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Décisions

Cass. crim., 17 mars 1992, n° 90-86.858

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Guerder

Avocat général :

M. Perfetti

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Peignot, Garreau.

Cass. crim. n° 90-86.858

17 mars 1992

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par D Michel, contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 26 septembre 1990, qui, pour défaut de paiement de cotisations en matière d'assurance vieillesse, l'a condamné à 800 francs d'amende, à la publication par extrait de la décision, ainsi qu'à des réparations civiles. - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 85, 86, 90 et 177 du traité de Rome, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à saisir la Cour de justice des Communautés européennes en interprétation préjudicielle ;

" aux motifs que les organismes de Sécurité sociale chargés du fonctionnement et de la gestion du régime des professions artisanales se sont vus conférer par le législateur, eu égard au but d'intérêt général et au régime exorbitant du droit commun auxquels ils sont soumis, une mission de service public et un statut particulier qui ne sauraient en rien les assimiler à des entreprises soumises à la loi du marché et au principe de libre concurrence ; qu'en conséquence, les articles 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne ne sauraient être applicables à de tels organismes et qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de saisir la Cour de justice des Communautés ;

" alors qu'au sens du droit communautaire, l'entreprise visée par les articles 85 et 86 du traité de Rome s'entendant de toute personne, organisme ou groupement, quelle qu'en soit la forme juridique particulière, qui se livre à une action de production ou d'échange non gratuit de biens ou de services, l'article 90 du même Traité interdisant de surcroît à tout État membre de maintenir ou d'édicter en ce qui concerne les entreprises publiques des dispositions contraires à celles des articles 85 et 86, la Cour, qui a refusé tout autant de surseoir à statuer dans l'attente de la décision devant intervenir sur la plainte dénonçant au président de la Commission européenne la position monopolistique de la Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse artisanale (CANCAVA) constituant une infraction aux dispositions de l'article 86 du traité de Rome, décision de nature à retirer toute base légale aux infractions poursuivies, que de saisir la Cour de justice de la question préjudicielle de la compatibilité du statut de la CANCAVA au regard des dispositions du traité de Rome, a prétendu se fonder sur le but d'intérêt général de la réglementation interne relative à l'assurance vieillesse sans aucunement analyser la nature et les conditions de l'activité de la CANCAVA a, en l'état de ces motifs complètement entachés d'insuffisance, privé sa décision de toute base légale " ;

Attendu que Michel D, affilié à la caisse régionale d'assurance vieillesse des artisans du Languedoc-Roussillon, ayant omis d'acquitter les cotisations d'assurance vieillesse, invalidité et décès afférentes au second semestre de 1988, a fait l'objet d'une mise en demeure de la CANCAVA ; que, faute de régularisation, celle-ci a fait ensuite citer l'artisan devant le tribunal de police, pour avoir contrevenu à la législation de sécurité sociale, sur le fondement des articles L. 263-1, L. 244-1, L. 244-5, R. 623-1 et R. 244-4 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu que, pour rejeter l'exception préjudicielle soulevée devant eux en défense, et prise de l'incompatibilité, alléguée dans une plainte au " président des Communautés européennes ", du statut de la CANCAVA avec les dispositions du Traité instituant la Communauté économique européenne, les juges relèvent que la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes est facultative, en vertu de l'article 177 du Traité précité, dès lors que, conformément à l'article 567 du Code de procédure pénale, les arrêts de cour d'appel sont susceptibles de recours en cassation ; qu'ils ajoutent que " les organismes de Sécurité sociale chargés du fonctionnement et de la gestion du régime des professions artisanales se sont vus conférer par le législateur, eu égard au but d'intérêt général et au régime exorbitant du droit commun auquel ils sont soumis, une mission de service public et un statut particulier qui ne sauraient en rien les assimiler à des entreprises soumises à la loi du marché et au principe de libre concurrence " ; que les juges en déduisent que les articles 85 et 86 dudit Traité ne sont pas applicables à la CANCAVA ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ; qu'en effet, d'une part, la plainte dont se prévalait le prévenu, sans d'ailleurs invoquer spécialement un règlement du conseil de la Communauté économique européenne, n'avait pas pour effet d'empêcher la juridiction nationale de statuer pendant la durée de la procédure éventuellement suivie devant la Commission des Communautés européennes ; que, d'autre part,la Caisse nationale chargée, en application des titres II et III du Livre VI du Code de la sécurité sociale, de la gestion du régime légal de l'assurance vieillesse des artisans, selon les principes de répartition et de solidarité nationale énoncés aux articles L. 111-1 à L. 111-4 dudit Code, n'exerce aucune activité commerciale, économique ou spéculative, et n'entre pas, dès lors, dans la catégorie des entreprises assujetties aux prescriptions des articles 85 et 86 du Traité instituant la Communauté économique européenne protégeant la liberté de la concurrence à l'intérieur du Marché commun; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi