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Décisions

TPICE, 1re ch., 10 mars 1992, n° T-12/89

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Solvay et Compagnie (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Avocat général :

M. Vesterdorf

Juges :

MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts

Avocats :

Mes Simont, Foriers, Dauwe, Coutrelis.

TPICE n° T-12/89

10 mars 1992

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (première chambre),

Les faits à l'origine du recours

1. La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.

2. Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd (appelés les "quatre grands"), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Huels et BASF AG en Allemagne et Chemie Linz AG en Autriche. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977: Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne. Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes, a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 % à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (1977-1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité soit par des pertes substantielles, en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène. Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Huels, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.

3. Solvay et Cie SA fait partie des sept nouveaux producteurs apparus en 1977 sur le marché. Sa position sur le marché du polypropylène était celle d'un producteur moyen, dont la part de marché se situait entre environ 3,1 et 4,3 %.

4. Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le marché communautaire:

- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO");

- BASF AG (ci-après "BASF");

- DSM NV (ci-après "DSM");

- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules");

- Hoechst AG (ci-après "Hoechst");

- Chemische Werke Huels (ci-après "Huels");

- Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI");

- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte");

- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell");

- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay");

- BP Chimie (ci-après "BP").

Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc, ni chez Enichem Anic SpA.

5. A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après "demandes de renseignements"), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes:

- Amoco;

- Chemie Linz AG (ci-après "Linz");

- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil");

- Petrofina SA (ci-après "Petrofina");

- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic").

Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.

6. Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu'entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou pourcentages convenus. c'est ainsi que, le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.

7. Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé qu'au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que, le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions; en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.

8. Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.

9. Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), Anic, ICI et Rhône-Poulenc (qui estimaient n'avoir pas été en mesure de préparer leur dossier).

10. Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu n'avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Huels a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.

11. c'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions, et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.

12. Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.

13. Une seconde session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985. Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.

14. Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.

15. Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant:

"Article premier

Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Huels (actuellement Huels AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co. Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co. (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant:

- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983;

- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980;

- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins;

- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins;

- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins;

- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins;

- pour BASF, DSM et Huels, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins;

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun:

a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;

b) ont fixé périodiquement des prix "cible" (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;

c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;

d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;

e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un "quota" annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés; les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:

i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT;

ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF;

iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM;

iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL;

v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR;

vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM;

vii) Huels AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM;

viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL;

ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT;

x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT;

xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR;

xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF;

xiii) Shell International Chemical Co. Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL;

xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR;

xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.

Articles 4 et 5

(omissis)"

16 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, compléments et suppressions de textes demandés par les entreprises, leur a été envoyé.

La procédure

17. C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 5 août 1986, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89, T-6-89 à T-11-89 et T-13-89 à T-15-89).

18. La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.

19. Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988").

20. En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.

21. Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.

22. Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.

23. Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.

24. Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.

25. Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.

26. Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

27. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.

28. L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.

Les conclusions des parties

29. La société Solvay conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

1) annuler la décision de la Commission du 23 avril 1986 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.149-Polypropylène);

2) subsidiairement, annuler la décision attaquée en tant qu'elle inflige une amende de 2 5OO OOO écus;

3) plus subsidiairement encore, fixer l'amende à un taux symbolique ou, à tout le moins, la réduire de manière substantielle et équitable;

4) condamner la Commission aux dépens.

La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

30. Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait omis de lui communiquer des documents sur lesquels elle a fondé la décision (1), en ce qu'elle aurait tiré une présomption de culpabilité de l'absence des responsables commerciaux de la requérante lors des auditions (2), en ce qu'elle n'aurait pas formulé dans la communication des griefs tous les griefs qu'elle a ensuite retenus dans la décision (3) et en ce que le procès- verbal définitif des auditions n'aurait été communiqué ni aux membres de la Commission ni à ceux du comité consultatif (4); en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas correctement qualifié l'infraction (A) et en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'effet restrictif sur la concurrence (B); en troisième lieu, les griefs relatifs à la motivation de la décision; en quatrième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende, qui ne serait adéquate ni à la durée (1) ni à la gravité (2) de l'infraction alléguée.

Sur les droits de la défense

1. Omission de communiquer des documents lors de la communication des griefs

31. La requérante fait valoir que, lors de la communication des griefs, la Commission ne lui a pas transmis certains documents sur lesquels elle aurait fondé la décision et qu'elle l'a ainsi mise dans l'impossibilité de s'expliquer sur leur contenu. Il s'agirait des comptes rendus de la réunion du 10 mars 1982 et de celle du 13 mai 1982 établis par un cadre d'Hercules (décision, point 15, sous b), d'un document du 6 septembre 1977 prétendument découvert chez Solvay (décision, point 16, cinquième alinéa), de deux comptes rendus de réunions internes de Shell tenues respectivement les 5 juillet et 12 septembre 1979 (décision, points 29 et 31), d'un document interne de Solvay (décision, point 32), d'un rappel de Solvay à ses bureaux de vente du 17 juillet 1981 (décision, point 35), d'une note interne d'ICI relative au "climat de fermeté" (décision, point 46), d'un document de Shell intitulé "PP W. Europe-Pricing" et "Market quality report" (décision, point 49), d'une note interne recueillie chez ATO datée du 28 septembre 1983 (décision, point 50), du compte rendu de la réunion du 10 mars 1982 établi par un cadre d'ICI (décision, point 58), d'une note non datée d'ICI destinée à préparer une réunion avec Shell prévue pour le mois de mai 1983 (décision, point 63, deuxième alinéa) et d'un document de travail relatif au premier trimestre de 1983 découvert chez Shell (décision, point 63, troisième alinéa).

32. Elle soutient que le respect des droits de la défense implique que les entreprises faisant l'objet d'une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE soient informées des griefs que la Commission formule contre elles et des pièces sur lesquelles celle-ci se fonde, du moins quand il s'agit, comme en l'espèce, de documents importants (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19).

33. La requérante ajoute que ce serait en vain que la Commission soutiendrait que les documents litigieux auraient été mis à la disposition de Solvay lors de la procédure d'accès au dossier, puisque la simple mise à la disposition des parties de très volumineux dossiers ne permettrait pas à ces dernières de faire valoir utilement leurs observations, faute de connaître les conclusions que la Commission entendrait déduire desdits documents.

34. Elle affirme, enfin, que ce vice de procédure n'est pas réparable devant le Tribunal, puisque celui-ci est chargé d'un contrôle de légalité qui doit l'amener à annuler la décision dès qu'elle est entachée d'une violation des droits de la défense.

35. La Commission affirme que la requérante lui fait grief d'une éventuelle divergence entre la décision finale et la communication des griefs, qui serait due à l'insertion, dans la décision, de références à des documents visant à parfaire l'argumentation de la Commission. Or, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, points 91 à 93, 41-69, Rec. p. 661, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, point 68, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125; ordonnance du 18 juin 1986, BAT/Commission, point 14, 142-84 et 156-84, Rec. p. 1899), la décision ne devrait pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs et la Commission pourrait soit abandonner des griefs, soit aménager et compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation sans méconnaître les droits de la défense. Selon la Commission, les documents qui figurent pour la première fois dans la décision finale sont destinés à compléter ou affiner l'argumentation développée dans la communication des griefs et à confirmer la teneur de documents communiqués.

36. Elle ajoute que la note d'ICI sur le "climat de fermeté", dont la requérante soutient qu'elle ne lui a pas été communiquée, figurait en annexe à la communication générale des griefs (communication générale des griefs, annexe 35, ci-après "gg ann.").

37. Par ailleurs, la Commission expose que les autres documents ont tous été accessibles aux entreprises dans le cadre de la procédure d'accès au dossier en juin 1984, ce qui irait au-delà des exigences que la Cour a formulées en la matière dans son arrêt du 17 janvier 1984, précité, 43-82 et 63-82, point 25. Seul le compte rendu d'ICI d'une réunion du 10 mars 1982 n'aurait pas été rendu accessible en raison d'une erreur. Mais elle soutient que ce compte rendu ne constitue pas la base d'un nouveau grief à l'encontre des entreprises, mais permet seulement d'identifier un tableau figurant en annexe à la communication générale des griefs (gg ann. 71).

38. Elle souligne, enfin, que la non-divulgation de documents ne saurait affecter la décision dans son ensemble si elle ne porte que sur des documents accessoires, ce qui serait le cas en l'espèce (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française/Commission, point 30, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825).

39. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que ce qui importe ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu'en a tirées la Commission, et que, si ces documents n'ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l'entreprise concernée a pu à juste titre estimer qu'ils n'avaient pas d'importance aux fins de l'affaire. En n'informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans la décision, la Commission l'a empêchée de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents. Il s'ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, point 27, 107-82, Rec. p. 3151, et voir, en dernier lieu, l'arrêt du 3 juillet 1991, AKZO Chemie/Commission, point 21, C- 62-86, Rec. p. I-0000).

40. En l'espèce, il y a lieu de relever que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans la lettre du 29 mars 1985 ou ceux annexés à celles-ci sans y être spécifiquement mentionnés peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire. En ce qui concerne les documents annexés aux communications des griefs, mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent être retenus dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir des communications des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer.

41. Il résulte des considérations qui précèdent que, parmi les documents cités par la requérante, seule la note interne d'ICI sur le "climat de fermeté" (décision, point 46) peut être retenue comme élément de preuve à l'encontre de la requérante, puisqu'elle est mentionnée au point 71 de la communication générale des griefs adressée à la requérante, dont elle constitue, en outre, l'annexe 35. Les autres documents cités par la requérante ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire.

42. La question de savoir si ces derniers documents constituent le support indispensable des constatations de fait que la Commission a opérées à l'encontre de la requérante dans la décision, relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de ces constatations.

2. Présomption de culpabilité tirée de l'absence des responsables commerciaux aux auditions

43. La requérante soutient, dans sa réplique, que les droits de la défense ont encore été violés par la Commission, qui aurait souligné avec insistance, dans son mémoire en défense, que les entreprises ne s'étaient pas fait représenter par les responsables de la gestion ou les agents commerciaux ayant participé aux activités incriminées lors des auditions. Ce faisant, la Commission tirerait une présomption de culpabilité de la manière dont les entreprises ont choisi d'organiser leur défense lors des auditions. Or, les entreprises seraient libres de participer ou non aux auditions et de s'y faire assister ou représenter par la personne de leur choix. La Commission ne saurait donc présumer la culpabilité d'une entreprise à partir de la manière dont elle a organisé sa défense. En outre, à aucun moment de la procédure administrative, la Commission n'aurait indiqué aux entreprises qu'elle se proposait de déduire une présomption de culpabilité de leur choix à cet égard. En fondant la décision sur ce moyen, non exprimé, sans avoir permis à Solvay de se défendre, la Commission aurait violé les droits de la défense.

44. Elle ajoute que cette violation n'étant apparue qu'à la lumière du mémoire en défense, le moyen tiré de cette violation est recevable.

45. La Commission soutient, de son côté, que ce moyen est irrecevable et, en tout état de cause, mal fondé. Il s'agirait tout d'abord d'un moyen nouveau irrecevable aux termes de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour repris à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante ne saurait, en effet, soutenir que ce moyen se fonde sur des éléments de fait ou de droit révélés pendant la procédure écrite, dans la mesure où elle savait nécessairement qu'elle ne s'était pas fait représenter par ses responsables commerciaux lors des auditions.

46. Elle affirme que, en tout état de cause, ce moyen est dépourvu de tout fondement. l'absence aux auditions des responsables commerciaux des entreprises ne constituerait pas un fondement de la décision et la Commission n'en aurait pas déduit une "présomption de culpabilité". Au contraire, elle se serait fondée sur des preuves documentaires abondantes et se serait bornée à constater dans son mémoire en défense que les entreprises - qui étaient naturellement libres de choisir leur mode de défense - s'étaient abstenues de contester ces preuves documentaires par le témoignage oral des personnes concernées.

47. Le Tribunal considère que ce moyen est recevable dans la mesure où, s'il est vrai que la requérante n'ignorait pas que ses responsables commerciaux n'avaient pas participé aux auditions, il n'en reste pas moins que c'est dans son mémoire en défense que la Commission s'est référée à ce fait pour la première fois dans le cadre de la présente procédure.

48. En ce qui concerne le fond, le Tribunal constate que la portée réelle des déclarations que la Commission a faites dans son mémoire en défense à propos de l'absence de responsables commerciaux de la requérante et d'autres entreprises lors des auditions ne va pas au-delà du constat que les requérantes n'ont pas eu recours à des témoignages oraux pour contester le contenu et la portée des preuves documentaires avancées par la Commission. Or, il convient de relever qu'en son point 70, premier alinéa, la décision a également pris acte de ce fait en indiquant que "tout en proposant diverses autres interprétations de la nature et de l'objet des réunions, les entreprises n'ont produit aucune preuve écrite ou orale susceptible de jeter un doute sur la véracité des notes d'ICI". Par conséquent, il y a lieu de souligner que le mémoire en défense de la Commission n'a fait qu'expliciter la motivation de la décision.

49. En outre, il convient de remarquer que, lors de la réunion du 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur avait invité la requérante à se doter des moyens qui lui permettraient d'avoir recours à de tels témoignages lors de l'audition.

50. Le grief de la requérante doit dès lors être rejeté.

3. Griefs nouveaux

51. La requérante reproche à la Commission d'avoir, au cours de la procédure, varié sur le point de la qualification de l'infraction et de considérer en définitive qu'il s'agit là d'une question sans intérêt. En effet, selon la requérante, l'objet de la preuve à apporter est différent dans le cas de l'accord et dans celui de la pratique concertée.

52. Elle relève que, dans la communication des griefs, la Commission a invoqué, à titre principal, l'existence d'accords et, à titre subsidiaire, l'existence de pratiques concertées. l'objet de ces accords et pratiques concertées aurait été triple: fixation et application en commun de prix de vente, fixation et application de quotas, détournement du système d'échanges de données Fides à des fins d'échanges d'informations. Lors de la réunion préparatoire aux auditions, la Commission aurait modifié sa position, expliquant qu'elle n'avait pas entendu soutenir que les prix cibles convenus avaient été appliqués sur le marché, mais qu'elle voyait une pratique concertée dans le fait que des instructions de prix parallèles auraient été adressées à leurs bureaux de vente par les entreprises en cause. Dans sa lettre du 29 mars 1985, la Commission indiquait que "la forme exacte que revêt la collusion incriminée n'a qu'une importance secondaire et que les producteurs ont participé à une entente illicite dont les éléments relèvent à la fois de l'entente et de la pratique concertée". Selon la requérante, c'est cette thèse qui allait être reprise dans la décision litigieuse. Pourtant, dans les observations qu'elle a présentées devant le Tribunal, la Commission aurait franchi un pas supplémentaire, en se fondant désormais sur une analyse erronée de la jurisprudence pour en déduire en substance que la notion de pratique concertée se confond avec la notion de concert ou de prise de contact, consistant, par exemple, en un échange d'informations.

53. La Commission conteste les allégations de la requérante relatives à de prétendues fluctuations de sa position quant aux griefs formulés à l'encontre des membres de l'entente.

54. Elle soutient que, dès la communication des griefs, elle avait indiqué que les producteurs visaient à contrôler le marché et qu'une coopération permanente et institutionnalisée à un haut niveau avait été substituée au jeu normal de la concurrence. Elle aurait ainsi allégué l'existence d'un accord global à l'intérieur duquel auraient été mis en œuvre de multiples accords et pratiques concertées, qui avaient un objet anticoncurrentiel et auxquels les membres de l'entente avaient pu participer de manière différente et avec plus ou moins d'empressement. Cette position aurait été reprise par la Commission tout au long de la procédure administrative et servirait de fondement à la décision. Ce serait encore cette même position que la Commission défend devant le Tribunal, en expliquant qu'il existait un accord central, portant sur un système de réunions régulières et institutionnalisées au cours desquelles étaient discutés les prix et les quotas, et que cet accord central était complété par des actions particulières auxquelles la requérante avait participé. Ainsi n'y aurait-il eu, en tout état de cause, aucune violation des droits de la défense.

55. Le Tribunal constate que la requérante a admis dans sa réplique (point 22) que la Commission avait repris dans la décision la thèse qu'elle avait développée dans sa lettre du 29 mars 1985. Il en déduit qu'il ne saurait être question de grief nouveau en l'espèce. En effet, la lettre du 29 mars 1985 avait pour objet de compléter la communication générale des griefs quant à la qualification juridique de l'infraction puisqu' on peut y lire:

"Par lettre datée du 28 novembre 1984, les conseils de certains producteurs de polypropylène mis en cause ont soutenu que la Commission, dans ses griefs, n'avait pas exposé clairement la position juridique contre laquelle les producteurs avaient à se défendre et qu'elle avait aggravé cette circonstance en modifiant sa position au cours de l'audition. Ce faisant, elle aurait compromis gravement les droits de la défense. Je ne puis admettre cet argument. Les griefs exposent intégralement les faits; les points de droit y sont exprimés succinctement, mais avec clarté ... Toutefois, pour lever tous les doutes qui subsisteraient et au risque de me répéter, je vous soumets ci-dessous quelques thèmes de réflexion" (suivent huit pages d'explications dont deux sont consacrées à la qualification juridique),

et cette lettre se termine dans les termes suivants:

"Il vous est loisible de présenter vos observations écrites sur les points soulevés par la présente lettre dans les six semaines de sa date de réception. Une audition orale supplémentaire est prévue à court terme en faveur de trois entreprises qui n'ont pas été en mesure de présenter leur dossier en novembre; si vous souhaitez y assister, vous auriez ainsi l'occasion de développer vos observations écrites non seulement à l'égard de ces points, mais aussi sur la lettre que je vous envoie séparément à la date d'aujourd' hui et qui traite de certains autres points de droit."

56. Il ne saurait donc être question de grief nouveau et de violation des droits de la défense.

57. Par ailleurs, il importe de souligner que le fait, à le supposer établi, que la Commission ait formulé, dans les mémoires qu'elle a présentés devant le Tribunal, des thèses allant au-delà du contenu de la décision est dépourvu de pertinence, puisque ce dont il est question, en l'espèce, c'est le contrôle de la légalité de la décision qui fait l'objet du recours.

58. Par conséquent, le grief ne peut être accueilli.

4. Non-communication du procès-verbal des auditions

59. La requérante soutient que les articles 1er et 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63") et l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 font obligation à la Commission de procéder à une audition des entreprises concernées de manière à leur permettre de faire connaître leur point de vue et à pouvoir consigner les déclarations essentielles de chaque personne entendue dans un procès-verbal qui sera ensuite soumis à l'approbation de celle-ci. En effet, les membres de la Commission et ceux du comité consultatif n'assistant pas aux auditions, ils ne pourraient avoir connaissance de l'argumentation des entreprises que par l'intermédiaire du procès-verbal. Ils devraient donc disposer du procès-verbal des auditions régulièrement approuvé pour pouvoir statuer en connaissance de cause. Or, tel n'aurait pas été le cas en l'espèce, puisque le procès-verbal définitif n'aurait été envoyé à la requérante que le 8 juillet 1986, soit plus de deux mois après l'adoption de la décision.

60. Selon la requérante, cette irrégularité entache la légalité de la décision, puisque rien ne permettrait d'exclure qu'elle aurait pu être différente si les membres des deux instances précitées avaient eu à leur disposition un procès-verbal des auditions tenant compte des corrections nombreuses apportées par Solvay à la version provisoire de ce procès-verbal en ce qui concerne son intervention lors de l'audition.

61. La Commission répond que l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63 ne précise pas le délai dans lequel l'approbation du procès-verbal par les entreprises doit intervenir ni à quelles instances les procès-verbaux provisoire et définitif doivent être présentés.

62. Elle ajoute que les modifications du projet de procès-verbal demandées par la requérante étaient insignifiantes, que la décision n'aurait pas pu être différente si le procès-verbal définitif avait été fourni aux membres du comité consultatif et à ceux de la Commission et que, dès lors, s'il y avait irrégularité de procédure, il n'y aurait pas lieu de l'examiner (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, point 26, 30-78, Rec. p. 2229).

63. En ce qui concerne le comité consultatif, la Commission fait observer que ses membres ne disposaient, certes, que du procès-verbal provisoire, mais que les États membres étaient représentés aux auditions, à l'exception de la Grèce et du Luxembourg, qui n'ont pas participé à la seconde session d'auditions. Pour les autorités des États membres, le procès-verbal ferait donc simplement office d'aide-mémoire. Peu importerait, à cet égard, que le fonctionnaire présent aux auditions ait été une autre personne que le membre du comité consultatif.

64. Les membres de la Commission, quant à eux, disposaient non seulement du procès-verbal provisoire, mais aussi des observations que les entreprises avaient faites sur ce procès-verbal.

65. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère provisoire du procès- verbal de l'audition soumis au comité consultatif et à la Commission ne pourrait constituer un vice de la procédure administrative, susceptible d'entacher d'illégalité la décision qui en constitue l'aboutissement, que si le texte en question était rédigé de manière à induire ses destinataires en erreur sur un point essentiel (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, point 17, 44-69, Rec. p. 733).

66. En ce qui concerne le procès-verbal transmis à la Commission, il y a lieu de relever que cette dernière a reçu, avec le procès-verbal provisoire, les remarques et observations faites par les entreprises sur ce procès- verbal et qu'il y a lieu, dès lors, de considérer que les membres de la Commission ont été informés de toutes les données pertinentes avant de prendre la décision.

67. En ce qui concerne le procès-verbal provisoire transmis au comité consultatif, il convient de relever que la requérante n'a pas indiqué en quoi ce procès-verbal n'aurait pas retracé les auditions de manière loyale et exacte et qu'elle s'est bornée à renvoyer globalement aux corrections qu'elle avait adressées à la Commission. Elle n'a, dès lors, pas établi en fait que le texte en question était rédigé de manière à induire les membres du comité consultatif en erreur sur un point essentiel.

68. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

Sur l'établissement de l'infraction

69. Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques.

70. Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives à la réunion d'une association professionnelle de clients, la European Association for Textile Polyolefins (ci-après "EATP"), du 22 novembre 1977 (A), au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène (B), aux initiatives de prix (C), aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix (D) et à la fixation de tonnages cibles et de quotas (E), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b) avant de les apprécier (c); il y a lieu de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits.

1. Les constatations de fait

A - La réunion de l'EATP du 22 novembre 1977

a) Acte attaqué

71. La décision (points 17, quatrième alinéa, 78, troisième alinéa, et 104, deuxième alinéa) fait grief à la requérante d'avoir déclaré, tout comme Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Rhône-Poulenc et Saga, qu'elle soutiendrait l'annonce faite par Monte, par la voie d'un article paru le 18 novembre 1977 dans la presse spécialisée (European Chemical News, ci-après "ECN"), de son intention de porter le prix du raphia à 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre. Lors de la réunion de l'EATP, tenue le 22 novembre 1977, les différentes déclarations à cet égard, telles qu'elles ressortent du compte rendu, indiqueraient que le prix de 1,30 DM/kg fixé par Monte avait été adopté par les autres producteurs comme "objectif" pour le secteur tout entier.

72. Selon la décision (point 16, premier et deuxième alinéas), cette déclaration de soutien s'inscrivait dans la perspective de discussions entamées entre les producteurs pour éviter une chute brutale des prix du polypropylène et les pertes qui s'ensuivraient, discussions dans le cadre desquelles les principaux producteurs, Monte, Hoechst, ICI et Shell, auraient pris l'initiative d'un "accord sur les prix planchers", qui devait entrer en vigueur le 1er août 1977 et dont les modalités auraient été communiquées aux autres producteurs, et notamment à Hercules.

73. La décision (point 16, cinquième et sixième alinéas) expose, en outre, qu'ICI et Shell admettent avoir eu des contacts avec d'autres producteurs pour étudier les moyens de juguler la chute des prix. Toutefois, la Commission reconnaît qu'elle n'a pas été en mesure d'établir l'identité des producteurs impliqués dans les discussions à ce moment, autres que les "quatre grands" (Hoechst, ICI, Monte et Shell), Hercules et Solvay, ni d'obtenir des détails quant au fonctionnement de l'"accord sur les prix planchers".

74. La décision (point 17, premier alinéa) affirme encore que c'est à peu près au moment de l'annonce par Monte de son intention d'augmenter ses prix qu'a débuté le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène. Elle relève, toutefois, qu'ICI admet que les producteurs maintenaient déjà des contacts entre eux auparavant, probablement par téléphone, lorsque la nécessité s'en faisait sentir.

b) Arguments des parties

75. La requérante soutient qu'elle n'a jamais ni participé ni soutenu en aucune manière l'accord sur les prix planchers, comme lui en fait grief la Commission dans sa lettre du 29 mars 1985. Elle relève que si une tentative en ce sens a eu lieu à l'initiative de "quatre grands", c'était dans le but de limiter pour les producteurs en place les conséquences de l'arrivée sur le marché de nouveaux producteurs comme Solvay. En réalité, la requérante n'avait aucun intérêt à suivre une hausse de prix, puisqu' elle avait pour seul objectif, à l'époque, de saturer ses capacités de production.

76. Elle expose que ces affirmations ne sont pas contredites par les déclarations faites le 22 novembre 1977 par son représentant à la réunion de l'EATP, association de consommateurs. Lors de l'évocation du problème des prix du polypropylène, celui-ci se serait plaint de l'effondrement des prix, aussi peu favorable, à son avis, aux producteurs qu'aux consommateurs. Ni le procès-verbal de cette réunion ni aucun autre document ne permettraient d'établir la participation de Solvay à une quelconque initiative ayant pour objet de fixer le prix à 1,30 DM/kg pour le 1er décembre 1977. l'exposé du représentant de Solvay s'inscrirait parfaitement dans le cadre de la politique de bluff et de double jeu menée aux réunions par la requérante qui avait intérêt à voir les autres producteurs rehausser leurs prix pour pouvoir pénétrer sur le marché plus rapidement.

77. La requérante relève dans sa réplique les hésitations dont la Commission fait preuve dans son mémoire en défense, dans lequel on peut lire: "Il se peut" que les autres producteurs (parmi lesquels Solvay) se soient joints à cet accord.

78. La Commission, quant à elle, répond que l'entente avait pour but de canaliser, par une voie concertée, l'entrée sur le marché de nouveaux producteurs en conciliant leurs intérêts avec ceux des producteurs en place, les uns désirant acquérir une part de marché, les autres voulant maintenir la leur, dans un contexte où les prix étaient nettement en dessous du "break-even point", comme le montraient les déclarations faites par la requérante lors de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977, c'est-à-dire devant les clients.

79. La Commission relève que ces déclarations doivent être situées dans la perspective de l'accord central sur les prix planchers conclu au milieu de l'année 1977 entre les quatre principaux producteurs: Monte, Hoechst, ICI et Shell (gg ann. 2). A la suite de cet accord, une initiative aurait été mise en œuvre en novembre 1977 et au moins cinq autres producteurs (Rhône-Poulenc, Hercules, Linz, Saga et Solvay) s'y seraient joints en faisant état de leur soutien à cette initiative lors de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 (gg ann. 6). Il n'a cependant pas été possible d'établir s'ils sont devenus parties à l'accord central ou s'ils ont agi seulement dans le cadre d'une pratique concertée. Une discussion sur les prix aurait eu lieu entre Shell et Solvay lors d'une réunion du 30 août 1977.

c) Appréciation du Tribunal

80. Le Tribunal constate, à titre liminaire, que la Commission ne dispose d'aucune preuve directe de l'existence de contacts entre Solvay et d'autres producteurs avant la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977, puisqu' elle ne peut opposer à la requérante le compte rendu, daté du 6 septembre 1977, de la réunion qui se serait tenue entre Shell et Solvay le 30 août 1977, ce document n'ayant pas été valablement communiqué à la requérante. Par conséquent, il y a lieu de faire abstraction de tels contacts afin d'examiner les déclarations faites par la requérante au cours de cette réunion de l'EATP.

81. A cet égard, il convient de relever que les déclarations faites par la requérante lors de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 (gg ann. 6) constituent, d'une part, l'expression d'un soutien global à la politique d'augmentation des prix amorcée par Monte et, d'autre part, une indication précise, destinée à ses concurrents, sur le comportement qu'elle était décidée à adopter sur le marché. En effet, on peut lire dans le compte rendu de ces déclarations, ce qui suit:

"On the subject of sale price, Solvay associates itself with the opinion expressed by the other producers ... Solvay will fall into line with the prices already quoted by the main producers. The level of these prices still does not seem at all sufficient to ensure a normal profitability for the PP manufacturers."

("En ce qui concerne le prix de vente, Solvay s'associe à l'opinion exprimée par les autres producteurs ... Solvay s'alignera sur les prix déjà appliqués par les principaux producteurs. Le niveau de ces prix ne paraît toujours pas suffisant du tout pour assurer une rentabilité normale aux fabricants de PP.")

Ces constatations sont corroborées par le compte rendu de la réunion suivante de l'EATP, du 26 mai 1978 (gg ann. 7), dans lequel sont relatées les appréciations faites par les différents producteurs sur les résultats obtenus sur le marché à la suite de la réunion du 22 novembre 1977, la requérante ayant déclaré que:

"Re-reading the Minutes of the last meeting which was held in Paris on 22nd November, 1977, everyone knew that the polypropylene price situation in Europe was absolutely catastrophic. Today, six months later, we can confirm that the situation has improved slightly, even if the price levels have not reached the desired level."

("A la relecture des minutes de la dernière réunion, qui a eu lieu à Paris le 22 novembre 1977, chacun a pu constater que la situation des prix du polypropylène en Europe était absolument catastrophique. Aujourd' hui, six mois plus tard, nous sommes en mesure de confirmer que la situation s'est légèrement améliorée, même si les prix n'ont pas encore atteint le niveau souhaité.")

82. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a exprimé en présence de ses concurrents un soutien global à la politique d'augmentation des prix amorcée par Monte (décision, points 17, quatrième alinéa, première phrase, et 78, troisième alinéa, deuxième phrase) et qu'elle leur a donné une indication précise sur le comportement qu'elle était décidée à adopter sur le marché.

B - Le système des réunions périodiques

a) Acte attaqué

83. Selon la décision (point 18, premier alinéa), six réunions au moins ont eu lieu au cours de 1978 entre de hauts dirigeants chargés de la direction du secteur polypropylène de certains producteurs ("patrons"). Ce système aurait bientôt été complété par des réunions d'un niveau moins élevé entre des cadres plus spécialisés en marketing ("experts", référence est faite à la réponse d'ICI à la demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, gg ann. 8). La décision reproche à la requérante d'avoir assisté régulièrement à ces réunions jusqu' à la fin septembre 1983 au moins (point 105, quatrième alinéa).

84. La décision (point 21) affirme que ces réunions périodiques de producteurs de polypropylène avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.

b) Arguments des parties

85. La requérante admet avoir participé aux réunions de "patrons" et d'"experts" assez régulièrement, mais elle soutient que la Commission ne saurait en déduire que Solvay a conclu des accords anticoncurrentiels. Elle invoque à cet égard deux arguments relatifs, d'une part, à la nature de sa participation aux réunions et, d'autre part, aux intérêts divergents des différents producteurs qui auraient empêché tout accord sur les prix ou sur les quotas.

86. En l'espèce, elle souligne qu'il n'était pas possible à la Commission de déduire l'existence d'une volonté de s'obliger dans le chef des participants aux réunions, du seul fait qu'ils auraient exprimé leur accord, sans examiner les intérêts et la situation particulière de chacune des entreprises. En réalité, Solvay aurait participé aux réunions non pour souscrire un quelconque engagement, mais uniquement pour recueillir des informations techniques et commerciales dont elle ne disposait pas en tant que nouvelle venue sur le marché et qui étaient nécessaires à son développement futur. Afin de pouvoir continuer à participer aux réunions sans s'engager, Solvay aurait mené un double jeu et aurait fourni des informations inexactes aux autres entreprises.

87. La requérante ajoute que son comportement sur le marché n'a pas été conforme aux résultats des réunions, comme ses concurrents l'auraient constaté à de nombreuses reprises lors des réunions, notamment au cours de la réunion du 15 juin 1981 à laquelle elle ne participait pas (gg ann. 64). c'est pourquoi lorsqu' en 1982 Solvay était parvenue à saturer ses capacités de production, les informations lui seraient devenues inutiles et elle aurait proposé de mettre un terme aux réunions de producteurs lors de la réunion du 13 mai 1982 (gg ann. 24).

88. Par ailleurs, elle expose que l'absence d'engagement résulte des divergences d'intérêts majeures qui existaient entre les producteurs. Les nouveaux venus auraient eu pour objectif de saturer rapidement leur capacité de production en menant une politique de prix agressive, tandis que les producteurs en place souhaitaient conserver leur part de marché. Ces divergences d'intérêts auraient rendu impossible la conclusion d'un véritable accord général entre tous les producteurs. Elle n'exclut cependant pas que les "quatre grands" aient tenté de conclure un accord en vue de maintenir leur part de marché.

89. La Commission souligne, de son côté, que lorsque l'existence d'une entente est établie par un ensemble de preuves, comme ce serait le cas en l'espèce, l'argument tiré de l'absence d'intention de l'une ou l'autre partie à l'entente de s'engager serait inopérant pour renverser les preuves de l'existence de l'entente.

90. Elle relève qu'il ne faut pas confondre non plus l'objet de l'accord global, qui était de restreindre la concurrence, avec l'intention de l'une ou l'autre entreprise au cours de telle ou telle réunion. Cette intention n'aurait pas à entrer en ligne de compte pour déterminer la participation de l'entreprise à l'accord global, ladite participation étant matérialisée par la présence aux réunions lors desquelles les prix cibles et les quotas cibles étaient fixés. Ainsi, le cas individuel de chacune des entreprises ne saurait être détaché du contexte global, puisque l'entente dans le secteur du polypropylène aurait constitué un ensemble, auquel les entreprises auraient, chacune en ce qui la concerne, participé d'une manière particulière en fonction de sa propre situation et de ses propres intérêts.

91. La Commission fait observer que des discussions portant sur les paramètres-clés de la concurrence, notamment sur le niveau que devait atteindre le prix de vente et sur la répartition de quotas de vente, n'ont rien à voir avec celles permettant à une entreprise nouvelle venue de se familiariser avec le fonctionnement d'un marché qu'elle ne connaît pas encore bien. Ce ne serait pas parce qu'elle n'avait plus besoin de recueillir des informations que Solvay a suggéré, en mai 1982 (gg ann. 24), d'abandonner le système de réunions, mais plutôt parce qu'elle considérait que l'entente de prix avait perdu sa raison d'être en raison du rétablissement du niveau des prix résultant du rééquilibrage de l'offre et de la demande. d'ailleurs, la Commission fait remarquer que les autres producteurs n'ont pas partagé son point de vue et que tous, y compris la requérante, se sont mis d'accord pour profiter de cette situation pour réaliser une nouvelle hausse de prix.

92. Elle rappelle que l'objet des réunions était de concilier les intérêts divergents des producteurs. En effet, les participants à l'entente sont tous des concurrents les uns des autres qui ont estimé, à un moment donné, qu'ils avaient intérêt à participer à l'entente. Cela n'exclurait aucunement que de temps en temps l'un ou l'autre ait ressenti des "réserves mentales" ou mené un double jeu, mais sans jamais l'exprimer. En revanche, le bon sens dicterait à la Commission d'interpréter les termes ou les phrases figurant dans les comptes rendus comme impliquant ce qu'ils disent en fait, à savoir que des accords ont été conclus lors des réunions. Solvay n'aurait pas été un simple observateur. Du reste, il ne serait pas durablement possible qu'au sein des réunions aient cohabité des producteurs prêts à s'engager dans des accords et d'autres qui se seraient murés dans un silence obstiné et auraient fait preuve d'un intérêt malsain pour ces négociations. La Commission conclut que la requérante ne s'est pas cantonnée dans un rôle de simple observateur, mais qu'elle s'est engagée comme les autres participants.

c) Appréciation du Tribunal

93. Le Tribunal constate que, dans sa requête, la requérante a admis "avoir participé (' à partir de 1978' ) assez régulièrement à des réunions de l'ensemble des producteurs européens de polypropylène. Ces réunions, présidées par Monte puis par ICI, ont été l'occasion d'échanges d'informations techniques et commerciales. A l'initiative des producteurs en place, des discussions intervinrent sur la mise sur pied d'une politique commune de prix et, à certaines époques, sur l'élaboration d'un système de quotas de vente. On peut penser à cet égard que les producteurs établis sur le marché tentaient d'arriver à un accord pour maintenir leurs parts de marché".

94. Il y a lieu de relever que cette déclaration est confirmée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (gg ann. 8), qui classe la requérante, à la différence de deux autres producteurs, parmi les participants réguliers aux réunions de "patrons" et d'"experts".

95. Le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a estimé, sur la base des éléments qui ont été fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements et qui ont été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions, que l'objet des réunions était, notamment, de fixer des objectifs de prix, d'une part, et de volumes de vente, d'autre part. En effet, on peut lire dans cette réponse les passages suivants:

"Generally speaking however, the concept of recommending 'Target Prices' was developed during the early meetings which took place in 1978"; "' Target prices' for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule ...";

ainsi que:

"A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings".

("En général, l'idée de recommander des 'prix cibles' a été élaborée pendant les premières réunions, qui ont eu lieu en 1978"; "Les 'prix cibles' qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe ...")

ainsi que:

("Un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors des réunions.")

96. De surcroît, faisant état de l'organisation, en plus des réunions de "patrons", de réunions d'"experts" en marketing à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, la réponse d'ICI à la demande de renseignements révèle que les discussions relatives à la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente se faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors que, en 1978, les "patrons" s'étaient bornés à développer le concept même des prix cibles.

97. Outre les passages précédents, on peut lire l'extrait suivant dans la réponse d'ICI à la demande de renseignements: "Only 'Bosses' and 'Experts' meetings came to be held on a monthly basis" ("Seules les réunions de 'patrons' et d''experts' avaient lieu sur une base mensuelle"). c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de cette réponse ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.

98. Face à ces éléments, la requérante prétend que sa participation aux réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, étant donné que, comme nouvelle venue sur le marché, elle avait besoin de recueillir des informations afin d'acquérir une part de ce marché. A cet égard, il convient d'observer que, dès lors qu'il est établi que la requérante a pris part à ces réunions et que celles-ci avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, la requérante a donné à ses concurrents, à tout le moins, l'impression qu'elle y participait dans la même optique qu'eux.

99. Dans ces conditions, c'est à la requérante qu'il appartient d'avancer des indices de nature à établir que sa participation aux réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur.

100. A cet égard, il convient de relever que les arguments de la requérante, tirés de son comportement sur le marché et destinés à établir que sa participation aux réunions aurait eu pour seul but de lui permettre de s'informer de l'évolution prévisible du marché, ne constituent pas des indices de nature à prouver l'absence chez elle d'esprit anticoncurrentiel, dans la mesure où la requérante n'avance aucun élément susceptible d'établir qu'elle avait informé ses concurrents que son comportement sur le marché serait indépendant du contenu des réunions. A supposer même que ses concurrents en aient été informés, le seul fait d'échanger avec ceux-ci des informations qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires suffit à manifester l'existence chez elle d'un esprit anticoncurrentiel.

101. Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre 1978 et septembre 1983, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, qu'elles s'inscrivaient dans un système et que la participation de la requérante à ces réunions n'a pas été dépourvue d'esprit anticoncurrentiel.

C - Les initiatives de prix

a) Acte attaqué

102. Selon la décision (points 28 à 51), six initiatives de prix, s'inscrivant dans un système de fixation d'objectifs de prix, ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983.

103. En ce qui concerne la première de ces initiatives de prix, la décision (point 29) concède ne posséder aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait cependant qu'une initiative était prévue sur la base d'un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM/kg à partir du 1er juillet et de 2,05 DM/kg à partir du 1er septembre. La Commission disposerait des instructions de prix de certains producteurs, dont il ressortirait que ces producteurs avaient donné ordre à leurs bureaux de vente d'appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre, et ce, pour la plupart d'entre eux, avant que la presse spécialisée n'ait annoncé la hausse prévue (décision, point 30).

104. Toutefois, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, de reporter la date prévue pour atteindre la cible de plusieurs mois, soit au 1er décembre 1979, le nouveau plan consistant à "maintenir" pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg (décision, point 31, deux premiers alinéas).

105. Quant à la deuxième initiative de prix, la décision (point 32), si elle admet qu'aucun compte rendu des réunions de 1980 n'a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunis au moins sept fois au cours de cette année (référence est faite au tableau 3 de la décision). Au début de l'année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980. On aurait constaté cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ. Les instructions de prix envoyées par certains producteurs (DSM, Hoechst, Linz, Monte et Saga, outre ICI) indiqueraient que, pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980-janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le raphia, 1,70 DM/kg pour l'homopolymère et 1,95 à 2,00 DM/kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les "prix réalisés" pour octobre et novembre 1980 avec les "prix de liste" pour janvier 1981, qui s'établiraient à 1,50/1,70/2,00 DM. Initialement, il aurait été prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 - une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre - mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981.

106. La décision (point 33) relève la participation de Solvay aux deux réunions de janvier 1981 au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases: l'objectif reste fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2,00 DM/kg sera introduit à partir du 1er mars "sans exception". Un tableau des prix cibles de six grandes qualités aurait été élaboré dans six monnaies nationales. Sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981. Les documents recueillis auprès de différents producteurs démontreraient notamment qu'ils ont pris des mesures en vue d'introduire les prix cibles fixés pour février et mars.

107. Selon la décision (point 34), le projet de relever les prix à 2,00 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars. Une réunion d'"experts" se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, dont il ne subsiste aucun compte rendu, mais immédiatement après au moins BASF, DSM, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix "de liste") à un niveau équivalent à 2,15 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er mai. Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres. Certains des producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'appliquer des prix "minimaux" ou des "minima absolus" quelque peu inférieurs aux objectifs convenus. Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais, bien que la hausse au 1er mai ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti. Vers le milieu de l'année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser le niveau des prix, soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.

108. En ce qui concerne la troisième initiative de prix, la décision affirme (point 35) qu'en juin 1981 Shell et ICI auraient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre/octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement. Shell, ICI et Monte se seraient rencontrées le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché. Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell auraient donné toutes deux instruction à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia. Solvay aurait rappelé également à son bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet (fait significatif, une réunion d'"experts" aurait été prévue pour le 28 juillet 1981). Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/kg en septembre 1981 aurait été revu (probablement à cette réunion); le niveau pour août aurait été ramené à 2,00 DM/kg pour le raphia. Celui de septembre aurait dû être de 2,20 DM/kg. Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 (c' est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) citerait ces prix, qualifiés d'"officiels" pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l'information. De nouvelles réunions auraient eu lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981. A la suite de ces sessions, les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 DM/kg pour le 1er octobre. BASF, DSM, Hoechst, ICI, Monte et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre.

109. Selon la décision (point 36), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et octobre 1981 le relèvement à un "prix de base" de 2,20 à 2,30 DM/kg pour le raphia. Un document de Shell indiquerait qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, aurait été discutée, mais qu'il y aurait été renoncé par la suite. Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l'initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2,00 à 2,10 DM/kg pour le raphia. Une note d'Hercules montrerait qu'en décembre 1981 la cible de 2,30 DM/kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais ajouterait que "grâce à la détermination de tous, les prix auraient atteint DM 2,05/kg, soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic !)". A la fin de l'année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, soit quelque 20 pfennigs de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elles auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé "sain".

110. La quatrième initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d'un retour du marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé Solvay et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (2,00 DM/kg pour le raphia, décision, points 37 à 39, premier alinéa).

111. La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant d'ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix cibles définis lors de la réunion (décision, point 39, deuxième alinéa). Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'auraient pu annoncer que des hausses modestes.

112. Selon la décision (point 40), la requérante aurait également participé à la cinquième initiative de prix de septembre-novembre 1982, décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982, visant à atteindre un prix de 2,00 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre, dans la mesure où elle aurait été présente à la plupart, sinon à toutes les réunions tenues entre juillet et novembre 1982 au cours desquelles cette initiative a été organisée et contrôlée (décision, point 45). Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2 septembre 1982 (décision, point 41).

113. A la suite des réunions du 20 août et du 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).

114. Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, un examen de mesures prises pour atteindre l'objectif fixé précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg pour novembre-décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.

115. A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).

116. ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Saga auraient fourni à la Commission des instructions de prix adressées à leurs bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais aussi avec le tableau de prix cibles joint au compte rendu d'ICI de la réunion d'"experts" du 2 septembre 1982 (gg ann. 29, décision, point 45, deuxième alinéa).

117. La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.

118. d'après la décision (point 47), la requérante aurait, enfin, participé à la sixième initiative de prix de juillet à novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforceraient d'appliquer un prix cible de 2,00 DM/kg en juin 1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM/kg). Ensuite, lors d'une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents, parmi lesquels n'aurait pas figuré la requérante, auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM/kg. A cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l'initiative publiquement dans une revue professionnelle spécialisée, European Chemical News (ci-après "ECN").

119. La décision (point 49) relève que, après la réunion du 20 mai 1983, ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO et Petrofina ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour le raphia. Elle ajoute que Solvay a également avisé ses bureaux de vente de la hausse avec un certain retard sur les autres producteurs; dans un document interne daté du 26 juillet, elle indique néanmoins, par pays, des prix minimaux applicables immédiatement; ces prix sont conformes à l'objectif de 1,85 DM/kg pour le raphia; le document cite également les nouveaux minima applicables à partir du 1er septembre, basés sur 2,00 DM comme convenu par les producteurs. La décision conclut qu'il est ainsi démontré qu'à l'exception de Huels, pour qui la Commission n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.

120. La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août et 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont pris part. A la fin juillet et au début août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2,00 DM/kg pour le raphia, tandis qu'une note interne de Shell du 11 août relative à ses prix au Royaume-Uni indique que sa filiale au Royaume-Uni travaillait à "promouvoir" des prix de base applicables au 1er septembre conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell donnait instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu' à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exceptions mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.

121. Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que BASF, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs.

122. La décision (point 51, deuxième et troisième alinéas) relève qu'ATO et Petrofina ont assisté à toutes les réunions en cause, mais qu'elles affirment que toute instruction interne qui aurait été donnée pour la période couvrant l'initiative de prix de juillet-novembre 1983 l'a été verbalement. Toutefois, une note interne recueillie chez ATO, et datée du 28 septembre 1983, comporterait un tableau intitulé "Rappel du prix de cota (sic)", donnant pour différents pays les prix applicables pour septembre et octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de BASF, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay. Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.

123. Selon la décision (point 105, quatrième alinéa), quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu' en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu' à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données.

124. La décision conclut (point 51, dernier alinéa) en relevant qu'à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 DM à 2,15 DM/kg (pour un objectif cité de 2,25 DM/kg).

b) Arguments des parties

125. La requérante répète que l'on ne peut déduire sa participation à des accords de prix de sa participation aux réunions de producteurs et rappelle qu'elle n'a participé aux réunions que pour recueillir des informations, qu'elle a mené un double jeu et que son comportement sur le marché n'était pas conforme au résultat des réunions. Ce comportement aurait valu à Solvay le qualificatif de "permanent trouble maker" ("fauteur de troubles permanent") en juin 1981 (gg ann. 64), tandis que Shell aurait souligné en décembre 1981 (ann. 3, réponse Solvay, communication des griefs) et en février 1982 (ann. 2, réponse Solvay, communication des griefs) le caractère agressif de la politique de prix de Solvay. ATO aurait souligné en février 1983 que Solvay s'était un peu assagie (ann. 2 bis, réponse Solvay, communication des griefs). Hoechst aurait fait de même en février 1982 (ann. 4, réponse Solvay, communication des griefs) ainsi qu'ICI en décembre 1982 (gg ann. 35). La requérante conclut que sa participation aux réunions était dépourvue de volonté réelle de s'aligner sur les prix de ses concurrents. Les seuls autres éléments cités par la Commission pour démontrer que Solvay avait l'intention de s'engager concerneraient deux réunions isolées du 2 septembre 1982 (gg ann. 29) et du 1er juin 1983 (gg ann. 40). Or, ils ne seraient pas pertinents, puisque la Commission reprocherait à Solvay d'avoir été partie à un accord général depuis 1977 et méconnaîtraient le fait que Solvay n'assistait pas à la réunion du 1er juin 1983.

126. Elle rappelle que les divergences d'intérêts entre les producteurs établis sur le marché avant 1977 et les nouveaux venus, comme la requérante, rendaient impossible la conclusion d'accords sur les prix, les uns voulant conserver leur part de marché tout en pratiquant une politique de prix élevés, les autres voulant acquérir une part de marché croissante au moyen d'une politique de prix agressive.

127. La requérante ajoute encore que le raisonnement plus détaillé figurant dans la décision à propos des initiatives de prix ne serait pas non plus pertinent pour apprécier la situation de la requérante. Il reposerait en effet sur une pétition de principe, à savoir qu'au départ il y avait un accord général, même s'il n'était pas toujours exécuté. Or, selon Solvay, la question était précisément de savoir, d'abord s'il y avait accord, ensuite si cet accord liait chacune des entreprises.

128. Pour les initiatives de 1981, la requérante explique que les prix qu'elle a pratiqués sur le marché différaient sensiblement des prix cibles et que cela prouve qu'elle n'a pas participé aux initiatives de cette année.

129. Pour les initiatives de 1982, elle expose que l'évolution divergente des prix cibles et des prix pratiqués par Solvay sur le marché montre clairement que les premiers n'ont exercé aucune influence sur les seconds. La note sur laquelle se fonde la Commission ne serait en rien probante (gg ann. 78), car, s'il est vrai que l'on peut y lire que Solvay revendiquait un quota plus élevé pour compenser le désavantage qu'elle aurait subi à cause de sa politique de prix ferme, les motifs de cette revendication relèveraient plus du "bluff" que de la réalité.

130. Pour les initiatives de 1983, la requérante explique que ses instructions de prix pour juillet étaient postérieures à l'annonce d'une augmentation des prix parue dans ECN le 13 juin 1983 (gg ann. 41). Par conséquent, elle n'aurait fait que suivre, avec retard, une initiative annoncée publiquement résultant de l'amélioration de l'état du marché. En outre, elle souligne qu'elle était absente à la réunion du 1er juin durant laquelle, selon la Commission, le prix cible aurait été défini. Pour l'initiative d'octobre 1983, le scénario serait le même.

131. Elle conclut que, dans la décision, la Commission a procédé par généralisation en étendant à tous les producteurs des griefs qui n'étaient peut-être fondés que pour certains d'entre eux.

132. La Commission répond que, pour les différentes initiatives de prix, la participation de Solvay à la fixation de prix cibles est établie par la participation régulière de cette entreprise aux réunions lors desquelles ces prix étaient convenus.

133. Elle fait valoir que, si Solvay a été qualifiée de "fauteur de troubles", c'est en une seule occasion très précise, lors d'une réunion de juin 1981 (gg ann. 64), lorsque le marché était très déséquilibré et que Solvay, profitant de l'absence d'accord de quotas pour l'année 1981, avait doublé sa capacité de production et avait cherché à vendre le maximum de sa production à des prix temporairement plus bas que les prix cibles. Ce comportement ne serait pas représentatif de l'ensemble de la période.

134. De l'avis de la Commission, la fixation temporairement perturbatrice de prix, la présence de "réserves mentales" non exprimées, l'absence occasionnelle de la détermination requise pour résister aux clients et ne pas leur concéder des prix inférieurs seraient autant de traits typiques propres à une entente de prix qui opère dans un marché réel et qui, par conséquent, subit constamment certaines pressions de l'intérieur (les participants) et de l'extérieur (les clients).

135. En ce qui concerne la mise en œuvre de ces accords sous la forme d'initiatives de prix, la Commission précise pour 1981 qu'en l'absence d'accord de quotas il n'est pas étonnant que Solvay ait pu mener une politique de prix agressive, peut-être en vue d'obtenir ultérieurement un supplément de quotas. Bien qu'ayant moins bien fonctionné cette année, l'entente n'aurait pas pour autant cessé d'exister. Quoi qu'il en soit, la participation de Solvay aux initiatives de prix serait démontrée par sa participation aux réunions pour lesquelles on dispose de comptes rendus, comme celles de janvier 1981 (gg ann. 17), ainsi que par deux notes internes de Solvay indiquant qu'elle comparait ses prix avec les prix cibles et que le 17 juillet 1981 elle savait qu'une hausse, dont le montant restait à déterminer, devait intervenir en septembre.

136. Pour 1982, elle relève que Solvay avoue avoir participé aux négociations sur les prix. Elle aurait continué à participer aux discussions, même si elle a exprimé des doutes quant à leur utilité (gg ann. 24). Elle aurait, en réalité, apporté un ferme soutien aux initiatives de prix, comme l'indiqueraient, d'une part, un compte rendu de réunion (gg ann. 32) soulignant la fermeté dont Solvay aurait fait preuve en Belgique et, d'autre part, la proposition de quota que Solvay aurait faite pour 1983 et dans laquelle elle soulignerait elle-même sa fermeté sur les prix (gg ann. 78).

137. Pour 1983, la Commission dispose des instructions de prix données par Solvay à ses services de vente (annexes 4 et 5 à la communication spécifique des griefs adressée à Solvay, ci-après "g. Sol."). Ces instructions correspondraient aux objectifs de prix convenus par les producteurs (gg ann. 40 et 42 à 52). Les prix cibles auraient été fixés lors de réunions auxquelles Solvay participait (gg ann. 37 et 38), même s'il est vrai qu'elle était absente à la réunion ultérieure où ces prix auraient été simplement "reaffirmed" ("confirmés", gg ann. 40). s'ils ont été publiés dans la presse spécialisée, ce serait en vertu d'une décision adoptée lors d'une réunion de l'entente.

138. Elle estime qu'il y avait un lien entre les prix cibles mis en œuvre sous la forme d'instructions adressées aux services commerciaux et les prix cibles discutés lors des réunions. La thèse selon laquelle il s'agirait d'une simple coïncidence (les instructions de prix résultant de décisions prises individuellement par les producteurs) serait peu crédible et ne serait pas confirmée par les pièces du dossier.

139. La Commission soutient que, à la supposer établie, la différence entre les instructions de prix et les prix obtenus sur le marché est sans incidence sur l'existence de l'infraction, l'article 85 du traité CEE interdisant les ententes ayant pour objet, et non pas nécessairement pour effet, de fausser le jeu de la concurrence. Toutefois, la Commission affirme que les prix cibles servaient de base aux négociations avec les clients et que les prix obtenus ont suivi une évolution parallèle à celle des prix cibles. La Commission reconnaît, comme elle l'avait fait dans la décision (point 74), que les prix cibles n'ont pas toujours été obtenus - encore que l'écart entre les prix cibles et les prix obtenus soit exagéré par la requérante.

140. La Commission ajoute qu'elle était en droit de considérer que les instructions de prix, même internes aux entreprises, participaient de la mise en œuvre des initiatives de prix, puisque leur contenu correspondait aux orientations résultant des réunions de l'entente et qu'il s'agissait d'instructions aux bureaux de vente.

c) Appréciation du Tribunal

141. Le Tribunal constate que les comptes rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (gg ann. 24):

"everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise through before the holidays + after some debate settled on DM 2.00 from 1st June (UK 14th June). Individual country figures are shown in the attached table".

(("tout le monde pensait qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances + fixation (après débat) à 2 DM à partir du 1er juin (14 juin pour le Royaume-Uni). Les chiffres par pays sont indiqués dans le tableau joint")).

142. Il y a lieu de relever que, confrontée à ces comptes rendus de réunions, la requérante prétend que des divergences d'intérêts entre les producteurs auraient rendu impossible la mise sur pied d'actions en matière de prix. A cet égard, il importe d'observer que, si les producteurs avaient certes des intérêts divergents sur certains points, ils avaient un intérêt commun à voir le niveau général des prix augmenter. En effet, les producteurs établis pouvaient ainsi améliorer leur rendement, tandis que les nouveaux venus pouvaient réaliser leurs ambitions en termes de volumes de vente à un moindre coût. Par conséquent, les intérêts divergents des différents producteurs ne faisaient pas obstacle à la mise sur pied d'initiatives de prix destinées à rehausser le niveau général des prix.

143. Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles les initiatives de prix ont été convenues, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. En effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions.

144. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante s'est référée à deux arguments tendant à démontrer, en général, qu'elle n'aurait pas souscrit aux initiatives de prix convenues lors des réunions périodiques de producteurs de polypropylène. Elle a exposé, en premier lieu, que sa participation aux réunions était dépourvue d'esprit anticoncurrentiel et, en second lieu, qu'elle n'a aucunement tenu compte des résultats des réunions pour déterminer sa politique de prix sur le marché, comme l'attesteraient les différences importantes observées entre les prix prétendument convenus lors des réunions et les prix qu'elle a pratiqués sur le marché.

145. Aucun de ces deux arguments ne peut être retenu comme indice susceptible de corroborer l'affirmation de la requérante selon laquelle elle n'aurait pas souscrit aux initiatives de prix convenues. En effet, le Tribunal rappelle que la Commission a établi à suffisance de droit que la participation de la requérante aux réunions n'a pas été dépourvue d'esprit anticoncurrentiel, de sorte que le premier argument exposé par la requérante ne peut trouver de fondement dans les faits.

146. En ce qui concerne le second argument, il convient d'observer tout d'abord que, même s'il était étayé en fait, il ne serait pas de nature à infirmer la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix lors des réunions, mais tendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas mis en œuvre le résultat de ces réunions. La décision n'affirme d'ailleurs nullement que la requérante a pratiqué des prix correspondant toujours aux objectifs de prix convenus lors des réunions, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs de prix.

147. Le Tribunal constate que la seule initiative de prix pour laquelle la requérante avance d'autres arguments que ceux qui précèdent est celle de juillet-novembre 1983. A cet égard, elle fait valoir qu'elle n'a pas participé à la réunion du 1er juin 1983, durant laquelle cette initiative aurait été décidée, et que ses instructions de prix étaient postérieures à l'annonce d'augmentations de prix par la presse spécialisée.

148. Il convient de souligner, en premier lieu, que l'initiative de prix de juillet 1983 n'a pas été décidée lors de la réunion du 1er juin 1983, à laquelle ne participait pas la requérante, mais lors d'une réunion antérieure tenue le 20 mai 1983, à laquelle participait bien la requérante. En effet, il résulte du compte rendu d'une réunion des "quatre grands" tenue le 19 mai (gg ann. 101) que ceux-ci allaient proposer une initiative lors de la réunion de "patrons" qui devait se tenir le lendemain, puisqu' on peut y lire:

"19 May: Big 4 premeeting: S. Hoechst, Z. M.p., L. Shell, D.WSBH.ER. ICI. 3 German collectively: determined move ... July - MP + ICI commited. L. in principle only. DSM + Solvay essential 20 May proposal."

("19 mai: préréunion des 4 grands: S. Hoechst, Z. M.p., L. Shell, D.WSBH.ER. ICI. 3 allemands collectivement: opération déterminée ... Juillet - MP + ICI engagés. L. seulement en principe. DSM + Solvay proposition du 20 mai essentielle.")

Cela se trouve corroboré par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (gg ann. 40), selon lequel "Those present reaffirmed complete commitment to the 1.85 move to be achieved by 1st July" ("Ceux qui étaient présents ont réaffirmé leur total engagement à atteindre 1,85 le 1er juillet") et qui montre donc que l'initiative avait déjà été décidée antérieurement.

149. Le Tribunal estime que la requérante ne peut se prévaloir de l'annonce publique des prix dans ECN pour expliquer l'identité de ses prix avec ceux de ses concurrents à la date du 26 juillet 1983 (ann. Sol. H1, lettre du 29 mars 1985), dans la mesure où il résulte clairement du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 qu'à l'époque, lorsqu' une initiative de prix était décidée, elle était annoncée dans la presse spécialisée. En effet, on peut lire dans ce compte rendu: "Shell was reported to have committed themselves to the move and would lead publicly in ECN" (("Il a été indiqué que Shell s'était engagée dans ce mouvement et (le) "lancerait" publiquement dans ECN")). En outre, il faut relever que l'instruction de prix donnée par la requérante à la direction du Benelux, même si elle est sensiblement postérieure à celles de la plupart des autres producteurs qui correspondent à l'objectif confirmé lors de la réunion du 1er juin 1983, ne correspond pas au prix annoncé dans ECN qui était légèrement supérieur (1,90 DM/kg au lieu de 1,85 DM/kg).

150. Il faut ajouter, par ailleurs, que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (gg ann. 8), dans laquelle on peut lire que " "Target prices" for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule ..." ("Les "prix cibles" qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe ..."), que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.

151. Le Tribunal constate, enfin, que, si la dernière réunion de producteurs dont la Commission ait apporté la preuve est celle du 29 septembre 1983, il n'en reste pas moins que différents producteurs (BASF, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte, Solvay et Saga) ont envoyé, entre le 20 septembre et le 25 octobre 1983, des instructions de prix concordantes (ann. I, lettre du 29 mars 1985) destinées à entrer en vigueur le 1er novembre suivant et que, dès lors, la Commission a pu raisonnablement estimer que les réunions de producteurs avaient continué à produire leurs effets jusqu' en novembre 1983.

152. En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.

153. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées dans la décision, que celles-ci s'inscrivaient dans un système et que les effets de ces initiatives de prix se sont produits jusqu' en novembre 1983.

D - Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix

a) Acte attaqué

154. La décision ((article 1er, sous c), et point 27; voir aussi point 42)) fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin septembre 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers.

155. En ce qui concerne le système d'"account management" dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous le nom d'"account leadership", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou "leader" d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement ses rapports avec les fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Allemagne, en Belgique, en Italie et au Royaume-Uni et un "coordinateur" aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file ("leader"), chargé d'orienter, de négocier, d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le nom de "contenders" et coopéraient avec l'"account leader", lorsqu' il faisait une offre au client en question. Pour "protéger" l'"account leader" et les "contenders", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire une offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI, selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait qu'à cette époque le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.

156. La décision (point 20) fait également grief à Solvay d'avoir assisté à des réunions locales qui étaient consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions plénières.

b) Arguments des parties

157. La requérante n'avance pas d'arguments spécifiques de nature à infirmer sa participation aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, initiatives dont elle conteste l'existence.

158. La Commission soutient que de nombreux éléments indiquent que Solvay a pris une part active dans le système d'"account leadership", dont l'existence est attestée par les comptes rendus des réunions des 2 septembre et 2 décembre 1982 ainsi que par celui d'une réunion du printemps 1983 (gg ann. 29, 33 et 37).

159. Elle relève, en outre, que Solvay a participé à des réunions locales en Belgique, en France, en Italie et au Royaume-Uni. Lors d'une de ces réunions au Royaume-Uni, le 18 octobre 1982 (gg ann. 10), il aurait été noté que la grande majorité des ventes s'étaient faites à des prix égaux ou supérieurs aux prix cibles (voir aussi gg ann. 32).

c) Appréciation du Tribunal

160. Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26, deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun des producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir, à divers moments lors des réunions, adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures, mentionnées dans la décision, destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie d'un commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.

161. Force est de constater que, en participant aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures a été adopté ((notamment celles des 13 mai, 2 et 21 septembre 1982 (gg ann. 24, 29, 30) )), la requérante a souscrit à celui-ci, puisqu' elle n'avance aucun indice de nature à établir le contraire. A cet égard, l'adoption du système d'"account leadership" ressort du passage suivant du compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982:

"about the dangers of everyone quoting exactly DM 2.00 A.' s point was accepted but rather than go below DM 2.00 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at individual accounts should quote a few pfs higher. Whilst customer tourism was clearly to be avoided for the next month or two it was accepted that it would be very difficult for companies to refuse to quote at all when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular suppliers. In such cases producers would quote but at above the minimum levels for October".

("la remarque d'A. à propos des risques qui existeraient si tout le monde proposait exactement 2,00 DM a été acceptée; toutefois au lieu de descendre en dessous de 2,00 DM, on a avancé l'idée - qui a été acceptée par tous - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d'un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs. Tout en décidant clairement d'éviter toute nouvelle prospection pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu'il serait très difficile aux entreprises de refuser de présenter des offres, si, comme c'était probable, les clients essayaient d'éviter les prix plus élevés des fournisseurs réguliers. Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimaux d'octobre").

De même, lors de la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle participait la requérante, il a été déclaré: "In support of the move, BASF, Hercules and Hoechst said they would be taking plant off line temporarily" ("Pour appuyer l'action, BASF, Hercules et Hoechst ont dit qu'elles mettraient une de leurs installations temporairement hors circuit") et à celle du 13 mai 1982, Fina a dit: "Plant will be shut down for 20 days in August" ("L' usine sera fermée pendant 20 jours en août").

162. En ce qui concerne l'"account leadership", le Tribunal constate qu'il ressort des comptes rendus des réunions du 2 septembre 1982 (gg ann. 29), du 2 décembre 1982 (gg ann. 33) et du printemps 1983 (gg ann. 37), auxquelles participait la requérante, qu'au cours de celles-ci les producteurs présents ont adhéré à ce système. En ce qui concerne le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982, il convient de relever qu'il confirme que le système avait déjà été adopté lors de la réunion de septembre, puisqu' on peut y lire: "The idea of account management was proposed for more general adoption & a list of customers/account leaders drawn up" ("L'idée de gestion des comptes a été proposée en vue d'une adoption plus générale et une liste des clients/" account leaders "a été établie").

163. La mise en œuvre de ce système est attestée par le compte rendu de la réunion du 3 mai 1983 (gg ann. 38), dans lequel on peut lire:

"A long discussion took place on Jacob Holm who is asking for quotations for the 3rd quarter. It was agreed no to do this and to restrict offers to the end of June, April/May levels were at DKR 6.30 (DM 1.72). Hercules were definitely in and should not have been so. To protect BASF, it was agreed that CWH(uels) + ICI would quote DKR 6.75 from now to end June (DM 1.85) ..."

(("Une longue discussion a eu lieu à propos de Jacob Holm qui a demandé une remise de prix pour le troisième trimestre. Les participants à la réunion ont décidé de n'en rien faire et de clôturer les offres à la fin du mois de juin. Pour les mois d'avril et de mai, les prix se situaient au niveau de 6,30 DKR (1,72 DM). Il est clair qu'Hercules était candidate et qu'elle n'aurait pas dû. Pour protéger BASF, il a été convenu que CWH(uels) + ICI vendraient désormais à 6,75 DKR, et ce jusqu' à la fin du mois de juin (1,85 DM)."))

Cette mise en œuvre est confirmée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (gg ann. 8) qui indique à propos de ce compte rendu de réunion:

"In the Spring of 1983 there was a partial attempt by some producers to operate the 'Account Leadership' scheme ... Since Hercules had not declared to the 'Account Leader' its interest in supplying Jacob Holm, the statement was made at this meeting in relation to Jacob Holm that 'Hercules were definitely in and should not have been so' . It should be made clear that this statement refers only to the Jacob Holm account and not to the Danish market. It was because of such action by Hercules and others that the 'Account Leadership' scheme collapsed after at most two months of partial and ineffective operation.

The method by which Huels and ICI should have protected BASF was by quoting a price of DKR 6.75 for the supply of raffia grade polypropylene to Jacob Holm until the end of June."

("Au printemps 1983, certains producteurs ont essayé de mettre partiellement en œuvre le système d'"account leadership" ... Comme Hercules n'avait pas fait savoir à l'"account leader" qu'elle était disposée à assurer les fournitures à Jacob Holm, il a été déclaré au cours de cette réunion à propos de Jacob Holm que "il est clair qu'Hercules était candidate et qu'elle n'aurait pas dû" . Il importe de souligner que cette affirmation se réfère uniquement au client Jacob Holm et non pas au marché danois. c'est à cause d'un tel comportement d'Hercules et d'autres que le système d'"account leadership" a échoué après deux mois maximum de fonctionnement partiel et inefficace.

La méthode par laquelle Huels et ICI auraient dû protéger BASF consistait à remettre prix à 6,75 DKR pour la fourniture de polypropylène, qualité raphia, à Jacob Holm jusqu'à la fin du mois de juin.")

164. Enfin, le Tribunal constate que la requérante ne conteste pas avoir pris part à des réunions locales et que l'objet de ces réunions est attesté notamment par le compte rendu de la réunion du 12 août 1982 (gg ann. 27), qui montre que ces réunions étaient destinées à assurer l'application au niveau local d'une initiative de prix particulière, et par le compte rendu de la réunion locale tenue au Royaume-Uni le 18 octobre 1982 (gg ann. 10).

165. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.

E - Tonnages cibles et quotas

a) Acte attaqué

166. Selon la décision (point 31, troisième alinéa), "la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue" au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte rendu mentionnerait un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année.

167. La décision (point 52) relève encore qu'avant 1982 divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'aurait cependant existé aucune limitation systématique préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en termes de tonnages absolus, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.

168. Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l'"objectif ajusté" par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale. l'existence d'un plan de répartition du marché pour 1979 serait confirmée par les documents découverts chez ATO, qui indiqueraient, par marché national, les objectifs des quatre producteurs français (ATO, Rhône-Poulenc, Solvay et Hoechst France, décision, point 54).

169. A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel estimé à 1 390 000 tonnes au total. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les "objectifs convenus" afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différents producteurs correspondraient grosso modo à leur cible.

170. Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été entendu, à titre de mesure temporaire, que, pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'"objectif" de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces "ambitions" aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être réalisé pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient donné connaissance chaque mois, à la réunion, des ventes réalisées. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).

171. La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées à la réunion et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système. Toutefois, en attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché des producteurs de taille moyenne, comme Solvay, auraient atteint un certain équilibre (qualifié par ATO de "quasi-consensus") et seraient, pour la plupart des producteurs, restées stables, comparées aux années antérieures.

172. D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait parvenir des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de parts de marché de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée, dans un premier temps, au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait qu'ATO, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Monte et Solvay, de même qu'Hercules, auraient trouvé "acceptable" le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982.

173. La décision (point 63, troisième alinéa) affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord est intervenu, dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépasser son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché durant le deuxième trimestre aux alentours de 11 %, les sociétés nationales de ventes du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983, qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).

b) Arguments des parties

174. La requérante rappelle que, lors de la procédure devant la Commission, elle avait fait valoir qu'aucun accord de quotas n'avait été mis en œuvre et que, en tout cas, elle n'avait jamais eu l'intention de s'obliger dans le cadre d'un tel accord. En effet, en sa qualité de nouvelle venue sur le marché, elle n'aurait eu aucun intérêt à limiter ses ventes. Tout au contraire, son but aurait été de saturer ses capacités de production. Ainsi, en 1979, 1980, 1981, 1982 et 1983, ses parts de marché auraient toujours dépassé les quotas qui lui avaient été attribués et la répartition géographique de ses ventes aurait connu de très sensibles modifications.

175. Elle rappelle également que c'est en matière de quotas que l'opposition d'intérêts entre les "quatre grands" et les nouveaux venus était la plus flagrante. La décision n'apporterait aucun élément de nature à contredire cette argumentation. La Commission relèverait en effet l'existence de plans et de contacts, mais ceux- ci auraient été établis par les "quatre grands". Tout au plus pourrait-on faire grief à Solvay d'avoir échangé des informations de manière contestable.

176. Pour l'année 1979, la requérante expose que la Commission laisse sans réponse les observations que la requérante avait faites à propos de l'existence d'un plan de répartition du marché français alléguée par la Commission (ann. lettre du 3 avril 1985). En effet, la requérante avait fait valoir qu'il s'agissait de statistiques internes à ATO établies par un employé de cette entreprise, lequel aurait utilisé le terme de "quotas" dans le sens d'objectifs et aurait seulement voulu vérifier dans quelle mesure l'objectif qu'ATO s'était fixé avait été atteint. d'ailleurs, ajoute la requérante, le quota attribué à Solvay était quasiment égal à sa capacité de production. Or, tout système de quotas supposerait que les entreprises concernées s'imposent de limiter leur production ou leurs ventes.

177. Pour l'année 1980, la requérante souligne que le quota qui lui aurait été initialement attribué était supérieur à sa capacité de production, ce qui ne pourrait s'expliquer par le prétendu "caractère dynamique de l'entente", et que son quota révisé était largement inférieur à sa production réelle.

178. Pour l'année 1981, elle relève que la décision admet l'absence d'accord de quotas, mais elle semble indiquer que les producteurs auraient maintenu le système de 1980. Or, la requérante fait remarquer qu'elle dépassait de 50 % le quota qui lui aurait été attribué l'année précédente.

179. Pour l'année 1982, la requérante souligne qu'elle dépasse encore son prétendu quota et que, si sa part de marché reste certes stable, elle produit presque à pleine capacité, suite à une forte augmentation en chiffres absolus.

180. Pour l'année 1983, elle expose que la décision se fonde sur le fait qu'un employé de Solvay aurait fait une proposition de quotas (gg ann. 78). Mais cette proposition aurait été sans valeur, tant elle était excessive. En outre, le quota qui aurait finalement été attribué aurait été largement dépassé.

181. La Commission rappelle, de son côté, en ce qui concerne la divergence d'intérêts entre producteurs, que l'entente visait à assurer à chacun sa place dans le marché, selon un système de nature dynamique, sur la base d'une répartition du marché la plus équitable possible. Si les nouveaux venus ont progressivement augmenté leurs parts de marché, les accords de quotas auraient en quelque sorte guidé ce développement, car les quotas qui leur ont été attribués auraient, dans les grandes lignes, suivi cette évolution. Les accords de quotas devaient essentiellement servir de support à l'entente de prix et tous les producteurs, établis ou nouveaux, avaient pour intérêt commun que les prix de vente atteignent un niveau rentable. Enfin, si Solvay allègue qu'un accord de quotas suppose une certaine stabilité dans la répartition du marché, par zones géographiques et par clients, la Commission répond que cette stabilité a été recherchée par le système d'"account leadership", auquel Solvay aurait participé activement.

182. La Commission soutient que la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 résulte de la mention de son nom dans plusieurs tableaux chiffrés reprenant pour les différents producteurs des volumes de vente antérieurs et des quotas. Parmi ces documents, la Commission en relève plus spécifiquement quatre.

183. Le premier est un tableau non daté, intitulé "Producers' Sales to West Europe" ("Ventes des producteurs en Europe occidentale"), retrouvé chez ICI (gg ann. 55), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" ("chiffres effectifs de 1979") et "revised target 79" ("objectif 1979 révisé"). Solvay s'y serait vu attribuer un objectif révisé de 37,3 kilotonnes. Selon la Commission, ce document établit la participation de Solvay à un plan de répartition du marché pour 1979, puisqu' il définirait les quotas pour chaque producteur pour cette année.

184. Le deuxième document est constitué d'une série de tableaux découverts chez ATO (ann. lettre du 3 avril 1985), reprenant pour les quatre producteurs français (ATO, Rhône-Poulenc, Solvay et Hoechst France) leurs chiffres de vente, dans différents États d'Europe occidentale, pour chacun des quatre derniers mois de l'année 1979. Sous certains de ces tableaux se trouve une comparaison entre les chiffres réalisés et les quotas: "85 % des quotas" ou "84,7 % des quotas". Ce document établirait la participation de Solvay non seulement à un plan de répartition du marché pour 1979, mais aussi au contrôle de l'exécution de ce plan par les quatre producteurs français. La Commission fait remarquer que Solvay a réalisé cette année-là une part de marché très voisine de celle qui lui avait été attribuée, même si elle l'a légèrement dépassée (38,2 kilotonnes pour un quota de 37,3 kilotonnes).

185. Pour l'année 1980, elle soutient qu'un accord de quotas a été conclu. Elle fonde cette affirmation essentiellement sur un tableau daté du 26 février 1980, intitulé "Polypropylene - Sales target 1980 (kt)" (("Polypropylène - Objectif de ventes 1980 (kt)")), découvert chez ATO (gg ann. 60), qui compare pour tous les producteurs d'Europe occidentale un "1980 target" ("objectif 1980"), des "opening suggestions" ("suggestions de départ"), des "proposed adjustments" ("ajustements proposés") et des "agreed targets 1980" ("objectifs convenus 1980"). Ce document montrerait le processus d'élaboration des quotas. Cette analyse serait confirmée par le compte rendu des deux réunions de janvier 1981 (gg ann. 17), au cours desquelles les objectifs de volumes de vente auraient été comparés aux quantités effectivement vendues par les différents producteurs. La Commission souligne que l'objectif du système de quotas était de stabiliser les parts de marché. c'est pourquoi les accords portaient sur les parts de marché qui étaient ensuite converties en tonnages pour servir de chiffres de référence, car, à défaut d'une telle conversion, il n'aurait pas été possible de constater à partir de quel moment un participant à l'entente devait freiner ses ventes conformément aux accords. Dans ce but, il était indispensable de prévoir le volume total des ventes. Pour l'année 1980, les prévisions initiales s'étant révélées trop optimistes, le volume total des ventes initialement prévu aurait dû être adapté à plusieurs reprises, entraînant une adaptation des tonnages attribués à chacune des entreprises.

186. Selon la Commission, le fait que la part de marché allouée à Solvay aurait correspondu à sa capacité maximale de production ne saurait constituer une preuve de l'absence de concertation.

187. La Commission reconnaît qu'aucun accord de quotas définitif n'a pu être réalisé pour 1981. Elle affirme cependant que les producteurs sont parvenus au début de l'année 1981 à un accord sur un système temporaire consistant à limiter mensuellement les ventes à 1/12 de 85 % des objectifs qui avaient été convenus pour 1981, comme l'atteste le compte rendu des réunions de janvier 1981 (gg ann. 17). En second lieu, les producteurs auraient procédé à un suivi mutuel de leurs ventes réelles sur une base mensuelle, comme le montrerait notamment un tableau daté du 21 décembre 1981 découvert chez ICI, faisant état des ventes mensuelles des différents producteurs en 1981 (gg ann. 67).

188. Elle explique que cette absence d'accord a permis à Solvay de doubler sa capacité de production et d'atteindre une part de marché de 4,11 % largement supérieure à l'attribution purement théorique reprise de 1980 qui était de 3 %.

189. Pour l'année 1982, elle affirme qu'aucun accord définitif n'a pu être réalisé, malgré les efforts en ce sens qu'établiraient les différents plans de quotas découverts. Toutefois, une solution provisoire aurait été trouvée sous la forme d'une orientation déterminée des ventes en fonction des chiffres de l'année précédente. La Commission indique que l'existence de discussions relatives à la définition de quotas ressort d'un grand nombre de documents. Parmi ces documents, il y a lieu de relever surtout des comptes rendus de réunions rédigés par ICI, dont il résulte que des échanges d'informations avaient lieu sur les quantités vendues et que la requérante y a participé (gg ann. 24 à 26 et 31 à 33). Il y a lieu de relever également différents plans découverts chez ICI (gg ann. 69 et 71) ainsi qu'une proposition assez complète pour 1982 émanant d'ICI (gg ann. 70). Selon la Commission, le compte rendu de la réunion du 2 novembre 1982 (gg ann. 32) montrerait que, lorsque les producteurs souhaitaient obtenir une augmentation de leur part de marché, ils devaient motiver leur demande. Elle ajoute que, pour cette année, un quota ajusté de 4 %, tenant compte de la percée de 1981, aurait été attribué à la requérante. En réalité, Solvay aurait légèrement dépassé ce quota (4,25 %).

190. Pour l'année 1983, la Commission estime qu'un accord de quotas a pu être conclu. Elle fonde cette affirmation sur des comptes rendus d'entretiens téléphoniques entre ICI et d'autres producteurs (gg ann. 74 à 84), qui montrent qu'ICI a invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage qu'il conviendrait d'attribuer aux autres. Elle se fonde également sur des documents relatifs au traitement informatique des données ainsi recueillies (gg ann. 85) ainsi que sur des plans élaborés par ICI (gg ann. 86 et 87). Plusieurs comptes rendus de réunions décriraient l'évolution des négociations relatives à une proposition limitée au premier trimestre de l'année 1983 (gg ann. 32 à 34). Un document interne de Shell (gg ann. 90) montrerait qu'un tel système a été convenu pour les deux premiers trimestres de 1983. Cela serait corroboré par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (gg ann. 40), qui, s'il ne mentionne pas de quotas, relate un échange d'informations relatives aux tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent.

191. Pour l'année 1983, elle affirme que Solvay a proposé qu'une part de marché de 4,7 % lui soit attribuée (gg ann. 78), en faisant valoir que cette part aurait été bien supérieure en réalité si elle avait demandé des prix égaux à ceux de la concurrence. Toutefois, Solvay aurait finalement accepté un quota de 4,22 % du marché (gg ann. 33, tableau 2, et ann. 18, g. Sol.).

c) Appréciation du Tribunal

192. Il y a lieu de rappeler que la requérante a participé dès le début et régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles des discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées.

193. Il convient de relever, parallèlement à la participation de Solvay aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux (gg ann. 55 à 61), dont le contenu indique clairement qu'ils étaient destinés à la définition d'objectifs de volumes de vente. Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir ces tableaux sur la base des statistiques du système Fides. ICI a d'ailleurs déclaré, dans sa réponse à la demande de renseignements (gg ann. 8) à propos d'un de ces tableaux, que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" ("la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes"). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux avait été fourni par Solvay pour ce qui la concerne dans le cadre des réunions auxquelles elle participait.

194. La terminologie utilisée dans les tableaux relatifs aux années 1979 et 1980 ((comme "revised target" ("objectif révisé"), "opening suggestions" ("suggestions de départ"), "proposed adjustments" ("ajustements proposés"), "agreed targets" ("objectifs convenus") )) permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus.

195. En ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, il convient de relever, sur la base de l'ensemble du compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (gg ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (gg ann. 55), intitulé "Producers' Sales to West Europe" ("Ventes des producteurs en Europe occidentale"), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" ("chiffres effectifs de 1979"), "revised target" ("objectif révisé") et "79", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme "tight" ("strict"), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1/12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois. Cette interprétation du compte rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre "79" dans la dernière colonne à droite de la colonne intitulée "revised target" ("objectif révisé"), des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux, parce qu'ils avaient été établis sur la base d'un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1980. Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet "proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année". En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.

196. En outre, les producteurs français, notamment la requérante, ont échangé systématiquement, mois par mois, leurs chiffres de vente durant les quatre derniers mois de l'année 1979 et les ont comparés avec des "quotas" (ann. lettre du 3 avril 1985). Il est permis d'en déduire que les producteurs français ont, à tout le moins, tenté de vérifier le respect des objectifs convenus.

197. En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (gg ann. 60) et comportant une colonne "agreed targets 1980" ("objectifs convenus 1980"), ainsi que du compte rendu des réunions de janvier 1981 (gg ann. 17) au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels figure la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues ("Actual kt") aux objectifs fixés ("Target kt"). En outre, ces documents se trouvent confirmés par un tableau daté du 8 octobre 1980 (gg ann. 57), comparant deux colonnes dont l'une reprend la "1980 Nameplate Capacity" ("capacité nominale 1980") et l'autre le "1980 Quota" pour les différents producteurs.

198. Pour l'année 1981, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année, d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs "ambitions" et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'"objectif" convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars de 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.

199. L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs "ambitions" au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve comme des tableauxreprenant, pour chaque producteur, ses chiffres "actual" et ses "targets" pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses "aspirations" pour 1981 (gg ann. 59 et 61); un tableau rédigé en italien (gg ann. 62) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres "ambitions" pour 1981, ainsi qu'une note interne d'ICI (gg ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire:

"Taking the various alternatives discussed at yesterday' s meeting we would prefer to limit the volume to be shared to no more than the market is expected to reach in 1981, say 1.35 million tonnes. Although there has been no further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0.35 % provided the more ambitious smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR also tempered their demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich."

("Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les "quatre grands" pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980, à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants, tels que Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR tempèrent aussi leurs exigences. A condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des "patrons" , si possible avant la réunion de Zurich.")

Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 ("% of 1980 target").

200. L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte rendu des réunions de janvier 1981, dans lequel on peut lire:

"In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers."

(("Dans l'intervalle (février-mars) le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel des clients."))

201. Le fait que les producteurs se soient assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et aient vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents. Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (gg ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel ont été ajoutées à la main. Il s'agit, ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien, intitulé "Scarti per società" ("écarts ventilés par société") et découvert chez ICI (gg ann. 65), qui compare, pour chaque producteur, pour la période janvier-décembre 1981 les chiffres de vente "actual" avec les chiffres "theoretic.(al)" ("théoriques"). Il s'agit, enfin, d'un tableau non daté, découvert chez ICI (gg ann. 68), comparant, pour chaque producteur, pour la période janvier-novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.

202. En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles. Lorsqu'il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période - un tel échange d'informations, qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision.

203. La participation de la requérante à ces différentes activités résulte, d'une part, de sa participation aux réunions au cours desquelles ces actions ont eu lieu, et notamment aux réunions de janvier 1981, et, d'autre part, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés.Dans ces documents figurent d'ailleurs des chiffres dont il convient de rappeler qu'ICI a déclaré dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal - à laquelle d'autres requérantes font référence dans leur propre réponse - qu'il n'aurait pas été possible de les établir sur la base des statistiques du système Fides.

204. Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente, et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.

205. L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'instaurer un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées, en premier lieu, par un document intitulé "Scheme for discussions "quota system 1982" " ("Schéma de discussion d'un système de quotas 1982", gg ann. 69), dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception d'Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell et Solvay), le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs; en second lieu, par une note d'ICI intitulée "Polypropylene 1982, Guidelines" ("Polypropylène 1982, lignes directrices", gg ann. 70, a), dans laquelle ICI analyse les négociations en cours; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (gg ann. 70, b), dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées - dont l'une, intitulée "ICI Original Scheme" ("Schéma initial ICI"), fait l'objet, dans un autre tableau, manuscrit, d'adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée "Milliavacca 27/1/82" (il s'agit du nom d'un employé de Monte, gg ann. 70, c) - et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien (gg ann. 71), qui constitue une proposition complexe (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).

206. Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (gg ann. 24), dans lequel on peut lire notamment:

"To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. of normal sales."

(("A titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des ventes normales."))

L' exécution de ces mesures est attestée par le compte rendu de la réunion du 9 juin 1982 (gg ann. 25), auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre "actual" de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre "theoretical based on 1981 av(erage) market share" ("théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981"), ainsi que par le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (gg ann. 26), en ce qui concerne la période janvier-mai 1982, et par celui du 20 août 1982 (gg ann. 28), en ce qui concerne la période janvier-juillet 1982. A cet égard, le caractère théorique du quota servant de référence pour la comparaison avec les ventes mensuelles réelles résulte du fait qu'aucun quota n'a pu être convenu pour l'ensemble de l'année 1981, mais il ne prive pas cette comparaison de sa signification en tant que méthode de surveillance de la limitation des ventes mensuelles par référence à l'année précédente.

207. Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (gg ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part, "In October this would also mean restraining sales to the Jan/June achieved market share of a market estimated at 100 kt" ("En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes à la part réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 Kt") et, d'autre part, "Performance against target in September was reviewed" ("Les résultats atteints par rapport à l'objectif en septembre ont fait l'objet d'un examen"). A ce compte rendu est joint un tableau, intitulé "September provisional sales versus target (based on Jan-June market share applied to demand est(imated) at 120 Kt)" (("Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier/juin appliquée à une demande estimée à 120 Kt)")). Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (gg ann. 33), auquel est joint un tableau comparant, pour le mois de novembre 1982, les ventes "Actual" avec les chiffres "Theoretical", calculés à partir de "J-June % of 125 Kt" ("j-juin pourcentage de 125 kt").

208. Le Tribunal constate que, en ce qui concerne l'année 1981 ainsi que les deux semestres de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.

209. Pour l'année 1983, le Tribunal constate qu'il résulte des documents produits par la Commission (gg ann. 33, 85 et 87) que, à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983, que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles ces discussions ont eu lieu, qu'elle a fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes et qu'elle a formulé le 25 octobre 1982 une proposition (gg ann. 78) portant aussi bien sur le quota à attribuer aux autres producteurs que sur le quota à lui attribuer à elle-même, en justifiant l'augmentation de son propre quota de la manière suivante:

"The increase of Solvay (from 4,2 % in 1982 to 4,7 % in 1983) is based on: our large product mix ... the development of our captive uses (faster than the average growth of the market); the fact that our market share in 1982 has been significantly penalized by our firm behaviour in pricing. Should we have quoted prices equal to the competition (including the major European producers), we would have certainly reached a level equal (if not higher) to the market share asked for 1983 (4,7 %)."

(("L' augmentation de Solvay (de 4,2 % en 1982 à 4,7 % en 1983) est fondée sur: notre grand assortiment de produits ... le développement de nos utilisations captives (qui a été plus rapide que la croissance moyenne du marché); le fait qu'en 1982 notre part de marché a été lourdement sanctionnée par l'attitude ferme que nous avions adoptée en matière de prix. Si nous avions appliqué les mêmes prix que la concurrence (y compris les principaux producteurs européens), nous aurions certainement atteint un niveau égal (sinon supérieur) à la part de marché demandée pour 1983 (4,7 %)."))

210. Il s'ensuit que la requérante a participé aux négociations organisées en vue de parvenir à un régime de quotas pour l'année 1983.

211. Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (gg ann. 40), à laquelle la requérante n'a pas participé, que dix producteurs ont indiqué au cours de cette réunion les chiffres de leurs ventes pour le mois de mai. Par ailleurs, on peut lire dans le compte rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (gg ann. 90) que:

"... and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies".

("... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 %. c'est pourquoi les objectifs de ventes suivants, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe").

Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que

"this would be 11.2 Pct of a market of 395 kt. The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to be discussed beforehand with the other PIMs members".

("cela représenterait 11,2 % d'un marché de 395 kt. La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMS").

212. A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes non pour voir diminuer le volume global des ventes du groupe Shell, mais pour limiter à 11 % la part de marché globale de ce groupe. Une telle limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un régime de quotas. En outre, le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris.

213. Il convient de relever, enfin, que le chiffre de 11 %, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (gg ann. 87) et, d'autre part, le compte rendu rédigé par ICI d'une réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (gg ann. 99).

214. Il faut ajouter qu'en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.

215. Pour le surplus, le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend, non pas à établir directement qu'elle n'a pas participé à la fixation d'objectifs de volumes de vente, mais bien à démontrer que ces objectifs n'ont pas été respectés par les producteurs, ce qui serait, selon elle, de nature à infirmer qu'ils aient été fixés.

216. A cet égard, il convient de relever que la décision a pris acte de ce que les objectifs de volumes de vente n'ont pas été respectés, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des discussions relatives aux objectifs de volumes de vente pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs. Ainsi, l'argument de la requérante tiré de l'augmentation de sa part de marché, de la saturation de sa capacité de production et du dépassement des prétendus quotas ne permet pas d'infirmer les affirmations de la Commission, qui déclare dans la décision que des quotas de vente ont été convenus, mais qui n'affirme pas qu'ils ont été respectés. Par ailleurs, les quotas convenus étaient des quotas de vente et non des quotas de production. C'est pourquoi la saturation des capacités de production de la requérante n'est pas pertinente.

217. Le Tribunal considère, par ailleurs, que la décision a parfaitement pris en compte le caractère divergent des intérêts des producteurs établis et des nouveaux venus. En effet, elle indique en son point 89, quatrième alinéa, que "les divers systèmes de quotas et les autres mécanismes élaborés pour concilier les intérêts divergents des producteurs établis et des nouveaux venus avaient tous pour objectif ultime la création de conditions de "stabilité" artificielle, favorables à une hausse de prix". Elle ajoute en son point 91, dernier alinéa, pour répondre aux producteurs qui prétendaient que les modifications intervenues dans la part de marché de certains producteurs depuis 1977 prouvaient l'existence d'une concurrence "non restreinte", que "cet argument passe sur le fait que des quotas ou des objectifs ont été fixés pour tenir compte des ambitions des nouveaux venus et que les grandes firmes acceptaient de réduire quelque peu leur part de marché pour favoriser un relèvement des prix".

218. D'un autre côté, il convient de faire remarquer que le fait que la requérante se soit vu attribuer en 1980 un quota initial supérieur à sa capacité de production n'infirme pas sa participation au système de quotas, dans la mesure où cette attribution excessive doit être imputée à la politique de "bluff" menée par la requérante, ce que confirme l'importance de la réduction appliquée au quota de la requérante après révision.

219. En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.

220. Il y a lieu de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l'année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision et qui s'inscrivaient dans un système de quotas.

2. l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE

A - Qualification juridique

a) Acte attaqué

221. Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un "accord" unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.

222. En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre, qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).

223. La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils aient arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives des producteurs.

224. En ce qui concerne plus spécifiquement l'initiative de décembre 1977, la décision (point 82, troisième alinéa) affirme que, aux réunions de l'EATP, des producteurs comme Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Rhône- Poulenc, Saga et Solvay soulignaient, même vis-à-vis des clients, la nécessité qu'ils ressentaient de mener une action concertée en vue de majorer les prix. Les producteurs poursuivaient leurs contacts sur la fixation des prix en dehors du cadre des réunions de l'EATP. A la lumière de ces contacts avérés, la Commission estime que le mécanisme en vertu duquel un ou plusieurs d'entre eux se plaignaient de leurs marges de rentabilité "insuffisantes" et proposaient une action conjointe, alors que les autres exprimaient leur "soutien" à pareilles actions, reposait sur l'existence d'un accord sur les prix. Elle ajoute que, même en l'absence de tout autre contact, pareil mécanisme pourrait indiquer en soi un consensus suffisant pour réaliser un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1.

225. La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une "initiative" auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).

226. Selon la décision (point 86, premier alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un "accord" au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

227. La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d'"accord" et celle de "pratique concertée" sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre forme de coopération illicite.

228. La notion de "pratique concertée" viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l'avoir poussée jusqu' à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).

229. Selon la décision (point 87, premier alinéa), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619).

230. La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie/Commission (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), que les critères de coordination et de coopération définis par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles, ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché (décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, première phrase).

231. En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).

232. L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision (point 87, quatrième alinéa), tant de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importerait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.

233. La décision (point 88, premier et deuxième alinéas) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant "initiatives de prix" ne résultait d'aucun "accord" au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des "actes manifestés" sur le marché; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun "prix cible" n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument, car, s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents: comptes rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients. Il importerait peu qu'ils aient ou non "publié" des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.

b) Arguments des parties

234. La requérante soutient que la thèse de la Commission suivant laquelle la qualification de l'infraction importerait peu aboutit à ce que le seul fait pour les producteurs de s'être réunis pour échanger certaines informations en matière de prix et de volumes de vente constitue en soi une pratique concertée ayant pour objet, sinon pour effet, de restreindre la concurrence. Cette thèse aurait pour but de permettre à la Commission de pallier les faiblesses de la décision quant aux effets concrets des réunions litigieuses sur le marché et d'éviter la question de savoir dans quelle mesure un comportement purement interne pourrait constituer l'élément pratique d'une pratique concertée. Cette thèse ne serait pas conforme à l'article 85 du traité CEE et ne pourrait pas, contrairement aux allégations de la Commission, s'appuyer sur la jurisprudence de la Cour (arrêts du 14 juillet 1972, 48-69, précité; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, et du 14 juillet 1981, Zuechner, 172-80, Rec. p. 2021).

235. Elle fait valoir que tout accord implique que deux ou plusieurs parties aient l'intention de s'obliger l'une à l'égard de l'autre. Ainsi, un accord ne saurait-il être déduit des seules déclarations d'intention émises par différentes personnes; il serait nécessaire de rechercher si ces déclarations s'accompagnent de l'intention réelle de s'obliger.

236. Elle estime que, à la différence de l'accord, qui, ayant pour objet de fausser la concurrence, peut être puni avant même d'avoir été exécuté, une pratique concertée implique à la fois l'existence d'une pratique et celle d'un concert à l'origine de cette pratique. Elle supposerait donc une mise en œuvre et une extériorisation du concert. La requérante souligne qu'elle n'entend pas ainsi soutenir la thèse extrême selon laquelle il ne serait pas possible de concevoir une pratique concertée qui aurait seulement pour objet de fausser la concurrence et qui serait dépourvue de tout effet en ce sens.

237. Ainsi, la requérante admet qu'une pratique concertée ne doit pas nécessairement avoir un effet anticoncurrentiel, mais elle estime cependant qu'outre l'existence d'un concert la notion de pratique concertée implique l'existence de mesures d'exécution matérielle dans l'ordre externe des entreprises, c'est-à-dire sur le marché.

238. Elle soutient donc qu'une pratique concertée ne saurait se déduire de comportements internes aux entreprises sans effet sur le marché. La solution inverse aboutirait à sanctionner, sur le fondement de l'article 85, paragraphe 1, de simples intentions illicites non suivies d'exécution, ce qui constituerait une atteinte inadmissible au principe de la sécurité juridique.

239. Or, selon la requérante, la Commission ne démontrerait nullement que les réunions ou les échanges d'informations qu'elle incrimine aient eu un effet réel sur le marché. Elle se bornerait à des supputations, qui ont été infirmées entre-temps par un audit effectué par un cabinet d'experts-comptables indépendant, Coopers et Lybrand (ci-après "audit Coopers et Lybrand"), et par une étude économétrique relative au marché allemand, réalisée par le professeur Albach, de l'université de Bonn. Certes, la Commission aurait invoqué, à l'égard de Solvay, certaines instructions internes de prix. Ces instructions ne pourraient cependant constituer, tout au plus, qu'une manifestation purement interne à la requérante et ne permettraient donc pas d'établir l'existence de pratiques concertées. Ce serait en vain que la Commission invoquerait, en outre, l'existence de lettres adressées aux clients. En effet, Solvay, comme la plupart des entreprises, n'avisait pas sa clientèle par lettre des changements de tarifs.

240. Elle fait valoir, enfin, que la décision attaquée est contradictoire ou, à tout le moins, ambiguë en ce qu'elle ne permet pas de discerner si elle condamne Solvay pour avoir participé à un accord ou à une pratique concertée ou encore à un comportement collusoire non qualifié. La Commission n'aurait pas été en droit d'indiquer qu'il importait peu de préciser la forme que le comportement collusoire avait revêtue en l'espèce et elle aurait dû rechercher si les éléments de telle ou telle infraction étaient réunis en l'espèce. En effet, l'intérêt de la question de la qualification et de la définition de l'infraction résiderait, en l'espèce, dans le fait que, si l'on considère, comme la requérante, qu'une pratique concertée suppose l'adoption effective d'un comportement coordonné sur le marché, la Commission n'aurait apporté la preuve de la participation de Solvay ni à un accord ni à une pratique concertée.

241. Pour la requérante, la définition de la notion de "pratique concertée" s'avère donc d'une importance particulière. Cette importance serait encore accrue dans la mesure où c'est la première fois que cette question se pose en ces termes devant le juge communautaire. En effet, dans les espèces soumises jusqu' alors à la Cour (arrêts du 14 juillet 1972, 48-69, précité; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, et du 14 juillet 1981, précité, 172-80), le comportement sur le marché n'était pas contesté dans sa matérialité et il s'agissait de savoir s'il suffisait à faire présumer une concertation.

242. Selon la Commission, par contre, la question de savoir si une collusion ou une entente doit être qualifiée juridiquement d'accord ou de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité CEE ou si cette collusion comporte des éléments de l'un et de l'autre revêt une importance négligeable. En effet, la Commission expose que les termes "accord" et "pratique concertée" englobent les différents types d'arrangements par lesquels des concurrents, au lieu de déterminer en toute indépendance leur ligne de conduite concurrentielle future, s'imposent mutuellement une limitation de leur liberté d'action sur le marché à partir de contacts directs ou indirects entre eux.

243. La Commission soutient que l'utilisation des différents termes dans l'article 85 a pour objet d'interdire toute la gamme d'arrangements collusoires et non de préciser un traitement différent pour chacun d'eux. Par conséquent, la question de savoir où tracer une ligne de démarcation entre des termes qui ont pour objectif d'appréhender l'ensemble des comportements interdits serait sans pertinence. La ratio legis de l'introduction dans l'article 85 de la notion de "pratique concertée" consisterait à viser, à côté des accords, des types de collusion qui ne reflètent qu'une forme de coordination de fait ou une coopération pratique et qui sont néanmoins susceptibles de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, précité, 48-69, points 64 à 66).

244. Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174) qu'il s'agit de s'opposer à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché. l'existence d'une pratique concertée se situerait donc déjà au niveau du contact entre concurrents, préalable à tout comportement de leur part sur le marché.

245. Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu'il y a concertation ayant pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n'a été constaté sur le marché. Selon la Commission, le débat porte sur le sens du mot "pratique". Elle s'oppose à la thèse suggérée par Solvay selon laquelle ce mot a le sens étroit de "comportement sur le marché". Ce mot pourrait, de l'avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises.

246. Elle ajoute que si l'on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu'il y ait pratique concertée, comme le fait Solvay, cela conduirait à laisser hors du champ d'application de l'article 85 toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le Marché commun. On aboutirait ainsi à mettre en échec une partie de la portée de l'article 85. En outre, cette thèse ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concertée (arrêts du 14 juillet 1972, précité, 48-69, point 66; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, point 26, et du 14 juillet 1981, précité, 172-80, point 14). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme élément constitutif de l'infraction, comme le soutient la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite. Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis. Seule serait requise une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie.

247. Pour la Commission, il n'est donc pas besoin, pour qu'il y ait infraction à l'article 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elles se sont concertées. Ce qui est répréhensible au sens de l'article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l'intention de substituer une coopération aux risques de la concurrence se trouve matérialisée dans une concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés.

248. Elle conclut en soulignant qu'elle était en droit de qualifier l'infraction constatée en l'espèce, à titre principal, d'accord et, à titre subsidiaire et en tant que de besoin, de pratique concertée.

249. De cette analyse, la Commission déduit que, quel qu'ait été l'état réel du marché, l'infraction est établie, puisqu' elle réside dans le fait d'avoir instauré une concertation en vue d'agir sur ce marché. Elle répond ainsi au reproche qui lui est fait de n'avoir pas procédé à une analyse du marché, dès lors qu'une telle analyse aurait été sans pertinence en tant que mode de preuve contre les documents en sa possession.

c) Appréciation du Tribunal

250. Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d'"accord" chacun de ces différents éléments.

251. De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de "pratiques concertées", les éléments de l'infraction, lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales; soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut que, à certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peuvent revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.

252. Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir les arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, précité, 41-69, point 112, et du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 86), la Commission était en droit de qualifier d'accords, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène, qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et pour la première moitié de l'année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982.

253. En outre, c'est à bon droit que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'à novembre 1983, a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243-83, Rec. p. 2015).

254. En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174).

255. En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.

256. Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre.

257. Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 et les réunions périodiques de producteurs de polypropylène auxquelles a participé la requérante entre la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et septembre 1983.

258. Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d'"un accord et une pratique concertée", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclus s'inscrivaient, en raison de leur identité d'objet, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas.

259. Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.

260. Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d'"un accord et une pratique concertée", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d'"accords" et des éléments devant être qualifiés de "pratiques concertées". En effet,face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.

261. Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.

B - Effet restrictif sur la concurrence

a) Acte attaqué

262. La décision (point 90, premier et deuxième alinéas) relève que, pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence. Toutefois, en l'espèce, tout indiquerait que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.

b) Arguments des parties

263. La requérante fait grief à la Commission de s'être livrée à une analyse "en chambre" des documents sans rechercher quelles pouvaient être les motivations réelles de chacun des producteurs ni examiner quel avait été l'effet réel des réunions litigieuses sur la concurrence. Cet effet serait essentiel pour déterminer l'existence d'un accord général et pour apprécier la gravité de l'infraction. Elle s'insurge contre l'interprétation que la Commission a donnée de la proposition de supprimer les réunions que Solvay a formulée lors de la réunion du 13 mai 1982 (gg ann. 24). Selon la Commission, cette proposition démontrerait a contrario que Solvay estimait que les réunions avaient atteint leur objectif et qu'elles avaient donc eu l'effet escompté sur le marché.

264. Elle fait observer que ce sont donc les entreprises qui, devant la carence de la Commission, ont dû prendre l'initiative de faire réaliser des études concrètes de marché (audit Coopers et Lybrand et étude du professeur Albach) et que la Commission n'a pas procédé à des contre-analyses de même nature de manière à infirmer les résultats des études précitées.

265. La requérante fait valoir que tantôt la Commission semble admettre que la situation du marché aurait été la même en l'absence d'accord et qu'il serait possible que les producteurs aient seulement tenté d'influencer la concurrence sans réellement y parvenir (décision, points 72 et 73), tantôt elle considère que la concurrence a été manifestement influencée et qu'il n'y a pas lieu d'admettre l'argument selon lequel le jeu normal de l'offre et de la demande aurait abouti à un résultat analogue à celui observé (décision, points 90 à 92).

266. La requérante fait valoir que, d'après les études de marché concrètes précitées, sa politique commerciale, tant en ce qui concerne les prix que les volumes de vente, a été tout à fait indépendante du contenu des réunions auxquelles elle a participé. Ces études démontreraient, en effet, que les réunions n'ont exercé aucune influence sur le marché et qu'elles n'ont causé aucun préjudice aux clients.

267. La Commission répond que l'objet anticoncurrentiel des accords et pratiques concertées qui constituent l'infraction est en tout cas établi et qu'il n'est, dès lors, pas nécessaire de démontrer qu'ils ont eu un effet restrictif sur la concurrence. Pour le surplus, elle renvoie au texte de la décision.

268. Elle ajoute que l'audit Coopers et Lybrand aurait été réalisé avant même la communication des griefs. Celle-ci ne prétendrait absolument pas que les prix nets réalisés ont systématiquement correspondu aux prix cibles convenus. Ainsi, les entreprises auraient-elles cherché à réfuter au moyen de l'audit un grief dont il se serait avéré finalement qu'il ne leur avait pas été fait.

269. La Commission conclut que si Solvay considère que la décision est contradictoire, ce serait au prix soit d'une mauvaise interprétation soit d'une citation tronquée des passages en cause de la décision (points 72, 74, 90 à 92 et 108).

c) Appréciation du Tribunal

270. Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ne tombait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans la mesure où son comportement concurrentiel sur le marché attesterait que cette participation était dépourvue tant d'objet que d'effet anticoncurrentiel.

271. L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

272. Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les réunions périodiques auxquelles la requérante a participé avec des concurrents avaient pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun, notamment par la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et que, par conséquent, sa participation à ces réunions n'était pas dépourvue d'objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

273. Il s'ensuit que le grief ne peut être accueilli.

Sur la motivation

1. Adoption d'une décision unique

274. La requérante fait valoir que la décision attaquée statue globalement sur le sort de l'ensemble des entreprises en cause, en "noyant" chacune des entreprises dans un ensemble. Ce faisant, la Commission ne répondrait pas de manière spécifique à l'argumentation tirée de la situation particulière de Solvay et se dispenserait de rechercher, pour chacune des entreprises, si les éléments constitutifs des infractions qui lui étaient imputées étaient réunis. Cette façon de procéder aurait des incidences sur la régularité formelle de la décision.

275. La Commission répond que la décision a suffisamment individualisé les différents griefs faits à Solvay, de telle manière que celle-ci puisse comprendre parfaitement la portée des griefs retenus contre elle. A cet égard, la Commission rappelle, en outre, que la décision est également fondée sur la communication des griefs spécifique adressée à chacune des entreprises.

276. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, point 111, et du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 77) que rien n'interdit à la Commission de statuer par une décision unique sur plusieurs infractions, à condition que la décision permette à tout destinataire de dégager avec précision les griefs retenus à son encontre.

277. A cet égard, les appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction démontrent que la requérante a pu, comme le Tribunal, dégager avec une précision suffisante les griefs retenus à son encontre.

278. De même, il faut souligner que le caractère unique de la décision n'a pas eu pour effet d'étendre à la requérante des reproches fondés sur le comportement d'autres producteurs, puisque la Commission a établi à suffisance de droit l'ensemble des griefs retenus contre la requérante dans la décision.

279. Il résulte de ce qui précède que le grief ne peut être accueilli.

2. Motivation insuffisante

280. La requérante expose les exigences auxquelles la motivation d'une décision doit répondre, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 12 juillet 1962, Acciaierie Ferriere e Fonderie di Modena/Haute Autorité de la CECA, 16-61, Rec. p. 546; du 7 juillet 1981, Rewe, 158-80, Rec. p. 1805, 1833; du 28 mars 1984, Bertoli/Commission, 8-83, Rec. p. 1649). Elle souligne que ces exigences sont d'autant plus sévères en l'espèce que la décision est de nature quasi juridictionnelle et aboutit au prononcé de sanctions analogues à des sanctions pénales. La Commission aurait donc dû, sinon discuter tous les points de fait et de droit soulevés par les entreprises, du moins examiner les moyens essentiels invoqués par elles. Cette obligation se rattacherait directement à l'adage "Justice must not only be done, it must also be seen to be done" ("La justice doit non seulement être rendue, mais elle doit encore l'être de manière visible"), qui serait consacré par la Cour européenne des droits de l'homme à propos des juridictions judiciaires.

281. Elle relève que la décision n'a pas répondu à quatre arguments majeurs qu'elle avait développés durant la procédure administrative, relatifs à sa situation spécifique comme nouvelle venue sur le marché, à la divergence d'intérêts entre les producteurs déjà établis sur le marché et les nouveaux venus, divergence qui aurait rendu impossible la conclusion d'un accord, à l'absence chez elle de toute intention de se lier, absence qui ne serait pas incompatible avec sa participation aux réunions, et, enfin, à son comportement sur le marché qui démentirait tout engagement de sa part. De l'avis de Solvay, la décision n'apporte aucune réponse à cette argumentation et se trouve donc entachée d'une insuffisance de motivation.

282. La requérante souligne que c'est seulement dans les observations qu'elle a présentées devant le Tribunal que la Commission a expliqué que l'entente aurait eu pour objet de concilier les intérêts divergents entre les producteurs déjà établis sur le marché et les producteurs nouveaux et qu'ainsi tous les producteurs auraient cherché à réaliser le même but. Cette réponse tardive à l'argumentation spécifique de la requérante ne saurait toutefois suppléer aux lacunes de la décision. Par ailleurs, la Commission ne saurait se prévaloir de la communication des griefs adressée à Solvay pour soutenir que cette dernière était en mesure de comprendre la portée des griefs individuels retenus contre elle.

283. La Commission rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, la motivation doit permettre au juge d'exercer son contrôle et d'informer les intéressés des conditions dans lesquelles les institutions communautaires ont fait application des dispositions du traité CEE (arrêt du 7 juillet 1981, précité, 158-80, point 25). En outre, les exigences auxquelles doit répondre la motivation d'un acte dépendent de la nature de cet acte et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêt du 28 mars 1984, précité, 8-83, points 13 à 17). Enfin, dans les décisions prises en matière de concurrence, la Commission ne serait pas tenue de réfuter les arguments des parties de manière détaillée et pourrait procéder à un développement autonome exposant les motifs de la décision en termes généraux (arrêts du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 65, et du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, points 16 à 18, 86-82, Rec. p. 883).

284. Au vu de ces principes jurisprudentiels, la Commission considère que la décision est suffisamment et correctement motivée. En particulier, contrairement aux allégations de la requérante, la décision répondrait aux arguments que cette dernière a exposés relativement aux raisons de sa participation aux réunions, aux divergences d'intérêts entre les entreprises et aux problèmes posés par l'apparition de nouveaux venus sur le marché (décision, points 10 et suivants). De même, la Commission aurait motivé dans la décision les dispositions prises en matière d'amende et les conditions dans lesquelles elle avait tenu compte des circonstances propres à chaque entreprise.

285. Ainsi, la requérante ne serait pas fondée à dire que la Commission aurait répondu seulement dans ses observations en défense, c'est-à-dire tardivement, à son argumentation. En réalité, la Commission aurait déjà fait état, dans sa communication des griefs, des faits et de l'interprétation qu'elle leur donnait. Lors de la procédure administrative, Solvay n'aurait pas contesté cette interprétation des faits soit en invoquant d'autres faits, soit en donnant une autre explication plus vraisemblable de ces faits. Par conséquent, la Commission considère que, en prenant la décision sur la base des faits tels qu'elle les avait interprétés dès la communication des griefs et en expliquant les raisons de cette interprétation, elle a pu maintenir son interprétation et qu'elle a répondu aux arguments soulevés par Solvay au cours de la procédure. Elle soutient, par ailleurs, que l'explicitation de certains passages de la décision dans le mémoire en défense ne doit pas être confondue avec la production de moyens nouveaux.

286. Le Tribunal rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour (voir notamment les arrêts du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 66, et du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie/Commission, point 88, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831) que si, en vertu de l'article 190 du traité CEE, la Commission est tenue de motiver ses décisions, en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue de répondre à ceux de ces points qui lui semblent dénués de toute pertinence.

287. En ce qui concerne les deux premiers arguments auxquels la décision n'aurait pas répondu, il y a lieu de faire observer qu'en ses points 10, 11 et 16 la décision a fait état de l'arrivée de nouveaux producteurs sur le marché et des conséquences qu'elle a eues en relation directe avec le début de l'entente et de rappeler qu'en son point 89, quatrième alinéa, elle a évoqué les intérêts divergents des producteurs établis et des nouveaux venus. Elle a également signalé que l'entente avait notamment pour objet de concilier ces intérêts divergents, en tenant compte des ambitions des nouveaux venus (point 91, dernier alinéa). Par conséquent, il convient de relever que la décision a tenu compte des deux arguments exposés par la requérante.

288. En ce qui concerne l'absence dans le chef de la requérante d'une intention de se lier, absence que sa participation aux réunions ne démentirait pas, il convient de relever que la Commission y a répondu au point 71 de la décision.

289. En ce qui concerne, enfin, son comportement sur le marché, la Commission y a répondu aux points 72 et suivants de la décision.

290. Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.

3. Motivation contradictoire

291. La requérante soutient que la décision est entachée d'une contradiction de motifs en ce que, d'une part, elle prétend que les prix ont été déterminés par le jeu de la concurrence (points 72 et 73) et que, d'autre part, elle prétend que l'entente a eu un effet sensible sur la concurrence (points 90 à 92 et 108).

292. La Commission fait valoir que la décision n'est entachée d'aucune contradiction de motifs quant aux effets de l'entente et que c'est au prix d'une lecture sélective de la décision que la requérante y voit des contradictions.

293. Le Tribunal constate que l'argument de la requérante procède d'une lecture de la décision qui isole artificiellement certains motifs de celle-ci, alors que, la décision constituant un tout, chacun de ses motifs doit être lu à la lumière des autres afin de surmonter les contradictions apparentes entre des passages tirés de leur contexte.

294. A cet égard, le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les "cibles" servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure que, en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il a été donné dans des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).

295. Il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l'acte attaqué que la Commission a parfaitement pris en compte les arguments de la requérante relatifs aux effets de l'entente sur le marché et qu'elle a exposé de manière concluante dans la décision (points 72 à 74 et 89 à 92) les raisons qui l'avaient amenée à considérer que les conclusions que la requérante tirait de l'audit Coopers et Lybrand et de l'étude du professeur Albach étaient mal fondées.

296. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

Sur l'amende

297. La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 en n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.

1. La durée de l'infraction

298. La requérante soutient que si la décision devait être annulée en ce qui concerne la durée de sa participation à l'entente alléguée, l'amende devrait être réduite en conséquence.

299. La Commission affirme qu'elle a correctement apprécié la durée de l'infraction.

300. Le Tribunal rappelle qu'il a constaté que la Commission a correctement apprécié la durée de la période pendant laquelle la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et que c'est à bon droit qu'elle a considéré qu'il s'agissait là d'une infraction unique.

301. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.

2. La gravité de l'infraction

A - Le rôle limité de la requérante

302. La requérante fait valoir que la Commission aurait dû prendre en considération le degré de participation à l'entente de chacune des entreprises. Or, même s'il fallait considérer que Solvay a réellement voulu participer à l'entente, il faudrait tenir compte du fait qu'elle s'en est dissociée à plusieurs reprises.

303. La Commission note, en ce qui concerne le degré de participation de Solvay, que cette entreprise se borne à réitérer des arguments déjà examinés, à savoir le manque d'analyse du marché, la percée rapide de la requérante, son rôle de simple observateur soucieux d'obtenir des informations, sa situation de "fauteur de troubles", etc.

304. Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction et que c'est donc à bon droit qu'elle a considéré dans la décision que le caractère passif de ce rôle n'était pas établi.

305. Il s'ensuit que le grief ne peut être accueilli.

B - La nouvelle politique de la Commission en matière d'amendes

306. La requérante fait valoir que la Commission ne pouvait pas appliquer en l'espèce la nouvelle politique qu'elle pratiquait en matière d'amendes, celle-ci ayant été définie dans son Treizième rapport sur la politique de concurrence, soit postérieurement à la période incriminée. En outre, le même reproche pourrait être formulé à propos de la référence faite par la Commission aux arrêts de la Cour du 7 juin 1983, 100-80 à 103-80, et du 25 octobre 1983, 107-82, précités, qui seraient également postérieurs aux infractions alléguées par la Commission.

307. La Commission relève qu'elle a agi conformément à sa politique bien établie et aux principes énoncés par la Cour en matière d'amendes en infligeant des sanctions dans la présente affaire. Elle souligne que, dès 1979, elle s'est engagée dans une politique consistant à faire respecter les règles de concurrence en infligeant des sanctions plus lourdes, en particulier pour les catégories d'infractions bien établies dans la législation communautaire de la concurrence et pour les infractions particulièrement graves, de manière notamment à accroître l'effet dissuasif des sanctions. l'attention des entreprises aurait été attirée sur cette politique dans le Treizième rapport sur la politique de concurrence.

308. Elle expose que cette politique a été approuvée par la Cour, notamment dans les arrêts du 7 juin 1983, 100-80 à 103-80, et du 25 octobre 1983, 107-82, précités, et pouvait être valablement appliquée en l'espèce.

309. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d'accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire. Cette mission comprend certainement la tâche d'instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité CEE et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. c'est pourquoi la Cour a jugé que, pour apprécier la gravité d'une infraction en vue de déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération non seulement les circonstances particulières de l'espèce, mais également le contexte dans lequel l'infraction se place, et veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d'infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de la Communauté. La Cour a encore considéré qu'il était loisible à la Commission de tenir compte du fait que, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire en matière de concurrence, des infractions d'un type déterminé sont encore relativement fréquentes en raison du profit que certaines des entreprises intéressées peuvent en tirer et, partant, qu'il lui était loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer l'effet dissuasif de celles-ci. La Cour en a conclu que le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt du 7 juin 1983, précité, 100-80 à 103-80, points 105 à 109).

310. A la lumière de ces considérations, le Tribunal constate que c'est à juste titre que la Commission a qualifié d'infractions particulièrement graves et patentes les fixations d'objectifs de prix et de volumes de vente ainsi que l'adoption de mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des objectifs de prix visant à fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène.

311. Il convient de relever qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour susmentionnée que la Commission n'a pas l'obligation de mettre les entreprises en garde en les prévenant de son intention d'augmenter le niveau général des amendes et que, par conséquent, la requérante ne peut tirer argument de ce que l'infraction constatée est antérieure à cette jurisprudence et au Treizième rapport sur la politique de concurrence, dans lequel la Commission a explicité la nouvelle politique qu'elle entendait mener en matière d'amendes.

312. Par ailleurs, le Tribunal considère que la comparaison de l'amende infligée à la requérante avec celles infligées aux autres destinataires de la décision ne révèle aucune discrimination, eu égard à la durée et à la gravité particulière de l'infraction constatée à la charge de la requérante.

313. Il y a donc lieu de rejeter ce grief.

C - La prise en compte des effets de l'infraction

314. La requérante soutient que l'amende doit être proportionnée à la gravité de l'infraction. Or, les effets de l'infraction sur la concurrence constitueraient l'un des critères d'appréciation de sa gravité. Sans doute pourrait- on admettre qu'une amende soit infligée aux parties à une entente qui aurait seulement pour objet de fausser la concurrence, sans avoir un tel effet. Toutefois, un principe général de droit exigerait que la fixation du montant de l'amende tienne compte des effets plus ou moins préjudiciables de l'infraction.

315. c'est pourquoi elle fait valoir que la Commission avait l'obligation de procéder à une étude économique du marché pour rechercher quels avaient été, concrètement, les effets des réunions litigieuses. Elle ajoute qu'elle ne pouvait se borner à un examen en chambre des documents découverts chez les producteurs pour arriver à la conclusion, d'ailleurs exprimée dans des termes contradictoires, que les conditions de la concurrence avaient été sérieusement perturbées. Cette conclusion serait d'ailleurs démentie par les expertises (l' audit Coopers et Lybrand et l'étude du professeur Albach), qui démontreraient que la concurrence sur le marché était vive. l'on ne concevrait pas une percée si rapide des nouveaux venus, comme Solvay, sur le marché sans une politique agressive de leur part. Ainsi, les prix pratiqués par Solvay auraient-ils été indépendants des prix cibles, sauf peut-être en 1983 où l'on avait assisté à un rééquilibrage de l'offre et de la demande. Et dès 1982, Solvay aurait suggéré l'arrêt des réunions en prenant argument du nouvel équilibre du marché (gg ann. 24) et du fait qu'elle avait surmonté ses difficultés, ce qui rendait sans objet l'échange d'informations.

316. La Commission explique que, compte tenu du caractère global de l'entente, toutes les entreprises ont été sanctionnées pour leur participation à l'accord global qui constituait une infraction particulièrement grave, mais que, dans l'évaluation du montant exact des amendes imposées à chacune, il a été tenu compte, au cas par cas, de toutes les circonstances spécifiques. Elle souligne qu'une entente "horizontale" de prix et de quotas, même abstraction faite de ses effets restrictifs sur la concurrence, constituerait une des plus flagrantes et plus graves infractions à l'article 85. En l'espèce, l'entente aurait, de surcroît, produit des effets restrictifs de la concurrence.

317. Elle ajoute que le fait que les initiatives de prix n'ont généralement pas atteint pleinement leur but a été pris en compte pour modérer le montant des amendes (décision, point 108).

318. Le Tribunal rappelle que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les "cibles" servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure qu'en l'espèce tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).

319. Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.

320. En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas de raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes rendus des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, gg ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d'autre part, que, si l'audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économiques réalisées à la demande de certains producteurs devaient permettre d'établir le caractère erroné des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.

321. Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.

322. Par conséquent, le grief doit être rejeté.

D - La délimitation erronée du marché en cause

323. La requérante soutient que, en tout état de cause, l'entente ne pouvait porter sur les qualités spéciales de polypropylène qui étaient véritablement spécifiques à chaque producteur et étaient à l'abri de la concurrence sur le marché. Or, ces qualités auraient représenté 61 % du chiffre d'affaires total de Solvay pour le polypropylène en 1982 et 64 % en 1983. l'amende serait donc également excessive en regard de la taille du marché en cause.

324. La Commission estime, au sujet de la distinction entre produits spéciaux et produits de base, qu'il y aurait lieu de considérer que, si les producteurs ont convenu des prix cibles pour les qualités de base, c'est pour des raisons de commodité, mais que cela ne signifierait pas que toutes les qualités spéciales sont restées à l'écart de l'entente de prix. Au contraire, les comptes rendus de réunions montreraient que l'entente s'étendait à d'autres qualités que les qualités de base (gg ann. 24). Ensuite, les instructions de prix des producteurs feraient apparaître que les initiatives de prix couvraient toutes les qualités (ann. C, lettre du 29 mars 1985).

325. Elle ajoute que les accords sur les quotas avaient un caractère global et ne se rapportaient pas seulement à certains types de produits. Ces accords ayant pour but de soutenir l'entente sur les prix, il en découlerait nécessairement que ladite entente couvrait l'ensemble du marché du polypropylène.

326. Le Tribunal constate que les quotas portaient sur l'ensemble des qualités de polypropylène. En effet, la requérante a indiqué dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal que ses ventes en Europe occidentale pour 1980 étaient de 37 928 tonnes et que ses ventes dans la Communauté étaient de 68 752 tonnes en 1983, toutes qualités confondues, dans lesquelles moins de 40 % seulement concernaient les produits de base. Or, le quota attribué à la requérante pour l'Europe occidentale en 1980 était de 42 000 tonnes (gg ann. 57 et 60) et se situait en 1983 entre 71 000 tonnes sur un marché estimé à 1 470 kilotonnes ((proposition de Saga, gg ann. 81) et 51 450 tonnes, 3,5 % d'un même marché, proposition des producteurs allemands (gg ann. 83) )).

327. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a pris en compte l'ensemble du marché du polypropylène pour fixer le montant de l'amende infligée à la requérante. Le grief doit donc être rejeté.

E - L'absence d'individualisation des critères de fixation des amendes

328. La requérante souligne que les amendes constituent des peines et ne peuvent donc être déterminées qu'en fonction des éléments concrets et des effets du comportement individuel de l'entreprise (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim/Commission, point 55, 45-69, Rec. p. 769). Elles doivent tenir compte de la situation particulière de l'entreprise et des circonstances atténuantes qui lui sont propres. Or, non seulement la décision ne tiendrait pas compte de la situation individuelle des entreprises dans l'établissement des infractions, mais encore elle ne comporterait aucune motivation justifiant le montant des amendes spécialement pour chacune d'entre elles. De l'avis de Solvay, une comparaison des amendes et des chiffres d'affaires des entreprises concernées ne manquerait pas de faire apparaître des différences sensibles qu'aucun motif de la décision ne justifie. Ce défaut de motivation conduirait inévitablement à l'impression d'un arbitraire inacceptable.

329. La Commission explique que, pour déterminer le montant des amendes, elle s'est fondée sur une série de considérations d'ordre général et d'ordre spécifique, procédé approuvé par la Cour (arrêt du 15 juillet 1970, précité, 45-69, point 55). Ayant fondé la décision sur des motifs qui auraient suffisamment individualisé les griefs à l'égard des entreprises, elle aurait conclu qu'elle ne pouvait admettre qu'une distinction importante puisse être établie entre les producteurs de moindre taille en fonction de leur niveau d'engagement vis-à-vis des arrangements communs.

330. Le Tribunal constate que, pour déterminer le montant de l'amende infligée à la requérante, la Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108 de la décision) et a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de la décision).

331. Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, en particulier sous a), b) et c), du traité CEE que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, qui agissaient de propos délibéré et dans le plus grand secret.

332. Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.

333. En ce qui concerne les deux premiers critères, mentionnés au point 109 de la décision, que sont le rôle joué par chacune des entreprises dans les arrangements collusoires ainsi que le laps de temps pendant lequel elles ont participé à l'infraction, il y a lieu de rappeler que, les motifs relatifs à la détermination du montant de l'amende devant être interprétés à la lumière de l'ensemble des motifs de la décision, la Commission a suffisamment individualisé à l'égard de la requérante la prise en compte de ces critères.

334. En ce qui concerne les deux derniers critères que constituent les livraisons respectives des différents producteurs de polypropylène dans la Communauté ainsi que le chiffre d'affaires total de chacune des entreprises, le Tribunal constate, sur la base des chiffres qu'il a demandés à la Commission et dont la requérante n'a pas contesté l'exactitude, que ces critères n'ont pas été appliqués de façon inéquitable lors de la détermination de l'amende infligée à la requérante par rapport aux amendes infligées à d'autres producteurs.

335. Le Tribunal constate, par ailleurs, qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission en vue de l'établissement de l'infraction que les différents arguments auxquels la requérante fait grief à la Commission de n'avoir pas répondu manquent de fondement dans les faits.

336. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

F - La prise en compte de circonstances atténuantes

337. La requérante soutient que la décision attaquée n'examine pas les circonstances atténuantes qu'elle a invoquées, à savoir que Solvay avait été un facteur de renforcement de la concurrence, puisqu' elle était à l'origine de la création d'une nouvelle entreprise dans le secteur et qu'elle était parvenue à pénétrer le marché très rapidement au terme d'une politique agressive de prix, qu'elle avait subi de lourdes pertes et avait consenti des efforts de recherche importants et, enfin, qu'elle avait collaboré à l'enquête de manière loyale.

338. La Commission relève, de son côté, que le fait que Solvay soit un nouveau venu ne peut justifier sa participation à une entente de prix et de quotas. Elle ajoute qu'elle a tenu compte des pertes pour modérer le montant des amendes et que le fait que l'entente n'aurait pas entraîné des "profits abusifs" est sans importance. Enfin, la collaboration loyale de Solvay à l'enquête se serait limitée à la reconnaissance de la matérialité des faits, ce à quoi les entreprises ne pouvaient de toute façon se soustraire.

339. Le Tribunal considère que le fait qu'une entreprise soit une nouvelle venue sur un marché et qu'elle ait effectué une percée spectaculaire sur celui-ci, notamment en raison des investissements qu'elle a consentis pour la recherche, ne saurait atténuer la gravité de l'infraction qu'elle a commise en participant à une fixation horizontale de prix pendant plusieurs années.

340. En ce qui concerne les lourdes pertes subies par la requérante qui établiraient qu'elle n'a pu tirer des profits abusifs de sa participation à l'infraction, le Tribunal constate que la Commission a indiqué explicitement au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle a tenu compte du fait que les entreprises ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur du polypropylène pendant une très longue période, ce qui démontre non seulement que la Commission a tenu compte des pertes, mais également qu'elle a, de ce fait, pour déterminer le niveau général des amendes, tenu compte des conditions économiques défavorables du secteur (arrêt du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, points 111 et suivants, 322-81, Rec. p. 3461) ainsi que des autres critères mentionnés au point 108.

341. Le Tribunal constate, enfin, que la collaboration de la requérante à l'enquête n'a pas dépassé ce qui résultait des obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17.

342. Par conséquent, c'est à bon droit que la Commission n'a pas tenu compte de la collaboration de Solvay à l'enquête comme circonstance atténuante pour réduire le montant de l'amende qui lui a été infligée.

343. Le grief ne peut dès lors être accueilli.

344. Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante est adéquate à la durée et à la gravité de la violation des règles de concurrence communautaires constatée à l'encontre de la requérante.

Sur la réouverture de la procédure orale

345. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 1992, la requérante a demandé au Tribunal de rouvrir la procédure orale et d'ordonner des mesures d'instruction, en raison des déclarations faites par la Commission lors de la conférence de presse que celle-ci a tenue le 28 février 1992 après que l'arrêt dans les affaires T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-102-89 et T-104-89 ait été rendu.

346. Après avoir entendu à nouveau l'avocat général, le Tribunal considère qu'il n'y a pas lieu d'ordonner, conformément à l'article 62 de son règlement de procédure, la réouverture de la procédure orale ni les mesures d'instruction demandées par la requérante.

347. Il y a lieu de relever que l'arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-0000), ne justifie pas en lui-même la réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En effet, le Tribunal constate qu'un acte notifié et publié doit être présumé valide. Il incombe donc à celui qui se prévaut du défaut de validité formelle ou de l'inexistence d'un acte de fournir au Tribunal des raisons de passer outre à l'apparence de validité de l'acte formellement notifié et publié. En l'espèce, les requérantes dans la présente affaire n'ont avancé aucun indice de nature à suggérer que l'acte notifié et publié n'avait pas été approuvé ou adopté par les membres de la Commission agissant comme collège. En particulier, contrairement aux affaires PVC (arrêt du 27 février 1992, précité, T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-102-89 et T-104-89, points 32 et suivants), les requérantes n'ont avancé, en l'espèce, aucun indice de ce que le principe de l'intangibilité de l'acte adopté aurait été violé par une modification du texte de la décision après la réunion du collège des commissaires au cours de laquelle celle-ci a été adoptée.

Sur les dépens

348. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1) Le recours est rejeté.

2) La requérante est condamnée aux dépens.