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Décisions

CCE, 25 mars 1992, n° 92-212

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Eurochèque : accord de Helsinki

CCE n° 92-212

25 mars 1992

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 4 paragraphe 1 et son article 15 paragraphe 2, vu la notification faite par le Groupement des cartes bancaires " CB " le 16 juillet 1990 conformément à l'article 4 du règlement n° 17 concernant un accord conclu à Helsinki les 19 et 20 mai 1983 entre l'assemblée Eurochèque et les institutions financières françaises sur les conditions d'acceptation des eurochèques étrangers dans le secteur du commerce en France, vu la décision de la Commission du 19 juillet 1990 d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises intéressées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

(1) La présente décision concerne un accord dénommé " accord entre les institutions financières françaises et l'assemblée Eurochèque sur l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères selon les principes arrêtés lors de la réunion de l'assemblée Eurochèque tenue à Helsinki les 19 et 20 mai 1983 ". Cet accord, qui a été inséré au chapitre E du manuel Eurochèque, a été en vigueur pendant près de sept ans et demi, du 1er décembre 1983, date de son entrée en vigueur, jusqu'au 27 mai 1991, date à laquelle le Groupement des cartes bancaires " CB ", qui représente les institutions financières françaises au sein du système Eurochèque, a adressé à tous ses membres une circulaire les informant que l'assemblée générale Eurochèque venait, lors de sa réunion des 9 et 10 mai 1991, de mettre fin à cet accord.

A. Les parties en cause

1. Le Groupement des cartes bancaires " CB "

(2) Un protocole d'accord a été signé le 31 juillet 1984 entre les onze plus grandes institutions financières françaises, qui a posé le principe de l'interopérabilité entre les trois réseaux de cartes existant en France, celui de la Carte bleue, celui du Crédit agricole et celui du Crédit mutuel. Ce principe de l'interopérabilité a été concrétisé par la création, le 1er décembre 1984, d'un groupement d'intérêt économique, le Groupement des cartes bancaires " CB " (ci-après dénommé " le groupement "). Actuellement (3), environ 500 000 commerçants français adhèrent au système de paiement par carte du groupement et acceptent la carte CB ; le nombre de porteurs de cartes CB s'élevait au 31 décembre 1990 à 19,5 millions, dont 7,9 à usage seulement national et 11,6 à usage également international (8 millions de cartes Visa et 3,6 millions de cartes Eurocard). En 1983, année de la signature de l'accord d'Helsinki, le nombre de commerçants acceptant la carte bleue était de 217 000 (4).

(3) Le groupement regroupe toutes les grandes institutions bancaires et financières françaises, à savoir, fin 1988 (5) :

- les banques inscrites : plus de deux cent soixante établissements regroupés au sein de l'Association française des banques,

- le Crédit agricole : quatre-vingt-onze caisses régionales,

- les Banques populaires : trente et une banques régionales,

- les Caisses d'épargne Ecureuil : environ trois cents établissements locaux,

- la Poste (chèques postaux),

- le Crédit mutuel : vingt fédérations régionales,

- des établissements financiers.

(4) C'est depuis sa création le groupement qui fait office pour la France de communauté nationale Eurochèque en remplacement de l'Association française des banques (AFB), comme l'a rappelé le groupement dans sa notification du 16 juillet 1990 : " Lors de sa création en 1984, le Groupement des cartes bancaires "CB" (le "Groupement") a repris à son compte les accords conclus au sein d'Eurochèque. Il veille depuis lors à la bonne application de ces accords par ses membres et les commerçants affiliés au réseau CB. "

2. Eurochèque International sc

(5) L'organisation Eurochèque a été créée en 1968 sur l'initiative privée d'organismes financiers européens, avec pour objectif de répondre aux besoins en systèmes de paiement internationaux résultant de la croissance du tourisme et des déplacements d'affaires et de travail à l'intérieur de l'Europe, en mettant à la disposition des usagers des moyens de paiement utilisables aussi bien dans leur pays d'origine que dans d'autres pays.

(6) Le système Eurochèque est ouvert à tous les établissements de crédit européens. Il repose sur deux instruments : l'eurochèque et la carte Eurochèque (6). Le remboursement d'un eurochèque émis sur présentation de la carte correspondante est garanti par la banque tirée, à concurrence d'un montant maximal déterminé, à toute banque payeuse.

(7) Eurochèque International était initialement une association de fait, sans personnalité juridique. Le 3 février 1988, Eurochèque International a pris la forme d'une société coopérative de droit belge à durée illimitée, dont le siège social est à Bruxelles, et au capital de 1 800 000 francs belges représenté par dix-huit parts sociales de 100 000 francs belges souscrites par :

- l'Association des banques suédoises,

- l'Associazione bancaria italiana,

- le Groupement des cartes bancaires " CB " (France),

- l'Association Comunidade Portuguesa eurocheque,

- la Bank of Cyprus,

- la Caisse d'épargne de l'Etat du grand-duché de Luxembourg,

- la société Agrupacio Andorrana Eurochèque,

- la société PBS-Pengeinstitutternes Betalingssystemer (Danemark),

- la société APACS (Grande-Bretagne),

- la société Telekurs (Suisse),

- la société Suomen Pankkiyhdistys (Finlande),

- l'Association des banques norvégiennes,

- la fondation Stichting bevordering chequeverkeer (Pays-Bas),

- la société Irish Clearing House,

- la société Jugobanka United Bank (Yougoslavie),

- l'Association des banques et banquiers autrichiens,

- Eurochèque Belgique sc,

- la société GZS-Gesellschaft für Zahlungssysteme GmbH (Allemagne).

B. Les marchés concernés

(8) Le marché est celui des eurochèques émis à l'étranger, et plus spécifiquement celui des eurochèques émis en francs français chez les 500 000 commerçants français adhérents au système de paiement par carte du groupement par des porteurs de cartes Eurochèque non émises par des banques établies en France, et, à un second niveau, celui de l'ensemble des moyens de paiement internationaux chez les commerçants français.

1. Les émetteurs potentiels d'eurochèques étrangers en France

(9) En 1988 (7), 8 000 banques de vingt et un pays (dont tous les Etats membres sauf la Grèce et l'Italie) émettaient des eurochèques uniformes et presque toutes les banques, dans 220 000 agences de quarante pays (en Europe et dans la plupart des pays du pourtour méditerranéen), les acceptaient. 44,4 millions de cartes ont été émises en 1988, dont 34,5 millions de cartes uniformes et 9,9 de cartes non uniformes. Plus de 5 millions de commerçants de trente pays acceptent les eurochèques. 50 millions d'eurochèques ont été émis en 1988 à l'étranger en monnaie locale, portant sur un total de 6,7 milliards d'écus, soit une moyenne de 134 écus par eurochèque émis.

(10) Sur les plus de 37,1 millions de cartes Eurochèque uniformes émises en 1989 (8), plus de 33 millions l'ont été dans des Etats membres :

- Belgique : 3 210 000,

- Danemark : 217 185,

- Allemagne : 23 300 000,

- Grèce : -,

- Espagne : 10 000,

- France : 98 657,

- Irlande : 99 289,

- Italie : 600 000,

- Luxembourg : 147 400,

- Pays-Bas : 3 405 939,

- Portugal : 130 038,

- Royaume-Uni : 1 820 563.

A l'extérieur de la Communauté, les pays émetteurs sont principalement l'Autriche (2 320 000 cartes) et la Suisse (1 676 059 cartes).

(11) Tous les porteurs de cartes Eurochèque ayant un compte dans une banque non située en France sont potentiellement susceptibles d'émettre des eurochèques en France dans le secteur bancaire ou dans celui du commerce, ce dernier étant seul pris en compte dans la présente décision. Ainsi, ce sont 37 millions de porteurs étrangers de cartes Eurochèque qui étaient en 1989 susceptibles d'émettre des eurochèques en France, dont près de 33 millions de ressortissants d'autres Etats membres.

(12) A titre de comparaison, le nombre de porteurs français de cartes Eurochèque et celui de porteurs de cartes CB a évolué comme suit de 1984 à 1990 (9) :

EMPLACEMENT TABLEAU

(13) En dehors des cartes Eurocheque, le nombre de porteurs des principales cartes de paiement (de crédit ou de débit) (10) internationales dans la Communauté s'établissait ainsi à la fin de 1988 (11):

EMPLACEMENT TABLEAU

Ces chiffres font apparaître que la concurrence entre les paiements par eurochèques et les paiements par cartes de crédit ou de débit est limitée par des raisons de fait : la situation diffère d'un Etat membre à l'autre, car bon nombre d'utilisateurs d'eurochèques n'ont pas de cartes de crédit ou de débit à leur disposition et inversement. En particulier, en ce qui concerne les ressortissants d'autres Etats membres séjournant en France, il apparaît clairement que la grande majorité des Allemands n'ont que des eurochèques à leur disposition (23 millions de porteurs d'eurochèques contre 2 millions de porteurs de cartes de crédit ou de débit). A un moindre degré, mais encore dans une large mesure, il en est de même pour les Néerlandais (3,4 millions de porteurs d'eurochèques contre 0,5 million de porteurs de cartes de crédit ou de débitet pour les Belges (3,2 millions contre 0,6 million). Les Britanniques sont, par contre, beaucoup plus porteurs de cartes de crédit ou de débit (29 millions) que d'eurochèques (1,8 million), comme les Espagnols (6,3 millions contre 10 000), et, dans une moindre mesure, les Irlandais (0,5 million contre 0,1).

2. Les eurochèques étrangers émis en France

(14) Ainsi qu'il ressort des deux tableaux reproduits à la page suivante (12), la France est au premier rang des pays accepteurs d'eurochèques, avec un total de 6 430 832 eurochèques étrangers émis en France en 1989, soit 15 % de l'ensemble des eurochèques émis à l'étranger au cours de cette même année. Les eurochèques émis en France le sont pour plus de 85 % par des ressortissants d'autres Etats membres, essentiellement allemands (36 % du total des eurochèques émis en France), belges (17 %), néerlandais (15 %et britanniques (15 %).

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

(15) Le groupement a, par ailleurs, précisé (13) que, sur les 6,5 millions d'eurochèques étrangers émis en France, le nombre d'eurochèques émis chez les commerçants est d'environ un million et que ce pourcentage d'environ 15 % d'eurochèques émis dans le secteur du commerce par rapport au total des eurochèques se retrouve globalement d'un pays à l'autre.

C. L'accord d'Helsinki

(16) L'accord d'Helsinki est en totale contradiction avec l'accord dit Package Deal, qui régit l'utilisation des eurochèques à l'étranger.

1. Le système Eurochèque : l'accord Package Deal

(17) L'accord Package Deal a été conclu le 31 octobre 1980 au sein de la communauté Eurochèque et mis en vigueur à partir du 1er mai 1981. Il a été notifié à la Commission le 7 juillet 1982 par les groupements bancaires nationaux composant la communauté Eurochèque. Il a bénéficié d'une exemption par décision 85-77-CEE de la Commission (14). Cette exemption prenait fin au 30 avril 1986, date d'expiration de l'accord initial. Dans l'attente d'une complète refonte de l'accord qui était alors envisagée au sein d'Eurochèque, une lettre administrative de classement provisoire a été adressée à Eurochèque International, le 10 juillet 1986, valable jusqu'au 30 décembre 1987.

(18) Le nouvel accord Package Deal a été conclu lors de l'assemblée Eurochèque des 4 et 5 juin 1987 et notifié à la Commission le 16 décembre 1987. Son intitulé exact est " Accord sur les commissions, dates de valeur et le recouvrement central des eurochèques uniformes émis en monnaie locale et l'ouverture du secteur non bancaire ". Il s'applique depuis le 1er janvier 1988 pour une période indéterminée jusqu'à conclusion d'un nouvel accord, qui devait intervenir dans les deux ans. Aucun nouvel accord n'a toutefois été conclu durant cette période et l'accord de 1987 continue de s'appliquer. Cet accord ne diffère pas dans ses grandes lignes de celui qui a fait l'objet de la décision 85-77-CEE. Contrairement à ce qui avait pu être un temps envisagé, le système n'a pas été substantiellement refondu. Toutefois, deux modifications importantes ont été apportées par rapport à l'accord exempté en 1984 :

- le maximum de la commission interbancaire a été relevé,

- un minimum a été introduit pour cette même commission interbancaire.

(19) Les principales dispositions de l'accord Package Deal ont déjà été exposées dans la décision 85-77-CEE. Le système Eurochèque repose - ou du moins reposait jusqu'à présent - sur le principe de base selon lequel le bénéficiaire d'un eurochèque uniforme émis à l'étranger en monnaie locale - qu'il s'agisse d'un commerçant ou de l'émetteur lui-même désirant retirer des espèces dans une agence bancaire - doit recevoir l'intégralité du montant de l'eurochèque. Dans leurs relations avec les émetteurs des eurochèques, les banques sont libres de répercuter ou non tout ou partie des commissions versées aux banques étrangères et aux centrales de compensation, ainsi qu'éventuellement de percevoir une commission pour leur propre compte.

(20) Dans le nouvel accord de 1987, le montant maximal garanti demeure la contre-valeur approximative en monnaie locale de 300 francs suisses, soit environ 170 écus. Il est actuellement, en France, de 1 400 francs français. En outre, les eurochèques, pour pouvoir être traités dans le système de compensation internationale Eurochèque, ne doivent pas excéder un certain montant, de la contrevaleur approximative en monnaie locale de 600 francs suisses (environ 340 écus). En France, ce montant est actuellement de 2 500 francs français.

(21) Le montant maximal de la commission interbancaire versée à la banque étrangère du bénéficiaire de l'eurochèque par la banque de l'émetteur était fixé à 1,25 % dans l'accord exempté en 1984. Lors de son assemblée extraordinaire du 24 avril 1986, l'assemblée Eurochèque a décidé de porter ce maximum à 1,60 % du 1er juin 1986 au 31 décembre 1987. Cette augmentation alors provisoire a été reconduite dans le nouvel accord conclu le 5 juin 1987 à compter du 1er janvier 1988.

(22) Le nouvel accord de 1987 a, en outre, introduit un minimum pour la commission interbancaire, de la contre-valeur approximative de 2 francs suisses (environ 1,10 écu) par eurochèque, qui s'applique donc pour les eurochèques émis en France pour un montant inférieur à environ 500 francs français.

2. L'accord d'Helsinki

(23) Lors de la procédure ayant abouti à la décision 85-77-CEE, la Commission avait envoyé, le 19 septembre 1984, à l'AFB, qui faisait alors office de communauté nationale Eurochèque pour la France, une demande de renseignements à la suite d'une plainte portant sur les conditions d'encaissement en France d'un eurochèque tiré sur une banque étrangère. L'AFB avait répondu, par lettre du 17 octobre 1984, que, si, pour les retraits d'espèces par des étrangers aux guichets bancaires en France, les banques françaises avaient adhéré au Package Deal Agreement, par contre, les banques françaises n'avaient pas souscrit aux dispositions concernant :

- d'une part, l'acceptation d'eurochèques étangers dans le commerce en France,

- d'autre part, les remises à l'encaissement à des banques françaises par des particuliers (français) d'eurochèques étrangers.

Cette réponse de l'AFB apparaît cependant comme étant en contradiction avec la notification faite le 7 juillet 1982 par Eurochèque International au nom de tous les membres de l'assemblée Eurochèque - à laquelle appartenait l'AFB - de l'accord Package Deal qui portait pourtant bien sur " l'ouverture du secteur non bancaire ". Il n'avait été nullement mentionné dans la notification qu'une communauté nationale Eurochèque n'aurait que partiellement adhéré à l'accord Package Deal.

L'AFB avait aussi précisé que " les banques françaises membres du groupement carte bleue ont accepté, à titre expérimental, d'ouvrir leur réseau de commerçants aux eurochèques étrangers dans les mêmes conditions que celles offertes aux clients porteurs d'une Carte bleue ou d'une carte Visa. Cet accord, étendu à près de 300 000 commerçants en France, se situe en dehors du Package Deal ".

Dans sa décision 85-77-CEE, la Commission avait, au considérant 22, fait référence à cette situation qui lui avait été présentée comme étant " à titre expérimental ".

(24) A la suite de diverses plaintes reçues depuis la décision d'exemption, la Commission a adressé en 1988 des demandes de renseignements à divers établissements de crédit français. L'un d'entre eux a répondu, avec plus de précision que ne l'avait fait l'AFB en 1984, que : " L'assimilation du paiement par eurochèque à celui d'un paiement garanti par carte résulte d'une décision prise à Helsinki les 19 et 20 mai 1983 lors de l'assemblée Eurochèque. "

(25) Dans une demande de renseignements qu'elle lui a adressée le 11 avril 1989, la Commission a prié Eurochèque International de lui communiquer le texte de l'accord. Eurochèque a d'abord répondu, le 7 juin 1989, que " conformément aux statuts en vigueur dans le système Eurochèque, l'assemblée est l'organe suprême de la communauté. Les décisions y sont arrêtées et consignées dans les procès-verbaux. Les principes de l'accord interne entre les institutions financières françaises et l'assemblée Eurochèque ont été arrêtés au cours de la réunion de l'assemblée tenue à Helsinki les 19 et 20 mai 1983 et n'ont, dès lors, pas fait l'objet d'un document formel signé par les parties intéressées ".

Puis, dans une réponse complémentaire du 17 août 1989, Eurochèque International a finalement, sur l'insistance de la Commission, communiqué le texte de cet accord.

(26) Cet accord est intitulé " Accord entre les institutions financières françaises et l'assemblée Eurochèque sur l'acceptation par les commerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères selon les principes arrêtés lors de la réunion de l'assemblée Eurochèque tenue à Helsinki les 19 et 20 mai 1983 ". Par cet accord, qui a été inséré au chapitre E du manuel Eurochèque, les banques et institutions financières françaises sont convenues avec la communauté internationale Eurochèque que les commerçants affiliés au Groupement Carte bleue et/ou à Eurocard France SA accepteraient, à partir du 1er décembre 1983, les eurochèques étrangers émis en francs français pour le paiement de biens et de services, aux mêmes conditions que celles des organisations précitées.

L'accord comporte en particulier les dispositions suivantes :

" - Pour les achats réglés par eurochèques, les membres du Groupement Carte bleue et d'Eurocard percevront auprès de leurs commerçants affiliés une commission qui ne pourra pas être supérieure à celle prévue pour les paiements Carte bleue et Eurocard. (15)

- Les banques membres du Groupement Carte bleue et d'Eurocard veilleront à ce que leurs commerçants affiliés ne majorent pas le prix des achats payés par eurochèque, même s'il s'agit d'offres spéciales ou de soldes.

- Si le commerçant affilié contrevient aux principes énoncés ci-dessus, les banques et institutions financières françaises interviendront dans les meilleurs délais afin d'en assurer le respect à l'avenir. Au cas où la commission perçue aurait été répercutée au porteur de l'eurochèque étranger, les banques et institutions financières françaises en rétrocéderont le montant à la banque émettrice. En cas de récidive, les banques et institutions financières françaises adopteront des sanctions identiques à celles pratiquées pour la Carte bleue ou l'Eurocard dans le même cas.

- Lors de la compensation des eurochèques étrangers émis en France et conformément aux dispositions de l'accord Package Deal, une commission de 1,25 % du montant de l'ensemble des chèques précités sera ajoutée et perçue via les centrales nationales de compensation. "

Il était également prévu, au point 8 de l'accord, que, avant la fin de l'année 1984, un bilan de l'expérience acquise en matière de tarification serait établi. En pratique, il n'apparaît pas qu'un tel bilan ait été établi au bout d'un an, et l'accord a continué purement et simplement de s'appliquer jusqu'en mai 1991, à ceci près que ce n'était plus une commission de 1,25 % qui était perçue conformément à l'accord Package Deal, mais de 1,60 % avec un montant minimal de 2 francs suisses.

(27) Ce sont, en fait, depuis 1985 les commerçants affiliés au groupement qui ont été concernés par l'accord, puisque, postérieurement à la signature de l'accord d'Helsinki, a été réalisée l'interopérabilité des réseaux de cartes ayant abouti à la constitution du groupement, qui désormais fait office de communauté nationale Eurochèque pour la France et représente la communauté financière française au sein d'Eurochèque International.

(28) Depuis la conclusion de l'accord en 1983, un autre changement relativement important, du moins en théorie, concernant sa portée provient de ce que le conseil de direction du groupement a adopté, le 25 octobre 1985, une directive selon laquelle la tarification uniforme de la commission facturée jusque là aux commerçants par les membres du groupement pour tous les paiements par la carte CB a été abandonnée.

(29) Parallèlement à l'accord d'Helsinki, le protocole d'accord du 31 juillet 1984 (évoqué au considérant 2 ci-dessuscomportait une clause selon laquelle " à compter du 1er juillet 1986, l'eurochèque uniforme ne sera plus émis pour une garantie gratuite de paiement en France; il ne pourra continuer d'être émis que pour des utilisations à l'étranger ". Le Conseil français de la concurrence, dans sa décision n° 88-D-37 du 11 octobre 1988 (16) a enjoint au groupement de supprimer cette clause avant le 31 décembre 1989.

D. Déroulement de la procédure

1. La communication des griefs initiale

(30) Tant l'application qui a été faite de l'accord Package Deal initial depuis la décision 85-77-CEE que les changements qui ont été apportés au texte même de l'accord depuis l'exemption ont conduit la Commission à adresser, le 31 juillet 1990, une communication de griefs à Eurochèque International, qui incluait aussi l'accord d'Helsinki. Une communication des griefs circonscrite à cet accord d'Helsinki a été simultanément adressée le même jour au groupement.

(31) Les griefs adressés à Eurochèque International et concernant l'accord Package Deal et la manière dont il a été appliqué portaient à la fois sur :

- l'insuffisance de l'information :

en particulier, il a été reproché à Eurochèque de ne pas avoir respecté la charge dont était assortie la décision 85-77-CEE concernant le détail de l'information a posteriori à fournir à l'émetteur d'eurochèques,

- la tarification :

s'agissant de la tarification interbancaire, il a été reproché à Eurochèque, d'une part, une application systématique par tous les membres du système du maximum de 1,60 % et, d'autre part, l'introduction d'un minimum de 2 francs suisses pour cette commission interbancaire; en outre, il a été reproché à Eurochèque que cette commission interbancaire, dans la pratique uniforme, a systématiquement été intégralement répercutée sur la clientèle, c'est-à-dire l'émetteur de l'eurochèque,

- les limites de l'utilisation des eurochèques :

bien qu'ayant été exemptée en 1984, la fixation uniforme des montants maximaux garantis et de compensation a été, après réexamen approfondi, critiquée par la Commission.

(32) Les griefs formulés à Eurochèque International et au groupement à l'encontre de l'accord d'Helsinki ont porté sur le fait qu'il s'agissait clairement d'une entente de prix, et, qui plus est, applicable dans les relations entre banques et clients et pas seulement dans les relations interbancaires, puisque, par cet accord, les banques françaises convenaient, avec l'agrément de l'ensemble de la communauté internationale Eurochèque, d'appliquer à leurs clients commerçants une commission du même montant que celle qu'elles leur facturent pour les paiements par carte bancaire (française ou étrangère). En outre, il était reproché à cet accord d'avoir pour objet et pour effet immédiat d'éviter dans le secteur commercial une quelconque concurrence entre eurochèques (en principe gratuits pour leurs bénéficiaires) et les paiements par cartes, que les banquiers français ont dans l'ensemble choisi de favoriser et de privilégier de préférence au système Eurochèque.

(33) Eurochèque International a répondu le 6 novembre 1990 à la communication des griefs en contestant leur bien-fondé. Après l'audition organisée à la demande d'Eurochèque International, le 28 novembre 1990, des discussions se sont poursuivies avec la Commission; au cours de ces dernières, il est apparu que le débat se déplaçait vers un point majeur qui, jusque là, n'avait pas posé de problème, celui de la gratuité de l'eurochèque pour son bénéficiaire, gratuité qui était précisément mise en brèche par l'accord d'Helsinki. Eurochèque International, tout en ne contestant pas que le système à l'origine reposait sur ce fondement, estime désormais que ce principe n'a plus lieu d'être, tandis que la Commission fait valoir que c'est sur ce fondement essentiel que se basait la décision 85-77-CEE et donc que, dans ces conditions, le renouvellement de l'exemption est remis en question, à supposer que l'ensemble des autres points ayant fait l'objet de la communication des griefs aient été préalablement résolus.

(34) En ce qui concerne l'accord d'Helsinki, les arguments mis en exergue par Eurochèque International et, surtout, par le groupement dans sa réponse du 29 octobre 1990 à la communication des griefs du 31 juillet 1990, comme lors de l'audition du 28 novembre 1990, ont consisté principalement à contester que l'accord comporte une quelconque obligation de percevoir une commission et à faire valoir que, loin d'avoir été restrictif, l'accord avait eu, au contraire, pour objet et pour effet de favoriser le développement des eurochèques en France.

(35) Les communications des griefs du 31 juillet 1990 concernant l'accord d'Helsinki se concentraient sur l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 puisque, à l'époque de leur élaboration, l'accord d'Helsinki n'avait pas été notifié et donc que la question de l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 3 ne se posait pas. Toutefois, cette question avait été néanmoins évoquée, à titre superfétatoire, dans les communications des griefs, et la conclusion en avait été que, même si l'accord d'Helsinki avait été notifié, une exemption n'était pas envisageable.

(36) Or, le 16 juillet 1990, le groupement a formellement notifié à la Commission l'accord d'Helsinki. Cette notification est intervenue cinq jours après une réunion avec les services de la Commission au cours de laquelle ceux-ci avaient confirmé aux avocats du groupement qu'une communication des griefs concernant l'accord d'Helsinki avait été rédigée et que son envoi était probablement imminent. Les communications des griefs du 31 juillet 1990 font référence à cette notification précipitée d'un accord conclu sept ans auparavant. Le groupement a objecté que la communication de griefs qui lui a été adressée avait ignoré la notification et les arguments qu'il avait avancés à cette occasion.

(37) Aussi la Commission a-t-elle estimé opportun, dans le souci d'un respect absolu des droits des parties, de compléter la communication des griefs envoyée au groupement le 31 juillet 1990 par une communication supplémentaire de griefs relative à l'article 85 paragraphe 3.

2. La communication supplémentaire de griefs

(38) Cette seconde communication de griefs, en date du 19 juin 1991, ne modifiait pas dans sa substance l'appréciation juridique portée dans la communication originelle mais répondait aux arguments relatifs à l'article 85 paragraphe 3 avancés par le groupement tant dans sa notification que dans sa réponse aux griefs initiaux et lors de l'audition ainsi que dans des lettres ultérieurement adressées à la Commission, le 7 février, le 22 mars et le 22 mai 1991.

(39) La communication supplémentaire de griefs relative à la notification de l'accord d'Helsinki n'a été adressée qu'au groupement, la société Eurochèque International sc ne s'étant pas jointe à la notification. Une copie de cette communication supplémentaire de griefs a toutefois été transmise le 20 juin 1991 à Eurochèque International.

(40) Dans sa lettre précitée du 22 mai 1991, le groupement avait informé la Commission que " s'agissant de l'abandon des accords d'Helsinki, comme vous en avez probablement été informé, l'assemblée Eurochèque, prenant acte de l'opposition de vos services, a décidé d'y mettre fin ". Mais la date d'effet de cet abandon n'était pas mentionnée. Par ailleurs, dans une lettre en date du 5 juin 1991, Eurochèque International informait la Commission que " the Eurochèque Board meeting held in Shannon, Ireland on 9th and 10th May, [... ] expressed its willingness to abolish this Agreement in view of your repeated demands, notwithstanding its non anticompetitive nature ". Le terme " willingness " n'étant pas exactement assimilable à celui de " décision " utilisé par le groupement, il y avait donc une ambiguïté quant à l'abandon de l'accord d'Helsinki.

(41) Dans sa réponse du 12 juillet 1991 à la communication supplémentaire de griefs, le groupement a levé toute ambiguïté à ce sujet en joignant le texte d'une lettre-circulaire adressée le 27 mai 1991 par le président du groupement à tous les membres et les informant que :

" Les dispositions incriminées par la Commission sont généralement connues sous l'appellation "accords d'Helsinki" et résultaient d'une décision de l'assemblée générale Eurochèque. Cette même assemblée vient d'y mettre fin, lors de sa réunion des 9 et 10 mai 1991. L'acceptation des eurochèques est donc désormais totalement indépendante des conditions financières que votre établissement applique pour la remise des paiements par cartes bancaires "CB". "

II. APPRECIATION JURIDIQUE

A. Article 85 paragraphe 1

1. Entreprises et associations d'entreprises

(42) Les banques et autres établissements de crédit membres du groupement et des autres groupements bancaires nationaux membres du système Eurochèque sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1. Eurochèque International sc, le groupement et les groupements bancaires nationaux des autres Etats membres actionnaires d'Eurochèque International sc sont des associations d'entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1.

2. Accords entre entreprises

(43) Dans sa réponse du 12 juillet 1991 à la communication supplémentaire de griefs du 19 juin 1991, le groupement argue que " l'accord d'Helsinki [... ] n'est pas un accord conclu entre les banques françaises et la communauté Eurochèque. Ses dispositions résultent d'une résolution adoptée par l'assemblée générale Eurochèque. En tout état de cause, il s'agit d'une décision engageant l'ensemble de la communauté Eurochèque ".

(44) Il y a toutefois lieu d'observer à ce sujet que le texte notifié, le 16 juillet 1990, à la Commission par le groupement est pourtant bien intitulé " Accord entre les institutions financières françaises et l'assemblée Eurochèque ". Dans son annexe au formulaire A/B de la notification, si le groupement utilise de préférence le mot " modalités ", il ne fait nulle part valoir qu'il ne s'agit pas d'un accord mais au contraire, à plusieurs reprises, utilise le mot " accord ". C'est ainsi que, en ce qui concerne les motifs de l'attestation négative demandée, il est écrit au point 5.1 (page 5 de l'annexe), que " le groupement ne pense pas que l'accord notifié comporte des restrictions de concurrence " et au point 5.2 (page 6) que " l'accord accroît sensiblement la concurrence ", et encore, au point 6.1 (page 6) que " la France est passée, grâce à cet accord, d'une position particulièrement modeste à une position de leader "...

(45) Dans ces conditions, il ne fait aucun doute que l'accord d'Helsinki est un accord au sens de l'article 85 paragraphe 1 auquel étaient parties, jusqu'à son abandon en mai 1991, d'un côté, le groupement et, de l'autre, Eurochèque International sc, comme le groupement l'a d'ailleurs lui-même indiqué sur le formulaire A/B de la notification dudit accord.

3. Restrictions de concurrence

(46) L'accord d'Helsinki constitue une restriction de concurrence particulièrement grave. Non seulement il s'agit clairement d'une entente de prix, mais, qui plus est, applicable aux relations avec la clientèle.

(47) Il s'agit, tout d'abord, d'un accord sur la perception d'une commission auprès de la clientèle, et plus précisément d'un accord par lequel l'ensemble des banques françaises se mettent d'accord entre elles pour facturer à leur clientèle de commerçants français, adhérents au système de paiement par carte du groupement, une commission équivalente à celle qu'elles leur demandent sur les règlements effectués par des porteurs de cartes " CB ".

(48) A cet égard, le Groupement n'a eu de cesse de prétendre (17) que l'accord n'imposait pas la perception d'une commission. Eurochèque International, qui n'a pris position sur l'accord d'Helsinki - tant sur le plan de l'article 85 paragraphe 1 que sur celui de l'article 85 paragraphe 3 - que dans sa réponse du 6 novembre 1990 à la communication des griefs du 31 juillet 1990, laissant ultérieurement au groupement le soin de défendre cet accord, en particulier lors de l'audition du 28 novembre 1990, a défendu la même thèse (18) selon laquelle l'accord n'imposerait en aucun cas la perception d'une commission. Le texte de l'accord d'Helsinki est pourtant parfaitement clair à cet égard, puisqu'il stipule que " les membres du Groupement Carte bleue et d'Eurocard percevront auprès de leurs commerçants affiliés une commission ". Il ressort donc bien du texte même de l'accord d'Helsinki qu'il prévoit l'obligation de percevoir une commission. Le groupement a également fait valoir, lors de l'audition, que, d'ailleurs, certaines banques françaises ne percevraient pas une telle commission. Outre que les deux seuls exemples donnés font apparaître a contrario que la quasi-totalité des banques françaises perçoivent une commission, il peut être aussi observé que ce n'est pas parce qu'un accord sur la perception d'une commission n'est pas appliqué par la totalité de ses membres mais seulement par la quasi-totalité d'entre eux qu'un tel accord perd son caractère d'entente restrictive de concurrence. En outre, l'article 85 paragraphe 1 ne vise pas seulement les ententes qui ont pour effet de restreindre la concurrence mais aussi celles qui ont un tel objet. L'utilisation du mot " percevront " montre bien que l'objet de l'accord était clairement de convenir de la perception d'une commission sur les eurochèques.

(49) Il s'agit, de plus, d'un accord sur le montant de la commission.Certes, le point 3 de l'accord indique que les membres percevront " une commission qui ne pourra pas être supérieure à celle prévue par les paiements par Carte bleue et Eurocard ". Sur la base de ce texte, le groupement a soutenu, de manière répétée, que l'accord d'Helsinki ne constitue en aucune façon un accord sur le montant de la commission perçue. Mais cette thèse est contredite par au moins deux éléments. D'une part, les premières lignes introductives de l'accord énoncent que les commerçants affiliés accepteront les eurochèques étrangers " aux mêmes conditions " que celles du Groupement Carte bleue et d'Eurocard. Et, à l'époque de la signature de l'accord, et jusqu'en octobre 1985, ces conditions étaient uniformes. D'autre part, cette constatation est confirmée par la lettre précitée de l'AFB du 17 octobre 1984, qui, là encore, précisait bien que le réseau de commerçants français affiliés au Groupement Carte bleue était ouvert aux eurochèques étrangers " dans les mêmes conditions " que celles de Carte bleue.

(50) Si le caractère restrictif de concurrence de l'accord a été particulièrement grave lors de sa conclusion et jusqu'au 25 octobre 1985, le fait qu'à partir de cette date le groupement ait abandonné la tarification uniforme appliquée jusque là aux commerçants n'a pas fait disparaître le caractère marqué de la restriction de concurrence que constitue l'accord d'Helsinki. Cet accord continue toujours, depuis lors, d'être, d'une part, un accord sur le principe de la perception d'une commission : un tel accord est, par nature, restrictif de concurrence, comme l'a constaté, dans un autre cas, la Commission dans sa décision 87-13-CEE " Association Belge des Banques " (19). D'autre part, l'accord d'Helsinki continue à créer, sinon pour l'ensemble des commerçants comme jusqu'en octobre 1985, du moins pour chaque commerçant affilié au groupement, un lien indissociable et dépourvu de toute justification entre les paiements par cartes et les paiements par eurochèques, qui sont deux moyens de paiement de nature profondément différente. En dernière analyse, le but de l'accord d'Helsinki est d'aligner le prix du paiement par eurochèque pour les commerçants français sur le prix du paiement par cartes. Cette opération a eu pour effet de rendre les paiements par eurochèques moins attractifs pour les commerçants français. Combinée avec l'interdiction (évoquée au considérant 29) faite aux banques françaises d'émettre des eurochèques à usage national, elle a contribué à entraver le développement des eurochèques nationaux en France.

(51) Par ailleurs, si l'on se place dans l'optique du système Eurochèque tel qu'il a été exempté en 1984 par la Commission, l'accord d'Helsinki apparaît être véritablement en contradiction avec le système, qui était fondé, entre autres, sur le principe de fonctionnement - qui, comme le reconnaît d'ailleurs Eurochèque, a contribué à son succès - que le bénéficiaire d'un eurochèque en reçoit l'intégralité de son montant.

(52) A cet égard, le groupement et aussi Eurochèque International objectent que la Commission avait connaissance de la situation découlant de l'accord d'Helsinki lors de sa décision d'exemption de 1984. Il convient, sur ce point, de rappeler que l'accord d'Helsinki, conclu en 1983, n'a été formellement notifié à la Commission qu'en 1990 et que celle-ci n'a eu communication du texte de cet accord, sur son insistance pressante, qu'en août 1989. La Commission n'était donc pas en mesure de pouvoir porter une appréciation sur cet accord tant qu'elle n'en avait pas eu une connaissance exhaustive. Certes, la Commission a eu des échos de cet accord par l'AFB en octobre 1984, mais il y a lieu de souligner que l'AFB présentait cet accord comme étant " à titre expérimental ", ce qui pouvait limiter l'intérêt de la Commission à appronfondir à cette époque la connaissance des termes exacts de cet accord. De manière incidente, il peut d'ailleurs être observé que le caractère expérimental n'est pas mentionné dans le texte même de l'accord d'Helsinki, qui évoque seulement qu'un bilan de l'expérience acquise en matière de tarification sera établi au bout d'un an.

(53) Surtout, et de manière plus fondamentale, la réponse de l'AFB différait sensiblement de la connaissance de la situation qu'avait la Commission de par la notification de l'accord Package Deal en juillet 1982 par Eurochèque International, au nom de tous les groupements nationaux membres de l'assemblée Eurochèque, parmi lesquels l'AFB. Or l'accord Package Deal portait précisément, comme l'atteste son intitulé même, sur l'ouverture du secteur non bancaire. Il y a donc une contradiction, qui a pu échapper en partie à l'époque à la Commission, à prétendre, comme l'a fait l'AFB en 1984, et comme a continué de le faire le groupement dans sa réponse à la communication supplémentaire de griefs (20), que les banques françaises n'auraient pas souscrit aux dispositions concernant l'acceptation des eurochèques dans le commerce en France.

(54) D'autre part, Eurochèque International et le groupement ont fait valoir que l'accord Package Deal ne reposerait nullement - ou, en tout cas, plus - sur le principe de base selon lequel le bénéficiaire d'un eurochèque doit toujours en recevoir le montant intégral, et donc que l'accord d'Helsinki n'était nullement en contradiction avec le système Eurochèque régi par l'accord Package Deal.

(55) Pourtant, il ne peut être contesté que, à l'époque de sa conclusion, l'accord d'Helsinki était en contradiction avec l'accord Package Deal, qui reposait, entre autres, sur le principe de la gratuité de l'eurochèque pour son bénéficiaire, les frais étant à charge de l'émetteur. D'ailleurs, Eurochèque International reconnaît ce point de fait (21). Du reste, c'était l'une des motivations de la décision 85-77-CEE (22). L'on voit mal, en effet, pourquoi un accord interbancaire multilatéral aurait été nécessaire s'il était possible aux banques payeuses de percevoir une commission sur les eurochèques étrangers remis en paiement. L'accord Package Deal se justifiait précisément parce qu'il partait du postulat que la banque payeuse n'était pas rémunérée par le remettant de l'eurochèque mais par la banque de l'émetteur.

4. Affectation des échanges entre Etats membres

(56) Un accord comme celui d'Helsinki a manifestement une incidence sur les échanges intracommunautaires, puisqu'il concerne des chèques émis dans un Etat membre par des ressortissants d'un autre Etat membre. Cette incidence est particulièrement sensible dans le cas présent, puisque la France est le premier pays accepteur d'eurochèques, avec près de 6,5 millions d'eurochèques, dont 15 % dans l'ensemble du commerce. Si l'on retient la moyenne précitée de 134 écus par eurochèque, les sommes annuelles en jeu sont, pour l'ensemble des eurochèques émis en France, de 871 millions d'écus, soit, pour les seuls eurochèques émis dans le secteur du commerce en France, 134 millions d'écus.

B. Article 85 paragraphe 3

(57) L'examen de l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 3 ne concerne pas, par définition, l'application de l'accord d'Helsinki du 1er décembre 1983 au 16 juillet 1990, puisque, pendant toute cette période, l'accord n'avait pas été notifié. La question de l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 3 ne se pose donc que pour la période du 16 juillet 1990, date de la notification de l'accord, au 27 mai 1991, date de son abandon.

1. Amélioration des services offerts

(58) Dans sa notification, comme dans ses argumentations ultérieures, le groupement a axé sa justification de l'applicabilité d'une exemption sur l'argument central que l'accord d'Helsinki aurait eu pour objet et pour effet de favoriser le développement des eurochèques en France. Ainsi, pour le groupement, la première des quatre conditions énumérées à l'article 85 paragraphe 3, l'amélioration de la distribution et la promotion du progrès technique et économique, serait remplie parce que " la France est passée, grâce à cet accord, d'une position particulièrement modeste à une position de leader ".

(59) Bien loin d'avoir eu pour objet ou pour effet de favoriser le développement des eurochèques en France, comme le prétend le groupement, l'accord d'Helsinki apparaît comme ayant eu pour objet et pour effet de le brider. Il peut s'analyser comme le second volet d'un mécanisme mis en place par les banques françaises pour entraver la concurrence potentielle des eurochèques, l'autre volet étant constitué par la disposition du protocole constitutif du groupement du 31 juillet 1984 qui interdisait aux membres du groupement d'émettre des eurochèques à usage national.

(60) Lors de l'audition du 28 novembre 1990, le groupement a fait valoir, d'une part, que le nombre limité des eurochèques émis par des banques françaises est une question de fait et ne résulte pas de pratiques concertées et, d'autre part, que, malgré la suppression, en 1988, de la disposition restrictive contenue dans le protocole constitutif du groupement de 1984 et selon laquelle les banques françaises ne pouvaient émettre des eurochèques que pour l'usage à l'étranger (voir le considérant 29 supra), le nombre d'eurochèques émis par des banques françaises a chuté en 1989 (voir le considérant 12 supra).

(61) Les chiffres que le groupement a fournis à l'audition montrent que cette clause du protocole d'accord a produit tous ses effets, contrairement aux affirmations du groupement lors de cette audition, au cours de laquelle il a prétendu que cette disposition restrictive aurait été supprimée en 1988 et que, nonobstant cette suppression, le nombre de porteurs français de cartes Eurochèque aurait chuté en 1989. Or ce n'est qu'au 31 décembre 1989 que cette clause a été abandonnée, conformément à l'injonction qui avait été faite en France par le Conseil de la concurrence, dans sa décision n° 88-D-37 du 11 octobre 1988, dont l'article 3 du dispositif stipulait que : " Il est enjoint au groupement de supprimer, avant le 31 décembre 1989, la stipulation du protocole d'accord du 31 juillet 1984 d'après laquelle l'eurochèque uniforme ne sera plus émis pour une garantie de paiement en France et ne pourra continuer d'être émis que pour des utilisations à l'étranger. "

(62) Il a donc été inexact, de la part du groupement, de prétendre, à l'audition, que la disposition en question aurait été supprimée en 1988 et que cette suppression n'aurait pas empêché le nombre des émetteurs français d'eurochèques de décroître en France en 1989. Il y a, au contraire, parallélisme entre l'entrée en vigueur de la clause, le 1er juillet 1986, et la chute du nombre des émetteurs français d'eurochèques, qui s'était accru auparavant de manière sensible au cours de l'année 1985.

(63) Dans sa réponse à la communication supplémentaire de griefs, le groupement n'a pas donné d'explication de cette surprenante présentation des faits lors de l'audition, mais a fait observer que sa thèse se trouvait confirmée par les faits pour les chiffres de 1990.

(64) Cette thèse n'apparaît pas convaincante, car les chiffres montrent qu'il y avait eu une percée des cartes Eurochèque émises par des banques françaises en 1985, et que cette percée a été enrayée par l'entrée en vigueur, l'année suivante, de la disposition en question. Il n'est pas anormal que l'an 1990 n'ait pas vu un redémarrage des cartes Eurochèque émises en France, compte tenu de la progression, dans l'intervalle, de 50 % du nombre des cartes bancaires émises pendant la même période : le but d'empêcher le développement des eurochèques a été atteint, et cette situation apparaît désormais comme étant sans retour.

(65) Comme cette clause du protocole d'accord de 1984, supprimée par le groupement à compter du 31 décembre 1989 grâce à l'action du Conseil français de la concurrence, l'accord d'Helsinki peut être considéré comme ayant non seulement pour objet mais aussi pour effet d'entraver le développement des eurochèques en France, en faisant payer au commerçant français un moyen de paiement, l'eurochèque, qui était normalement gratuit pour lui en application de l'accord Package Deal de 1980. Le but anticoncurrentiel de ces deux dispositions combinées a été atteint, si l'on en juge par le taux de croissance annuel de la carte bancaire en France pendant toute la période pendant laquelle l'accord d'Helsinki s'est combiné avec la disposition des statuts du groupement condamnée par le Conseil de la concurrence. Le résultat en est que, à l'heure actuelle, pratiquement tous les ménages français détiennent une carte bancaire, puisque 19,5 millions de cartes " CB " ont été émises en 1990, de sorte que le risque pour le groupement d'une concurrence potentielle d'Eurochèque en France a été pratiquement éliminé.

(66) Il est tout aussi inexact de prétendre, comme le groupement l'a fait dans sa notification, que l'accord d'Helsinki a contribué à l'amélioration de la distribution et à la promotion du progrès technique et économique parce que la France est le premier pays accepteur d'eurochèques. S'il est vrai que c'est en France qu'ont été émis en 1989 le plus grand nombre d'eurochèques étrangers, l'explication ne peut se trouver dans l'accord d'Helsinki puisque, selon les chiffres fournis par le groupement, sur les 6,5 millions d'eurochèques émis en France en 1989 le nombre d'eurochèques émis chez les commerçants a été d'environ un million. L'accord d'Helsinki, ne concernant que 15 % des eurochèques émis - et même un pourcentage un peu inférieur, car tous les commerçants français chez lesquels sont émis des eurochèques étrangers ne sont pas adhérents au système de paiement par carte du groupement - ne peut donc nullement constituer l'explication du fait que la France est le premier pays accepteur d'eurochèques. L'explication est bien plutôt dans le nombre de touristes en France en provenance des plus importants pays émetteurs d'eurochèques, dont le classement est reproduit au deuxième tableau du considérant 14, qui fait aussi apparaître que la France, au premier rang des pays accepteurs avec 15 % des eurochèques émis en France, n'est qu'au neuvième rang des pays émetteurs d'eurochèques, avec 1 % seulement des eurochèques émis à l'étranger, ce qui montre bien que la France n'est pas, globalement, un pays d'élection du système Eurochèque comme le sont l'Allemagne et les pays du Benelux.

2. Avantages pour les utilisateurs

(67) Pour le groupement, la seconde condition de l'application de l'article 85 paragraphe 3, celle de la partie équitable du profit réservée aux utilisateurs, serait remplie pour les deux catégories d'utilisateurs, tant les porteurs que les commerçants, parce que l'accord " a fait bénéficier les porteurs étrangers d'eurochèques d'une réduction des frais encourus lors de l'utilisation de leurs chèques " et que " ces porteurs étrangers se sont vu accorder des possibilités considérables d'utilisation de leurs eurochèques, puisqu'ils ont acquis instantanément la possibilité de retirer des espèces dans plus de 250 000 guichets des banques membres du groupement ainsi que d'effectuer des paiements chez plus de 450 000 commerçants affiliés CB ". Quant aux commerçants, ils ont " largement profité de l'acceptation des eurochèques par le système de paiement par cartes ", ainsi que " de la publicité assurée auprès des porteurs étrangers " par le groupement.

(68) En ce qui concerne les émetteurs d'eurochèques, prétendre que l'accord les a fait bénéficier d'une réduction des frais qu'ils encourent est oublier que, aux termes du Package Deal de 1980, signé par la communauté bancaire française, le porteur ne devait pas se voir facturer des eurochèques lors de leur utilisation à l'étranger : si des banques françaises ont, avant ou après l'accord d'Helsinki, perçu des commissions auprès des porteurs, c'était en violation de l'accord Package Deal. Il est tout aussi inexact de prétendre que l'accord d'Helsinki aurait donné aux émetteurs la possibilité de retirer des espèces dans 250 000 guichets des banques membres du groupement : une telle possibilité, si elle n'existait pas auparavant, résultait du Package Deal de 1980, mais non de l'accord d'Helsinki de 1983 qui concernait seulement le secteur du commerce.

(69) S'agissant des commerçants, il est clair que l'accord d'Helsinki leur est tout à fait défavorable, puisqu'il aboutit à leur faire payer une commission sur chaque eurochèque étranger qu'ils reçoivent en paiement, alors que, pour les autres commerçants des autres Etats membres, l'eurochèque, en vertu du Package Deal de 1980, est gratuit. Les commerçants français sont donc ainsi les seuls commerçants de la Communauté à devoir acquitter une commission spécifique sur les eurochèques étrangers. En l'absence de l'accord d'Helsinki, les commerçants français n'auraient eu, de par l'accord Package Deal, auquel étaient partie les banques fraçaises, aucune commission à payer et auraient pu ainsi avoir tendance à faire pression sur la communauté bancaire française pour freiner le développement des paiements par cartes - qui, elles, génèrent une commission à charge du commerçant - au profit des eurochèques.

(70) La seule catégorie d'utilisateurs - s'ils pouvaient être qualifiés ainsi, mais il s'agit plutôt d'intermédiaires, en l'occurrence - à profiter de l'accord d'Helsinki est constituée par les banques françaises, qui sont ainsi payées deux fois pour le même service et qui sont les seules banques de la Communauté à l'être : une première fois par les banques étrangères (les banques des émetteurs des eurochèques), par le jeu de l'accord Package Deal. Les véritables utilisateurs, eux, ne retirent aucun profit de l'accord d'Helsinki, qui joue, au contraire, à leur détriment, qu'il s'agisse des commerçants, qui doivent acquitter une commission alors que l'eurochèque devrait être gratuit pour eux, et pour les émetteurs, qui rencontrent des difficultés pour utiliser leurs eurochèques en France, soit parce que des commerçants les leur refusent, précisément à cause de la commission à payer, ou parce qu'ils leur répercutent les frais qu'eux-mêmes, commerçants, doivent payer à leur banque.

3. Caractère indispensable des restrictions

(71) La troisième condition de l'article 85 paragraphe 3, le caractère indispensable des restrictions, serait remplie, selon le groupement, parce que " le système permet aux porteurs d'eurochèques de les utiliser en France dans les mêmes conditions que dans les autres pays membres d'Eurochèque et à leurs banques d'accepter les eurochèques dans les mêmes conditions que la carte bancaire ", et aussi parce que la situation géographique de la France demanderait de faciliter l'usage en France pour les touristes des pays du Nord de leur moyen de paiement habituel.

(72) Mais ce n'est pas l'accord d'Helsinki qui a permis aux porteurs d'utiliser les eurochèques en France dans les mêmes conditions que dans les autres Etats membres : tel était l'objet de l'accord Package Deal. A supposer que le caractère indispensable dont se prévaut le groupement consiste en ce que l'accord d'Helsinki aurait été la condition nécessaire pour appliquer l'accord Package Deal dans le secteur du commerce en France, ce raisonnement est inacceptable, car l'accord Package Deal a été exempté en 1984 en considération de la gratuité de l'eurochèque pour son bénéficiaire. Il est donc tout à fait contradictoire d'analyser l'accord d'Helsinki, qui constitue une dérogation majeure à l'accord Package Deal, comme une restriction indispensable pour atteindre les objectifs de l'accord Package Deal.

(73) L'argument de la situation géographique de la France n'a pas davantage de valeur. Il existe, certes, un déséquilibre structurel dans le système Eurochèque, en ce sens que les pays émetteurs d'eurochèques sont des pays de l'Europe du Nord (d'abord l'Allemagne, qui contribue pour près de la moitié au nombre des eurochèques émis à l'étranger, puis les pays du Benelux et, à un moindre degré, le Royaume-Uni) alors que les pays accepteurs sont surtout des pays de l'Europe du Sud, en raison du flux touristique qui se produit du nord vers le sud de l'Europe. Mais il y a lieu d'observer, à cet égard, que la France n'est pas dans une situation géographique plus particulières que ne le sont l'Espagne ou l'Italie, dont le secteur bancaire n'a pas jugé nécessaire d'exiger un accord du type d'Helsinki et se contente des modalités de rémunération prévues à l'accord Package Deal.

4. Possibilités de concurrence résiduelle

(74) La quatrième condition de l'article 85 paragraphe 3, celle de la non-élimination totale de la concurrence, serait remplie, selon le groupement, parce que l'accord aurait " permis l'introduction en France d'un nouveau mode de paiement utilisable aussi par les porteurs étrangers " et que " une concurrence importante continue de subsister entre les divers modes de paiement internationaux ".

(75) Tout d'abord, il y a lieu de rappeler encore une fois, que ce n'est pas l'accord d'Helsinki qui a permis l'utilisation des eurochèques dans le secteur du commerce en France, mais l'accord Package Deal, qui concernait expressément, dans son intitulé même, " l'ouverture du secteur non bancaire " : il n'était nullement mentionné dans l'accord, notifié à la Commission, que la France était exclue de cette ouverture du secteur non bancaire.

(76) Quant à la non-élimination totale de la concurrence, elle peut s'apprécier plusieurs niveaux. Le premier est celui du marché directement concerné, c'est-à-dire celui des eurochèques étrangers émis dans le secteur du commerce en France. A ce niveau, il est clair que l'accord d'Helsiniki entraîne une élimination totale de la concurrence puisque les banques françaises non seulement se mettent d'accord pour facturer une commission aux commerçants, en contradiction même avec l'accord Package Deal, mais encore se mettent d'accord pour que cette commission soit la même que celle appliquée aux paiements par cartes.

(77) Un second niveau auquel apprécier la concurrence pourrait être, subsidiairement, celui de l'ensemble des moyens de paiement internationaux utilisés chez les commerçants français. Mais il a déjà été souligné, à ce propos (au considérant 13), que la concurrence est généralement limitée, pour des raisons de fait, entre ces divers moyens de paiement. Certes, il y a toujours la possibilité d'emmener avec soi des espèces. Mais, outre les risques de perte ou de vol qu'ils comportent, les coûts de change, comme l'ont montré plusieurs études du BEUC (23), s'avèrent particulièrement dissuasifs. Quant aux cartes internationales de crédit ou de débit, les chiffres montrent que la plupart des porteurs d'eurochèques ne possèdent pas de telles cartes. Et, même lorsqu'un porteur d'eurochèques possède une carte internationale de paiement, la concurrence est totalement éliminée au niveau des commissions payées par le commerçant, puisque ces commissions, précisément de par l'accord d'Helsinki, sont les mêmes qu'il soit payé par un eurochèque ou par une carte internationale de crédit/débit. Quant aux chèques, l'eurochèque est pratiquement le seul chèque à usage international, si l'on excepte les chèques de voyage ou les postchèques, à usage surtout de retraits d'espèces, et qui ne sont donc pas en concurrence avec les eurochèques comme moyen de paiement chez les commerçants.

C. Article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17

(78) Pour toute la période antérieure à la notification, il y a lieu, compte tenu de la gravité de l'infraction (voir ci-dessus les considérants 46 et suivants et de sa durée, de prévoir l'imposition d'amendes, aussi bien au groupement qu'à Eurochèque International. Pour déterminer le montant de ces amendes, les éléments suivants ont aussi été pris en considération.

1. Le partage des responsabilités

(79) Certes, l'initiative de l'infraction incombe aux banques françaises, qui portent donc la responsabilité à titre principal de cette infraction, commise de propos délibéré ou, à tout le moins, par négligence. Mais Eurochèque International a néanmoins consenti, que ce soit de plus ou moins bon gré, à participer à cette infraction, dont elle porte donc aussi une part, quoique sensiblement moindre, de responsabilité, et qu'elle a commise à tout le moins par négligence, voire de propos délibéré.

2. Le profit retiré de l'entente

(80) Les banques françaises ont retiré de l'accord d'Helsinki un profit financier direct, ce qui n'est pas le cas d'Eurochèque International. Le gain annuel pour les banques françaises, en termes de commissions générées par l'accord d'Helsinki, peut être estimé approximativement sur la base de trois données. En premier lieu, le montant moyen d'un eurochèque est de 134 écus (cf. supra considérant 9), mais l'on peut considérer, par comparaison avec les données qui existent en matière de cartes de paiement, que le montant moyen des eurochèques émis chez les commerçants est inférieur au montant moyen des eurochèques émis aux guichets des banques pour des retraits en espèces, auquel cas le montant moyen à prendre en considération ici serait un peu inférieur à 134 écus, de l'ordre de 100 écus. En second lieu, le nombre annuel d'eurochèques concernés est d'environ un million (cf. supra considérant 15). En troisième lieu, la commission moyenne appliquée à ces eurochèques doit être d'environ 1 %. Au total, le gain annuel peut donc être évalué à environ un million d'écus.

(81) L'accord ayant été appliqué depuis le 1er décembre 1983, ce sont six années et demie qui sont à prendre en considération pour la durée de l'infraction jusqu'à la notification le 16 juillet 1990. Compte tenu de ce que le nombre d'eurochèques émis par an chez les commerçants français a dû être un peu inférieur, avant 1988, au chiffre d'un million pour cette année-là, l'on peut considérer que l'accord d'Helsinki a dû, en gros, rapporter au secteur bancaire français, en commissions payées par les commerçants, environ 5 millions d'écus. Il s'agit de recettes résultant d'un accord illicite au regard de l'article 85. Les commissions payées par les commerçants se sont ajoutées aux commissions interbancaires maximales de 1,6 % payées par les banques des émetteurs des eurochèques, telles que prévues par l'accord Package Deal, exempté par la Commission en 1984 sur la base, entre autres, que le montant intégral de l'eurochèque était payé à son bénéficiaire.

3. Circonstances aggravantes

a) Profit indirect non quantifiable retiré de l'accord

(82) Le profit financier n'était pas l'objectif final de l'accord d'Helsinki : les banques françaises n'ont d'ailleurs jamais fait valoir que l'accord d'Helsinki leur était apparu nécessaire parce que la rémunération maximale prévue par l'accord Package Deal aurait été insuffisante pour couvrir leurs coûts. L'accord d'Helsinki avait d'abord, à titre principal, pour objet - et a eu pour effet - d'empêcher, en France, le développement d'une concurrence possible entre les eurochèques et les cartes bancaires. En outre (ainsi qu'il a été exposé au considérant 50), cet accord, en combinaison avec la disposition du protocole constitutif du groupement interdisant aux banques françaises d'émettre des eurochèques à usage national, a contribué à entraver le développement des eurochèques en France.

(83) Quant à Eurochèque International, il n'a retiré aucun profit financier direct de l'accord, il en a retiré un profit indirect en ce sens que cet accord a sans doute été le prix à payer - fût-il particulièrement élevé en termes de restrictions de concurrence et d'entorse flagrante à l'accord Package Deal - pour continuer d'avoir accès au secteur du commerce en France.

b) Manque de coopération des parties

(84) Plutôt que de reprocher à la Commission de n'avoir pas cherché à mieux connaître la situation en France, décrite en quelques lignes par l'AFB, si un reproche devait être fait en la matière, ce serait plutôt à Eurochèque International, et à la communauté bancaire française d'autre part, de n'avoir pas, de leur propre initiative, pleinement informé la Commission des subtilités des adhésions prétendûment partielles à l'accord Package Deal et de la situation résultant de l'accord d'Helsinki. Si, dès cette époque, l'attention de la Commission avait été attirée (alors que c'est elle qui a, à la suite d'une plainte, adressé une demande formelle de renseignements aux banques françaises pour tâcher de mieux connaître la situation) sur la portée réelle de l'accord d'Helsinki, cette connaissance complète aurait sans nul doute influencé la décision de la Commission quant à l'accord Package Deal lui-même. Certes, à la différence du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (24), qui a prévu une notification obligatoire des opérations de concentration de dimension communautaire, la notification dans le cadre du règlement n° 17 n'est que facultative, mais, si une entreprise choisit d'y recourir, elle doit collaborer loyalement avec la Commission, c'est-à-dire qu'aucune information importante ne doit donc être dissimulée à la Commission.Ce principe d'une notification loyale et complète découle de l'article 8 paragraphe 3 cet de l'article 15 paragraphe 1 point adu règlement n° 17 et a été confirmé par la Cour de justice dans son arrêt préjudiciel, du 20 mars 1980, dans l'affaire 106-79 " VBBB c/Eldi Records BV " (25). D'ailleurs, dans la mesure où l'accord d'Helsinki était une brèche considérable dans l'accord Package Deal, la question pourrait se poser de savoir si, lorsque la Commission a annoncé en octobre 1983, par la voie d'une communication au Journal officiel faite conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, son intention de prendre une décision favorable à l'égard d'Eurochèque, la notification de l'accord Package Deal pouvait être encore, faute d'avoir été complétée par une notification de l'accord d'Helsinki, considérée comme une notification " loyale et exacte ", telle que la Commission l'a également précisée, dans sa décision 85-206-CEE (" Aluminium ") (26), surtout si certains membres du système Eurochèque n'avaient adhéré que partiellement à l'accord Package Deal.

(85) Non seulement l'accord d'Helsinki n'a pas été notifié à la Commission au moment où l'accord Package Deal, dont il remettait en question les fondements mêmes, était en cours d'examen par la Commission, mais encore la Commission n'a pas obtenu sans mal le texte de l'accord d'Helsinki. Eurochèque a même délibérément omis de joindre le texte de l'accord en réponse à une demande de renseignements envoyée par la Commission et ce n'est qu'après des demandes réitérées et pressantes des services de la Commission que cet accord a finalement été communiqué.

(86) De plus, le groupement et Eurochèque n'ont cessé de donner une lecture trompeuse de l'accord en prétendant qu'il n'imposait aucune obligation de percevoir une commission.

(87) Enfin, ce n'est qu'en mai 1991, soit près d'un an après l'envoi des griefs que l'accord a finalement été abandonné.

4. Circonstances atténuantes

(88) Même si cet abandon de l'accord a été tardif, il a néanmoins été spontané, sans attendre une décision d'interdiction de la Commission.

(89) En outre, il pourrait être reproché à la Commission, comme les parties l'ont d'ailleurs fait, de n'avoir pas, à la fin de 1984, cherché à mieux cerner la véritable portée de l'accord d'Helsinki dont les banques françaises avaient évoqué l'existence en réponse à une demande de renseignements, mais en termes vagues et trompeurs, puisque l'accord était présenté comme conclu " à titre expérimental ".

(90) Enfin, il s'agit du premier cas d'imposition d'amendes dans le secteur bancaire, ce qui peut justifier une certaine clémence, du moins en comparaison de la gravité de l'infraction.

(91) Dans le cas d'espèce, les circonstances atténuantes compensent les circonstances aggravantes,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

L'accord conclu, lors de l'assemblée Eurochèque tenue à Hensinki les 19 et 20 mai 1983, entre les institutions financières françaises et l'assemblée Eurochèque sur l'acceptation par les commmerçants en France des eurochèques tirés sur des institutions financières étrangères, et qui a été d'application du 1er décembre 1983 au 27 mai 1991, constituait une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE.

Article 2

La demande d'exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE en faveur de l'accord mentionné à l'article 1er, pour la période du 16 juillet 1990, date de la notification, au 27 mai 1991, date de l'abandon de l'accord, est rejetée.

Article 3

1. Une amende de 5 000 000 d'écus est infligée au Groupement des cartes bancaires " CB " et une amende de 1 000 000 d'écus à Eurochèque International sc en raison de l'infraction visée à l'article 1er.

2. Ce montant est à payer à la Commission des Communautés européennes dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision au compte n° 310-0933000-43 auprès de la Banque Bruxelles Lambert, agence européenne, rond-point Schuman 5, B-1040 Bruxelles. L'amende porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux d'intérêt appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ses opérations en écus applicables le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision est arrêtée, majoré de trois points et demi, soit 13,75 %.

3. En cas de paiement en francs français par le Groupement des cartes bancaires " CB " ou en francs belges par Eurochèque International sc, la conversion sera effectuée au taux du jour précédant le jour du versement.

Article 4

Sont destinataires de la présente décision :

1. Groupement des cartes bancaires " CB ",

29, rue de Lisbonne,

F-75008 Paris;

2. Eurochèque International sc,

avenue Louise 327, boîte 1,

B-1050 Bruxelles.

La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 192 du traité CEE.

(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.

(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.

(3) Source : CB Actualité n° 14 - juin 1991, p. 16.

(4) Source : rapport de l'Association française des Banques pour 1985, annexe V, p. 60.

(5) Source : Brochure Un système commun au service de chacun, Groupement des cartes bancaires " CB ", décembre 1988.

(6) Au sens de la présente décision, la carte Eurochèque est une " carte de garantie ", et non pas une carte de paiement électronique, telle que définie par la Commission dans sa recommandation 87-598-CEE portant sur un code européen de bonne conduite en matière de paiement électronique (JO n° L. 365 du 24. 12. 1987, p. 72) et dans sa recommandation 88-590-CEE concernant les systèmes de paiement et en particulier les relations entre titulaires et émetteurs de cartes (JO n° L. 317 du 24. 11. 1988, p. 55).

(7) Source : Eurochèque News n° 14, mars 1989.

(8) Source : Brochure Eurochèque 1989-1990.

(9) Source :

- pour 1984 à 1989 (sauf nombre des cartes Eurochèque pour l'année 1989) : Groupement des cartes bancaires, audition du 28 novembre 1990.

- pour 1990 : cartes Eurochèque : réponse du Groupement " CB " du 12 juillet 1991 à la communication supplémentaire de griefs du 19 juin 1991.

(10) Pour la notion de carte de paiement, voir les recommandations 87-598-CEE et 88-590-CEE

(11) Source : Etude du BEUC (Bureau européen des unions de consommateurs) sur les cartes de crédit, août 1989, commanditée par la Commission. Il n'y a pas de données disponibles pour la Grèce, l'Italie, le Luxembourg et le Portugal.

(12) Source : Lettre du 18 mai 1990 d'Eurochèque International à la Commission

(13) Dans sa réponse du 29 octobre 1990 à la communication des griefs initiale et lors de l'audition du 28 novembre 1990.

(14) JO n° L. 35 du 7. 2. 1985, p. 43.

(15) Le contrat type actuel du Groupement " CB " avec les commerçants s'applique aux paiements par cartes CB, Visa, Eurocard ou Mastercard.

(16) Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, du 15 octobre 1988, p. 271.

(17) Aussi bien dans la notification que dans sa réponse à la communication des griefs initiale, lors de l'audition et dans sa réponse à la communication supplémentaire de griefs.

(18) Points 61 et 99 de la réponse à la communication des griefs.

(19) JO n° L. 7 du 9. 1. 1987, p. 27 (voir le considérant 45).

(20) Voir page 9, premier alinéa : " Les banques françaises n'ont jamais adhéré à l'extension du Package Deal au secteur non-bancaire. "

(21) Compte-rendu de l'audition du 28 novembre 1990, page 82, et lettre à la Commission du 31 juillet 1991.

(22) Considérants 21 et 38.

(23) Voir, en dernier lieu, l'étude " L'argent des vacances " d'avril 1991 réalisée, à la demande de la Commission, par le BEUC, avec l'Union fédérale des consommateurs et la revue Que choisir.

(24) JO n° L. 257 du 21. 9. 1990, p. 13 (version rectifiée).

(25) Recueil 1980, p. 1 137, point 10 des motifs.

(26) JO n° L. 92 du 30. 3. 1985, p. 1 (voir le considérant 16.1.2).