorsqu'il se situe dans le cadre d'un système de distribution.

37. La requérante fait valoir que BMW pratique un système de distribution sélective. Or, il résulterait de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 11 octobre 1983, Demo-Studio Schmidt/Commission, 210-81, Rec. p. 3045) qu'un revendeur qui a été exclu sans motif d'un système de distribution sélective peut demander à la Commission d'intervenir sur la base de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17 et que, le cas échéant, il peut déférer au juge communautaire le refus opposé par la Commission. La requérante estime que tous les éléments de l'infraction mentionnés dans l'arrêt précité sont réunis en l'espèce.

38. Par ailleurs, la requérante considère qu'il est illogique de considérer que la Commission pourrait, si tel est le cas, constater l'illégalité de l'ensemble du système de distribution et interdire à BMW de l'appliquer à l'avenir, alors qu'elle ne pourrait pas s'opposer au comportement adopté par le producteur envers les différents revendeurs. En effet, s'il en était ainsi, il serait facile d'établir "sur le papier" des systèmes contractuels très positifs du point de vue de la concurrence, pour ensuite ne pas les appliquer, avec la certitude que, concrètement, la Commission n'a aucun pouvoir d'intervention. A l'appui de sa thèse, elle invoque l'arrêt de la Cour du 17 septembre 1985 (Ford/Commission, 25 et 26-84, Rec. p. 2725), dont il résulterait que la Commission peut tenir compte, lorsqu'elle examine un contrat de concession en vue d'une exemption éventuelle, de toutes les circonstances qui entourent l'application de ce contrat, parmi lesquelles peut compter un refus d'approvisionnement. La Commission ne devrait donc pas uniquement apprécier "les systèmes dans leur ensemble", mais également leur application concrète, voire leur non-application.

39. La requérante estime que l'existence éventuelle d'une exemption ne s'opposerait pas à un tel examen des modalités concrètes d'application d'un système de distribution. Tout en reconnaissant que la Commission ne pourrait pas faire exécuter, par des moyens coercitifs, une décision ordonnant à BMW de reprendre ses livraisons, elle fait valoir que l'institution défenderesse dispose néanmoins de pouvoirs de dissuasion, notamment sous forme d'amendes, permettant de faire respecter une telle décision.

40. De son côté, la Commission souligne que la logique distincte qui inspire les articles 85 et 86 du traité, mise en relief, selon elle, par l'arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990 (Tetra Pak/Commission, T-51-89, Rec. p. II-309), donne une portée différente aux pouvoirs dont elle dispose, en vertu de l'article 3 du règlement n° 17, lorsqu'il s'agit de la violation de l'une ou de l'autre de ces deux dispositions du traité. Elle rappelle que l'article 86 interdit à une entreprise dominante d'adopter des comportements unilatéraux qui restreignent la concurrence et qui peuvent consister soit en des actions délibérées, soit en des omissions. Ce serait la raison pour laquelle la Cour, dans son arrêt du 6 mars 1974 (Commercial Solvents/Commission, 6 et 7-73, Rec. p. 223), a affirmé que l'application de l'article 3 du règlement n° 17 doit se faire en fonction de la nature de l'infraction constatée et peut aussi bien comporter l'ordre d'entreprendre certaines activités ou prestations, illégalement omises, que l'interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations, contraires au traité.

41. Par contre, dans l'hypothèse d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Commission estime qu'aussi bien l'objet que l'étendue de ses pouvoirs d'intervention sont différents. Quant à l'objet, à savoir l'infraction à laquelle elle pourrait mettre fin, elle souligne que l'article 85 interdit les accords entre deux ou plusieurs entreprises, ayant pour objet ou pour effet de fausser le jeu de la concurrence. Selon la Commission, le seul accord auquel pourrait s'appliquer, en l'espèce, l'article 85 du traité est celui existant entre BMW Italia et ses distributeurs actuels, et ce ne serait qu'à l'égard de cet accord qu'elle pourrait exercer le pouvoir d'intervention que lui confère l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17. Selon la Commission, l'arrêt de la Cour du 28 février 1984, (Ford/Commission, 228 et 229-82, Rec. p. 1129, ci-après "Ford II") confirme que, dans le cadre d'un système de distribution, seul l'accord représenté par le contrat de concession peut constituer une infraction à l'article 85 du traité.

42. Quant à l'étendue de ses pouvoirs dans l'hypothèse d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Commission se fonde sur ce même arrêt pour affirmer que la seule décision qu'elle peut prendre en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 est de constater éventuellement l'incompatibilité du système de distribution en cause avec les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et d'obliger le fournisseur à mettre fin à l'application du contrat de concession pris dans son ensemble. Elle ajoute que, toujours selon l'arrêt Ford II, elle n'est pas pour autant dépourvue de toute possibilité de réagir devant un comportement anticoncurrentiel mis en œuvre dans le cadre d'un système de distribution, puisqu'elle peut, par exemple, infliger une amende si le contrat de concession continue d'être appliqué.

43. La Commission relève qu'Automec ne souhaite pas la suppression du système de distribution, mais revendique, au contraire, le droit d'en faire partie. Or, ce droit serait un droit spécifique et individuel dont la Commission n'aurait pas le pouvoir d'imposer l'exécution de force, si ce n'est dans le cadre de l'application de l'article 86 du traité.

44. Dans sa duplique, la Commission ajoute que l'arrêt de la Cour du 11 octobre 1983 (Demo-Studio Schmidt, 210-81, précité), invoqué par la requérante, se référait à l'hypothèse d'une violation conjointe des articles 85 et 86 du traité et que les deux précédents cités par la Cour dans cet arrêt, à savoir son arrêt du 6 mars 1974 (Commercial Solvents, 6 et 7-73, précité) et son ordonnance du 17 janvier 1980 (Camera Care/ Commission, 792-79R, Rec. p. 119), concernaient soit une violation de l'article 86 (Commercial Solvents), soit un cas de violation des deux articles 85 et 86 (Camera Care).

45. La Commission soutient que l'interdiction des ententes et les pouvoirs qui lui ont été conférés pour faire respecter cette interdiction ne sauraient lui permettre de limiter la liberté contractuelle des opérateurs économiques, en allant jusqu'à imposer à un producteur d'accepter un revendeur déterminé dans son système de distribution. Elle se réfère à ce sujet aux conclusions de l'Avocat général, Mme Rozès, dans l'affaire 210-81 (Demo-Studio Schmidt, Rec. 1983, p. 3072).

46. La Commission souligne, enfin, que la décision attaquée ne préjuge en rien ni la question de savoir si le système de distribution de BMW Italia est un système de distribution sélective ou bien un système de distribution exclusive et sélective, du type de celui visé par le règlement n° 123-85, ni la question de savoir si ledit système est licite ou non au regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Selon la Commission, à supposer même qu'elle constate que le système de distribution mis en place par BMW Italia constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, ni l'article 85, ni l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 ne lui donneraient le pouvoir d'imposer à BMW Italia de contracter avec Automec.

Appréciation du Tribunal

47. Le Tribunal considère qu'il y a lieu de déterminer si la Commission a violé le droit communautaire, notamment l'article 3 du règlement n° 17, en rejetant la demande visant à l'adoption des injonctions spécifiques susvisées, au motif qu'elle n'était pas compétente pour prendre de telles mesures dans les circonstances de l'espèce.

48. Il convient de rappeler que la demande de la requérante tendait à ce qu'il fût ordonné à BMW Italia d'exécuter les commandes qu'elle lui avait transmises ; elle tendait également à ce qu'il fût ordonné à BMW de l'autoriser à utiliser certaines de ses marques. Ces exigences étaient motivées par le fait que la requérante estimait qu'elle répondait à toutes les conditions requises afin de faire partie du réseau de distribution de BMW. La requérante a, par conséquent, demandé que la Commission adopte deux injonctions spécifiques à l'encontre de BMW afin de faire respecter son prétendu droit à être admise dans le réseau de distribution mis en place par BMW.

49. La Commission ayant rejeté, dans la première partie de sa décision, la demande tendant à ce qu'elle adopte ces deux injonctions spécifiques, il y a lieu d'examiner si l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, qui habilite la Commission à obliger les entreprises concernées à mettre fin aux infractions au droit de la concurrence qu'elle a constatées, aurait pu constituer, en combinaison avec l'article 85, paragraphe 1, du traité, la base juridique d'une décision faisant droit à une telle demande.

50. L'article 85, paragraphe 1, interdit certains accords ou pratiques anticoncurrentiels. Parmi les conséquences, sur le plan du droit civil, que peut avoir une infraction à cette interdiction, une seule est prescrite expressément à l'article 85, paragraphe 2, à savoir la nullité de l'accord. C'est au droit national qu'il incombe de définir les autres conséquences attachées à une violation de l'article 85 du traité, telles que l'obligation de réparer le préjudice causé à un tiers ou une éventuelle obligation de contracter (voir, quant aux possibilités ouvertes aux juges nationaux, les procédures nationales à l'origine des arrêts de la Cour du 16 juin 1981, Salonia, 126-80, Rec. p. 1563, 1774 et du 3 juillet 1985, Binon, 243-83, Rec. p. 2015, 2035). C'est donc le juge national qui, le cas échéant et selon les règles du droit national, peut enjoindre à un opérateur économique de contracter avec un autre.

51. La liberté contractuelle devant demeurer la règle, l'on ne saurait, en principe, reconnaître à la Commission, dans le cadre des pouvoirs d'injonction dont elle dispose en vue de faire cesser les infractions à l'article 85, paragraphe 1, le pouvoir d'enjoindre à une partie de nouer des relations contractuelles, dès lors qu'en règle générale, la Commission dispose de voies appropriées pour imposer à une entreprise la cessation d'une infraction.

52. En particulier, une justification pour une pareille restriction à la liberté contractuelle ne saurait être reconnue dès lors qu'il existe plusieurs voies pour mettre fin à une infraction. Tel est le cas d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité qui résultent de l'application d'un système de distribution. En effet, de telles infractions peuvent être éliminées également par l'abandon ou par une modification du système de distribution. Dans ces circonstances, la Commission a certes le pouvoir de constater l'infraction et d'ordonner aux parties concernées d'y mettre fin, mais il ne lui appartient pas d'imposer aux parties son choix parmi les différentes possibilités de conduite toutes conformes au traité.

53. Dès lors, il convient de constater que, dans les circonstances de l'espèce, la Commission n'était pas habilitée à adopter des injonctions spécifiques, obligeant BMW à approvisionner la requérante et à lui permettre d'utiliser ses marques. Il s'ensuit que la Commission n'a pas violé le droit communautaire en rejetant, au motif qu'elle n'avait pas compétence, la demande visant à l'adoption desdites injonctions.

54. La compétence dont disposait la Commission pour adopter une décision pouvant produire des effets pratiques équivalant à ceux des injonctions demandées par la requérante et la possibilité qu'elle avait de requalifier la demande de la requérante en une demande visant à l'adoption d'une pareille décision ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion. En effet, la Commission n'a pas invoqué son incompétence pour justifier le rejet de la plainte dans son ensemble, mais uniquement pour justifier le refus d'adopter les mesures spécifiques sollicitées. Pour autant que l'objet de la plainte dépasse cette demande spécifique, la question n'est pas abordée dans la première partie de la décision, mais dans sa seconde partie.

3. En ce qui concerne la seconde partie de la décision attaquée

55. A l'encontre de la seconde partie de la décision attaquée, la requérante invoque, en substance, quatre moyens. Le premier est pris de ce que la Commission aurait violé l'article 155 du traité, l'article 3 du règlement n° 17 et l'article 6 du règlement n° 99-63, en refusant d'exercer ses propres attributions. Le deuxième moyen, soulevé à l'audience, est tiré de la violation de l'obligation de motivation, inscrite à l'article 190 du traité. Le troisième moyen, avancé dans la réplique, est tiré de l'inapplicabilité et de l'illégalité du règlement n° 123-85. Le quatrième moyen est pris de l'existence d'un détournement de pouvoir.

a) Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 155 du traité, 3 du règlement n° 17 et 6 du règlement n° 99-63 et sur le deuxième moyen, relatif à la motivation de la décision attaquée

Argumentation des parties

56. La requérante reproche, en premier lieu, à la Commission d'avoir renonçé à exercer ses compétences au profit des juridictions nationales, en ce qui concerne la mise en œuvre de l'article 85, alors qu'elle aurait déclaré dans la presse spécialisée qu'"en raison de l'article 85, paragraphe 2, aucune protection légale ne peut être demandée aux tribunaux nationaux" contre les clauses anticoncurrentielles figurant dans des contrats de distribution.

57. Elle fait valoir que le droit communautaire prévoit une procédure d'élimination des infractions et que la Commission ne peut pas se soustraire à l'exercice des pouvoirs qui s'y rapportent. Elle se réfère, à cet égard, au devoir qui incombe en la matière à la Commission en vertu du traité, ainsi qu'aux compétences exclusives et spécifiques de cette dernière en matière d'infractions, d'exemptions et de distribution sélective, sur la base, entre autres, des dispositions du règlement n° 123-85. La requérante souligne que c'est à elle-même qu'il revient de choisir si elle entend s'adresser aux juridictions nationales ou aux organes communautaires compétents et qu'il n'appartient pas à la Commission de lui imposer son choix. Elle ajoute que les affaires pendantes devant les juridictions italiennes ont un objet différent de celui de sa plainte.

58. En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission ne saurait invoquer, en l'espèce, le caractère discrétionnaire de ses pouvoirs. La faculté de rejeter une plainte, reconnue à la Commission par l'article 6 du règlement n° 99-63, viserait uniquement le rejet quant au fond, intervenant au terme d'une instruction ayant permis à la Commission de recueillir les éléments nécessaires à l'exercice de son appréciation discrétionnaire. La Commission serait ainsi tenue d'ouvrir pour chaque plainte une procédure d'examen, sauf dans le cas de plaintes manifestement non fondées. L'article 6, précité, selon lequel la Commission peut "ne pas donner une suite favorable" à la demande, viserait donc l'injonction de mettre fin à l'infraction et non l'ouverture de la procédure. La requérante invoque à l'appui de sa thèse l'arrêt de la Cour du 11 octobre 1983 (Demo-Studio Schmidt, 210-81, précité, point 19).

59. Dans sa réplique, la requérante conteste, en troisième lieu, qu'il n'y a pas d'intérêt communautaire suffisant pour approfondir l'examen des faits exposés dans la plainte. En effet, une circulaire adressée, le 7 juillet 1988, par BMW Italia à tous ses concessionnaires, visant à décourager les ventes aux revendeurs non autorisés et les ventes "hors zone" conclues avec l'intervention de "médiateurs ou de pourvoyeurs d'affaires", serait contraire aux exigences du droit communautaire en matière de distribution tant sélective qu'exclusive et de l'article 3, point 11, du règlement n° 123-85. La Commission elle-même aurait affirmé, à deux reprises, qu'un pareil comportement constitue une violation de règles fondamentales, à savoir, d'une part, dans sa communication concernant le règlement n° 123-85 (JO 1985, C 17, p. 4, paragraphe I, point 3) et, d'autre part, dans son seizième rapport sur la politique de concurrence (paragraphe 30, p. 45).

60. La Commission estime, pour sa part, qu'en raison de l'applicabilité directe de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la Commission et le juge national ont, en réalité, concurremment compétence pour appliquer cette disposition, comme le montreraient les arrêts de la Cour du 30 janvier 1974 (BRT, 127-73, Rec. p. 51) et du 10 juillet 1980 (Lauder, 37-79, Rec. p. 2481).

61. Elle ajoute que si les intéressés ont le droit de choisir entre s'adresser aux autorités communautaires ou aux autorités nationales pour faire respecter les droits découlant pour eux de l'article 85 du traité, les conséquences juridiques que peut avoir le recours aux unes ou aux autres sont différentes. A cet égard, d'ailleurs, la requérante ne nierait pas que le juge italien, à la différence de la Commission, dispose du pouvoir de condamner BMW Italia à l'indemniser du préjudice que son refus de vendre a pu lui causer.

62. La Commission relève, en outre, que la requérante ne conteste pas non plus que les juges italiens seraient plus à même de résoudre un litige éventuel ayant pour objet une prétendue violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité par BMW Italia, dans la mesure où les tribunaux de Milan ou de Vicence seraient mieux placés qu'elle pour examiner les demandes d'Automec et appliquer au système de distribution de BMW Italia l'article 85, paragraphe 1 et, le cas échéant, les dispositions du règlement n° 123-85. La compétence du juge national, lorsqu'il s'agit de décider si un contrat donné bénéficie ou non d'une exemption par catégorie, aurait été affirmée par la Cour dans son arrêt du 3 février 1976 (Roubaix, 63-75, Rec. p. 111).

63. La Commission expose que la question de savoir si elle dispose ou non d'un pouvoir discrétionnaire pour rejeter les plaintes dont elle est saisie, sans procéder à une enquête préalable, est une question de principe importante quant à l'exercice de ses pouvoirs de contrôle. Ce serait la première fois que le juge communautaire aurait à connaître d'une décision par laquelle la Commission rejette une plainte, sans avoir approfondi les faits exposés par la partie plaignante ni porté d'appréciation sur ceux-ci. Cette décision serait fondée sur l'existence d'un pouvoir, pour la Commission, d'assigner, dans l'intérêt public communautaire, des degrés différents de priorité à l'instruction des plaintes.

64. La Commission ne conteste pas qu'un plaignant a droit à une réponse, c'est-à-dire à un acte définitif dans lequel l'institution se prononce sur sa plainte. Elle affirme cependant que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 18 octobre 1979, GEMA/Commission, 125-78, Rec. p. 3173, 3179), elle n'est pas pour autant obligée d'adopter une décision définitive quant à l'existence ou non de l'infraction alléguée. Disposant ainsi d'une importante marge d'appréciation quant à l'adoption d'une décision sur le fond de la plainte, elle disposerait, à plus forte raison, d'une marge d'appréciation discrétionnaire pour adopter des actes préparatoires de la décision finale, comme l'ouverture d'une instruction. La Commission reconnaît néanmoins qu'elle est obligée d'examiner les plaintes de manière non discriminatoire, ce qu'elle affirme avoir fait en l'occurrence. A cet égard, elle fait valoir que la vérification de la compatibilité du système de distribution de BMW Italia avec l'article 85, paragraphe 1, du traité et les dispositions du règlement n° 123-85 aurait nécessité une enquête très vaste et fort complexe, qu'elle aurait dû ouvrir presque ex nihilo, alors que les différents juges italiens saisis tant par Automec que par BMW Italia étaient au courant des relations contractuelles que BMW Italia entretenait avec ses revendeurs et, notamment, de celles entretenues dans le passé avec la requérante. Selon la Commission, lesdits juges sont, dès lors, plus facilement qu'elle-même, en mesure de mener l'enquête nécessaire pour apprécier la conformité du système de distribution de BMW Italia avec les règles communautaires en matière de concurrence.

65. La Commission souligne que ce sont ces considérations, ainsi que le souci d'une économie de procédure, qui l'ont amenée à conclure que la plainte d'Automec ne présentait pas, par rapport aux milliers de procédures pendantes devant elle, un degré d'intérêt public suffisant pour justifier l'ouverture d'une instruction supplémentaire par rapport à celles déjà effectuées par les juridictions italiennes, saisies à la suite d'un "libre choix" des deux entreprises concernées.

66. Quant au principe général, selon lequel elle dispose d'un pouvoir discrétionnaire lui permettant d'attribuer de tels degrés de priorité, la Commission soutient, en premier lieu, qu'aucune disposition de droit communautaire ne l'oblige à ouvrir une enquête chaque fois qu'elle est saisie d'une plainte. Dans sa duplique, elle fait observer que la requérante ne saurait invoquer, pour appuyer sa thèse, l'arrêt de la Cour du 11 octobre 1983 (Demo-Studio Schmidt, 210-81, précité), qui constituerait un arrêt isolé, de sorte qu'on ne saurait parler, à son égard, d'une jurisprudence constante.

67. En deuxième lieu, la Commission relève que, selon la version italienne de l'article 6 du règlement n° 99-63, elle peut ne pas donner suite à une plainte sur la base des éléments (d'information et de preuve) "di cui dispone" et non pas sur la base de ceux dont elle ne pourrait disposer qu'à l'issue d'une enquête longue, complexe et coûteuse ; en troisième lieu, elle affirme qu'elle a le devoir de veiller au respect de l'intérêt public en poursuivant, au premier chef, les comportements qui par leur ampleur, leur gravité et leur durée constituent une atteinte très grave au libre jeu de la concurrence. Elle fait valoir que si elle était toujours tenue d'ouvrir une enquête à la suite d'une plainte, le choix des affaires dans lesquelles une enquête serait effectuée reviendrait aux entreprises plaignantes plutôt qu'à elle-même et obéirait donc à des critères d'intérêt privé plutôt que public.

68. La Commission invoque des données statistiques sur les procédures pendantes devant elle en matière de concurrence pour démontrer la nécessité de définir des critères de priorité dans l'examen des différentes affaires, eu égard à ses effectifs limités. Elle explique que c'est en raison du nombre de ces affaires qu'elle a été amenée à définir, dans son dix-septième rapport sur la politique de concurrence (paragraphe 9, p. 24), les critères de priorité suivants :

"D'une manière générale, lorsque les affaires portant sur des questions politiquement très importantes, la Commission leur accorde la priorité. Pour les affaires qu'elle instruit d'office et pour les plaintes, la Commission examine la gravité des infractions alléguées. En outre, pour les plaintes et les notifications, il faut tenir compte du fait qu'une décision doit être prise rapidement. C'est le cas, en particulier, lorsque des procédures judiciaires nationales sont pendantes. Les affaires pour lesquelles est demandé le bénéfice de la procédure d'opposition prévue par les règlements d'exemption par catégorie doivent toujours être considérées comme prioritaires compte tenu du délai de six mois. Dans les autres cas, les affaires sont traitées chronologiquement."

69. Selon la Commission, il est évident que la plainte de la requérante ne répond à aucun de ces critères de priorité, qu'il s'agisse de la gravité de l'infraction alléguée ou de la nécessité d'une décision de la Commission pour permettre au juge national de statuer. Quant à ce dernier critère, la Commission rappelle, d'une part, qu'une décision de sa part n'était pas nécessaire pour permettre aux juridictions italiennes de statuer sur les litiges dont ils avaient déjà été saisis par les parties. Elle explique, d'autre part, que ce critère se réfère surtout à l'hypothèse dans laquelle l'affaire pendante devant le juge national concerne la validité ou l'exécution d'un contrat qui a été notifié à la Commission et pour lequel le bénéfice d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité a été demandé, l'application de cette disposition relevant de la compétence exclusive de la Commission. Tel ne serait pas le cas, en l'espèce, puisque l'application de l'article 85, paragraphe 3, aux accords de distribution dans le secteur automobile est régie par le règlement n° 123-85. Or, l'application de ce règlement relève pleinement de la compétence du juge italien qui, en cas de doutes sur la validité de ses dispositions, devrait saisir la Cour de justice, conformément à l'article 177 du traité (arrêt de la Cour du 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314-85, Rec. p. 4225).

70. La Commission fait encore valoir que l'incompétence du juge national pour décider le retrait de l'exemption n'affecte en rien sa propre thèse puisque la requérante soutient, à titre principal, que l'exemption par catégorie prévue par le règlement n° 123-85 n'est pas applicable au système de distribution de BMW Italia et, à titre subsidiaire, que ce règlement est invalide.

Appréciation du Tribunal

71. Le Tribunal considère que la question qui lui est posée par le présent moyen est, en substance, celle de savoir quelles sont les obligations de la Commission, lorsqu'elle est saisie par une personne physique ou morale d'une demande au titre de l'article 3 du règlement n° 17.

72. Il y a lieu de relever que les règlements n° 17 et n° 99-63 ont conféré des droits procéduraux aux personnes ayant saisi la Commission d'une plainte, comme ceux d'être informées des motifs pour lesquels la Commission entend rejeter leur plainte et de présenter des observations à ce sujet. Le législateur communautaire a ainsi soumis la Commission à certaines obligations spécifiques. Toutefois, ni le règlement n° 17 ni le règlement n° 99-63 ne contiennent de dispositions expresses concernant la suite à réserver, au fond, à une plainte et les obligations d'investigation éventuelles de la Commission.

73. Pour définir les obligations de la Commission dans ce contexte, il convient de rappeler, liminairement, que celle-ci est responsable de la mise en œuvre et de l'orientation de la politique communautaire de la concurrence (voir l'arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234-89, Rec. p. 935, 991). C'est ainsi que l'article 89, paragraphe 1, du traité lui a assigné la mission de veiller à l'application des principes fixés par les articles 85 et 86 et que les dispositions adoptées sur la base de l'article 87 lui ont conféré des pouvoirs étendus.

74. L'étendue des obligations de la Commission dans le domaine du droit de la concurrence doit être examinée à la lumière de l'article 89, paragraphe 1, du traité, qui, dans ce domaine, constitue la manifestation spécifique de la mission générale de surveillance confiée à la Commission par l'article 155 du traité. Or, ainsi que la Cour l'a constaté dans le cadre de l'article 169 du traité (arrêt du 14 février 1989, Star Fruit/Commission, 247-87, Rec. p. 291, 301), cette mission n'implique pas, pour la Commission, l'obligation d'engager des procédures visant à établir d'éventuelles violations du droit communautaire.

75. A cet égard, le Tribunal relève qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 18 octobre 1979, GEMA, précité, p. 3189) que, parmi les droits conférés aux parties plaignantes par les règlements n° 17 et n° 99-63, ne figure pas celui d'obtenir une décision, au sens de l'article 189 du traité, quant à l'existence ou non de l'infraction alléguée. Il s'ensuit que la Commission ne saurait être tenue de se prononcer à ce sujet, sauf lorsque l'objet de la plainte relève de ses compétences exclusives, comme le retrait d'une exemption accordée au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

76. La Commission n'ayant pas l'obligation de se prononcer sur l'existence ou non d'une infraction, elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d'autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l'existence ou non d'une infraction qu'elle n'est pas tenue de constater. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'à la différence de ce que prévoit l'article 89, paragraphe 1, deuxième phrase, du traité, dans le cas des demandes introduites par les Etats membres, les règlements n° 17 et n° 99-63 n'obligent pas expressément la Commission à instruire les plaintes dont elle est saisie.

77. Il convient de relever, à cet égard, que constitue un élément inhérent à l'exercice de l'activité administrative, la compétence, pour le titulaire d'une mission de service public, de prendre toutes les mesures d'organisation nécessaires à l'accomplissement de la mission qui lui a été confiée, y compris la définition de priorités, dans le cadre établi par la loi, lorsque de telles priorités n'ont pas été définies par le législateur. Tel doit être, en particulier, le cas lorsqu'une autorité a été investie d'une mission de surveillance et de contrôle aussi étendue et générale que celle attribuée à la Commission dans le domaine de la concurrence. Dès lors, le fait pour la Commission d'accorder des degrés de priorité différents aux dossiers dont elle est saisie dans le domaine de la concurrence est conforme aux obligations imposées à celle-ci par le droit communautaire.

78. Cette appréciation n'est pas en contradiction avec les arrêts de la Cour du 11 octobre 1983 (Demo-Studio Schmidt, 210-81, précité), du 28 mars 1985 (CICCE, 298-83, précité) et du 17 novembre 1987 (BAT et Reynolds/ Commission, 142 et 156-84, Rec. p. 4487). En effet, dans l'arrêt Demo-Studio Schmidt, la Cour a estimé que la Commission "avait à examiner les faits mis en avant" par la partie plaignante, sans pour autant préjuger la question de savoir si la Commission pouvait s'abstenir de procéder à une instruction de la plainte, puisque, dans cette espèce, la Commission avait examiné les faits exposés dans la plainte et avait rejeté celle-ci, au motif qu'il n'existait pas d'éléments permettant de conclure à l'existence d'une infraction. De même, cette question ne s'est-elle pas posée dans le cadre des affaires postérieures CICCE (298-83, précitée) et BAT et Reynolds (142 et 156-84, précitée).

79. Toutefois, si la Commission ne saurait être tenue de mener une instruction, les garanties procédurales prévues à l'article 3 du 3 du règlement n° 17 et à l'article 6 du règlement n° 99-63 l'obligent néanmoins à examiner attentivement les éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par la partie plaignante, en vue d'apprécier si lesdits éléments font apparaître un comportement de nature à fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et à affecter le commerce entre Etats membres(voir les arrêts de la Cour du 11 octobre 1983, Demo-Studio Schmidt, du 28 mars 1985, CICCE, et du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds, précités).

80. Lorsque, comme en l'espèce, la Commission a pris une décision de classement de la plainte, sans mener d'instruction, le contrôle de légalité auquel le Tribunal doit procéder vise à vérifier si la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, n'est entachée d'aucune erreur de droit, non plus que d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir.

81. C'est à la lumière de ces principes qu'il appartient au Tribunal de vérifier d'abord si la Commission a procédé à l'examen de la plainte auquel elle était tenue en évaluant, avec toute l'attention requise, les éléments de fait et de droit avancés par la requérante dans sa plainte et, ensuite, si la Commission a correctement motivé sa décision de classement de la plainte, en invoquant son pouvoir "d'accorder des différents degrés de priorité dans la poursuite des affaires dont elle est saisie", d'une part, et en se référant à l'intérêt communautaire que présente l'affaire comme critère de priorité, d'autre part.

82. A cet égard, le Tribunal constate tout d'abord que la Commission a procédé à un examen attentif de la plainte, dans le cadre duquel elle a non seulement tenu compte des éléments de fait et de droit avancés dans la plainte elle-même, mais a également procédé à un échange informel de vues et d'informations avec la requérante et ses avocats. Ce n'est qu'après avoir pris connaissance des précisions données par la requérante à cette occasion et des observations présentées en réponse à la lettre envoyée au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63 que la Commission a rejeté la plainte. Eu égard aux éléments de fait et de droit contenus dans la plainte, la Commission a donc effectué un examen approprié de celle-ci et l'on ne saurait lui reprocher un manque de diligence.

83. S'agissant ensuite de la motivation de la décision de classement litigieuse, le Tribunal rappelle, tout d'abord, que la Commission est en droit d'accorder des degrés de priorité différents à l'examen des plaintes dont elle est saisie.

84. Il y a lieu d'examiner ensuite s'il est légitime, comme la Commission l'a soutenu, de se référer à l'intérêt communautaire que présente une affaire, comme critère de priorité.

85. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu'à la différence du juge civil, dont la vocation est de sauvegarder les droits subjectifs des personnes privées dans leurs relations réciproques, une autorité administrative doit agir dans l'intérêt public. Par conséquent, il est légitime, pour déterminer le degré de priorité à accorder aux différentes affaires dont elle est saisie, que la Commission se réfère à l'intérêt communautaire. Ceci n'aboutit pas à soustraire l'action de la Commission au contrôle juridictionnel, puisque, en vertu de l'exigence de motivation, inscrite à l'article 190 du traité, la Commission ne saurait se contenter de se référer abstraitement à l'intérêt communautaire. Elle est tenue d'exposer les considérations de droit et de fait qui l'ont conduite à conclure qu'il n'y avait pas d'intérêt communautaire suffisant de nature à justifier l'adoption de mesures d'instruction. C'est donc à travers le contrôle de la légalité de ces motifs que le Tribunal contrôle l'action de la Commission.

86. Pour apprécier l'intérêt communautaire qu'il y a à poursuivre l'examen d'une affaire, la Commission doit tenir compte des circonstances du cas d'espèce et, notamment, des éléments de fait et de droit qui lui sont présentés dans la plainte dont elle est saisie. Il lui appartient, notamment, de mettre en balance l'importance de l'infraction alléguée pour le fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l'étendue des mesures d'investigation nécessaires, en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de surveillance du respect des articles 85 et 86.

87 Il convient d'examiner, dans ce contexte, si, en l'espèce, c'est à juste titre que la Commission a conclu qu'il n'y avait pas d'intérêt communautaire suffisant à poursuivre l'examen de l'affaire, au motif que la requérante, qui avait déjà saisi les juridictions italiennes du litige concernant la résiliation du contrat de concession, pouvait également soumettre à ces juridictions la question de la conformité du système de distribution de BMW Italia à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

88. Il importe de relever, à cet égard, que ce faisant, la Commission ne s'est pas bornée à déclarer qu'en règle générale, elle devrait se dessaisir d'une affaire au seul motif que le juge national serait compétent pour l'examiner. En effet, celui-ci était déjà saisi de litiges voisins entre Automec et BMW Italia, ayant trait au système de distribution de cette dernière, et la requérante n'a pas contesté que les juridictions italiennes connaissaient déjà les relations contractuelles entre BMW Italia et ses distributeurs. Dans les circonstances particulières de l'espèce, des raisons tenant à l'économie de la procédure et à la bonne administration de la justice militent en faveur de l'examen de l'affaire par le juge qui était déjà appelé à connaître de questions voisines.

89. Toutefois, pour apprécier la légalité de la décision de classement litigieuse, il convient de déterminer si, en renvoyant l'entreprise plaignante devant le juge national, la Commission n'a pas méconnu l'étendue de la protection que celui-ci peut assurer aux droits qu'elle tire de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

90. A ce propos, il y a lieu d'observer que les articles 85, paragraphe 1, et 86 produisent des effets directs dans les relations entre les particuliers et engendrent, dans le chef des justiciables, des droits que les juridictions nationales doivent sauvegarder (voir l'arrêt de la Cour du 30 janvier 1974, BRT, précité). La compétence pour faire application desdites dispositions appartient à la fois à la Commission et aux juridictions nationales (voir notamment l'arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234-89, précité). Cette attribution de compétences est, par ailleurs, caractérisée par l'obligation de coopération loyale entre la Commission et les juridictions nationales, qui résulte de l'article 5 du traité (voir l'arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, C-234-89, précité).

91. Il convient donc d'examiner si la Commission pouvait compter sur cette coopération pour garantir l'appréciation de la conformité du système de distribution de BMW Italia à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

92. A cette fin, le juge italien est en mesure d'examiner, d'abord, si ce système comporte des restrictions de concurrence, au sens de l'article 85, paragraphe 1. En cas de doute, il peut saisir la Cour de justice d'une question préjudicielle. S'il constate une restriction de concurrence contraire à l'article 85, paragraphe 1, il lui appartient d'examiner, ensuite, si le système bénéficie d'une exemption par catégorie en vertu du règlement n° 123-85. Cet examen relève également de sa compétence (voir l'arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis, précité). En cas de doute quant à la validité ou à l'interprétation dudit règlement, le juge peut également saisir la Cour d'une question préjudicielle, conformément à l'article 177 du traité. Dans chacune de ces hypothèses, le juge national est à même de statuer sur la conformité du système de distribution à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

93. Si le juge national n'a, certes, pas compétence pour ordonner la cessation de l'infraction qu'il a pu constater et infliger des amendes aux entreprises qui l'ont commise, comme le peut la Commission, il lui appartient néanmoins de faire application, dans les relations entre particuliers, de l'article 85, paragraphe 2, du traité. En prévoyant expressément cette sanction civile, le traité postule que le droit national donne au juge le pouvoir de préserver les droits des entreprises victimes de pratiques anticoncurrentielles.

94. Or, en l'espèce, la requérante n'a produit aucun élément dont on pourrait déduire que le droit italien ne prévoit aucune voie de droit permettant au juge national de sauvegarder ses droits de façon satisfaisante.

95. Il convient de relever encore que l'existence, en l'espèce, d'un règlement d'exemption, à le supposer applicable, était un élément dont la Commission pouvait légitimement tenir compte pour apprécier l'intérêt public communautaire qu'il y avait à procéder à une instruction relative à un tel système de distribution. En effet, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre, l'objectif principal d'un règlement d'exemption par catégorie est de limiter la notification et l'examen individuel des contrats de distribution pratiqués dans le secteur d'activité concerné. L'existence d'un tel règlement facilite, en outre, l'application du droit de la concurrence par le juge national.

96. Dès lors, en renvoyant la requérante devant le juge national, la Commission n'a pas méconnu l'étendue de la protection que celui-ci peut assurer aux droits qu'elle tient de l'article 85, paragraphes 1 et 2, du traité.

97. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'examen de la décision litigieuse par le Tribunal n'a révélé ni erreur de droit ou de fait, ni erreur manifeste d'appréciation. Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation du droit communautaire, notamment des articles 155 du traité, 3 du règlement n° 17 et 6 du règlement n° 99-63, n'est pas fondé.

98. En outre, il découle nécessairement des considérations qui précèdent que la motivation de la décision litigieuse est suffisante, puisque la requérante a pu légitimement faire valoir ses droits devant le Tribunal et que celui-ci a pu exercer son contrôle de légalité.

b) Sur le troisième moyen tiré de l'illégalité du règlement n° 123-85

Argumentation des parties

99. Dans sa requête, la requérante avait demandé l'annulation du règlement n° 123-85, pour autant qu'il constitue "la prémisse inéluctable" de la décision attaquée, sans avancer, toutefois, de moyens à l'appui de cette demande. Dans sa réplique, la requérante soutient que ce règlement n'est pas applicable en l'espèce, parce qu'il ne réglemente que la distribution exclusive et qu'il ne vise pas la distribution sélective. Elle ajoute que, s'il n'en était pas ainsi, ledit règlement serait invalide, parce qu'il créerait un illogisme évident et une injustice manifeste en soumettant à une réglementation unique deux phénomènes économiques aussi profondément différents l'un de l'autre que les deux formes de distribution susmentionnées.

100. La Commission répète qu'elle ne s'est pas prononcée sur l'applicabilité ou non dudit règlement au système de distribution mis en place par BMW Italia, de sorte que la requérante lui attribue à tort l'opinion selon laquelle ce règlement serait applicable en l'espèce et pourrait s'appliquer aussi bien aux systèmes de distribution exclusive que sélective. Elle insiste sur le fait qu'elle ne pourrait se prononcer sur la nature de ce système de distribution qu'après avoir procédé à un examen approfondi et adéquat des faits exposés dans la demande, mais qu'elle n'a pas considéré qu'il existait un intérêt communautaire suffisant pour ce faire.

Appréciation du Tribunal

101. Etant donné qu'il est constant que la décision attaquée, qui ne contient d'ailleurs aucune référence au règlement n° 123-85 ou à la conformité éventuelle du système de distribution de BMW Italia avec celui-ci, ne se prononce en rien sur l'applicabilité, en l'espèce, du règlement n° 123-85, le moyen en question est inopérant. Il convient donc, en tout état de cause, de l'écarter.

c) Sur le quatrième moyen tiré d'un détournement de pouvoir

Argumentation des parties

102. Par ce moyen, la requérante a fait valoir, dans sa requête, que la Commission a fait usage des règles communautaires dans le but de protéger une entreprise plutôt que la concurrence en général. Dans sa réplique, elle a ajouté que le refus d'ouvrir une enquête, même en la présence de la circulaire du 7 juillet 1988, susmentionnée, par laquelle BMW avait insisté auprès de ses concessionnaires pour qu'ils s'abstiennent de vendre des véhicules aux revendeurs non autorisés et aux "médiateurs ou pourvoyeurs d'affaires", confirme la volonté de la Commission de privilégier BMW, "en l'exemptant même de l'ennui de devoir fournir des justifications". En outre, elle affirme qu'aucune des trois lettres que la Commission lui a envoyées n'indique les véritables motifs qui ont incité la Commission à ne pas prendre en considération sa plainte et les preuves qu'elle a présentées.

103. La Commission conteste avoir violé son devoir d'examiner la plainte en toute impartialité. Elle estime avoir exercé objectivement son pouvoir discrétionnaire quant à l'examen des plaintes dont elle est saisie et fait observer que la requérante ne doit pas seulement affirmer, mais également prouver qu'en l'espèce, elle a exercé ledit pouvoir de manière abusive et/ou partiale, en poursuivant un autre objectif que celui pour lequel ce pouvoir lui a été conféré par le législateur communautaire. La Commission affirme qu'elle n'avait aucune intention de "laver" a priori BMW Italia du soupçon d'infractions aux règles de concurrence, et encore moins de la faire bénéficier d'une soi-disant présomption d'innocence.

104. Dans sa duplique, la Commission ajoute que l'affirmation de la requérante selon laquelle aucune de ses lettres successives n'aurait indiqué les véritables motifs de sa décision revient à engager un procès d'intention inadmissible, et que les "véritables motifs" sur lesquels se fonde la deuxième partie de la décision attaquée sont exclusivement ceux qui figurent dans la lettre du 28 février 1990.

Appréciation du Tribunal

105. Il convient de relever qu'une allégation de détournement de pouvoir ne peut être prise en considération que si le requérant avance des indices objectifs, pertinents et concordants, susceptibles de faire apparaître son existence (voir, p. ex., l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Caturla-Poch et De la Fuente/Parlement, 36-87, Rec. p. 2471, 2489 et l'arrêt du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde/Cour de justice, T-156-89, p. II-407, II-453).

106. Il importe donc d'examiner si les éléments avancés par la requérante donnent à penser que la Commission a usé, en l'espèce, du pouvoir de décision que lui confère le règlement n° 17 dans un but autre que celui en vue duquel il lui a été conféré, à savoir en vue de surveiller l'application des principes fixés par les articles 85 et 86 du traité.

107. A cet égard, il importe de relever que la requérante n'a avancé aucune circonstance concrète qui permettrait d'inférer que les raisons indiquées par la Commission pour justifier le classement de la plainte n'auraient été que des prétextes et que le but réellement poursuivi aurait été celui d'éviter l'application des règles de concurrence à l'entreprise BMW. Le fait que la Commission n'a pas évalué la conformité du comportement de BMW à l'article 85 ne signifie pas qu'elle a agi arbitrairement, étant donné, notamment, que la requérante n'a pas contesté qu'une telle évaluation aurait nécessité une enquête vaste et complexe. La circulaire de BMW Italia du 7 juillet 1988, à laquelle la requérante a également fait référence, n'est nullement susceptible de faire apparaître un détournement de pouvoir de la part de la Commission. Cette lettre ne contient que des instructions, adressées par BMW Italia à tous ses concessionnaires et n'indique nullement que la Commission a voulu protéger les sociétés du groupe BMW en adoptant la décision attaquée. Pour le reste, la requérante avance des arguments visant à établir l'existence d'une infraction à l'article 85, commise par BMW. Ces arguments ne constituent cependant pas des indices dont on pourrait induire que la Commission a été guidée par des considérations illicites en décidant de ne pas vérifier le bien-fondé de ces reproches.

108. Il y a donc lieu de constater que le détournement de pouvoir n'est pas établi et que dès lors, ce moyen ne peut qu'être rejeté.

109. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les conclusions en annulation doivent être rejetées. Etant donné que les conclusions en indemnité sont exclusivement fondées sur les mêmes moyens que ceux invoqués à l'appui des conclusions en annulation, il y a lieu de rejeter également, en l'absence d'une illégalité commise par la Commission, la demande en indemnité, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur sa recevabilité.

Sur les dépens

110. Selon l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL,

déclare et arrête :

1. Le recours est rejeté.

2. La partie requérante est condamnée aux dépens.