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CCE, 24 juillet 1992, n° 92-428

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Givenchy

CCE n° 92-428

24 juillet 1992

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment ses articles 6 et 8, vu la demande d'exemption présentée par la société Parfums Givenchy SA le 19 mars 1990, concernant un contrat type de distribution sélective que cette société a élaboré pour la vente au détail de ses produits dans la Communauté économique européenne, vu l'essentiel de la notification publié conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, Considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

A. Les entreprises

La société Parfums Givenchy SA (ci-après dénommée : " Givenchy "), sise à Levallois-Perret (France), fait partie du groupe Louis Vuitton Moët-Hennessy dont les activités comprennent les produits de parfumerie de luxe, la maroquinerie, les bagages et les accessoires, les champagnes et vins, le cognac, les spiritueux, la haute couture et les accessoires de mode. Ce groupe contrôle d'autres sociétés opérant sur le même marché que Givenchy, à savoir les sociétés Parfums Christian Dior et Parfums Christian Lacroix. Le chiffre d'affaires net consolidé du groupe Louis Vuitton Moët-Hennessy a atteint 22 milliards de francs français en 1991. En la même année, la société Givenchy a réalisé un chiffre d'affaires net consolidé de 889 millions de francs français, dont 430 millions résultent de ses activités dans la Communauté. La vente au détail des produits cosmétiques de Givenchy est confiée, dans les Etats membres, à un réseau de distributeurs agréés, dont les conditions contractuelles sont définies par l'accord faisant l'objet de la présente procédure.

B. Structure de la distribution et position de Givenchy sur le marché

La catégorie des produits cosmétiques recouvre une grande variété d'articles destinés à de multiples usages et comprenant notamment les produits de la parfumerie alcoolique, les articles de soin et de beauté ainsi que les produits capillaires et de toilette. Une étude exécutée à la demande de la Commission (3) confirme l'existence, au sein de cette catégorie, d'un segment constitué par les produits de luxe. Ceux-ci sont des articles de haute qualité, au prix relativement élevé et commercialisés sous une marque de prestige. Leur degré de substituabilité avec des produits similaires relevant d'autres segments du secteur est généralement modeste.

La segmentation du secteur s'accompagne d'une différenciation des canaux de distribution, les produits cosmétiques étant commercialisés, sous des marques différentes, soit par le biais de réseaux de distributeurs agréés (parfumeries et grands magasins), soit par le canal des pharmacies et établissements assimilés, soit en grande diffusion (supermarchés, drogueries, commerces alimentaires, etc.), soit, enfin, par le moyen de la vente directe (vente par correspondance, etc.).

En général, les produits cosmétiques de luxe, et notamment les articles de parfumerie alcoolique, de soin et de beauté de haut de gamme, ne sont vendus qu'au moyen de réseaux de distributeurs agréés. Selon l'étude précitée, les produits ainsi commercialisés représentaient, en 1987, une part de 24,7 % dans la république fédérale d'Allemagne, de 30,3 % en France, de 36,2 % en Italie et de 22,4 % au Royaume-Uni par rapport au total des ventes de produits cosmétiques.

L'offre des produits cosmétiques de luxe est assez dispersée au niveau tant de la production que de la distribution. La structure de l'industrie communautaire se caractérise par la présence d'entreprises de taille relativement modeste qui coexistent avec des entreprises de grande dimension. En outre, certaines sociétés font partie de groupes qui contrôlent, directement ou indirectement, plusieurs firmes opérantes dans ce secteur. En revanche, la distribution présente des caractéristiques relativement homogènes, chaque producteur n'assurant la diffusion de ses articles de haut de gamme qu'au moyen de réseaux de contrats de distribution sélective fondés sur des dispositions comparables.

Givenchy se classe parmi les principaux producteurs de produits cosmétiques de luxe. En 1991, elle détenait 3,1 % du marché communautaire des produits parfumants de luxe et environ 1 % du marché communautaire des produits de soin et de beauté de luxe. Elle est liée à d'autres entreprises concurrentes, et notamment les sociétés Parfums Christian Dior et Parfums Christian Lacroix. Ainsi, le groupe Louis Vuitton Moët-Hennessy détient, par le biais de ses sociétés affiliées, plus de 10 % du marché communautaire des produits parfumants de luxe. Enfin, il convient d'observer qu'une partie substantielle du chiffre d'affaires de Givenchy est le fruit de ses ventes dans les Etats membres autres que la France.

Givenchy commercialise ses produits dans le Marché commun par un réseau composé d'environ dix mille points de vente agréés qu'elle approvisionne directement en France, et par l'intermédiaire de ses filiales ou de sociétés indépendantes agissant en tant qu'agents exclusifs, dans les autres Etats membres.

C. Réseau de distribution notifié

Le réseau de distribution notifié est fondé sur un contrat type de distributeur agréé liant Givenchy ou, le cas échéant, les agents exclusifs de Givenchy, à ses détaillants spécialisés établis dans la Communauté, ainsi que sur les conditions générales de vente y annexées.

Ce contrat type a fait l'objet de certaines modifications à la suite des observations formulées par la Commission et est entré en vigueur à compter du 1er janvier 1992. Pour l'essentiel, son contenu est le suivant :

a) Critères de sélection

Seuls sont admis au sein du réseau de distribution sélective les détaillants agréés par Givenchy ou par ses agents exclusifs en fonction des critères de sélection exposés ci-après.

i) Le distributeur agréé, ou son personnel de vente, doit avoir une qualification professionnelle en parfumerie résultant soit d'un diplôme d'esthétique, soit d'un certificat homologué au titre d'un ministère de tutelle ou d'une attestation de formation professionnelle en parfumerie délivrée par une chambre de commerce et d'industrie de l'un des Etats membres, soit d'une pratique de vente en parfumerie d'une durée d'au moins trois ans. Le distributeur agréé s'engage en outre à participer aux stages de formation ou perfectionnement organisés par Givenchy, en vue notamment de la distribution des produits de soin, de beauté et des nouveautés, et à assurer un service de conseil et de démonstration suffisant eu égard à la surface de l'espace de vente et du nombre des marques représentées.

ii) La localisation du point de vente doit correspondre au prestige de la marque Givenchy eu égard notamment à son environnement géographique ainsi qu'à la nature et à l'aspect extérieur des commerces voisins. L'installation du point de vente et l'environnement des marchandises distribuées dans le lieu réservé à la vente des produits contractuels ne doivent pas déprécier l'image de la marque Givenchy. En particulier, ladite installation est appréciée en prenant en compte la qualité de la façade et les aménagements intérieurs tels que le revêtement du sol, la qualité des murs, des plafonds, du mobilier, ainsi que la surface de vente et l'agencement des cabines de soins. En outre, le magasin doit comporter en devanture une ou plusieurs vitrines dont le standing et la décoration doivent être conformes aux usages qui régissent la vente de produits de luxe. Enfin, son enseigne ne doit pas impliquer, dans la perception du public, une restriction du décor ou des services. S'il s'agit d'un emplacement spécialisé pour la commercialisation de produits de parfumerie situés dans un grand magasin, l'installation dudit emplacement doit correspondre au prestige de Givenchy et satisfaire aux mêmes critères qualitatifs.

iii) La conservation des produits doit être effectuée dans des conditions satisfaisantes, et notamment dans des locaux permettant d'éviter une trop forte humidité, une température trop élevée ou une luminosité trop intense.

iv) La surface réservée à la vente des produits Givenchy ne doit pas faire ressortir de disproportion par rapport au nombre de marques vendues. En outre, elle doit permettre au distributeur agréé d'offrir, eu égard aux marques représentées, un emplacement reflétant le standing de la marque Givenchy. Le point de vente agréé doit comporter, dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de conclusion du contrat de distribution, une présence de marques concurrentes suffisant à illustrer l'image et la notoriété des produits Givenchy. Par ailleurs, il convient d'observer que, à la demande de la Commission, Givenchy a supprimé la clause qui subordonnait l'intégration ou le maintien du revendeur dans le réseau de distribution à l'agrément de celui-ci par un nombre minimal de marques figurant sur une liste restreinte établie par Givenchy.

v) Le distributeur agréé procède à l'exposition et à la vente des produits Givenchy uniquement dans le cadre des locaux visés par le contrat et s'engage à ne vendre les produits en cause que sous leur présentation d'origine.

vi) Le distributeur agréé est tenu d'apporter son plus efficace concours aux campagnes publicitaires organisées par Givenchy ou son agent exclusif, en présentant dans des conditions optimales le matériel de démonstration fourni par Givenchy et en consacrant périodiquement aux produits contractuels les meilleurs emplacements dans ses vitrines. Il s'engage en outre à prospecter activement sa clientèle directe afin de consacrer ses meilleurs efforts à la commercialisation des produits contractuels auprès de ladite clientèle.

vii) Le distributeur agréé s'engage à détenir un stock-outil comportant les deux tiers des références de chacune des gammes commercialisées par Givenchy et au moins un produit de chacune de ces références, y compris des nouveautés.

viii) Le distributeur agréé s'engage à réaliser dans le point de vente faisant l'objet du contrat un chiffre minimal d'achats annuels auprès de Givenchy ou de son agent exclusif. A la suite des observations formulées par la Commission, Givenchy a marqué son accord pour que le chiffre en question soit fixé de façon à ce que son montant ne dépasse pas 40 % du chiffre d'achat moyen réalisé, au cours de l'année écoulée, par les points de vente agréés établis sur le territoire de chaque Etat membre.

b) Procédure d'admission dans le réseau de distribution

En vertu des dispositions contractuelles notifiées, la réception d'une demande d'ouverture de compte est suivie d'une visualisation du point de vente aux fins de déterminer si celui-ci satisfait aux critères de sélection qualitatifs tels que décrits ci-dessus. Givenchy (ou le cas échéant son agent exclusif) s'engage à procéder à une telle visualisation dans un délai maximal de trois mois à compter de la date de la demande d'ouverture de compte. Par la suite, si la demande est loin de satisfaire aux critères qualitatifs, Givenchy (ou le cas échéant son agent exclusif) informe par écrit le demandeur du rejet de sa candidature en lui indiquant expressément les motifs sur lesquels se fonde sa décision. En revanche, si la demande est susceptible de satisfaire aux critères de sélection qualitatifs sous réserve de l'exécution de certains travaux dans le point de vente, le demandeur en est informé par écrit et, à la suite de la réalisation desdits travaux dans un délai de trois mois (prorogeable jusqu'à six à sa demande), son compte sera ouvert dans un délai maximal de neuf mois à compter de la date de la visualisation précitée. Enfin, si la demande satisfait entièrement aux critères de sélection qualitatifs, le demandeur en est informé par écrit et son compte sera ouvert dans un délai de neuf mois à compter de la date de la visualisation.

La procédure en question est entrée en vigueur à compter du 1er janvier 1992 et remplace l'ancien système d'admission dans le réseau de distribution de Givenchy. A cet égard, il convient de rappeler que, sur la base dudit système, toute demande provenant d'un candidat dont le point de vente était situé en France faisait l'objet d'une inscription sur une liste d'attente départementale et, dans ce cadre, était traitée en fonction de l'ordre chronologique d'inscription. Cependant, la décision de satisfaire aux demandes recevables n'intervenait que lorsque l'ouverture d'un nouveau compte était regardée par Givenchy comme justifiée, eu égard notamment au potentiel économique de la zone géographique concernée. Bien que le système d'admission pratiqué par Givenchy dans les Etats membres autres que la France ne comportait pas l'établissement de listes chronologiques d'attente, l'ouverture d'un nouveau compte était subordonnée également à des considérations analogues d'opportunité économique. A la suite des observations formulées par la Commission, Givenchy s'est engagée à assurer l'apurement des listes d'attente existantes au cours d'une période transitoire se terminant le 31 décembre 1992.

c) Liberté des livraisons croisées entre les membres du réseau de distribution

Le contrat type notifié prévoit que chaque distributeur agréé peut revendre les produits Givenchy à tout autre distributeur agréé installé dans n'importe quel Etat membre, y compris son pays d'établissement. Ces dispositions précisent en outre que chaque distributeur agréé est libre de s'approvisionner auprès d'autres distributeurs agréés ou agents exclusifs de produits Givenchy installés dans n'importe quel Etat membre, y compris son pays d'établissement.

L'exercice de cette faculté est soumise aux conditions suivantes :

i) Avant de revendre des produits Givenchy à un autre membre du réseau, le distributeur agréé doit prendre les précautions nécessaires pour que les produits ainsi livrés ne quittent pas le réseau des distributeurs agréés de Givenchy dans la Communauté. Il doit notamment s'assurer que les acheteurs sont bien des distributeurs agréés de Givenchy ou d'un de ses agents exclusifs.

ii) Le distributeur agréé doit conserver pendant un an le double des factures correspondant à ces reventes. Givenchy (ou, le cas échéant, son agent exclusif) pourra les consulter uniquement lorsqu'il détient des indices susceptibles d'engager directement la responsabilité contractuelle du distributeur agréé.

iii) Seule la valeur des commandes facturées par Givenchy (ou, le cas échéant, par son agent exclusif) est prise en compte dans le calcul du chiffre minimal d'achats annuels du distributeur agréé, étant entendu cependant que le montant du prix versé par le distributeur agréé à Givenchy (ou à son agent exclusif) pour l'achat des produits revendus par la suite à un autre membre du réseau n'est pas déduit dans le calcul dudit chiffre minimal d'achats.

iv) Le distributeur agréé s'engage, de façon à éviter de nuire aux campagnes prévues lors du lancement de nouveaux produits Givenchy, à ne pas effectuer de vente active de tels produits sur le territoire des Etats membres où ceux-ci n'ont pas encore été lancés, et ce pendant un délai d'un an à compter de la date du premier lancement dans un des Etats membres.

d) Réseau de distribution fermé

La vente des produits portant la marque Givenchy s'effectue uniquement dans le cadre d'un réseau de revendeurs titulaires d'un contrat de distributeur agréé. En vue d'assurer la cohérence de la mise sur le marché de ses produits, Givenchy s'engage à retirer lesdits produits des points de vente ne remplissant pas les conditions du contrat de distribution sélective.

e) Absence de prix imposés

Givenchy (ou, le cas échéant, son agent exclusif) s'interdit de s'immiscer de quelque façon que ce soit dans la politique de prix du distributeur agréé, qui fixe librement les prix de revente de ses produits.

f) Absence d'interdiction de concurrence

Les distributeurs agréés peuvent s'approvisionner en articles similaires aux articles contractuels auprès de producteurs concurrents.

g) Durée des contrats

Les contrats sont conclus pour une durée d'un an et sont renouvelables par tacite reconduction par périodes successives d'un an, sauf dénonciation trois mois avant leur date d'expiration. Ils peuvent être résiliés à titre anticipé, sans ou après mise en demeure, en cas de violation par le distributeur agréé de ses obligations contractuelles. En cas de cession du point de vente ou de modification dans le contrôle de la société distributrice agréée, le nouvel exploitant se verra proposer un nouveau contrat qui pourra être résilié uniquement au cas où celui-ci ne serait pas en mesure de remplir toutes les conditions d'agrément.

D. Observations de tiers

A la suite de la publication de l'essentiel du contenu des accords notifiés, effectuée au titre de l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, la Commission a reçu un certain nombre d'observations émanant de tiers intéressés.

A cet égard, invoquant l'exigence d'assurer l'homogénéité et l'étanchéité du réseau de distribution, certains producteurs et des associations de producteurs ont critiqué l'approche suivie par la Commission, en ce qui concerne notamment l'introduction d'un système d'admission automatique des nouveaux revendeurs dans le réseau, le plafonnement du montant du chiffre minimal d'achats annuels imposé aux distributeurs et le régime relatif aux reventes entre distributeurs agréés. D'autre part, sans contester la nécessité d'une distribution sélective pour les produits en cause, certains distributeurs et des associations de distributeurs ont exprimé des réserves en ce qui concerne essentiellement les points suivants :

- le chiffre minimal d'achats annuels, dont le montant devrait être ultérieurement limité

- la durée des délais prévus dans le cadre de la procédure d'admission dans le réseau, jugée trop longue, ainsi que la durée du délai prévu pour l'acquisition par le revendeur de certaines marques concurrentes, qui a été jugée trop courte

- l'imprécision de certains critères qualitatifs, ce qui risquerait d'entraîner une sélection discrétionnaire des points de vente.

En outre, certains représentants du commerce spécialisé réclament le maintien de critères de sélection quantitative. En revanche, parmi les entreprises opérant dans le domaine de la distribution non spécialisée, certaines ont mis en doute la nécessité d'une distribution sélective pour les produits en cause.

A la lumière de l'ensemble des observations reçues, la Commission a obtenu la modification du contrat type de Givenchy en ce qui concerne le seuil du chiffre minimal d'achats annuels [voir point C.a) viii) ci-dessus], la durée de la procédure d'agrément [voir point C.b) ci-dessus] et du délai prévu pour l'acquisition par le revendeur de certaines marques concurrentes [voir point C.a) iv) ci-dessus]. Les autres points soulevés par les tiers intéressés sont traités dans le cadre des considérations qui suivent.

II. APPRECIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

(1) En vertu de l'article 85 paragraphe 1, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun.

(2) Le contrat type notifié régissant les relations entre Givenchy, ou le cas échéant ses agents exclusifs, et les différents distributeurs agréés établis sur le Marché commun exprime les modalités d'une coopération entre entreprises juridiquement indépendantes et constitue un accord entre entreprises au sens de la disposition précitée.

(3) Le contrat de distribution sélective notifié par Givenchy entraîne, pour les détaillants agréés, l'obligation de ne revendre les produits contractuels qu'au consommateur final ou à d'autres membres du réseau Givenchy. De leur côté, Givenchy et ses agents exclusifs s'engagent à ne pas fournir les produits revêtus de la marque Givenchy à des entreprises de distribution qui ne font pas partie dudit réseau. Ces obligations constituent en l'espèce des restrictions à la concurrence car l'accès au système de distribution de Givenchy est exclusivement réservé aux commerçants qui non seulement remplissent certaines conditions techniques et professionnelles générales, mais sont en outre disposés à souscrire à des engagements ultérieurs et à fournir des prestations spéciales.

(4) En effet, ainsi que la Cour de justice l'a jugé (arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken, point 23 des motifs, affaire 107-82, Recueil 1983, p. 3151), les accords qui constituent un système de distribution sélective influencent nécessairement la concurrence dans le Marché commun. Il est constant toutefois que certains produits, qui ne sont pas des produits ou services simples, ont des propriétés telles qu'ils ne peuvent être offerts utilement au public sans l'intervention de distributeurs spécialisés. Ainsi, un système de distribution sélective peut constituer un élément de concurrence conforme à l'article 85 paragraphe 1 s'il est établi que les propriétés des produits en cause nécessitent, pour en préserver la qualité et en assurer le bon usage, la mise en place d'un tel système (arrêt du 11 décembre 1980, L'Oréal, point 16 des motifs, affaire 31-80, Recueil 1980, p. 3775) et à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur et de son personnel, ainsi qu'à ses installations et que ces critères soient fixés d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire (arrêt du 25 octobre 1977, Metro, point 20 des motifs, affaire 26-76, Recueil 1977, p. 1875).

(5) Dans le cas d'espèce, le contrat type constituant le réseau de distribution sélective des produits Givenchy n'est pas visé par l'article 85 paragraphe 1 dans la mesure où il se limite à établir, pour l'accès à la distribution, des critères qualitatifs d'ordre technique et professionnel fixés de manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et à condition que ceux-ci soient appliqués de façon non discriminatoire.

Les produits en cause sont en effet des articles de haute qualité, résultant d'une recherche particulière qui s'exprime à la fois par l'originalité de leur création, par la sophistication des gammes commercialisées ainsi que par le niveau qualitatif des matériaux utilisés, notamment dans la réalisation du conditionnement sous lequel ils sont présentés. Leur nature de produits de luxe découle ultérieurement de l'aura d'exclusivité et de prestige qui les distingue des produits similaires relevant d'autres segments du marché et répondant à d'autres exigences du consommateur. Une telle caractéristique est, d'une part, étroitement liée à la capacité du producteur de développer et préserver une image de marque de grande réputation et, d'autre part, dépend d'une présentation au public apte à mettre en valeur la spécificité esthétique ou fonctionnelle de chaque produit individuel ou ligne de produits. Cela est d'autant plus nécessaire qu'il existe, sur le marché des produits cosmétiques de luxe, un nombre considérable de marques concurrentes et que, en règle générale, chaque distributeur assure la vente d'une pluralité de marques. A cet égard, il convient d'observer que, loin d'aspirer à l'exclusivité de la représentation des produits Givenchy, le système de distribution sélective notifié est au contraire axé sur la cohabitation des articles Givenchy avec d'autres marques concurrentes de renom.

Dans ces conditions, la présence dans le point de vente d'un conseil professionnel spécialisé constitue une exigence légitimedans la mesure où les connaissances spécifiquement requises sont nécessaires pour aider le consommateur dans sa recherche du produit le mieux adapté à son goût et à ses besoins et pour lui apporter la meilleure information sur les conditions d'utilisation, voire de conservation, de tels produits. En outre, l'obligation par laquelle le distributeur agréé s'engage à faire participer son personnel de vente aux stages de formation organisés et offerts par Givenchy, et concernant notamment les produits de beauté, de soin et les nouveautés de Givenchy, n'a pour objet que d'assurer une connaissance adéquate des produits contractuels et n'est pas de nature à restreindre la liberté du distributeur agréé de vendre ou promouvoir des marques concurrentes.

D'autre part, puisque le maintien d'une image de marque de prestige constitue, sur le marché des produits cosmétiques de luxe, un facteur essentiel de concurrence, aucun producteur ne saurait conserver sa position sur ce marché sans un effort constant de promotion. Or, il est clair que de tels efforts seraient anéantis si, au stade de la vente au détail, les produits Givenchy étaient commercialisés d'une façon susceptible d'en altérer la perception par le consommateur. Ainsi, les critères relatifs à la localisation et à l'installation du point de vente, ainsi qu'à l'aménagement de ses vitrines, constituent des exigences légitimes du producteurcar elles visent à offrir au consommateur un cadre en harmonie avec le caractère luxueux et exclusif des produits en cause et une présentation conforme à l'image de la marque Givenchy. Par ailleurs, l'obligation du distributeur d'assurer un entreposage techniquement adéquat des produits contractuels permet d'assurer que ceux-ci soient vendus toujours en parfait état de fraîcheur et de conservation. En outre, le critère relatif à l'enseigne vise à assurer que l'enseigne de la parfumerie ou du magasin ou de l'espace dans lequel est situé le rayon de parfumerie ou la parfumerie soit compatible avec les principes qui régissent la distribution des produits en cause. Il convient de souligner à cet égard que le caractère dévalorisant d'un point de vente, ou de son enseigne, ne saurait en tout état de cause être associé à la politique habituelle de prix du distributeur.

L'interdiction de vendre des marchandises susceptibles de déprécier, par leur voisinage, l'image de la marque Givenchy n'a pour objet que de sauvegarder, dans la perception du public, l'aura de prestige et d'exclusivité inhérente aux produits en cause, en évitant ainsi toute assimilation à des marchandises de qualité inférieure.

Il convient de rappeler que le système de distribution sélective Givenchy est ouvert également aux grands magasins disposant d'un emplacement spécialisé. Par conséquent, eu égard notamment aux différentes formes de distribution pour lesquelles Givenchy a accordé son agrément au niveau communautaire, les exigences qualitatives relatives à la localisation, à l'installation et à l'enseigne du point de vente ne sont pas en soi de nature à exclure certaines formes modernes de distribution telles que les grands magasins ou les shoppings.

L'obligation faite au distributeur agréé de réserver, pour les produits Givenchy, un emplacement qui, eu égard aux marques représentées, correspond au standing de la marque Givenchy, répond à l'objectif d'assurer une présentation valorisante des produits visés par le contrat. En outre, puisque cette obligation ne comporte ni indications contractuelles contraignantes quant à l'identité ou le nombre des marques constituant l'environnement des produits Givenchy, ni exigences quantitatives minimales en ce qui concerne l'allocation de l'espace réservé à la vente des produits contractuels, un tel critère de sélection n'est pas en soi de nature à limiter la liberté du distributeur de vendre et de promouvoir des marques concurrentes ou à entraver le développement de nouvelles formes de distribution.

(6) Les contrats de distribution sélective doivent cependant être appréciés sous un autre angle lorsqu'ils contiennent des obligations et des critères d'agrément qui vont au-delà des limites indiquées ci-dessus. Ils relèvent alors de l'article 85 paragraphe 1, mais peuvent toutefois, le cas échéant, être exemptés au titre de l'article 85 paragraphe 3 (arrêt du 10 juillet 1980, Parfums, affaire 99-79, Recueil 1980, p. 2511). Les contrats notifiés contiennent de telles obligations particulières.

a) La procédure prévue pour le traitement des demandes d'ouverture de compte comporte, pour Givenchy, l'obligation de statuer, dans des délais précis, sur toute demande d'agrément qui lui serait adressée par des revendeurs intéressés, en assurant l'admission dans son réseau de tous les distributeurs qualifiés ou, le cas échéant, en indiquant expressément au candidat les motifs du rejet de sa demande. Dans cette mesure, la procédure en question élimine le risque d'arbitraire inhérent au système d'admission initialement prévu dans les contrats notifiés, système qui conférait au producteur un droit exclusif et discrétionnaire de décider, en dernière instance, de l'intégration d'un nouveau revendeur dans son réseau. Néanmoins, ladite procédure a pour conséquence de limiter l'accès au réseau de distribution aux seuls revendeurs qui sont en mesure de, ou disposés à, assurer l'aménagement de leur point de vente sans toutefois pouvoir procéder à la vente des produits contractuels si ce n'est après l'écoulement d'un délai dont la durée relativement longue est susceptible de décourager certains distributeurs potentiellement qualifiés. Ainsi, la durée des délais prévus dans ce cadre est de nature à affecter la concurrence entre les distributeurs des produits Givenchy.

b) Les distributeurs agréés sont tenus de réaliser, dans leur point de vente, le chiffre minimal d'achats annuels fixé périodiquement par Givenchy ou, le cas échéant, par l'agent exclusif du pays où est situé le point de vente. Cette obligation va au-delà des exigences de qualification professionnelle des distributeurs ou de leur personnel de vente ainsi que de localisation et d'aménagement adéquat du point de vente qui sont nécessaires à une distribution appropriée des produits cosmétiques de luxe. Elle limite la concurrence, tant à l'intérieur de la marque Givenchy qu'entre celle-ci et d'autres marques concurrentes, dans la mesure où elle a pour effet, d'un côté, de réserver l'accès au réseau de distribution Givenchy aux seuls revendeurs qui sont en mesure de souscrire à un tel engagement et, de l'autre, de contraindre les distributeurs agréés à consacrer une part significative de leurs efforts à la vente des produits contractuels. L'obligation en question est en outre de nature à affecter la liberté d'approvisionnement des membres du réseau de distribution car seule la valeur des commandes facturées par Givenchy (ou le cas échéant par son agent exclusif) est prise en compte dans le calcul dudit chiffre minimal.

c) Le point de vente agréé doit comporter dans un délai de dix-huit mois à compter de la date de conclusion du contrat de distribution, une présence de marques concurrentes suffisant à illustrer l'image et la notoriété des produits Givenchy. Bien que cette clause, considérée tant de façon isolée que dans l'économie du contrat type de distribution sélective Givenchy, n'ait pour objet que d'assurer le maintien d'un système de distribution axé sur la cohabitation des articles Givenchy avec d'autres marques concurrentes de luxe, sans limiter la faculté de choix du détaillant à ce sujet, elle pourraitnéanmoins avoir pour effet de restreindre la capacité du distributeur agréé d'accéder au réseau de distribution sélective, au vu du cumul éventuel des exigences contractuelles de plusieurs fabricants concurrents, notamment en matière de chiffre minimal d'achats annuels.

d) Les contrats notifiés comportent en outre, à la charge du distributeur, des obligations spécifiques en matière de stockage et de coopération publicitaire et promotionnelle. Ces obligations constituent des restrictions de concurrence car elles aboutissent, d'une part, à écarter sensiblement de la distribution des produits Givenchy des entreprises qui, tout en remplissant les conditions qualitatives d'agrément, ne sont pas en mesure d'assumer ces engagements supplémentaires et, d'autre part, à restreindre l'autonomie des distributeurs agréés dans la détermination de leur politique commerciale.

e) Le contrat de distribution impose au distributeur agréé sur le territoire duquel un nouveau produit Givenchy n'a pas encore été lancé l'obligation de s'abstenir d'en effectuer une vente active pendant un délai d'un an, à compter de la date du premier lancement dudit produit dans un Etat membre. Une telle obligation constitue une restriction de la concurrence dans la mesure où elle a pour effet de limiter la liberté d'initiative commerciale des distributeurs agréés et de faire obstacle aux livraisons croisées entre les membres du réseau de distribution.

(7) Les obligations de contrôle imposées aux distributeurs agréés en cas de vente ou achat auprès des membres du réseau de distribution (contrôle des factures par Givenchy, vérification de l'appartenance du client au réseau officiel de distribution) visent à permettre à Givenchy une supervision du système de distribution. Pour autant qu'elles ne dépassent pas les nécessités d'un contrôle approprié, de telles obligations forment l'accessoire de l'obligation principale dont elles doivent assurer l'application et elles partagent la destinée juridique de cette dernière (arrêt précité du 25 octobre 1977, Metro, point 27 des motifs). Etant donné que l'interdiction faite aux distributeurs agréés d'approvisionner des commerçants non agréés doit être considérée, en l'espèce, comme une restriction à la concurrence, cela vaut également pour les obligations de contrôle visant à assurer l'application et la supervision de cette interdiction. Elles ne revêtent cependant aucun caractère propre de restriction à la concurrence dans la mesure où elles se limitent à ce qui est strictement nécessaire afin d'assurer la cohésion du système de distribution. En particulier :

i) l'exercice par Givenchy du contrôle des factures du distributeur agréé, relatives à la revente ou à l'achat de produits Givenchy auprès d'autres membres du réseau de distribution, est expressément limité aux cas où le producteur dispose d'indices concrets quant à la participation du distributeur à la revente des produits contractuels hors du réseau de distribution agréé. Un tel contrôle est, pour le fabricant, un moyen indispensable pour poursuivre des manquements éventuels au contrat de distribution sélective et pour assurer l'homogénéité et l'étanchéité du système

ii) bien que le contrat impose au distributeur agréé de s'assurer, avant d'approvisionner un autre membre du réseau, que celui-ci est bien un distributeur agréé de Givenchy, le choix des moyens utiles pour remplir cette obligation relève de la discrétion du distributeur agréé. La consultation de Givenchy à ce sujet n'étant pas obligatoire, le distributeur agréé conserve la possibilité d'approvisionner un confrère sans que Givenchy en ait connaissance.

(8) Le système de distribution de Givenchy s'étend à l'ensemble du territoire de la Communauté. Compte tenu de sa nature restrictive de la concurrence, il est donc déjà susceptible, en soi, d'affecter les échanges entre Etats membres. Quant au caractère sensible de la restriction, la Cour de justice a dit pour droit qu'une entreprise qui approvisionne quelque 5 % d'un marché est en mesure d'influencer les échanges intra-communautaires par ses comportements (arrêt du 1er février 1978, Miller, affaire 19-77, Recueil 1978, p. 131). A ce propos, il convient de rappeler que, eu égard au faible degré de substituabilité qui subsiste, dans la perception du consommateur, entre les produits cosmétiques de luxe et les produits similaires relevant d'autres segments du secteur, le marché à prendre en considération en l'espèce est celui des produits cosmétiques de luxe. Or, la société mère de Givenchy, à savoir le groupe Louis Vuitton Moët-Hennessy, contrôle également les sociétés Parfums Christian Dior et Parfums Christian Lacroix qui, comme la société Givenchy, opèrent sur ledit marché. Dans ces conditions, la part de marché à prendre en considération est celle détenue, sur le marché communautaire des produits cosmétiques de luxe, par le groupe Louis Vuitton Moët-Hennessy, qui, comme cela résulte du chapitre I B ci-dessus, dépasse largement le seuil précité. Ainsi, il y a lieu de considérer que les entraves à la concurrence rencontrées constituent une restriction sensible des échanges intra-communautaires. A titre subsidiaire, il convient d'ajouter que les accords notifiés s'inscrivent dans un contexte économique caractérisé par la présence systématique de systèmes de distribution sélective comportant des restrictions à la concurrence analogues à celles mentionnées ci-dessus et que, par conséquent, le caractère sensible des restrictions rencontrées découlerait, en tout état de cause, de l'effet cumulatif inhérent à une telle structure de la distribution.

B. Article 85 paragraphe 3

(1) Les contrats qui forment le système de distribution sélective de Givenchy dans la Communauté économique européenne remplissent les conditions prévues à l'article 85 paragraphe 3.

(2) Amélioration de la production et de la distribution

Les produits cosmétiques de luxe se distinguent des produits similaires répondant à d'autres exigences du consommateur, entre autres, par l'image d'exclusivité et de prestige qui, dans la perception du consommateur, est associée à la marque dont ils sont revêtus. La capacité du fabricant de créer et préserver une image de marque originale et prestigieuse constitue ainsi un facteur déterminant de concurrence. Il s'ensuit qu'une marque cosmétique de luxe ne saurait être distribuée qu'en respectant sa vocation d'exclusivité. En effet, l'expérience montre que la distribution généralisée d'un produit cosmétique de luxe est susceptible d'en altérer la perception par le consommateur et d'entraîner à terme une diminution de sa demande.

Dans un tel contexte, la procédure prévue pour le traitement des demandes d'ouverture de compte, telle qu'elle résulte des modifications du contrat type demandées par la Commission, vise à assurer une intégration souple du nouveau détaillant dans le réseau de distribution sélective de Givenchy. Les délais prévus tiennent compte en effet, d'une part, des exigences d'organisation de Givenchy en ce qui concerne notamment les visites de visualisation des points de vente, les stages de formation du personnel de vente, l'adaptation de ses propres programmes de production ainsi que la fabrication, normalement confiée à des entreprises tierces, des différents éléments de publicité et de présentation destinés aux nouveaux points de vente. D'autre part, la procédure en question permet au détaillant d'effectuer de façon rationnelle les travaux d'aménagement de son point de vente éventuellement requis en application des critères qualitatifs d'agrément.

De plus, l'obligation d'achat minimal annuel vise à maintenir un approvisionnement continu et permet à Givenchy (ou le cas échéant à ses agents exclusifs) de concentrer la distribution sur les points de vente les plus performants en rationalisant ainsi la répartition des coûts liés à la diffusion de ses produits et à l'assistance des points de vente. En particulier, une telle obligation constitue un moyen pour s'assurer, d'un côté, que les coûts supportés par le fabricant seront couverts par un volume d'affaires suffisant et, de l'autre, que le distributeur agréé contribuera de façon active à la mise en valeur de la marque par un service au consommateur à la hauteur de la réputation des produits en cause. La fonction de rationalisation inhérente à l'obligation en question résulte également des limites auxquelles est soumise sa mise en œuvre, le chiffre minimal d'achats étant fixé annuellement par Givenchy (ou par chacun de ses agents exclusifs) de façon à ce que son montant ne dépasse pas 40 % du chiffre moyen d'achats réalisé, au cours de l'année écoulée, par l'ensemble des points de vente présents sur le territoire d'un Etat membre. Par ailleurs, eu égard au niveau d'un tel seuil, l'on peut considérer que l'obligation en question n'est pas de nature à restreindre de façon excessive la liberté du distributeur de vendre ou promouvoir des marques concurrentes.

L'obligation du distributeur agréé d'assurer, dans son point de vente, une présence de marques concurrentes suffisant à illustrer l'image et la notoriété des produits Givenchy, vise à maintenir un système de distribution axé sur la cohabitation des articles Givenchy avec d'autres marques concurrentes de luxe, ce qui garantit la capacité du distributeur de gérer un commerce spécialisé, susceptible d'offrir au consommateur un choix élargi de produits concurrents et apte ainsi à attirer la clientèle. Cela contribue en outre à assurer une présentation valorisante des produits contractuels, tout en stimulant la concurrence entre produits de marques différentes.

Les obligations en matière de stockage ont pour effet d'élargir l'éventail des produits Givenchy offerts chez les distributeurs agréés, de sorte que les consommateurs peuvent toujours trouver, dans chaque point de vente, l'essentiel des références de chacune des gammes commercialisées par Givenchy et compter sur une mise à disposition rapide du produit qu'ils désirent.

Conçues comme obligations génériques d'engagement pour la marque Givenchy, les dispositions en matière de coopération publicitaire et promotionnelle constituent un complément nécessaire, au niveau de chaque point de vente, des différentes actions publicitaires menées au niveau national ou local par Givenchy, ou le cas échéant par ses agents exclusifs. Elles permettent en particulier de coordonner, dans l'intérêt commun des contractants, les efforts promotionnels du fabricant et de ses distributeurs agréés et de planifier ainsi, de la façon la plus rationnelle, des campagnes publicitaires homogènes. Par ailleurs, les contraintes découlant de telles obligations ne sont pas de nature à empêcher les distributeurs agréés de Givenchy de tirer parti de la concurrence entre les différentes marques.

L'obligation incombant au distributeur agréé sur le territoire duquel un nouveau produit n'a pas encore été lancé de s'abstenir d'en effectuer une vente active pendant un délai d'un an permet au fabricant de tester un nouveau produit sur un marché déterminé et de se réserver la possibilité, en fonction des résultats obtenus sur ce marché, d'étendre ou d'arrêter la commercialisation de ce produit. En effet, le lancement d'un nouveau produit cosmétique de luxe est une opération industrielle et commerciale complexe qui implique des investissements importants et une promotion publicitaire sophistiquée. Le succès d'une telle opération suppose une coopération étroite entre le fabricant et ses distributeurs agréés qui, pour leur part, ont besoin d'une formation spécifique pour assurer au client final le conseil professionnel qu'il attend.

Considérés dans leur ensemble, ces avantages l'emportent nettement sur l'inconvénient que, parmi les commerçants qualifiés, seuls sont agréés ceux qui se déclarent prêts à assumer les obligations additionnelles rappelées ci-dessus. Ces restrictions ont pour effet d'assurer que les produits Givenchy ne sont distribués que dans des conditions susceptibles d'en préserver l'image de haute qualité et la vocation d'exclusivité caractérisant leur nature de produits cosmétiques de luxe.

(3) Avantages pour les utilisateurs

Les avantages inhérents au système de distribution sélective de Givenchy profitent directement aux utilisateurs.

En effet, le système de distribution notifié permet de sauvegarder le caractère exclusif des produits en cause, ce qui constitue la motivation essentielle du choix du consommateur. Celui-ci est ainsi assuré de ce que le produit de luxe ne deviendra pas un produit courant à la suite d'une banalisation de son image et à une diminution du niveau de création.

En outre, la mise en place d'un tel système a pour effet de privilégier des facteurs de concurrence autres que le prix, tels que l'assurance d'un service de conseil à la clientèle et d'une disponibilité constante de l'essentiel des gammes, y compris des nouveautés, commercialisées par Givenchy. Par ailleurs, au cas où le client estime secondaire l'image de la marque ou les services dont s'entoure la vente au sein du système de distribution sélective, il pourra de toute façon porter son choix sur des articles similaires, relevant d'un marché voisin et diffusés sans recours à des systèmes de distribution sélective, en sanctionnant ainsi le choix de stratégie commerciale effectué par le producteur. En outre, le système de distribution de Givenchy étant axé sur la cohabitation avec d'autres marques de prestige, et le distributeur agréé n'étant plus limité dans son choix des marques concurrentes représentées dans son point de vente, les utilisateurs peuvent toujours se détourner de la marque Givenchy si le niveau de ses prix ne devait plus correspondre à la qualité de ses produits. A cet égard, la clause relative à la présence obligatoire de marques concurrentes dans le point de vente permet au consommateur d'opérer son choix en comparant, au moment de son achat, un éventail de produits de marques concurrentes.

Enfin, eu égard au nombre des distributeurs agréés actuellement intégrés dans le réseau de Givenchy et compte tenu du fait que le producteur ne saurait s'opposer à l'intégration de nouveaux détaillants sur la base de critères purement quantitatifs, l'on peut estimer que le système n'est pas de nature à restreindre outre mesure la concurrence à l'intérieur de la marque. Dans ces conditions, une partie équitable des avantages découlant de la rationalisation de la distribution est répercutée sur les consommateurs, d'autant plus que les contrats notifiés prévoient une liberté complète en ce qui concerne la fixation des prix de vente par les distributeurs agréés.

(4) Caractère indispensable de la restriction de concurrence

Le système de distribution de Givenchy ne contient aucune obligation restrictive de la concurrence qui ne soit pas indispensable pour obtenir les avantages précités.

L'interdiction imposée aux distributeurs agréés d'approvisionner en produits Givenchy des commerçants qui n'ont pas été agréés au préalable par Givenchy ou par un agent exclusif constitue une condition nécessaire en vue d'assurer la cohésion et l'étanchéité du système de distribution sélective. Dans ce contexte, l'obligation incombant à Givenchy, ou le cas échéant à ses agents exclusifs, de ne commercialiser les produits revêtus de la marque Givenchy que dans des points de vente remplissant les conditions du contrat de distribution sélective représente la contrepartie de l'obligation de spécialisation imposée aux distributeurs agréés et permet d'assurer des conditions de concurrence homogènes entre les revendeurs de la marque. La concurrence serait au contraire faussée si Givenchy approvisionnait des commerçants qui, du fait qu'ils ne seraient pas soumis aux mêmes obligations, se trouveraient à supporter des charges financières sensiblement plus légères par rapport à celles supportées par les membres du réseau de distribution sélective. Dans une telle hypothèse, il ne serait plus possible d'exiger que les distributeurs agréés de Givenchy continuent à s'acquitter de leurs propres devoirs, de sorte que le système de distribution sélective ne pourrait plus être maintenu. En tant qu'accessoire des obligations destinées à assurer le caractère fermé du réseau de distribution, le contrôle par Givenchy des factures du distributeur agréé relatives à la revente ou à l'achat de produits Givenchy auprès d'autres membres du réseau constitue, pour autant que son exercice ne dépasse pas les limites expressément prévues dans le contrat, un moyen indispensable pour poursuivre des manquements éventuels au contrat de distribution sélective.

La procédure d'agrément n'excède pas les limites de ce qui est nécessaire pour assurer une intégration souple des nouveaux revendeurs dans le réseau de distribution. Il convient d'observer, en particulier, que la procédure en question n'est applicable qu'aux demandes émanant de nouveaux candidats ou d'anciens distributeurs agréés dont le contrat de distribution aurait été résilié à la suite d'un manquement contractuel commis par ces derniers. Par conséquent, elle ne saurait donner lieu à abus lors des renouvellements périodiques dudit contrat. Par ailleurs, une telle procédure n'est pas de nature à affecter la liberté du distributeur de disposer de son fonds de commerce, en le cédant notamment à des tiers, car la reconduction du contrat de distribution dans le chef d'un nouvel exploitant intervient de façon automatique, sous réserve d'une vérification contextuelle des qualifications professionnelles de ce dernier. Enfin, puisque Givenchy est tenu d'informer le détaillant des motifs du rejet éventuel de sa candidature, celui-ci sera toujours en mesure de contester la mise en œuvre de la procédure d'admission à son égard, notamment en cas d'application discriminatoire des critères de sélection. De surcroît, il convient d'ajouter que, s'il est vrai que les délais actuellement prévus dans le cadre de ladite procédure ont une durée relativement longue, celle-ci a été néanmoins considérée acceptable afin de faciliter la transition d'un régime fermé, fondé sur l'application de critères quantitatifs, à un système d'accès au réseau subordonné uniquement à l'application de certains critères qualitatifs. Par conséquent, la Commission se réserve de réexaminer cet aspect de la procédure d'admission, à l'expiration de la période de validité de la présente décision.

Les obligations en matière de chiffre minimal d'achats annuels, de commercialisation de marques concurrentes, de stockage et de coopération publicitaire et promotionnelle sont également indispensables pour assurer les avantages précités. En l'absence des dispositions prescrivant un approvisionnement minimal, l'agrément donné à l'ensemble des détaillants répondant aux qualifications professionnelles et techniques exigées par Givenchy entraînerait une extension considérable du réseau de distribution qui, considérant la stabilité relative du marché en cause, ne se traduirait pas, cependant, par une augmentation proportionnelle des ventes. Dans ces conditions, le producteur serait confronté non seulement à des coûts de distribution accrus mais aussi à une détérioration progressive de l'image de ses produits. D'autre part, l'obligation en question est censée conserver un caractère raisonnable étant donné que le montant minimal d'achat que Givenchy s'est engagé à exiger de ses distributeurs ne saurait, en tout état de cause, dépasser 40 % du chiffre d'achats moyen réalisé, au cours de l'année écoulée, par l'ensemble des points de vente concernés. Dans ces conditions, l'on peut considérer qu'une telle limitation du montant relatif au chiffre minimal d'achats annuels est de nature à sauvegarder la faculté du distributeur de commercialiser un éventail suffisamment ample de marques concurrentes, ainsi que l'accès au réseau par de nouveaux distributeurs. La Commission se réserve toutefois de réexaminer cet aspect du système de distribution en cause, à l'expiration de la période de validité de la présente décision.

La clause obligeant le détaillant à assurer une présence suffisante de marques concurrentes est nécessaire pour attirer et fidéliser le consommateur qui, dans chaque point de vente, s'attend à trouver un cadre commercial spécialisé lui permettant d'opérer son choix par rapport à une pluralité de produits concurrents. Par ailleurs, il convient de souligner que, à la suite des amendements introduits par Givenchy sur demande de la Commission, le choix du distributeur agréé n'est plus limité par l'indication contraignante du fabricant quant à l'identité des marques susceptibles de constituer l'environnement requis. Dès lors, le détaillant est désormais libre de choisir parmi les marques concurrentes qui, relevant du même marché des produits cosmétiques de luxe, sont normalement diffusées au moyen de réseaux de revendeurs agréés. Quant au caractère suffisant de la présence de marques dans le point de vente, il apparaît que le nombre minimal de quatre marques, tel qu'il a été exigé par Givenchy jusqu'à présent, ne constitue pas une exigence excessive, eu égard notamment au niveau de spécialisation qui, en général, caractérise actuellement la distribution des produits cosmétiques de luxe dans la Communauté.

Il est à craindre en outre que, en l'absence des obligations en matière de stockage, les distributeurs agréés ne décident de concentrer leurs efforts de promotion que sur les produits leader de chacune des lignes commercialisées par Givenchy. D'autre part, la coopération du distributeur dans le domaine publicitaire et promotionnel est indispensable pour garantir la meilleure efficacité des campagnes de promotion, dont le coût représente une partie substantielle des investissements du producteur. Enfin, la clause interdisant la vente active des nouveaux produits hors du programme de lancement de Givenchy est nécessaire pour permettre au producteur de limiter le territoire de lancement d'un nouveau produit en vue d'en mesurer l'effet sur le consommateur et décider, en fonction des résultats obtenus, si une production à une plus grande échelle peut être envisagée.

(5) Elimination de la concurrence

Les contrats sur lesquels repose le système de distribution sélective de Givenchy ne donnent pas aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.

Puisque, d'une part, lesdits contrats ne contiennent pas de clauses de non-concurrence et que, d'autre part, le marché communautaire demeure caractérisé par la présence d'un nombre important d'entreprises qui fabriquent ou commercialisent des produits cosmétiques de luxe, les distributeurs agréés de Givenchy sont en mesure de tirer parti de la concurrence entre les différentes marques.

En outre, les distributeurs agréés de Givenchy peuvent se livrer concurrence sur tout le territoire de la Communauté. Ils ont le droit de profiter des conditions d'approvisionnement les plus avantageuses puisqu'ils peuvent se procurer les produits Givenchy auprès de n'importe quel agent exclusif dans la Communauté et les livraisons entre détaillants agréés sont désormais autorisées sans restrictions à l'intérieur du réseau de distribution communautaire. A cet égard, il convient de rappeler que les contrats de Givenchy ne contiennent plus ni la clause qui interdisait les reventes entre distributeurs établis au sein du même Etat membre, ni la clause qui prévoyait la déduction des montants relatifs aux produits revendus par un distributeur à d'autres membres du réseau du calcul du chiffre d'achat annuel dudit distributeur. L'on peut donc espérer que ces changements contribueront à prévenir tout raidissement de la structure des prix dans le Marché commun.

De même, la Commission n'a pas pu constater que la diffusion de systèmes de distribution sélective dans le domaine des produits cosmétiques de luxe écarte par principe certaines formes modernes de distribution, telles que les grands magasins. Les critères de sélection de Givenchy ne sont en effet pas tels qu'ils ne puissent pas être également réunis par ces formes de distribution, même si cela implique une modification partielle de leurs méthodes particulières de commercialisation.

Dans le cas d'espèce, toutes les conditions d'exemption prévues par l'article 85 paragraphe 3 sont ainsi satisfaites.

C. Articles 6 et 8 du règlement n° 17

L'ensemble des modifications apportées par Givenchy à ses contrats types de distributeur agréé sont entrées en vigueur à compter du 1er janvier 1992. Il semble donc approprié de donner effet à l'exception accordée au titre de l'article 85 paragraphe 3 à compter de cette date, conformément à l'article 6 du règlement n° 17.

Afin de pouvoir réexaminer, au terme d'une période relativement courte, les effets du système de distribution de Givenchy sur la concurrence, la Commission estime opportun de fixer, en application de l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17, la durée de validité de la présente décision jusqu'au 31 mai 1997.

Il y a lieu enfin d'assortir la décision de charges pour permettre à la Commission de vérifier si les montants imposés aux distributeurs agréés de Givenchy en application de l'obligation d'achats annuels minimaux continueront à remplir les conditions d'exemption de l'article 85 paragraphe 3. C'est pourquoi Givenchy est tenu de soumettre, tous les deux ans, des rapports détaillés faisant état, pour chaque Etat membre, du montant fixé annuellement par Givenchy et par ses agents exclusifs en application de l'obligation précitée, ainsi que du chiffre moyen d'achat de produits Givenchy réalisé par l'ensemble des points de vente concernés au cours de l'année écoulée. La décision se fonde à cet égard sur l'article 8 paragraphe 1 du règlement n° 17,

A ARRÊTE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

Les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE sont déclarées inapplicables, conformément à l'article 85 paragraphe 3, au contrat type de distributeur agréé liant Givenchy, ou le cas échéant les agents exclusifs de Givenchy, à ses détaillants spécialisés établis dans la Communauté, ainsi qu'aux conditions générales de vente y annexées.

La présente décision est applicable du 1er janvier 1992 jusqu'au 31 mai 1997.

Article 2

L'entreprise Parfums Givenchy SA est chargée de présenter à la Commission tous les deux ans et pour la première fois le 1er juin 1993 des rapports faisant état :

- du chiffre total des achats en produits de Givenchy effectués, au cours de chaque année écoulée, par l'ensemble des points de vente agréés dans chaque Etat membre, des augmentations de tarif intervenues ainsi que du lancement de nouveaux produits ou du retrait d'anciens produits,

- du nombre de points de vente agréés dans chaque Etat membre au 31 décembre de chaque année écoulée

et

- des montants fixés annuellement par Givenchy, ou le cas échéant par ses agents exclusifs, en application de l'obligation relative au chiffre minimal d'achats annuels incombant aux distributeurs agréés.

Article 3

Le destinataire de la présente décision est :

Parfums Givenchy SA, 74, rue Anatole France, F-92300 Levallois-Perret.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.

(2)JO n° C 262 du 8. 10. 1991, p. 2.

(3) Les systèmes de distribution sélective dans la Communauté du point de vue de la politique de la concurrence : le cas de l'industrie des parfums et des produits cosmétiques, André-Paul Weber 1988.