TPICE, 1re ch., 10 mars 1992, n° T-13/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Imperial Chemical Industries (plc)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Avocat général :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts
Avocats :
Mes Dupong, Anderson.
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),
Les faits à l'origine du recours
1. La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.
2. Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd (appelés les "quatre grands"), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Hüls et BASF AG en Allemagne et le producteur autrichien Chemie Linz AG. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 % à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (1977-1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité soit par des pertes substantielles, en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries plc, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Hüls, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.
3. Imperial Chemical Industries plc faisait partie des producteurs approvisionnant le marché du polypropylène en 1977 et fait partie des "quatre grands". Sa part de marché se situait entre environ 10,6 et 11,4 %.
4. Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n° 17"), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le marché communautaire :
- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO");
- BASF AG (ci-après "BASF");
- DSM NV (ci-après "DSM");
- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules");
- Hoechst AG (ci-après "Hoechst");
- Chemische Werke Hüls (ci-après "Hüls");
- Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI");
- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte");
- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell");
- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay");
- BP Chimie (ci-après "BP").
Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après "Rhône-Poulenc") ni chez Enichem Anic SpA.
5. A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après "demandes de renseignements"), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes :
- Amoco;
- Chemie Linz AG (ci-après "Linz");
- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil");
- Petrofina SA (ci-après "Petrofina");
- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic").
Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.
6. Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu'entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou pourcentages convenus. C'est ainsi que, le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.
7. Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé que, au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que le 31 octobre 1984 la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente, ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.
8. Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.
9. Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), Anic, ICI et Rhône-Poulenc (qui estimaient n'avoir pas été en mesure de préparer leur dossier).
10. Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient pouvoir, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu n'avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Hüls a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.
11. C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives en matière de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions, et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.
12. Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.
13. Une seconde session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985 et le 25 juillet 1985 Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.
14. Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.
15. Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant :
"Article premier
Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Hüls (actuellement Hüls AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant :
- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983,
- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980,
- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins,
- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins,
- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins,
- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins,
- pour BASF, DSM et Hüls, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun :
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;
b) ont fixé périodiquement des prix 'cible'(ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d''account management'ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;
e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un 'quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction
constatée à l'article 1er :
i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT;
ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF;
iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM;
iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL;
v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR;
vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM;
vii) Hüls AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM;
viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL;
ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT;
x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT;
xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR;
xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF;
xiii) Shell International Chemical Co Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL;
xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR;
xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.
Articles 4 et 5
(omissis)"
16. Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, compléments et suppressions de textes demandés par les entreprises, leur a été envoyé.
La procédure
17. C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 6 août 1986, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89, T-6-89 à T-12-89, T-14-89 et 15-89).
18. Par acte séparé introduit le même jour, ICI a demandé à la Cour d'ordonner, au titre de l'article 91 du règlement de procédure de la Cour, la production de documents que la Commission avait refusé de lui communiquer. Cette demande a été rejetée par ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, ICI/Commission (212-86 R, non publiée au Recueil).
19. La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.
20. Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988").
21. En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.
22. Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.
23. Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.
24. Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.
25. Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.
26. Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.
27. Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
28. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.
29. L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.
Les conclusions des parties
30. La société ICI conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) Annuler la décision de la Commission du 23 avril 1986 (IV/31149-Polypropylène), dans la mesure où elle concerne ICI;
2) Annuler ou réduire l'amende infligée à ICI;
3) Si ICI était tenue de payer l'amende au présent stade sans pouvoir suspendre son paiement, ordonner à la Commission de la rembourser du montant de l'amende versée ou de la proportion appropriée, majoré d'un intérêt au taux supérieur de 1 % au taux prêteur fixé par la banque du Royaume-Uni désignée à l'article 4 de la décision;
4) Condamner la Commission aux dépens.
La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours
- condamner la requérante aux dépens.
Sur le fond
31. Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait omis de lui communiquer des documents sur lesquels elle a fondé sa décision (1), en ce que la requérante n'aurait pas reçu communication du rapport du conseiller-auditeur (2) et en ce que la Commission aurait porté un jugement prématuré en partant d'idées préconçues (3) en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction qui porte, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas correctement qualifié l'infraction (A), en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'objet ou l'effet restrictif de la concurrence (B) et l'affectation du commerce entre États membres (C) en troisième lieu, les griefs relatifs à la motivation de la décision en quatrième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende qui serait pour partie couverte par la prescription (1) et qui ne serait adéquate ni à la durée (2) ni à la gravité (3) de l'infraction alléguée.
Sur les droits de la défense
1 Omission de communiquer des documents lors de la communication des griefs
32. La requérante fait valoir que, lors de la communication des griefs, la Commission ne lui a pas transmis quatorze documents ou séries de documents sur lesquels elle aurait fondé la décision et qu'elle l'a ainsi mise dans l'impossibilité de s'expliquer sur leur contenu. Il s'agirait de documents recueillis chez ATO, relatifs à l'échange de renseignements sur les livraisons effectuées par les producteurs français et à l'application de quotas sur le marché français en 1979 [(décision, point 15, sous h))], d'un document prétendument découvert chez Solvay daté du 6 décembre 1977 (décision, point 16, avant-dernier alinéa), de deux comptes rendus de réunions internes de Shell tenues respectivement les 5 juillet et 12 septembre 1979 (décision, points 29 et 31), d'un document interne de Solvay comparant les "prix réalisés" pour octobre et novembre 1980 avec les "prix de liste" pour janvier 1981 (décision, point 32), d'un rappel de Solvay à ses bureaux de vente du 17 juillet 1981 (décision, point 35), d'un document de Shell relatif à la fixation d'un prix-cible au 1er novembre 1981 (décision, point 36, premier alinéa), d'une note d'Hercules montrant qu'en décembre 1981 le prix cible a été révisé à la baisse (décision, point 36, deuxième alinéa), d'une note interne de Hoechst datée du 6 juin 1983 fixant un prix minimal à partir du 1er juillet de cette année et d'un télex de Linz du 8 juin 1983 (décision, point 49), de deux documents de Shell intitulés "PP W Europe Pricing" et "Market quality report" (décision, point 49), d'une note interne d'ATO datée du 28 septembre 1983 (décision, point 51) et, enfin, d'un document de travail relatif au premier trimestre de 1983 découvert chez Shell (décision, points 63, troisième alinéa, et 64).
33. La Commission fait valoir que les documents mentionnés aux points 15, 32 ou 35 de la décision ont été rendus accessibles à la requérante dans le cadre de la procédure d'accès au dossier. Elle ajoute que le télex de Linz du 8 juin 1983 a été communiqué en annexe Linz H1 à la lettre du 29 mars 1985. Elle indique que, dans un nombre très limité de cas, elle a estimé que les documents contenaient des informations commerciales sensibles au sujet d'un producteur déterminé et a, par conséquent, interdit aux autres producteurs d'y avoir accès. Elle conclut qu'en tout état de cause aucun des documents cités par la requérante ne serait important pour le règlement de la présente affaire, puisque ces documents soit ne concernent pas ICI, soit ne font que confirmer d'autres documents. La requérante n'aurait d'ailleurs pas tenté d'expliquer en quoi ses droits de la défense auraient pu être affectés par la non-communication des documents en question.
34. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que ce qui importe ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu'en a tirées la Commission et que, si ces documents n'ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l'entreprise concernée a pu, à juste titre, estimer qu'ils n'avaient pas d'importance aux fins de l'affaire. En n'informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans la décision, la Commission l'a empêchée de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents. Il s'ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne (arrêts du 25 octobre 1983, AEG/Commission, point 27, 107-82, Rec. p.. 3151, et du 3 juillet 1991, AKZO Chemie/Commission, point 21, C-62-86, Rec. p. I-0000).
35. En l'espèce, il y a lieu de relever que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans la lettre du 29 mars 1985, ou ceux annexés à celles-ci sans y être spécifiquement mentionnés, peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire. En ce qui concerne les documents annexés aux communications des griefs, mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent être retenus dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir des communications des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer.
36. Il résulte des considérations qui précèdent que, parmi les documents cités par la requérante, seul le télex de Linz daté du 8 juin 1983 peut être retenu comme élément de preuve à l'encontre de la requérante, puisqu'il a été mentionné dans la lettre du 29 mars 1985, dont il constitue, en outre, l'annexe Linz H1. Les autres documents cités par la requérante ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire.
37. La question de savoir si ces derniers documents constituent un support indispensable des constatations de fait que la Commission a opérées à l'encontre de la requérante dans la décision relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de ces constatations.
2 Non-communication du rapport du conseiller-auditeur
38. La requérante fait valoir que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas été mis à sa disposition malgré la demande qu'elle a adressée en ce sens à la Commission Elle rappelle qu'elle a demandé à la Cour, au titre de l'article 91 du règlement de procédure, d'ordonner à la Commission de produire ce rapport dans lequel le conseiller-auditeur aurait admis l'existence d'une concurrence intense sur le marché. Si elle n'ignore pas que cette demande a été rejetée par l'ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, ICI/Commission, précitée, points 5 à 8, elle invite néanmoins le Tribunal à ordonner la production de ce rapport ou, à tout le moins, à en prendre connaissance en raison des faiblesses de l'argumentation de la Commission quant au fond.
39. La Commission s'autorise de l'ordonnance que la Cour a rendue le 11 décembre 1986 (point 7) à la requête d'ICI pour refuser de communiquer le rapport du conseiller-auditeur Elle considère qu'il n'y a aucune raison de revenir sur cette ordonnance.
40. Le Tribunal relève que les droits de la défense n'exigent pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur, qui constitue un document purement interne à la Commission. A cet égard, la Cour a jugé que ce rapport a valeur d'avis pour la Commission, qu'elle n'est en aucune manière tenue de s'y ranger et que, dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (voir l'ordonnance du 11 décembre 1986, précitée, 212-86 R, points 5 à 8). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance de droit, dès lors que les différentes instances concourant à l'élaboration de la décision finale ont été informées correctement de l'argumentation formulée par les entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission ainsi qu'aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, point 7, 322-81, Rec. p. 3461).
41. A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises ni de formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à l'encontre de celles-ci, mais d'exprimer l'opinion d'un fonctionnaire de la Commission en vue de l'adoption par celle-ci d'une décision. Il s'ensuit, d'une part, que les entreprises n'ont pas le droit, au titre du respect des droits de la défense, d'exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoir le commenter (voir l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25, 43-82 et 63-82, Rec. p.. 19) et, d'autre part, qu'il n'y a aucune raison pour le Tribunal d'ordonner à la Commission la production de ce rapport.
42. Par conséquent, le grief doit être rejeté.
3 Jugement prématuré et préconçu
43. La requérante soutient que la Commission a manqué aux obligations que lui imposent la jurisprudence de la Cour et sa propre doctrine (arrêt du 21 février 1984, Hasselblad/Commission, 86-82, Rec. p.. 883, conclusions p. 914 et 915, ainsi que point 45 du Quinzième rapport de la Commission sur la politique de concurrence), en abordant l'affaire sans aucune ouverture d'esprit et en portant un jugement prématuré, bien qu'elle ait assoupli sa position dans une certaine mesure, à la suite des observations présentées par ICI et de l'audition de celle-ci. Ce jugement prématuré aurait conduit la Commission à conclure à l'"extrême gravité" des infractions, à infliger une amende aussi importante et à refuser, en dépit de l'avis contraire du conseiller-auditeur, de reconnaître l'existence d'une concurrence intense sur le marché pendant la période considérée et l'absence complète d'incidence sur le marché, spécialement sur les prix, de tout arrangement éventuel conclu entre les producteurs. Ainsi, la Commission se serait-elle montrée décidée à ce que ses idées préconçues ne soient pas influencées par les nombreux témoignages, études et expertises.
44. La Commission soutient qu'on ne saurait lui reprocher d'avoir fait preuve d'un jugement prématuré, puisque la position adoptée dans la décision est justifiée et que la Commission y est parvenue après avoir pris en considération les arguments des parties. C'est ainsi qu'en l'espèce la Commission a été convaincue par les nombreux éléments de preuve, lesquels ne pourraient se concilier avec la théorie défendue par la requérante de l'existence d'une "concurrence intense".
45. Le Tribunal considère que la question de savoir si la Commission a porté un jugement prématuré sur la base d'idées préconçues se confond avec celle de savoir si les constatations de fait opérées par la Commission dans la décision sont étayées par les éléments de preuve qu'elle a produits. S'agissant là d'une question de fond liée à l'établissement de l'infraction, il y a lieu de l'examiner ultérieurement, avec les autres questions liées à l'établissement de l'infraction.
Sur l'établissement de l'infraction
46. Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques.
47. Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives à l'accord sur les prix-planchers et à la réunion de la "European Association for Textile Polyolefins" (ci-après "EATP") du 22 novembre 1977 (A), au système des réunions périodiques (B), aux initiatives de prix (C), aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix (D) et à la fixation de tonnages cibles et de quotas (E), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b), avant de les apprécier (c) il y a lieu de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits.
1 Les constatations de fait
A - L'accord sur les prix-planchers et la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977
a) Acte attaqué
48. La décision (point 16, premier, deuxième et troisième alinéas voir aussi le point 67, premier alinéa) indique qu'au cours de l'année 1977, après l'apparition de sept nouveaux producteurs de polypropylène en Europe occidentale, les producteurs en place ont entamé des discussions pour tenter d'éviter une chute brutale des prix et les pertes qui s'ensuivraient. Dans le cadre de ces discussions, les principaux producteurs, Monte, Hoechst, ICI et Shell auraient pris l'initiative d'un "accord sur les prix-planchers", qui devait entrer en vigueur le 1er août 1977. L'accord initial n'aurait comporté aucune régulation des volumes, mais, en cas de réussite, certaines restrictions de tonnages auraient été prévues pour 1978. Cet accord aurait dû être appliqué pendant une période initiale de quatre mois et les modalités de cet accord auraient été communiquées aux autres producteurs, et notamment à Hercules, dont le directeur du marketing relevait comme prix-planchers pour les principales qualités, par État membre, un cours indicatif de 1,25 DM/kg pour la qualité raphia.
49. Selon la décision (point 16, cinquième alinéa), ICI et Shell admettent avoir eu des contacts avec d'autres producteurs pour étudier les moyens de juguler la chute des prix. D'après ICI, il est possible qu'une suggestion ait été émise quant à un niveau de prix en-dessous duquel il serait interdit de descendre ICI et Shell confirmeraient que la discussion n'était pas limitée aux "quatre grands". Aucun détail précis n'aurait pu être obtenu quant au fonctionnement de l'accord sur les prix-planchers. Toutefois, en novembre 1977, alors que le prix du raphia était, semble-t-il, tombé aux alentours de 1 DM/kg, Monte aurait annoncé son intention de le porter à 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre et, le 25 novembre, la presse spécialisée aurait fait part du soutien apporté par les trois autres grands à cette initiative et de leur intention de procéder à des hausses similaires à la même date ou en décembre.
50. La décision (point 17, premier et deuxième alinéas) relève que c'est à peu près à ce moment qu'a débuté le système des réunions périodiques des producteurs de polypropylène et qu'ICI soutient qu'aucune réunion n'a eu lieu avant décembre 1977, mais admet que les producteurs maintenaient déjà le contact entre eux auparavant, probablement par téléphone et lorsque la nécessité s'en faisait sentir Shell aurait admis la possibilité que ses cadres supérieurs "aient discuté des prix avec Monte en novembre 1977 ou aux alentours de cette date et que Monte ait fait mention d'une éventuelle majoration des prix et suscité la réaction (de Shell) à cette éventualité". La décision (point 17, troisième alinéa) expose que, s'il n'existe aucune preuve directe que des réunions de groupe aient eu lieu avant décembre 1977 pour fixer les prix, les producteurs informaient déjà une association professionnelle de clients, l'EATP, lors de ses réunions de mai et novembre 1977, de la nécessité qu'ils percevaient d'organiser une action commune pour améliorer le niveau des prix. Dès mai 1977, Hercules aurait souligné que l'initiative devrait venir des "chefs de file traditionnels" du secteur, tandis que Hoechst aurait laissé entendre que, à son avis, les prix devaient être relevés de 30 à 40 %.
51. C'est dans ce contexte que la décision (points 17, quatrième alinéa, 78, troisième alinéa, et 104, deuxième alinéa) fait grief à la requérante d'avoir déclaré, tout comme Hercules, Hoechst, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay, qu'elle soutiendrait l'annonce faite par Monte, par la voie d'un article paru le 18 novembre 1977 dans la presse spécialisée (European Chemical News, ci-après "ECN"), de son intention de porter le prix du raphia à 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre. Les différentes déclarations faites à cet égard lors de la réunion de l'EATP tenue le 22 novembre 1977, telles qu'elles ressortent du compte rendu, indiqueraient que le prix de 1,30 DM/kg fixé par Monte avait été adopté par les autres producteurs comme "objectif" pour le secteur tout entier.
b) Arguments des parties
52. La requérante soutient que, si des contacts téléphoniques entre producteurs ont eu lieu au cours de l'année 1977, ils n'ont pas débouché sur un accord authentique, puisque, si tel avait été le cas, les parties auraient essayé de le mettre en œuvre Or, en l'espèce, ces contacts n'auraient eu aucune incidence sur le marché, le prix plancher n'étant pas atteint. Le document sur lequel se fonde la Commission à cet égard, à savoir une note manuscrite du directeur du marketing d'Hercules (annexe 2 à la communication générale des griefs, ci-après "g.g. ann."), serait ambigu.
53. Elle fait encore observer que les réunions de l'EATP n'ont en aucune manière pu constituer le cadre de la mise en œuvre de cet accord, puisque ces réunions avaient lieu à la demande des clients industriels qui souhaitaient être informés, notamment, de l'évolution prévisible des prix et qu'il est, dès lors, absurde de les considérer comme un forum destiné à permettre aux producteurs de présenter un front unique devant leurs clients.
54. La Commission expose que sa conclusion selon laquelle un accord sur les prix-planchers avait été conclu entre les "quatre grands" dès 1977 est fondée sur une note manuscrite du directeur du marketing d'Hercules. L'existence de cet accord serait corroborée par plusieurs éléments du dossier : premièrement, par les réponses de Shell et d'ICI à la communication des griefs, dans lesquelles celles-ci auraient reconnu que les producteurs étaient en contact les uns avec les autres afin de déterminer la façon d'arrêter le fléchissement des prix et, pour ce qui est d'ICI, que des niveaux de prix minimaux "ont pu être suggérés" deuxièmement, par l'annonce faite par Monte dans ECN d'une hausse des prix d'un montant les amenant à un niveau proche du prix plancher (g.g. ann. 3), et troisièmement, par le soutien, simultanément apporté à cette hausse par les trois autres "grands" et six autres producteurs au cours de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 (g.g. ann. 6).
c) Appréciation du Tribunal
55. Il y a lieu d'examiner, en premier lieu, si la requérante a souscrit à l'accord sur les prix-planchers, dont la Commission allègue la conclusion au milieu de l'année 1977 et, en second lieu, si la requérante a participé à la fixation d'un objectif de prix de 1,30 DM/kg pour le 1er décembre 1977.
56. En ce qui concerne la première question, le Tribunal constate que la requérante a admis, dans sa réponse à la communication des griefs, qu'au milieu de l'année 1977
"The producers were faced with the inevitable prospect of heavy losses. In the light of this, producers may well have made contact with each other to see what could be done to halt the slide in prices and suggested a price level below which prices should not be allowed to fall if the burden of losses was to be stemmed. This would almost certainly have been done by telephone discussions between producers since there were not then in existence the various meetings of producers of the kind that started at the end of 1977".
("Les producteurs étaient confrontés à la perspective inévitable de pertes importantes. Eu égard à cette situation, il est parfaitement possible qu'ils aient pris des contacts entre eux afin d'examiner ce qui pouvait être entrepris pour mettre fin à la dérive des prix et qu'ils aient suggéré un niveau de prix en dessous duquel les prix ne pourraient pas descendre si l'on voulait contenir les pertes. Ces contacts auraient certainement eu lieu par le biais de conversations téléphoniques entre producteurs puisqu'il n'y avait pas encore à l'époque des réunions de producteurs du type de celles qui ont débuté à la fin de l'année 1977").
Il constate également que la requérante nie que ces discussions aient débouché sur un accord limité aux "quatre grands" :
"The ICI employees are certain that there was no agreement or arrangement between the four named producers in mid-1977 to the exclusion of the other producers. If there had been discussions on 'floor-prices' at that time as the note (of Hercules) appears to suggest then it is most unlikely that any such discussions would have been confined only to the four main producers but would have also included most of the polypropylene producers".
[("Les employés d'ICI sont certains qu'aucun accord ou arrangement excluant les autres producteurs n'est intervenu entre les quatre producteurs susmentionnés au milieu de l'année 1977. S'il y avait eu des discussions sur des 'prix-planchers' à cette époque, comme la note (d'Hercules) semble le suggérer, il est totalement improbable que de telles discussions se soient limitées aux seuls quatre producteurs principaux, mais qu'au contraire, la plupart des producteurs de polypropylène y auraient également été associés".)]
57. C'est à la lumière de ces éléments qu'il convient d'examiner la note rédigée par le directeur du marketing d'Hercules (g.g. ann. 2), dans laquelle la Commission voit l'expression d'un concours de volontés entre les "quatre grands" Selon cette note :
"Major producers have made agreement (Mont, Hoechst, Shell, ICI) 1 No tonnage control 2. System floor-prices - -DOM less for importers 3. Floor-prices from July 1 definitely Aug 1st when present contracts expire 4. Importers restrict to 20 % for 1 000 tonnes 5. Floor-prices for 4 month period only - alternative is for existing 6. Com(panies) to meet Oct to review progress 7. Subject (of the) scheme working - Tonnage restrictions would operate next year"
[("Les principaux producteurs (Mont, Hoechst, Shell, ICI) sont convenus des points suivants: 1. Aucun contrôle des tonnages 2. Système de prix-planchers pour les DOM (producteurs nationaux) à l'exception des importateurs 3. Prix planchers à partir du 1er juillet ou au plus tard au 1er août lorsque les contrats en cours expirent 4. Les importateurs limitent à 20 % pour 1 000 tonnes 5. Prix planchers pour une période de quatre mois seulement - l'alternative est ce qui existe 6. Les sociétés doivent se rencontrer au mois d'octobre pour passer en revue les progrès réalisés 7. Sujet du régime en vigueur - les restrictions de tonnages s'appliqueraient à partir de l'an prochain")] (suit une liste de prix pour trois qualités de polypropylène dans quatre monnaies nationales, dont 1,25 DM/kg pour le raphia)
58. Étant donné que la requérante ne nie pas spécifiquement qu'un accord sur les prix-planchers ait été conclu, mais seulement que celui-ci ait été limité aux "quatre grands", qu'elle n'avance aucun indice de nature à infirmer les conclusions que tire la Commission de la note du directeur du marketing d'Hercules et qu'elle admet qu'à cette époque les producteurs discutaient de prix sous lesquels il ne fallait pas descendre, le Tribunal considère qu'un concours de volontés sur la fixation de prix-planchers est intervenu entre plusieurs producteurs, parmi lesquels figure la requérante, sans qu'il soit besoin d'établir si d'autres producteurs que les "quatre grands" ont adhéré à ces prix.
59. Le fait que les prix-planchers convenus n'aient pas pu être atteints n'est pas de nature à infirmer l'adhésion de la requérante à ces prix, dans la mesure où le Tribunal considère que, à supposer ce fait établi, il tendrait tout au plus à démontrer que les prix-planchers n'ont pas été mis en œuvre. Or, la décision (point 16, dernier alinéa), loin d'affirmer que les prix-planchers ont été atteints, relève que le prix du raphia était tombé aux alentours de 1 DM/kg en novembre 1977.
60. Il y a lieu d'examiner, ensuite, la seconde question, qui est de savoir si les déclarations faites par la requérante et d'autres producteurs lors de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 constituent l'expression d'un concours de volontés entre ceux-ci sur un objectif de prix de 1,30 DM/kg pour le 1er décembre 1977, à la lumière des contacts entretenus entre certains producteurs durant l'année 1977 et de la fixation de prix-planchers par certains d'entre eux.
61. Le Tribunal considère que tel est le cas. En effet, il convient de relever que, lors de la réunion de l'EATP du 27 mai 1977, la requérante a déclaré, après qu'Hercules ait suggéré que les "chefs de file" traditionnels du secteur mettent de l'ordre dans le chaos du marché, qu'ICI "would give every support to such a move providing through all this that they could see a reasonable return for themselves in the future" ("apporterait tout son soutien à une telle opération à condition de pouvoir retirer de tout ceci un profit raisonnable pour elle-même à l'avenir", g.g. ann. 5) au milieu de l'année 1977, un prix plancher de 1,25 DM/kg était fixé par les "quatre grands" au moins et Hercules en était informée à la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977, la requérante a souligné que :
"We will seek every opportunity to increase our polymer prices and do earnestly request your support in this. The announcement by MONTEDISON last Friday in European Chemical News shows that there is an upward movement in prices already and we support MONTEDISON in this. I do not have specific details of what we propose but we will be informing our customers very shortly. Our aim longer term is for DM 1,60 per kilo" (g.g. ann. 6).
("Nous saisirons la moindre occasion d'augmenter nos prix polymère et vous demandons formellement votre appui à cet effet. L'annonce faite par MONTEDISON vendredi dernier dans European Chemical News indique qu'il existe déjà un mouvement visant à la hausse des prix et nous apportons notre soutien à MONTEDISON dans cette entreprise. Je ne possède pas de détails spécifiques sur ce que nous proposons, mais nous informerons nos clients à brève échéance. Notre objectif à longue échéance est de 1,60 DM/kg").
Lors de la réunion du 26 mai 1978, un examen des résultats de la précédente réunion a été effectué par les producteurs et la requérante a déclaré :
"ICI is very disappointed that the price levels and stability discussed in Paris (le 22 novembre 1977) have not been achieved, because I think they would have been beneficial to the industry as a whole" (g.g. ann. 7).
("ICI est très déçue que les niveaux de prix et les objectifs de stabilité discutés à Paris (le 22 novembre 1977) n'ont pas pu être atteints. Nous estimons en effet qu'ils auraient été bénéfiques pour l'ensemble de l'industrie").
62. La présence organique des clients aux différentes réunions de l'EATP n'affaiblit pas les constatations qui précèdent, dans la mesure où les déclarations qui y ont été faites avaient pour objectif de convaincre les clients de la nécessité de voir les prix augmenter et du caractère inéluctable des augmentations annoncées.
63. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit, d'une part, que la requérante figure parmi les producteurs entre lesquels est intervenu un concours de volontés relatif aux prix-planchers au milieu de l'année 1977 et, d'autre part, qu'elle a, dans le prolongement de celui-ci, fait des déclarations à la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 qui ont constitué, elles aussi, l'expression d'un concours de volontés entre la requérante et d'autres producteurs sur la fixation d'un objectif de prix de 1,30 DM/kg pour le 1er décembre 1977.
B - Le système des réunions périodiques
a) Acte attaqué
64. La décision (point 17) indique que le système des réunions périodiques des producteurs de polypropylène a débuté à peu près fin novembre 1977. Elle relève qu'ICI soutient qu'aucune réunion n'a eu lieu avant décembre 1977 (c'est-à-dire après l'annonce de Monte), mais qu'elle admet que les producteurs maintenaient déjà le contact entre eux auparavant.
65. Selon la décision (point 18, premier alinéa), six réunions au moins ont eu lieu au cours de 1978 entre de hauts dirigeants chargés de la direction du secteur polypropylène de certains producteurs ("patrons"). Ce système aurait bientôt été complété par des réunions d'un niveau moins élevé entre des cadres plus spécialisés en marketing ("experts", référence est faite à la réponse d'ICI à la demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, g.g. ann. 8). La décision reproche à la requérante d'avoir assisté régulièrement à ces réunions jusqu'au mois de septembre 1983 et d'en avoir assuré la présidence à partir du milieu de l'année 1982, responsabilité qu'elle aurait acceptée à la condition que les producteurs poursuivent avec plus de détermination leurs efforts pour majorer les prix avant la fin de l'année (points 18, troisième alinéa, et 19, deuxième alinéa).
66. La décision (point 21) affirme que ces réunions périodiques avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.
67. Selon la décision (point 68, deuxième et troisième alinéas), à la fin de 1982, les "quatre grands" ont commencé à se réunir en sessions restreintes la veille de chaque réunion de "patrons". Ces "préréunions" auraient offert aux quatre grands producteurs un cadre approprié pour convenir d'une position commune avant la session plénière, afin d'encourager un mouvement de stabilisation des prix en présentant un front unique ICI aurait reconnu que les sujets discutés lors des préréunions étaient identiques à ceux évoqués aux cours des réunions de "patrons" qui leur faisaient suite en revanche, Shell aurait nié que les réunions des "quatre grands" aient, de quelque façon que ce soit, préparé les réunions plénières ou aient servi à dégager une position commune avant la réunion suivante. La décision affirme cependant que les comptes rendus de certaines de ces réunions (octobre 1982 et mai 1983) contredisent cette affirmation de Shell.
b) Arguments des parties
68. La requérante ne conteste pas avoir participé aux réunions dont la Commission allègue l'existence, mais elle estime que la Commission en exagère l'importance. Elle indique que les réunions étaient peu nombreuses et irrégulières et que la valeur probante des comptes rendus de celles-ci est douteuse, car ceux-ci étaient complétées après les réunions par des remarques et des comparaisons personnelles.
69. Elle souligne, quant à l'objet des réunions que celles-ci n'ont que rarement débouché sur un accord véritable et qu'en toute hypothèse l'engagement nécessaire à la mise en œuvre d'un tel accords faisait défaut. D'ailleurs, les accords n'auraient eu aucun caractère systématique et les initiatives en matière de prix et de volumes de vente auraient eu un caractère aléatoire. Enfin, la requérante fait valoir sur les prix et les volumes, comme l'examen du marché à travers le système Fides d'échange de données, ce que la Commission passerait sous silence.
70. La requérante fait valoir que la Commission surestime le rôle qu'elle a joué en assurant la présidence de ces réunions après le milieu de l'année 1982, dans la mesure où son rôle apparemment actif n'était qu'une fonction purement administrative n'impliquant aucune responsabilité particulière. Elle ajoute que la Commission exagère également l'importance des quelques réunions ayant rassemblé les "quatre grands".
71. La Commission affirme, de son côté, que la participation d'ICI aux réunions de l'entente résulte de sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), qui reprend en annexe 1 l'ensemble des réunions de "patrons" et d'"experts" auxquelles ICI a participé (soit 54 réunions tenues entre janvier 1980 et septembre 1983). A ces réunions, elle ajoute la réunion des 26 et 27 septembre 1979 à laquelle ICI a admis, dans le texte de sa réponse, avoir participé ainsi qu'une réunion du 10 mars 1982 pour la laquelle la Commission dispose d'un compte rendu rédigé par Hercules (g. g. ann. 23) et prétend disposer d'un compte rendu rédigé par ICI.
72. Elle expose que les comptes rendus des réunions qui se sont tenues du 13 mai au 2 décembre 1982 (g. g. ann. 24 à 26 et 28 à 33) montrent que les réunions constituaient un forum permanent aux producteurs de communiquer et de passer des accords, qu'elles étaient organisées longtemps à l'avance, que les producteurs devaient s'en tenir aux actions qui avaient été convenues et qu'elles s'inscrivaient dans un mécanisme marqué par la continuité.
73. Elle fait valoir que les comptes rendus des réunions des 20 août, 6 octobre, 2 novembre et 21 décembre 1982 ainsi qu'une note interne d'ICI (g. g. ann. 28, 31, 32, 34 et 35) établissent le rôle dirigeant joué par ICI au cours de ces réunions et dans l'entente.
74. La Commission estime, en se référant aux points 67 et 68 de la décision, qu'en tant que membre du "club" des "quatre grands", ICI porte une responsabilité particulière dans les infractions commises. Son rôle en cette qualité ressortirait de nombreux documents (g. g. ann. 8, 9, 19, 64, 87, 94 à 100), qui pour la plupart relatent les discussions entre les "quatre grands".
c) Appréciation du Tribunal
75. Le Tribunal constate que la requérante ne conteste pas avoir participé aux réunions dont la Commission allègue la tenue dans la décision. Toutefois, la requérante conteste la portée et l'objet de ces réunions.
76. A cet égard, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a estimé, sur la base des éléments qui ont été fournis par la requérante dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) et qui ont été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions (voir g. g. ann. 12, 17 et 23 à 34), que l'objet des réunions était, notamment, de fixer des objectifs de prix, d'une part, et de volumes de vente, d'autre part. En effet, on peut lire dans cette réponse les passages suivants :
"Generally speaking however, the concept of recommending 'target-prices' was developed during the early meetings which took place in 1978" ; "Target prices" for the basic grade of each principal category of poplypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in schedule..." ;
ainsi que :
"A numbers of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings."
("En général, l'idée de recommander des "prix-cibles" a été élaborée pendant les premières réunions, qui ont eu lieu en 1978" ; "Les "prix-cibles" qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe...");
ainsi que :
("Un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors des réunions.")
77. En ce qui concerne la valeur probante des comptes rendus quant à l'objet de celles-ci, il y a lieu d'observer que le contenu de ces comptes rendus est confirmé par différents documents, comme un certain nombre de tableaux chiffrés relatif aux volumes de vente des différents producteurs, dont certains ont été découverts chez la requérante, et comme des instructions de prix correspondant largement, quant à leur montant et à leur date d'entrée en vigueur, aux objectifs de prix mentionnés dans lesdits comptes rendus de réunions. De la même manière, les réponses de différents producteurs aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées par la Commission corroborent, globalement, le contenu desdits comptes rendus.
78. Par conséquent, la Commission a pu considérer que les comptes rendus de réunions découverts chez ICI reflétaient assez objectivement le contenu de ces réunions dont la présidence était assurée par différents membres du personnel d'ICI, ce qui accroissait la nécessité pour eux d'informer correctement du contenu des réunions ceux des membres du personnel d'ICI qui ne participaient pas à l'une ou l'autre réunion, en établissant des comptes rendus de celles-ci.
79. En ce qui concerne l'adjonction de remarques et de comparaisons personnelles aux comptes rendus de réunions, il convient d'observer que celles-ci, à les supposer établies, devaient nécessairement s'inscrire dans le prolongement des réunions et qu'elles ne dénaturaient pas le contenu de celles-ci. En particulier, les comparaisons effectuées dans certains comptes rendus de réunions, comme celles tenues de septembre à novembre 1982 (g. g. ann. 30 à 32), si elles ont été ajoutées a posteriori, ont dû se fonder sur des chiffres fournis par les autres producteurs soit durant les réunions, soit en marge de celles-ci.
80. De surcroît, faisant état de l'organisation, en plus des réunions de "patrons", de réunions d'"experts" en marketing à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, la réponse d'ICI à la demande de renseignements révèle que les discussions relatives à la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente se faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors que, en 1978, les "patrons" s'étaient bornés à développer le concept même des prix-cibles.
81. Outre les passages précédents, on peut lire l'extrait suivant dans la réponse d'ICI à la demande de renseignements : "Only 'Bosses' and 'Experts' meetings came to be held on a monthly basis" ("Seules les réunions de 'patrons' et d''experts' avaient lieu sur une base mensuelle"). C'est à bon droit que la Commission a pu déduire de cette réponse ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.
82. Le rôle particulier joué par la requérante à partir d'août 1982 dans les réunions ressort tout d'abord du compte rendu de la première réunion tenue sous sa présidence (g. g. ann. 28), dans lequel on peut lire ce qui suit :
" This was the first 'bosses' meeting under the new arrangements. It was stressed that acceptance of responsability for leading the group was conditionnal on seeing real progress on prices before the end of the yeat. The ground rules were :
a) Apart from the well known exceptions all companies should participate.
b) The level of participation had to be right i. e. individuals had to be capacble of committing their companies.
c) Companies had to give the highest priority to making progress by making available the right amount of effort/time.
d) Accept + agree a control system on market shares to be ready for use by the beginning of 1983.
In order to overcome the current lack of trust and confidence it was stressed that companies should only commit themselves when they knew they coul deliver. If after agreeing to a particular course of action a company found the consequences too onerous they should at least wait to the next meeting/call for an extraordinary meeting before abandoning the planned action."
[Cette réunion a été la première réunion de 'patrons' organisée sous l'empire du nouvel arrangement. Il a été souligné que l'acception de la responsabilité de prendre la tête du groupe était soumise à la condition de voir de véritables progrès réalisés en matière de prix avant la fin de l'année. Les règles de base étaient les suivantes :
a) Sauf les exceptions bien connues, toutes les sociétés devraient participer.
b) Le niveau de participation devait être correct, c'est-à-dire que les représentants devaient être habilités à engager leur société.
c) Les sociétés devaient donner la priorité absolue à la réalisation de progrès en consentant les efforts nécessaires et en y consacrant le temps voulu.
d) Accepter et agréer un système de contrôle des parts de marché, système qui devrait être prêt à fonctionner pour le début de l'exercice 1983.
Afin de surmonter l'absence actuelle d'assurance et de confiance, il a été souligné que les sociétés ne devaient s'engager que lorsqu'elles étaient certaines de pouvoir tenir leurs engagements. Si après avoir accepté de participer à un certain type d'action, une société devait en trouver les conséquences trop onéreuses, elle devrait attendre au moins jusqu'à la prochaine réunion ou convoquer une réunion extraordinaire avant d'abonner l'action convenue"].
83. En tant que présidente des réunions, la requérante a pris de nombreuses initiatives, notamment en ce qui concerne la fixation d'objectifs de volumes de vente. Tel a été, en particulier, le cas en décembre 1982, lorsque la requérante a, en vue de fixer des quotas pour 1983, entamé des discussions bilatérales avec différents producteurs (g. g. ann. 74 à 84) et a, sur cette base, effectué une synthèse (g. g. an. 85 à 87) et proposé des plans de quotas (g. g. ann. 70 et 84).
84. En ce qui concerne le rôle particulier joué par les "quatre grands" dans le système de réunions, il y a lieu de relever qu'ICI ne conteste pas que des réunions réunissant les "quatre grands" aient eu lieu le 15 juin 1981, en l'absence de Hoechst, les 13 octobre et 20 décembre 1982, les 12 janvier, 15 février, 13 avril, 19 mai et 22 août 1983 (décision, tableau 5, ainsi que g. g. ann. 64).
85. Or, ces réunions des "quatre grands" avaient lieu, à partir de décembre 1982, la veille des réunions de "patrons" et elles avaient pour objet de déterminer les actions qu'ils pourraient entreprendre ensemble en vue d'aboutir à un relèvement des prix, comme le montre la note de synthèse rédigée par un employé d'ICI en vue d'informer un de ses collègues du contenu d'une préréunion du 19 mai 1983 à laquelle avaient participé les "quatre grands" (g. g. ann. 101). Cette note fait état d'une proposition qui sera soumise à la réunion de "patrons" du 20 mai. Or, ICI indique dans sa réponse à la demande de renseignements for a 'Target Price' for raffia of DM 1.85/kg with effects from 1 July 1983".
("Une réunion des 'quatre grands' qui avait eu lieu le 19 mai 1983 immédiatement avant une réunion de 'patrons' tenue le 20 mai. La 'préréunion des quatre grands' a eu lieu à Barcelone... Cette réunion a débouché sur une proposition de 'prix cible' de 1,85 DM/kg pour la qualité raphia, avec effet au 1er juillet 1983").
En outre, il y a lieu d'observer que le compte rendu de la réunion d'"experts" du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) indique que :
"Those present reaffirmed complete commitment to the 1.85 move to be achieved by 1st July. Shell was reported to have committed themselves to the move and would lead publicly in ECN."
("les participants ont réaffirmé leur soutien total à l'objectif de 1,85 qui devait être atteint pour le 1er juillet. Il était indiqué que Shell s'était engagée dans ce mouvement et le lancerait publiquement dans ECN").
Or, on pouvait lire dans la note de synthèse susmentionnée que "Shell to lead - ECN Article 2 weeks. ICI informed" ("Shell prendra la tête - article dans ECN dans ceux semaines. ICI informée").
86. Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé à toutes les réunions périodiques de producteurs de polypropylène dont elle allègue la tenue entre décembre 1977 et septembre 1983, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, que la requérante en a assuré la présidence à partir du mois d'août 1982 et que ces réunions s'inscrivaient dans un système.
C - Les initiatives de prix
a) Acte attaqué
87. Selon la décision (points 28 à 51), un système de fixation d'objectifs de prix aurait été mis en œuvre à travers des initiatives de prix dont six ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983.
88. A propos de la première de ces initiatives de prix, la Commission (décision, point 29) fait remarquer qu'elle ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait cependant qu'une initiative était prévues au cours de la première partie du 1er juillet de 2,05 DM/kg à partir du 1er septembre. La Commission disposerait des instructions de prix de certains producteurs, parmi lesquels ICI, dont il ressortirait que ces producteurs avaient donné ordre à leur bureaux de vente d'appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre, et ce, pour la plupart d'entre eux, avant que la presse spécialisée n'ait annoncé la hausse prévue (décision point 30).
89. Toutefois, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, de reporter la date prévue pour atteindre la cible de plusieurs mois, soit au 1er décembre 1979, le nouveau plan consistant à "maintenir" pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg (décision, point 31, deux premiers alinéas).
90. Quant à la deuxième initiative de prix, la décision (point 32), si elle admet qu'aucun compte rendu des réunions tenues en 1980 n'a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunis au mois sept fois au cours de cette année (référence est faite au tableau 3 de la décision). Au début de l'année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980. On aurait constaté cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ. Les instructions de prix envoyées par certains producteurs (DSM, Hoescht, Linz, Monte, Saga et ICI) indiqueraient que pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980-janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le raphia, 1,70 DM/kg pour l'homopolymère et 1,95 à 2 DM/kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les "prix réalisés" pour octobre et novembre 1980 avec les "prix de liste" pour janvier 1981, qui s'établiraient à 1,50-1,70-2 DM/kg. Initialement, il aurait été prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 - une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre -, mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981.
91. La décision (point 33) relève ensuite la participation d'ICI à deux réunions de janvier 1981, au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases : l'objectif serait resté fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2 DM/kg serait introduit à partir du 1er mars "sans exception". Un tableau des prix-cibles de six grandes qualités aurait été élaboré dans six monnaies nationales et sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981.
92. Selon la décision (point 34), le projet de relever les prix à 2 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars. Une réunion d'"experts", dont il ne subsiste aucun compte rendu, se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, mais immédiatement après au moins BASF, DSM, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix "de liste") à un niveau équivalant à 2,15 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er mai. Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres. Certains producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'applique ces prix "minimaux" ou des "minima absolus" quelque peu inférieurs aux objectifs convenus. Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais, bien que la hausse au 1er mai ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti. Vers le milieu de l'année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser les prix, soit même de les réduire, quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.
93. En ce qui concerne la troisième initiative de prix, la décision (point 35) affirme qu'en juin 1981 Shell et ICI auraient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre/octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement. Shell, ICI et Monte se seraient rencontrées le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché. Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell auraient donné toutes deux instructions à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia. Solvay aurait rappelé également à son bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet, alors qu'une réunion d'"experts" aurait été prévue pour le 28 juillet 1981.
Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/kg en septembre 1981 aurait été revu probablement à cette réunion ; le niveau pour août aurait été ramené à 2 DM/kg pour le raphia. Celui de septembre aurait du être de 2,20 DM/kg. Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 (c'est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) citerait ces prix, qualifiés d'"officiels" pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l'information. De nouvelles réunions auraient eu lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981. A la suite de ces sessions, les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 DM/kg pour le 1er octobre. BASF, DSM, Hoechst, ICI, Monte et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre.
94. Selon la décision (point 36), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et octobre 1981 le relèvement des prix à un "prix de base" de 2,20-2,30 DM/kg pour le raphia. Un document de Shell indiquerait qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, aurait été discutée, mais qu'il y aurait été renoncé par la suite. Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l'initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2 à 2,10 DM/kg pour le raphia. Une note d'Hercules montrerait qu'en décembre 1981 la cible de 2,30 DM/kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais cette note ajoute que "grâce à la détermination de tous, les prix auraient atteint 2,05 DM/kg, soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic !)". A la fin de l'année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, soit quelque 0,20 DM de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elles auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé "sain".
95. La quatrième initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d'un retour du marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé ICI et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (2 DM/kg pour le raphia, décision, points 37 à 39, premier alinéa).
96. La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant d'ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix-cibles définis lors de la réunion (décision, point 39, deuxième alinéa). Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'auraient pu annoncer que des hausses modestes.
97. Selon la décision (point 40), la requérante aurait également participé à la cinquième initiative de prix de septembre-novembre 1982, décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 et visant à atteindre un prix de 2 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre.
98. C'est lors de la réunion du 20 août 1982 qu'ICI a succédé à Monte à la présidence des réunions et qu'à cette occasion on a cherché à obtenir des producteurs de nouvelles affirmations de leur "détermination" à réaliser une hausse importante des prix pour la fin de l'année ainsi qu'un accord sur l'instauration d'un système de contrôle des quotas qui serait prêt à démarrer au début de 1983. C'est dans cette perspective qu'un cadre supérieur de la division des produits pétrochimiques et plastiques d'ICI aurait rendu visite successivement à chacun des autres producteurs. Ces visites auraient fait l'objet d'une note préparatoire intitulée "objet des visites" découverte chez ICI, qui reprend un certain nombre de questions à poser aux autres producteurs en ce qui concerne leur engagement par rapport à l'initiative destinée à entrer en vigueur le 1er septembre.
99. A la suite des réunions des 20 août et du 2 septembre 1982, Ato, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).
100. Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle aurait participé la requérante, un examen des mesures prises pour atteindre l'objectif fixé précédemment aurait opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg, pour novembre-décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.
101. A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, lInz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).
102. A l'instar de ATO, Basf, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, Linz, Monte et Saga, la requérante aurait fourni à la Commission des instructions de prix adressées à ses bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais correspondraient également au tableau de prix-cibles joint au compte rendu d'ICI de la réunion des "experts" du 2 septembre 1982 (décision, point 45, deuxième alinéa).
103. La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.
104. D'après la décision (point 47), la requérante aurait, enfin, participé à la sixième initiative de prix de juillet-novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforceraient d'appliquer un prix cible de 2 DM/kg en juin 1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM/kg). Ensuite, lors d'une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents, dont ICI, auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM/kg. A cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l'initiative publiquement dans ECN.
105. La décision (point 49) relève qu'après la réunion du 20 mai 1983 ICI, DSM, Basf, Hoechst, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour le raphia. Elle ajoute que les instructions de prix retrouvées chez ATO et Petrofina ne sont que partielles, mais qu'elles confirment que ces sociétés ont relevé leur niveau de prix, avec un certain retard dans le cas de Petrofina et de Solvay. La décision conclut qu'il est ainsi démontré qu'à l'exception de Hüls, pour qui la Commission n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.
106. La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août ainsi que les 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont pris part. A la fin de juillet et au début août 1983, Basf, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2 DM/kg pour le raphia, tandis qu'une note interne de Shell du 11 août, relative à ses prix au Royaume-Uni, indiquerait que sa filiale au Royaume-Uni travaillait à "promouvoir" des prix de base applicables au 1er septembre et conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell aurait donné instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exceptions mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.
107. Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que Basf, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs.
108. La décision (point 51, troisième alinéa) relève qu'une note interne recueillie chez Ato et datée du 28 septembre 1983 comporterait un tableau intitulé "Rappel du prix de quota (six)", donnant pour différents pays les prix applicables en septembre et octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de Basf, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Solvay. Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.
109. Selon la décision ( point 105, quatrième alinéa), quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu'en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu'à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données.
110. la décision conclut (point 51, dernier alinéa) en relevant qu'à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 DM à 2,15 DM/kg (pour un objectif cité de 2,25 DM/kg).
b) Arguments des parties
111. Si la requérante ne conteste pas sa participation à l'une ou l'autre initiative de prix, elle conteste un certain nombre d'allégations formulées par la Commission dans la décision relatives aux instructions de prix, aux liens entre les initiatives de prix et le système de réunions ainsi qu'à l'évolution des prix réels par rapport aux prix-cibles.
112. En ce qui concerne le rapport entre les prix-cibles et les instructions de prix, la requérante estime que la Commission établit un lien artificiel entre les "cibles" communiquées aux agences commerciales et les prix-cibles qui ont quelquefois été définis au cours de réunions de producteurs. Les allégations de la Commission relatives au caractère uniforme et simultané des instructions de prix et au caractère représentatif des périodes choisies par elle pour démontrer ce caractère ne seraient pas étayées par les faits et seraient démenties par une analyse approfondie de ses propres tableaux, laquelle révélerait que la Commission a sélectionné les instructions et a parfois utilisé des instructions antérieures aux réunions.
113. A cet égard, la requérante fait tout d'abord grief à la Commission d'avoir sélectionné arbitrairement quatre mois dans la période allant de janvier 1982 à septembre 1983 pour pouvoir établir la concordance entre les instructions de prix données par ICI et celles données par les autres producteurs. En effet, si l'on considère les seize mois de cette période pour lesquels on dispose d'instructions de prix, celle-ci auraient concordé pendant quatre mois seulement si l'on ne tient pas compte des rabais accordés et pendant un mois seulement si l'on tient compte de ceux-ci.
114. Elle conteste également la simultanéité des instructions de prix des différents producteurs. Elle relève ainsi que, durant l'année 1982, plusieurs semaines ont souvent séparé la première instruction de prix données par un producteur et la dernière (entre trois et huit semaines). Elle fait remarquer qu'il en est de même pour les instructions de prix données pour juillet et septembre 1983. En outre, tant en 1982 qu'en 1983, certaines instructions de prix auraient été données avant les réunions au cours desquelles les prix-cibles qu'elles étaient censées mettre en œuvre auraient été fixés selon la Commission. Ainsi, deux producteurs (Basf et DSM) auraient-ils donné, le 3 mai 1982, instruction de porter le prix du raphia à 2 DM/kg au 1er juin suivant, c'est-à-dire avant la réunion du 13 mai 1982 au cours de laquelle ce prix cible aurait prétendument été fixé. De même, cinq producteurs auraient-ils donné instruction de porter le prix à 1,85 DM/kg au 1er juillet 1983, avant la réunion du 1er juin 1983 au cours de laquelle ce prix cible aurait été fixé.
115. La requérante conteste aussi l'uniformité des instructions de prix données par les différents producteurs. Ainsi relève-t-elle que la Commission a omis de tenir compte, dans son analyse des instructions de prix données pour juin 1982, des instructions de prix divergentes données par DSM et Hercules et, pour juillet 1983, d'instructions de prix d'Hercules et de Shell. En outre, la Commission aurait également omis de tenir compte de ce que certaines instructions de prix correspondant aux prix-cibles ont été corrigées dans un second temps par de nouvelles instructions qui divergeaient tant des instructions de prix données par les autres producteurs que des prix-cibles.
116. Elle fait encore grief à la Commission d'avoir sélectionné arbitrairement, dans les instructions de prix retenues aux fins de sa comparaison, tantôt le prix de liste tantôt le prix minimal, en retenant systématiquement celui qui correspondait au prix cible. Ainsi en aurait-il été des instructions de prix données par Monte et Hercules pour juillet 1983 et de celles données par BP pour septembre 1983.
117. La requérante fait, enfin, observer que la Commission n'a pas tenu compte de ce que certaines instructions de prix de DSM et d'Hercules laissaient une importante marge d'appréciation aux bureaux de vente et de ce que le système de fixation des prix d'ICI avait pour conséquence que ses instructions de prix étaient simplement indicatives et sujettes à discussion en fonction de l'évolution du marché.
118. Elle relève, par ailleurs, que même si la Commission avait fait la preuve d'une uniformité très poussée entre les instructions de prix, elle devrait encore prouver - ce qu'elle n'aurait pas fait - que cette uniformité avait sa source dans un consensus en matière de prix-cibles et non dans un parallélisme conscient et normal sur un marché oligopolistique. En tout état de cause, l'existence d'un lien entre les prix-cibles et les instructions de prix des producteurs ne pourrait constituer la preuve ni d'une mise en œuvre ni d'une incidence de l'entente sur le marché, sauf si, bien entendu, l'existence d'un lien entre les instructions de prix et les prix obtenus était simultanément établie par des éléments également probants.
119. Or, en ce qui concerne le rapport entre les instructions de prix et les prix obtenus, la requérante fait remarquer que les instructions de prix n'influaient pas sur les prix obtenus sur le marché, notamment en raison du système de formation interne des prix de la requérante et parce qu'elles n'étaient que rarement communiquées à la clientèle. Les écarts entre les instructions de prix et les prix obtenus n'auraient pas été le résultat de rabais, mais bien celui d'une politique de prix autonome. La Commission, qui semblerait d'ailleurs avoir admis l'absence de relation entre les instructions de prix et les prix obtenus (décision, point 74), aurait dû en conclure que les mesures incriminées n'ont eu aucun effet sur les prix ou sur la concurrence.
120. En ce qui concerne le rapport entre les prix-cibles et les prix obtenus, elle fait valoir qu'il y a un large écart entre les prix-cibles et les prix obtenus par elle, comme le montreraient notamment un audit effectué par un cabinet d'experts-comptables indépendant, Coopers et Lybrand (ci-après "audit Coopers et Lybrand"), ainsi qu'une étude économétrique réalisée par le professeur Budd. Ce dernier expliquerait en particulier que le rapport causal serait l'inverse de celui allégué par la Commission : les "cibles" n'auraient fait qu'entériner des modifications de prix déjà constatées, mais elles seraient restées sans incidence sur les modifications de prix ultérieures. Sans doute, la Commission conteste-t-elle ces explications, mais elle le ferait d'une manière qui ne serait ni précise ni approfondie et qui révélerait son incompréhension des questions économiques.
121. Selon la requérante, les niveaux des prix sont tributaires d'un grand nombre de variables et, pour la période en cause, les mouvements de prix pourraient être expliqués de manière satisfaisante par, entre autres, le déséquilibre entre l'offre et la demande, les fluctuations des prix des matières premières et le contexte économique général, comme le montreraient l'étude du professeur Budd et le témoignage de M. Freeman, le "chief economist" d'ICI. Cela aurait été admis par la Commission (décision, point 73), mais serait en contradiction avec le point 90 de la décision, où elle affirme que l'entente a eu des effets sensibles.
122. Par ailleurs, elle constate qu'en sélectionnant certaines "initiatives" s'étalant sur 26 mois (à comparer avec la période de 77 mois de la prétendue entente) la Commission a la possibilité d'ignorer les périodes au cours desquelles les écarts entre les "cibles" et les prix obtenus seraient encore plus évidents.
123. Enfin, la requérante conteste la prise en compte de la période postérieure à la dernière réunion, puisqu'elle a mis fin aux éventuelles infractions dès le début de l'enquête de la Commission.
124. La Commission affirme, de son côté, que les producteurs essayaient de fixer des prix de vente réels et qu'ils fixaient effectivement des objectifs en matière de prix de vente, même si leurs efforts n'ont pas toujours débouché sur une réussite complète.
125. Selon la Commission, les comptes rendus de réunions (g. g. ann. 17, 24, 27 à 30, 33 et 38) montrent que les cibles traduisaient des accords concrets conclu par les producteurs, que ceux-ci se proposaient de les appliquer et s'attendaient généralement à ce qu'ils le soient, notamment en faisant pression sur les producteurs peu coopératifs.
126. Elle estime qu'il y avait entre les prix-cibles mis en œuvre sous la forme d'instructions adressées aux services commerciaux et les prix-cibles discutés lors des réunions. La thèse selon laquelle il s'agirait d'une simple coïncidence (les instructions de prix résultant de décisions individuelles prises par les producteurs) serait peu crédible et ne serait pas confirmée par les pièces du dossier.
127. De l'avis de la Commission, les études économétriques sont impuissantes face aux preuves documentaires. Elle pourraient uniquement servir à établir qu'un parallélisme de prix n'est pas imputable à une collusion lorsqu'on ne dispose d'aucune preuve de collusion, ce qui ne serait pas le cas en l'espèce puisqu'on dispose de nombreux comptes rendus de réunions de producteurs.
128. La Commission relève, en particulier, en ce qui concerne l'initiative de prix de janvier-mai 1981, que le compte rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) établit que des accords de prix pour février et mars sont intervenus au cours de ces réunions, puisqu'on peut lire notamment dans le compte rendu :
"It was generally agreed that a step change in prices was needed and that... the industry should be aiming for a minimum of DM 2/kg".
("Tous les participants se sont accordés à dire qu'un changement graduel était nécessaire en matière de prix et que... l'industrie devrait viser un minimum de 2 DM/kg .")
Elle ajoute que ce document est significatif du caractère très concret des décisions prises durant les réunions et de la volonté de les appliquer, qui serait elle-même corroborée par les instructions de prix concordantes des différents producteurs (annexe 9 à la communication spécifique des griefs adressée à ICI, ci-après "ann., g. ICI" ; g. g. ann. 19 ; ann. C, lettre du 29 mars 1985).
129. De même, la Commission considère que la participation d'ICI à l'initiative de prix de juin-juillet 1982 est établie par les comptes rendus des réunions du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) et du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25). En effet, selon ces documents, un objectif de prix de 2 DM/kg pour le 1er juin 1982 aurait été fixé et mis en œuvre par des instructions de prix émanant de nombreux producteurs (ann. F, lettre du 29 mars 1985).
130. Selon la Commission les comptes rendus des réunions tenues entre le 21 juillet 1982 et le 21 décembre 1982 (g. g. ann. 26 à 34) établissent la participation d'ICI à l'initiative de prix de septembre-décembre 1982, qui comprend la fixation d'une succession de prix-cibles et leur mise en œuvre par des instructions de prix concordantes de la plupart des producteurs (ann. 12, g. ICI ; ann. G, lettre du 29 mars 1985).
131. Elle expose que la participation d'ICI à l'initiative de prix de juillet-novembre 1983 résulte, d'une part, des comptes rendus de réunions tenues le 3 mai 1983 et le 1er juin 1983 (g. g. ann. 38 et 40), qui indiquent que des objectifs de prix ont été fixés pour mai, juin et juillet 1983, et, d'autre part, des instructions de prix qui ont été données, suite aux réunions, par la plupart des producteurs et qui portaient sur une période allant de juillet à novembre 1983 (ann. H et I, lettre du 29 mars 1985 et g. g. ann. 42 à 51).
132. La Commission soutient que, à la supposer établie, l'absence de lien entre les instructions de prix et les prix obtenus sur le marché serait sans incidence sur l'infraction, l'article 85 du traité CEE interdisant les ententes ayant pour objet de fausser le jeu de la concurrence, quel que soit leur effet. Toutefois, la Commission affirme que les prix-cibles servaient de base aux négociations avec les clients et que les prix obtenus ont suivi une évolution parallèle à celle des prix-cibles. La Commission reconnaît, comme elle l'avait fait dans la décision (point 74), que les prix-cibles n'ont pas toujours été obtenus - encore que l'écart entre les prix-cibles et les prix obtenus soit exagéré par la requérante. Elle fait valoir que la preuve de la violation de l'article 85 par les producteurs n'est pas subordonnée à la preuve que leur comportement illégal a abouti au résultat escompté.
133. Elle fait valoir que l'argument d'ICI selon lequel le lien entre les prix-cibles et les prix obtenus résidait uniquement dans le fait que ces derniers influaient sur les prix-cibles - et non l'inverse - est artificiel et défie l'entendement. Des preuves manifestes datant de l'époque des faits montreraient, au contraire, que les producteurs ont utilisé leurs prix-cibles pour "pousser" les prix du marché (g. g. ann. 22,24, 31, 36, 39 ainsi que g. g. ann. 26, 28, 29 et 38). De telles preuves ne sauraient être contredites par une étude économétrique, effectuée a posteriori.
134. Selon la Commission, il serait inexact de dire que tous les mouvements des prix du polypropylène enregistrés au cours de la période considérée pourraient être expliqués de manière satisfaisante par les facteurs jouant sur un marché normal. Cette affirmation, fondée uniquement sur des analyses économiques théoriques, serait contredite par les documents et les faits.
135. La Commission estime, enfin, qu'elle était en droit d'incriminer la période postérieure à la fin des réunions, dans la mesure où les effets de l'infraction ont perduré au-delà des réunions, comme l'indiqueraient les instructions de prix concordantes des différents producteurs qui portaient jusqu'à novembre 1983 (ann. I, lettre du 29 mars 1985).
c) Appréciation du Tribunal
136. Le Tribunal constate que les comptes rendus des réunions périodiques de producteurs de polyropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) :
"everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise through before the holidays + after some debate settled on DM 2 from 1st June (UK 14 th June). Individual country figures are shown in the attached table".
["tout le monde pensait qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances + fixation (après débat) à 2 DM à partir du 1er juin (14 juin pour le Royaume-Uni). Les chiffres par pays sont indiqués dans le tableau joint"].
137. Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. En effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participations aux réunions.
138. A cet égard, il convient de relever que la requérante ne conteste pas spécifiquement sa participation à l'une ou l'autre des initiatives de prix, mais soutient qu'elle ne s'est jamais engagée à respecter les objectifs de prix, comme l'attesteraient, en premier lieu, sa politique interne en matière de prix en ce que ses instructions de prix n'auraient pas correspondu aux objectifs de prix fixés au cours des réunions et, en second lieu, sa politique externe en matière de prix en ce que les prix qu'elle aurait pratiqués sur le marché auraient été indépendants tant des objectifs de prix que de ses instructions de prix internes.
139. Aucun de ces deux arguments ne peut être retenu comme indice pouvant corroborer l'affirmation de la requérante selon laquelle elle n'a pas souscrit aux initiatives de prix convenues.
140. En ce qui concerne le premier argument, il y a lieu d'observer que les critiques de la requérante, formulées au cours de la procédure administrative et auxquelles elle se réfère dans sa requête, quant à la simultanéité de ses instructions de prix par rapport à celles des autres producteurs et aux objectifs de prix définis au cours des réunions durant les années 1982 et 1983, ont été pour partie prises en compte dans la décision. Dans ses tableaux 7, en effet, celle-ci reproduit tant les convergences que les divergences entre les instructions de prix de la requérante et celles des autres producteurs ou les objectifs de prix définis au cours des réunions. Par conséquent, la Commission a correctement décrit la situation de la requérante. A cet égard, il faut ajouter que la sélection opérée par la Commission entre les différentes instructions de prix de la requérante n'a pas travesti la situation réelle de celle-ci, mais qu'elle est inhérente au travail de synthèse effectué dans les tableaux de la décision.
141. En ce qui concerne le choix des périodes sur lesquelles porte l'analyse des instructions de prix des différents producteurs, il importe de remarquer qu'il a été dicté non par des préjugés, mais bien par les éléments de preuve dont disposait la Commission, comme l'existence concomitante de comptes rendus de réunions faisant état d'objectifs de prix et d'instructions de prix données par les différents producteurs.
142. Quant aux conséquences que la requérante entend tirer du manque partiel de simultanéité de ses instructions de prix pour 1982 et 1983, le Tribunal considère que, dans le cas d'espèce, la longueur du délai qui sépare les instructions de prix des différents producteurs entre elles et par rapport aux réunions au cours desquelles les objectifs de prix ont été fixés n'est pas non plus de nature à infirmer les éléments de preuve avancés par la Commission. En effet, la longueur de ce délai ne permet pas de considérer que c'est sur la base d'une appréciation autonome du marché que la requérante a donné ses instructions de prix, puisqu'elle avait appris lors des réunions quels seraient les prix visés par ses concurrents. En outre, il convient de relever que les instructions de prix de la requérante ont, dans leur quasi-totalité, été données dans les cinq jours qui ont suivi la réunion au cours de laquelle la Commission allègue qu'un objectif de prix a été défini [même si tel n'est pas le cas de l'instruction de prix donnée, pour novembre 1983, le 27 septembre de la même année (voir décision, tableau 7N)].
143. Par ailleurs, en ce qui concerne l'initiative de prix de juin-juillet 1982, le Tribunal constate, que contrairement aux affirmations de la requérante, il est inexact que deux producteurs (Basf et DSM) aient donné instruction à leurs bureaux de vente, le 3 mai 1982, de porter le prix du raphia à 2 DM/kg au 1er juin suivant, c'est-à-dire avant la réunion du 13 mai 1982 au cours de laquelle ce prix cible a été fixé. En effet, si Basf a certes donné, le 3 mai 1982, instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni d'appliquer à partir de la mi-juin 1982 des prix exprimés en UKL pour le raphia, l'homopolymère et le copolymère (ann. Basf F1, lettre du 29 mars 1985), prix dont il s'avère qu'ils ont été adoptés lors de la réunion du 13 mai 1982 pour être mis en œuvre à partir de la mi-juin 1982 (g. g. ann. 24), ce n'est que le 19 mai 1982 qu'elle a donné ses instructions de prix, exprimées en DM, FF et Lit, à ses bureaux de vente en Allemagne, en France et en Italie (ann. Basf F2, lettre du 29 mars 1985). Ces instructions sont de 2 DM/kg pour le raphia et correspondent, pour l'essentiel, aux prix-cibles fixés au cours de la réunion du 13 mai 1982, malgré l'affirmation contenue en ce sens dans la lettre de la Commission du 29 mars 1985, mais non retenue dans la décision et que ni la requérante ni la Commission n'ont contredit cette réponse de DSM. Aussi la décision se borne-t-elle à constater qu'on ne dispose pas d'instructions de prix de DSM pour juin 1982 (point 39, troisième alinéa, et tableau 7H). Par conséquent, l'argumentation de la requérante n'infirme en rien la constatation de la Commission selon laquelle les prix-cibles fixés au cours de la réunion du 13 mai 1982 ont été mis en œuvre par les producteurs au moyen des instructions de prix mentionnées au point 39, deuxième alinéa, et dans le tableau 7H de la décision.
144. Il convient d'observer encore que, comme la requérante a dû l'admettre lors de l'audience, il est inexact que cinq producteurs aient, en mai 1983, donné des instructions de prix antérieures à la réunion au cours de laquelle la Commission allègue que l'objectif de prix qu'ils étaient disposé à mettre en œuvre avait été fixé. En effet, il ressort des points 47 et 49 de la décision que le processus de fixation d'un prix cible pour juillet 1983 s'est déroulé au cours des réunions des 3 mai, 20 mai et 1er juin 1983, ce qui est confirmé par les comptes rendus de la première et de la troisième de ces réunions (g. g. ann. 38 et 40), et non pas seulement au cours de celle du 1er juin 1983, comme l'a affirmé la requérante dans les mémoires qu'elle a présentés devant le Tribunal. Ainsi, les instructions de prix de Monte (17 mai), ICI (23 mai), DSM (25 mai), Basf (27 mai) et Hoechst (30 mai) ont toutes été données après une des réunions pertinentes.
145. En ce qui concerne le manque d'uniformité des instructions de prix données par les différents producteurs, il convient de relever que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a parfaitement pris en compte, dans le tableau 7H de la décision le caractère divergent des instructions de prix données par Hercules pour le 1er juin 1982 et qu'elle n'a pas repris dans le tableau ni dans le point 39, deuxième alinéa, de la décision une quelconque instruction de prix de DSM, ce dont elle a pris acte au troisième alinéa de ce point 39. En ce qui concerne l'instruction de prix de Shell pour le copolymère, il convient de relever que la Commission a corrigé, dans le tableau 7K de sa décision, l'erreur qu'elle avait commise dans sa lettre du 29 mars 1985.
146. C'est à bon droit également que la Commission n'a pas tenu compte du fait que certaines entreprises, comme la requérante, Shell ou Hoechst, ont parfois corrigé les instructions de prix qu'elles avaient données suite à l'une ou l'autre réunion, dans la mesure où de telles corrections indiquent simplement que, lorsqu'une initiative de prix s'avérait être un échec, les producteurs en tenaient compte et modifiaient leurs prix. Cet élément a été pris en compte dans la décision, dans la mesure où celle-ci a souvent pris acte de l'échec des initiatives de prix.
147. En ce qui concerne le fait pour la Commission d'avoir retenu, dans son analyse des instructions de prix, tantôt les prix de liste tantôt les prix minimaux, il y a lieu de relever que cela résulte de la prise en compte par la Commission des degrés de souplesse différents des systèmes de fixation de prix des différents producteurs, qui ne concevaient pas tous de la même manière la fonction des prix de liste et des prix minimaux, de sorte que la Commission devaient nécessairement se référer, pour chaque producteur, au prix que celui-ci utilisait comme base dans la négociation des prix avec ses clients, quelle que soit la dénomination de ce prix.
148. Le Tribunal constate que le fait que la requérante n'ait que partiellement mis en œuvre les initiatives de prix convenues ne peut contredire qu'elle y a souscrit lors des réunions, surtout lorsque les comptes rendus de ces réunions ne font apparaître aucune divergence de vues entre la requérante et les autres participants à celles-ci sur ces initiatives.
149. Il convient de relever, en outre, que la requérante ne peut se prévaloir du caractère purement interne de ses instructions de prix, puisque, si celles-ci sont certes purement internes en ce qu'elles sont adressées aux bureaux de vente par le siège central, elles n'en ont pas moins été envoyées en vue d'être exécutées et donc de produire directement ou indirectement des effets externes, ce qui leur fait perdre leur caractère interne.
150. En ce qui concerne le second argument qui se rapporte à la politique de prix externe d'ICI - c'est-à-dire au prix qu'elle a pratiqués sur le marché - il y a lieu de relever que la décision n'affirme nullement que la requérante a pratiqué des prix correspondant toujours aux objectifs de prix convenus lors des réunions, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs de prix. Or, une éventuelle différence entre les prix effectivement obtenus sur le marché par la requérante et les objectifs de prix fixés au cours des réunions ou ses instructions de prix, même si elle était établie en fait, ne serait pas de nature à contredire la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix lors des réunions, mais tiendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas mis en œuvre le résultat de ces réunions.
151. Par conséquent, la requérante ne peut tirer argument, en l'espèce, de sa politique de prix, tant interne qu'externe, pour établir qu'elle n'a pas souscrit aux initiatives de prix décidées, organisées et contrôlées lors des réunions auxquelles elle a participé.
152. Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI, à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), dans laquelle on peut lire que :
"Target prices" for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule..."
("Les "prix-cibles" qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe..."),
que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.
153. Le Tribunal constate, enfin, que, si la dernière réunion de producteurs dont la Commission ait apporté la preuve est celle du 29 septembre 1983, il n'en reste pas moins que différents producteurs (Basf, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte, Solvay et Saga) ont envoyé, entre le 20 septembre et le 25 octobre 1983, des instructions de prix concordantes (ann. I, lettre du 29 mars 1985) destinées à entrer en vigueur le 1er novembre suivant et que, dès lors, la Commission a pu raisonnablement estimer que les réunions de producteurs avaient continué à produire leurs effets jusqu'en novembre 1983.
154. En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.
155. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnés dans la décision et que celles-ci s'inscrivaient dans un système.
D - Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix
a) Acte attaqué
156. La décision [article 1er, sous c), et point 27 ; voir aussi point 42] fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin septembre 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers.
157. En ce qui concerne le système d'"account management" dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous la nom d'"account leadership", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou "leader" d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Allemagne, en Belgique, en Italie et au Royaume-Uni et un "coordinateur" aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file ("leader"), chargé d'orienter, de négocier et d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le nom de "contenders" et coopéraient avec l'"account leader" et les "contenders", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire une offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait que, à cette époque, le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.
158. La décision (point 20) fait également grief à ICI d'avoir assisté à des réunions locales qui étaient consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions plénières.
b) Arguments des parties
159. La requérante souligne que l'augmentation des exportations vers les marchés d'outre-mer n'est pas l'effet d'une collusion relative au déroutage des approvisionnements vers ces marchés, collusion à propos de laquelle la Commission n'apporterait d'ailleurs aucun élément probant, mais la conséquence du besoin des producteurs d'intensifier l'exploitation de leur capacité de production. Une telle solution aurait d'ailleurs été totalement irréaliste, en raison notamment du temps qu'aurait nécessité sa mise en œuvre. En outre, la requérante relève qu'elle n'a pas pu se défendre contre ce grief qui ne figurait pas dans la communication des griefs.
160. La requérante soutient que, si les producteurs ont, lors de la réunion du 21 juillet 1982, certes discuté des stocks (g. g. ann. 26), son comportement a été indépendant, dans la mesure où ses stocks seraient restés élevés sans qu'elle réduise sa production pour les diminuer. Par ailleurs, elle expose que les échanges d'informations sur les prix pratiqués (g. g. ann. 27 à 33) étaient totalement anonymes, puisqu'ils avaient lieu à travers le système Fides.
161. La requérante fait valoir qu'au début le système d'"account leadership" était très incomplet et qu'il n'a pas été mis en œuvre. Elle en veut pour preuve que le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) indique que l'idée d'une gestion des comptes a été proposée. Ce document prouverait, en outre, que le système d'"account leadership" n'a pas été adopté en septembre 1982.
162. La requérante reconnaît cependant que la seule tentative de mettre en œuvre le système proposé a eu lieu au cours de la réunion de mars 1983 (g. g. ann. 37), mais elle soutient qu'il ressort clairement du compte rendu de cette réunion que la mise en œuvre n'a pas dépassé le stade du partage des informations. ICI conclut que des tentatives ont certes eu lieu, mais qu'elles n'ont pu avoir aucune influence sur les prix obtenus, comme le montrerait l'audit Coopers et Lybrand.
163. Elle reconnaît également avoir participé à des nombreuses réunions locales, mais estime qu'elles n'avaient pas la portée que leur attribue la Commission.
164. La Commission estime, de son côté, que le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) établir que les producteurs ont tenté de dérouter les approvisionnements de polypropylène vers les marchés d'outre-mer en vue de soutenir les prix. Il en serait de même pour les comptes rendus des réunions du 13 mai et 21 septembre 1982 (g. g. ann. 24 et 30), comme cela était indiqué au point 79 de la communication des griefs.
165. Elle affirme qu'il résulte des comptes rendus des réunions de mai et d'août 1982 (g. g. ann. 24 et 26 à 28) qu'ICI a participé aux efforts déployés par les producteurs en vue de provoquer des distorsions dans les courants d'échanges entre États, notamment pour contrecarrer l'effet du système de blocage des prix en France (g. g. ann. 27 et 28), et qu'elle a également pris part aux échanges d'informations sur les réductions unilatérales de production et sur les stocks (g. g. ann. 24, 26 et 27).
166. La Commission expose que le compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29) montre que cette réunion, à laquelle ICI participait, a été le théâtre de la conception du système d'"account leadership". La Commission fait valoir que le compte rendu montre que le système était fort complet dès le début, puisqu'il indiquait pour de très nombreux clients l'"account leader", les "contenders" et les "interested suppliers".
167. Elle ajoute que le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) ne dément en rien l'adoption du système d'"account leadership" depuis septembre, comme l'affirme ICI, dans la mesure où on peut y lire que l'idée d'une gestion des comptes a été proposée en vue d'une adoption plus générale. Ce document, comprenant un tableau très détaillé de clients et d'"account leaders", établirait que ce système a été mis en œuvre, dans la mesure où il serait invraisemblable que les producteurs aient rédigé un tel tableau s'il n'avait pas eu d'accord en vue de le mettre en œuvre.
168. La Commission estime que le compte rendu de la réunion de mars 1983 (g. g. ann. 37) établir, comme les précédents (g. g. ann. 29 et 33), la participation d'ICI au système d'"account leadership".
169. Selon la Commission, ICI a participé à de nombreuses réunions locales, comme celle d'octobre 1982 pour laquelle on dispose d'un compte rendu (g. g. ann. 10).
c) Appréciation du Tribunal
170. La Tribunal considère qu'il y a lieu d'interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26, deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun des producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir à divers moments, lors des réunions, adopté, avec les autres producteurs, un ensemble de mesures, mentionnées dans la décision, destinées à créer les conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie d'un commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.
171. Force est de constater que, en participant aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures a été adopté [notamment celles des 13 mai, 2 et 21 septembre 1982 (g. g. ann. 24, 29, 30)], la requérante a souscrit à celui-ci, puisqu'elle n'avance aucun indice de nature à établir le contraire. A cet égard, l'adoption du système d'"account leadership" ressort du passage suivant du compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 :
"about the dangers of everyone quoting exactly DM 2 A.'s point was accepted but rather than go velow DM 2 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at individual accounts should quote a few pfs higher. Whilst customer tourism was clearly to be avoided for the next month or two it wad accepted that it would be very difficult for companies to refuse to quote at all when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular suppliers. In such cases producers would quote but at above the minimum levels for October".
("la remarque d'A. à propos des risques qui existeraient si tout le monde proposait exactement 2 DM a été acceptée ; toutefois, au lieu de descendre en dessous de 2 DM, on a avancé l'idée - qui a été acceptée par tous - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d'un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs. Tout en décidant clairement d'éviter toute nouvelle prospection pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu'il serait qtrès difficile aux entreprises de refuser de présenter des offres, si, comme c'était probable, les clients essayaient d'éviter les prix plus élevés des fournissuers réguliers. Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimaux d'octobre").
De même, lors de la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle participait la requérante, il a été déclaré : "In support of the move, Basf, Hercules and Hoechst said they would be taking plant off line temporarily" ("Pour appuyer l'action, Basf, Hercules et Hoechst ont dit qu'elles mettraient une de leurs installations temportairement hors circuit") et à celle du 13 mai 1982, Fina a dit : "Plant will be shut down for 20 days in August" (L'usine sera fermée pendant 20 jours en août").
172. En ce qui concerne l'"account leadership", le Tribunal constate qu'il ressort des comptes rendus des réunions du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29), du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) et du printemps 1983 (g. g. ann. 37), auxquelles participait la requérante, qu'au cours de celles-ci les producteurs présents ont adhéré à ce système. En ce qui concerne le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982, il convient de relever qu'il confirme que le système avait déjà été adopté lors de la réunion de septembre puisqu'on peut y lire : "The idea of account management was proposed for more general adoption & a list of customers/account leaders drawn up"("L'idée de gestion des comptes a été proposée en vue d'une adoption plus générale et une liste des clients/'account leader' a été établie").
173. La mise en œuvre de ce système est attestée par le compte rendu de la réunion du 3 mai 1983 (g. g. ann. 38), dans lequel on peut lire :
"A long discussion took place an Jacob Holm who is asking for quotations for the 3rd quarter. It was agreed not to do this and to restrict offers to the end of June. April/May levels were at DKR 6.30 (DM 1.72). Hercules were definitely in and should not have been so. Toyota protect Basf, it was agreed that CWH (üls) + ICI would quote DKR 6.75 from now to end June (DM 1.85)..."
["Une longue discussion a eu lieu à propos de Jacob Holm qui a demandé une remise de prix pour le troisième trimestre. Les participants à la réunion ont décidé de ne pas le faire et de clôturer les offres à la fin du mois de juin. Pour les mois d'avril et de mai, les prix se situaient au niveau de 6,30 DKR (1,72 DM). Il est clair qu'Hercules était entrée et qu'elle n'aurait pas dû l'être. Pour protéger Basf, il a été convenu que CWH(üls) + ICI vendraient désormais à 6,75 DKR, et ce jusqu'à la fin du mois de juin ( 1,85 DM)..."]
Cette mise en œuvre est confirmée par la réponse de la requérante elle-même à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) qui indique à propos de ce compte-rendu de réunion :
"In the Spring of 1983 there was a partial attempt by some producers to operate the 'Account Leadership's scheme... Since Hercules had not declared to the 'Account Leader' its interest in suppying Jacob Holm, the statement was made at this meeting in relation to Jacob Holm that 'Hercules were definitely in and should not have been so'. It should be made clear that this statement refers only to the jacob Holm account and not to the Danish market. It was because of such action by Hercules and others that the 'Account Leadership' scheme collapsed after at most two months of partial and ineffective operation.
The method by which Hüls and ICI should have protected Basf was by quoting a price of DKR 6.75 for the supply of raffia grade polypropylene to Jacob Holm until the end of June."
("Au printemps 1983, certains producteurs ont essayé de mettre partiellement en œuvre le système d'account leadership'... Comme Hercules n'avait pas fait savoir à l'"account leader" qu'elle était disposée à assurer les fournitures à Jacob Holm, il a été déclaré au cours de cette réunion à propos de Jacob Holm que 'il est clair qu'Hercules était entrée et qu'elle n'aurait pas dû l'être'. Il importe de souligner que cette affirmation se réfère uniquement au client Jacob Holm et non pas au marché danois. C'est à cause d'un tel comportement d'Hercules et d'autres que le système danois. C'est à cause d'un tel comportement d'Hercules et d'autres que le système d'account leadership' a échoué après deux mois maximum de fonctionnement partiel et inefficace.
La méthode par laquelle Hüls et ICI auraient dû protéger Basf consistait à remettre prix à 6,75 DKR pour la fourniture de polypropylène, qualité raphia, à Jacob Holm jusqu'à la fin du mois de juin.")
174. Le Tribunal constate, en outre, que la requérante a participé, lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26), à un échange d'informations sur l'état des stocks qui a abouti au constat suivant :
"Stocks at the end of May had risen to 270 kt + MP (Montepolimeri) estimated that they could reach 300 kt by the end of August. This was at variance with professed statements about stock control policies where every company except Saga said stocks had to be kept down to 5-6 weeks cover + production reduced if the level looked like being exceeded. Saga said that they would be running their plan flat out + that stocks would rise to 9-9 1-2 weeks over the holiday period."
[Les stocks avaient augmenté à la fin mai pour atteindre 270 kilotonnes + MP (Montepolimeri) estimait qu'ils pouvaient atteindre 300 kilotonnes pour la fin du mois d'août. Cette situation ne correspondait pas aux affirmations qui avaient été faites quant aux politiques de contrôle des stocks, toutes les sociétés, à l'exception de Saga, ayant affirmé que les stocks devaient être maintenus à un niveau correspondant à un approvisionnement de 5-6 semaines et que la production devait être réduite s'il apparaissait que l'on était en train de dépasser le niveau. Saga a déclaré que ses chaînes de production tourneraient à plein rendement + que les stocks augmenteraient pour atteindre une couverture de 9-9 1-2 semaines pour la période des congés"].
175. Enfin, le Tribunal constate que la requérante ne conteste pas avoir pris part à des réunions locales et que l'objet de ces réunions est attesté notamment par le compte rendu de la réunion du 12 août 1982 (g. g. ann. 27), qui montre que ces réunions étaient destinées à assurer l'application au niveau local d'une initiative de prix particulière, et par le compte rendu de la réunion locale tenue au Royaume-Uni le 18 octobre 1982 (g. g. ann. 10).
176. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.
E - Tonnages-cibles et quotas
a) Acte attaqué
177. Selon la décision (point 31, troisième alinéa), "la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue" au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte rendu mentionnerait un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année.
178. La décision (point 52) relève encore que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d'août 1982. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'aurait cependant existé aucune limitation systématique préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.
179. Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979 ; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l'"objectif ajusté" par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale (décision, point 54).
180. A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les "objectifs convenus" afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différents producteurs correspondraient grosso modo à leur cible.
181. Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu, à titre de mesure temporaire, que, pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1-12 de 85 % de l'"objectif" de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces "ambitions" aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être conclu pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).
182. La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnage. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier aliéna) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d'entre eux pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché auraient atteint un certain équilibre (qualifié par ATO de "quasi-consensus") et, parmi les grands, ICI et Shell se seraient maintenues à quelque 11 % et Hoechst à un niveau légèrement inférieur (10,5 %). Monte, qui serait restée le plus gros producteur, aurait progressé légèrement et occuperait 15 % du marché, contre 14,2 % l'année précédente.
183. D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de Basf, auraient fait parvenir des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et décembre 1982. Une proposition limitée dans un premier temps au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait qu'ATO, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Monte et Solvay, de même qu'Hercules, auraient trouvé "acceptable" le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec hercules, daté du 3 décembre 1982.
184. La décision (point 63, troisième alinéa) affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord est intervenu, dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépassée son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11 % durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).
b) arguments des parties
185. La requérante soutient que la Commission, consciente de ce qu'aucun accord sur les prix ne pouvait être mis en œuvre sans limitation des volumes de vente, aurait tenté vainement de prouver l'existence d'un système de quotas, confondant des propositions provisoires et des échanges de vues n'ayant pas abouti avec des accords.
186. Elle relève que les arguments de la Commission relatifs à la mise en œuvre par ICI des accords supposés sont plus faibles encore. Aucun système de quotas n'aurait pu être mis en œuvre, à moins que tous les producteurs y aient participé et que des mécanismes aient été convenus pour l'application de normes correctrices ou régulatrices en cas d'inobservation des quotas proposés. Or, ces conditions préalables essentielles n'auraient pas été réunies en l'espèce, notamment en raison des divergences d'intérêts entre les producteurs. Elle en veut pour preuve notamment l'étude du professeur Budd, qui aurait démontré que les modifications de parts de marché n'auraient pas été influencés par d'éventuelles cibles en matière de volumes de vente.
187. La requérante estime que les éléments de preuve produits par la Commission ne permettent pas d'établir sa participation à un système de quotas en 1979. En effet, le tableau découvert chez elle, intitulé "Producers' Sales to West Europe" ("Ventes des producteurs en Europe occidentale", g. g. ann. 55), reprenant, en face des volumes de vente des différents producteurs pour les années 1976 à 1979, des "revised targets 1979" ("objectifs 1979 révisés"), ne permettrait pas de faire état d'un système de régulation des volumes, dans la mesure où aucun élément n'indiquerait que les "cibles" en cause auraient constitué autre chose que des ambitions individuelles. Elle ajoute que les documents découverts chez ATO ne la concernent pas et que le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann.12) prouve par son texte qu'aucun système de quotas n'avait encore été adopté en 1979, puisqu'on envisageait d'en adopter un. Par ailleurs, la requérante fait valoir qu'il ressort clairement du tableau 8.1 de la décision que les différents producteurs ne se sont pas conformés aux objectifs et que la part de marché d'ICI, en 1979, a été de 5,5 % inférieure à ses objectifs.
188. Elle expose qu'en fait aucun accord véritable n'a été conclu en 1980 et que, par conséquent, il n'était pas question d'atteindre des objectifs. Elle estime qu'il y a un écart important entre les chiffres réels et les cibles révisées, comme le montrent les chiffres figurant dans le tableau 8.2 de la décision.
189. Selon la requérante, la Commission a été obligée d'admettre qu'aucun accord de quotas définitif n'a été réalisé pour 1981. Elle estime que, replacé dans son contexte, le passage du compte rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) cité dans la décision (point 56, deuxième alinéa) ne constitue pas l'expression d'un accord, mais une exhortation de caractère général. Elle fait valoir qu'il résulte des comptes rendus des réunions de mai et de juin (g. g. ann 64) qu'aucun producteur n'a estimé qu'un accord de ce type était en vigueur. Elle ajoute que, une fois de plus, il résulte du tableau 8.3 de la décision que les chiffres de vente se sont écartés sensiblement des objectifs allégués. Enfin, elle estime que le fait pour les producteurs de comparer l'évolution de leurs chiffres de vente en fonction d'une répartition théorique du marché disponible basée sur les quotas pour 1980, ne peut, en aucun cas, être assimilé à une régulation des volumes et ne peut avoir eu qu'un intérêt purement théorique et historique. Cela serait corroboré par le mention, dans le compte rendu de la réunion du 20 août 1982 (g. g. ann. 28), d'un "quota théorique" et non d'un quota réel.
190. Elle soutient que, pour l'année 1982, la Commission admet une fois de plus l'absence d'accord sur des objectifs en matière de volumes de vente ou de quotas. La requérante fait valoir, à propos du compte rendu de la réunion du 20 août 1982 (g. g. ann. 28), que c'est en forçant, son sens que la Commission en déduit que les producteurs sont invités à s'efforcer de limiter leurs ventes mensuelles, pendant le deuxième semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun pendant les six premiers mois de 1982, dans la mesure où le texte dirait que les entreprises devraient avoir pour objectif de limiter leurs volumes de vente pour septembre à la part du marché obtenue pour la période de janvier à juin. Elle ajoute qu'il ressort du tableau 8.4 de la décision qu'aucune régulation des volumes n'a jamais été convenue ni mise en œuvre en 1982 et que les chiffres réalisés par les différentes entreprises ne concordaient pas avec les objectifs. Elle fait valoir, enfin, que c'est à tort que la Commission affirme, sur la base du rapport annuel d'ATO (g.g. ann. 72), que, comparées aux années antérieures, les parts de marché des producteurs de taille moyenne restent stables, dans la mesure où certaines entreprises, comme Linz et Petrofina, ont connu des évolutions importantes.
191. Pour l'année 1983, la requérante fait valoir que la Commission a confondu une proposition et un accord effectif. Elle expose que la proposition qu'elle a faite (g. g. ann. 86) n'a été jugée "acceptable" que par neuf des seize producteurs et que même certaines "acceptations" n'ont été données que conditionnellement, ainsi que l'indiquerait le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33). Elle en conclut qu'il est clair qu'aucun accord réel n'a été conclu et que la proposition était vouée à l'échec et n'a donc pas pu être mise en œuvre. Elle fait valoir, en outre, que les lignes directrices mentionnées au point 61 de la décision n'ont jamais été discutées, dans la mesure où il s'agissait d'un document à usage interne, comme le montreraient certaines des observations figurant dans la note elle-même. ICI expose enfin que l'existence d'un accord est démentie par la discordance entre l'évolution de la production réelle et les objectifs fixés. En guise de conclusion, elle fait valoir que, contrairement à la thèse de la Commission, les parts de marché des "quatre grands" ont augmenté entre 1980 et 1982, comme le montrerait la comparaison de deux tableaux produits par la Commission (g. g. ann. 61 et 87).
192. La Commission, de son côté, fait valoir que la décision donne en ses points 54 et suivants un aperçu général du système de quotas appliqué durant un certain nombre d'années et dans lequel ICI se serait trouvée étroitement impliquée.
193. Pour l'année 1979, elle expose que la participation de la requérante à un accord de quotas ressort d'un tableau non daté, intitulé "Producers' Sales to West Europe" ("Ventes des producteurs en Europe occidentale"), découvert chez ICI (g. g. ann. 55), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978, ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" ("chiffres effectifs de 1979") et "revised target" ("objectif révisé"). En effet, les données précises comprises dans ce document seraient de celles qui ne sont pas connues des concurrents dans une situation de concurrence "normale" et supposeraient donc la participation d'ICI et des autres producteurs à son élaboration.
194. Pour l'année 1980, elle soutient qu'un accord de quotas a été conclu. Elle fonde cette affirmation essentiellement sur un tableau daté du 26 février 1980, intitulé "Polypropylene - Sales target (kt)" ["Polypropylène - Objectif de ventes 1980 (kt)"], découvert chez ATO (g. g. ann. 60), qui compare pour tous les producteurs d'Europe occidentale un "1980 target"("objectif 1980"), des "opening suggestions" ("suggestions de départ"), des "proposed adjustments" ("ajustements proposés") et des "agreed targets 1980" ("objectifs convenus 1980"). Ce document montrerait le processus d'élaboration des quotas. Cette analyse serait confirmée par le compte rendu des deux réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) au cours desquelles les objectifs de volumes de vente auraient été comparés aux quantités effectivement vendues par les différents producteurs. La Commission souligne que l'objectif du système de quotas était de stabiliser les parts de marché. C'est pourquoi les accords portaient sur les parts de marché qui étaient ensuite converties en tonnages pour servir de chiffres de référence, car, à défaut d'une telle conversion, il n'aurait pas été possible de constater à partir de quel moment un participant à l'entente devait freiner ses ventes pour se conformer aux accords. Dans ce but, il était indispensable de prévoir le volume total des ventes. Pour l'année 1980, les prévisions initiales s'étant révélées trop optimistes, le volume total des ventes initialement prévu aurait dû être adapté à plusieurs reprises, entraînant une adaptation des tonnages attribués à chacune des entreprises.
195. La Commission reconnaît qu'aucun accord de quotas définitif n'a pu être réalisé pour 1981 à un accord sur un système temporaire consistant à limiter mensuellement les ventes à 1-12 de 85 % des objectifs qui avaient été convenus pour 1981, comme l'atteste le compte rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17). En second lieu, les producteurs auraient procédé à un suivi mutuel de leurs ventes réelles sur une base mensuelle, comme le montrerait notamment un tableau daté du 21 décembre 1981 découvert chez la requérante, faisant été des ventes mensuelles des différentes producteurs en 1981 (g. g. ann. 67). En troisième lieu, ICI, Shell et Monte se seraient réunies à deux reprises les 27 mai et 15 juin 1981 en vue de discuter des propositions d'accords de quotas (g. g. ann. 64).
196. Pour l'année 1982, elle affirme qu'aucun accord définitif n'a pu être réalisé, malgré les efforts en ce sens qu'établiraient les différents plans de quotas découverts. Toutefois, une solution provisoire aurait été trouvée sous la forme d'une orientation déterminée des ventes en fonction des chiffres de l'année précédente. La Commission indique que l'existence de discussions relatives à la définition de quotas ressort d'un grand nombre de documents. Parmi ces documents, il y a lieu de relever surtout des comptes rendus de réunions rédigées par ICI, dont il résulte que des échanges d'informations avaient lieu sur les quantités vendues (g. g. ann. 24 à 26 et 31 à 33). Il y a lieu de relever également différents plans découverts chez ICI (g. g. ann. 70). La Commission expose que deux documents (g. g. ann. 32 et ann. 30, g. 70). La Commission expose que deux documents (g. g. ann. 32 et ann. 30, g. ICI) montrent que lorsque les producteurs souhaitaient obtenir une augmentation de leur parts de marché, ils devaient motiver leur demande.
197. Pour l'année 1983, la Commission estime qu'un accord de quotas a pu être conclu. Elle fonde cette affirmation sur des comptes rendus d'entretiens téléphoniques entre ICI et d'autres producteurs (g. g. ann. 74 à 84), qui montrent qu'ICI a invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage qu'il conviendrait d'attribuer aux autres, sur des documents relatifs au traitement informatique des données ainsi recueillies (g. g. ann. 85) ainsi que sur des plans élaborés par ICI (g. g. ann. 86 et 87). Plusieurs comptes rendus de réunions décriraient l'évolution des négociations quant à une proposition limitée au premier trimestre de l'année 1983 (g. g. ann. 86 et 87). Plusieurs comptes rendus de réunions décriraient l'évolution des négociations quant à une proposition limitée au premier trimestre de l'année 1983 (g. g. ann. 32 à 34). Un document interne de Shell (g. g. ann. 90) montrerait qu'un tel système a été convenu pour les deux premiers trimestres de 1983. Cela serait corroboré par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40), qui s'il ne mentionne pas de quotas, relate un échange d'informations relatives aux tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent.
c) Appréciation du Tribunal
198. Le Tribunal rappelle que la requérante a participé, dès le début et régulièrement, aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles des discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées.
199. Il convient de relever, parallèlement à la participation de ICI aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux, découverts chez elle (g. g. ann. 55 à 61), dont le contenu indique clairement qu'ils étaient destinés à la définition d'objectifs de volumes de vente. Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir ces tableaux sur la base des statistiques du système Fides. ICI a d'ailleurs déclaré dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) à propos d'un de ces tableaux que "the source of informations for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" ("la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes"). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux avait été fourni par ICI pour ce qui la concerne dans le cadre des réunions auxquelles elle participait.
200. La terminologie utilisée dans les tabelaux relatifs aux années 1979 et 1980 [comme "revised target" ("objectif révisé"), "opening suggestions" ("suggestions de départ"), "proposed adjustments" ("ajustements proposés"), "agreed targets" ("objectifs convenus")] permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus.
201. En ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, il convient de relever, sur la base de l'ensemble du compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (g. g. ann. 55), intitulé "Producers' Sales to West Europe" ("Ventes des producteurs en Europe occidentale"), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques 1979 actual" ("chiffres effectifs de 1979") "revised target" ("objectif révisé") et "79", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme "tight" ("strict"), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1-12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devrait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois. Cette interprétation du compte rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre "79" dans la dernière colonne à droit de la colonne intitulé "revised target" ("objectif révisé"), des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux, parce qu'ils avaient été établis sur la base d'un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1980. Ces constations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet "proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année". En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.
202. En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (g. g. ann. 60) et comportant une colonne "agreed targets 1980" ("objectifs convenus 1980"), ainsi que du compte rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17), au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels figure la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues ("Actual kt") aux objectifs fixés ("Target kt"). En outre, ces documents se trouvent confirmés par un tableau daté du 8 octobre 1980 (g. g. ann. 57), comparant deux colonnes dont l'une reprend la "1980 Nameplate Capacity" ("capacité nominale 1980") et l'autre le "1980 Quota" pour les différents producteurs.
203. Quant aux différences entre les chiffres repris comme "quotas" dans les tableaux, il importe de faire remarquer, d'une part, qu'elles sont faibles et, d'autre part, qu'elles résultent de l'adaptation des tonnages correspondant aux parts de marché attribuées aux différents producteurs. Cette adaptation, rendue nécessaire par l'évolution du marché total, doit être considérée comme une opération normale dans le cadre d'un système de quotas lorsque les participants à ce système commettent une erreur dans leur estimation de la demande totale, comme cela a été le cas en l'espèce pour l'année 1980.
204. Pour l'année 1981, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année, d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs "ambitions" et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1-12 de 85 % de l'"objectif" convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars de 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes, et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.
205. L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs "ambitions" au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres "actual" et ses "targets" pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses "aspirations" pour 1981 (g. g. ann. 59 et 61) ; un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 62) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres "ambitions" pour 1981, ainsi qu'une note interne d'ICI (g. g. ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire :
"Taking the various alternatives discussed at yesterday's meeting we would prefer to limit the volume to be shared to no more than the market is excepted to reach in 1981, say 1.35 million tonnes. Although there has been no further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0.35 % provised the more ambitious smaller producers such as Solvay, Sage, DSM, Chemie Linz, Anic/IR also tempered their demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting bu individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich."
(" Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les 'quatre grands' pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980, à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants, tels que Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR tempèrent aussi leurs exigences.
A condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des 'patrons', si possible avant la réunion de Zurich.").
Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 ("% of 1980 target").
206. L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1-12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte rendu des réunions de janvier 1981, dans lequel on peut lire :
"In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1-12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers."
["Dans l'intervalle (février-mars) le volume mensuel serait réduit à 1-12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel des clients."]
La requérante ne peut prétendre qu'une indication aussi précise constitue une exhortation de caractère général.
207. Le fait que les producteurs se soient assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et aient vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents. Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (g. g. ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel ont été ajoutées à la main. Il s'agit, ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien, intitulé "Scarti per società" ("écarts ventilés par société") et découvert chez ICI (g. g. ann. 65), qui compare pour chaque producteur pour la période janvier-décembre 1981 les chiffres de vente "actual" avec les chiffres "theoretic(al)" ("théoriques"). Il s'agit, enfin, d'un tableau non daté, découvert chez ICI (g. g. ann. 68), comparant pour chaque producteur pour la période janvier-novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.
208. En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles. Lorsqu'il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période -, un tel échange d'informations, qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision.
209. La participation de la requérante à ces différentes activité résulte, d'une part, de sa participation aux réunions au cours desquelles ces actions ont eu lieu, et notamment aux réunions de janvier 1981, et, d'autre part, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnées. Dans ces documents figurent d'ailleurs des chiffres dont il convient de rappeler qu'ICI a déclaré dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal - à laquelle d'autres requérantes font référence dans leur propre réponse - qu'il n'aurait pas été possible de les établir sur la base des statistiques du système Fides.
210. Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année ; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages ; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente, et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.
211. L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées, en premier lieu, par un document intitulé "Scheme for discussions 'quota system 1982' ("Schéma de discussion d'un système de quotas 1982", g. g. ann. 69), dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception d'Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit, et en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Peetrofina, Shell et Solvay), le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs ; en second lieu, par une note d'ICI intitulée "Polypropylène 1982, Guideliness" ("Polypropylène 1982, lignes directrices", g. g. ann. 70, a), dans laquelle ICI analyse les négociations en cours ; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (g. g. ann. 70, b), dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées - dont l'une, intitulée "ICI Original Scheme" ("Schéma initial ICI"), fait l'objet, dans un autre tableau, manuscrit, d'adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée "Milliavacca 27-1-82" (il s'agit du nom d'un employé de Monte, g. g. ann. 71) qui constitue une proposition complexe (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).
212. Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), dans lequel on peut lire notamment :
"To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreef prop. of normal sales."
["A titre de soutient, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine pro.(ortion) convenue des ventes normales."]
L'exécution de ces mesures est attestée par le compte rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre "actual" de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre "theoretical based on 1981 av(erage) market share" ("théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981"), ainsi que par le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26) en ce qui concerne la période janvier-mai 1982 et par celui du 20 août 1982 (g. g. ann. 28) en ce qui concerne la période janvier-juillet 1982. A cet égard, le caractère théorique du quota servant de référence pour la comparaison avec les ventes mensuelles réelles résulte du fait qu'aucun quota n'a pu être convenu pour l'ensemble de l'année 1981, mais il ne prive pas cette comparaison de sa signification en tant que méthode de surveillance de la limitation des ventes mensuelles par référence à l'année précédente.
213. Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g. g. ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part, "In October this would also mean restraining sales to the Jan/June achieved market share of a market estimated at 100 kt" ("En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes à la part réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 kt") et, d'autre part, "Performance against target in September was reviewed" ("Les résultats atteints par rapport à l'objectif en septembre ont fait l'objet d'un examen"). A ce compte rendu est joint un tableau, intitulé "September provisional sales versus target (based on Jan-June market share applied to demand est(imatedà at 120 kt)" ["Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier-juin appliquée à une demande estimée à 120 kt)"]. Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), auquel est joint un tableau comparant, pour le mois de novembre 1982, les ventes "Actual" avec les chiffres "Theoretical", calculés à partir de "J-June % of 125 kt" ("j-juin pourcentage de 125 kt").
214. Le Tribunal constate que, en ce qui concerne l'année 1981 ainsi que les deux semestres de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit que la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.
215. Pour l'année 1983, le Tribunal constate qu'il résulte des documents produits par la Commission (g. g. ann. 33, 85 et 87) que, à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983, que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles ces discussions ont eu lieu et qu'elle a fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes.
216. Il s'ensuit que la requérante a participé aux négociations organisées en vue de parvenir à un régime de quotas pour l'année 1983.
217. Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) que la requérante a indiqué au cours de cette réunion les chiffres de ses ventes pour le mois de mai, tout comme neuf autres entreprises. On peut lire, par ailleurs, dans le compte rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (g. g. ann 90) que :
"... and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies".
("... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 %. C'est pourquoi les objectifs de vente suivants, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe").
Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que :
"this would be 11.2 Pct of a market of 395 Kt. The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to be discussed before-hand with other PIMs members".
("cela représenterait 11,2 % d'un marché de 395 kt. La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMS").
218. A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes non pour voir diminuer le volume global de ce groupe. Une telle limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un régime de quotas. En outre, le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris.
219. Il convient de relever, enfin, que le chiffre de 11 %, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (g. g. ann. 87) et, d'autre part, le compte rendu rédigé par ICI d'une réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (g. g. ann. 99).
220. Il faut ajouter qu'en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.
221 Pour le surplus, le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend non pas à établir directement qu'elle n'a pas participé à la fixation d'objectifs de volumes de vente, mais bien à démontrer que ces objectifs n'ont pas été respectés par les producteurs, ce qui serait, selon elle, de nature à infirmer qu'ils aient été fixés. A cet égard, il convient de relever que la décision a pris acte de ce que les objectifs de volumes de vente n'ont pas été respectés, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des discussions relatives aux objectifs de volumes de vente pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs.
222. Le Tribunal relève, par ailleurs, que, en participant aux réunions au cours desquelles différents producteurs étaient critiqués lorsqu'ils ne s'en tenaient pas à ce qui avait été convenu, la requérante a pris part à ces critiques et a, par ce biais, exercé des pressions sur ces producteurs.
223. En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.
224. Il y a lieu de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l'année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision et qui s'inscrivaient dans un système de quotas.
F - Conclusion
225. Il résulte de tout ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit toutes les constatations de fait opérées par elle dans l'acte attaqué à l'encontre de la requérante et que, par conséquent, contrairement à ce qu'allègue la requérante, la Commission a respecté les règles relatives à la charge de la preuve. Il s'ensuit également que la Commission n'a pas porté un jugement prématuré ou préconçu à partir des éléments de preuve présentés par elle pour étayer ses constatations de fait.
2. L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
A - Qualification juridique
a) Acte attaqué
226. Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un "accord" unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.
227. En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre, qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).
228. La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils aient arrêté des mesures destinés à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives des producteurs.
229. En ce qui concerne plus spécifiquement l'initiative de décembre 1977, la décision (point 82, troisième alinéa) affirme qu'aux réunions de l'EATP des producteurs comme Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay soulignaient, même vis à vis des clients, la nécessité qu'ils ressentaient de mener une action concertée en vue de majorer les prix. Les producteurs poursuivaient leurs contacts sur la fixation des prix en dehors du cadre des réunions de l'EATP. A la lumière de ces contacts avérés, la Commission estime que le mécanisme en vertu duquel un ou plusieurs d'entre eux se plaignaient de leurs marges de rentabilité "insuffisantes" et proposaient une action conjointe, alors que les autres exprimaient leur "soutien" à pareilles actions, reposait sur l'existence d'un accord sur les prix. Elle ajoute que, même en l'absence de tout autre contact, pareil mécanisme pourrait indiquer en soi un consensus suffisant pour réaliser un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1.
230. La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une "initiative" auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).
231. Selon la décision (point 86, premier alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un "accord" au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
232. La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d'"accord" et celle de "pratique concertée" sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre forme de coopération illicite.
233. La notion de "pratique concertée" viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l'avoir poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).
234. Selon la décision (point 87, premier alinéa), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619).
235. La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie/ Commission (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), que les critères de coordination et de coopération définis par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles, ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché (décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, première phrase).
236. En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. A certains égards, la coopération et la collusion constates des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).
237. L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas tant, selon la décision (point 87, quatrième alinéa), de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importerait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire à revêtu en l'occurrence.
238. La décision (point 88, premier et deuxième alinéas) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant "initiatives de prix" ne résultait d'aucun "accord" au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des "actes manifestés" sur le marché ; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun prix cible n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument, car, s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes rendus de réunions, notes internes, instruction et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients. Il importerait peu qu'ils aient ou non "publié" des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chacune producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.
b) Arguments des parties
239. La requérante conteste le point de vue de la Commission, qui soutient que, s'il est possible de distinguer abstraitement les notions d'accord et de pratique concertée, la question de l'objet de la preuve ne s'en trouverait pas sensiblement modifiée. Selon la requérante, qui se réfère aux conclusions de l'avocat général M. Gand dans les affaires relatives à la quinine (arrêt de la Cour du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, 41-69, Rec. p. 661), la distinction entre ces deux notions ne serait pas d'une "importance négligeable", en particulier en ce qui concerne l'objet de la preuve.
240. Elle fait valoir qu'afin d'établir l'existence d'un accord il faut prouver l'existence non seulement d'un consensus, mais aussi d'un engagement suffisant envers les objectifs de cet accord et d'une réciprocité suffisante dans les obligations. En effet, ICI admet certes l'existence d'engagements unilatéraux qui se sont traduits par la réitération par les entreprises de leur engagement personnel au cours des réunions. Mais elle fait valoir que la Commission ne peut déduire un quelconque accord de volontés de ces engagements, dont le caractère unilatéral prouverait au contraire l'absence d'engagement général préalable et l'absence de consensus.
241. Selon la requérante, une pratique concertée suppose un comportement des opérateurs sur le marché, comme l'indiquerait le terme "pratique". Or, la Commission n'aurait pas établi l'existence d'un tel comportement, lequel ne saurait être constitué par l'envoi d'instructions internes de prix aux services de vente, comme le prétend la Commission, puisque les instructions étaient rarement communiquées aux clients, qu'ICI ne publiait pratiquement pas de listes de prix et que celles-ci étaient habituellement destinées à un usage interne.
242. Selon la Commission, par contre, la question de savoir si une collusion ou une entente doit être qualifiée juridiquement d'accord ou de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité CEE ou si cette collusion comporte des éléments de l'un et de l'autre revêt une importance négligeable. En effet, la Commission expose que les termes "accord" et "pratique concertée" englobent les différents types d'arrangements par lesquelles des concurrents, au lieu de déterminer en toute indépendance leur ligne de conduite concurrentielle future, s'imposent mutuellement une limitation de leur liberté d'action sur le marché à partir de contacts directs ou indirects entre eux.
243. La Commission soutient que l'utilisation des différents termes dans l'article 85 a pour objet d'interdire toute la gamme d'arrangements collusoires et non de préciser un traitement différent pour chacun d'eux. Par conséquent, la question de savoir où tracer une ligne de démarcation entre des termes qui ont pour objectif d'appréhender l'ensemble des comportements interdits serait sans pertinence. La ratio legis de l'introduction dans l'article 85 de la notion de "pratique concertée" consisterait à viser, à côté des accords, des types de collusion qui ne reflètent qu'une forme de coordination de fait ou une coopération pratique et qui sont néanmoins susceptibles de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, précité, 48-69, points 64 à 66).
244. Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174) qu'il s'agit de s'opposer à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de tenir soi-même sur le marché. L'existence d'une pratique concertée se situerait donc déjà au niveau du contact entre concurrents, préalable à tout comportement de leur part sur le marché.
245. Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu'il y a concertation ayant pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n'a été constaté sur le marché. Selon la Commission, le débat porte sur le sens du mot "pratique". Elle s'oppose à la thèse suggérée par ICI, selon laquelle ce mot a le sens étroit de "comportement sur le marché. Ce mot pourrait, de l'avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises.
246. La Commission ajoute que si l'on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu'il y ait pratique concertée, comme le fait ICI, cela conduirait à laisser hors du champ d'application de l'article 85 toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le Marché commun. On aboutirait ainsi à être en échec une partie de la portée de l'article 85. En outre, cette thèse ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concerté (arrêts du 14 juillet 1972, précité, 48-69, point 66 ; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 11-73, 113-73 et 114-73, point 26, et du 14 juillet 1981, Züchner, point 14, 172-80, Rec. p. 2021). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme élément constitutif de l'infraction, comme le soutient la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite. Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis. Seule serait requise une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie.
247. Pour la Commission, il n'est donc pas besoin, pour qu'il y ait infraction à l'article 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elles se sont concertées. Ce qui est répréhensible au sens de l'article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l'intention de substituer une coopération aux risque de la concurrence se trouve matérialisée dans une concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés.
248. La Commission en déduit, au niveau de la preuve, que l'accord et la pratique concertée peuvent être prouvés à l'aide de preuves directes et indirectes. En l'espèce, elle n'aurait pas eu besoin de recourir à des preuves indirectes, comme le parallélisme de comportement sur le marché, puisqu'elle disposait des éléments de preuve directe de la collusion que sont, notamment, les comptes rendus de réunions.
249. La Commission conclut en soulignant qu'elle était en droit de qualifier l'infraction constatée en l'espèce, à titre principal, d'accord et, à titre subsidiaire et en tant que de besoin, de pratique concertée.
250. en ce qui concerne l'existence d'un accord, la Commission fait valoir que les producteurs ont manifesté à plusieurs reprises leur engagement, sans qu'il y ait lieu de prendre en compte le fait que l'intensité du soutient de certains participants a pu varier au cours de la période. Cet engagement se serait traduit dans les instructions de prix données par les producteurs, et notamment par ICI, et qui confirmeraient la réalité des accords.
c) Appréciation du Tribunal
251. Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d'"accord" chacun de ces différents éléments.
252. De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéa, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de "pratiques concertées", les éléments de l'infraction, lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales ; soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut qu'à certains égards la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peut assumer certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.
253. Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir les arrêts du 15 juillet 1970, précité, 41-69, point 112, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, point 86, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125), la Commission était en droit de qualifier d'accords, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des prix-planchers en 1977, des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et pour la première moitié de l'année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982.
254. En outre, c'est à bon droit que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'en novembre 1983, a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui, poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle </>(arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243-83, Rec. p. 2015).
255. En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174).
256. En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.</>
257. Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.
258. Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les réunions périodiques de producteurs de polypropylène auxquelles a participé la requérante entre décembre 1977 et septembre 1983.
259. Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d'"un accord et une pratique concertée", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclu s'inscrivaient, en raison de leur identité d'objet, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas.
260. Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique, qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.
261. Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d'"accord et une pratique concertée", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d'"accords" et des éléments devant être qualifiés de "pratiques concertées". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.
262. Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.
B - Objet ou effet restrictif de la concurrence
a) Acte attaqué
263. La décision (point 89, premier alinéa) rappelle que l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE cite expressément comme restreignant la concurrence les accords fixant de façon directe ou indirecte les prix de vente ou répartissant les marchés entre producteurs. Or, telles seraient justement les caractéristiques essentielles des accords à l'examen.
264. Selon la décision (point 89, deuxième, troisième et quatrième alinéas), l'instauration du système des réunions périodiques et la collusion permanente des producteurs auraient eu pour objectif fondamental de réaliser des hausses de prix au moyen d'un ensemble d'accords et d'arrangements. En organisant une action commune dans le cadre d'initiatives où des prix-cibles étaient fixés par qualité et par devise et entraient en vigueur à une date convenue d'un commun accord, les producteurs auraient cherché à éliminer les risques inhérents à des tentatives unilatérales de majoration des prix. Ainsi, les divers systèmes de quotas et les autres mécanismes élaborés pour concilier les intérêts divergents des producteurs établis et des nouveaux venus auraient tous eu pour objectif ultime la création de conditions de stabilité artificielles, favorables à une hausse des prix.
265. Dans la poursuite de ces objectifs, les producteurs, auraient visé à organiser le marché du polypropylène sur une base qui substituerait au libre jeu des forces concurrentielles une collusion institutionnalisée et systématique entre les producteurs, équivalant à une entente (décision, point 89, cinquième alinéa).
266. La décision (point 90, premier et deuxième alinéas) relève que, pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence. Toutefois, en l'espèce, tout indiquerait que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.
267. Selon la décision (point 90, troisième alinéa et quatrième alinéas), l'accord réalisé lors des réunions sur des objectifs de prix distincts par qualité et par devise aurait été mis en œuvre par les producteurs, qui auraient tous transmis des instructions de prix à leurs bureaux de vente ou agents nationaux, en les chargeant d'informer les clients de ces modifications. Ainsi, les clients se seraient vu appliquer un prix de base uniforme pour chaque qualité et dans chaque devise. S'il est vrai que certains clients bénéficiaient de conditions spéciales ou de remises, que certains producteurs appliquaient l'augmentation prévue avec retard ou faisaient des concessions et que certains producteurs fixaient parfois leurs prix effectifs, pour certaines qualités ou pour certains pays, légèrement en dessous des cibles, tout en les déterminant dans le contexte d'une action générale des autres producteurs, il n'en resterait pas moins que la fixation d'un niveau de prix déterminé, qui était ensuite présenté au marché comme étant le "prix de liste" ou le "prix officiel", signifiait que les possibilités pour les clients de négocier avec les producteurs étaient déjà réduites et qu'ils étaient privés d'un grand nombre des avantages qu'ils auraient eus si la concurrence avait joué librement.
268. La décision (point 90, dernier alinéa) souligne que les documents recueillis, notamment les rapports de marché établis par les producteurs eux-mêmes, démontrent l'existence sur le marché d'initiatives de prix concertées, impliquant tous les producteurs, ainsi qu'un lien étroit entre ces initiatives et le système des réunions périodiques.
269. Si la décision (point 91, premier alinéa) concède que le niveau réelle des prix accusait un retard par rapport aux "objectifs" et que les initiatives de prix ont tendu à perdre de leur vigueur, au point parfois de déboucher sur une chute brutale des prix, elle relève toutefois que les graphiques sur lesquels les producteurs eux-mêmes se basaient font ressortir, au fil des ans, un schéma régulier d'évolution étroitement parallèle entre le niveau des objectifs et le niveau des prix pratiqués. Pendant la période couverte par les initiatives de prix dont on a connaissance, le prix réalisé se serait rapproché, de mois en mois, de l'objectif convenu. En cas d'"effondrement" soudain des prix (à la suite, par exemple, d'une baisse des prix du propylène), la chute aurait été jugulée par la fixation d'un nouvel objectif à un niveau bien inférieur, et les hausses auraient repris leurs cours, le succès de la tactique étant particulièrement marqué en juillet-novembre 1983.
270. Selon la décision (point 91, deuxième alinéa), les livraisons de la plupart des producteurs pendant les années où un système a été en vigueur auraient correspondu en général aux attributions de quotas ou de cibles.
271. La décision (point 92, premier alinéa) conclut que le fait que cette cartellisation du marché ait été incomplète et n'ait pas entièrement éliminé le jeu des forces concurrentielles n'empêche pas l'application de l'article 85 du traité CEE. Vu le grand nombre de producteurs, la divergence de leurs intérêts commerciaux et l'absence de toute mesure de contrainte légale à l'encontre des producteurs qui ne respectaient pas les arrangements, aucune entente n'aurait pas contrôler totalement les activités de ses participants. En outre, la décision (point 92, dernier aliéna) rejette l'argument des entreprises selon lequel l'évolution du marché aurait été la même en l'absence de leurs arrangements, en indiquant que l'on peut spéculer sur la situation qui aurait existé en l'absence d'accord, mais que le fait est que les producteurs eux-mêmes auraient reconnu l'efficacité de leurs réunions en refusant d'y mettre un terme, comme l'idée en avait été lancée en mai 1982, estimant préférable, du moment où l'offre et la demande étaient en équilibre, de prendre des mesures actives pour relever les prix, plutôt que de laisser agir les forces du marché.
272. Par ailleurs, la décision (point 73) indique qu'en toute hypothèse la Commission n'a jamais soutenu que le système des réunions périodiques ait entièrement contrôlé les opérations et les ventes des producteurs ou qu'il ait constitué le seul facteur affectant les niveaux de prix du polypropylène. Au contraire, les éléments de preuve sur lesquels elle s'appuie indiqueraient que les producteurs reconnaissaient l'influence exercée sur le marché par des éléments tels que les fluctuations de la demande ou les hausses du prix des matières premières, qui échappaient à leur contrôle. Dans leurs décisions relatives au montant, à la date, aux modalités et aux chances de succès d'une initiative de prix projetée, les producteurs devaient tenir compte de ces facteurs. Toutefois, l'un des principaux objectifs des réunions aurait été de coordonner, si possible, la réaction des producteurs à de tels éléments. Il se pourrait même que le prix ait été déterminé dans une large mesure par les conditions de l'offre et de la demande ; les preuves recueillies n'en indiqueraient pas moins qu'en contrôlant les volumes ou en établissant des systèmes de quotas les producteurs tentaient d'agir sur ces conditions.
b) Arguments des parties
273. La requérante relève que la Commission considère que l'entente avait pour objet de substituer au libre jeu des forces concurrentielles une collusion institutionnalisée et systématique organisée entre producteurs et assimilable à un cartel. Or, ce qui importerait pour savoir si un accord ou une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel, ce serait d'apprécier non pas l'intention subjective des participants, mais l'objet effectif des arrangements. Cet objet devrait être évalué objectivement, c'est-à-dire en tenant compte du contexte économique réel (arrêts de la Cour du 30 juin 1996, Maschinenbau Ulm, 56-65, Rec. p. 337 ; du 9 juillet 1969, Völk, 5-69, Rec. p. 295, et du 10 juillet 1980, Lancôme, point 24, 99-79, Rec. p. 2511). La Commission devait, en outre, prouver, en se fondant sur des éléments de fait objectifs, qu'il était suffisamment probable que l'objet était réalisable. L'évaluation d'un arrangement ne pourrait être dissociée de ses incidences concrètes sur la concurrence, même si l'examen ne porte que sur l'objet de l'arrangement. Cela serait particulièrement vrai en l'espèce, dans la mesure où l'on ne dispose d'aucun accord écrit.
274. Elle considère que, compte tenu de la concurrence intense régnant dans le secteur du polypropylène et du fait que les prix, les volumes de vente et les orientations du marché auraient été dictés par la concurrence, il était hautement improbable qu'une action anticoncurrentielle ait pu avoir le moindre incidence sur le marché. Dès lors, la Commission condamnerait les entreprises pour leur intention.
275. La requérante soutient que la Commission aurait dû procéder à une analyse de l'incidence économique de l'entente pour justifier la constatation, contenue dans la décision (point 90 à 92), de l'existence d'un effet sensible sur le marché. Or, la seule méthode admise par la Cour pour l'évaluation des incidences sur la concurrence serait l'analyse économique qui permettrait d'établir un lien entre l'objet ou l'intention, d'une part, et l'effet réelle sur le marché, d'autre part (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, précité, 99-79).
276. Elle estime que la décision est caractérisée par une absence à peu près complète d'arguments économiques, la Commission se bornant à des allégations pures et simples et marquant sa préférence pour la "force instinctive" tenue pour supérieure à la notion même d'analyse économique. Ainsi, la Commission n'aurait cherché à répondre ni à l'analyse approfondie effectuée par ICI au sujet du prétendu lien entre les réunions et les faits marquants du marché, ni aux éléments de preuve d'ordre économique apportés par MM. Freeman et Budd et confirmés par le professeur Albach, de l'université de Bonn. Ces études et expertises montreraient que les caractéristiques de l'industrie du polypropylène étaient telles que toute tentative de constituer un cartel aurait été, selon tout probabilité, vouée à l'échec, qu'ICI et les autres producteurs ont eu pendant toute la période en cause un comportement compatible avec une concurrence saine et incompatible avec une collusion, que les prix réels ont été déterminés par les tendances du marché et non par les prix-cibles, que l'évolution des parts de marché n'a pas été fonction des quotas et qu'en conséquence cette période a été caractérisée par l'intensité de la concurrence qui n'a aucunement été altérée par la prétendue collusion.
277. Or, selon la requérante, la décision et le mémoire en défense déposé devant le Tribunal par la Commission seraient confus et ambigus quant aux effets des agissements des producteurs sur les conditions de la concurrence : ces effets seraient qualifiés tantôt de sensibles (décision, point 90), tantôt de peu importants (points 73 et 108), tantôt d'inexistants (point 91). En particulier, sur le point de savoir si la présentation des prix-cibles à la clientèle sous forme d'instructions de prix a réduit les possibilités de négociation et débouché sur une hausse des prix plus forte que celle qui aurait été constatée s'il en avait été autrement ; sur le point de savoir si la mise en place d'un système de quotas s'est traduite par une baisse de la production et une hausse des prix et si les arrangements en matière de prix et de volumes de vente ont faussé la concurrence en désorganisant la structure des échanges entre États membres, la position de la Commission serait obscure et, en tout cas, fondée sur de simples hypothèses.
278. Elle souligne, encore, que les méthodes utilisées par la Commission pour suppléer à l'absence d'analyse économique sont insatisfaisantes. Ainsi, la Commission ne serait-elle pas fondée à voir la preuve d'un effet sur le marché dans le fait que les producteurs ont participé à des échanges de vues au sujet des prix et des volumes de vente ou ont cru que les prix allaient être relevés grâce à la collusion. Par ailleurs, l'utilisation par la Commission d'une terminologie économique ou statistique ne saurait masquer le fait que ses allégations ne seraient étayées par aucune analyse approfondie.
279. La requérante expose, enfin, que la Commission aurait dû établir que les quotas ou les tonnages cibles ont pesé sur la production réelle dans une mesure quantifiable et que cette production n'a pas été déterminée par les tendances du marché ; s'il en avait été ainsi, que la détermination des quotas ou des cibles aurait permis aux producteurs de prévoir, avec suffisamment de certitude, les agissements de leurs concurrents et que les quotas ou les cibles ont eu un effet négatif qui se serait traduit par un manque de conditions concurrentielles proposées aux consommateurs ou par un manque de productivité à leur détriment (décision de la Commission du 23 décembre 1971, IV/595-Nederlandse Cement-Handelsmaatschappij, JO L 22, p. 16).
280. En ce qui concerne le rôle des nouveaux producteurs, ICI fait valoir que, contrairement à ce qu'indique la Commission, il n'y a pas de corrélation sensible entre l'évolution des parts du marché et l'appartenance à une des deux catégories de producteurs : les nouveaux producteurs et les "grandes firmes".
281. La Commission répond que la thèse d'ICI en ce qui concerne l'objet de l'entente se fonde sur une analyse erronée de la jurisprudence. Il ne résulterait nullement de cette jurisprudence qu'il serait nécessaire de démontrer les effets d'un arrangement anticoncurrentiel, lorsque, comme en l'espèce, l'objet anticoncurrentiel ressort à l'évidence des termes et de la nature de l'arrangement lui-même. On pourrait tout au plus déduire de cette jurisprudence l'exigence d'un effet potentiel.
282. La Commission soutient que les critiques de la requérante relatives aux effets de l'entente tiennent tout d'abord à sa conception erronée du type d'incidence économique que la Commission aurait, selon elle, dû établit pour pouvoir conclure à une infraction à l'article 85 du traité CEE. La Commission fait valoir qu'elle a expliqué très clairement dans la décision (points 90 à 92) quelle sorte d'incidence économique l'entente avait eue.
283. Elle ajoute que, dans la présente affaire, elle a apporté des preuves sérieuses des effets à la fois potentiels et réels des arrangements, lesquelles répondraient surabondamment aux exigences de la jurisprudence.
284. La Commission expose que des preuves contemporaines des faits incriminés, comme les comptes rendus de réunions, montrant que les producteurs eux-mêmes pensaient que les prix pouvaient être relevés et que ces prix l'étaient effectivement lui paraissaient préférables au développement a posteriori de théories économiques allant dans le sens contraire. La Commission soutient que, pour apprécier l'efficacité de l'entente, elle a pu valablement se fonder sur les comptes rendus de réunions, dont il résulte que les producteurs ne se sont pas seulement bornés à exprimer leur souhait que les prix soient relevés ou leur certitude qu'ils pouvaient l'être grâce à la collusion, mais qu'ils ont également affirmé l'efficacité de leurs efforts et constaté le relèvement des prix, comme le montreraient par exemple, les passages suivants :
"General determination got prices up to DM 2.05 the closest ever to published target-prices".
("La détermination générale a porté les prix à 2,05 DM, niveau jusqu'ici le plus proche des prix-cibles publiés.") (g. g. ann. 22)
"On the basis of this review everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise through before the holidays."
("L'examen de la situation a donné à tout le monde l'impression qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances.") (g. g. ann. 24)
"The need for security was emphasised at was our determination to have a concerted push rather than a protacted crawl towards higher prices".
("On a souligné le besoin de sécurité ainsi que notre détermination à avoir une poussée concertée plutôt qu'une lente évolution en direction de prix plus élevés.") (g. g. ann. 31)
"The fall un polypropylene prices appears to have halted... The producers, however, plan to increase prices and have set targets... They are reasonably confident of achieving these targets."
("La chute des prix du polypropylène semble s'être arrêtée... Les producteurs prévoient néanmoins d'augmenter les prix et ont fixé des objectifs... Ils sont raisonnablement confiants dans la réalisation de ces objectifs.") (g. g. ann. 36)
"It would be silly not to for a price increase under these conditions and we are aiming for a raffia level of around 2 DM in September. It is obviously impossible to make such a jump in one step and we have therefore decided to make an interim move wich will be implemented now..."
("Il serait stupide de ne pas tenter d'obtenir une augmentation des prix dans ces conditions et nous visons un niveau d'environ 2 DM pour le raphia en septembre. Il est évidemment impossible de faire un tel saut en une fois et nous avons par conséquent décidé un mouvement provisoire qui sera appliqué dès à présent.") (g. g. ann. 39).
285. De l'avis de la Commission, l'arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, précité (99-79), que la requérante a invoqué n'établit pas la nécessité de procéder à des études économétriques, mais simplement celle d'"examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut d'accord litigieux".
286. Elle fait valoir que la décision est parfaitement claire et non contradictoire quant aux effets de l'entente et que les critiques d'ICI sont fondées sur une dénaturation des passages de la décision (points 73 et 74, 90 à 92 et 108) relatifs à l'incidence des accords de prix et de quotas. Les effets n'auraient pas été absolus, mais ils auarient été sensibles.
287. La Commission relève que la question de savoir si la fixation de quotas s'est réalisée totalement ou partiellement est secondaire. La Commission conteste la thèse d'ICI quant aux conditions qui seraient nécessaires pour permettre de conclure qu'une entente sur les quotas est illicite au titre de l'article 8-5, paragraphe 1, du traité CEE. Cette thèse serait fondée sur une interprétation incorrecte de l'arrêt du 17 octobre 1972, Cementhandelaren/Commission (8-72, Rec. p. 977).
288. La Commission fait remarquer, à propos des nouveaux producteurs, qu'elle a seulement indiqué qu'il fallait s'attendre à des fluctuations étant donné l'instabilité du marché et que, en outre, elle n'a pas prétendu que tous les producteurs s'étaient tenus aux objectifs qui leur avaient été attribués.
c) Appréciation du Tribunal
289. Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ne tombait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans la mesure où son comportement concurrentiel sur le marché attesterait que cette participation était dépourvue tant d'objet que d'effet anticoncurrentiel. La requérante prétend, en particulier, que l'exigence d'un objet anticoncurrentiel doit être interprétée comme requérant un effet potentiel sur la concurrence et elle affirme, en l'espèce, que les études économiques qu'elle a produites auraient démontré l'impossibilité pour l'entente d'avoir un quelconque effet sur le marché.
290. L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE interdit, comme étant incompatibles avec le Marché commun, tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
291. Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les réunions périodiques auxquelles la requérante a participé avec des concurrents avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente.
292. A cet égard, il y a lieu de relever que différentes requérantes ont affirmé, dans les mémoires qu'elles ont présentés au Tribunal, que les prix du polypropylène pratiqués sur le marché européen étaient inférieurs aux cours mondiaux du polypropylène. Dans ces circonstances, il n'est pas possible d'exclure que des accords conclu entre une écrasante majorité des producteurs de polypropylène, s'ils avaient été rigoureusement respectés, auraient pu avoir un effet sur le marché.
293. Même si les accords n'ont pas toujours été couronnés de succès, ils étaient susceptibles d'avoir un effet sur la concurrence et avaient donc un objet anticoncurrentiel, au sens où l'entend la requérante. A cet égard, il y a lieu de relever que cette analyse est corroborée par l'opinion que les producteurs eux-mêmes avaient de l'effet de leurs accords, opinion attestée notamment par les passages des comptes rendu des réunions cités par la Commission ainsi que par les analyses que les producteurs effectuaient au cours de leurs réunions (voir les comptes rendu des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g. g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions s'étaient, dans une large mesure, traduits sur le marché. La participation de la requérante à ces réunions n'était donc pas dépourvue d'objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
294. Quant à l'ampleur des effets réelles de l'infraction qu'a constatée et établie la Commission, celle-ci sera examinée dans le cadre du contrôle de l'amende infligée à la requérante.
295. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
C - Affectation du commerce entre Etats membres
a) Acte attaqué
296. La décision (point 93, premier alinéa) affirme que l'accord entre les producteurs était susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre Etats membres.
297. En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance à travers toute la Communauté (et dans d'autres pays d'Europe occidentale), aurait été susceptible en soi de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de pareil accord (décision, point 93, troisième alinéa).Selon la décision (point 93, quatrième alinéa), la fixation de prix à un niveau artificiel par voie d'accord, plutôt qu'en laissant au marché le soin de trouver son propre équilibre, aurait altéré la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Les entreprises auraient été déchargées de la nécessité immédiate de réagir aux forces du marché et de s'attaquer au problème de surcapacités dont elles avaient constaté l'existence.
298. La décision (point 94) relève que les prix-cibles fixés par Etat membre, discutés à fond aux réunions nationales même s'il fallait tenir compte dans une certaine mesure de la situation locale, ont nécessairement altéré le schéma des échanges et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Le système de l'"account leadership", en orientant la clientèle vers certaines producteurs nommément désignés, aurait encore aggravé l'effet des arrangements en matière de prix. La Commission admet que, en fixant des quotas ou des cibles, les producteurs n'ont pas ventilé les attributions de volumes par Etat membre ou par région. Toutefois, l'existence même d'un quota ou d'une cible contribuerait à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur.
b) Arguments des parties
299. La requérante soutient que, bien qu'ICI ait montré lors de la procédure administrative que le volume et le taux d'expansion des échanges entre les Etats ont toujours été exceptionnels sur le marché du polypropylène, la Commission prétend que les échanges entre les Etats membres et la structure de la concurrence auraient été sensiblement affectés par les arrangements, tout en reconnaissant que les quotas n'étaient pas répartis par Etat et par région et qu'en cas de non-respect des quotas aucune sanction n'était prévue.
300. Elle considère sur la base d'études économiques, que les discussions qui ont eu lieu au cours des réunions n'ont pas eu la moindre incidence sur les échanges entre les Etats membres, que ce soit dans le sens d'un accroissement ou d'une réduction, et qu'elles n'ont pas eu le moindre effet sur la structure de la concurrence. Elle ajoute que la Commission reste en défaut de prouver le contraire (les points 93 et 94 de la décision constitueraient des affirmations pures et simples).
301. La requérante expose que la Commission a méconnu les conséquences économiques inévitables d'un volume aussi élevé d'échanges entre Etats et qu'un tel volume montre la transparence du marché, l'absence de restriction des ventes ou d'accord sur les prix ainsi que l'existence d'une concurrence effrénée au niveau des prix.
302. La Commission répond qu'un accord sur les prix a inévitablement pour effet de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de cet accord et que la fixation des prix à un niveau artificiel altère la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Cela ne serait pas remis en cause par le fait reconnu qu'il y a eu d'importants échanges de polypropylène entre les États membres.
303. Elle ajoute que, contrairement aux allégations d'ICI, la répartition du marché ne passe pas nécessairement par des interdictions à l'exportation. Toute entente entre producteurs ayant pour objet une limitation des livraisons de chacun à un certain niveau constituerait une répartition du marché.
c) Appréciation du Tribunal
304. Il y a lieu de relever que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission n'avait pas l'obligation de démontrer que sa participation à un accord et une pratique concertée avait eu un effet sensible sur les échanges entre États membres. En effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE requiert seulement que les accords et les pratiques concertées restrictifs de la concurrence soient susceptible d'affecter le commerce entre États membres. A cet égard, force est de constater que les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue (voir arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 172).
305. Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit, aux points 93 et 94 de sa décision, que l'infraction, à laquelle la requérante a participé, était susceptible d'affecter le commerce entre États membres, sans qu'il soit nécessaire qu'elle démontre que la participation individuelle de la requérante a affecté les échanges entre États membres.
306. Le grief de la requérante ne peut donc être accueilli.
D - Nature des accords sur les objectifs de prix et sur les objectifs de volumes de vente
307. La requérante soutient que seuls sont illicites, au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les arrangements pris en vue de fixer les prix réels, les marges, les remises ou les conditions de paiement (décisions de la Commission du 20 juillet 1978, IV/28.852-GB-Inno-BM/Fedetab, JO L 244, p. 29, et du 3 juillet 1973, IV/25962-Chauffe-eau et chauffe-bains au gaz, JO L 217, p. 34), ceux ayant une incidence effective sur les prix et modifiant les conditions normales du marché ou encore ceux permettant aux participants de prévoir avec un degré raisonnable de certitude la politique de prix poursuivie par les concurrents (arrêt de la Cour du 17 octobre 1972, précité, 8-72).
308. Elle fait valoir que, en revanche, la détermination de prix-cibles ne constitue pas en elle-même une infraction à l'article 85 du traité CEE, même si la fixation des prix de vente ou le cloisonnement du marché sont constitutifs d'infractions. Afin de déterminer, dans un cas particulier, si la fixation de prix-cibles est assimilable à une infraction de ce type, il serait nécessaire que la Commission établisse, en s'appuyant sur des témoignages dignes de foi eu égard aux circonstances de l'espèce, que les prix-cibles ont influée sur les prix de vente dans une mesure quantifiable, que les prix n'ont pas été déterminés par les tendances du marché, et que, même s'il en avait été ainsi, la fixation des prix-cibles a permis aux vendeurs de prévoir, avec une certitude suffisante, la politique de vente de leurs concurrents. Or, la requérante soutient que la Commission n'a établi aucun de ces deux points, qui seraient, d'ailleurs, contredits par les éléments de fait et les données économiques.
309. La Commission répond que, contrairement aux allégations de la requérante, un accord ayant pour objet de déterminer des prix indicatifs tombe sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, même s'il n'a pu être prouvé qu'il avait eu une incidence réelle sur le marché. La thèse d'ICI serait fondée sur une interprétation erronée de l'arrêt Cementhandelaren/Commission, précité, points 19 et 21, qui interdirait également la fixation de prix indicatifs. Enfin, la Commission conteste la thèse d'ICI selon laquelle il aurait été nécessaire d'établir que les prix-cibles ont influé de manière quantifiable sur les prix effectifs et que la fixation de ces prix-cibles devait permettre aux producteurs de prévoir la politique de vente de leurs concurrentes.
310. Le Tribunal estime que, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, la fixation d'objectifs de prix constitue une fixation directe ou indirecte de prix de vente, mentionnée, à titre d'exemple, sous a), qui interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui ont un objet ou un effet anticoncurrentiel.
311. En effet, l'objet de l'article 85, paragraphe 1, en particulier sous a), est d'interdire aux entreprises de fausser l'évolution normale des prix sur le marché. Or, il ressort du compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) que l'objet des accords conclu par les producteurs lors des réunions était de fixer un niveau de prix plus élevé que celui qu'ils pouvaient escompter en déterminant leurs prix de manière indépendante. C'est ainsi que, lors de cette réunion, la requérante a noté, après que Solvay eut proposé de mettre un terme aux réunions suite au rééquilibrage de l'offre et de la demande, que :
"The general response was that it was always better to talk than not and that if supply + demand were so closely in balance we should be taking active steps to move prices up rather than let them find their own level".
("La réponse générale était qu'il était toujours mieux de discuter et que si l'offre et la demande étaient à ce point en équilibre nous devrions prendre des mesures positives pour influencer les prix à la hausse plutôt que laisser ceux-ci trouver leur propre niveau tout seuls".)
Dans ces conditions, le Tribunal considère que la distinction qu'opère la requérante entre fixation d'objectifs de prix et fixation de prix est un distinction purement sémantique et est dépourvue de pertinence.
312. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
3. Conclusion
313. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l'acte attaqué doivent être rejetés.
Sur la motivation
314. La requérante fait valoir que la décision est motivée de manière incorrecte ou insuffisante. Elle estime qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24-62, Rec. p. 131 ; du 26 novembre 1975, Papiers Peints, 73-74, Rec. p. 1491 ; du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323-82, Rec. p. 3809 ; du 13 mars 1985, Pays-Bas/Commission, 296-82 et 318-82, Rec. p. 809 ; du 26 juin 1986, Nicolet Instrument, 203-85, Rec. p. 2049 ; et du 7 mai 1987, Nippon Seiko/Conseil, point 28, 258-84, Rec. p. 1923) qu'une décision doit énoncer dans ses motifs les principaux points de droit et de fait lui servant de support et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l'autorité communautaire. En l'espèce, la décision n'exposerait pas avec clarté et pertinence les éléments sur lesquels elle est fondée en ce qui concerne les points de droit et de fait, en particulier en ce qui concerne les aspects économiques et les amendes. En outre, la décision n'indiquerait pas que la Commission a tenu compte des nombreux éléments de preuve apportés par la requérante concernant son comportement sur le marché et l'absence d'effets de l'entente.
315. la requérante ajoute, dans sa réplique que, d'un bout à l'autre de la procédure administrative, la Commission se serait abstenue d'identifier, ou aurait identifié de manière insuffisante, la nature des allégations et des constatations opposées aux producteurs en ce qui concerne les incidences de tout arrangement éventuel en matière de prix et de quotas. En particulier, la Commission aurait varié au cours de la procédure administrative et se serait contredite quant à la réalisation effective des prix-cibles et des quotas cibles.
316. La Commission répond qu'ICI confond motivation suffisante et motivation correcte. Elle ajoute que la décision est particulièrement longue et détaillée et qu'elle traité de tous les principaux arguments avancés au cours de la procédure administrative.
317. La Commission fait valoir que le moyen tiré de l'absence de précision de la décision constitue un moyen nouveau qui, à ce titre, devrait être rejeté en application de l'article 42, paragraphe 2, du règlement de procédure. En tout état de cause, ce moyen ne serait pas fondé.
318. Le Tribunal rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour (voir notamment les arrêts du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 66, et du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie/Commission, point 88, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831) que si, en vertu de l'article 190 du traité CEE, la Commission est tenue de motiver ses décisions, en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont ramené à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue de répondre à ceux de ces points qui lui semblent dénués de toute pertinence.
319. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu'il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction à l'encontre de la requérante que les documents et les arguments que celle-ci a présentés ne sont pas de nature à donner un éclairage différent aux constatations de fait opérées par la Commission. Cela vaut en particulier pour les documents et arguments ayant trait aux initiatives de prix, aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et aux tonnages-cibles et quotas.
320. Par ailleurs, le Tribunal n'a relevé aucune contradiction intrinsèque dans ces constatations de fait et considère que la position de la Commission à cet égard n'a pas varié.
321. Par conséquent, le grief doit être rejeté.
Sur l'amende
322. La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 en n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.
1. La prescription
323. La requérante soutient que, même si un accord sur les prix-planchers avait été conclu en 1977, il serait couvert par la prescription quinquennale prévue par l'article 1 du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1, ci-après "règlement n° 2988-74"), dans la mesure où, en raison de la nature différente de l'accords sur les prix-planchers et des réunions qui se seraient, comme le reconnaît la Commission, tenues après décembre 1977, celle-ci ne pourrait se prévaloir du caractère continu ou continué de l'infraction au sens de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement précité.
324. La Commission fait valoir que l'accord sur les prix-planchers n'est pas couvert par la prescription, dans la mesure où il existe un lien manifeste entre l'accord sur les prix-planchers et les accords couvrant les périodes ultérieures et que, par conséquent, l'infraction doit être qualifiée de continue.
325. Le Tribunal constate que, aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988-74, la prescription quinquennale du pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin pour les infractions continues ou continuées.
326. En l'espèce, il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction que la requérante a participé à une infraction unique qui a débuté au milieu de l'année 1977, moment où elle a souscrit à l'accord sur les prix-planchers, et qui s'est poursuivie jusqu'au mois de novembre 1983.
327. Par conséquent, la requérante ne peut pas se prévaloir de la prescription des amendes.
2. La durée de l'infraction
328. La requérante estime que c'est à tort que la Commission fait remonter le début de l'infraction à une date antérieure à décembre 1977, puisqu'elle ne disposerait pas de preuves suffisantes de la conclusion d'un accord sur les prix-planchers et que, en tout état de cause, celui-ci serait couvert par la prescription.
329. Elle relève que la décision a reconnu que l'infraction, sous ses formes les plus graves, n'avait pas existé avant la fin de l'année 1978 (point 107, troisième alinéa).
330. Par ailleurs, la requérante note que l'infraction n'a pas été permanente, puisque les initiatives de prix se seraient prolongées sur 26 mois seulement, que le système de quotas n'aurait pas fait l'objet d'un accord en 1981 et 1982 et que l'application simultanée de ces deux systèmes, indispensables au fonctionnement de l'entente, n'aurait porté, tout au plus, que sur une période inférieure à dix mois. En raison du caractère sporadique de l'entente, la Commission n'aurait donc pas été en droit de prendre en considération l'ensemble de la période comprise entre 1977 et 1983.
331. Quant à la cessation de l'infraction, la requérante soutient que la Commission n'apporte aucune preuve à l'appui de ses allégations relatives à la participation d'ICI "jusqu'en novembre 1983 au moins" ou aux effets de l'accord jusqu'à cette date. Par conséquent, la Commission aurait dû considérer que les infractions avaient cessé dès le début de son enquête, comme ce fut le cas dans les affaires peroxygènes et Zinc Producers Group (décisions du 23 novembre 1984, Peroxygènes, JO L 35, p. 1, et du 6 août 1984, Zinc Producer Group, JO L 220, p. 27).
332. La requérante conclut qu'elle doit bénéficier d'une réduction de la durée de sa participation à l'infraction et, à ce titre, d'une réduction sensible et proportionnelle de l'amende (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Commercial Solvents/Commission, 6-73 et 7-73, Rec. p. 223, 262 ; et du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461).
333. La Commission répond qu'elle a correctement apprécié la durée de l'infraction. A cet égard, elle indique que la période antérieure à 1979 devrait être prise en compte en dépit de l'intensité moindre de l'infraction à cette époque, ce dont elle aurait tenu compte.
334. La Commission considère que l'argument tiré du caractère sporadique de l'infraction est démenti par le caractère permanent des efforts déployés par les producteurs pour appliquer les augmentations de prix convenues.
335. En ce qui concerne la fin de l'infraction, la Commission soutient que les effets de l'accord se sont poursuivis au moins jusqu'en novembre 1983, dernier mois pour lequel il serait établi que des prix-cibles ont été convenus et mis en œuvre et que c'est donc à bon droit qu'elle a pris en considération la période allant de septembre à novembre 1983 en vue de la fixation de l'amende.
336. Le Tribunal rappelle qu'il a constaté que la Commission a correctement apprécié la durée de la période pendant laquelle la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et que c'est à bon droit qu'elle a considéré qu'il s'agissait là d'une infraction unique.
337. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.
3. La gravité de l'infraction
A - Le rôle limité de la requérante
338. La requérante fait valoir que c'est sans apporter la moindre justification que la Commission affirme que les "quatre grands" avaient une responsabilité particulière dans l'infraction. Cette affirmation serait d'ailleurs en contradiction avec celle selon laquelle aucune distinction importante ne peut être établie entre les producteurs en fonction de leur niveau d'engagement vis-à-vis des arrangements communs (décision, point 109, sixième alinéa).
339. Elle ajoute que, en réalité, elle n'était pas plus engagée que les autres producteurs, que son rôle apparemment plus actif était purement administratif, que sa plus grande participation était fonction de son importance sur le marché - laquelle ne pourrait être une seconde fois prise en compte à ce niveau - et que les "quatre grands" n'inspiraient ni ne dirigeaient les réunions.
340. La Commission estime, en se référant aux points 67 et 68 de la décision, qu'en tant que membre du "club" des "quatre grands" ICI porte une responsabilité particulière dans les infractions commises. Son rôle en cette qualité ressortirait de nombreux documents (g. g. ann. 8, 9, 19, 64, 87, 94 à 100) qui, pour la plupart, relatent les discussions entre les "quatre grands".
341. Le Tribunal rappelle que, à partir d'août 1982, la requérante a assuré la présidence des réunions périodiques de producteurs de polypropylène. Cette présidence n'était pas purement administrative, comme le monter le rôle qu'a joué la requérante dans les discussions menées en vue de conclure des accords de quotas pour les années 1982 et 1983, rôle qui est attesté par les comptes rendus de réunions de la seconde moitié de l'année 1982 (g. g. ann. 28 à 34), les comptes rendus de réunions ou de contacts bilatéraux entre la requérante et d'autres producteurs (g. g. ann. 75 à 77, 79 à 81, 83, 88, 89, 93, 95 et 98) ou comme le montrent également les notes de synthèse et les plans de répartition de marché élaborés par la requérante (g. g. ann. 33, 70, 84 à 87) ainsi que les efforts qu'elle a déployés en vue d'assurer le respect des accords de prix, efforts attestés notamment une note d'ICI intitulée "Pricing actions from December meeting" ("actions en matière de prix résultant de la réunion de décembre", g. g. ann. 34), qui montre que la requérante a pris contact avec certains producteurs pour les convaincre de s'en tenir aux accords de prix.
342. Il y a lieu de rappeler également, en ce qui concerne le rôle que la requérante a joué dans l'infraction, sa participation aux réunions préparatoires des "quatre grands". A cet égard, on peut lire dans une note relative à la réunion des représentants d'ICI, de Shell et de Monte du 15 juin 1981 (g. g. ann. 64) que ces producteurs ont envisagé les solutions suivantes pour résoudre les difficultés rencontrées sur le marché :
"Possible solutions included (a) sanctions (not a great success so far on PVC), (b) control production which is within the power of the bosses (L. thought propylene availability might scupper this), (c) quotas which Z. favoured but L. discounted, (d) new initiative by the 4 majors whereby they accommodated the hooligans in Europe and made up the loss by sales in Row markets. Given that W. European sales would probably not exceed 105 kt/month for the next few months and then not over 125 kt for the remainder of the year say 115 kt average for July-Sept and exports continued at 30 kt/month there would still be a surplus of capacity of 10 kt/month. Shared by the Big Four each would have to drop 2.5 kt/m in Europe equivalent to 30 kt/yr of say 2.3 % market share. I said that despite L.'s contention about Row prices that such a proposal would be totally unacceptable to us, (e) a flat price increase of say 0.20 DM/kg wef 1st July - this avoids unrealistic requirements for the lowest priced business."
["Les solutions possibles incluaient (a) des sanctions (qui n'ont pas été un grand succès jusqu'à présent en ce qui concerne le PVC), (b) un contrôle de la production, ce qui relève du pouvoir des patrons (L. estimait que les disponibilités en polypropylène pourraient compromettre cette solution), (c) l'application de quotas pour laquelle Z. s'est déclarée favorable, mais pour laquelle L. a montré peu d'enthousiasme, (d) une nouvelle initiative des 'quatre grands' conciliant la position des 'hooligans' en Europe et compensant les pertes par des ventes sur les marchés ROW ('rest of the world' - 'le reste du monde'). Étant donné que les ventes en Europe occidentale ne dépasseraient probablement pas 105 kilotonnes par mois au cours des prochains mois et n'excéderaient pas 125 kilotonnes pour la période de juillet à septembre, et que les exportations continuaient à un rythme de 30 kilotonnes par mois, il y aurait toujours un excèdent de capacité de 10 kilotonnes par mois. Réparti entre les 'quatre grands', chacun d'eux devrait abandonner 2,5 kilotonnes par mois en Europe, ce qui correspond à 30 kilotonnes par an, soit 2,3 % de part de marché. J'ai déclaré que, malgré les affirmations de L. à propos des prix à appliquer en dehors de l'Europe occidentale, une telle proposition serait totalement inacceptable pour nous, (e) une augmentation nette de prix de 0,20 DM/kg à partir du 1er juillet - cette solution évite des exigences irréalistes pour les marchés dont le prix est le plus bas."]
De même, une note rédigée par un employé d'ICI intitulée "Sharing the pain" ("Répartir le sacrifice") et datée du début de la seconde moitié de l'année 1982 (g. g. ann. 98) précise que l'instauration d'un système de compensations pour les réductions de volumes de vente "might provide useful elemants for the understantding between the 'Big Four'" ("pourrait fournir des éléments utiles pour l'entente entre les 'quatre grands'"). A propos de ce document, la requérante a déclaré, dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), que :
"The 'understanding' between the 'Big Four' was recognition that if the prices were to be increased then the 'Big Four' producers would have to give a string lead, even at the expense of their own sales volume. It was thought that a 'Compensation Arrangement' between these four producers might have made it easier for them to contemplate the possibility of a commitment on 'target-prices'."
Ces éléments montre que les "quatre grands" étaient conscients du rôle particulier qu'ils devaient jouer dans les initiatives destinées à relever les prix. Ainsi encore, une note interne de Shell, datée d'octobre 1982 (g. g. ann. 94), fait-elle référence aux initiatives de prix des "quatre grands".
343. Le Tribunal considère qu'il résulte des éléments qui précèdent ainsi que de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction et qu'elle a indiqué, au point 109, premier alinéa, de la décision, avoir tenu compte de ce rôle pour déterminer le montant de l'amende. A cet égard, il y a lieu de relever qu'il n'y a pas de contradiction entre, d'une part, les trois premiers alinéas du point 109 et, d'autre part, le sixième alinéa de ce point, dans la mesure où ce dernier ne vise que les producteurs de moindre taille.
344. En outre, le Tribunal constate que les faits qui ont été établis révèlent par leur gravité intrinsèque - notamment la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente - que la requérante n'a pas agi par imprudence ni même par négligence, mais qu'elle a agi de propos délibéré.
345. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
B - L'absence d'individualisation des critères de fixation des amendes
346. La requérante reproche à la Commission de n'avoir pas indiqué dans quelle mesure elle avait tenu compte de chacun des éléments présidant à la détermination du montant de l'amende. Elle demande à la Commission d'indiquer comment elle a pondéré ces différents éléments et de révéler la formule qu'elle a utilisée, comme elle l'a fait dans l'affaire Pâte de bois (décision du 19 décembre 1984, IV/29.725-Pâte de bois, JO L 85, p. 1) et comme la Cour l'a contrainte de le faire dans l'affaire Iaz (arrêt du 8 novembre 1983, Iaz/Commission, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369).
347. Elle ajoute que la Commission ne s'est pas expliquée sur la méthode de calcul des amendes et n'a pas un point de vue cohérent sur la nature et la portée des facteurs qui doivent être pris en compte pour la détermination de l'amende.
348. La Commission répond qu'elle a indiqué aux points 107 à 109 de la décision les différents éléments dont elle a tenu compte pour fixer le montant de l'amende et que, par conséquent, elle a motivé à suffisance de droit l'amende infligée à ICI.
349. Elle relève qu'elle a agi conformément à sa politique bien établie et aux principes énoncés par la Cour en matière d'amendes, en infligeant des sanctions dans la présente affaire. Elle souligne que, dès 1979, elle s'est engagée dans une politique consistant à faire respecter les règles de concurrence en infligeant des sanctions plus lourdes, en particulier pour les catégories d'infractions bien établies en droit de la concurrence et pour les infractions particulièrement graves, comme c'est le cas en l'espèce, de manière notamment à accroître l'effet dissuasif des sanctions. Cette politique aurait été approuvée par la Cour (arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française/Commission, points 106 et 109, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825), qui aurait également admis, à plusieurs reprises, que la fixation des sanctions implique l'appréciation d'un ensemble complexe de facteurs (arrêts du 7 juin 1983, précité, 100-80 à 103-80, point 120, et du 8 novembre 1983, précité, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, point 52).
350. La Commission serait particulièrement qualifiée pour se livrer à une telle appréciation, qui ne pourrait être sanctionnée qu'en cas d'erreur significative de fait ou de droit.
351. Quant à la "méthode" de calcul des amendes, la Commission soutient qu'il n'est pas possible d'appliquer une formule mathématique simple valable dans tous les cas et qu'il y a lieu d'appliquer aux faits de l'espèce un ensemble complexe de facteurs.
352. Le Tribunal constate que, pour déterminer le montant de l'amende infligée à la requérante, la Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108 de la décision) et a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de la décision).
353. Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligne spécialement le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, en particulier sous a), b) et c), du traité CEE qui n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, qui agissaient de propos délibéré et dans le plus grand secret.
354. Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des mandes infligées à chaque entreprise.
355. En ce qui concerne les deux premiers critères, mentionnés au point 109 de la décision, que sont le rôle joué par chacune des entreprises dans les arrangements collusoires ainsi que le laps de temps pendant lequel elles ont participé à l'infraction, il y a lieu de rappeler que les motifs à la lumière de l'ensemble des motifs de la décision, la Commission a suffisamment individualisé, à l'égard de la requérante, la prise en compte de ces critères.
356. En ce qui concerne les deux derniers critères que constituent les livraisons respectives des différents producteurs de polypropylène dans la Communauté ainsi que le chiffre d'affaires total de chacune des entreprises, le Tribunal constate, sur la base des chiffres qu'il a demandés à la Commission et dont la requérante n'a pas contesté l'exactitude, que ces critères n'ont pas été appliqués de façon inéquitable lors de la détermination de l'amende infligée à la requérante par rapport aux amendes infligées à d'autres producteurs.
357. Le Tribunal constate, par ailleurs, qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission en vue de l'établissement de l'infraction que les différents arguments auxquels la requérante fait grief à la Commission de n'avoir pas répondu manquent de fondement dans les faits.
358. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
C - La prise en compte des effets de l'infraction
359. La requérante soutient que, conformément à la doctrine et à la pratique de la Commission (Treizième et Quinzième rapports de la Commission sur la politique de concurrence ; décisions du 23 novembre 1972, IV/26894-Pittsburg Corning, JO L 272, p. 35, et du 8 décembre 1977, IV/29.132-Hugin-Liptons, JO L 22, p. 23) et à la jurisprudence de la Cour (arrêts du 15 juillet 1970, précité, 41-69 ; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, et du 30 janvier 1985, Bat/Commission, 35-83, Rec. p. 363), les effets d'une infraction constituent un élément essentiel ou très important pour en déterminer la gravité. La Commission devrait tenir compte de la mesure dans laquelle l'infraction est contraire à la finalité des règles de concurrence. A cet égard, la Commission n'aurait pas tenu compte de la progression des échanges, du comportement unilatéral et autonome des entreprises en cause et des avantages pour les consommateurs, qui auraient bénéficié de prix particulièrement bas.
360. Elle réitère sa demande de voir le Tribunal ordonner à la Commission de présenter à ICI et au Tribunal le rapport du conseiller-auditeur, qui contiendrait des éléments à décharge en ce qui concerne les effets, ainsi que les documents relatifs aux déclarations faites par les représentants de la Commission à la presse à l'époque de la décision, déclarations selon lesquelles l'entente aurait eu un effet de relèvements des prix de 15 à 40 %. A cet égard, ICI estime que les éléments qu'elle a produits en cours d'instance et l'absence d'argumentation de la Commission en ce qui concerne les effets de l'infraction justifient sa demande, en dépit de l'ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, précitée (212-86 R).
361. La Commission fait remarquer que les protestations de la requérante quant à l'absence d'effet de l'entente sont sans portée. En effet, la Commission aurait tenu compte, pour évaluer le montant des amendes, du fait que les initiatives de prix n'ont généralement pas atteint pleinement leur but (décision, point 108). Ce faisant, elle serait d'ailleurs déjà allée au-delà de ce qu'elle était obligée de faire, puisque devraient être sanctionnées au titre de l'article 85 non seulement les ententes qui ont pour effet de faire obstacle à la concurrence, mais aussi celles qui ont un tel objet. En revanche, la Commission n'avait pas à tenir compte de la progression des échanges, des efforts unilatéraux des producteurs pour limiter leur production et augmenter leur rendement ou du niveau relativement bas des prix, facteurs qui seraient indifférents pour apprécier les effets préjudiciables de l'entente un regard des finalités des règles de concurrence.
362. En ce qui concerne la production de son dossier, la Commission ne voit aucune raison pour le Tribunal de revenir sur l'ordonnance du 11 décembre 1986, précitée, et souligne qu'ICI ne parvient pas à établir la pertinence de sa demande.
363. Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait qu'après avoir convenu des prix-cibles au cours des réunions les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les "cibles" servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure que, en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).
364. Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.
365. En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas de raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes rendus des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g. g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient, dans une large mesure, traduits sur le marché, et, d'autre part, que si l'audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économiques réalisées à la demande de certains producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision, qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.
366. Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.
367. En ce qui concerne la demande de la requérante de voir produire les documents ayant servi de base à la conférence de presse au cours de laquelle la Commission aurait fait état de ce que l'infraction aurait eu pour effet un relèvement du niveau des prix de 15 à 40 % le Tribunal considère que la requérante n'a pas présenté devant lui d'éléments nouveaux de nature à établir que la décision était inspirée par des motifs différents de ceux qu'elle énonce en ce qui concerne les effets de l'infraction. Par conséquent, il n'y a pas lieu pour le Tribunal de revenir sur l'ordonnance que la Cour a rendue le 11 décembre 1986 et par laquelle elle a rejeté la demande de production des documents internes de la Commission relatifs à la conférence de presse en question.
368. Par conséquent, le grief doit être rejeté.
D - La prise en compte insuffisante du contexte économique de crise
369. La requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte du contexte économique dans lequel l'infraction a été commise : bénéfices réalisés ou pertes subies, comme elle l'aurait fait dans ses décisions antérieures (voir décisions du 17 décembre 1975, UBC, JP L 95, p. 1, et du 12 décembre 1978, Kawasaki, JO L 16, p. 9), comme la Cour l'aurait fait sans son arrêt du 7 juin 1983, précité (100-80 à 103-80) ; dommages causés aux consommateurs ou aux clients, comme la Commission l'aurait fait dans ses décisions antérieures (voir décisions du 21 décembre 1976, Theal-Watts, JO L 39, p. 19 ; du 12 décembre 1978, Kawasaki, précitée du 28 novembre 1979, Floral, JO L 39, p. 51) et comme la Cour l'aurait fait dans son arrêt du 16 décembre 1975, précité (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73) ; effets des infractions, comme elle l'aurait fait dans ses décisions antérieures (voir décision du 12 décembre 1978, Kawasaki, et du 19 décembre 1984, Pâte de bois, précitées) et comme la Cour l'aurait fait dans son arrêt du 30 janvier 1985, précité (35-83).
370. La Commission répond qu'elle a correctement tenu compte du contexte économique, en modérant le montant des amendes en raison des difficultés économiques du secteur.
371. Le Tribunal constate que la Commission a indiqué explicitement au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle a tenu compte du fait que les entreprises ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur du polypropylène pendant une très longue période, ce qui démontre non seulement que la Commission a tenu compte des pertes, mais également qu'elle a, de ce fait, tenu compte des conditions économiques défavorables du secteur (arrêt de la Cour du 8 novembre 1983, précité, 322-81, points 111 et suiv.), en vue de déterminer, eu égard également aux autres critères mentionnés au point 108, le niveau général des amendes.
372. Par ailleurs, le fait que, dans des affaires précédentes, la Commission avait estimé que, au vu des circonstances de fait, il y avait lieu de tenir compte de la situation de crise dans laquelle se trouvait le secteur économique en cause ne saurait la contraindre à tenir compte de la même façon d'une telle situation dans la présente espèce, dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que les entreprises auxquelles la décision est adressée ont commis une infraction particulièrement grave aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
373. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
E - La prise en compte du chiffre d'affaires de la requérante
374. La requérante expose que l'amende aurait été fixée à tort en fonction du chiffre d'affaires global de l'entreprise, alors que la Commission avait elle-même attiré l'attention sur les dangers d'une telle pratique dans les affaires Pâte de bois (décision du 19 décembre 1984, Pâte de bois, précitée) et que la Cour l'avait dénoncée elle aussi dans l'arrêt du 7 juin 1983, précité (100-80 à 103-80). Le montant de l'amende représenterait un pourcentage excessivement élevé des ventes extérieures de polypropylène d'ICI dans la Communauté, pour la période 1979-1983.
375. La Commission affirme que, si elle a tenu compte de la dimension et de la part de marché des entreprises concernées pour apprécier la gravité de l'infraction, elle n'a pas attaché à ce facteur une importance particulière. En outre, le montant de l'amende n'excéderait pas 10 % du chiffre d'affaires d'ICI sur le marché du polypropylène au cours de l'exercice précédant la décision ni, a fortiori, 10 % du chiffre d'affaires total de l'entreprise.
376. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 7 juin 1983, précité, 100-80 à 103-80, point 119) que la référence formulée à l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17 et prenant 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précèdent comme limite supérieure d'une amende dépassant un million d'écus doit être comprise comme visant 10 % du chiffre d'affaires global.
377. Il s'ensuit que la Commission n'a pas dépassé, en l'espèce, la limite fixée à l'article 15, paragraphe 1, du règlement n° 17.
378. En outre, il convient de relever que la Commission ne s'est pas fondée de manière exclusive ni même prépondérante sur le chiffre d'affaires de la requérante pour calculer le montant de l'amende qu'elle lui a infligée.
379. Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.
F - Le principe d'égalité de traitement
380. La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé le principe d'égalité de traitement à un double titre : d'une part, en infligeant à la requérante une amende disproportionnée par rapport aux amendes infligées antérieurement et, d'autre part, en lui infligeant une amende excessive par rapport à celles infligées aux autres entreprises destinataires de la décision.
381. Elle expose que, si la Commission est effectivement en droit de fixer le niveau des amendes en tenant compte de leur effet dissuasif, la nécessité d'une dissuasion ne devrait pas varier sensiblement dans des affaires d'un type et d'une gravité analogues (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, précité, 100-80 à 103-80, et du 10 décembre 1985, précité, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82), afin d'éviter des discriminations entre les entreprises placées dans des situations comparables. En l'espèce, d'une part, une distinctions injustifiée aurait été établie entre les "quatre grands" et les autres parties incriminées. D'autre part, l'amende serait discriminatoire et démesurée par rapport à celles infligées dans d'autres décisions récentes relatives à des infractions à l'article 85 au moins aussi graves où des prix réels avaient été fixés, où le marché avait été réparti, la clientèle lésée et la concurrence éliminée (décisions du 17 octobre 1983, Cast-iron & Steels, JO L 317, p. 1 ; du 6 août 1984, Zinc Producer Group, précitée ; du 8 décembre 1988, Verre plat, JO L 33, p. 44 ; du 23 novembre 1984, Peroxygènes, précitée, et du 19 décembre 1984, Pâte de bois, précitée).
382. S'appuyant, notamment, sur le point de vue exprimé tant par la Commission elle-même dans son treizième rapport sur la politique de concurrence que par l'avocat général Sir Gordon Slynn dans ses conclusions sous l'arrêt du 7 juin 1983, précité (100-80 à 103-80, Rec. p. 1930), la requérante soutient que, si chaque affaire doit être effectivement examinée en fonction de ses circonstances propres, la Commission doit néanmoins se fonder sur les précédentes et les arrêts antérieurs pour fixer l'échelle des amendes, afin d'éviter qu'il ne soit porté atteinte au principe de confiance légitime et afin d'éviter qu'il ne soit porté atteinte au principe de confiance légitime et afin d'établir en matière de concurrence un système cohérent.
383. La Commission répond que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Cour a clairement admis, dans son arrêt du 7 juin 1983, précité (100-80 à 103-80), qu'afin d'assurer l'application de la politique communautaire en matière de concurrence la Commission pourrait un jour décider légitimement de relever le niveau des amendes pour un type donné d'infractions. Compte tenu du fait qu'il serait difficile d'imaginer un cas d'infraction au droit de la concurrence plus flagrant que le cas présent, la Commission estime qu'elle pouvait valablement décider d'infliger des amendes véritablement dissuasives.
384. Dans sa duplique, la Commission conteste l'interprétation donnée par la requérante des conclusions présentées par l'avocat général Sir Gordon Slynn dans l'affaire Musique Diffusion française, précitée. L'avocat général aurait admis que la Commission est en droit d'infliger aux entreprises des amendes plus sévères que celles qui avaient été infligées par le passé, même pour des infractions similaires, ce que la Cour aurait confirmé dans l'arrêt rendu dans cette affaire.
385. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes aux entreprises qui, de propos délibéré ou négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d'accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire. Cette mission comprend certainement la tâche d'instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais elle comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité CEE et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. C'est pourquoi la Cour a jugé que, pour apprécier la gravité d'une infraction en vue de déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération non seulement les circonstances particulières de l'espèce, mais également le contexte dans lequel l'infraction se place et veiller au caractère dissuasif de son action, surtout pour les types d'infractions particulièrement nuisibles pour la réalisation des objectifs de la Communauté. La Cour a encore considéré qu'il était loisible à la Commission de tenir compte du fait que, bien que leur illégalité ait été établie dès le début de la politique communautaire en matière de concurrence, des infractions d'un type déterminé sont encore relativement fréquentes en raison du profit que certaines des entreprises intéressées peuvent en tirer, et, partant, qu'il lui était loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer l'effet dissuasif de celles-ci. La Cour en a conclu que le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique communautaire de concurrence (arrêt du 7 juin 1983, précité, 100-80 à 103-80, points 105 à 109).
386. A la lumière de ces considérations, le Tribunal constate que c'est à juste titre que la Commission a qualifié d'infraction particulièrement grave et patente les fixations d'objectifs de prix et de volumes de vente ainsi que l'adoption de mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des objectifs de prix, visant à fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène.
387. Par ailleurs, le Tribunal considère que la comparaison de l'amende infligée à la requérante avec celles infligées aux autres destinataires de la décision ne révèle aucune discrimination, eu égard à la durée et à la gravité particulière de l'infraction constatée à son encontre.
388. Il y a donc lieu de rejeter ce grief.
G - Le degré de coopération de la requérante
389. La requérante expose que la Commission n'a pas tenu compte de la coopération d'ICI à l'enquête, alors que la Commission a jugé, dans des affaires antérieures (décision du 19 décembre 1984, Pâte de bois, précitée), qu'une telle coopération devait entraîner une réduction importante de l'amende pouvant atteindre jusqu'à 50 %. En outre, elle fait valoir que, dès qu'elle a eu connaissance de l'enquête, elle a pris des mesures pour éviter que de telles infractions se reproduisent.
390. La Commission soutient que, si ICI déclare avoir coopéré avec la Commission au cours de l'enquête et avoir mis fin à l'infraction dès qu'elle a eu connaissance de l'ouverture de l'enquête, cette attitude a été prise en considération, mais ne saurait naturellement suffire à effacer l'infraction.
391. Le Tribunal constate, à titre liminaire, qu'en réponse à une question posée lors de l'audience la Commission a confirmé qu'ICI se trouvait parmi le "très petit nombre de producteurs" qui ont coopéré à l'enquête de la Commission qui sont évoqués au point 109, dernier alinéa, de la décision.
392. Il ressort d'une analyse du point 109 de la décision que la requérante a bénéficié, au titre de sa coopération à l'enquête de la Commission, d'une réduction d'amende de un million d'écus au plus. En effet, les deuxième et troisième alinéas de ce point opèrent une distinction entre, d'une part, Monte et ICI qui ont consécutivement assumé la présidence des réunions périodiques de producteurs de polypropylène et, d'autre part, Hoechst et Shell qui, tout en faisant partie des "quatre grands", auraient joué un rôle moindre au sein du "directoire officieux" formé par ceux-ci. C'est pourquoi ces deux dernières entreprises se sont vu infliger une amende de neuf millions d'écus, alors que l'amende infligée à Monte s'élève à onze millions d'écus et celle infligée à la requérante à dix millions d'écus. La différence de un million d'écus entre l'amende infligée à la requérante et celle infligée à Monte ne s'explique pas nécessairement par la seule prise en compte de la coopération d'ICI à l'enquête, mais peut également résulter, pour partie, de la prise en compte des "livraisons respectives de polypropylène dans la Communauté" de ces deux entreprises, celles de Monte étant sensiblement supérieures à celles de la requérante.
393. L'amende infligée à la requérante ayant été réduite de moins de 10 % au titre de sa coopération à l'enqupete, le Tribunal considère que, eu égard au caractère très détaillé de la réponse de la requérante à la demande de renseignements, qui concernait non seulement les agissements de la requérante, mais aussi ceux de l'ensemble des entreprises concernées, réponse sans laquelle il aurait été beaucoup plus difficile pour la Commission de constater et de mettre fin à l'infraction qui est l'objet de la décision, il convient de tenir compte de la coopération de la requérante dans une mesure plus large que ne l'a fait la Commission en vue de déterminer le montant de l'amende qui doit lui être infligée. En effet, même si cette coopération ne s'est fait sentir qu'après la Commission a découvert des documents compromettants dans les locaux de la requérante, il aurait été plus difficile pour la Commission de comprendre la porté de ces documents et de ceux qu'elle avait saisis chez d'autres producteurs et d'en tirer les conséquences pour constater et mettre fin à l'infraction, si elle n'avait pu disposer de la réponse de la requérante à la demande de renseignements.
394. Par conséquent, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, considère qu'il y a lieu de réduire l'amende infligée à la requérante de un million d'écus supplémentaire.
395. Par ailleurs, s'il est, certes, important que la requérante ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir par des membres de son personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l'infraction qui a été constatée en l'espèce. A cet égard, il fait ajouter qu'ici encore le fait que, dans une affaire antérieure, la Commission a estimé, au vu des circonstances de fait, qu'il y avait lieu de tenir compte des mesures prises par l'entreprise en cause pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir ne saurait la contraindre à tenir compte de semblables mesures de la même façon dans la présente espèce, dès lors que la Commission a souligné dans la décision (point 108) que l'infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE était particulièrement grave et avait été commise de propos délibéré et dans le plus grand secret. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de réduire l'amende à ce titre.
396. Il y a encore lieu de constater que la requérante conclut à ce que "si ICI était tenue de payer l'amende au présent stade sans pouvoir suspendre son payement, conformément aux conditions formulées dans la lettre de la Commission à ICI contenant la décision", le Tribunal "ordonne à la Commission de la rembourser du montant de l'amende versée ou de la proportion appropriée, majorée d'un intérêt au taux supérieur de 1 % au taux prêteur, fixé par la Banque du Royaume-Uni désignée à l'article 4 de la décision".
397. Il ressort des termes même de la conclusion de la requérante que cette conclusion est conditionnelle en ce qu'elle est subordonnée à la condition que la requérante soie tenue de payer l'amende sans pouvoir suspendre son payement. La caractère conditionnel de cette conclusion au stade de la requête s'explique par le fait que le délai fixé par l'article 4 de la décision pour le payement de l'amende était de trois supérieur au délai de recours ouvert à la requérante par l'article 173, troisième alinéa, du traité CEE, celle-ci n'avait pas, à la date d'introduction du présent recours, décidé de payer l'amende ou de constituer une garantie bancaire en s'engageant à payer des intérêts, comme la Commission le lui avait proposé dans sa lettre de notification de la décision du 22 mai 1986.
398. Le Tribunal constate que, à aucun stade de la procédure, postérieur à l'expiration du délai fixé par l'article 4 de la décision, moment auquel la requérante avait dû prendre la décision soit de payer l'amende, soit de constituer une garantie bancaire, la requérante n'a levé le caractère conditionnel de la conclusion à l'examen, se bornant à déclarer dans sa réplique qu'elle répétait les conclusions de sa requête. Ainsi, en ne levant pas le caractère conditionnel de sa conclusion, la requérante ne l'a pas formulée de manière suffisamment certaine. Cette conclusion doit, dès lors, être considérée comme irrecevable aux termes des articles 19 du statut CEE de la Cour, 38, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour et 44, paragraphe 1, de celui du Tribunal (arrêt de la Cour du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, point 7, 188-73, Rec. p. 1099).
Sur la réouverture de la procédure orale
399. Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 1992, le requérante a demandé au Tribunal de rouvrir la procédure orale et d'ordonner des mesures d'instruction, en raison des déclarations faites par la Commission lors de l'audience tenue dans les affaires T-79-89, T-86-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-102-89 et T-104-89.
400. Après avoir entendu à nouveau l'avocat général, le Tribunal considère qu'il n'y a pas lieu d'ordonner, conformément à l'article 62 de son règlement de procédure, la réouverture de la procédure orale ni d'ordonner les mesures d'instruction demandées par la requérante.
401. Il y a lieu de relever que l'arrêt du 27 février 1992, Basf e.a./Commission (T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315) ne justifie pas en lui-même la réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En effet, le Tribunal constate qu'un acte notifié et publié doit être présumé valide. Il incombe donc à celui qui se prévaut du défaut de validité formelle ou de l'inexistence d'un acte de fournir au Tribunal des raisons de passer outre à l'apparence de validité de l'acte formellement notifié et publié. En l'espèce, les requérantes dans la présente affaire n'ont avancé aucun indice de nature à suggérer que l'acte notifié et publié n'avait pas été approuvé ou adopté par les membres de la Commission agissant comme collège. En particulier, contrairement aux affaires PVC (arrêt du 27 février 1992, précité, T-79-89, T-84-89 à T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, points 32 et suivants), les requérantes n'ont avancé, en l'espèce aucun indice de ce que le principe de l'intangibilité de l'acte adopté a été violé par une modification du texte de la décision après la réunion du collège des commissaires au cours de laquelle celle-ci a été adoptée.
Sur les dépens
402. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé dans l'essentiel de ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens, y compris ceux de la procédure introduite devant la Cour au titre de l'article 91 du règlement de procédure de la Cour.
Par ces motifs,
Le Tribunal (première chambre)
déclare et arrête :
1°) Le montant de l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de la décision de la Commission, du 23 avril 1996 (IV/31.149-Polypropylène, JO L 230, p. 1), est fixé à 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL.
2°) Le recours est rejeté pour le surplus.
3°) La requérante est condamnée aux dépens, y compris ceux de la procédure introduite devant la Cour, au titre de l'article 91 du règlement de procédure de la Cour.