TPICE, 2e ch., 17 septembre 1992, n° T-138/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Nederlandse Bankiersvereniging, Nederlandse Vereniging van Banken
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Barrington, Yeraris, Briët, Biancarelli
Avocats :
Mes Van Empel, Versteez, Verloop, Van der Beek.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),
Faits et procédure
1 Le présent litige porte sur une décision de la Commission par laquelle celle-ci a, entre autres, accordé une attestation négative aux associations bancaires intéressées, en indiquant, dans le dispositif, qu'une intervention de sa part au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, ne s'avérait pas nécessaire en ce qui concerne l'accord interbancaire sur les virements dits "actie-accepten", tout en constatant, dans les motifs, que ledit accord restreint la concurrence de manière sensible.
2 La première des deux requérantes, à savoir la Nederlandse Bankiersvereniging (ci-après "NBV"), a été constituée en 1949, en s'assignant comme but de promouvoir les intérêts du secteur bancaire néerlandais au sens le plus large du terme. Toutes les personnes, sociétés et institutions inscrites au registre officiel néerlandais des établissements de crédit peuvent devenir membres de l'association.
3 Ne sont pas membres de la NBV, parmi les établissements fournissant des services financiers comparables à ceux des banques dites universelles, les banques coopératives affiliées à la Rabobank, les banques affiliées au Nederlandse Spaarbankbond ainsi que la Postbank. La plupart des membres de la NBV sont également affiliés à la Vereniging van Deviezenbanken (ci-après "VDB"), qui a pour but de promouvoir l'exécution optimale des paiements entre résidents et non-résidents. L'organe central de concertation sur les affaires d'intérêt commun de la NBV, de la Rabobank, des caisses d'épargne affiliées au Nederlandse Spaarbankbond et de la Postbank était, à l'époque des faits considérés, le College van Overleg der Gezamenlijke Banken (ci-après "CVO").
4 La deuxième requérante, à savoir la Nederlandse Vereniging van Banken (ci-après "NVB"), a été constituée le 8 mai 1989 et a commencé ses activités le 1er juin 1989. Elle a comme but de promouvoir les intérêts, tant nationaux qu'internationaux, des établissements de crédit visés dans la "Wet toezicht Kredietwezen" (loi sur la supervision du système de crédit) et du secteur bancaire néerlandais en général. Plusieurs institutions du secteur financier se sont regroupées dans cette association, dont les banques universelles qui sont membres de la NBV. La NVB a repris des tâches assumées auparavant par le CVO et, en pratique, les activités de la NBV et de la VDB.
5 Les 19 mars 1985, 22 octobre et 27 novembre 1986, la NBV a notifié à la Commission une série de règlements, décisions et circulaires (ci-après "réglementations") émanant d'elle-même et d'autres institutions financières néerlandaises, ainsi qu'une série d'accords auxquels elle-même ou l'une de ces institutions était partie, directement ou indirectement. Elle a, en même temps, demandé la délivrance d'une attestation négative, au titre de l'article 2 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"). A défaut de la délivrance d'une telle attestation, elle demandait l'octroi d'une exemption, au titre du paragraphe 3, de l'article 85 du traité.
6 Le 5 février 1987, la Commission a adressé à la NBV une communication des griefs portant sur une partie des réglementations notifiées.
7 A la suite de cette communication, ainsi qu'après diverses discussions avec les services de la Commission, les parties concernées ont abrogé ou modifié un grand nombre de dispositions des réglementations sur lesquelles avait porté la communication des griefs. Par lettre du 6 mai 1987, la NBV en a formellement informé la Commission.
8 Au cours de la période qui a suivi la communication des griefs, la NBV, la Rabobank, le Nederlandse Spaarbankbond et la Postbank ont signé, en deux phases successives, les deux parties d'un accord concernant les virements au moyen de formulaires dits "actie-accepten" (ci-après "l'accord"). L'accord prévoyait, entre autres, que la banque qui encaisse le virement pour son client (le bénéficiaire) doit facturer à celui-ci 1,40 HFL pour les frais administratifs de la banque débitrice (la banque de celui qui donne l'ordre de virement).
9 Les 18 septembre et 4 décembre 1987, la NBV a notifié à la Commission, respectivement, la première partie de l'accord, ayant trait à la coopération technique, et la deuxième partie, se rapportant à la compensation réciproque des frais de traitement. Comme dans le cas des autres notifications, la NBV a sollicité de la Commission la délivrance d'une attestation négative ou, à défaut, l'octroi d'une déclaration d'exemption.
10 Il a été procédé, le 25 novembre 1987, à l'audition prévue à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17, portant sur les griefs retenus par la Commission à l'encontre des réglementations notifiées en 1985 et 1986.
11 Par lettre du 2 février 1988, les parties à l'accord ont communiqué à la Commission un avis, adressé aux banques concernées, indiquant que la commission interbancaire était maintenue au niveau de 1,10 HFL, mais que les banques d'encaissement seraient dorénavant libres de répercuter ou non cette commission sur le client. Ce taux de frais bancaires de traitement, selon la déclaration de la partie requérante lors de la procédure orale, est actuellement de 0,55 HFL.
12 Le 5 novembre 1988 a été publiée au Journal officiel (C 282, p. 4) la communication de la Commission, prévue par l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, relative à la série de réglementations notifiées par la NBV, parmi lesquelles figurait l'accord litigieux. La Commission y manifestait son intention de prendre une décision favorable à l'égard de l'accord et invitait les tiers intéressés à lui faire connaître leurs observations.
13 La Commission, après avoir recueilli l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, a adopté, le 19 juillet 1989, la décision 89-512-CEE (ci-après "la décision"), publiée au JO L 253, p. 1. Par cette décision, la Commission a délivré une attestation négative en ce qui concerne l'accord, au motif que ce dernier, tout en présentant un caractère restrictif de concurrence, n'avait pas d'effet sensible sur le commerce entre Etats membres. La Commission s'est également prononcée sur les autres réglementations, en leur accordant, soit une attestation négative, soit, à défaut, une exemption, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.
14 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 2 octobre 1989, la NBV et la NVB ont introduit, en vertu de l'article 173 du traité CEE, un recours tendant à l'annulation de la décision, dans la seule mesure où elle constate que l'accord a un caractère restrictif de concurrence.
15 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé l'affaire devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes.
16 La procédure écrite s'est, dès lors, régulièrement poursuivie devant le Tribunal.
17 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
18 La procédure orale s'est déroulée le 21 janvier 1992. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.
Conclusions des parties
19 Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :
- annuler la décision qui a été portée à leur connaissance le 28 juillet 1989, dans la mesure où il y est constaté que l'accord concernant les virements "actie-accepten" restreint la concurrence de manière sensible, et prendre toutes autres dispositions et mesures qu'il appartiendra ;
- condamner la Commission aux dépens.
20 La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- à titre principal, déclarer le recours irrecevable ;
- à titre subsidiaire, rejeter le recours ;
- condamner solidairement les requérantes aux dépens de l'instance.
Sur la recevabilité
La décision
21 La décision précise que l'accord prévoit une commission uniforme payable par la banque de l'encaissement à la banque débitrice, pour le traitement des virements qui se font par l'emploi de formulaires dits "actie-accepten". Ces virements, à caractère essentiellement non obligatoire, sont destinés principalement à des actions caritatives (point 43). La Commission, après avoir qualifié les parties à l'accord d'entreprises ou d'associations d'entreprises, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, estime que les dispositions de l'accord restreignent la concurrence de manière sensible. Selon la décision, l'accord limite les possibilités, pour les banques concernées, représentant plus de 90 % du total des dépôts et des bilans des banques opérant aux Pays-Bas, de convenir bilatéralement d'un remboursement des frais d'une manière plus favorable et d'en faire bénéficier les clients (point 56 à 57). Ensuite, la décision considère que l'accord n'a pas un effet sensible sur le commerce intracommunautaire, parce que les services concernés ne peuvent être exclusivement fournis qu'entre banques établies aux Pays-Bas. A cet égard, la décision souligne que la part de ces services fournis par des succursales de banques d'autres Etats membres est négligeable et que les virements en question n'ont pas ou guère de liens avec les échanges de biens ou de services entre Etats membres. De même, parmi les utilisateurs finaux des services interbancaires concernés, rares sont ceux qui ont leur siège dans d'autres Etats membres (point 59). Enfin, la décision, à l'article 1er de son dispositif, déclare que :
"Sur la base des éléments dont elle dispose, il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir en vertu des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, à l'égard des dispositions suivantes notifiées par la Nederlandse Bankiersvereniging :...
- l'accord concernant les virements relatifs à des réponses favorables à des appels de fonds (virements "actie-accepten")."
Arguments des parties
22 La Commission, dans son mémoire en défense, excipe de l'irrecevabilité du recours en invoquant deux moyens :
l'acte attaqué ne fait pas grief aux requérantes qui ne justifient pas d'un intérêt à agir ;
b) la NVB n'est concernée ni directement ni individuellement par la décision, dont elle n'était pas destinataire.
23 En ce qui concerne le premier moyen, la Commission fait observer, en premier lieu, que le recours ne vise pas le dispositif de la décision, mais un motif qui, en tant que tel, ne constitue pas un acte au sens de l'article 173 du traité. S'il est vrai qu'une attestation négative constitue une décision au sens de l'article 189 du traité, elle ne pourrait néanmoins jamais faire l'objet d'un recours en annulation de la part du bénéficiaire, mais seulement de la part d'un tiers intéressé.
24 La Commission fait valoir, en deuxième lieu, que la thèse des requérantes, selon laquelle une décision se décompose en "conclusions intermédiaires", est erronée. De l'avis de la Commission, en droit communautaire, il est fréquent qu'un certain nombre de conditions doivent être réunies avant qu'une institution n'adopte un acte faisant grief. Ce qui importe en définitive, selon la Commission, est l'objet de la décision. S'il était possible de former un recours contre ce que les requérantes qualifient de conclusions intermédiaires, la décision perdrait son objet.
25 La Commission soutient, en troisième lieu, que l'attestation négative qui a été délivrée ne modifie pas la situation juridique des requérantes. Contrairement à une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, elle ne lierait pas le juge national. Dans le cas d'espèce, si une juridiction nationale devait décider que l'accord est incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité et prononcer la nullité prévue au paragraphe 2 du même article, une telle sanction ne serait pas la conséquence de la décision de la Commission, mais celle des constatations du juge national. Il en résulte, selon la Commission, que l'attestation négative attaquée n'est susceptible de produire aucun effet juridique contraignant à l'encontre des requérantes.
26 La Commission remarque, en quatrième et dernier lieu, que les requérantes ont obtenu ce qu'elles avaient demandé, à savoir une attestation négative. Les raisons pour lesquelles cette attestation leur a été accordée n'auraient aucune incidence sur leur situation juridique. Seul compterait le fait qu'elles l'ont obtenue et elles n'auraient donc aucun intérêt à agir.
27 Les requérantes, pour réfuter l'argumentation de la Commission, font valoir, en premier lieu, que l'attestation négative constitue, d'un point de vue formel, une décision, au sens de l'article 173 du traité, qui peut être adoptée dans le cadre de l'article 85. Ceci résulterait directement du règlement n° 17, dont l'article 19 fait mention d'une "décision" prévue à l'article 2 du même règlement. En tout cas, selon les requérantes, une attestation négative constitue, par sa nature, une décision au sens matériel, telle que cette notion a été définie par la Cour à propos dudit article du traité. Les requérantes rappellent, en outre, que la Cour a reconnu à un tiers, aux intérêts légitimes duquel une attestation négative porte atteinte, le droit de former un recours à son encontre, au titre de l'article 173 du traité. Dès lors, les requérantes estiment qu'elles ne peuvent être placées dans une situation plus défavorable que celle d'un tiers.
28 Les requérantes reconnaissent, en deuxième lieu, qu'elles n'attaquent pas le dispositif de la décision. Toutefois, elles contestent le point de vue de la Commission, selon lequel leur recours serait irrecevable, compte tenu de ce qu'un "motif" ne constituerait pas un acte au sens de l'article 173 du traité. Elles soulignent, à ce propos, que la Commission méconnaît le fait qu'elles n'attaquent pas le "motif", mais une conclusion intermédiaire au regard de l'article 85 du traité. En effet, ledit article serait construit sous la forme d'un syllogisme, de sorte qu'un certain nombre de prémisses (accord, restriction de la concurrence, affectation du commerce intra-communautaire) conduiraient à une conclusion quant à la compatibilité de l'accord en question avec l'article 85 du traité. Une conclusion intermédiaire serait donc une constatation relative à l'un des éléments constitutifs, motivée par un raisonnement conduisant à cette conclusion, et trouvant son origine dans une constatation de fait. Pour les requérantes, une conclusion intermédiaire n'est pas un acte préparatoire, mais constitue une appréciation définitive de la Commission quant au caractère restrictif de concurrence de l'accord, appréciation qui comporte des effets juridiques obligatoires et qui modifie la situation juridique des destinataires.
29 Les requérantes soutiennent, en troisième lieu, qu'elles n'ont pas obtenu ce qu'elles avaient demandé, puisque ce qui leur a été accordé est une attestation négative dont l'un des motifs constate que la concurrence est sensiblement restreinte. Elles font valoir, à cet égard, qu'elles possèdent un intérêt à agir parce que la constatation de la Commission, selon laquelle l'accord restreint la concurrence, est susceptible de produire des effets de droit civil à leur égard. Bien qu'une juridiction nationale soit libre d'appliquer les articles 85 et 86 du traité d'une manière autonome, une telle constatation pourrait jouer un rôle important dans la motivation du juge national. Si, sur la question de l'affectation du commerce intra-communautaire, la juridiction nationale parvenait à une conclusion différente de celle de la Commission, l'accord serait alors automatiquement nul, en vertu de l'article 85, paragraphe 2, du traité. Partant, affirment les requérantes, elles ne pourraient pas, en droit, maintenir leur accord.
Appréciation du Tribunal
30 Le Tribunal observe que les requérantes ne mettent pas en cause le dispositif de la décision par laquelle la Commission, sur la base des éléments mis à sa disposition, leur a délivré une attestation négative, en constatant qu'il n'y a pas lieu d'intervenir, en vertu des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité, à l'égard de l'accord concernant les virements dits "actie-accepten". En revanche, les requérantes demandent l'annulation de l'appréciation juridique figurant aux points 56 et 57 de la décision, selon laquelle l'accord restreint la concurrence de manière sensible dans le marché commun. Une telle demande pose la question de savoir si le bénéficiaire d'une attestation négative est fondé à attaquer le ou les motifs de la décision, sans remettre en cause son dispositif.
31 A cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le recours prévu à l'article 173 du traité ne peut être exercé qu'à l'encontre d'un acte faisant grief, c'est-à-dire à l'encontre d'un acte susceptible d'affecter une situation juridique déterminée (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639) ; or, quels que soient les motifs sur lesquels repose un tel acte, seul son dispositif est susceptible de produire des effets juridiques et, par voie de conséquence, de faire grief. Quant aux appréciations formulées par la Commission dans les motifs de la décision attaquée, en admettant même qu'elles ne correspondent pas totalement à la thèse des requérantes, elles ne sont pas susceptibles de faire, en tant que telles, l'objet d'un recours en annulation.Elles ne pourraient être soumises au contrôle de la légalité du juge communautaire que dans la mesure où, en tant que motifs d'un acte faisant grief, elles constitueraient le support nécessaire de son dispositif. Or, le Tribunal constate qu'en l'espèce, non seulement l'acte ne fait pas grief mais également que le motif contesté ne constitue pas le support nécessaire de son dispositif. En effet, dès lors qu'elle a constaté que l'accord notifié n'est pas susceptible d'affecter les échanges intra-communautaires, la Commission ne peut que conclure qu'il n'y a pas lieu pour elle d'intervenir quelle que soit l'appréciation faite par elle sur l'objet ou l'effet de l'accord sur la concurrence.
32 En outre, s'agissant d'une décision d'attestation négative délivrée, en application de l'article 2 du règlement n° 17, sur demande des entreprises et associations d'entreprises concernées et par laquelle la Commission constate que, en fonction des éléments dont elle dispose, il n'y a pas lieu, pour elle, d'intervenir au titre des articles 85 ou 86 du traité, le Tribunal estime qu'une telle décision donne satisfaction au demandeur et, par sa nature, n'est susceptible ni de modifier sa situation juridique ni de lui faire grief. Par contre, l'octroi d'une attestation négative peut porter atteinte aux intérêts économiques d'un tiers qui, s'il justifie d'un intérêt légitime suffisant, est recevable à former, à son encontre, un recours en annulation devant le Tribunal, dans les conditions prévues à l'article 173 du traité. Cette conclusion est corroborée par le fait que l'article 19, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 17, préserve les droits des tiers lorsque la Commission envisage de réserver une suite favorable à la demande dont elle est saisie. Toutefois, s'il convient d'admettre qu'une décision d'attestation négative est attaquable par un tiers justifiant d'un intérêt légitime, il ressort de l'économie même de l'article 19, susvisé, que l'on ne saurait nullement en inférer pour autant que le bénéficiaire de cette décision dispose de la même voie de droit.
33 Enfin, le Tribunal relève qu'un opérateur économique doit justifier d'un intérêt né et actuel à l'annulation de l'acte attaqué et que tel n'est pas le cas en l'espèce pour deux raisons. En premier lieu, si l'intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, il doit établir que l'atteinte à cette situation se révèle, d'ores et déjà, certaine. En l'espèce, les requérantes n'invoquent que des situations futures et incertaines pour justifier leur intérêt à demander l'annulation de l'acte attaqué, à savoir l'hypothèse dans laquelle une juridiction nationale, statuant sur la légalité de l'accord au regard des articles 85 et 86 du traité, aboutirait à une appréciation différente de celle de la Commission sur la question de l'affectation du commerce intra-communautaire, tout en tenant compte de l'appréciation de cette dernière quant au caractère restrictif de concurrence de l'accord. Dès lors, cet argument ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté, sans qu'il soit besoin, pour le Tribunal, d'apprécier les effets de la décision attaquée à l'égard des juridictions nationales. Ces dernières, au surplus, en cas de doute sur la portée de la décision de la Commission, disposeraient de la possibilité de saisir la Cour de justice, à titre préjudiciel, en vertu de l'article 177 du traité, de telle sorte que, de toute façon, les requérantes ne seraient nullement privées, en cas d'un éventuel litige, de la possibilité de faire valoir leurs droits devant le juge national, dans les conditions précisées par l'arrêt de la Cour du 28 février 1991, Delimitis (C-234-89, Rec. p. I-935).
34 En deuxième lieu, dans l'hypothèse, alléguée par les requérantes, où les circonstances concernant la prestation de services des virements "actie-accepten", telles que constatées par la décision, au point 59, viendraient à être modifiées, de telle sorte que l'affectation du commerce entre Etats membres deviendrait significative, un tel changement pourrait justifier le réexamen de l'affaire par la Commission. En effet, celle-ci, en vertu de l'article 2 du règlement n° 17, délivre l'attestation négative "en fonction des éléments dont elle a connaissance". Dans le cas où un tel réexamen conduirait la Commission à remettre en cause l'attestation négative initialement accordée, les requérantes pourraient déférer au Tribunal la décision prise à l'issue d'une nouvelle procédure administrative. Par suite, les requérantes, qui conservent ainsi pour l'avenir la possibilité de faire valoir leurs droits dans les conditions qui viennent d'être dites, ne peuvent soutenir qu'un éventuel changement des circonstances de fait pourrait être de nature à rendre recevables les conclusions du présent recours.
35 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérantes ne sont pas recevables à saisir le Tribunal d'un recours tendant à l'annulation de l'attestation négative qui, conformément à leur demande, leur a été délivrée par la Commission, par le seul moyen que, dans les motifs de sa décision, celle-ci a constaté que l'accord notifié restreignait la concurrence. Le recours doit, par suite, être rejeté comme irrecevable, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur le deuxième motif d'irrecevabilité soulevé par la Commission et tiré de l'absence de qualité pour agir de la NVB.
Sur les dépens
36 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens ; la parties requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (deuxième chambre),
déclare et arrête :
1. Le recours est rejeté comme irrecevable.
2. Les requérantes sont condamnées aux dépens.