TPICE, 1re ch., 10 mars 1992, n° T-10/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hoechst (AG)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Avocat général :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),
LES FAITS A L'ORIGINE DU RECOURS
1 La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base du polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.
2 Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd (appelés les "quatre grands"), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Hüls et BASF AG en Allemagne et Chemie Linz AG en Autriche. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977: Amoco et Hercules Chemicals NV e Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 % à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (1977-1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité soit par des pertes substantielles, en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène. Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri Spa détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Hüls, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %.
Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les Etats membres ou presque.
3 Hoechst AG faisait partie des producteurs approvisionnant le marché avant 1977 et fait partie des "quatre grands". Sa part de marché se situait entre environ 10,5 % et 12,6 %.
4 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n 17"), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le marché communautaire:
- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO")
- BASF AG (ci-après "BASF")
- DSM NV (ci-après "DSM")
- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules")
- Hoechst AG (ci-après "Hoechst")
- Chemische Werke Hüls (ci-après "Hüls")
- Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI")
- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte")
- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell")
- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay")
- BP Chimie (ci-après "BP").
Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après "Rhône-Poulenc") ni chez Enichem Anic SpA.
5 A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n 17 (ci-après "demandes de renseignements"), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes:
- Amoco
- Chemie Linz AG (ci-après "Linz")
- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil")
- Petrofina SA (ci-après "Petrofina")
- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic").
Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.
6 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure que, entre 1977 et 1983, les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et éléboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou pourcentages convenus. C'est ainsi que, le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.
7 Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé qu'au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que, le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions en matière de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.
8 Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.
9 Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), Anic, ICI et Rhône-Poulenc (qui estimaient n'avoir pas été en mesure de préparer leur dossier).
10 Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu n'avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Hüls a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.
11 C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions, et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.
12 Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.
13 Une seconde session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985 Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.
14 Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.
15 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant:
"Article premier
Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Hüls (actuellement Hüls AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant:
- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983;
- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980;
- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins;
- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins;
- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins;
- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins;
- pour BASF, DSM et Hüls, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins;
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun:
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;
b) ont fixé périodiquement des prix 'cible' (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d' 'account management n'ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;
e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un 'quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:
i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT;
ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF;
iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM;
iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL;
v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR;
vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM;
vii) Hüls AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM;
viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL;
ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT;
x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT;
xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR;
xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF;
xiii) Shell International Chemical Co Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL;
xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR;
xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.
Articles 4 et 5
(omissis)"
16 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, compléments et suppressions de textes demandés par les entreprises leur a été envoyé.
LA PROCEDURE
17 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 2 août 1986, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89, T-6-89 à T-9-89 et T-11-89 à T-15-89).
18 La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.
19 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988" JO L. 319, p 1).
20 En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.
21 Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.
22 Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.
23 Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.
24 Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.
25 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.
26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.
28 L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.
Les conclusions des parties
29 La société Hoechst conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
1) annuler la décision de la Commission du 23 avril 1986, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31149-Polypropylène), dans la mesure où elle concerne la requérante et, à titre subsidiaire, réduire l'amende infligée;
2) mettre les dépens de l'instance à la charge de la défenderesse.
La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours,
- condamner la requérante aux dépens.
SUR LE FOND
30 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait omis de lui communiquer des documents sur lesquels elle a fondé la décision (1), en ce que la Commission n'aurait pas donné à la requérante accès à tout le dossier (2) et en ce que la Commission aurait formulé pour la première fois dans la décision certains griefs retenus contre la requérante (3) en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas correctement qualifié l'infraction (A) et en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié son effet restrictif sur la concurrence (B) en troisième lieu, les griefs de la requérante relatifs à la motivation de la décision, et, en quatrième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende, qui serait pour partie couverte par la prescription (1) et qui ne serait adéquate ni à la durée (2) ni à la gravité (3) de l'infraction alléguée.
Sur les droits de la défense
1 Omission de communiquer des documents lors de la communication des griefs
31 La requérante soutient que, selon l'article 4 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), la Commission ne peut retenir que les griefs au sujet desquels les entreprises ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue. De l'avis de la requérante, cela suppose que la Commission expose de façon suffisante, dans la communication des griefs, les circonstances de fait et les conséquences juridiques qu'elle en tire et qu'elle joigne à cette communication ou qu'elle rende accessibles aux entreprises les documents sur lesquels elle a l'intention de fonder la décision finale.
32 En l'espèce, elle relève que la Commission appuie la décision sur 28 documents ou séries de documents qui ne lui auraient pas été communiqués. Il s'agit du compte rendu d'une réunion du 13 mai 1982 établi par un cadre d'Hercules (décision, points 15, sous b, et 70), du compte rendu d'une réunion du 10 mars 1982 établi par un cadre d'ICI (décision, point 15, sous b), d'un document du 6 septembre 1977 prétendument découvert chez Solvay (décision, point 16, avant-dernier alinéa), de la réponse de Shell à la communication des griefs (décision, point 17), des réponses d'Amoco, ATO, BASF, DSM, Hüls, Linz, Monte, Petrofina, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay (décision, point 18), de lettres circulaires adressées par des bureaux de vente nationaux à des clients concernant des hausses de prix (décision, point 25), de deux comptes rendus de réunions internes de Shell tenues respectivement les 5 juillet et 12 septembre 1979 (décision, points 29 et 31), d'un document interne de Solvay (décision, point 32), d'un rappel de Solvay à ses bureaux de vente du 17 juillet 1981 (décision, point 35), d'articles de la presse spécialisée relatifs au prix du polypropylène à la fin de l'année 1981 (décision, point 36, troisième alinéa), d'une note interne d'ICI relative au "climat de fermeté" (décision, point 46), d'un document de Shell intitulé "PP W Europe-Pricing" (décision, point 49), de documents de Shell relatifs au Royaume-Uni et à la France (décision, point 49), d'une note interne d'ATO datée du 28 septembre 1983 (décision, point 51), d'une note non datée d'ICI destinée à préparer une réunion avec Shell prévue pour le mois de mai 1983 (décision, point 63, deuxième alinéa), d'un document de travail relatif au premier trimestre de l'année 1983 découvert chez Shell (décision, point 63, troisième alinéa) et, enfin, de documents émanant d'ATO, DSM et Shell relatifs au déroulement des réunions (décision, point 70).
33 La requérante soutient que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française-Commission, point 29, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, et du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken-Commission, point 27, 107-82, Rec. p. 3151), il ne suffit pas, pour pouvoir retenir des éléments de preuve à l'encontre d'une entreprise, que ceux-ci soient portés à sa connaissance lors de la procédure d'accès au dossier. Ces éléments devraient non seulement être communiqués aux entreprises par la Commission, mais celle-ci devrait également mentionner la force probante et l'importance qu'elle accorde à ceux-ci pour la décision à venir.
34 Elle ajoute que même les documents simplement confirmatifs peuvent avoir une importance décisive pour l'administration des preuves et qu'il n'appartient pas à la Commission de décider que certains documents sont dépourvus d'importance vis-à-vis de l'une ou l'autre entreprise, dès lors qu'elle affirme que chaque entreprise doit assumer sans limite la responsabilité du comportement des autres entreprises.
35 La requérante conclut que les éléments de preuve qui ne lui ont pas été communiqués ne peuvent pas lui être opposés.
36 La Commission fait valoir, de son côté, que les affirmations de la requérante concernant certains documents dont elle prétend n'avoir pas pu prendre connaissance sont partiellement fausses et, pour le reste, dépourvues de toute pertinence juridique.
37 Elle fait valoir, tout d'abord, que les documents mentionnés au point 25 de la décision ont été communiqués à la requérante comme annexes 19, 42, 46, 50 et 52 à la communication générale des griefs (ci-après "g. g. ann") ainsi que comme annexes à la lettre du 29 mars 1985 (ann I 6 à I 9), que le document mentionné au point 46 de la décision constitue l'annexe 35 à la communication générale des griefs et que les documents d'ATO mentionnés au point 70 de la décision figurent comme annexes 60 et 72 à la communication générale des griefs.
38 La Commission expose, ensuite, que le document mentionné aux points 15, sous b), et 70 de la décision, les réponses des entreprises à la demande de renseignements de la Commission mentionnées au point 18 de la décision, le document mentionné au point 40 de la décision ainsi que les documents de DSM et de Shell mentionnés au point 70 de la décision ont été rendus accessibles à la requérante dans le cadre de la procédure d'accès au dossier en juin 1984. Elle ajoute que le document mentionné aux points 15, sous b), et 70 de la décision était purement confirmatif d'un document constituant l'annexe 24 à la communication générale des griefs.
39 La Commission indique que les autres documents énumérés par la requérante ne lui ont pas été communiqués soit parce qu'ils ne présentent pas d'intérêt dans le cadre de la procédure engagée contre cette dernière, ceux-ci n'intéressant que les entreprises qui y sont expressément mentionnées, soit parce qu'ils ne font que confirmer d'autres documents que la requérante connaissait déjà. Elle conclut que, en ce qui concerne la requérante, la décision n'a pas été fondée sur ces documents.
40 Elle reconnaît toutefois que, par erreur, une note d'ICI relative à une réunion d'"experts" du 10 mars 1982, mentionnée dans la décision (point 58), n'a pas été communiquée, mais elle ajoute que cette note ne faisait que confirmer un compte rendu d'Hercules de la même réunion qui, lui, était annexé à la communication générale des griefs (gg ann 23).
41 Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que ce qui importe ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu'en a tiré la Commission et que, si ces documents n'ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l'entreprise concernée a pu à juste titre estimer qu'ils n'avaient pas d'importance aux fins de l'affaire. En n'informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans sa décision, la Commission l'a empêchée de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents. Il s'ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne (arrêt du 25 octobre 1983, précité, 107-82, point 27, et voir en dernier lieu l'arrêt du 3 juillet 1991, AKZO Chemie-Commission, point 21, C-62-86, Rec. p. I-0000).
42 En l'espèce, il y a lieu de relever que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans la lettre du 29 mars 1985, ou ceux annexés à celles-ci sans y être spécifiquement mentionnés, peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire. En ce qui concerne les documents annexés aux communications des griefs mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent être retenus dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir des communications des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer.
43 Il résulte des considérations qui précèdent que, parmi les documents cités par la requérante, seules les lettres circulaires adressées par les bureaux de vente nationaux à des clients (décision, point 25), la note interne d'ICI sur le "climat de fermeté" (décision, point 46) et les documents découverts chez ATO relatifs aux questions discutées lors des réunions (décision, point 70) peuvent être retenus comme éléments de preuve à l'encontre de la requérante, puisqu'ils ont été mentionnés respectivement dans les tableaux contenus dans la lettre du 29 mars 1985, aux points 71, 94 et 102 de la communication générale des griefs, dont ils constituent, en outre, les annexes A à I pour ce qui concerne la lettre du 29 mars 1985 et les annexes 35, 60 et 72 pour ce qui concerne la communication générale des griefs. Les autres documents cités par la requérante ne peuvent être considérés comme moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire.
44 La question de savoir si ces derniers documents constituent le support indispensable des constatations de fait que la Commission a opérées à l'encontre de la requérante dans la décision relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de ces constatations. Le Tribunal constate, en outre, que la requérante n'a pas allégué que ces documents auraient pu comporter des éléments à décharge pour elle.
2 Accès insuffisant au dossier
45 La requérante soutient que l'accès limité au dossier qu'elle a eu porte atteinte au principe du contradictoire. Les conseils de la requérante ont consulté les dossiers de la Commission en juin 1984, mais, de l'aveu même du rapporteur compétent de la Commission, seuls leur auraient été présentés les éléments de preuve sur lesquels la Commission s'est appuyée dans l'énoncé des griefs pour établir une conduite illégale ou qu'elle pourrait invoquer au cours de la procédure ultérieure. Pour justifier une telle restriction de l'accès au dossier, la Commission ne saurait se fonder sur l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB-Commission (43-82 et 63-82, Rec. p. 19), qui portait sur une situation différente, à savoir l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE.
46 Selon la requérante, cette limitation de la consultation des dossiers aux éléments de preuve à charge et la sélection de documents qu'elle suppose ne sauraient être acceptées. Elles empêcheraient les conseils des entreprises d'évaluer l'importance des éléments de preuve à charge et à décharge et de vérifier si la Commission les a correctement appréciés. Le Tribunal lui-même n'ayant généralement pas non plus l'occasion de voir l'ensemble du dossier, des documents à décharge que les services de la Commission n'ont pas ou pas suffisamment exploités et évalués pourraient rester enfouis dans les dossiers de la Commission.
47 Faute d'avoir pu procéder à une consultation exhaustive du dossier, la requérante ne pourrait pas d'avantage que le Tribunal savoir s'il se trouve réellement des éléments de preuve à décharge parmi les documents soustraits à la consultation du dossier. Pourtant, la façon extrêmement lacunaire dont la preuve aurait été administrée en l'espèce inciterait non seulement à peser avec un soin particulier tous les moyens de preuve, mais susciterait également la crainte d'une évaluation partiale de ceux-ci par la Commission.
48 Elle ajoute que, à supposer exacte l'affirmation de la Commission selon laquelle tous les documents auraient été rendus accessibles à l'exception de ceux contenant des informations confidentielles, il reviendrait au Tribunal de s'assurer que ces documents ne comportaient pas d'éléments à la décharge des entreprises.
49 La Commission affirme, pour sa part, qu'elle n'est pas tenue de porter l'ensemble du dossier à la connaissance des intéressés, comme l'aurait affirmé la Cour dans des circonstances analogues (arrêt du 17 janvier 1984, précité, 43-82 et 63-82, point 25). En l'espèce d'ailleurs, bien qu'elle ne fût pas tenue de le faire, la Commission aurait donné accès à la quasi-totalité des documents en sa possession (à l'exception des documents contenant des secrets d'affaires) lors de la communication des griefs et de l'envoi de sa lettre complémentaire du 29 mars 1985. Elle aurait permis l'accès aux autres documents dans le cadre de la procédure d'accès au dossier en juin 1984.
50 La Commission soutient encore qu'il est inexact qu'elle n'aurait utilisé que les documents à charge et aurait gardé, par devers elle, les documents à décharge. A cet égard, elle relève que la requérante ne désigne pas le moindre document à l'appui de ses affirmations.
51 Le Tribunal relève que le respect des droits de la défense exige que la requérante ait été mise en mesure de faire valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés par la Commission à son encontre dans les communications des griefs qui lui sont adressées ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs et mentionnés par la Commission dans ses communications des griefs ou annexés à celles-ci (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin-Commission, point 7, 322-81, Rec. p. 3461).
52 En revanche, le respect des droits de la défense n'exige pas qu'une entreprise impliquée dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE puisse commenter tous les documents faisant partie du dossier de la Commission, puisqu'il n'y a pas de dispositions prescrivant à la Commission l'obligation de divulguer ses dossiers aux parties intéressées (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, précité, 43-82 et 63-82, point 25).
53 Toutefois, il est à noter que la Commission, en établissant une procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence, s'est imposé à elle-même des règles dépassant les exigences formulées par la Cour. Selon ces règles, formulées dans le Douzième rapport sur la politique de concurrence (p. 40 et 41):
"la Commission accorde aux entreprises impliquées dans une procédure la faculté de prendre connaissance du dossier les concernant. Les entreprises sont informées du contenu du dossier de la Commission par l'adjonction à la communication des griefs ou à la lettre de rejet de la plainte d'une liste de tous les documents composant le dossier, avec l'indication des documents ou parties de ceux-ci qui leur sont accessibles. Les entreprises sont invitées à examiner sur place les documents accessibles. Si une entreprise souhaite n'en examiner que quelques-uns, la Commission peut lui en faire parvenir des copies. La Commission considère comme confidentiels et, par conséquent, inaccessibles pour une entreprise déterminée les documents suivants: les documents ou parties de ceux-ci contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises les documents internes de la Commission, tels que les notes, projets ou autres documents de travail toutes autres informations confidentielles, telles que celles permettant d'identifier les plaignants qui souhaitent ne pas voir révélée leur identité, ainsi que les renseignements communiqués à la Commission sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel".
Il y a lieu de relever que la Commission ne peut se départir des règles qu'elle s'est ainsi imposé (arrêts de la Cour du 5 juin 1973, Commission-Conseil, point 9, 81-72, Rec. p. 575, et du 30 janvier 1974, Louwage-Commission, 148-73, Rec. p. 81).
54 Il résulte de ce qui précède que la Commission a l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles.
55 Le Tribunal constate que la Commission nie catégoriquement que ses services aient omis de rendre accessibles à la requérante des documents pouvant contenir des éléments à décharge pour elle.
56 Or, face aux dénégations de la Commission, la requérante n'a avancé aucun indice de nature à établir que les services de la Commission ont sélectionné les documents rendus accessibles à la requérante afin de l'empêcher de réfuter les éléments de preuve avancés par la Commission pour établir sa participation à l'infraction. En effet, elle se réfère à des propos que le rapporteur de la Commission aurait tenus à son conseil, mais elle n'a pas prouvé ni offert de prouver que de tels propos avaient été tenus et qu'ils avaient la portée qu'elle leur attribue.
57 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
3 Griefs nouveaux
58 La requérante soutient que la décision (article 1er et point 81) fait grief aux entreprises d'avoir souscrit à un accord-cadre, qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, ou à un accord unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, alors qu'il n'aurait jamais été question d'un accord global unique dans la communication des griefs, qui, au contraire, faisait référence à un ensemble d'accords et-ou de pratiques concertées. Pour certains domaines spécifiques et pour certaines périodes, la communication des griefs aurait même formellement exclu l'existence d'accords. Dans sa lettre du 29 mars 1985, la Commission aurait certes envisagé l'existence d'un "accord central", mais aurait laissé en suspens ce point sur lequel elle n'apportait aucune précision. Finalement, elle aurait maintenu, sans restriction, son accusation première qui aurait encore été confirmée lors de la seconde série d'auditions. Ainsi, l'accusation principale formulée dans la décision serait nouvelle, tant en fait qu'en droit, et les parties à la procédure n'auraient pas eu la possibilité de prendre position sur ce grief.
59 Elle ajoute que la Commission ne saurait valablement objecter que l'accusation d'infraction continue formulée dans les communications des griefs aurait, au vu du résultat de la procédure administrative, simplement été remplacée par une autre accusation dénonçant la conclusion d'un accord-cadre, sans que cela entraîne une modification de l'appréciation des éléments du dossier. En effet, ces deux accusations seraient tout à fait différentes en fait comme en droit. Or, l'arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck-Commission, point 68 (209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125), permettrait seulement d'aménager ou de compléter les griefs. Le caractère absolument nouveau de l'accusation tiendrait à la notion même d'accord-cadre" qui serait totalement distincte de la notion d'infraction continue".
60 Selon la requérante, un "accord-cadre" constitue une notion juridique bien précise qu'elle définit comme un acte juridique par lequel les parties s'engagent à l'avance et conviennent de règles qui prévoient par anticipation le contenu d'actes ou d'opérations juridiques à venir ou fixent certaines conditions générales à préciser dans chaque cas particulier. L'élément essentiel de l'"accord-cadre" résiderait donc dans un consensus général préalable présupposant la volonté de se lier pour les actes particuliers à venir. L'existence d'un accord-cadre serait donc nécessairement antérieure aux accords et pratiques concertées. Or, la Commission n'aurait procédé à aucune constatation de fait et encore moins produit d'éléments de preuve permettant de conclure qu'un tel accord-cadre aurait été conclu en 1977. Mieux, les motifs de la décision sembleraient être de nature à réfuter plutôt qu'à appuyer l'idée d'un accord-cadre. Ainsi, dans l'exposé des faits pour l'année 1977, la décision ne parlerait pas d'accord-cadre et ne contiendrait aucune constatation de fait en ce sens. Au contraire, la Commission s'efforcerait de prouver une entente concrète sur les prix (l'accord initial sur les prix planchers), mais sans l'inscrire dans un accord-cadre. D'ailleurs, elle ne désignerait même pas les entreprises qui auraient conclu cet accord-cadre.
61 La requérante soutient qu'on ne peut pas conclure rétrospectivement, à partir d'éventuels accords particuliers ultérieurs, à l'existence d'un accord-cadre Le sens de l'accord-cadre étant de convenir à l'avance de certaines règles pour des actes particuliers ultérieurs, le rapprochement a posteriori d'accords particuliers ne permettrait d'inférer l'existence d'un accord-cadre qu'à la seule condition que les actes particuliers ne puissent en aucun cas être expliqués autrement que par la conclusion préalable d'un accord-cadre. Or, la Commission ne l'aurait pas prétendu avant son mémoire en défense et les faits constatés n'indiqueraient pas que les différents actes allégués pour 1977 et les années suivantes se seraient uniformément ou régulièrement produits selon un schéma de comportement préétabli. Ainsi la Commission parle d'un "système de réunions périodiques", mais cette appréciation ne serait pas confirmée par les preuves qui ne permettraient pas de déceler la moindre régularité dans la tenue des réunions.
62 La requérante soutient que si la Commission allègue désormais l'existence d'un accord-cadre, c'est pour pallier, par une construction juridique détournée, son incapacité à prouver l'existence d'accords particuliers et-ou de pratiques concertées particulières, comme le montrerait le fait qu'elle déclare dans son mémoire en défense que "il est raisonnable de supposer que les réunions sur le contenu desquelles elle ne connaît pas de détails (essentiellement celles tenues entre fin 1977-début 1978 et fin 1981) avaient généralement le même objet que celles pour lesquelles elle connaît ces détails".
63 De la même manière, elle expose que c'est en vain que, pour la même raison, la Commission tente de recourir à la notion d'infraction continue. En effet, cette notion étant destinée à regrouper en un délit unique et global la somme des délits distincts remplissant chacun toutes les conditions de l'infraction, cela ne dispenserait pas la Commission de son obligation d'apporter, pour chaque période visée et pour chaque accusation, la preuve concrète d'une infraction au droit de la concurrence.
64 La requérante conclut que, tant dans le cas de l'accord-cadre que dans celui de l'accord continu, la Commission aurait dû préciser pour quels actes particuliers elle estimait qu'un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, avait été établi afin de regrouper ensuite les différentes infractions sur cette base. Or, elle aurait, au contraire, procédé de façon inverse en concluant à partir de l'ensemble des faits à l'existence d'un "accord-cadre" global ou d'un "accord unique et continu" sans établir l'existence d'infractions distinctes, comme le montrerait le point 81 de la décision.
65 Elle fait valoir que cette erreur de droit, qui touche les éléments de fait et le fondement juridique de la décision et atteint même son dispositif, n'est pas réparable devant le Tribunal et doit, par conséquent, entraîner l'annulation de la décision. Le Tribunal pourrait certes, en théorie, examiner lui-même les différents actes pour lesquels il estime que l'infraction est établie et fondée, mais les droits de la défense seraient alors méconnus puisque les entreprises concernées devraient se défendre contre des accusations que l'administration qui les met en cause n'a pas encore formulées.
66 La Commission estime, pour sa part, qu'elle s'est parfaitement conformée à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78) selon laquelle elle est en droit d'utiliser les résultats de la procédure administrative "pour aménager et compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient". Se référant aux termes de la communication des griefs et de sa lettre ultérieure du 29 mars 1985, la Commission considère qu'elle a permis qu'un débat très approfondi sur la nature véritable de l'entente s'instaure pendant la procédure administrative. La décision contiendrait les conclusions qu'elle a tirées de ce débat.
67 Elle ajoute que la communication des griefs initiale faisait déjà, en plusieurs endroits (points 128 et 132), état d'une "coopération continue et institutionnalisée". En outre, dans sa lettre du 29 mars 1985, la Commission aurait indiqué qu'elle "n'excluait pas la possibilité d'un accord central des quatre principaux producteurs" (page 3) et qu'en ce qui concernait les autres participants aux réunions, les accords "(reposaient) sur un plan suffisamment détaillé pour être assimilé à un accord ou à des accords au sens de l'article 85" (page 4).
68 Selon la Commission, l'accord-cadre aurait résidé dans la décision d'instaurer un système institutionnalisé de réunions de producteurs afin de discuter de la stratégie commerciale à adopter. Cet accord-cadre aurait été complété, selon les cas, par des accords particuliers portant sur des mesures concrètes. Il se serait agi de mettre en œuvre un plan d'ensemble se traduisant par des actions de plus en plus intensives et visant à influer sur les forces du marché au moyen d'une coopération des producteurs de polypropylène en matière de prix, d'objectifs de vente, de parts de marché et de mesures d'accompagnement. Ce plan d'ensemble aurait toujours conservé les mêmes caractéristiques de base en dépit de différences dans sa mise en œuvre dues à la méfiance réciproque des participants.
69 A cet égard, la Commission se défend d'avoir "inventé" un accord-cadre pour combler les lacunes de sa démonstration, comme le lui reproche la requérante.
71 En effet, contrairement aux affirmations de la requérante, la décision ne constate pas purement et simplement, en son point 81, que les entreprises en cause "ont participé à un accord-cadre qui s'est traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques" et qu'il s'est ainsi agi d' " un accord unique " et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1", puisque la première de ces phrases est précédée par les termes ". En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène ", et que la seconde est introduite par les mots ". La Commission estime que tout l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et institutionnalisées a constitué ". Il s'ensuit que, dans la décision, les termes "accord-cadre" ou "l'accord unique et continu" n'ont d'autre portée que d'exprimer le fait que la Commission a retenu à charge des entreprises destinataires de la décision une infraction unique dont les différents éléments ont constitué un ensemble intégré de systèmes de réunions périodiques de producteurs de polypropylène, de fixation d'objectifs de prix et de quotas, caractérisé par une seule finalité économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène.
72 Or, telle est exactement la teneur de toute la communication générale des griefs, adressée à la requérante et aux autres entreprises destinataires de la décision, et en particulier de ses points, 1, 5, 128, 132 et 151, sous a). Ainsi, le point 1 est libellé comme suit :
"La présente communication de griefs concerne l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à un ensemble d'accords et-ou de pratiques concertées, par lesquels, de 1977 environ à octobre 1983, les producteurs qui approvisionnent le Marché commun en polypropylène (produit thermoplastique en vrac) ont coordonné leurs politiques de vente et de prix, de façon régulière et continue, en fixant et en appliquant des prix "cibles" et-ou minimaux, en contrôlant les quantités mises sur le marché par l'adoption d'"objectifs" et-ou de quotas et en se réunissant régulièrement afin de surveiller l'évolution de ces mesures restrictives."
Et le point 132, dernière phrase, précise :
" En effet, les producteurs visaient à contrôler le marché et une coopération permanente et institutionnalisée à un haut niveau a été substituée au jeu normal des forces concurrentes. "
73 Il faut ajouter que cette teneur des griefs formulés à l'encontre de la requérante et des autres entreprises destinataires de la décision est confirmée par la lettre qui leur a été adressée le 29 mars 1985, dans laquelle on peut lire, à la page 4 : " De tels arrangements constituaient un plan suffisamment précis pour être assimilable à un ou plusieurs 'accords' au sens de l'article 85, tout au moins dans le chef des producteurs mêlés aux réunions ".
74 Par conséquent, le Tribunal considère que, dans la décision, la Commission n'a fait qu'aménager et expliciter en droit l'argumentation sur laquelle elle fonde les griefs qu'elle a retenus et qu'elle n'a, dès lors pas empêché la requérante de faire connaître son point de vue sur ces griefs avant que la décision soit prise.
75 Il s'ensuit que c'est à tort que la requérante fait grief à la Commission d'avoir violé ses droits de la défense en formulant à son encontre des griefs nouveaux dans la décision.
Sur l'établissement de l'infraction
76 Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accords exprès sur des points spécifiques.
77 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives à l'accord sur les prix planchers (A), au système des réunions périodiques (B), aux initiatives de prix (C), aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix (D) et à la fixation de tonnages cibles et de quotas (E), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b), avant de les apprécier (c) ; il y a lieu de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, à ces faits.
Les constatations de fait
A - L'accord sur les prix-planchers
Acte attaqué
78 La décision (point 16, premier, deuxième et troisième alinéa ; voir aussi le point 67, premier alinéa) indique que, au cours de l'année 1977, après l'apparition de sept nouveaux producteurs de polypropylène en Europe occidentale, les producteurs en place ont entamé des discussions pour tenter d'éviter une chute brutale des prix et les pertes qui s'ensuivraient. Dans le cadre de ces discussions, les principaux producteurs, Monte, Hoechst, ICI et Shell auraient pris l'initiative d'un " accord sur les prix-planchers " qui devait entrer en vigueur le 1er août 1977. L'accord initial n'aurait comporté aucune régulation des volumes, mais, en cas de réussite, certaines restrictions de tonnages auraient été prévues pour 1978. Cet accord aurait dû être appliqué pendant une période initiale de quatre mois et les modalités de cet accord auraient été communiquées aux autres producteurs, et notamment à Hercules, dont le directeur du marketing relevait comme prix-planchers pour les principales qualités, par Etat membre, un cours indicatif de 1,25 DM-kg pour la qualité raphia.
79 Selon la décision (point 16, cinquième alinéa), ICI et Shell admettent avoir eu des contacts avec d'autres producteurs pour étudier les moyens de juguler la chute des prix. D'après ICI, il est possible qu'une suggestion ait été émise quant à un niveau de prix en dessous duquel il serait interdit de descendre. ICI et Shell confirmeraient que la discussion n'était pas limitée aux " quatre grandes ". Aucun détail précis n'aurait pu être obtenu quant au fonctionnement de l'accord sur les prix-planchers. Toutefois, en novembre 1977, alors que le prix du raphia était, semble-t-il, tombé aux alentours de 1 DM-kg, Monte aurait annoncé son intention de le porter à 1,30 DM-kg à partir du 1er décembre et, le 25 novembre, la presse spécialisée aurait fait part du soutien apporté par les trois autres grands à cette initiative et de leur intention de procéder à des hausse similaires à la même date ou en décembre.
80 La décision (point 17, premier et deuxième alinéas), relève que c'est à peu près à ce moment qu'à débuté le système des réunions périodiques des producteurs de polypropylène et qu'ICI soutient qu'aucune réunion n'a eu lieu avant décembre 1977, mais admet que les producteurs maintenaient déjà le contact entre eux auparavant, probablement par téléphone et lorsque la nécessité s'en faisant sentir. Shell aurait admis la possibilité que ses cadres supérieurs " aient discuté des prix avec Montedison en novembre 1977 ou aux alentours de cette date et que Montepolimeri ait fait mention d'une éventuelle majoration des prix et suscité la réaction (de Shell) à cette éventualité ". La décision (point 17, troisième alinéa) expose que, s'il n'existe aucune preuve directe que des réunions de groupe aient eu lieu avec décembre 1977 pour fixer les prix, les producteurs informaient déjà une association professionnelle de clients, la " European Association for Textile Polyofelins " (ci-après " EATP "), lors de ses réunions de mai et novembre 1977, de la nécessité qu'ils percevaient d'organiser une action commune pour améliorer le niveau des prix.
Dès mai 1977, Hercules aurait souligné que l'initiative devrait venir des " chefs de file traditionnels " du secteur, tandis que Hoechst aurait laissé entendre que, à son avis, les prix devaient être relevés de 30 à 40 %.
81 C'est dans ce contexte que la décision (points 17, quatrième alinéa, 78, troisième alinéa, et 104, deuxième alinéa) fait grief à la requérante d'avoir déclaré, tout comme Hercules, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay, qu'elle soutiendrait l'annonce faite par Monte, par la voie d'un article paru le 18 novembre 1977 dans la presse spécialisée (European Chemical Nes, ci-après " ECN "), de son intention de porter le prix du raphia à 1,30 DM-kg à partir du 1er décembre. Les différentes déclarations faites à cet égard lors de la réunion de l'EATP, tenue le 22 novembre 1977, telles qu'elles ressortent du compte rendu, indiqueraient que le prix de 1,30 DM-kg fixé par Monte avait été adopté par les autres producteurs comme " objectif " pour le secteur tout entier.
Arguments des parties
82 La requérante constate que, à l'appui de son affirmation selon laquelle un accord sur les prix planchers aurait été conclu en 1977, la Commission n'avance qu'un seul élément de preuve, à savoir une note manuscrite rédigée par un employé d'Hercules (g. g. ann. 2), employé qui n'aurait pas été le témoin direct des discussions relatées par cette note. Il ne serait, du reste, pas prouvé qu'Hercules ait été partie à cet accord.
83 Elle ajoute que le terme " agreement " (" accord ") qui figure dans cette note est ambigu en ce qu'il pourrait ne manifester qu'une convergence d'opinions.
84 La requérante tire encore argument du fait que l'augmentation de prix prévue dans la note n'a pas eu lieu et que rien ne prouve qu'elle ait été reportée. A cet égard, elle fait valoir que le report de cette augmentation ne peut en aucun cas être déduit du compte rendu de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 (g. g. ann. 6.). En effet, l'annonce d'une augmentation de ses prix par Monte qui y est rapportée ne permettrait pas d'étayer une telle affirmation pour deux raisons : d'une part, l'annonce publique d'augmentations de prix ne serait pas interdite par l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et, d'autre part, aucun élément ne permettrait d'affirmer que cette annonce était le résultat d'un accord, d'autant moins que Monte n'était pas membre de l'EATP en 1977. Elle ajoute que l'annonce lors d'une autre réunion de l'EATP, tenue le 26 mai 1978 (g. g. ann. 7), par Monte d'une augmentation de prix déjà décidée est dépourvue de toute pertinence.
85 Elle rappelle que le document découvert chez Solvay qui est mentionné au point 16, dernier alinéa, de la décision ne peut pas lui être opposé puisqu'il ne lui a pas été communiqué.
86 La Commission répond que la requérante n'avance aucun argument permettant de mettre en cause le contenu de la note d'Hercules décrivant l'accord sur les prix planchers (g. g. ann. 2). Elle souligne que cette note cadre fort bien avec les annonces d'augmentations de prix uniformes faites simultanément par les différents producteurs à l'occasion des réunions de l'EATP du 22 novembre 1977 et du 26 mai 1978 (g. g. ann. 6 et 7).
c) Appréciation du Tribunal
87 Le Tribunal constate que le texte de la note de l'employé d'Hercules auquel la Commission fait référence est clair et dépourvu d'ambiguïté. En effet, on peut y lire :
" Major producers have made agreement (Mont., Hoechst, Shell, ICI) 1. No tonnage control ; 2. System prices - DOM less for importers ; 3. Floor-prices from July 1. Definitely Aug. 1st when present contracts expire ; 4. Importers restrict to 20 % for 1 000 tonnes ; 5. Floor-prices for 4 month period only - alternative in for existing ; 6. Com.(panies) to meet Oct. To review progress ; 7. Subject (of the) scheme working - Tonnage restrictions would operate next year ".
[" Les principaux producteurs (Mont., Hoechst, Shell, ICI) sont convenus des points suivants : 1. Aucun contrôle des tonnages ; 2. Système de prix-planchers pour les DOM (producteurs nationaux) à l'exception des importateurs ; 3. Prix-planchers à partir du 1er juillet ou au plus tard au 1er août lorsque les contrats en cours expirent ; 4. Les importateurs limitent à 20 % pour 1 000 tonnes ; 5. Prix planchers pour une période de quatre mois seulement - l'alternative est ce qui existe ; 6. Les sociétés doivent se rencontrer au mois d'octobre pour passer en revue les progrès réalisés ; 7. Sujet du régime en vigueur - les restrictions de tonnages s'appliqueraient à partir de l'an prochain ".]
(suit une liste de prix pour trois qualités de polypropylène dans quatre monnaies nationales, dont 1,25 DM-kg pour le raphia).
88 Face à cet élément de preuve, la requérante se borne à soutenir qu'il n'y a pas de preuve de la conclusion d'un accords sur les prix planchers dans la mesure où, d'une part, l'auteur de la note n'étant pas partie à cet accord, celle-ci serait peu fiable et où, d'autre part, le terme " agreement " (" accord ") qui y figure ne ferait que traduire une identité de vues entre les entreprises sur la nécessité d'une augmentation des prix.
89 Le Tribunal estime que les considérations de la requérante ne sont pas de nature à ébranler la valeur attribuée par la Commission à cette note. En effet, le fait qu'Hercules n'ait pas été partie à l'accord initial sur les prix-planchers est sans pertinence puisque la Commission utilise explicitement cette note comme un témoignage écrit et contemporain des faits, attestant que des producteurs autres qu'Hercules ont conclu un accord.
90 De même, si le terme " agreement " (" accord ") peut traduire, le cas échéant, une identité de vues, il y a lieu de relever que, dans la note, il fait partie de l'expression " made agreement ", qui, en anglais, ne peut signifier que " conclure un accord " et qui, par conséquent, traduit, par delà une identité de vues, un concours de volontés intervenu entre la requérante et trois autres producteurs portant sur des prix planchers.
91 Le fait que les prix-planchers convenus n'aient pas pu être atteints n'est pas non plus de nature à infirmer l'adhésion de la requérante à l'accord sur les prix planchers, puisque, même à supposer ce fait établi, il tendrait tout au plus à démontrer que les prix-planchers n'ont pas été mis en œuvre et non qu'ils n'ont pas été convenus. Or, la décision (point 16, dernier alinéa), loin d'affirmer que les prix planchers ont été atteints, relève que le prix raphia était tombé aux alentours de 1 DM-kg en novembre 1977.
92 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que, au milieu de l'année 1977, un concours de volontés est intervenu entre plusieurs producteurs de polypropylène, parmi lesquels figure la requérante, portant sur la fixation de prix planchers, et que, à cette fin, elle n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.
B - Le système des réunions périodiques
a) Acte attaqué
93 La décision (point 17) indique que le système des réunions périodiques des producteurs de polypropylène a débuté à peu près fin novembre 1977. Elle relève qu'ICI soutient qu'aucune réunion n'a eu lieu avant décembre 1977 (c'est-à-dire après l'annonce de Monte), mais qu'elle admet que les producteurs maintenaient déjà le contact entre eux auparavant.
94 Selon la décision (point 18, premier alinéa ), six réunions au moins ont eu lieu au cours de 1978 entre de hauts dirigeants chargés de la direction du secteur de polypropylène de certains producteurs (" patrons "). Ce système aurait bientôt été complété par des réunions d'un niveau moins élevé entre des cadres plus spécialisés en marketing (" experts ", référence est faite à la réponse d'ICI à la demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, g. g. ann. 8). La décision reproche à la requérante d'avoir assisté régulièrement à ces réunions jusqu'à la fin septembre 1983 au moins (point 105, quatrième alinéa).
95 La décision (point 21) affirme que ces réunions périodiques avaient pour objet notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.
96 Selon la décision (point 68, deuxième et troisième alinéas), à la fin de 1982, les " quatre grands " ont commencé à se réunir en sessions restreintes la veille de chaque réunion de " patrons ". Ces " préréunions " auraient offert aux quatre grands producteurs un cadre approprié pour convenir d'une position commune avant la session plénière, afin d'encourager un mouvement de stabilisation des prix en présentant un front unique. ICI aurait reconnu que les sujets discutés lors des préréunions étaient identiques à ceux évoqués aux cours des réunions des " patrons " qui leur faisaient suite ; en revanche, Shell aurait nié que les réunions des " quatre grands " aient, de quelque façon que ce soit, préparé les réunions plénières ou aient servi à dégager une position commune avant la réunion suivante. La décision affirme cependant que les comptes rendus de certaines de ces réunions (octobre 1982 et mai 1983) contredisent cette affirmation de Shell.
Arguments des parties
97 La requérante soutient que c'est sans avancer la moindre preuve que la Commission fait état d'un " système de réunions périodiques ". En effet, les preuves dont dispose la Commission ne permettraient pas de déceler la moindre régularité dans le tenue ou le déroulement des réunions ou dans le nom de leurs participants. Ainsi, d'après le tableau 3 de la décision, seulement six réunions se seraient tenues en 1978, aucune en 1979, une seule ne 1980 et dix en 1981.
98 Elle répète que c'est pour pallier les lacunes en matière de preuves que la Commission allègue l'existence d'un accord-cadre, comme le montrerait le fait qu'elle indique dans son mémoire en défense que " il est raisonnable de supposer que les réunions sur le contenu desquelles elle ne connaît pas de détails (essentiellement tenues entre fin 1977-début 1978 et fin 1981) avaient généralement le même objet que celles pour lesquelles elle connaît ces détails ". Cela montrerait, en outre, que la Commission ne dispose d'aucune preuve de ses allégations en ce qui concerne l'objet des réunions tenues durant les années 1977 à 1981.
99 La requérante soutient que, pour déterminer l'objet des réunions, la Commission se fonde sur des notes qu'un employé d'ICI a rédigées relativement à certaines rencontres de producteurs et dans lesquelles le résultat des rencontres est parfois qualifié d' " agreed " (" convenu "). Elle fait remarquer, d'une part, que cette qualification peut signifier que les avis ont été unanimes et, d'autre part, que ces notes peuvent ne pas refléter de manière objective les résultats des réunions en raison, par exemple, de l'intérêt personnel de leur rédacteur à faire apparaître les résultats comme meilleurs qu'ils n'étaient en réalité.
100 La Commission fait valoir, de son côté, qu'il ressort de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) que les réunions ont commencé en 1977 et qu'il a été suggéré de les poursuivre sur une base ad hoc. Par la suite, les réunions seraient devenues plus fortement structurées, plus fréquentes et plus régulières. ICI aurait déclaré dans sa réponse que Hoechst faisait partie des participants réguliers à ces réunions.
101 Elle ajoute que la participation de la requérante aux réunions est également attestée par de nombreux comptes rendus découverts chez ICI, qui sont corroborés eux-mêmes par différents tableaux découverts chez ICI et ATO (g. g. ann. 55 à 61), reprenant notamment les chiffres de vente de différents producteurs. ICI aurait déclaré dans sa réponse à la demande de renseignements que ces chiffres auraient été fournis par les producteurs eux-mêmes.
102 La Commission expose que l'objet de ces réunions était de convenir de prix cibles et d'initiatives en matière de prix, de s'entendre sur des objectifs de volumes de vente, de comparer les parts de marché et d'arrêter des mesures d'accompagnement, telles que l' " account leadership ". Il serait donc agi de convenir d'une harmonisation des stratégies commerciales des participants à ces réunions.
103 Elle ajoute que la requérante ne donne pas de raisons valables de douter de la fiabilité des documents que la Commission a produits et, en particulier, des comptes rendus de réunions rédigés par les employés d'ICI.
Appréciation du Tribunal
104 Le Tribunal constate que la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) classe la requérante, à la différence de deux autres producteurs, parmi les participants réguliers aux réunions de " patrons " et d' " experts ". Cette réponse doit être interprétée comme faisant remonter la participation de la requérante au début du système des réunions de " patrons " et d' " experts ", qui a été instauré à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979.
105 La réponse d'ICI à la demande de renseignements se trouve corroborée sur ce point par la mention, à côté du nom de la requérante, dans différents tableaux retrouvés chez ICI et ATO (g. g. ann. 55 à 61), de ses chiffres de vente pour différents mois et différentes années. Or, la plupart des requérantes ont admis dans leur réponse à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides d'échange de données. Dans sa réponse à la demande de renseignements, ICI a d'ailleurs déclaré à propos d'un de ces tableaux que " the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves " (" la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a du être les producteurs eux-mêmes "). En outre, au cours de la procédure devant le Tribunal, la requérante, confrontée à ces indices sérieux, n'a jamais nié spécifiquement sa présence aux réunions, dont elle n'a pas contesté qu'elle aient eu lieu.
106 Quant à la question de savoir si la requérante a participé aux réunions de l'année 1978, le Tribunal relève qu'il résulte d'une lecture combinée du point 18 de la décision et de la communication spécifique des griefs adressée à Hoechst qu'il est fait grief à celle-ci d'y avoir participé.
107 Le Tribunal relève que la requérante, plutôt que de nier sa participation aux réunions tenues entre 1978 et 1982, affirme que la Commission manque de preuve en ce qui concerne leur tenue et leur objet.
108 Or, l'existence de réunions de producteurs durant l'année 1978 est établie par la réponse d'ICI à la demande de renseignements dans laquelle on peut lire :
" During the first year (1978), about six 'ad hoc' meetings took place at about two monthly intervals between the Senior Managers responsible for the polypropylène bussiness of some producers. "
[" Au cours de la première année (1978), environ six réunions 'ad hoc' ont eu lieu à environ deux mois d'intervalles. Y étaient conviés les directeurs responsables du secteur polypropylène de plusieurs producteurs. "].
Cette même réponse indique que ces réunions ont débuté aux environs du mois de décembre 1977 :
" Because of the problems facing the polypropylene industry... a group of producers met in about December 1977 to discuss what, if any, measures could be pursued in order to reduce the burden of the inevitable heavy losses about to be incurred by them ".
(" Pour faire face aux problèmes auxquels l'industrie du polypropylène était confrontée... un groupe de producteurs s'est réuni vers le mois de décembre 1977, pour examiner si des mesures pouvaient être prises - et lesquelles - pour réduire la charge des pertes importantes qu'ils allaient inévitablement subir. "), soit immédiatement après la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 à laquelle Hoechst a participé.
109 Le Tribunal constate, en outre, que les réunions qui se sont tenues durant l'année 1978 et les années suivantes avaient le même objet que les réunions de l'EATP, à savoir de discuter de mesures à prendre en vue de juguler les pertes subies par les producteurs de polypropylène. En effet, on peut lire dans la réponse d'ICI à la demande de renseignements :
" It was to be essential for producers to consider appropriate means of alleviating this impending crisis which could, unless controlled in some way, lead eventually to the collapse of the polypropylene industry. It was proposed that future meetings of those producers who wished to attend should be called an 'ad hoc' basis in order to exchange and develop ideas to tackle these problems... Generally speaking howerver, the concept of recommending 'target prices' was developed duriing the early meetings which took place in 1978... "
(" Il paraissait essentiel que les producteurs envisagent des mesures appropriées pour résoudre la crise qui s'annonçait et qui, si on ne trouvait pas le moyen de la contrôler d'une manière ou d'une autre, pouvait finalement entraîner l'effondrement de l'industrie de polypropylène. Il a été proposé que des réunions des producteurs désireux de se rencontrer seraient convoquées à l'avenir avec un ordre du jour 'ad hoc' en vue d'échanger et de développer des idées pour contrer ces problèmes... D'une manière générale, cependant, l'idée de recommander des 'prix-cibles' a été mise au point au cours des réunions du début qui ont eu lieu en 1978... ").
110 Or, au cours de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977, les différents producteurs ont indiqué que les prix étaient trop bas et qu'ils ne pourraient le supporter indéfiniment. Hoechst y a fait la déclaration suivante :
" Yesterday mornig, Hoechst annouced a European wide modest price increase. The price increase will not bring us to a level which suits us, but we hope that it is going ti improve our critical situation.
We hope that this move will not be misinterpreted. We think that il cannot be in the interests of both polymer makers and processors to go on in the way in wich wa have been during recent months. "
(" Hoechst a annoncé hier matin une légère augmentation de prix pour toute l'Europe. Cette augmentation ne nous permettra pas d'atteindre un niveau qui nous convienne, mais nous espèrons qu'il améliorera la situation critique dans laquelle nous nous trouvons.
Nous espérons que cette démarche ne sera pas mal interprétée. Nous estimons qu'il ne saurait être de l'intérêt des fabricants de polymère et des transformateurs de continuer sur la voie qui a été la nôtre au cours des derniers mois. ")
Les producteurs ont également mis l'accent sur la nécessité d'augmenter les prix et ont soutenu l'annonce faite par Monte d'une augmentation de ses prix.
111 Par conséquent, le Tribunal considère que les réunions de l'année 1978 et des années subséquentes se sont inscrites, pour les producteurs, dans le prolongement de leurs déclarations à la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977.
112 Par ailleurs, force est de constater que la réponse d'ICI à la demande de renseignements monte que ces réunions ont constitué le point de départ du système des réunions de " patrons " et d' " experts " - auquel a participé la requérante à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979 - tant au niveau de leur organisation que de leur objet. En effet, on peut lire dans cette réponse que :
" By late 1978-early 1979 it was determined that the 'ad hoc' meetings of Senior Managers ('Bosses', of 1978) should be supplemented by meetings of lower level managers with more marketing knowledge ('Experts'). "
[" Fin 1978-début 1979, il a été décidé que les réunions 'ad hoc' des 'Senior' directeurs ('patrons') seraient complétées par des réunions de directeurs situés à un niveau moins élevé dans la hiérarchie, mais possédant de plus amples connaissances en matière de marketing ('Experts'). "]
et il convient de rappeler que l'idée de recommander des prix cibles, mise en œuvre dans le cadre du système des réunions de " patrons " et d' " experts ", avait été développée durant les réunions de 1978.
113 Par conséquent, le Tribunal constate que, la requérante ayant participé, d'un côté à la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977, et de l'autre, au système de réunions de " patrons " et d' " experts ", la Commission était en droit de considérer que la requérante avait participé aux réunions de l'année 1978 qui ont constitué pour les producteurs le prolongement de leurs déclarations à la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 et qui leur ont permis de mettre en place le système des réunions de " patrons " et d' "experts ".
114 Le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a estimé, sur la base des éléments qui ont été fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements et qui ont été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions, que l'objet des réunions était, notamment, de fixer des objectifs de prix, d'une part, et de volumes de vente, d'autre part. En effet, on peut lire dans cette réponse les passages suivants :
" Generally speaking however, the concept of recommending 'Target-prices' was developped during the early meetings which took place in 1978 " ; " 'Target-prices' fot the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in schedule... "
ainsi que :
" A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings. "
(" En général, l'idée de recommander des 'prix-cibles' a été élaborée pendant les premières réunions, qui ont lieu en 1978 " ; " Les 'prix-cibles' qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe... "
ainsi que :
" Un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors des réunions. ")
115 Le Tribunal relève que le contenu des compte rendus de réunions émanant d'ICI est confirmé par différents documents, comme un certain nombre de tableaux chiffrés relatifs aux volumes de vente des différents producteurs et comme des instructions de prix correspondant, quant à leur montant et à leur date d'entrée en vigueur, aux objectifs de prix mentionnés dans lesdits comptes rendus de réunions. De la même manière, les réponses des différents producteurs aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées par la Commission corroborent, globalement, le contenu desdits comptes rendus.
116 Par conséquent, la Commission a pu considérer que les comptes rendus de réunions découverts chez ICI reflétaient assez objectivement le contenu des réunions dont la présidence était assurée par différents membres du personnel d'ICI, ce qui accroissait la nécessité pour eux d'informer correctement du contenu des réunions ceux des membres du personnel d'ICI qui ne participaient pas à l'une ou l'autre réunion, en établissant des comptes rendus de celles-ci.
117 Dans ces circonstances, c'est à la requérante de fournir une autre explication contenu des réunions auxquelles elle a participé, en avançant des éléments précis comme les notes prises par les membres de son personnel au cours des réunions auxquelles ils ont participé ou le témoignage de ces personnes. Force est de constater que la requérante n'a pas avancé ni offert d'avancer de tels éléments devant le Tribunal.
118 De surcroît, faisant état de l'organisation, en plus des réunions de " patrons " des réunions " d'experts " en marketing à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, la réponse d'ICI à la demande de renseignements révèle que les discussions relatives à la fixation d'objectifs de prix et de volumes de ventes faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors que, en 1978, les " patrons " s'étaient bornés à développer le concept même des prix cibles.
119 Outre les passages précédents, on peut lire l'extrait suivant dans la réponse d'ICI à la demande de renseignements : " Only 'Bosses' and 'Experts' meetings came to held on a monthly basis " (" Seules les réunions de 'patrons' et d' 'experts' avaient lieu sur une base mensuelle "). C'est à bon droit que la Commission a pu déduire de cette réponse, ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions, celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.
120 En ce qui concerne le rôle particulier joué par les " quatre grands " dans le système de réunions, il y a lieu de relever que Hoechst ne conteste pas que des réunions réunissant les " quatre grands " aient eu lieu le 15 juin 1981 en l'absence de Hoechst, les 13 octobre et 20 décembre 1982, les 12 janvier, 15 février, 13 avril, 19 mai et 22 août 1983 (décision, tableau 5, ainsi que g. g. ann. 64).
121 Or, ces réunions des " quatre grands " avaient lieu, à partir de décembre 1982, veille des réunions de " patrons " et elles avaient pour objet de déterminer les actions qu'ils pourraient y prendre ensemble en vue d'aboutir à un relèvement des prix, comme le montre la note de synthèse rédigée par un employé d'ICI en vue d'informer un de ses collègues du contenu d'une préréunion du 19 mai 1983, laquelle avaient participé les " quatre grands " (g. g. ann. 101). Cette note fait état d'une proposition qui sera soumise à la réunion de " patrons " du 20 mai.
122 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs e polypropylène entre la fin de l'année 1977 et septembre 1983, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et qu'elles s'inscrivaient dans un système.
C - Les initiatives de prix
Acte attaqué
123 Selon la décision (points 28 à 51), un système de fixation d'objectifs de prix aurait été mis en œuvre à travers des initiatives de prix dont six ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983.
124 A propos de la première de ces initiatives de prix, la Commission (décision, point 29) fait remarquer qu'elle ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait cependant qu'une initiative était prévue sur la base d'un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM-kg à partir du 1er juillet et de 2,05 DM-kg à partir du 1er septembre. La Commission disposerait des instructions de prix de certains producteurs, parmi lesquels Hoechst, dont il ressortirait que ces producteurs avaient donné ordre à leurs bureaux de vente d'appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre, et ce pour la plupart d'entre eux avant que la presse spécialisée n'ait annoncé la hausse prévue (décision, point 30).
125 Toutefois, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, de reporter la date prévue pour atteindre la cible de plusieurs mois, soit au 1er décembre 1979, le nouveau plan consistant à " maintenir " pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM-kg (décision, point 31, deux premiers alinéas).
126 Quant à la deuxième initiative de prix, la décision (point 32), si elle admet qu'aucun compte rendu des réunions tenues en 1980 n'a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunions au moins sept fois au cours de cette année (référence est faite au tableau 3 de la décision). Au début de l'année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980. On aurait constaté cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM-kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ. Les instructions des prix envoyées par certains producteurs (DSM, Hoechst, Linz, Monte, Saga et ICI) indiqueraient que pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980-janvier 1981 sur la base de 1,50 DM-kg pour la raphia et 1,70 DM-kg pour l'homopolymère et 1,95 DM-kg à 2,00 DM-kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les " prix réalisés " pour octobre et novembre 1980 avec les " prix de liste " pour janvier 1981, qui s'établiraient à 1,50-1,70-2 DM-kg. Initialement, il aurait été prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 - une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre - mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981.
127 La décision (point 33) relève ensuite la participation de Hoechst à deux réunions de janvier 1981, au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM-kg pour le raphia, en deux phases : l'objectif serait resté fixé à 1,75 DM-kg pour février et un objectif de 2 DM-kg serait introduit à partir du 1er mars " sans exception ". Un tableau des prix cibles de six grandes qualités aurait été élaboré dans six monnaies nationales et sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981.
128 Selon la décision (point 34), le projet de relever les prix à 2 DM-kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM-kg en mars. Une réunion d'" experts ", dont il ne subisse aucun compte rendu, se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, mais immédiatement après au moins BASF, DSM, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix " de liste " à un niveau équivalant à 2,15 DM-kg pour le raphia, à partir du 1er mai. Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres. Certains des producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'appliquer des prix " minimaux " ou des " minima absolus " quelque peu inférieurs aux objectifs convenus. Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais, bien que la hausse au 1er mai ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti. Vers le milieu de l'année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser les prix soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.
129 En ce qui concerne la troisième initiative de prix, la décision (point 35) affirme qu'en juin 1981 Shell et ICI auraient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre - octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement. Shell, ICI et monte se seraient rencontrées le 25 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché. Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell auraient donné toutes deux instructions à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM-kg pour la raphia. Solvay aurait rappelé également à son nouveau bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet, alors qu'une réunion d' " experts " aurait été prévue pour le 28 juillet 1981. Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM-kg en septembre 1981 aurait revu probablement à cette réunion ; le niveau pour août aurait été ramené à 2 DM-kg pour le raphia. Celui de septembre aurait dû être de 2,20 DM-kg. Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 c'est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) citerait ces prix, qualifiés d' " officiels " pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l'information. De nouvelles réunions auraient eu lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981. A la suite de ces sessions, les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 DM-kg pour le 1er octobre. BASF, DSM, Hoechst, ICI, Monte et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre.
130 Selon la décision (point 36), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et octobre 1981 le relèvement des prix à un " prix de base " de 2,20-2,30 DM-kg pour le raphia. Un document de Shell indiquerait qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM-kg au 1er novembre, aurait été discutée mais qu'il y aurait été renoncé par la suite. Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l'initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2 à 2,10 DM-kg pour le raphia. Une note d'Hercules montre qu'en décembre 1981 la cible de 2,30 Dm-kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM-kg, mais cette note ajoute que " grâce à la détermination de tous, les prix auraient atteint 2,05 DM-kg, soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic !) ". A la fin de l'année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM-kg pour le raphia, soit quelque 20 pfennigs de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elle auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé " sain ".
131 La quatrième initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d'un retour de marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé Hoechst et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (2 DM-kg pour le raphia ; décision, points 31, 39, premier alinéa).
132 La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant d'ATO, BAS, Hoechst, Hercules, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix-cibles définis lors de la réunion (décision, point 39, deuxième alinéa). Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'auraient pu annoncer que des hausses modestes.
133 Selon la décision (point 40), la requérante aurait également participé à la cinquième initiative de prix de septembre-octobre 1982, décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 et visant à atteindre un prix de 2 DM-kg le 1er septembre et de 2,10 DM-kg le 1er octobre, dans la mesure où elle aurait été présentée à la plupart, sinon à toutes les réunions tenues entre juillet et novembre 1982 au cours desquelles cette initiative a été organisée et contrôlée (décision, point 45). Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2 septembre 1982 (décision, point 41).
134 A la suite des réunions du 20 août et du 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).
135 Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle aurait participé la requérante, un examen des mesures prises pour atteindre l'objectif fixé précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM-kg pour novembre-décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.
136 A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).
137 A l'instar de ATO, BASF, DSM, Hercules, Hüls, ICI, Linz, Monte et Saga, la requérante aurait fourni à la Commission des instructions de prix adressées à ses bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais correspondraient également au tableau de prix cibles joint au compte rendu d'ICI de la réunion des " experts " du 2 septembre 1982 (décision, point 45, deuxième alinéa).
138 La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.
139 D'après la décision (point 47), la requérante aurait, enfin, participé à la sixième initiative de prix de juillet-novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforceraient d'appliquer au prix-cible de 2 DM-kg en juin.
1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM-kg). Ensuite, lors d'une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents, dont Hoechst, auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM-kg. A cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l'initiative publiquement dans ECN.
140 La décision (point 49) relève que, après la réunion du 20 mai 1983, ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM-kg pour le raphia. Elle ajoute que les instructions de prix retrouvées chez ATO et Petrofina ne sont que partielles, mais qu'elles confirment que ces sociétés ont relevé leur niveau de prix, avec un certain retard dans le cas de Petrofina et de Solvay. La décision conclut qu'il est ainsi démontré que, à l'exception de Hüls pour qui la Commission n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM-kg ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.
141 La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août ainsi que les 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont pris part. A la fin de juillet et au début d'août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2 DM-kg pour le raphia, tandis qu'un note interne de Shell du 11 août, relative à ses prix au Royaume-Uni, indiquerait que sa filiale au Royaume-Uni travaillait à " promouvoir " des prix de base applicables au 1er septembre et conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell aurait donné instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exceptions mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.
142 Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM-kg au 1er octobre pour le raphia et d'un relèvement à 2,25 DM-kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que BASF, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs.
143 La décision (point 51, troisième alinéa) relève qu'une note interne recueillie chez ATO, et datée du 28 septembre 1983, comporterait un tableau intitulé " Rappel du prix de cota (sic) ", donnant pour différents pays les prix applicables en septembre et octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de BASF, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Solvay. Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.
144 Selon la décision (point 105, quatrième alinéa) quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu'en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu'à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données.
145 La décision conclut (point 51, dernier alinéa) en relevant que, à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 à 2,15 DM-kg (pour un objectif cité de 2,25 DM-kg).
Arguments des parties
146 La requérante soutient, en substance, que la Commission reste en défaut d'établir sa participation aux initiatives de prix. A cet égard, elle estime que les éléments de preuve avancés par la Commission ne permettent pas d'étayer ses griefs et que ceux-ci sont en outre démentis par le comportement effectif de la requérante sur le marché.
147 En ce qui concerne l'initiative de prix de l'année 1979, la requérante expose que le seul élément de preuve que la Commission a pu produire est le compte rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12), dont le texte ne permettrait pas de savoir si l'objectif de prix de 2,05 DM-kg qui y est mentionné était l'objectif que se fixait l'auteur de la note, si ce prix était le reflet d'une opinion générale ou si, comme le soutient la Commission, ce prix avait fait l'objet d'un accord entre les producteurs. La requérante relève cependant que l'auteur dudit compte rendu fait remarquer, en même temps, qu'il n'est pas possible d'atteindre ce prix au 1er octobre ni au 1er novembre. Or, malgré, la Commission conclurait à l'existence, au 1er septembre, d'une hausse de prix prétendument convenue lors de cette réunion.
148 Elle relève que, pour l'année 1980, la Commission ne dispose d'aucune preuve de l'existence d'un accord sur les prix.
149 Pour les initiatives de prix de l'année 1981, la requérante fait valoir que la Commission n'a pu produire qu'un seul moyen de preuve, à savoir un compte rendu de deux réunions tenues au mois de janvier 1981 (g. g. ann. 17), lequel comporterait uniquement l'indication d'un prix cible dont la Commission a dû reconnaître (décision, point 34) qu'il n'a pas été atteint.
150 En ce qui concerne les initiatives des années 1982 et 1983, elle fait observer que la Commission produit un certain nombre de notes que les représentants de certains producteurs ont rédigées à propos des réunions. Elle rappelle, d'une part, qu'elle a déjà indiqué les raisons pour lesquelles ces notes sont peu fiables et, d'autre part, que le terme " agreed " (" convenu ") qui figure dans certaines de celles-ci peut très bien avoir plusieurs significations et ne doit nullement être entendu au sens d'accord, puisqu'il peut désigner une simple concordance d'opinions. Elle ajoute que la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) ne révèle nullement l'existence d'accords conclu entre les participants aux réunions. Elle fait remarquer, enfin, que, pour confirmer l'existence d'accords sur des hausses de prix, la Commission se fonde sur des instructions de prix prétendument parallèles données par les différents producteurs à leurs bureaux de vente, mais que, lorsque ces instructions ont été communiquées aux entreprises, il ne leur a pas été signalé qu'elles pourraient éventuellement être utilisées en tant que moyen de preuve dans la présente procédure. La requérante estime qu'elles sont, par conséquent, irrecevables et qu'elles doivent être écartées.
151 La requérante fait valoir que, compte tenu du caractère contestable et lacunaire des preuves relatives aux accords sur les prix, la Commission aurait dû vérifier, en observant le marché, si les entreprises ont eu un comportement collectif correspondant aux accords et, en particulier, s'il est possible de conclure l'existence d'une volonté de s'engager de la part des entreprises concernées. Or, selon Hoechst, l'existence d'une telle volonté de s'engager serait contredite par le fait que, pendant des années, les entreprises auraient adopté sur le marché un comportement ne correspondant pas aux accords prétendument convenus.
152 Elle soutient, à cet égard, qu'il y aurait lieu, bien que la Commission s'y soit refusée, de prendre en compte le comportement effectif sur le marché des entreprises impliquées dans la procédure et, en particulier, la concurrence constamment effective sur les prix. Le produit net des ventes, indiqué pour chaque client et pour chaque mois dans les études effectuées par un cabinet d'experts-comptables indépendant, Coopers et Lybrand (ci-après " audit Coopers et Lybrand "), mettrait en évidence une formation des prix à ce point différenciée selon les cas qu'elle réfuterait de façon décisive les affirmations de la Commission quant au comportement collectif unifié sur le marché aussi bien pour l'application de prix cibles ou de prix minimaux uniques que pour les augmentations de prix prétendument concertées.
153 A partir de tableaux portant sur les relations d'affaires de Hoechst avec trois clients en 1982, la requérante conclut que les prix nets s'écartent des prix de liste dans des proportions variables selon les clients, mais très importantes puisqu'elles peuvent aller jusqu'à moins 30,7 % ; que les prix nets chutent en dépit de prix de liste en hausse et d'augmentations de prix prétendument concertées puisqu'on constate, face à chaque augmentation de prix de 0,10 DM, soit 4,5 %, une baisse des prix nets variant selon les clients entre 19,7 % et 2,5 %.
154 Elle fournit encore d'autres tableaux dont elle tire les conclusions suivantes : moins de 3 % de l'ensemble des quantités vendues concernées auraient été vendus au prix de liste alors en vigueur ; un peu moins de 23 % auraient pu être vendus au-dessus du prix de liste, alors que près de 75 % auraient dû être vendus en dessous du prix de liste en vigueur. Ces tableaux montreraient de surcroît que, pour les ventes réalisées au-dessus du prix de liste, 6,8 % des quantités concernées dépassent le prix de liste de plus de 5 %, alors que plus de la moitié des quantités vendues l'ont été à des prix inférieurs de plus de 5 % au prix de liste en vigueur et que plus du quart l'ont été à des prix inférieurs de plus de 10 % au prix de liste.
155 Selon la requérante, les résultats micro-économiques de l'audit Coopers et Lybrand, coïncident avec les résultats d'un marché concurrentiel qu'une analyse macro-économique laisse prévoir, compte tenu des données de base, des conditions générales et des indicateurs applicables fournis par l'économie politique. Ainsi, il ressortirait de l'étude menée par le professeur Albach de l'université de Bonn que les résultats du marché ne diffèrent pas de ce qu'on pouvait attendre d'une concurrence effective sur le marché du polypropylène. Au contraire, ces résultats auraient été durant des années, la conséquence d'une concurrence ruineuse sur les prix et les quantités. Cette étude aurait été confirmée par une nouvelle expertise portant sur un plus grand nombre d'années et d'entreprises, réalisée par le même professeur dans laquelle il répond en outre aux objections formulées par la Commission à propos de sa première étude.
156 De l'ensemble de ces études, la requérante tire la conclusion que les entreprises n'ont à aucun moment conclu une entente sur la formation des prix et que l'existence d'accords de prix restreignant la concurrence n'est donc pas prouvée.
157 Elle soutient que de tels faits interdisent de voir, dans la prétendue uniformité des instructions de prix, un comportement résultant d'une concertation. Ces instructions seraient uniquement des circulaires destinées à informer, à l'intérieur de l'entreprise, les succursales de vente de prix de liste. La requérante ne les aurait jamais envoyées à des clients. En raison de la concurrence vive qui régnait sur le marché, ces informations internes à l'entreprise auraient eu aussi peu d'effet à l'extérieur sur le mécanisme effectif de concurrence que la concertation.
158 Elle conclut que, en l'absence de parallélisme des comportements, le comportement de Hoechst aurait été exclusivement fonction de la concurrence sur le marché. La conclusion qui s'impose dès lors serait nécessairement qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, de comportement découlant d'une entente interdite (voir l'arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink-Commission, points 16 à 20, 29-83 et 30-83, Rec. p. 1679).
159 La Commission, de son côté, relève que la requérante figure parmi les participants réguliers aux réunions de producteurs de polypropylène et que les comptes rendus de celles-ci révèlent que les initiatives de prix décrites dans la décision y ont été convenues. Elle ajoute que la requérante omet de mentionner, à côté des comptes rendus des réunions par Hoechst et les autres producteurs. Elle estime que cette concordance constitue un indice supplémentaire de l'existence d'accords sur les prix. La Commission critique la manière dont la requérante examine les différents éléments de preuve qui ont été produits, dans la mesure où il conviendrait non de les examiner séparément, mais bien de les examiner dans le contexte du système de réunions.
160 En ce qui concerne la participation de la requérante aux différentes initiatives de prix, la Commission se réfère aux éléments de preuve mentionnés dans la décision. Toutefois, elle complète ses affirmations concernant l'année 1981 en se référant aux indications manuscrites figurant en marge d'une note de Linz datée du 15 mai 1981 (g. g. ann. 21), dans laquelle il serait dit : " " Hoechst und BP und CL(inz) haben in Rom schon begonnen, die übrigen Halbzeug-natur - Hersteller in Richtung 1.95-2, - zu bewegen ! ! " - (" Hoechst, BP et Linz ont déjà commencé, à Rome, à amener les autres producteurs de produits semi-finis-nature dans la direction de 1,95-2 ! ! ") et, en ce qui concerne le début de l'année 1982, à une note interne d'Hercules datant du printemps 1982 (g. g. ann. 22) dans laquelle on pourrait lire : " General determination got prices up to 2.05 DM - the closest ever to published target-prices " (" La détermination générale a porté les prix à 2,05 DM , niveau jusqu'ici le plus proche des prix-cibles publiés ").
161 A titre d'exemple, la Commission se réfère aux comptes rendus des réunions du 2 septembre 1982 et du 1er juin 1983 (g. g. ann. 29 et 40) pour établir que les participants aux réunions s'assuraient qu'il existait bien de la part de chacun d'eux un engagement à sen tenir aux décisions adoptées pendant les réunions.
162 La Commission indique qu'elle ne peut accepter l'argumentation de la requérante selon laquelle l'absence de répercussion de l'entente sur le marché démontrerait qu'il n'y a pas eu d'entente sur ce marché. Elle réaffirme que les accords passés dans le cadre de l'entente ont essentiellement été mis en œuvre par le biais des initiatives de prix et que la requérante donne une image déformée du grief formulé par la Commission. En effet, celle-ci soutient n'avoir jamais prétendu que l'ensemble des initiatives de prix ainsi que les mesures d'accompagnement décidées par les producteurs avaient atteint leur objectif. Au contraire, la Commission aurait expressément souligné, aux points 74, 91 et 92 de la décision, les difficultés auxquelles les producteurs se seraient heurtés lorsqu'ils ont voulu imposer les prix cibles sur le marché. Les assertions de la requérante, niant toute influence sur le marché et, partant, concluant à la non-existence de l'entente, seraient incorrectes pour deux raisons ; premièrement, il pourrait parfaitement y avoir des ententes inefficaces, mais qui n'en tombent pas mois sous le coup de l'interdiction visée à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE ; deuxièmement, l'entente constatée par la Commission serait loin d'avoir eu aussi peu de répercussions que la requérante veut bien le prétendre.
163 Elle soutient que les tableaux de prix tirés de l'audit Coopers et Lybrand ne seraient nullement en contradiction avec les constatations de la Commission. Au contraire, ils confirmeraient ces constatations. La Commission estime que les initiatives de prix de 1982 ont effectivement été couronnées de succès. Selon la Commission, les écarts existant entre les instructions de prix de la requérante et les prix effectivement atteints en 1982 ne sont nullement en contradiction avec les constatations de la Commission. Au contraire. Les raisons en seraient exposées en détail au point 74 de la décision. Tant qu'il n'y a pas eu d'initiative de prix, on a pu observer des variations sensibles dans les instructions de prix (" prix de liste ") des divers producteurs en différentes circonstances. Ces instructions n'avaient alors aucune fonction dans le cadre de l'entente ; ce ne serait qu'en relation avec les initiatives de prix qu'elles ont acquis une signification. En ce qui concerne, l'année 1982, la Commission n'a pu établir l'existence que de deux initiatives de prix : l'une infructueuse en juin, et l'autre, partiellement réussie, en octobre.
164 Enfin, la Commission réfute le caractère probant de la nouvelle étude du professeur Albach pour les raisons déjà mentionnées dans la décision et pour trois autres raisons : sa base géographique trop restreinte, les limites des possibilités offertes par la méthode économétrique en ce qui concerne la simulation de prix concurrentiels et, enfin, l'impossibilité de définir la part des frais généraux entrant dans chaque produit.
Appréciation du Tribunal
165 Le Tribunal constate que les comptes rendus périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) :
" Everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise throught before the holidays + after some debate sttled on DM 2 from 1st June (UK 14 th June). Individual country figures are shown in the attached table ".
[" Tout le monde pensait qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances. + fixation (après débat) à 2 DM à partir du 1er juin (14 juin pour le Royaume-Uni). Les chiffres par pays sont indiqués dans le tableau joint "].
166 Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. En effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions.
167 A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante s'est référée à deux arguments tendant à démontrer en général qu'elle n'aurait pas souscrit, lors des réunions périodiques des producteurs de polypropylène, aux initiatives de prix convenues. Elle a exposé, d'une part, qu'elle n'a aucunement tenu compte des résultats de réunions pour déterminer son comportement sur le marché en matière de prix lequel aurait été parfaitement concurrentiel, et, d'autre part, que le caractère purement interne de ses instructions de prix interdisait de les considérer comme un comportement sur le marché, d'autant plus qu'il serait établi qu'elles sont restées sans effet.
168 Aucun de ces deux arguments ne peut être retenu comme indice pouvant corroborer l'affirmation de la requérante selon laquelle elle n'a pas souscrit aux initiatives de prix convenues. En effet, il convient d'observer que le premier argument même s'il était étayé en fait, ne serait pas de nature à infirmer la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix lors des réunions, mais tendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas mis en œuvre le résultat de ces réunions. La décision n'affirme d'ailleurs nullement que la requérante a pratiqué des prix correspondant toujours aux objectifs de prix convenus lors des réunions ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs de prix.
169 En ce qui concerne le second argument avancé par la requérante, le Tribunal considère que le texte des instructions de prix données par la requérante (ann. Hoechst I6, I7, I8 et I9, lettre du 29 mars 1985) indique sans ambiguïté qu'elles étaient destinées à ses clients. En effet, on peut y lire : " Bitte informieren Sie Ihre Kunden umgehend und teilen Sie uns die arktreaktion mit. Wir sind z. Zt. Praktisch ausverkauft " (" Nous vous prions d'avertir immédiatement vos clients et de nous faire connaître la réaction du marché. Nos possibilités de vente sont pratiquement épuisées pour l'instant ").
170 En tout état de cause, la requérante ne peut se prévaloir du caractère purement interne de ses instructions de prix puisque, si celle-ci sont certes purement internes en ce qu'elles sont adressées aux bureaux de vente par le siège central, elles n'en ont pas moins été envoyées en vue d'être exécutées et donc de produire directement ou indirectement des effets externes, ce qui leur fait perdre leur caractère interne.
171 Par ailleurs, le Tribunal constate que les instructions de prix données par les différents producteurs étaient mentionnées dans la lettre de la Commission du 29 mars 1985, qui a été adressée à la requérante et qui complétait la communication générale des griefs. Il s'ensuit que la communication de ces instructions, en annexe à cette lettre, avait averti la requérante que celles-ci pourraient être utilisées en tant que moyens de preuve des griefs formulés à son encontre.
172 En ce qui concerne la participation de la requérante à l'initiative de prix de juillet-décembre 1979, il convient de rappeler que le Tribunal a constaté que la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante aux réunions tenues durant l'année 1979. Il ressort, en outre, des instructions de prix concordantes données par la requérante ainsi que par ATO, BASF, ICI, Linz et Shell que l'initiative destinée à atteindre 2,05 DM-kg le 1er septembre 1979 avait été décidée et annoncée fin juillet. L'existence de cette initiative et son report au 1er décembre 1979 sont établis par le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12), dans lequel on peut lire : " 2.05 remains the target. Clearly 2.05 not achievable in Oct., not in Nov. Plan now is 2.05 on 1/12 " (" 2,05 reste la cible. Manifestement, il n'est pas possible de réaliser 2,05 en octobre ni en novembre Projet actuel : 2,05 le 1er décembre ").
173 Il importe d'ajouter que la décision ne fait pas grief à la requérante ni aux autres producteurs d'avoir participé à des initiatives de prix durant l'année 1980. La remarque de la requérante selon laquelle la Commission ne disposerait d'aucune preuve de telles initiatives est, par conséquent, dépourvue de toute pertinence.
174 Par ailleurs, le Tribunal constate que, en participant aux réunions durant l'année 1980 et aux réunions de janvier 1981 au cours desquelles a été décidée, organisée et contrôlée l'initiative de prix du début de l'année 1981, la requérante a pris part à cette initiative de prix. A cet égard, il y a lieu de relever qu'on peut lire dans le compte rendu de deux réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) :
" Whilst all the evidence pointed to actual prices not reaching the previous targets levels in February it was agreed that the DM 1.75 target should remain and that DM 2 should be introduced without exception in March. "
(" Bien que tout indiquait à l'évidence que pour les mois de février, les prix réels n'atteindraient pas les niveaux cibles antérieurs, les participants sont convenus de maintenir la cible de 1,75 DM et d'introduire celle de 2 DM sans exception au mois de mars ").
175 Il y a lieu de relever encore que la concordance des instructions de prix données par différents producteurs permet d'établir que ces initiatives de prix ont été mises en œuvre par les producteurs.
176 Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), dans laquelle on peut lire que :
" 'Target prices' for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in schedule... "
(" Les 'prix cibles' qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe... "),
que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.
177 Le Tribunal constate, enfin, que, si la dernière réunion de producteurs dont la Commission ait apporté la preuve est celle du 29 septembre 1983, il n'en reste pas moins que différents producteurs (BASF, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte, Solvay et Saga) ont envoyé, entre le 20 septembre 1983, des instructions de prix concordantes (ann. I, lettre du 29 mars 1985) destinées à entrer en vigueur le 1er novembre suivant et que, dès lors la Commission a pu raisonnablement estimer que les réunions de producteurs avaient continué à produire leurs effets jusqu'en novembre 1983.
178 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.
179 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnés dans la décision, que celles-ci s'inscrivaient dans un système et que les effets de ces initiatives de prix se sont produits jusqu'en novembre 1983.
D - Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix
Acte attaqué
180 La décision [article 1er, sous c), et point 27 ; voir aussi point 42] fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de septembre 1982, un système d' " account management " ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers.
181 En ce qui concerne le système d' " account management ", dont la forme plus tardive et plus raffinée, remontant à décembre 1982, est connue sous le nom d' " account management ", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou " leader " d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs. En application de ce système, des clients aurait été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un " coordinateur " aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file (" leader "), charger d'orienter, de négocier, d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs qui traitaient régulièrement avec les clients étaient connus sous le nom de " contenders " et coopéraient avec l' " account leader " et les " contenders ", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire une offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI, selon lesquelles ce plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait que, à cette époque, le cas de divers clients aurait été examiné en détail de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.
182 La décision (point 20), tout en reconnaissant qu'il n'y a pas eu de réunion locale en Allemagne, fait grief à Hoechst d'être restée en contact étroit avec BASF et Hüls et d'avoir adopté avec eux une position commune sur certaines questions telles que les quotas.
Arguments des parties
183 La requérante soutient que la Commission n'a établi ni l'existence d'un système d' " account leadership " ni sa participation à un tel système. En effet, les éléments de preuve avancés par la Commission ne permettraient pas d'étayer ces griefs. Ainsi, le compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29) ferait tout au plus état d'un projet, tout comme le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) dont le texte indiquerait lui-même qu'il ne s'agit que d'un projet puisque l'on peut y lire " the idea of account leadership was proposed " (" l'idée d''account leadership' a été proposée "). Elle ajoute que les conclusions que la Commission entend tirer du fait que le nom de certains clients se trouve mentionné dans ce document sont dépourvues de fondement, puisque seul un très petit nombre de client les plus importants de la requérante.
184 Elle conteste également la valeur probante du compte rendu d'une réunion qu'elle situe le 3 mai 1986 (g. g. ann. 37) en exposant qu'il s'agit uniquement d'un échange d'informations portant sur la période allant de mars à avril 1983 déjà écoulée, ce qui ne serait pas répréhensible au titre du droit de la concurrence.
185 La requérante fait valoir, enfin, qu'une étude intitulée " overlapping customers " (" mobilité de la clientèle ") effectuée par le cabinet Coopers et Lybrand prouverait l'absence de mise en œuvre d'un système d'" account leadership ", en particulier vis-à-vis de son client Stenn, puisqu'elle aurait montré que celui-ci serait approvisionné chez différents producteurs à des prix variables. Elle conclut que l'audit Coopers et Lybrand indique, par ailleurs, que l'évolution des ventes et des prix vis-à-vis des " clients-clés " ne révèle pas une application des prix cibles au moyen d'un système d'" account leadership ".
186 La Commission soutient, de son côté que, contrairement à ce que prétend la requérante, le compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29) montre que le système d'" account leadership " a bel et bien été adopté par les producteurs, puisqu'il y est précisé que ce système a été " generally agreed " (" généralement approuvé ") et qu'y est annexé un tableau reprenant pour différents clients le nom de leur " account leader " : dans ce tableau la requérante figure en tant qu'" account leader " de son client Steen.
187 Selon la Commission, l'adoption de ce système serait corroboré par le compte rendu d'une réunion qu'elle situe le 3 mai 1983 (g. g. ann. 37), dans lequel la requérante serait à nouveau mentionnée comme étant le fournisseur principal de Steen. La mise en œuvre de ce système serait confirmée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), qui indiquerait que ce système a fonctionné pendant deux mois.
188 La Commission relève finalement que la requérante, plutôt que de contester l'exactitude des faits qu'elle avance, se contente de renvoyer aux études du cabinet Coopers et Lybrand qui établirait tout au plus que la requérante a, pendant un certain temps, dû faire face aux attaques d'un concurrent proposant des prix inférieurs à son client Steen, ce qui ne prouverait pas qu'il n'y a pas eu d'accord sur ce système, mais seulement que la mise en œuvre de celui-ci s'est heurtée à des difficultés, ce que la Commission n'aurait jamais contesté.
Appréciation du Tribunal
189 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26, deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun des producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir à divers moments lors des réunions adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures, mentionnées dans la décision, destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre du polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie de commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.
190 Force est de constater que, en participant aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures a été adopté [notamment celles des 13 mai, 2 et 21 septembre 1982 (g. g. ann. 24, 29, 30)], la requérante a souscrit à celui-ci, puisqu'elle n'avance aucun indice de nature à établir le contraire. A cet égard, l'adoption du système d' " account leadership " ressort du passage suivant du compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 :
" about the dangers of everyone quoting exactly DM 2 A. " point was accepted but rather than go below DM 2 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at individual accounts should quote a few pfs higher. Whists customer tourism was clearly to be avoided for the next month or two it was accepted that it would be very difficult for companies to refuse to quote at all when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular suppliers. In such cases producers would quote but at above the minimum levels for october ".
(" La remarque d'A. à propos des risques qui existeraient si tout le monde proposait exactement 2,00 DM a été acceptée ; toutefois au lieu de descendre au-dessous de 2.00 DM, on a avancé l'idée - qui a été acceptée par tous - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d'un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs. Tout en décidant clairement d'éviter tout nouvelle prospection pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu'il serait très probable, les clients essayaient d'éviter les prix plus élevés des fournisseurs réguliers. Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimaux d'octobre ".)
De même, lors de la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle participait la requérante, il a été déclaré : " In support of the move, BASF, Hercules and Hoechst said they would be taking plant off line temporarily " (" Pour appuyer l'action, BASF, Hercules et Hoechst, ont dit qu'elles mettraient une de leurs installations temporairement hors-circuit ") et, à celle du 13 mai 1982, Fina a dit : " Plant will be shut down for 20 days in August " (" L'usine sera fermée pendant 20 jours en août ").
191 En ce qui concerne l' " account leadership ", le tribunal constate qu'il ressort des comptes rendus des réunions du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29), du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) et du printemps 1983 (g. g. ann. 37), auxquelles participait la requérante, qu'au cours de celles-ci les producteurs présents ont adhéré à ce système.
192 Il faut ajouter que l'argument de la requérante tendant à démontrer qu'elle n'a pas pu être impliquée dans ce système puisqu'elle n'avait pas été désignée comme " account leader " de plusieurs de ses clients est sans pertinence. En effet, la question pertinente n'est pas celle de savoir si le client est important du point de vue du fournisseur, mais bien de savoir si le fournisseur, en l'occurrence Hoechst, est important du point de vue du client dont il a été nommé " account leader ". Force est de constater que, en affirmant seulement qu'elle n'a pas été désignée en tant qu' " account leader " de plusieurs de ses clients les plus importants, la requérante n'a pas réfuté l'affirmation de la Commission selon laquelle elle était le principal fournisseur de son client Steen, dont elle avait été nommée " account leader " (voir g. g. ann. 33, tableau 3). Par ailleurs, la requérante n'a pas allégué ni démontré qu'elle était le fournisseur principal d'un de ses clients importants pour lequel elle n'aurait pas été désignée en tant qu' account leader ".
193 La mise en œuvre, à tout le moins partielle, de ce système est attestée par le compte rendu de la réunion du 3 mai 1983 (g. g. ann. 38) dans lequel on peut lire notamment ce qui suit :
" Belgium. A long discussion took place on the Belgian A-Cs... Generally speaking raffia prices appeared to be from (BFR) 32.50 and fibres prices from 37 to 37.50. The point was made that some other accounts were lower thant the target-customers. Il was agreefd that contenders would quote BFR 36 in May with non-contenders offering 38. "
(" Belgique. Une longue discussion a eu lieu à propos des 5 A-Cs. Belges... D'une manière générale, il est apparu que les prix du raphia se situaient entre 32,50 et 34,50 BFR et les prix des fibres entre 37 et 37,50 BFR. Il a été signalé que certains autres clients, étaient plus bas que les clients-cibles. Il a été convenu que les 'contenders' proposeraient 36 BFR en mai et que les 'non-contenders' feraient offre à 38. ")
" Denmark. Along discussion took place on Jacob Holm who is asking for quotastions for the 3rd quarter. It was agreed not to do this and to restrict offers to the end of June. April-May levels were at DKR 6.30 (DM 1.72). Hercules were definitely in and should not have been société. To protect BASF, it was agreed that CWH(üls) + ICI would quote DKR 6.75 from now to end June (DM 1.85)... "
[" Danemark. Une longue discussion a eu lieu à propos de Jacob Holm qui a demandé une remise de prix pour le troisième trimestre. Les participants à la réunion ont décidé de ne pas le faire et de clôturé les offres à la fin du mois de juin. Pour les mois d'avril et de mai, les prix se situaient au niveau de 6,30 DKR (1,72 DM). Il est clair qu'Hercules était entré et qu'elle n'aurait pas dû l'être. Pour protéger BASF, il a été convenu que CWH(üls) + ICI vendraient désormais à 6,75 DKR, et ce jusqu'à la fin du mois de juin (1,85 DM)... "]
Cette mise en œuvre est confirmée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) qui indique à propos de ce dernier passage :
" In the Springs of 1983 there was a partial attempt by some porucers to operate the 'Account Leadership' scheme... Since Hercules had not declared to the 'Account Leader' its interest in supplying Jacob Holm, the statement was made at this meeting in relation to Jacob Holm taht 'Hercule were definitely ink and should not have been so'. It should be made clear that this statement refers only to the Jacob Holm Hercules account and not to the Danish market. It was because of such action by Hercules and other that the 'account leadership' sheme collapsed after at most two months of partial and ineffective operation.
The method bu wich Hüls ;and ICI should have proptected BASF was by quoting a price of DKR 6.75 for the supply of raffia grade polypropylene to Jacob Holm until the end of June ".
[" Au printems 1983, certains producteurs ont essayé de mettre partiellementen œuvre le système d' " account leadership "... Comme Hercules n'avait pas fait savoir à l' " account leader " qu'elle était disposée à assurer le dfournitures à Jacob Holm, il a été déclaré au cours de cette réunion à propos de Jacob Holm que 'il est clair qu'Hercules était entrée et qu'elle n'aurait pas dû l'être'. Il importe de souligner que cette affirmation se réfère uniquement au client Jacob Holm et non pas au marché danois. C'est à cause d'un tel comportement d'Hercules et d'autres que le système d' " account leadership " a échoué après deux mois maximum de fonctionnement partiel et inefficace.
La méthode par laquelle Hüls et ICI auraient dû protéger BASF consistait à remettre prix à 6,75 DKR pour la fourniture de polypropylène, qualité raphia, à Jacob Holm jusqu'à la fin du mois de juin. ")
194 Le tribunal constate, par ailleurs, que la requérante ne conteste pas spécifiquement avoir pris part à la décision d'autres mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix.
195 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.
E - Tonnages cibles et quotas
Acte attaqué
196 Selon la décision (point 31, troisième alinéa), " la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue " au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte rendu mentionnerait un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours de huit premiers mois de l'année.
197 La décision (point 52) relève que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d'août 1982. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.
198 Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979 ; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l' " objectif ajusté " par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale (décision, point 54).
199 A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les " objectifs convenus " afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différentes producteurs correspondraient grosso modo à leur cible.
200 Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981 , il aurait été convenu, à titre de mesures temporaires, que, pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1-12 de 85% de l' " objectif " de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces " ambitions " aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être conclu pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).
201 La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pas pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système. Toutefois, en attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d'entre eux pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché auraient atteint un certain équilibre qualifié par ATO de " quasi-consensus " et, parmi les grands, ICI et Shell se seraient maintenues à quelque 11 % et Hoechst à un niveau légèrement inférieur (10,5%). Monte, qui serait restée le plus gros producteur, aurait progressé légèrement et occuperait 15 % du marché, contre 14,2 % l'année précédente.
202 D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer, à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait parvenir des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Pour ICI, il aurait paru essentiel au succès de tout nouveau plan que les " quatre grands " présentent un front uni devant les autres producteurs. L'opinion de Shell, communiquée à ICI, aurait été que Shell, ICI et Hoechst devraient avoir chacune un quota de 11 %. La proposition d'ICI pour 1983 aurait donné 19,8 % aux producteurs italiens, 10,9 % à Hoechst et Shell et 11,1 % à ICI elle-même (décision point 62). Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée dans un premier temps au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait qu'ATO, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Monte et Solvay, de même qu'Hercules, auraient trouvé " acceptable " le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982.
203 La décision (point 63, troisième alinéa), affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord est intervenu, dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépasser son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11% durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).
204 La décision (point 65) relève que, bien qu'un système de pénalisation pour dépassement des quotas n'ait jamais été instauré, le système en vertu duquel chaque producteur faisait rapport aux réunions sur le tonnage qu'il avait vendu au cours du mois précédent, s'exposant ainsi aux critiques éventuelles d'autres producteurs pour avoir fait preuve d'indiscipline, aurait incité les producteurs à respecter le quota qui leur avait été attribué.
Arguments des parties
205 la requérante fait valoir que les documents produits par la Commission n'établissent pas l'existence d'accord de quotas. En effet, il serait manifeste que nombre de ces documents ont été rédigés après l'expiration de la période à laquelle ils se rapportent, sur la base de données disponibles a posteriori. Tel serait le cas des documents sur lesquels la Commission se fonde pour établir l'existence d'accords de quotas en 1979 et en 1980 (g. g. ann. 17, 55 et 59). En outre, la mention du termes " porposal " (" proposition ") dans un certain nombre de documents révélerait sans ambiguïté qu'il s'agit de propositions et non d'accords. Tel serait le cas de tableaux relatifs aux années 1980, 1981 et 1983 (g. g. ann. 56, 62 et 33). Le terme " agreed " (" convenu ") figurant dans différents comptes rendus de réunions et dans différents tableaux serait ambigu, dans la mesure où il pourrait se référer non pas à un accord de volontés, mais bien à une identité de vues, comme la requérante, l'a déjà indiqué. De même, le terme " acceptable " figurant dans un tableau annexé au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) ne signifierait pas " accepté ". Enfin, pour établie l'existence d'accords de quotas durant certaines périodes, la Commission produit des documents qui se rapporteraient en réalité à d'autres périodes (g. g. ann. 17, 40, 55 et 59).
206 La requérante en conclut que, étant donné qu'il ne subisse aucun document constituant une preuve valable, en ce qui concerne les années 1979 et 1980 et puisque la Commission n'allègue pas l'existence d'accords de quotas pour les années 1981 et 1982, il ne lui reste plus qu'à établir qu'aucun accord n'a été prouvé pour le premier semestre de l'année 1983. A cet égard, elle a déjà indiqué pourquoi le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 n'était pas probant. Elle ajoute que le document interne de Shell produit par la Commission (g. g. ann. 90), ne permet pas d'établir l'existence d'un accord de quotas dans la mesure où il s'git d'un document interne. Le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) ne fournirait pas non plus la preuve d'un accord de quotas pour le deuxième trimestre de cette année, puisqu'il a été rédigé à la fin de celui-ci et que les chiffres qui ont été communiqués au cours de cette réunion se rapporteraient exclusivement à la période écoulée.
207 Elle expose que, étant donné la faiblesse des éléments de preuve avancés par la Commission, celle-ci aurait dû vérifier si les entreprises ont adopté sur le marché un comportement collectif correspondant aux prétendus quotas convenus lors des réunions. A cet égard, les tableaux 1 et 8 de la décision montreraient eux-mêmes que les entreprises ont eu un comportement divergent par rapport aux quotas prétendument convenus, les producteurs restant bien souvent en-deçà de leur prétendu quota.
208 C'est ainsi que la requérante fait observer que l'évolution des parts de marché de 1979 à 1983 illustrée dans le tableau 1 de la décision montre à quel point il est peut vraisemblable que l'accord de quotas allégué ait été conclu. Il ressortirait de ce tableau que la requérante a perdu entre 1979 et 1983 2,1 % de part de marché, ce qui représenterait une perte de 17 % par rapport à sa part de marché pour 1979. Pour la période allant de 1977 à 1983, les pertes de parts de marché seraient plus importantes encore. Contrairement à l'avis de la Commission (point 91 de la décision ), ces pertes ne s'expliqueraient pas par les concessions faites aux nouveaux arrivants. Il serait illogique et contraire aux intérêts en présence d'attribuer à Hoechst une renonciation unilatérale à sa part de marché, alors que ICI et Shell auraient pour l'essentiel maintenu leur position ou limité leur perte à 0,5% au maximum et que le producteur le plus important, Monte, aurait même augmenté sa part de marché, toujours selon les indications données par la Commission elle-même dans le tableau 1 de la décision.
209 De la même manière, elle relève, à titre d'exemple, que le tableau 8 de la décision reprenant les ventes effectives des différents producteurs pour l'année 1980 montre que tous les producteurs, sauf un, sont demeurés bien en deçà du quota prétendument convenu. Elle ajoute que dans aucun tableau les ventes effectives ne correspondent aux objectifs prétendument convenus et que les parts de marché des différentes entreprises ont été soumises à des variations continuelles. Or, la Cour aurait considéré que l'écart entre les parts de marché effectives et les quotas prétendument convenus aurait une valeur probante très grande lorsque l'accusation concerne un arrangement sur les quotas (arrêt du 17 juillet 1970, ACF Chemiefarma-Commission, points 150 et suivants, 41-69, Rec. p. 661).
210 La requérante déduit que cette analyse que les conclusions tirées par la Commission des tableaux 1 et 8 de la décision sont erronées, en ce que ces tableaux démontreraient en réalité qu'aucun accord de quotas n'a été conclu.
211 La requérante s'attache enfin à démontrer, essentiellement sur la base de l'étude du professeur Albach, que le marché était extrêmement concurrentiel. La concurrence par les prix étant très vive, Hoechst ne voit pas quel motif raisonnable aurait pu la pousser, d'une part, à renoncer spontanément à des parts de marché sans, d'autre part, profiter de ce renoncement pour réduire la concurrence par les prix. Or, la perte des parts de marché de la requérante correspondrait à un abandon de certaines positions sur le marché sous la pression de la concurrence.
212 La Commission, par contre, soutient que des accords de quotas ont été conclu pour les années 1979, 1980 et 1983. Pour les années 1981 et 1982, elle estime qu'aucun accord définitif n'a pu être conclu, mais que des solutions provisoires ont été adoptées.
213 Pour l'année 1979, la Commission estime qu'il ressort sans aucun doute possible du tableau intitulé " Producer's Sales to West Europe " (" Ventes des producteurs en Europe occidentale ", g. g. ann. 55) que Hoechst a participé à un système de quotas. En effet, le tableau contient, pour les différents producteurs, les ventes des années 1976, 1977 et 1978, qui auraient été prises comme base pour la répartition des parts de marché pour 1979. Ce tableau contiendrait également une colonne portant sur un " objectif révisé " pour cette même année. La Commission estime que les quotas cibles pour 1979 auraient été élaborés en 1979 et non pas en 1980. En outre, ce document serait également corroboré par un compte rendu d'une réunion de producteurs tenue les 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12), qui montrerait que la question des tonnages cibles y aurait été débattue et que les participants auraient reconnu qu'un système strict de quotas était essentiel.
214 Pour l'année 1980, elle soutient qu'un accords de quotas a été conclu. Elle fonde cette affirmation essentiellement sur un tableau daté du 26 février 1980, intitulé " Polypropylène - Sales target (kt) " [Polypropylène - Objectif de vente 1980 (kt) "] découverts cehz ATO (g. g. ann. 60), qui compare pour tous les producteurs d'Europe occidentale, un " 1980 target " (" objectif 1980 "), des " opening suggestions " (" suggestions de départ "), des " proposed adjustments " (" ajustements proposés ") et des " agreed targets 1980 (" objectifs convenus 1980 "). Ce document montrerait le processus d'élaboration des quotas. Cette analyse serait confirmée par le compte rendu des deux réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17), au cours desquelles les objectifs de volumes de vente auraient été comparés aux quantités effectivement vendues par les différents producteurs. La Commission souligne que l'objectif du système de quotas était de stabiliser les parts de marché. C'est pourquoi les accords portaient sur les parts de marché qui étaient ensuite converties en tonnages pour servir de chiffres de référence, car, à défaut d'une telle conversion, il n'aurait pas été possible de constater à partir de quel moment un participant à l'entente devait freiner ses ventes conformément aux accords. Dans ce but, il était indispensable de prévoir le volume total des ventes. Pour l'année 1980, les prévisions initiales s'étant révélées trop optimistes, le volume total des ventes initialement prévu aurait dû être adapté à plusieurs reprises, entraînant une adaptation des tonnages attribués à chacune des entreprises. Selon la Commission, la preuve d'un accord sur les quotas pour 1980 serait ainsi administrée.
215 Pour l'année 1981, la Commission reconnaît qu'il n'y a pas eu d'accord couvrant l'ensemble de l'année. Les producteurs se seraient toutefois entendus, à titre de mesure temporaire, pour limiter leurs volumes mensuels de vente des mois de février et de mars à 1-12 de 85 % des objectifs convenus pour l'année précédente comme l'attesterait le compte rendu des deux réunions de janvier 1981. Pendant les autres mois de l'année, un système de contrôle continu des volumes mis sur le marché par les différents producteurs aurait fonctionné.
216 Pour l'année 1982, la situation se serait présentée de la même façon qu'en 1981. Bien qu'aucun accord sur les quotas n'ait été conclu, le contrôle des parts de marché des différents producteurs se serait poursuivi lors des réunions des 9 juin et 20 août 1982 (g. g. ann. 25 et 28) ainsi qu'aux réunions d'octobre, novembre et décembre 1982 (g. g. ann. 31 à 33). La Commission maintient qu'il y aurait eu pour cette période une stabilité relative des parts de marché. Cela serait mis en évidence dans un document d'ATO (g. g. ann. 72) qui qualifie la situation de " quasi-consensus ". La Commission renvoie également aux constatations faites aux points 58 et 59 de la décision.
217 La Commission poursuit en affirmant qu'elle dispose des chiffres de vente que les différents producteurs souhaitaient réaliser et des propositions qu'ils ont faites en ce sens, pour eux-mêmes et pour les autres producteurs, à la demande d'ICI et communiquées à cette dernière en vue de la conclusion d'un accord de quotas pour 1983 (g. g. ann. 74 à 84). Selon la Commission, les propositions ont été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui a été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur (g. g. ann. 85). A ces documents, la Commission ajoute une note interne d'ICI intitulée " Polypropylene framework 1983 " (" Shéma polypropylène 1983 ", g. g. ann. 86), dans laquelle ICI décrit les grandes lignes d'un futur accord sur les quotas, ainsi qu'une autre note interne d'ICI, intitulée " Polypropylene framework " (" Schéma polypropylène ", g. g. ann. 87), montrant que cette dernière considérait qu'un accord sur les quotas était indispensable.
218 La Commission soutient que de nombreux indices convergents font apparaître l'existence d'un accord sur les quotas pour le premier trimestre. Elle se fonde tout d'abord à cet égard sur le tableau 2 joint au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33). Ce tableau indique pour chaque producteur un quota, qui, pour la plupart d'entre eux, serait marqué d'un astérisque renvoyant au terme " acceptable " qui figure au bas du tableau. On pourrait en déduire qu'un pas notable avait alors été réalisé dans le sens d'un accord sur les quotas, puisque tous les producteurs auraient approuvé le principe d'un tel accord et que la plupart d'entre eux auraient accepté le quota individuel qui leur aurait été attribué. Il ressortirait, en outre, d'une note interne d'ICI de décembre 1982 (g. g. ann. 35) que, dès le début de l'année 1983, l'élaboration d'un accord sur les quotas aurait été considéré par ICI comme indispensable au bon fonctionnement de l'entente. Ces documents démontreraient que des efforts considérables avaient été consentis afin de parvenir à un accord sur les quotas pour le premier trimestre 1983.
219 La Commission soutient que les propositions ont abouti à un accord en se fondant, pour le premier trimestre, sur un document interne de Shell (g. g. ann. 90) qui prouverait que cette dernière a souscrit à un accord de quota pour 1983 puisqu'elle a enjoint à ses filiales de réduire leurs ventes pour respecter son quota (" This compares with W. E. Sales in 1Q of 43 kt : ans would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11% " ; " Ce chiffre est à comparer aux 43 kilotonnes de ventes pour l'Europe occidentale au cours du premier trimestre ; et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 % "). Or, pour pouvoir fonctionner et obtenir l'adhésion de toutes les entreprises intéressées, un tel accord de qutas devrait, selon la Commission, s'appliquer à toutes les entreprises d'un secteur. Par conséquent, Hoechst aurait nécessairement dû participer à cet accord.
220 Pour le deuxième trimestre 1983, le même raisonnement s'appliquerait également et serait corroboré par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) et par un tableau définissant des " 983 aspirations " à partir des chiffres de vente du premier semestre de 1982 (g. g. ann. 84) qui, selon la Commission, montrent que les échanges d'informations relatives aux quantités vendues servaient au contrôle des quotas.
221 En ce qui concerne les arguments de Hoechst relatifs à la diminution de sa part de marché, la Commission estime qu'ils ne remettent pas ses constatations en cause, dans la mesure où une note émanant d'ICI (g. g. ann. 98) indiquerait clairement la stratégie des " quatre grands " par rapport aux parts de marché. Ceux-ci auraient, en effet, explicitement pris en compte le fait que la conclusion d'une entente portant sur la répartition du marché n'impliquait pas nécessairement que cette entente soit un succès à tous les points de vue. De plus, le tableau 8 de la décision indiquerait que les parts de marché des producteurs de polypropylène en Europe de l'Ouest ont accusé une remarquable stabilité pendant la période couverte par les accords de quotas. A cet égard, les variations mentionnées dans l'étude du professeur Albach sur le marché allemand auraient été compensés par des variations analogues sur d'autres marchés.
Appréciation du Tribunal
222 Le Tribunal rappelle que la requérante a participé dès le début aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles des discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées.
223 Il convient de relever, parallèlement à la participation de Hoechst aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux (g. g. ann. 55 à 61) dont le contenu indique clairement qu'ils étaient destinés à la définition d'objectifs de volumes de vente. Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides. ICI a d'ailleurs déclaré dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) à propos d'un de ces tableaux que " the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves " (" la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes "). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux, en ce qui la concerne, avait été fourni par Hoechst dans le cadre des réunions auxquelles elle participait. Par conséquent, l'argument de la requérante tiré de ce que les tableaux susmentionnés seraient des documents internes élaborés à partir des statistiques Fides ne peut être retenu.
224 La terminologie utilisée dans les tableaux relatifs aux années 1979 et 1980 [comme " revised target " (" objectif révisé "), " opening suggestions " (" suggestions de départ "), " proposed adjustments " (' "ajustements proposés "), " agreed targets " (" objectifs convenus ")] permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus.
225 En ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, il convient de relever sur la base de l'ensemble du compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (g. g. ann. 55), intitulé " Producer's Sales to West Europe " (" Ventes des producteurs en Europe occidentale "), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occiden ale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubirques " 1979 actual " (" chiffres effectifs de 1979 "), " revised target " (" objectif révisé ") et " 79 ", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme " tight " (" strict "), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1-12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devait être rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre " 79 " dans la dernière colonne à droite de la colonne intitulée " revised target " (" objectof révisé "), des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux parce qu'ils avaient été établis sur la base d'un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1980. Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet " proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année ". En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.
226 En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (g. g. ann. 60) et comportant une colonne " agreed targets 1980 " (" objectifs convenus 1980 "), ainsi que du compte rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels figure la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues (" Actual kt ") aux objectifs fixés (" target kt "). A cet égard, il importe de relever que le fait que les chiffres repris pour la requérante comme " cible " pour 1980 diffèrent entre le tableau du 26 février 1980 où elle est de 165 kilotonnes n'est pas de nature à infirmer cette constatation, dans la mesure où, au cours de l'année 1980 , les prévisions des producteurs sur le volume du marché pour cette année ont dû être révisées à la baisse, ce qui a entraîné - dans la même proportion - une révision à la baisse des quotas attribués à la requérante et aux autres producteurs. En effet, en février 1980, les quotas définis étaient basés sur un marché de 1 390 kilotonnes dans la colonne " aggred targets 1980 " (" objectifs convenus 1980 "), tandis qu'en janvier 1981 il s'est avéré que le marché s'était limité à 1 200 kilotonnes.
227 Il faut ajouter qu'il résulte du même compte rendu des réunions de janvier 1981 que Hoechst a fourni ses chiffres de vente de l'année 1980 afin de les comparer aux objectifs de volumes de vente définis et acceptés pour 1980.
228 Pour l'année 1981, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année, d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs " ambitions " et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir contenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1-12 de 85 % de l' " objectif " convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.
229 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs " ambitions " au cours de ces négociations sont attestées par différents élément de preuve, comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres " actual " et ses " targets " pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses " aspirations " pour 1981 (g. g. ann. 59 et 61) ; un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 62) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres " ambitions " pour 1981, ainsi qu'une note interne d'ICI (g. g. ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire :
" Taking the various alternatives discusses at yesterday's meeting we would prefer to limite the volume to be shared to no more than the market is expected to reach in 1981, say 1.35 million tonnes. Altough there has been no further discussion with Shell, the four majors couls set the lead by accepting a reduction in their 1980 target-market share of about 0.35 % privded the more ambitious smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic-SIR also tempered their demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich. "
(" Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préfèrerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les 'quatre grands' pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980, à condition que les plus ambituex des producteurs moins importants, tels que Slvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic-SIR tempèrent aussi leurs exigences. A condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des 'patrons', si possible avant la réunion de Zurich. ").
Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 (" % of 1980 target ").
230 L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1-12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte rendu de janvier 1981, dans lequel on peut lire :
" In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1-12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers ".
[" Dans l'intervalle (février-mars) le volume mensuel serait réduit à 1-12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel des clients. "]
231 Le fait que les producteurs se soient assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et aient vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents. Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (g. g. ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel ont été ajoutées à la main. Il s'agit, ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien, intitulé " Scarti per società " (" écarts ventilés par société ") et découverts chez ICI (g. g. ann. 65), qui compare pour chaque producteur pour la période janvier-décembre 1981 les chiffres de vente " actual " avec les chiffres " theoretic(al) " (" théoriques "). Il s'agit, enfin, d'un tableau non daté, découvert chez ICI (g. g. ann. 68), comparant pour chaque producteur pour la période janvier-novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.
232 En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles. Lorsqu'il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période -, un tel échange d'informations, qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision.
233 La participation de la requérante à ces différentes activités résulte, d'une part, de sa participation aux réunions au cours desquelles ces actions ont eu lieu et notamment aux réunions de janvier 1981 et, d'autre part, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés. Dans ces documents figurent d'ailleurs des chiffres dont ICI a déclaré dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal - à laquelle d'autres requérantes font référence dans leur propres réponse - qu'il n'aurait pas été possible de les établir sur la base des statistiques du système Fides.
234 Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année ; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages ; d'avoir à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente, et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.
235 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées en premier lieu, par un document intitulé " Scheme for dicussions 'quota system 1982' " (" Schéma de discussions d'un système de quotas 1982 ", g. g. ann. 69), dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception d'Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell et Solvay), le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs ; en second lieu, par une note d'ICI intitulée " Popypropylène 1982, Guidelines " (" Polypropylène 1982, lignes directrices " ; g. g. ann. 70, a), dans laquelle ICI analyse les négociations en cours ; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (g. g. ann. 70, b), dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées - dont l'une intitulée " ICI Original Scheme " (" Schéma initial ICI "), fait l'objet, dans un autre tableau, manuscrit, d'adaptations mineurs par Monte dans une colonne intitulée " Milliavacca 27-1-82 " (il s'agit du nom d'un employé de Monte, g. g. ann. 70, c) - et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 71) qui constitue une proposition complexe (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).
236 Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), dans lequel on peut lire notamment :
" To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. of normal sales. "
[" A titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des ventes normales. "]
En outre, la requérante a déclaré elle-même lors de cette réunion que :
" Trying to stabilise German market by selling extra tonnage in ROW markets - already have achieved 50 % of 1982 target for overseas sales. In 1982 will not sell more in total than in 1981, might possibly be less. Stocks currently 1.5 months + living from hand to mouth on copolymers. Don't expect too much of a drop in demand in Germany in Summer months + therefore no pressure to seek volume for next 3-5 months or even for remainder of year. "
[" Nous nous efforçons de stabiliser le marché allemand en augmentant le volume de nos ventes sur les autres marchés ('ROW' = 'du reste du monde' ") et nous avons déjà atteint 50 % de notre cible 1982 pour les marchés d'outre-mer. Le volume total de nos ventes pour 1982 n'excèdera pas celui de 1981 et ne l'atteindra peut-être même pas. Les stocks sont actuellement de 1,5 mois : nous visons au jour le jour grâce aux copolymères. Nous n'attendons guère de fléchissement de la demande en Allemagne pour les mois d'été. C'est pourquoi, aucune pression en vue d'augmenter le volume au cours des 3 à 5 mois ou même pour le reste de l'année. "]
237 L'exécution de ces mesures est attestée par le compte rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre " actual " de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre " theoretical based on 1981 av(erage) market share " (théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981 "), ainsi que par le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26) en ce qui concerne la période janvier-mai 1982 et par celui du 20 août 1982 (g. g. ann. 28) en ce qui concerne la période janvier-juillet 1982.
238 Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g. g. ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part,
" In october this would also mean restraining sales to the Jan-June achieved market share of a market estimated at 100 kt " (" En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes à la part réalisée pendant la période janvier-juin sur un marché estimé à 100 kt ") et, d'autre part, " Performance against target in September was reviewed " (" Les résultats atteints par rapport à l'objectif en septembre ont fait l'objet d'un examen "). A ce compte rendu est joint un tableau, intitulé " September provisionnal sales versus target (based on Jan-June market share applied to demand est'imated) at 120 kt) " [" Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier-juin appliquée à une demande estimée à 120 kt) "]. Le maintien de ces mesures est confirmée par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), auquel est joint un tableau comprenant, pour le mois de novembre 1982, les ventes " Actual " avec les chiffres " Theoretical ", calculés à partir de 'J-June % of 125 kt " (" j-juin pourcentage de 125 kt "). A cet égard, la note interne d'ICI de nature à infirmer cette constatation, dans la mesure où ce qui est déploré c'est l'absence d'un accord portant sur l'année 1983, ce qui ressort du passage suivant :
" It feel it is essential for the meeting (il s'agit de toute évidence de la réunion du 21 décembre 1982) to decide on the first quarter volume as any until January would mean that a very significant part of the agreement period will already have been committed... Also, the agreement must start in January if any benefits accruing from it will be recognised before the end of March. "
(" J'estime qu'il est essentiel de prendre une décision sur les volumes du premier trimestre au cours de la réunion, car différer cette décision jusqu'au mois de janvier signifierait qu'une partie importante de la période visée par l'accord serait déjà révolue... C'est pourquoi il faut que l'accord démarre en janvier si l'on veut pouvoir en ressentir les éventuels profits avant la fin du mois de mars).
239 Le Tribunal constate que, en ce qui concerne l'année 1981 ainsi que les deux semestres de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.
240 Pour l'année 1983, le Tribunal constate qu'il résulte des documents produits par la Commission (g. g. ann. 33,85 et 87) que, à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983, que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles les discussions ont eu lieu, qu'elle a fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes et que, dans le tableau 2 joint au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), la mention " acceptable " figure à côté du quota mis en regard du nom de la requérante.
Il s'ensuit que la requérante a participé aux négociations organisées en vue de parvenir à un régime de quotas pour l'année 1983.
241 Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) que la requérante a indiqué au cours de cette réunion les chiffres de ses ventes pour le mois de mai, tout comme neuf autres entreprises. On peut lire, par ailleurs, dans le compte rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (g. g. ann. 90) que :
" ... and would lead to a marker share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11%. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies ".
(" ... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objetif Shell convenu, de 11 %. C'est pourquoi les objectifs de ventes suivants, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe ").
242 Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que :
" this would be 11.2 Pct of a market of 395 kt. The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to be discussed before-hand with the other PIMs members ".
(" cela représentait 11,2 % d'un marché de 395 kt. La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faite préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMS ").
243 A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes non pour voir diminuer le volume globale de ce groupe. Une telle limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un régime de quotas. En outre, le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris.
244 Il convient de relever enfin que le chiffre de 11%, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (g. g. ann. 87) et, d'autre part, le compte rendu rédigé par ICI d'une réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (g. g. ann. 99).
245 Les considérations qui précèdent indiquent que les craintes d'ICI, exprimées dans sa note interne de décembre 1982 (g. g. ann. 35), de ne pas avoir de système de quota mis en place pour 1983 ne se sont pas avérées fondées et que les producteurs sont parvenus, malgré des positions de négociation assez divergentes au départ (g. g. ann. 74 à 84), à mettre en place un tel système, les propositions d'un compromis jugées acceptables par certains producteurs (g. g. ann. 33, tableau 2) ayant finalement été acceptées par tous.
246 Il faut ajouter que, dans le cas de la requérante, la mention " acceptable " qui figure en regard de son nom dans le tableau 2 du compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) exprime bien son consentement par rapport au quota proposé pour le dernier trimestre de l'année 1983, puisque cette mention est suivie des mots : " OK for Q1 but 10-88 % too low for year as a whole " [" OK pour Q1 (premier trimestre), mais 10-88 % trop bas pour l'année dans son ensemble "].
247 Il y lieu d'observer que les arguments de la requérante tirés, d'une part, de la diminution de sa part de marché et, d'autre part, des différences entre les quotas qui lui auraient été prétendument attribués et ses ventes effectives ne sont pas nature à infirmer sa participation à la fixation d'objectifs de volumes de vente. En effet, la décision a fait grief aux producteurs non d'avoir respecté les quotas, mais seulement de les avoir convenus.
248 En ce qui concerne plus spécifiquement la diminution de la part de marché de la requérante, le Tribunal constate que les " quatre grands " étaient prêts à réduire leur part de marché pour obtenir un accord de quotas. En effet, cela ressort d'une note interne d'ICI (g. g. ann. 63) décrivant les négociations en vue d'instaurer un régime de quotas en 1981, selon laquelle :
" Although there has been no further discussion avec Shell, the four majors could set lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0,35 % provided the more ambitious smaller producers... also temprerd their demands ".
(" Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les 'quatre grands' pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980 à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants... limitent eux aussi leurs exigences. ")
De même, on peut lire dans la note interne d'ICI intitulée " Polypropylène Framework " (g. g. ann. 87) que :
" The Big Four represent some 50 % of the total. Société it is most important that they are settled + can present a united front to the rest. For this purpose it would be helpful if MP, Anic-SIR + Fina were regarded as a group. Hoechst should not expect to recover all the lost ground in one year + certainly not be ahead of ICI + Shell. L.'s view is 11 % even for ICI, Shell + Hoechst. "
(" Les 'quatre grands' représentent environ 50 % du total. C'est la raison pour laquelle il est extrêmement important qu'ils se mettent d'accord de manière à pouvoir se présenter en front uni devant les autres. Il serait utile à cet effet que MP, Anic-SIR et Fina soient considérées comme un groupe. Hoechst ne devrait pas trop compter regagner en un an tout le terrain qu'elle a perdu et certainement pas dépasser ICI et Shell. L'estimation de L. est de 11 % même pour ICI, Shell et Hoechst ").
249 Il faut ajouter que, en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - , c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.
250 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.
251 Il y a lieu de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l'année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision et qui s'inscrivaient dans un système de quotas.
F - Conclusion
252 Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit toutes les constatations de fait opérées par elle dans l'acte attaqué à l'encontre de la requérante et que, par conséquent, contrairement à ce qu'allègue la requérante, la Commission a respecté les règles relatives à la charge de la preuve. Il s'ensuit également que la Commission n'a pas violé la présomption d'innocence inscrite à l'article 6, paragraphe 2, de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.
L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
A - Qualification juridique
Acte attaqué
253 Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un " accord " unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.
254 En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur les marchés du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre, qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).
255 La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans les cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils aient arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions restrictives des producteurs.
256 La Commission estime dans sa décision (point 82, deuxième alinéa) que, même avant 1979, les diverses initiatives mentionnées comme ayant été " dirigées " par l'un ou l'autre producteur et " suivies " par les autres résultaient également d'un accord entre eux.
257 En ce qui concerne plus spécifiquement l'initiative de décembre 1977, la décision (point 82, troisième alinéa) affirme que, aux réunions de l'EATP, des producteurs comme Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay soulignaient, même vis-à-vis des clients, la nécessité qu'ils ressentaient de mener une action concertée en vue de majorer les prix. Les producteurs poursuivaient leurs contacts sur la fixation des prix en dehors du cadre des réunions de l'EATP. A la lumière de ces contacts avérés, la Commission estime que le mécanisme en vertu duquel un ou plusieurs d'entre eux se plaignaient de leurs marges de rentabilité " insuffisantes " et proposaient une action conjointe, alors que les autres exprimaient leur " soutien " à pareilles actions, reposait sur l'existence d'un accord sur les prix. Elle ajoute que, même en l'absence de tout autre contact, pareil mécanisme pourrait indiquer en soi un consensus suffisant pour réaliser un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1.
258 La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une " initiative " auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).
259 Selon la décision (point 86, premier alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un " accord " au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
260 La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d' " accord " et celle de " pratique concertée " sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre forme de coopération illicite.
261 La notion de " pratique concertée " viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l'avoir poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).
262 Selon la décision (point 87, premier alinéa), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI-Commission, 48-69, Rec. 679).
263 La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie/Commission (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), que les critères de coordination et de coopération définis par sa jurisprudence, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan " doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché (décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que " pratique concertée ", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, première phrase).
264 En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutient global au plan en question et en agissant en conséquence. A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques, propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).
265 L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision (point 87, quatrième alinéa), tant de la distinction entre une telle pratique et un " accord " que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importerait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.
266 La décision (point 88, premier et deuxième alinéas) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant " initiatives de prix " ne résultait d'aucun " accord " au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des " actes manifestés " sur le marché ; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun prix cible n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument, car s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients. Il importerait peu qu'ils aient ou non " publié " des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi , par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.
Arguments des parties
267 La requérante soutient que la Commission laisse entièrement sans réponse, dans la décision, la question de savoir si les actes reprochés aux entreprises constituent un accord ou une pratique concertée et qu'elle n'a apporté la preuve ni de l'un ni de l'autre pour conclure à la fois à l'un et à l'autre. Or, la délimitation entre " accord " et " pratique concertée " ne serait pas une " querelle de qualification négligeable ", comme le soutient la Commission, puisqu'il s'agirait là de deux notions constituant deux hypothèses d'application distinctes de l'article 85, paragraphe 1, pour lesquelles les conditions requises seraient différentes, comme l'auraient indiqué - toujours selon la requérante - l'avocat général M. Darmon dans ses conclusions dans l'affaire VDS (arrêt de la Cour du 27 janvier 1987, Verbad der Sachversicheter-Commission, 45-85, Rec. p. 405) et l'avocat général M. Reischl dans ses conclusions dans l'affaire Van Landewyck-Commission, précitée.
268 Elle considère que la décision est entachée d'une contradiction juridique interne puisque, pour un seul et même comportement concret, elle reproche aux entreprises à la fois un accord et une pratique concertée, comme si ces deux qualifications possibles des faits avaient le même contenu et étaient ainsi librement substituables l'une à l'autre. Ce faisant, la Commission se serait soustraite à l'obligation d'apporter la preuve soit de l'une soit de l'autre, soit des deux catégories d'infractions, alors que leurs éléments constitutifs seraient différents et qu'il s'agirait de manifestations matériellement différentes de restrictions de la concurrence.
269 La requérante fait valoir que l' " accord " suppose un accord de volonté et la volonté juridique ou, au moins quasi juridique des parties contractantes de se lier. L'accord serait en soi anticoncurrentiel par son but qui tendrait à restreindre la concurrence.
270 Elle expose que la notion de " pratique concertée " vise une forme de coordination entre entreprises qui " substitue sciemment une coopération pratique entre elles au risque de la concurrence, coopération aboutissant à des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché compte tenu de la nature des produits, de l'importance et du nombre des entreprises, ainsi que du volume et du caractère dudit marché " (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975 précité, 40-73 à 48-73, 50-73 à 54-73 à 56-73, 111-73, 113/73 et 114-73, point 174). La pratique concertée se composerait donc de deux éléments, la " pratique " et la " concertation ", qui auraient une signification autonome. La concertation devrait donc s'accompagner d'un comportement sur le marché.
271 Selon la requérante, il devrait exister, en outre, un lien de causalité entre la prétendu concertation et les pratiques observées. Selon la jurisprudence de la Cour, un comportement de fait commun aux entreprises participantes serait l'essence même de la notion de pratique concertée. La pratique concertée ne pourrait donc pas être entièrement dissociée, dans sa conception même, de l'effet réel qu'elle a sur les conditions de la concurrence à l'intérieur du Marché commun (arrêts du 14 juillet 1972, précité, 48/69, points 65 et suivants ; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73 et 114-73 point 180 ; et du 14 juillet 1981, Züchner, point 21, 172/80, Rec. p. 2021).
272 Elle ajoute que, contrairement à la thèse de la Commission, la constatation d'un parallélisme de comportements ne sert pas uniquement à justifier certains allégements en ce qui concerne la preuve par la Commission d'une concertation préalable. Il ressortirait de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 16 décembre 1975 précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73 et 114-73, point 180, du 14 juillet 1981, précité, 172-80, point 21 ; et du 28 mars 1984, précité 29-73 et 30-83, point 20), correctement interprétée, que le comportement parallèle des entreprises sur le marché est un élément constitutif autonome de la pratique concertée. On ne connaîtrait aucun arrêt dans lequel la Cour de justice, sans avoir pu constater un comportement correspondant sur le marché, se serait fondé uniquement sur l'existence d'une concertation pour conclure à l'existence de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Ainsi, la pratique concertée n'acquerrait une importance au regard du droit de la concurrence qu'à partir de sa transposition sur le marché. A ce " plus " au niveau du marché, correspondrait un " moins " du point de vue des exigences de consensus et de volonté de s'engager, comme l'aurait indiqué l'avocat général M. Mayras dans l'affaire des colorants (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, précité, 48-69, Rec. p. 675 et 676).
273 La requérante fait valoir que la thèse de la Commission, selon laquelle il ne serait pas nécessaire, pour établir une pratique concertée, de constater un comportement sur le marché résultant de la concertation et selon laquelle une " prise de contact " ayant pour but de restreindre la concurrence, c'est-à-dire un simple échange d'informations suffirait ne serait conforme ni au libellé ni à l'économie de l'article 85, paragraphe 1. Admettre, comme la Commission, que cette disposition interdit en soi la simple concertation entre entreprises rendrait, d'une part, inutiles les dispositions spéciales relatives aux accords et décisions d'associations d'entreprises qui sont toujours précédés d'une concertation et aboutirait, d'autre part, à sanctionner la simple tentative d'organiser la conclusion d'un accord restrictif de concurrence sur la base de la coordination dont s'accompagne nécesairement cette tentative. Or, le libellé de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE exigerait la conclusion d'un accord restrictif de la concurrence.
274 Elle estime que la Commission ne saurait objecter que cette interprétation aboutirait à faire de la restriction effective de la concurrence elle-même le contenu et la condition d'existence d'une pratique concertée. En effet, de l'avis de la requérante, le fait pour l'accord ou le comportement d'avoir pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence constitue un élément supplémentaire qui vient s'ajouter à l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée. Ainsi, le comportement sur le marché lui-même devrait avoir pour objet de restreindre la concurrence.
275 La requérante soutient que, en l'espèce, la Commission a commis une erreur fondamentale, en déduisant à partir d'un échange d'informations portant sur les prix et-ou les parts de marché, organisé par voie d'accord ou de concertation, l'existence d'un accord et-ou d'une pratique concertée sur les prix et sur les parts de marché. Il serait hautement douteux que les informations échangées durant les réunions, même dans la mesure où elles concernaient une pratique future, aient pu être de nature à lever l'incertitude des participants concernant le comportement de leurs concurrents sur le marché et donc à éliminer les risques liés à la concurrence. Le fonctionnement réel du marché étant marqué par un comportement individuel différencié des producteurs face à la concurrence et chaque participant aux réunions étant conscient de ce fait, aucun d'entre eux n'aurait pu, à aucun moment, escompter ni même seulement espérer substituer une " coopération pratique entre eux aux risques de la concurrence ". Même si on était en présence d'une concertation au sens où l'entend la Cour, une pratique conforme à la concertation ferait toutefois défaut. En l'absence de parallélisme de comportement, le comportement de la requérante aurait été exclusivement fonction de la concurrence sur le marché. La conclusion qui s'impose dès lors serait nécessairement qu'il n'y a pas eu, en l'espèce, de comportement découlant d'une entente illicite (arrêt de la Cour du 28 mars 1984, précité, 29-83 et 30-83, points 16 à 20).
276 Selon la Commission, par contre, la question de savoir si une collusion ou une entente doit être qualifiée juridiquement d'accord ou de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité CEE ou si cette collusion comporte des éléments de l'un et de l'autre revêt une importance négligeable. En effet, la Commission expose que les termes " accords " et " pratique concertée " englobent les différents types d'arrangements par lesquels des concurrents, au lieu de déterminer en toute indépendance leur ligne de conduite concurrentielle future, s'imposent mutuellement une limitation de leur liberté d'action sur le marché à partir de contacts directs ou indirects entre eux.
277 La Commission soutient que l'utilisation des différents termes dans l'article 85 a pour objet d'interdire toute la gamme d'arrangements collusoires et non de préciser un traitement différent pour chacun d'eux. Par conséquent, la question de savoir où tracer une ligne de démarcation entre des termes qui ont pour objectif d'appréhender l'ensemble des comportements interdits serait sans pertinence. La ratio legis de l'introduction dans l'article 85 de la notion de " pratique concertée " consisterait à viser, à côté des accords, des types de collusion qui ne reflètent qu'une forme de coordination de fait ou une coopération pratique et qui sont néanmoins susceptibles de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, précité, 48-69, points 64 à 66).
278 Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 11-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174) qu'il s'agit de s'opposer à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché. L'existence d'une pratique concertée se situerait donc déjà au niveau du contact entre concurrents, préalable à tout comportement de leur part sur le marché.
279 Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu'il y a concertation ayant pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n'a été constaté sur le marché. Selon la Commission, le débat porte en fait sur le sens du mot " pratique ". Elle s'oppose à la thèse selon laquelle ce mot a le sens étroit de " comportement sur le marché ". Ce mot pourrait, de l'avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts, pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises.
280 Elle ajoute que si l'on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu'il n'y ait pratique concertée, cela conduirait à laisser hors du champ d'application de l'article 85 toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le Marché commun. On aboutirait ainsi à mettre en échec une partie de la portée de l'article 85. En outre, cette thèse ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concertée (arrêts du 14 juillet 1972, précité, 48-69, point 66 ; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73 et 114-73, point 26 ; et du 14 juillet 1981, précité, 172-80, point 14). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme élément constitutif de l'infraction, comme le soutient la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite. Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis. Seule serait requis une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie.
281 Pour la Commission, il n'est donc pas besoin, pour qu'il y ait infraction à l'article 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elle se sont concertées. Ce qui est répréhensible au sens de l'article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l'intention de substituer une coopération aux risques de la concurrence se trouve matérialisée dans une concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés.
282 La Commission en déduit, au niveau de la preuve, que l'accord et la pratique concertée peuvent être prouvés à l'aide de preuves directes et indirectes. En l'espèce, elle n'aurait pas eu besoin de recourir à des preuves indirectes, comme le parallélisme de comportement sur le marché, puisqu'elle disposait des éléments de preuve directe de la collusion que sont, notamment, les comptes rendus de réunions.
283 La Commission affirme qu'il ressort clairement des motifs de la décision qu'elle a constaté l'existence d'un accord-cadre, auquel viennent s'ajouter des éléments caractéristiques d'accords isolés et de pratiques concertées, le tout formant une situation complexe définie à l'article 1er de la décision par les termes " accord " et " pratique concertée ".
284 La Commission conclut en soulignant qu'elle était en droit de qualifier l'infraction constatée en l'espèce, à titre principal, d'accord et, à titre subsidiaire et entant que de besoin, de pratique concertée.
Appréciation du Tribunal
285 Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d' " accord " chacun de ces différents éléments.
286 De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéa, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de " pratiques concertées " les éléments de l'infraction, lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales ; soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut que, à certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peuvent revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.
287 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir arrêts du 17 juillet 1970, précité, 41-69, point 112 ; et du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 86), la Commission était en droit de qualifier d'accords, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène, qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des prix planchers en 1977, des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et pour la première moitié de l'année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982.
288 En outre, c'est à bon droit que la Commission ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'à novembre 1983, a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243-83, Rec. p. 2015).
289 En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1985, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174).
290 En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.
291 Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.
292 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les réunions périodiques de producteurs de polypropylène, auxquelles a participé la requérante entre la fin de l'année 1977 et septembre 1983.
293 Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d' " accord et une pratique concertée ", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords s'inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas.
294 Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à a savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.
295 Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique de " un accord et une pratique concertée ", dans le mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d' " accords " et des éléments devant être qualifiés de " pratiques concertées ". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratique concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.
296 Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.
B - Effet restrictif sur le concurrence
Acte attaqué
297 La décision (point 90, premier et deuxième alinéas) relève que, pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence. Toutefois, en l'espèce, tout indiquerait que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.
Arguments des parties
298 La requérante soutient que les différentes études qu'elle a produites démontrent que les prétendus accords et pratiques concertées n'ont pas eu d'effet sur la concurrence, qui aurait joué à plein pendant leur durée, et qu'elle-même a eu un comportement commercial concurrentiel sur le marché.
299 La Commission conteste que les producteurs de polypropylène qui ont participé à l'entente n'aient pas adapté leur comportement sur le marché en fonction des accords et des contacts établis entre eux et que ceux-ci n'aient pas eu d'effet sur le concurrence. Ainsi, toutes les instructions de prix disponibles pour la requérante concorderaient parfaitement avec les accords conclus aux réunions et rien n'indiquerait qu'il en ait été autrement pour les périodes pour lesquelles on ne dispose pas de telles instructions. Ce comportement a pu ne pas toujours aboutit au résultat escompté mais, même dans ces cas, les producteurs auraient basé leurs négociations avec les clients sur les prix convenus. L'élément essentiel ne résiderait pas tant dans le succès des initiatives convenues, mais bien dans l'objectif d'une restriction de la concurrence dont ces initiatives devaient permettre la réalisation. Il en serait de même pour les accords de quotas, comme le montrerait le tableau 8 de la décision. Si la Commission reconnaît que l'entente n'a pas toujours eu pour effet de restreindre la concurrence, elle estime que, pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, cela importe peu puisqu'il suffit que l'entente ait pour objet de parvenir à une restriction de la concurrence.
Appréciation du Tribunal
300 Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend, en substance, à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ne tombait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans la mesure où tant son propre comportement sur le marché que celui des autres producteurs attesteraient que cette participation était dépourvue d'effet anticoncurrentiel.
301 L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
302 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les réunions périodiques auxquelles la requérante a participé avec des concurrents avaient pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun, notamment par la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, et que, par conséquent, sa participation à ces réunions n'était pas dépourvue d'objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE .
303 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
Conclusion
304 Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l'acte attaqué doit être rejeté.
Sur la motivation
305 La requérante fait valoir que, en vertu de l'article 190 du traité CEE, la Commission est tenue de motiver ses décisions. Cette obligation servirait à la fois à la protection de la personne concernée et à la bonne administration de la justice (arrêt de la Cour du 20 mars 1959, Nold-Haute Autorité, 18-57, Rec. 89). Ainsi, la motivation devrait, en vue de permettre au juge communautaire d'exercer pleinement son contrôle, comporter une indication détaillée et précise des considérations de fait et de droit qui ont conduit à son adoption. A ce titre, la Commission devrait exposer clairement pourquoi elle considère que des objections fondées et pertinentes ne doivent pas être retenues.
306 En l'espèce, elle considère que la Commission a contrevenu à son obligation de motivation en passant outre à l'ensemble de l'exposé des faits que la requérante et les autres entreprises ont présenté et qui prouvait, au moyen d'expertises complètes et inattaquables, que les prétendus accords ou pratiques concertées n'ont pas eu d'effet sensible sur l'évolution du marché. Ainsi, la Commission se serait dispensée de réfuter l'expertise du professeur Albach, qui, portant sur le marché allemand sur lequel opérait la requérante, constituerait un élément d'information important, tout comme elle aurait omis de réfuter l'audit Coopers et Lybrand et une autre étude effectuée par ce cabinet sur les livraisons effectuées par différents producteurs auprès de différents clients et sur les prix nets facturés.
307 La requérante estime que, puisque la Commission s'est fondée dans la décision sur des conclusions opposées, elle ne peut pas avoir estimé que les résultats de l'étude étaient indifférents. Elle aurait donc dû les analyser dans le cadre de l'appréciation des preuves et exposer sur la base de quelles constatations de fait elle estimait pouvoir les réfuter.
308 Selon la requérante, la Commission ne saurait justifier ce défaut de motivation en invoquant un éventuel manque de pertinence de ces rapports puisque, loin de considérer les prix réels du marché comme non pertinents, la Commission présenterait elle-même, dans la décision (points 74, 90 et 91, et tableau 9), une comparaison entre les prix cibles prétendument convenus et les prix réalisés et tenterait de minimiser l'ampleur et la fréquence des écarts par rapport aux prix cibles.
309 Selon la Commission, le point de vue de la requérante, selon lequel une infraction devait avoir des répercussions sur le marché pour constituer une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, part d'une conception fondamentalement erronée. La Commission considère qu'il suffit qu'il y ait violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, que l'accord ou la pratique concertée ait pour objet de restreindre la concurrence. Dès lors, l'analyse du cabinet Coopers et Lybrand relative aux répercussions de l'entente sur le marché serait dépourvue de pertinence, sauf en ce qui concerne les amendes, ce qui expliquerait pourquoi la Commission y a répondu aux points 72 à 74 et 90 à 92 de la décision.
310 La Commission considère également qu'elle a exprimé en détail son point de vue au sujet de l'étude réalisée par le professeur Albach (décision, point 69).
311 La Commission rappelle, enfin, dans sa duplique, que la décision est basée sur l'existence d'accords, conclus dans le cadre d'une entente, qui avaient pour objet de restreindre la concurrence, mais qui n'ont eu pour effet qu'une restriction limitée du jeu de la concurrence. Dans la mesure où la décision ne serait pas centrée sur les répercussions de l'entente sur le marché mais sur le but dans lequel les accords ont été conclus, la valeur des études mentionnées resterait limitée.
312 Le Tribunal rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour (voir notamment les arrêts du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 66 ; et du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie/Commission, point 240-82 à 242-80, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. 3831) que si, en vertu de l'article 190 du traité CEE, la Commission est tenue de motiver ses décisions, en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue de répondre à ceux de ces points qui lui semblent dénués de toute pertinence.
313 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations quant aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l'acte attaqué, que la Commission a parfaitement pris en compte les arguments de la requérante relatifs aux effets de l'entente sur le marché et qu'elle a exposé de manière concluante dans la décision (points 72 à 74 et 89 à 92), les raisons qui l'avaient amenée à considérer que les conclusions que la requérante tirait de l'audit Coopers et Lybrand et de l'étude du professeur Albach étaient mal fondées.
314 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
Sur l'amende
315 La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 et n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.
La prescription
316 La requérante souligne que, si les vérifications de la Commission ont comencé le 13 octobre 1983, les éventuelles infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, commises avant le 13 octobre 1978, sont couvertes par la prescription que la Commission prétend - à tort - qu'il y aurait eu un seul accord continu caractérisé par un accord-cadre conclu en 1977.
317 La Commission fait valoir qu'on se trouve en présence d'une infraction continue pour laquelle la prescription ne commence à courir qu'à partir du jour où l'infraction a pris fin.
318 Le Tribunal constate que, aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L. 319, p. 1, ci-après " règlement n° 2988-74 "), la prescription quinquennale du pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ne court qu'à compter du jour où l'infraction continues ou continuées.
319 En l'espèce, il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction que la requérante a participé, sans interruption, à une infraction unique et continue à partir de la conclusion de l'accord sur les prix planchers au milieu de l'année 1977 jusqu'au mois de novembre 1983.
320 Par conséquent, la requérante ne peut se prévaloir de la prescription des amendes.
La durée de l'infraction
321 La requérante soutient que la Commission a incorrectement apprécié la durée de l'infraction en estimant que celle-ci remontait au milieu de l'année 1977 et qu'elle avait pris fin en décembre 1983. En effet, la Commission ne pourrait inclure dans cette durée la période allant de fin 1977 à fin 1979, dans la mesure où pour ces deux années, elle serait en défaut de porter des accusations concrètes fondées sur des éléments de preuve valables. En outre, même à l'intérieur de la période allant de l'année 1979 à l'année 1983, la requérante considère qu'il faudrait tenir compte du fait que, selon les constatations n'ont été observées que pour 26 mois sur 72.
322 La Commission soutient qu'elle a correctement apprécié la durée de l'infraction et que celle-ci a été particulièrement longue dans le cas de la requérante. Elle considère que l'infraction s'est poursuivie même lorsque ses effets sur le marché ne e faisaient pas tenir et que, dès lors, il n'y a pas lieu, pour déterminer la durée de l'infraction, de se limiter à la durée des différentes initiatives de prix.
323 Le Tribunal rappelle qu'il a constaté que la Commission a correctement apprécié la période pendant laquelle la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
324 Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.
La gravité de l'infraction
A - Le rôle limité de la requérante
325 La requérante affirme que les motifs exposés par la Commission relativement à la fixation de l'amende ne comportement aucune constatation la concernant en particulier. Hoechst ne serait mise en relief parmi l'ensemble des entreprises concernées qu'en tant que membre du groupe des " quatre grands ". Toutefois, la Commission se méprendrait sur l'importance de cette appartenance. En effet, même si les " quatre grands " représentaient environ la moitié de la production, ils n'auraient pas disposer d'une marge de manœuvre leur permettant d'échapper au jeu de la concurrence ou leur donnant une influence décisive, sur le comportement de leurs concurrents. C'est sans preuve que la Commission leur attribuerait des intérêts parallèles et un comportement solidaire.
326 Elle estime que rien ne permettrait à la Commission de conclure, en se fondant sur la prémisse erronée selon laquelle un accord sur les prix planchers aurait été conclus en 1977, que les "quatre grands " auraient pris l'initiative d'une entente globale. L'affirmation de la Commission selon laquelle des conversations préalables entre les " quatre grands " auraient préparé le contenu des réunions suivantes et selon laquelle il y aurait eu un accord sur l'attitude commune de ces quatre producteurs serait une simple supposition ne s'appuyant sur aucune preuve. Les rares documents concernant ces réunions montreraient, au contraire, que les " quatre grands " n'ont joué aucun rôle directeur, comme le confirmeraient les constatations que la Commission a pu faire à propos de la proposition d'un système d' " account leadership " qui n'émanait pas d'un des " quatre grands " (décision point 27, deuxième alinéa).
327 Elle soutient, en outre, qu'elle n'a pas participé au système d' " account leadership ", ce qui diminuerait la gravité de l'infraction.
328 Pour justifier la différenciation opérée entre les amendes infligées aux entreprises, la Commission rappelle que Hoechst fait partie des " quatre grands " qui ont joué un rôle particulièrement actif dans le cadre de l'entente et qui se sont assigné à eux-mêmes une responsabilité particulière dans son fonctionnement. Hoechst se serait vu infliger la même amende que Shell, mais une amende inférieure à celles d'ICI et de Monte, qui auraient joué un rôle encore plus prépondérant au sein de l'entente.
329 La Commission expose, enfin, qu'elle ne saurait prendre en considération les critiques de la requérante qui fait valoir que sa participation à l'entente n'était pas suffisante pour justifier l'amende infligée. La Cour aurait en effet admis que toute participation concrète à une infraction est suffisante pour justifier une amende même s'il s'agit que d'un consentement passif facilitant (arrêt du 12 juillet 1979, BMW Belgium-Commission, 32-78, 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435 ; et du 1er février 1978, Miller-Commission, 19-77, Rec. p. 131). D'ailleurs, pour fixer le montant de chaque amende à infliger, la Commission aurait expressément tenu compte du degré de participation de chaque entreprise, en se fondant sur des considérations de proportionnalité (décision, point 109).
330 La Commission affirme que la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE dont la requérante se serait rendue coupable était calculée et délibérées. Les fixations horizontales de prix et les partages horizontaux de marché seraient depuis longtemps clairement considérés comme figurant parmi les types les plus graves d'infraction au droit de la concurrence. Elle relève que l'infraction était encore aggravée par le fait que pratiquement tous les fabricants de polypropylène de la Communauté y étaient impliqués et que, par conséquent, la dimension, le pouvoir économique et la part totale de marché des participants revêtaient une importance exceptionnelle.
331 Le Tribunal constate que, en ce qui concerne le rôle particulier joué par les " quatre grands " dans le cadre de l'infraction, Hoechst ne conteste pas que des réunions réunissant les " quatre grands " aient eu lieu le 15 juin 1981 en son absence, les 13 octobre et 20 décembre 1982, les 12 janvier, 15 février, 13 avril, 19 mai et 22 août 1983 (décision, tableau 5, ainsi que g. g. ann. 64).
332 Or, ces réunions des " quatre grands " avaient lieu, à partir de décembre 1982, la veille des réunions de " patrons " et elles avaient pour objet de déterminer les actions qu'ils pourraient y prendre ensemble en vue d'aboutir à un relèvement des prix dans la foulée de l'accord sur les prix planchers qu'ils avaient conclu au milieu de l'année 1977.
333 C'est ainsi qu'on peut lire dans une note d'ICI relative à la réunion des représentants d'ICI, de Shell et de Monte du 15 juin 1981 (g. g. ann. 64) que ces producteurs ont envisagé comme solution face aux difficultés rencontrées sur le marché :
" Possible solutions included (a) sanctions (not a great success so far on PVC), (b) control production wich is within the power of the bosses (L. thought propylene availability might scupper this), (c) quotas wich Z. favoured but L. discounted, (d) new initiative by the 4 majors whereby they accommodated the hooligans in Europe and made up the loss by sales in ROW markets. Given that W European sales would probably not exceed 105 kt-month fot the next few months and then not over 125 kt for the remainder of the year say 115 kt average for july-Sept and exports continued at 30 kt-month there would have to drop 2.5 kt-m in Europe equivalent to 30 kt-yr of say 2.3 % market share. I said that despite L.'s contention about ROW prices that such a proposal woulb be totally unacceptable to us, (e) a flat price increase of say 20 pf-kg wef 1st July - this avoids inrealistic requirements for the lowest priced business. "
[" Les solutions possibles incluaient (a) des sanctions (qui n'ont pas été un grand succès jusqu'à présent en ce qui concerne le pVC), (b) un contrôle de la production, ce qui relève du pouvoir des patrons (L. estimait que les disponibilités en polypropylène pourraient compromettre cette solution), (c) l'application de quotas pour laquelle Z. s'est déclarée favorable, mais pour laquelle L. a montré peu d'enthousiasme, (d) une nouvelle initiative des 'quatre grands' conciliant la position des 'hooligans' en Europe et compensant les pertes par des ventes sur les marchés ROW ('rest of the world' - 'le reste du monde'). Etant donné que les ventes en Europe occidentale ne dépasseraient probablement pas 105 kilotonnes par mois au cours des prochains mois et n'excéderaient pas 125 kilotonnes pour le reste de l'année, se situant à une moyenne d'environ 115 kilotonnes pour la période de juillet à septembre, et que les exportations continuaient à un rythme de 30 kilotonnes par mois, il y aurait toujours un excédent de capacité de 10 kilotonnes par mois. Réparti entre les 'quatre grands', chacun d'eux devrait abandonner 2,5 kilotonnes par mois en Europe, ce qui correspond à 30 kilotonnes de L. à propos des prix à appliquer en dehors de l'Europe occidentale, une telle proposition serait totalement inacceptable pour nous, (e) une augmentation nette de prix de 20 pf-kg à partir du 1er juillet - cette solution évite des exigences irréalistes pour les marchés dont le prix est le plus bas. ")
De même, une note rédigée par un employé d'ICI intitulée " Sharing the pain " (" Répartir le sacrifice ") et datée du début de la seconde moitié de l'année 1982 (g. g. ann. 98) précise que l'instauration d'un système de compensations pour les réductions de volumes de vente " might provide useful elements for the understanding between the 'Big Four' " (" pourrait fournir des éléments utiles pour l'entente entre les 'quatre grands' "). ICI a déclaré dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), à propos de ce document que :
" The 'understanding' between the 'Big Four' was recognition that if the prices were to be increased then the 'Big Four' producers would to give a strong lead, even at the expense of their own sales four producers might have made it easier for them to contemplate the possibility of a commitment on 'Target-prices'. "
(" L'entente entre les 'quatre grands' consistait dans la reconnaissance que si les prix devaient être augmentés, les 'quatre grands' producteurs devraient prendre énergiquement la tête du mouvement, même au prix de leur propre volume de vente'. Les 'quatre grands' pensaient qu'un 'arrangement compensatoire' entre eux pouvait leur permettre d'envisager plus facilement la possibilité de s'engager sur des 'prix-cibles'. ")
Ces éléments montrent que les " quatre grands " étaient conscients du rôle particulier qu'ils devaient jouer dans les initiatives destinées) à relever les prix. Ainsi encore, une note interne de Shell datée d'octobre 1982 fait-elle référence aux initiatives de prix des " quatre grands " (g. g. ann. 94).
334 Le Tribunal considère qu'il résulte des éléments qui précèdent ainsi que de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction et qu'elle a indiqué au point 109, premier alinéa, de la décision, avoir tenu compte de ce rôle pour déterminer le montant de l'amende. A cet égard, il y a lieu de relever qu'il n'y a pas de contradiction entre, d'une part, les trois premiers alinéa du point 109 et, d'autre part le sixième alinéa de ce point, dans la mesure où ce dernier ne vise que les producteurs de moindre taille.
335 En outre, le Tribunal constate que les faits qui ont été établis révèlent par leur gravité intrinsèque - notamment la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente - que la requérante n'a pas agi par imprudence ni même par négligence, mais qu'elle a agi de propos délibéré.
336 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
B - L'absence d'individualisation des critères de fixation des amendes
337 La requérante affirme que la Commission ne dispose, pour la fixation des amendes, d'aucune marge d'appréciation qui échapperait au contrôle du juge communautaire. Dans ce contexte, il y aurait lieu de rejeter l'affirmation de la Commission selon laquelle elle jouirait d'une qualification particulière pour apprécier le montant des amendes.
338 Elle soutient, en outre, que les motifs de la décision ne comportent pas les considérations de fait et de droit essentielles qui permettraient de fonder l'évaluation de l'amende. La décision n'indique pas les critères sur lesquels est fondée la graduation des amendes réparties entre les entreprises. L'amende qui lui a été infligée représenterait 15,8 % du total des amendes et serait donc supérieure de 50 % à ce qui résulterait d'une répartition des amendes sur la base des parts de marché définies par la Commission. Pour les deux autres entreprises, les amendes ne seraient supérieures que de 38,6 % et 41 % aux parts de marché, alors que les circonstances prises en considération pour le calcul de l'amende seraient les mêmes pour ces trois entreprises. Ce défaut de motivation et d'individualisation des critères de fixation du montant de l'amende serait d'autant plus grave que le Tribunal dispose d'une compétence de pleine juridiction dans les recours dirigés contre des décisions infligeant des amendes. Selon la requérante, la Commission aurait dû indiquer dans la décision les critères ayant présidé à la fixation du montant de l'amende infligée à chaque entreprise.
339 La Commission affirme ne pas mettre en doute la compétence de pleine juridiction du Tribunal en matière d'amendes. Elle souligne d'ailleurs que le tribunal pourrait user de cette compétence pour augmenter en l'espèce le montant de l'amende.
340 Elle soutient que la décision est correctement motivée puisqu'elle énumère, en ses points 108 et 109, toutes les circonstances atténuantes ou aggravantes prises en compte et qu'elle indique le rôle joué dans l'entente par chacun des producteurs concernés. En outre, étant donné que des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE ne peuvent être commises que par plusieurs entreprises agissant de concert, il serait normal que, la plupart du temps, la même motivation soit invoquée pour les amendes infligées à chacun des membres du groupe. Elle répète que c'est en raison de son appartenance au groupe des " quatre grands ", groupe qui a joué un rôle particulier dans l'infraction, que la requérante s'est vue infliger une amende dépassant celle qui résulterait d'une répartition exclusivement fondée sur les parts de marché respectives des différents producteurs.
341 Le Tribunal constate que, pour déterminer le montant de l'amende infligée à la requérante, la Commission a, d'autre part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108) et qu'elle a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (décision, point 109).
342 Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère partent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, en particulier sous a), b) et c), du traité CEE, que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, lesquels ont agi de propos délibéré et dans le plus grand secret.
343 Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.
344 A cet égard, il convient de rejeter la critique de la requérante selon laquelle la pondération des amendes infligées aux différentes entreprises serait inéquitable à son égard, en ce qu'elle aurait eu pour effet que l'amende qui lui a été infligée serait supérieure de 50 % à ce qui résulterait d'une répartition des amendes sur la base des parts de marché reprises au tableau 1 de la décision, ce qui ne serait pas le cas pour deux autres entreprises - qu'elle n'identifie pas, mais qu'elle considère comme étant à tout autre entreprises - qu'elle n'identifie pas, mais qu'elle considère comme étant à tout autre égard dans une situation semblable à la sienne -, entreprises dont les amendes ne seraient supérieures que de 28,6 % et de 41 % aux dites parts de marché. En effet, les " parts de marché en Europe occidentale (par producteur) " (décision, tableau 1) ne constituent pas l'un des quatre critères de pondération des amendes qui sont mentionnés au point 109, premier alinéa, de la décision, puisque ni les livraisons respectives de polypropylène dans la Communauté (et non en Europe occidentale) ni le chiffre d'affaires total de chacune des entreprises ne coïncident avec les données fournies au tableau 1 de la décision. Il s'ensuit que le critère qu'à retenu la requérante pour opérer sa comparaison procède d'une analyse erronée de l'acte attaqué.
345 Il faut ajouter que, confrontée à l'audience aux données chiffrées relatives aux livraisons respectives de polypropylène dans la communauté de chacune des entreprises destinataires de la décision, données fournies par la Commission à la demande du Tribunal dont elle n'a d'ailleurs pas contestée l'exactitude.
346 Enfin, le Tribunal souligne que les quatre critères énoncés au point 109, premier alinéa, de la décision doivent être considérés conjointement pour parvenir à une pondération équitable des amendes infligées aux entreprises, ce qui rend insignifiante la comparaison faite par la requérante, sur la base d'un seul de ces critères, de sa situation avec celle de deux autres entreprises non identifiées, sans qu'elle n'examine concrètement et en détail, sur la base des quatre critères combinés, les situations respectives des entreprises faisant l'objet de sa comparaison. Le Tribunal constate par conséquent que la Commission a correctement appliqué les quatre critères en cause, eu égard spécialement au rôle joué par la requérante en tant qu'un des " quatre grands " (décision, point 109, deuxième alinéa).
347 Le grief formulé par la requérante ne peut dès lors pas être accueilli.
C- La délimitation erronée du marché en cause
La requérante fait grief à la Commission d'avoir incorrectement délimité le marché en cause. Elle fait valoir que le dispositif de la décision vise l'ensemble du marché du polypropylène, alors que les motifs ne portent que sur les produits de base. Ainsi, la Commission aurait, pour fixer le montant des amendes, pris en compte les parts de marché et le chiffre d'affaires de Hoechst pour la totalité du marché du polypropylène, au lieu de ne tenir compte que des chiffres correspondant au marché des produits de base, lesquels ne représenteraient que 29 % des ventes de Hoechst sur le marché communautaire. C'est pourquoi l'amende serait excessive. La requérante soutient, contrairement à la Commission, que le marché des produits de base était indépendant de celui des produits spéciaux et que, par conséquent, des accords sur les prix des produits de base étaient sans influence sur le marché des produis spéciaux.
349 La Commission fait valoir que les ententes réalisées sur les prix des produits de base ont également eu des répercussions sur ceux des produits spéciaux. Les produits de base n'étaient pas les seuls à être couverts par les accords sur les prix. Ainsi, un tableau établi à la suite d'une réunion tenue le 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) comporterait des prix exprimés en dix monnaies différentes pour dix qualités différentes. Comme le montreraient les instructions de prix des différents producteurs (ann. C, lettre du 29 mars 1985), il existe un lien étroit, sur le plan des prix, entre les produits de base et les produits spéciaux. Les nouveaux prix d'entente auraient servi de base aux négociations avec les clients au moment de la prorogation des contrats portant sur les produits spéciaux.
350 Elle ajoute que les accords de quotas avaient un caractère global et ne se rapportaient pas seulement à certains types de produits. Ces accords ayant pour but de soutenir l'entente sur les prix, il en découlerait nécessairement que ladite entente couvrait l'ensemble du marché du polypropylène.
351 Le Tribunal constate que les quotas portaient sur l'ensemble des qualités de polypropylène. En effet, la requérante a indiqué, dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, que ses ventes pour 1980 et 1983 dans la Communauté, où elle effectuait l'essentiel de ses ventes, étaient respectivement de 92,713 tonnes et de 103,912 tonnes, toutes qualités confondues, dans lesquelles 29 % seulement concernaient les produits de base. Or, le quota attribué à la requérante pour l'Europe occidentale en 1980 était de 165 000 tonnes (g. g. ann. 60) et se situait en 1983 entre 155 000 tonnes sur un marché estimé à 1 470 kilotonnes (proposition de Saga, g. g. ann. 81) et 169 050 tonnes [11,5% d'un même marché, proposition des producteurs allemands (g. g. ann. 83)].
352 Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a pris en compte l'ensemble du marché du polypropylène pour fixer le montant de l'amende infligée à la requérante. Le grief doit être rejeté.
D - La prise en compte de la situation déficitaire du marché
353 La requérante soutient que les pertes qu'elle a subies ont été non seulement substantielles, mais dramatiques. Cette circonstances due, essentiellement aux aides illégales accordées par certains Etats et permettant à certains producteurs de compenser leurs pertes, aurait dû être prise en compte comme circonstance atténuante. Or, la Commission n'aurait même pas essayé de calculer les pertes, que la requérante évalue à plus de 250 millions de DM.
354 La Commission renvoie à la description qu'elle donne dans la décision et qui concorde d'ailleurs pour l'essentiel avec l'exposé de la requérante en ce qui concerne les surcapacités et les pertes subies par les producteurs. Toutefois, elle estime non pertinentes les observations de Hoechst concernant les aides d'Etat. A supposer exactes les affirmations de la requérante sur ce point, elle ne sauraient, de l'avis de la Commission, justifier une infraction aux règles de concurrence posées par l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
355 La Commission indique qu'elle a tenu compte des pertes subies par les entreprises à titre de circonstance atténuante, mais que l'influence éventuelle des aides d'Etat n'avait pas à être prise en considération.
356 Le Tribunal relève que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a indiqué explicitement au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle a tenu compte du fait que les entreprises ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur polypropylène pendant une très longue période, ce qui indique non seulement que la Commission a tenu compte des pertes, mais également qu'elle a, de ce fait, tenu compte des conditions économiques défavorables du secteur (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, précité, 322-81, point 111 et suivants) en vue de déterminer, eu égard également aux autre critères mentionnés au point 108, le niveau général des amendes à imposer aux entreprises contrevenantes.
357 Le Tribunal rappelle que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants pour arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.
358 En ce qui concerne en particulier les aides d'Etat qu'auraient reçues certaines entreprises, le Tribunal considère qu'elles ne sont pas de nature à anéantir le caractère illicite du comportement de la requérante puisqu'on ne saurait accepter comme moyen de légitime défense la participation à une entente illicite.
359 Pour autant que la requérante fait appel à l'exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal constate que la requérante n'a fourni aucun élément de fait de nature à établir la réalité de ces aides, leur nature, leur ampleur ainsi que leurs effets sur la concurrence et, en particulier, sur les résultats de la requérante. En outre, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas invité la Commission, au moment des faits, à exercer ses compétences au titre de l'article 9 du traité CEE. Dans ces conditions, le Tribunal considère qu'il ne dispose pas des éléments indispensables en vue de l'exercice de sa compétence de pleine juridictions en ce qui concerne les aides d'Etat, dont la requérante allègue l'existence.
360 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
E - La prise en compte des effets de l'infraction
361 La requérante soutient qu'il ressort des études qu'elle a produites, contrairement à ce qu'affirme la Commission sans aucune preuve, que les infractions alléguées n'ont eu aucun effet sur le marché et qu'elles n'ont donc permis à aucun producteur de réaliser des bénéfices supplémentaires. Cette erreur de la Commission devrait entrainer une réduction de l'amende puisqu'il faudrait tenir compte du fait qu'il n'y aurait pas eu sur le marché de comportement contraire au droit de la concurrence et que, par conséquent, les entreprises n'ont pas tiré de bénéfices de l'entente aux dépens du marché.
362 La Commission souligne qu'elle a apprécié de façon très nuancée les effets de l'entente sur le marché. Toutefois, elle rappelle que ses constatations permettent de conclure qu'une nette restriction de la concurrence a été escomptée et - du moins en partie - obtenue. Du reste, elle rappelle que si les producteurs ont poursuivi leurs réunions de manière fréquente et régulière, c'est qu'eux-mêmes considéraient que l'entente n'était pas totalement inefficace. La Commission admet que les effets produits par l'entente sur le marché ont joué un certain rôle dans la fixation du montant des amendes.
363 Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait qu'après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les " cibles " servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure que, en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).
364 Il y a lieu de relever que le premier type d'effets à été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents de prix fixés lors de réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.
365 En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas de raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes rendus des réunions du 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g. g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d'autre part, que si l'audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économiques réalisées à la demande de certains producteurs devaient permettre d'établir le caractère erroné des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.
366 Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.
367 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
F - L'aggravation de l'importance de l'amende par le droit national
368 La requérante fait valoir que l'amende de 19,3 millions de DM qui lui a été infligée doit être prélevée sur le bénéficie après impôt. Par conséquent, cette amende correspondrait en réalité en réalité à une charge grevant les résultats de l'entreprise d'environ 55 millions de DM, qui viendraient s'ajouter aux pertes de plus de 250 millions de DM subies par la requérante dans le secteur du polypropylène.
369 Le Tribunal considère que, pour fixer le montant de l'amende infligée à la requérante, la Commission a dû prendre en considération le fait que celle-ci devait être prélevée sur le bénéfice après impôt. En effet, si l'amende devait être prélevée sur le bénéfice imposable, cela aurait pour conséquence de faire supporter une partie de l'amende par l'Etat dont l'entreprise relève en matière fiscale, car cela entraînerait une diminution de la base imposable de l'entreprise. Or, la Commission n'a pas pu partir d'une telle hypothèse dans la fixation du montant de l'amende infligée à Hoechst.
370 Le grief doit, dès lors, être rejeté.
371 Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante est adéquate à la durée et à la gravité de la violation des règles de concurrence communautaires constatée à l'encontre de la requérante.
Sur la réouverture de la procédure orale
372 Par mémoire séparé du 2 mars 1992, la requérante a demandé que la procédure orale soit réouverte en vue de procéder à des mesures d'instruction. Elle a fait valoir que, dans son arrêt du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315, ci-après " PVC "), le Tribunal de première instance a constaté l'existence de vices ayant pour conséquence l'inexistence de la décision sur laquelle portait ce litige. Elle a offert de prouver, par le témoignage des agents de la Commission dans ces affaires ainsi que par l'enregistrement de l'audience, que les représentants de la Commission auraient expressément déclaré que la procédure suivie, telle quelle a été constatée dans ces affaires, correspondrait à la pratique constamment suivie par la Commission (point II du mémoire du 2 mars 1992). La requérante considère qu'elle a ainsi suffisamment établi qu'il est vraisemblable que, conformément à la pratique constante de la Commission, il n'existe pas non plus dans la présente affaire d'originaux de la décision attaquée, dûment authentifiés par les signatures du président de la Commission et du secrétaire exécutif, dans les cinq langues faisant foi. Il conviendrait donc d'enjoindre à la défenderesse de produite tous les actes et documents de la Commission relatifs à sa prise de décision ainsi que les décisions authentifiées dans les langues faisant foi. Sous le point III de son mémoire du 2 mars 1992, la requérante fait également valoir qu'il y a lieu de supposer que la Commission - comme dans les affaires PVC - n'a pas non plus authentifié sa décision dans toutes les versions linguistiques faisant foi et que les décisions ont été modifiées a posteriori par des personnes non compétentes.
373 Après avoir entendu à nouveau l'avocat général, le Tribunal considère qu'il n'y a pas lieu d'ordonner, conformément à l'article 62 de son règlement de procédure, la réouverture de la procédure orale ni de procéder à des mesures d'instruction.
374 Il convient, tout d'abord, de relever que l'arrêt précité du 27 février 1992, ne justifie pas, en soi, une réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En outre, à la différence de l'argumentation qu'elle a développée dans l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, précité point 14), la requérante n'a pas, dans la présente affaire, jusqu'à la fin de la procédure orale, fait valoir, même sous forme d'allusion, que la décision attaquée serait inexistante en raison des vices allégués. Il y a donc lieu de se demander si la requérante a suffisamment justifié pourquoi, dans la présente affaire, à la différence des affaires T-79-89 e.a., elle ne s'est pas prévalue plus tôt de ces prétendus vices qui, en tout état de cause, devraient avoir été antérieurs à l'introduction du recours. Même s'il appartient au juge communautaire d'examiner d'office, dans le cadre d'un recours en annulation au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, la question de l'existence de l'acte attaqué, cela ne signifie toutefois pas que, dans chaque recours fondé sur l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, il y ait lieu de procéder d'office à des investigations concernant une éventuelle inexistence de l'acte attaqué. Ce n'est que dans la mesure où les parties avancent des indices suffisants pour suggérer une inexistence de l'acte attaqué que le juge est tenu de vérifier cette question d'office. En l'espèce, l'argumentation développée par la requérante ne fournit pas d'indices suffisants pour suggérer une telle inexistence de la décision. Sous le point III de son mémoire du 2 mars 1992, la requérante a seulement fait valoir qu'il existe un " motif raisonnable " pour supposer que la Commission a violé certaines règles de procédure. La prétendue violation du régime linguistique prévu par le règlement intérieur de la Commission ne peut cependant entraîner l'inexistence de l'acte attaqué, mais seulement - après avoir été invoquée en temps utile - son annulation. La requérante n'a, en outre, pas expliqué pourquoi la Commission aurait apporté des modifications a posteriori à la décision en 1986, c'est-à-dire dans une situation normale se distinguant sensiblement des circonstances particulières de l'affaire PVC, caractérisées par le fait que la Commission parvenait, en janvier 1989, à l'expiration de son mandat. La présomption globale avancée à ce sujet par la requérante ne constitue pas un motif suffisant pour justifier que des mesures d'instruction soient ordonnées après une réouverture de la procédure orale.
375 Sous le point II de son mémoire, la requérante a cependant affirmé, de manière concrète, que les originaux de la décision attaquée, authentifiés par les signatures du président de la Commission et du secrétaire exécutif, n'existeraient pas dans toutes les langues faisant foi. Ce prétendu vice, à supposer qu'il existe, ne conduirait cependant pas à lui seul à l'inexistence de la décision attaquée. Dans la présente affaire, à la différence des affaires PVC, précédemment citées à plusieurs reprises, la requérante n'a en effet avancé aucun indice concret de nature à suggérer qu'une violation du principe de l'intangibilité de l'acte adopté serait intervenue après l'adoption de la décision attaquée et que celle-ci aurait ainsi perdu, au bénéfice de la requérante, la présomption de légalité dont elle bénéficiait de part son apparence. En un tel cas, la seule circonstance qu'un original dûment attaqué. Il n'y avait donc pas lieu non plus pour ce motif de rouvrir la procédure orale afin de procéder à de nouvelles mesures d'instruction. Dans la mesure où l'argumentation de la requérante ne pourrait justifier une demande en révision, il n'y avait pas lieu de donner suite à sa suggestion de rouvrir la procédure orale.
SUR LES DEPENS
Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre),
déclare et arrête :
Le recours est rejeté.
La requérante est condamnée aux dépens.