TPICE, 1re ch., 10 mars 1992, n° T-11/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Shell International Chemical Company Ltd
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Avocat général :
M. Vesterdorf
Juges :
MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts
Avocats :
Mes Lever, Parker, Osborne.
LE TRIBUNAL
Les faits à l'origine du recours
1 La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base du polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.
2 Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et le groupe Shell (appelés les "quatre grands"), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Hüls et BASF AG en Allemagne et le producteur autrichien Chemie Linz AG. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977: Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 % à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (1977-1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité soit par des pertes substantielles, en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène. Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri SpA détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries plc, le groupe Shell et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Huels, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.
3 Le groupe Shell faisait partie des producteurs approvisionnant le marché avant 1977 et est un des "quatre grands". Sa part de marché se situait entre environ 10,7 et 11,7 %.
4 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n° 17"), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le marché communautaire:
- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO");
- BASF AG (ci-après "BASF");
- DSM NV (ci-après "DSM");
- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules");
- Hoechst AG (ci-après "Hoechst");
- Chemische Werke Hüls (ci-après "Huels");
- Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI");
- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte");
- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell");
- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay");
- BP Chimie (ci-après "BP").
Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après "Rhône-Poulenc"), ni chez Enichem Anic SpA.
5 A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après "demandes de renseignements"), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes:
- Amoco;
- Chemie Linz AG (ci-après "Linz");
- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil");
- Petrofina SA (ci-après "Petrofina");
- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic").
Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.
6 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure que, entre 1977 et 1983, les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou pourcentages convenus. C'est ainsi que, le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.
7 Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé que, au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.
8 Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.
9 Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), Anic, ICI et Rhône-Poulenc (qui estimaient n'avoir pas été en mesure de préparer leur dossier).
10 Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient pouvoir, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu n'avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Hüls a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.
11 C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions, et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.
12 Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.
13 Une seconde session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985 Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.
14 Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.
15 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant:
"Article premier
Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Hüls (actuellement Hüls AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant:
- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983,
- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980,
- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins,
- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins,
- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins,
- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins,
- pour BASF, DSM et Huels, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins,
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du marché commun:
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale,
b) ont fixé périodiquement des prix ciblé (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté,
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'account management ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers,
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles,
e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un quota annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptibles d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er:
i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT,
ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF,
iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM,
iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL,
v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR,
vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM,
vii) Hüls AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM,
viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL,
ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT,
x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT,
xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR,
xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF,
xiii) Shell International Chemical Co Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL,
xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR,
xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.
Articles 4 et 5
(omissis)"
16 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, compléments et suppressions de textes demandés par les entreprises, leur a été envoyé.
La procédure
17 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 5 août 1986, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89, T-6-89 à T-10-89 et T-12-89 à T-15-89).
18 La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.
19 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988" JO L 319, p 1).
20 En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.
21 Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.
22 Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.
23 Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.
24 Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.
25 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.
26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.
28 L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.
Les conclusions des parties
29 La société Shell International Chemical Company Ltd conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
1) annuler la décision de la Commission du 23 avril 1986 (IV-31149-Polypropylène), dans la mesure où elle concerne la requérante,
2) ou annuler l'amende ou en réduire considérablement le montant,
3) condamner la Commission à payer les dépens de la requérante.
La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
- rejeter le recours
- condamner la requérante aux dépens.
Sur le fond
30 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait manqué à son devoir d'impartialité dans l'élaboration de la décision (1), en ce que la Commission aurait omis de communiquer à la requérante des documents sur lesquels elle a fondé la décision (2) et en ce que tous les griefs retenus à l'encontre de la requérante dans la décision n'auraient pas fait l'objet de la communication des griefs (3) en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction, qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2) en troisième lieu, les griefs relatifs à l'imputabilité de l'infraction à la requérante en quatrième lieu, les griefs relatifs à la motivation en cinquième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende, qui serait partiellement prescrite (1) et qui ne serait adéquate ni à la durée (2) ni à la gravité (3) de l'infraction alléguée.
Sur les droits de la défense
1 Manque d'impartialité dans l'élaboration de la décision
31 La requérante fait valoir que, jusqu'en 1985, l'organisation interne de la Commission réduisait le risque de partialité et d'iniquité dans ses délibérations puisque, dès le stade préliminaire de la procédure, la fonction d'enquête était distincte de la fonction de poursuite. Or, au cours de la procédure administrative menée en l'espèce, la direction générale de la concurrence aurait été réorganisée de telle manière que le même fonctionnaire aurait été chargé d'agir en tant qu'enquêteur/inspecteur et examinateur/rapporteur. Les garanties d'impartialité et d'équité auraient ainsi disparu.
32 Elle ajoute, dans sa réplique, que - contrairement à ce qu'affirme la Commission - le nouveau système mis en place n'offre pas nécessairement toutes les garanties souhaitables, qu'ayant été mis en place en 1985 il a pu ne pas être appliqué en l'espèce et que, en tout cas, il n'a pas pu remédier à l'absence de séparation des fonctions dès le stade préliminaire. La requérante cite des exemples tirés de la décision, dont il ressortirait que les inconvénients de cette réorganisation ne sont pas purement hypothétiques, puisqu'ils montreraient que la Commission a notamment interprété certains documents de manière partielle ou partiale. Elle expose, enfin, que la Commission ne prétend pas que le nouveau système a été appliqué à l'ensemble de la présente procédure.
33 La requérante soutient que, vu cette réorganisation de la direction générale de la concurrence, elle attachait une importance particulière à la possibilité d'être entendue effectivement dans le cadre de la procédure administrative. Mais le conseiller-auditeur chargé d'assurer le bon déroulement des auditions aurait averti les entreprises que, selon les instructions qu'il avait reçues, il ne pourrait pas intervenir de façon efficace après l'audition s'il estimait que le projet de décision était entaché d'erreurs ou qu'il allait trop loin et qu'il ne pourrait intervenir après l'audition que sur des questions de procédure. Il aurait demandé des précisions sur son rôle, mais n'en aurait obtenu aucune il se trouvait, selon ses dires, dans "une piètre position". Shell a déduit de ces déclarations que le conseiller-auditeur ne serait pas en mesure de protéger efficacement les droits de la défense et de jouer son rôle de médiateur impartial, c'est-à-dire d'exercer effectivement les fonctions que lui confère son mandat dont les termes figurent dans le Treizième rapport de la Commission sur la politique de concurrence. C'est pourquoi, malgré toutes les dispositions qu'elle avait prises à cet effet, la requérante a dû renoncer à participer aux auditions, de crainte de s'exposer au risque sérieux que ses déclarations soient mal interprétées ou utilisées contre elle par une administration dont l'objectivité avait été compromise. Elle relève, enfin, que la Commission ne conteste pas l'exactitude de la version qu'elle donne de la déclaration faite par le conseiller-auditeur.
34 La Commission explique, pour sa part, que la réorganisation de la direction générale de la concurrence opérée en 1985 avait pour but d'allier, de manière optimale, efficacité et impartialité. Ainsi, les garanties d'objectivité, d'impartialité et de cohérence auraient été accrues par la création d'une nouvelle direction chargée de coordonner la prise de décision et de veiller à ce que les décisions portant sur le même type de comportements anticoncurrentiels dans les différents secteurs soient compatibles entre elles. Cette réorganisation aurait été décrite dans les Quatorzième et Quinzième rapports de la Commission sur la politique de concurrence.
35 Elle relève, dans sa duplique, qu'il n'est pas exact que la présente affaire ait été traitée par les mêmes fonctionnaires du début à la fin de la procédure administrative, puisque plus de 20 personnes se seraient occupées de son instruction. Reprenant les exemples cités par la requérante pour illustrer un prétendu manque d'impartialité de la Commission, elle fait valoir que ces exemples se réfèrent à une phase de la procédure postérieure à la communication des griefs et que, par conséquent, ils ne peuvent servir à étayer la thèse selon laquelle l'absence de séparation des fonctions d'enquêteur et de rapporteur serait nocive. Elle ajoute que ces exemples ne permettent pas non plus de conclure que la Commission aurait effectué une analyse erronée des faits ou des documents et encore moins qu'une telle analyse serait due à l'organisation interne du travail de la Commission.
36 La Commission rappelle l'objectif poursuivi par l'institution du conseiller-auditeur et détaille les termes du mandat dont il est chargé. Au vu de ces considérations, elle fait observer que la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que la procédure suivie en l'espèce n'a pas été correcte. Elle relève que l'affirmation de la requérante selon laquelle tout ce qu'elle aurait pu dire lors de l'audition aurait été "utilisé contre elle" et selon laquelle les informations orales qui auraient pu être fournies à cette occasion ne seraient pas utilisées de manière objective constitue un pur procès d'intention gratuit et injuste. Elle ajoute que, puisque la requérante n'a pas voulu bénéficier d'une audition, elle est malvenue à faire valoir que l'intervention du conseiller-auditeur aurait permis d'éviter les prétendues erreurs qui figurent dans la décision.
37 Le Tribunal constate, à titre liminaire, que dans sa requête la requérante soutient qu'il a été porté atteinte à ses droits de la défense par la modification de l'organisation interne des services de la Commission et l'abandon des garanties d'impartialité offertes par l'ancienne procédure liée à cette organisation. Dans sa réplique, la requérante soutient qu'il n'est pas certain que la nouvelle organisation et la nouvelle procédure offrent toutes les garanties d'impartialité que la Commission leur attribue dans son mémoire en défense, mais elle affirme désormais qu'elle n'a pas pu bénéficier des garanties offertes par la nouvelle procédure puisque celle-ci n'a pas été appliquée en l'espèce.
38 Il y a lieu de considérer, pour surmonter l'apparente contradiction qui réside dans l'argumentation de la requérante qui se plaint successivement de ne pas s'être vu appliquer l'ancienne procédure et de n'avoir pas bénéficié de la nouvelle non plus, que la requérante considère que ses droits de la défense ont été violés parce que, la réorganisation des services de la Commission étant intervenue durant le déroulement de la procédure administrative qui a conduit à l'adoption de l'acte attaqué, elle s'est vu appliquer successivement l'ancienne et la nouvelle procédure, ce qui aurait abouti à vider chacune de ces procédures des garanties qu'elles offrent séparément.
39 Le Tribunal considère que le fait que certains fonctionnaires de la Commission soient intervenus dans la procédure administrative à la fois comme enquêteurs et comme rapporteurs n'entache pas la décision d'illégalité. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour que la Commission ne saurait être qualifiée de "tribunal" au sens de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme. Toutefois, lors de la procédure administrative devant la Commission, celle-ci est tenue de respecter les garanties procédurales prévues par le droit communautaire. C'est ainsi que l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 oblige la Commission, avant de prendre une décision, à donner aux intéressés l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs qu'elle a retenus à leur égard. C'est ainsi également que, dans son règlement n° 99-63-CEE, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p 2268), la Commission a institué une procédure de caractère contradictoire comportant une communication des griefs par la Commission, la possibilité donnée aux entreprises de répondre par écrit à cette communication dans un délai déterminé et, le cas échéant et surtout dans les affaires où la Commission envisage d'infliger des amendes, une audition. Aux termes de l'article 4 dudit règlement de la Commission, celle-ci ne peut, dans ses décisions, retenir contre les entreprises destinataires que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue. Ces dispositions font application d'un principe fondamental du droit communautaire qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure, même de caractère administratif, et qui implique notamment que l'entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l' appui de son allégation de l'existence d'une infraction au traité CEE (arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française/Commission, points 7 à 10, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825).
40 Toutefois, le Tribunal constate que les garanties procédurales prévues par le droit communautaire n'imposent pas à la Commission de se doter d'une organisation interne empêchant qu'un seul et même fonctionnaire puisse agir dans une même affaire en qualité d'enquêteur et de rapporteur.
41 Il s'ensuit que, si le grief tiré de l'organisation interne de la Commission ne peut être accueilli en tant que tel, le droit communautaire contient tous les éléments nécessaires pour examiner les griefs pris de violations des droits de la défense de la requérante et leur faire droit le cas échéant.
42 Par ailleurs, force est de relever que la requérante n'a pas pu préciser en quoi les violations de ses droits de la défense et les erreurs de faits dont elle allègue l'existence devaient être imputées à la réorganisation incriminée de la direction générale de la concurrence.
43 Le Tribunal relève, en outre, que les dispositions pertinentes du mandat du conseiller-auditeur, qui a été annexé au Treizième rapport sur la politique de concurrence, sont les suivantes:
"Article 2
Le conseiller-auditeur a pour mission d'assurer le bon déroulement de l'audition et de contribuer par là au caractère objectif tant de l'audition que de la décision ultérieure éventuelle. Il veille notamment à ce que tous les éléments pertinents, qu'ils soient favorables ou défavorables aux intéressés, soient dûment pris en considération dans l'élaboration des projets de décision de la Commission en matière de concurrence. Dans l'exercice de ses fonctions, il veille au respect des droits de la défense, tout en tenant compte de la nécessité d'une application efficace des règles de concurrence, en conformité avec les règlements en vigueur et les principes retenus par la Cour de justice.
Article 5
Le conseiller-auditeur fait rapport au directeur général de la concurrence sur le déroulement de l'audition et sur les conclusions qu'il en tire. Il formule ses observations sur la poursuite de la procédure. Ces observations peuvent concerner, entre autres, la nécessité d'un complément d'information, l'abandon de certains points de griefs ou la communication de griefs supplémentaires.
Article 6
Dans l'exercice des fonctions définies à l'article 2 ci-avant, le conseiller-auditeur peut, s'il l'estime approprié, saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence lorsqu'est soumis à ce dernier l'avant-projet de décision destiné au comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.
Article 7
Le cas échéant, le membre de la Commission chargé des questions de concurrence peut décider, sur demande du conseiller-auditeur, de joindre l'avis final émis par celui-ci au projet de décision dont est saisie la Commission, de manière à garantir que celle-ci, lorsqu'elle se prononce sur une affaire individuelle en tant qu'instance décisionnelle, soit pleinement informée de tous les éléments de l'affaire".
44 Les déclarations que la requérante prête au conseiller-auditeur constituaient, de la part de ce dernier, des procès d'intention faits à la Commission et dépassaient dès lors le cadre de son mandat. La requérante ne peut justifier son refus de participer aux auditions en se prévalant de ces procès d'intention et prétendre ensuite que ses droits de la défense ont été violés.
45 Le grief doit, dès lors, être rejeté.
2 Omission de communiquer des documents lors de la communication des griefs
46 La requérante énumère au fil de ses mémoires un certain nombre de documents ou de séries de documents sur lesquels la Commission aurait omis d'attirer son attention lors de la communication des griefs et sur lesquels elle aurait fondé la décision. Elle considère que la Commission l'a ainsi mise dans l'impossibilité de s'expliquer sur le contenu de ces documents et a ainsi violé les droits de la défense.
47 Parmi ces documents, la requérante relève qu'un document prétendument découvert chez Solvay, daté du 6 septembre 1977 et faisant état d'une réunion entre un employé de Solvay et un employé de la requérante (décision, point 16, avant dernier alinéa), et une série de documents recueillis chez ATO, relatifs à l'échange de renseignements sur les livraisons effectuées par les producteurs français et à l'application de quotas sur le marché français en 1979 (décision, point 15, sous h)), ne sont ni mentionnés dans les communications de griefs qui lui ont été adressées ni annexés à celles-ci.
48 Elle expose encore que deux autres documents que Shell a fournis à la Commission en annexe à sa réponse à la communication des griefs, ont été retenus contre elle dans la décision sans qu'elle ait pu s'expliquer sur leur contenu, puisqu'elle ne savait pas qu'ils pourraient être retenus contre elle. Il s'agit de deux comptes rendus de réunions internes de Shell tenues respectivement les 5 juillet et 12 septembre 1979 (décision, points 29 et 31).
49 La requérante conclut que, la Commission ne lui ayant pas permis de formuler des observations sur la valeur probante de ces documents, elle en a tiré des conclusions erronées, notamment en omettant de prendre en considération les éléments à décharge que ces documents pouvaient contenir. A cet égard, elle observe que les documents découverts chez ATO ne mentionnent pas Shell Chimie (France) et soutient que ce silence prouve que les sociétés Shell n'ont pas participé aux arrangements en matière de quotas. Elle affirme ensuite que le document découvert chez Solvay ne contient aucune référence à des accords de prix et que cela dément la conclusion de tels accords en 1977.
50 Par ailleurs, elle fait valoir que dans la décision la Commission utilise deux documents à l'appui de griefs différents de ceux qu'ils étaient supposés étayer dans la communication des griefs. Il s'agit, d'une part, d'une note interne de Shell, datée du 20 octobre 1982, faisant état d'une réunion interne de Shell du 7 septembre 1982 qui aurait été utilisée dans la communication spécifique des griefs adressée à la requérante, dont elle constitue l'annexe 30, pour établir l'existence d'un accord de prix à la fin de l'année 1982, alors que la décision ferait référence à ce document en son point 68, deuxième alinéa, pour affirmer que la requérante faisait partie des "leaders" de l'entente et qu'elle a conclu un accord de prix et/ou de quotas avec les trois autres soi-disant "leaders" à la fin de l'année 1982. Il s'agit, d'autre part, d'un document intitulé "PP W Europe Pricing" interne à Shell (communication spécifique des griefs adressée à Shell, annexe 49, ci-après "ann., g SC"), auquel la Commission aurait fait référence dans la communication spécifique des griefs adressée à la requérante en vue d'établir sa participation à un accord de quota pour 1983, alors que, au point 49 de la décision, elle utiliserait ce document pour établir la participation de Shell à un accord de prix en juillet 1983. La requérante fait valoir que, étant donné qu'il est impossible à une entreprise accusée par la Commission de violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE d'inventorier chaque document annexé à la communication des griefs et d'exposer chaque conclusion qui, à son avis, ne pourrait pas être tirée de ce document, la Commission ne peut pas, dans la décision, utiliser les documents mentionnés dans la communication des griefs à l'appui de griefs différents de ceux à l'appui desquels ils étaient invoqués dans cette communication.
51 La Commission affirme, de son côté, qu'elle a permis à la requérante de prendre utilement position sur l'ensemble des documents qui la concernaient et qui pouvaient être retenus contre elle. C'est ainsi qu'elle expose que les documents découverts chez ATO soit ne faisaient que confirmer des documents découverts chez ICI et lui ont été communiqués, soit ne concernaient pas Shell et ne devaient donc pas lui être communiqués.
52 Elle fait valoir que le document de Solvay mentionné au point 16, cinquième alinéa, de la décision a été rendu accessible à la requérante lors de la procédure d'accès au dossier et qu'elle en a pris copie à cette occasion. Elle ajoute que ce document est utilisé principalement dans la décision pour établir la date à laquelle Solvay a commencé à participer aux discussions sur les prix et que, accessoirement, il confirme que des discussions avaient lieu à l'époque à ce sujet.
53 En ce qui concerne les deux documents internes de Shell du 5 juillet et du 12 septembre 1979, la Commission fait observer que le premier ne fait que confirmer un détail relatif au calendrier des initiatives de prix de 1979 et que, ayant été produit par la requérante elle-même, celle-ci devait se rendre compte de l'importance de ce document et donc le commenter spontanément il en serait de même pour le second de ces documents.
54 La Commission expose, enfin, à propos de l'utilisation du document intitulé "PP W Europe Pricing" à l'appui de griefs autres que ceux à l'appui desquels il était mentionné dans la communication des griefs, qu'il est exact que ce document n'était spécifiquement cité dans les communications des griefs adressées à la requérante qu'en relation avec la détermination des quotas pour 1983, alors que dans la décision il est utilisé pour prouver la participation de la requérante à l'initiative de prix de juillet 1983. Elle considère toutefois que, en raison du lien étroit unissant ces deux éléments, la requérante aurait dû se rendre compte de ce que la mention dans ce document d'un "objectif pour juillet" pourrait être retenue contre elle.
55 Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que ce qui importe ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu'en a tirées la Commission et que, si ces documents n'ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l'entreprise concernée a pu à juste titre estimer qu'ils n'avaient pas d'importance aux fins de l'affaire. En n'informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans la décision, la Commission l'a empêchée de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents. Il s'ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne(arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, point 27, 107-82, Rec. p. 3151, et voir en dernier lieu l'arrêt du 3 juillet 1991, AKZO Chemie/Commission, point 21, C-62-86, Rec. p. I-0000).
56 En l'espèce, il y a lieu de relever que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans la lettre du 29 mars 1985 ou ceux annexés à celles-ci sans y être spécifiquement mentionnés peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire. En ce qui concerne les documents annexés aux communications des griefs mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent être retenus dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement à partir des communications des griefs les conclusions que la Commission entendait en tirer.
57 Par conséquent, le Tribunal considère que le document découvert chez Solvay daté du 6 septembre 1977, mentionné au point 16, avant-dernier alinéa, de la décision, et les documents recueillis chez ATO, mentionnés au point 15, sous h), de la décision, ne peuvent pas être opposés à la requérante comme moyens de preuve. Cela ne saurait cependant pas empêcher la requérante de les utiliser comme éléments de preuve à décharge.
58 La question de savoir si ces derniers documents constituent le support indispensable des constatations de fait que la Commission a opérées à l'encontre de la requérante dans la décision relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de ces constatations.
59 Par contre, les deux comptes rendus de réunions internes de Shell que celle-ci avait annexés à sa réponse à la communication des griefs et qui sont mentionnés aux points 29 et 31 de la décision doivent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire. La requérante ne pouvait ignorer que, en produisant ces documents dans le cadre de la procédure administrative, elle encourait le risque de voir la Commission les retenir comme éléments de preuve à son encontre. En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, point 68, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125) que la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu'en droit son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient. Cette dernière possibilité n'est pas en contradiction avec le principe des droits de la défense sanctionné par l'article 4 du règlement n° 99-63.
60 Par conséquent, la Commission pouvait parfaitement retenir, à l'appui des griefs déjà portés à la connaissance de la requérante, des documents que celle-ci avait fournis dans le cadre de la procédure administrative.
61 En ce qui concerne l'utilisation dans la décision de l'annexe 30 à la communication spécifique des griefs adressée à la requérante à l'appui de griefs autres que ceux qu'ils étaient supposés étayer dans ladite communication des griefs, il importe de faire remarquer que le premier de ces documents constitue l'annexe 100 à la communication générale des griefs (ci-après "g. g. ann.") et que cette annexe est utilisée dans celle-ci (point 124) à l'appui des griefs liés au rôle particulier joué par les "quatre grands", comme c'est le cas au point 68, deuxième alinéa, de la décision.
62 L'annexe 49 à la communication spécifique des griefs, qui est mentionnée au point 49 de la décision à l'appui du grief pris de la conclusion d'un accord de prix en juillet 1983, alors que dans la communication spécifique des griefs elle était utilisée pour établir la participation de Shell à un accord de quotas, ne peut être retenue dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement, à partir des communications des griefs et du contenu des documents, les conclusions que la Commission entendait en tirer. Or, en l'espèce, il y a lieu de constater, d'une part, que la communication spécifique des griefs adressée à la requérante fait état de la participation de Shell à l'initiative de prix des mois de juin et juillet 1983 (p. 8, sous h) et que la communication générale des griefs en fait état en son point 74 et, d'autre part, que les deux premières phrases dudit document permettaient à la requérante de déduire raisonnablement les conclusions que la Commission entendait en tirer à l'appui des griefs qu'elle avait formulés. En effet, on peut lire dans ce document:
"Despite 100 % loading of W European PP effective industrial production capacity, prices have generally fallen from 185-195 DM/kg ('marker' grade-tape, raffia) in December 1982 to approx 170 DM (gross) in May, June 1983.
This paper provides data on PP supply, demand and pricing to show the cost to the Group of failing to use the present opportunity for a general increase of prices"
("Malgré une exploitation à 100 % de la capacité de production industrielle effective de polypropylène en Europe occidentale, les prix sont généralement tombés de 1,85-1,95 DM/kg (bande de qualité 'marker', raphia) en décembre 1982 à environ 1,70 DM (brut) en mai-juin 1983.
La présente note comporte des informations sur l'approvisionnement, la demande et la formation des prix du polypropylène afin de montrer au groupe ce qu'il en coûterait de ne pas tirer parti de l'occasion présente pour procéder à une augmentation générale des prix").
63 Il s'ensuit que la Commission pouvait utiliser ce document à l'appui du grief pris de la conclusion d'un accord de prix en juillet 1983.
3 Griefs nouveaux
64 La requérante fait valoir, dans le cours de son argumentation relative à l'établissement des faits, que la Commission a formulé dans la décision un certain nombre de griefs qui n'avaient pas été articulés dans les communications des griefs qui lui ont été adressées. Il en serait ainsi de la prétendue participation de Shell à une initiative de prix en juillet 1979 (point 30 de la décision) ainsi que de sa participation à des réunions en 1981, participation dont la Commission fait état pour étayer le grief qu'elle tire du rôle joué par les "quatre grands" producteurs dont la requérante faisait partie (points 19, 57, 67, 68, 78 et 109 de la décision).
65 La Commission, de son côté, fait valoir que l'ensemble des griefs retenus dans la décision avaient été formulés soit dans la communication générale des griefs soit dans la communication spécifique des griefs adressée à la requérante ou encore dans la lettre du 29 mars 1985.
66 Le Tribunal constate que le grief retenu au point 30 de la décision a été mentionné dans l'annexe A à la lettre du 29 mars 1985 adressée par la Commission à la requérante (ci-après "ann. A, lettre du 29 mars 1985") pour préciser et compléter les communications des griefs antérieures.
67 En ce qui concerne l'évocation, aux points 19, 57, 67, 68, 78 et 109 de la décision, de la participation de Shell à des réunions en 1981 avec ICI et Monte, évocation que la Commission utilise pour démontrer le rôle particulier joué par la requérante dans la direction de l'entente, il y a lieu de relever qu'elle n'est en rien nouvelle puisqu'il en est fait expressément mention, sous le titre "Rôle particulier des "quatre grands", au point 118 de la communication générale des griefs, qui est individuellement opposable à la requérante, ainsi qu'au point 2, sous a), de la communication spécifique des griefs qui lui a été adressée.
68 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
Sur l'établissement de l'infraction
69 Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques. Elle ajoute qu'un tel comportement peut tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial. A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc assumer certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (point 87, troisième alinéa).
70 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives à l'accord sur les prix-planchers de 1977 (A), aux contacts de la requérante avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts" (B), aux initiatives de prix, aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et à la fixation de tonnages-cibles et de quotas (C) pour les années 1979 et 1980 (C1), pour l'année 1981 (C2), pour l'année 1982 (C3) et pour l'année 1983 (C4), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b), avant de les apprécier (c) il y a lieu d'apprécier ensuite le bien-fondé des arguments généraux relatifs aux constatations de fait présentés par la requérante (D) et il convient de contrôler, enfin, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits.
1 Les constatations de fait
A - L'accord sur les prix-planchers
a) Acte attaqué
71 La décision (point 16, premier, deuxième et troisième alinéas voir aussi le point 67, premier alinéa) indique que, au cours de l'année 1977, après l'apparition de sept nouveaux producteurs de polypropylène en Europe occidentale, les producteurs en place ont entamé des discussions pour tenter d'éviter une chute brutale des prix et les pertes qui s'ensuivraient. Dans le cadre de ces discussions, les principaux producteurs, Monte, Hoechst, ICI et Shell auraient pris l'initiative d'un "accord sur les prix-planchers" qui devait entrer en vigueur le 1er août 1977. L'accord initial n'aurait comporté aucune régulation des volumes, mais, en cas de réussite, certaines restrictions de tonnages auraient été prévues pour 1978. Cet accord aurait dû être appliqué pendant une période initiale de quatre mois et les modalités de cet accord auraient été communiquées aux autres producteurs, et notamment à Hercules, dont le directeur du marketing relevait comme prix-planchers pour les principales qualités, par État membre, un cours indicatif de 1,25 DM/kg pour la qualité raphia.
72 Selon la décision (point 16, cinquième alinéa), ICI et Shell admettent avoir eu des contacts avec d'autres producteurs pour étudier les moyens de juguler la chute des prix. D'après ICI, il est possible qu'une suggestion ait été émise quant à un niveau de prix en dessous duquel il serait interdit de descendre. ICI et Shell confirmeraient que la discussion n'était pas limitée aux "quatre grands". Un document daté du 6 septembre 1977, découvert chez Solvay, indiquerait qu'une réunion s'est tenue le 30 août 1977 entre Solvay et Shell. La décision relève que, si Hercules était bien informée des résultats des discussions sur les prix, l'identité des autres producteurs impliqués dans ces discussions n'a cependant pas pu être établie. Elle ajoute (point 78, troisième alinéa) toutefois que l'initiative prise le 1er décembre 1977 par Monte, Hoechst, ICI et Shell a bénéficié du soutien exprès d'au moins cinq autres producteurs. Aucun détail précis n'aurait pu être obtenu quant au fonctionnement de l'accord sur les prix-planchers. Toutefois, en novembre 1977, alors que le prix du raphia était, semble-t-il, tombé aux alentours de 1 DM/kg. Monte aurait annoncé son intention de le porter à 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre et, le 25 novembre, la presse spécialisée aurait fait part du soutien apporté par les trois autres grands à cette initiative et de leur intention de procéder à des hausses similaires à la même date ou en décembre.
73 La décision (point 17, premier et deuxième alinéas) relève que c'est à peu près à ce moment qu'a débuté le système des réunions périodiques des producteurs de propylène et qu'ICI soutient qu'aucune réunion n'a eu lieu avant décembre 1977, mais admet que les producteurs maintenaient déjà le contact entre eux auparavant, probablement par téléphone et lorsque la nécessité s'en faisait sentir. Shell aurait admis la possibilité que ses cadres supérieurs "aient discuté des prix avec Montedison en novembre 1977 ou aux alentours de cette date et que Montepolimeri ait fait mention d'une éventuelle majoration des prix et suscité la réaction (de Shell) à cette éventualité". Elle en déduit que Shell fait partie des producteurs qui, dans la foulée de l'accord sur les prix-planchers ont pris une initiative pour le 1er décembre 1977 (point 78, troisième alinéa). La décision (point 17, troisième alinéa) expose que, s'il n'existe aucune preuve directe que des réunions de groupe aient eu lieu avant décembre 1977 pour fixer les prix, les producteurs informaient déjà une association professionnelle de clients, la European Association for Textile Polyolefins (ci-après EATP), lors de ses réunions de mai et novembre 1977, de la nécessité qu'ils percevaient d'organiser une action commune pour améliorer le niveau des prix. Dès mai 1977, Hercules aurait souligné que l'initiative devrait venir des "chefs de file traditionnels" du secteur, tandis que Hoechst aurait laissé entendre que, à son avis, les prix devaient être relevés de 30 à 40 %.
74 C'est dans ce contexte que la décision (points 17, quatrième alinéa, 78, troisième alinéa, et 104, deuxième alinéa) fait grief à un certain nombre de producteurs, parmi lesquels ne figure pas la requérante, d'avoir déclaré qu'ils soutiendraient l'annonce faite par Monte, par voie d'un article paru le 18 novembre 1977 dans la presse spécialisée (European Chemical News, ci-après ECN), de son intention de porter le prix du raphia à 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre. Les différentes déclarations faites à cet égard lors de la réunion de l'EATP tenue le 22 novembre 1977, telles quelles ressortent du compte rendu, indiqueraient que le prix de 1,30 DM/kg fixé par Monte avait été adopté par les autres producteurs comme objectif pour le secteur tout entier.
b) Arguments des parties
75 La requérante explique que, pour démontrer l'existence de ce prétendu accord sur les prix-planchers, la Commission s'appuie sur une seule note manuscrite préparée par le directeur du marketing d'Hercules, au cours de la première moitié de 1977 (g. g. ann. 2). Cette note que la requérante a qualifiée lors de l'audience de "scrappy handwritten note" ("gribouillis") ne saurait être retenue à titre de preuve en raison des conditions de son élaboration, de l'ambiguïté de son contenu et des difficultés que suscite son interprétation. En effet, dans sa réponse à la demande de renseignements (ann. 1, g. Her.), Hercules aurait laissé entendre que l'auteur de cette note ne se souvenait plus des circonstances dans lesquelles il a préparé ce document, mais qu'il croit qu'il s'agit d'une note prise durant un appel téléphonique d'un autre producteur, "peut-être ICI". En outre, les allégations contenues dans cette note ne seraient rapportées qu'au second degré, sans qu'on puisse identifier les intermédiaires qui pourraient s'être complètement trompés ou avoir répété ce qui n'était qu'une rumeur sur le marché ou encore avoir inventé l'existence de cet accord conclu entre les "quatre grands" dans le dessein de persuader Hercules, nouveau venu soucieux de s'assurer une part du marché, de ne pas pratiquer des prix inférieurs à ceux en vigueur sur le marché.
76 En tout état de cause, elle soutient que les comptes rendus des réunions internes de Shell montrent que les sociétés du groupe Shell menaient à la même époque une politique commerciale de "key-accounts" (clients-clés) totalement incompatible avec la conclusion ou l'exécution d'un accord en matière de prix. De plus, il ne serait pas prouvé que des producteurs aient tenté de mettre en œuvre le prétendu prix plancher.
77 La requérante rappelle que le document découvert chez Solvay, indiquant que Solvay et Shell SA, sa société d'exploitation belge, se sont réunies le 30 août 1997 pour discuter du prix du polypropylène, ne peut être retenu contre elle dans le cadre de la présente procédure et que, en outre, il ne démontre nullement l'existence d'accords illicites sur les prix. Son contenu établirait même le contraire puisqu'il ne contiendrait aucune référence à de tels accords. Elle fait valoir, en outre, que c'est au prix d'une citation sélective et partiale de la réponse de Shell à la communication des griefs que la Commission prétend en inférer la participation de Shell au prétendu accord sur les prix-planchers.
78 Elle souligne, par ailleurs, que, contrairement à la communication des griefs, la décision ne s'appuie plus sur les déclarations faites par Shell lors des réunions de l'EATP, mais seulement sur des discussions relatives au prix qui auraient eu lieu entre Shell et Monte, et sur une déclaration de Shell dans ECN (g. g. ann. 3.), où elle se déclarait favorable à une hausse des prix à la suite de l'annonce d'une hausse de prix en novembre 1977. Ces deux derniers éléments seraient manifestement insuffisants, selon la requérante, pour conclure à une violation de l'article 85, paragraphe 1, par les sociétés Shell en novembre 1977.
79 La requérante fait valoir, enfin, dans sa réplique, que la Commission ne saurait prétendre devant le Tribunal que l'accord de novembre 1977 n'était en réalité que la mise en œuvre tardive du prétendu accord sur les prix-planchers conclu au milieu de l'année 1977. En effet, une telle allégation n'aurait jamais été formulée ni lors de la procédure administrative ni dans la décision et serait en tout état de cause injustifiée, puisque l'accord allégué du milieu de l'année 1977, fixant les prix à 1,25 DM/kg, concernait "l'arrêt des pertes" et devait être mis en œuvre le 1er août, tandis que l'accord de novembre visait à porter les prix à 1,30 DM/kg pour le 1er décembre. Elle souligne, à cet égard, que la Commission reste en défaut d'apporter la preuve d'un lien entre ces deux prétendus accords.
80 La Commission explique, de son côté, que la note du directeur du marketing d'Hercules (g. g. ann. 2) n'est pas le seul document sur lequel elle s'appuie pour établir l'existence de l'accord sur les prix-planchers et que cette note doit être replacée dans un contexte marqué par des contacts entre Shell et d'autres producteurs au sujet de la fixation des prix, contacts dont Shell aurait reconnu l'existence dans sa réponse à la communication des griefs (points 3.10 à 3.15). Compte tenu de ce contexte, la Commission aurait pu considérer que cette note prouvait de manière fiable, précise et détaillée l'existence d'un accord sur les prix-planchers, même si ce n'était pas ICI mais un autre producteur qui avait informé Hercules. Quant au document découvert chez Solvay, la Commission rappel qu'il est utilisé dans la décision principalement pour établir la date à laquelle Solvay a commencé à participer aux discussions sur les prix et qu'il confirme que des discussions avaient bel et bien eu lieu à ce sujet, comme l'aurait d'ailleurs admis la requérante.
81 Elle expose que les documents censés prouver un comportement concurrentiel de Shell ne sont pas pertinents, car elle estime être en droit d'utiliser des documents faisant état d'une entente même s'ils s'accompagnent de dénégations et de pièces faisant apparaître une importance concurrence.
82 La Commission soutient, par ailleurs, en ce qui concerne l'accord de novembre 1977, qu'après avoir établi que Shell avait participé à l'accord sur les prix-planchers la décision ne procède pas à la constatation d'une initiative de prix séparée en novembre 1977, mais constate simplement que l'accord sur les prix-planchers a été mis en œuvre en plusieurs étapes. Elle en veut pour preuve que la décision (points 16 et 17) reprend globalement l'accord initial sur les prix-planchers et l'initiative de novembre 1977 sous une même rubrique intitulée "l'accord initial sur les prix-planchers" et qu'elle ne les a donc pas séparés.
83 Elle explique, enfin, la différence de cible (1,25 DM/kg pour l'été et 1,30 DM/kg pour novembre) par le fait que Monte, constatant une chute des prix à 1 DM/kg, a réalisé dans l'intervalle que des efforts considérables seraient nécessaires pour atteindre le niveau souhaité. C'est pourquoi elle aurait fixé un objectif quelque peu supérieur au prix quelle espérait voir atteint.
c) Appréciation du Tribunal
84 Le Tribunal constate que la requérante a indiqué, dans sa réponse à la communication des griefs, que:
SICC/SCITCO has made enquiry of executives concerned with polypropylene in 1977. There is no record or recollection or such agreement (the alleged floor-price agreement in June 1977). On the basis of these enquiries, it appears likely that views were exchanged in 1977 with other producers, including Montepolimeri (then Montedison), Hoechst and ICI as to how the sharp fall in prices might be checked. SICC may have urged operating companies not to sell below a price corresponding with variable cost. Shell operating compagnies however, were not prepared to lose market share to give effect to any such recommandation, for at time they were following a policy of key-accounts" ... SICC does not accept that any discussions between producers in mid-1977 were limited to the "Big Four" ... (g. g. ann. 2) itself makes clear that other companies were involved. Any such discussions were not in any way connected with subsequent multilateral meetings in the period 1978-1982, which SICC/SCITCO did not attend. With the flood of new capacity in 1977, market conditions were chaotic and producers were incurring serious financial losses. SICC does not know what level of prices may have been considered in any discussions in mid-1977, but the price of 1.25 DM/kg referred to in the Hercules note cited... would have barely covered variable production costs. In any event, as the Commission fairly acknowledges (paragraph 34 of the Statement of Objections), any attempt by producers to implement any such stop-loss" floor-price agreement wholly failed in the face of the continuation of unbridled price competition ... (Concerning) the alleged price initiative of november 1977, again, the same difficulties in reconstructing events many years ago arise as in the case of the alleged floor-price agreement. However, SICC's researches indicate that executives from the service company may have had discussions concerning price with Montepolimeri in or about november 1977 and may Montepolimeri may have suggested the possibility of increasing prices and may have sought SICC's views on its reactions to any increase. Shell companies continued to lose heavily on their polypropylene businesses; SICC's policy was to nued to lose heavily on their polypropylene businesses; SICC's policy was to recommend the operating companies to support any moves towards increasing prices that would enable losses to be reduced but it recognised that other producers, particularly new entrants, would be likely to hold prices at uneconomic levels to win market share. In that event, Shell operating compagnies were obliged to meet competitors offers to retain their market share and to ensure a minimum acceptable loading or the Shell polypropylene plants in Western Europe. For that reason an because of the Shell Group structure SICC could not give Montepolimeri or any producer a commitment that operating companies would sell at increased prices."
SICC/SCITCO a effectué une enquête auprès des dirigeants concernés par le secteur du polypropylène en 1977. Nul ne se souvient d'un tel accord (l'accord sur le prix plancher prétendument conclu en juin 1977) et il n'en existe pas de trace écrite. Sur la base de cette enquête, il semble probable que des échanges de vues sur la manière de contrôler la chute brutale des prix ont eu lieu en 1977 avec d'autres producteurs, parmi lesquels Montepolimeri (qui s'appelait à l'époque Montedison), Hoechst et ICI. Il est possible que SICC ait invité les sociétés d'exploitation à ne pas vendre à un prix inférieur à un niveau de prix correspondant aux coûts variables. Les sociétés d'exploitation de Shell n'étaient cependant pas disposées à perdre des parts de marché pour se soumettre à une telle recommandation parce qu'à l'époque elles appliquaient une politique de "clients-clés ... SICC" conteste que des discussions entre producteurs au milieu de l'année 1977 auraient été limitées aux "quatre grands" ... (g. g. ann. 2); elle-même indique clairement que d'autres sociétés étaient impliquées: aucune de ces discussions ne présentait le moindre rapport avec des réunions multilatérales qui ont eu lieu par la suite au cours de la période 1978-1982 et auxquelles SICC/SCITCO n'a pas participé. Avec flot de capacité nouvelle apparu en 1977, les conditions du marché étaient chaotiques et les producteurs étaient confrontés à de graves pertes financières.
SICC ne sait pas quel niveau de prix peut avoir été envisagé au cours de discussions au milieu de l'année 1977, mais le prix de 1,25 DM/kg auquel il est fait référence dans la note précitée d'Hercules ... aurait tout juste couvert les coûts variables de production. En tout état de cause, comme la Commission a l'élégance de le reconnaître ... toute tentative des producteurs de mettre en œuvre un quelconque accord de ce type sur des prix-planchers visant à mettre fin aux pertes a totalement échoué en raison de la poursuite dune concurrence débridée sur les prix ...
(En ce qui concerne) l'initiative de prix qui aurait été prise en novembre 1977, on rencontre à nouveau les mêmes difficultés à reconstituer les événements après de nombreuses années que celles qu'on a rencontrées au sujet du prétendu accord sur les prix-planchers. Néanmoins, les recherches effectuées par SICC indiquent qu'il est possible que des dirigeants de la société de service aient eu des discussions sur les prix avec Montepolimeri en novembre 1977 ou aux environs de cette date, que Montepolimeri ait suggéré la possibilité d'augmenter les prix et qu'elle ait demandé à SICC ce qu'elle pensait d'une telle augmentation. Les société Shell ont continué à subir d'importantes pertes dans leur secteur du polypropylène; la politique de SICC était de recommander aux sociétés d'exploitation d'apporter leur soutien à toutes les opérations d'augmentation des prix qui permettraient de réduire les pertes, mais elle a reconnu que d'autres producteurs, et en particulier les nouveaux venus, maintiendraient probablement les prix à des niveaux non rentables afin de gagner des parts de marché. Dans de telles conditions, les sociétés d'exploitation Shell ont été obligées de s'aligner sur les offres de leurs concurrents afin de conserver leur part du marché et d'assurer une exploitation minimale acceptable de la capacité de production des usines de polypropylène Shell situées en Europe occidentale. C'est la raison pour laquelle, et eu égard à la structure du groupe Shell, SICC n'a pas pu donner à Montepolimeri ou à aucun autre producteur l'assurance que les sociétés d'exploitation vendraient à des prix majorés.
85 C'est à la lumière de ces éléments qu'il convient d'examiner la note rédigée par le directeur du marketing d'Hercules (g. g. ann. 2), dans laquelle la Commission voit l'expression d'un concours de volontés entre les "quatre grands". Selon cette note:
Major producers have made agreement (Mont, Hoechst, Shell, ICI) 1. [No] tonnage control; 2. System floor-prices [DOM] less for importers; 3. Floor-prices from July 1. Definitely Aug. 1 st when present contract expire; 4. Importers restrict to 20 % for 1 000 tonnes; 5. Floor-prices for 4 month period only-alternative is for existing; 6. Co. (panies) to meet Octobre. To review progress; 7. Subject (of the) scheme working-Tonnage restrictions would operate next year.
Les principaux producteur (Mont., Hoechst, Shell, ICI) sont convenus des points suivants: 1. Aucun contrôle des tonnages; 2. Système de prix-planchers pour les [DOM] (producteurs nationaux) à l'exception des importateurs; 3. Prix planchers à partir du 1er juillet ou au plus tard au 1er août lorsque les contrats en cour expirent; 4. Les importateurs limitent à 20 % pour 1 000 tonnes; 5. Prix planchers pour une période de quatre mois seulement l'alternative est ce qui existe; 6. Les sociétés doivent se rencontrer au mois d'octobre pour passer en revue les progrès réalisés; 7. Sujet du régime en vigueur - les restrictions de tonnages s'appliqueraient à partir de l'an prochain.
(suit une liste de prix pour trois qualités de polypropylène dans quatre monnaies nationales, dont 1,25 DM/kg pour le raphia).
86 Le Tribunal constate que les indices que la requérante avance pour infirmer la valeur probante de cette note du directeur du marketing d'Hercules ne permettent pas de contredire les conclusions qu'en a tirées la Commission. En effet, le texte de cette note est dépourvu d'ambiguïté et le fait quelle soit mal écrite, non signée et non datée est normal, dès lors qu'il s'agit d'une note prise au cours d'un entretien, vraisemblablement téléphonique, dont l'objet anticoncurrentiel justifiait, pour l'auteur de cette note, que celui-ci laisse le moins de trace possible. L'imprécision des souvenirs de l'auteur de cette note quant aux conditions d'élaboration de celle-ci n'enlève pas à la note sa valeur probante, dès lors que le contenu de celle-ci indique que les informations qu'elle contient ont été fournies par l'un des "quatre grands" sans qu'il soit nécessaire de préciser lequel. Par ailleurs, le fait que ces informations soient rapportées au second degré est sans importance, puisque la Commission utilise explicitement cette note comme un témoignage écrit et contemporain des faits, attestant que des producteurs autres que l'auteur de cette note ont conclu un accord. Enfin, la précision de ces informations ôte toute vraisemblance à l'hypothèse qu'il s'agirait uniquement de rumeurs sur le marché ou d'informations totalement erronées ou inventées de toute pièce.
87 Etant donné, en outre, que la requérante a admis que, à cette époque, les producteurs discutaient des prix, le Tribunal considère que la Commission était en droit de constater qu'un concours de volontés sur la fixation de prix-planchers est intervenu entre plusieurs producteurs, parmi lesquels figure la requérante, sans qu'il soit besoin d'établir si d'autres producteurs que les "quatre grands" ont adhéré à ces prix.
88 Le fait que les prix-planchers convenus n'aient pu être atteints n'est pas de nature à infirmer l'adhésion de la requérante à ces prix, dans la mesure où le Tribunal considère que, à supposer ce fait établi, il tendrait tout au plus à démontrer que les prix-planchers n'ont pas été mis en œuvre. Or, la décision (point 16, dernier alinéa) loin d'affirmer que les prix-planchers ont été atteints, relève que le prix du raphia était tombé aux alentours de 1 DM/kg en novembre 1977.
89 Quant à la question de savoir si la décision allègue qu'il existe un lien entre l'accord sur les prix-planchers et l'initiative de prix de décembre 1977, il y a lieu d'observer qu'il résulte d'une lecture combinée des points 16 et 17, d'une part, et 78 d'autre part, de la décision que celle-ci considère que l'accord sur les prix-planchers et l'initiative de prix de fin 1977 constituent un tout. Elle se fonde en cela sur le fait que Shell avait admis la possibilité que les cadres supérieurs aient discuté des prix avec Montedison en novembre 1977 ou aux alentours de cette date et que Montepolimeri ait fait mention d'une éventuelle majoration des prix et suscité la réaction (de Shell) à cette éventualité, fait dont elle a déduit (point 78, troisième alinéa) que Shell faisait partie des producteurs qui ont pris une initiative pour le 1er décembre 1977, dans la foulée de l'accord sur les prix-planchers.
90 A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a inféré de la réponse de Shell à la communication des griefs combinée avec sa participation à l'accord sur les prix-planchers que Shell avait, dans le prolongement de cet accord, pris cette initiative avec Monte, ICI et Hoechst. En effet, il est permis de déduire de la réponse de Shell que, entre la conclusion de l'accord sur les prix-planchers et l'annonce par Monte dans ECN de son intention d'augmenter ses prix à compter du 1er décembre 1977, Shell a entretenu avec Monte des contacts portant sur des augmentations de prix, puisqu'on peut lire dans cette réponse:
However, SICC's researches indicate that executive from the service company may have had discussions concerning price with Montepolimeri in or about november 1977 and Montepolimeri may have suggested the possibility of increasing prices and may have sought SICC's views on its reactions to any increase.
(Néanmoins, les recherches effectuées par SICC indiquent qu'il est possible que des dirigeants de la société de service aient eu des discussions sur les prix avec Montepolimeri en novembre 1977 ou aux environs de cette date, que Montepolimeri ait suggéré la possibilité d'augmenter les prix et qu'il ait demandé à SICC ce qu'elle pensait d'une telle augmentation.)
91 Face à ces éléments, la requérante n'a pas démontré que, dans le cadre de ces contacts, elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle refusait de participer à toute concertation de ce type.
92 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figure parmi les producteurs entre lesquels sont intervenus des concours de volontés relatifs aux prix-planchers au milieu de l'année 1977 et, dans le prolongement de celui-ci, à un objectif de prix de 1,30 DM/kg pour le 1er décembre 1977.
B- Les contacts de la requérante avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts".
a) Acte attaqué
93 La décision (points 18, 19, troisième alinéa, et 78, trois premiers alinéas) admet que Shell n'assistait pas aux réunions plénières des producteurs de polypropylène rassemblant, d'un côté, de hauts dirigeants chargés de la direction du secteur du polypropylène de certains producteurs ("patrons") et, d'un autre côté, des cadres d'un niveau moins élevé, plus spécialisés en marketing ("experts"), réunions qui avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs. Toutefois, elle indique que Shell a été impliquée tant dans l'accord initial sur les prix-planchers que dans les discussions qui l'ont entouré et qu'elle a pris part à des réunions ad hoc avec les autres grands producteurs. Shell aurait reconnu elle-même qu'avant les réunions de "patrons" et d'"experts" elle était parfois invitée à donner son avis sur une possible majoration des prix et qu'après lesdites réunions elle était informée par Monte et ICI des cibles proposées et qu'elle transmettait ces renseignements à ses sociétés d'exploitation. Les documents internes de Shell confirmeraient qu'elle avait connaissance des initiatives de prix et qu'elle y participait, parfois même comme chef de file avoué. En outre, à partir de la fin de 1982, le représentant de Shell aurait assisté régulièrement aux préréunions des quatre principaux producteurs, qui avaient lieu la veille de chaque réunion des "patrons".
94 Selon la décision (point 68, deuxième et troisième alinéas), ces préréunions auraient offert aux "quatre grands" producteurs un cadre approprié pour convenir d'une position commune avant la session plénière, afin d'encourager un mouvement de stabilisation des prix en présentant un front unique. ICI aurait reconnu que les sujets discutés lors des préréunions étaient identiques à ceux évoqués aux cours des réunions de "patrons" qui leur faisaient suite; en revanche, Shell aurait nié que les réunions des "quatre grands" aient, de quelque façon que ce soit, préparé les réunions plénières ou aient servi à dégager une position commune avant la réunion suivante. La décision affirme cependant que les comptes rendus de certaines de ces réunions (octobre 1982 et mai 1983) contredisent cette affirmation de Shell.
95 La décision (point 78, deuxième alinéa) relève, enfin, que les sociétés d'exploitation du groupe Shell prenaient part aux réunions locales qui étaient consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions plénières (décision, point 20). Même avant qu'elle ne commence à participer aux réunions préparatoires des "quatre grands" en octobre 1982, Shell aurait rencontré les autres grands producteurs pour discuter en détail des questions abordées lors des sessions périodiques de "patrons" et d'expert (décision, point 109, quatrième alinéa).
96 La décision, en ses points 16, 17, 19, 30, 31, 35, 45, 47, 48, 57, 62, 63, 67 et 109, fait encore état de différents contacts Shell et des producteurs participant aux réunions de "patrons" et d'"experts".
b) Arguments des parties
97 La requérante souligne que la décision met l'accent de manière déterminante sur l'existence de réunions de producteurs au cours desquelles les diverses mesures collusoires auraient été convenues. Or, il ne serait pas contesté par la Commission que les sociétés Shell n'ont participé à aucune de ces réunions. Dès lors, ces sociétés n'auraient pas pris part aux discussions qui ont conduit notamment à la fixation de prix ou volumes cibles ou à l'adoption de mesures d'accompagnement. Ainsi, la situation de Shell serait identique à celle d'Amoco et de BP, à l'encontre desquelles la Commission n'a pas retenu d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE (décision, point 78, dernier alinéa).
98 Elle expose que la situation de Shell était en réalité la suivante: elle connaissait l'existence de réunions; son avis sur les conditions générales du marché lui était parfois demandé avant les réunions; elle était parfois, mais pas systématiquement, tenue informée du fait que des cibles particulières avaient été proposées; elle transmettait ces informations aux sociétés d'exploitation en leur donnant occasionnellement un avis sur les actions à entreprendre, mais ces sociétés seraient restées entièrement libres de leurs décisions.
99 La requérante reconnaît, certes, qu'un représentant de Shell a participé à certaines réunions qui se tenaient la veille des réunions de "patrons" et auxquelles assistaient des représentants d'ICI, Monte et Hoechst. Mais, selon la requérante, ces réunions préliminaires ne se seraient tenues que durant les dix derniers mois de la période incriminée et Shell n'aurait assisté qu'à la moitié d'entre elles environ. Cette circonstance ne saurait donc être valablement invoquée pour établir que les sociétés Shell ont participé à des ententes illicites.
100 Elle ajoute que, en 1981, il y a eu que deux réunions isolées auxquelles n'ont participé qu'ICI, Shell et Monte, mais pas Hoechst qui est pourtant l'un des "quatre grands". Au terme de celles-ci, aucun accord, arrangement ou entente n'aurait été conclu, comme l'attesterait le compte rendu de la réunion du 15 juin 1981 (g. g. ann. 64 b). La Commission aurait donné de ces réunions une impression trompeuse quant à leur fréquence et à leur nature et leur aurait conféré, dans le cadre des prétendus arrangements illicites, une importance qu'elles n'avaient pas. Si, par ailleurs, dans les mémoires quelle a présentés devant le Tribunal, la Commission invoque des contacts réguliers qui auraient été noués par la requérante avec les autres grands depuis 1977 et tout au long de la période, il s'agirait d'une argumentation nouvelle qui, en tout état de cause, décrirait de manière excessive quelques contacts très sporadiques qui n'auraient pu modifier la situation périphérique de Shell par rapport à toute prétendue entente illicite.
101 Quant à sa participation à un certain nombre de préréunions tenues de la fin de l'année 1982 jusqu'au milieu de l'année 1983, la requérante fait observer que ces réunions n'ont commencé qu'une dizaine de mois avant la fin de la période de sept ans pendant laquelle la prétendue entente aurait duré, qu'elle n'a assisté à des préréunions que pour environ la moitié des réunions de "patrons" qui ont eu lieu au cours de cette période, que les échanges de vues n'ont pas conduit la requérante à participer à une quelconque entente illicite et que, enfin, ces réunions n'étaient pas destinées à permettre à un prétendu directoire de préparer les réunions ultérieures de "patrons".
102 La Commission considère, de son côté, qu'il ne faut pas exagérer l'importance que revêtent la décision les réunions qualifiées d'institutionnalisées. Au demeurant, elle ne voit pas pourquoi la requérante ne compte pas, au nombre des réunions institutionnalisées, celles qui ont eu lieu entre les "quatre grands".
Or, la requérante aurait, soit elle-même soit par le truchement de SCITCO (division de Shell), participé à ces réunions préliminaires, dont des comptes rendus d'entretiens téléphoniques entre la requérante et ICI (g. g. ann. 95 et 96) ou d'une de ces réunions (g. g. ann. 101) montreraient l'importance et l'objet.
103 La Commission relève que même avant que les préréunions ne commencent à se tenir régulièrement vers la fin de 1982, des contacts régulièrement vers la fin de 1982, des contacts réguliers avaient été noués par la requérante avec les autres grands, comme l'aurait admis Shell dans sa réponse à la communication des griefs (point 3.19). Elle ajoute que ces contacts réguliers ont été dénoncés tant dans la communication des griefs que dans la décision (point 109, quatrième alinéa). Plus spécifiquement, la Commission fait valoir qu'une note relative à une réunion des "quatre grands" du 15 juin 1981 (g. g. ann. 64b) montre clairement que la responsabilité partagée par ces derniers sur le marché était reconnue et qu'ils considéraient qu'il leur incombait de prendre la tête des initiatives.
104 Elle ajoute que, de l'aveu même de Shell (g. g. ann. 9, annexe 2), les sociétés d'exploitation du groupe Shell dans les États membres auraient assisté aux réunions dites locales qui étaient consacrées aux modalités d'application des accords obtenus lors des réunions de "patrons" de "patrons" et d'"experts". Pour ces différentes raisons, la situation de Shell ne serait pas comparable à celle d'Amoco ou de BP.
105 La Commission soutient que la requérante a participé à toutes les préréunions dont les discussions étaient tout à fait concrètes. A cet égard, les deux documents sur lesquels s'appuie la décision, à savoir le document d'ICI intitulé Polypropylene Framework (Schéma pour le polypropylène, g. g. ann. 87) et la note de Shell du 20 octobre 1982 (g. g. ann. 100 et ann. 30 g. SCI de Laroche), seraient tout à fait pertinents, pour autant qu'ils soient interprétés dans le contexte des réunions et qu'ils ne soient pas isolés l'un de l'autre. La Commission note au passage que la réunion d'octobre 1982 réunissait les "quatre grands" et constituait une réunion préliminaire et que la note de dossier du 20 octobre 1982 (évoquée au point 68 de la décision) était invoquée dans la communication générale des griefs (point 124).
106 La Commission considère, par conséquent, que le fait que la requérante n'a pas assisté aux réunions de "patrons" et d'"experts" n'est pas déterminant et qu'il est permis de conclure que la requérante a contribué à la fixation de prix et les a appliqués de concert avec les sociétés du groupe Shell et qu'elle a coopéré au système de quotas.
c) Appréciation du Tribunal
107 Le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire des différents éléments de preuve mentionnés dans la décision en particulier, de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), des divers comptes rendus de réunions et des tableaux reprenant pour divers producteurs leurs chiffres de vente et leurs quotas qu'un système de réunions périodiques de producteurs de polypropylène a été développé à partir du mois de décembre 1977, que des réunions de "patrons" et d'"experts" se sont tenues à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, que ces réunions, présidées d'abord par Monte puis par ICI, avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente ainsi que l'adoption de diverses mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des objectifs de prix et que, au cours de ces réunions, des concours de volontés sont intervenus sur ces objectifs et ces mesures.
108 Par ailleurs, il y a lieu de prendre acte du fait que la décision ne fait pas grief à la requérante d'avoir participé aux réunions de "patrons" et d'expert, mais qu'elle lui reproche d'avoir été en contact étroit avec des participants à ces réunions, fournissant des données relatives à sa politique commerciale, envoyant ses sociétés nationales à des réunions locales consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions de "patrons" et d'"experts", participant à des réunions avec certains participants à ces réunions et ayant des contacts bilatéraux avec ceux-ci.
109 Il convient, dès lors, d'examiner si la Commission a établi à suffisance de droit l'existence de contacts entre la requérante et les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts" entre la fin de l'année 1977 et septembre 1983.
110 En ce qui concerne spécifiquement la période comprise entre la fin de l'année 1977 et l'année 1978, la requérante, a, dans le prolongement des concours de volontés intervenus en 1977, participé à deux réunions de l'EATP, dans le compte rendu de la première desquelles, tenue le 22 novembre 1977 (g. g. ann. 6), on peut lire que différents producteurs ont apporté leur soutien à l'annonce publique faite par Monte d'une augmentation de ses prix, la requérante déclarant pour sa part que:
"any opportunity to achieve more realistic polypropylene prices will have the full support of Shell. We also noticed the moves in Italy and I feel certain that these are going to spread across Europe."
("Shell apportera son total soutien à toute entreprise visant à obtenir des prix plus réalistes pour le polypropylène. Nous avons également remarqué les initiatives prises en Italie et je suis certain qu'elles feront école en Europe").
Dans le compte rendu de la seconde de ces réunions, tenue le 26 mai 1978 (g. g. ann. 7), on peut lire les appréciations faites par les différents producteurs sur les résultats obtenus sur le marché à la suite de la réunion du 22 novembre 1977. Lors de la réunion du 26 mai 1978, la requérante a déclaré:
"We have heard most people, both in the informal discussions and around the table this morning plead for stability and cooperation in the economic situation of slow growth in which we find ourselves and with the situation of low demand for our products and surplus capacity ... Last November, I mentioned that the losses being incurred by the polymer producers, by the chemical producers of the world were reaching very large proportions. We have seen further company reports in the last 6 months which have confirmed this, and I put it to you that the magnitude of the sums of money being lost by the chemical industry and by the polymer producers over the coming years arte going to lead to some fundamental thinking as ..."
("Tant dans les discussions informelles qu'autour de la table, nous avons entendu ce matin la plupart des gens plaider en faveur de la stabilité et de la coopération, eu égard au ralentissement de la croissance, à la faible demande pour nos produits et à l'excédent de capacité ... J'ai signalé en novembre dernier que les pertes subies par les producteurs de polymère et par les producteurs de produits chimiques du monde entier atteignaient des proportions considérables. Dans les six derniers mois, nous avons lu d'autres rapports de sociétés qui ont confirmé cette information et je puis vous affirmer que l'ampleur des sommes d'argent perdues par l'industrie chimique et par les producteurs de polymère au cours des années à venir entraînera une réflexion de fond...")
111 Le Tribunal constate, en outre, que la requérante a indiqué dans sa réponse à la communication des griefs que, pour la période allant de 1978 à septembre 1983,
"SICC/SCITCO knew that multilateral meetings between producers were taking place from time to time and that the subject matter of the discussions at such meetings included target prices. Prior to meetings SICC/SCITCO's views were sometimes sought on general market conditions including as to the feasibility of price increase. After multilateral meetings had taken place, the service company was sometimes informed (by ICI or Montepolimeri) that particular price targets had been proposed, and passed this market information to the operating compagnies SICC/SCITCO's support migtht be sought for the proposed move, and in response the service company would make it clear that it could not commit the response the service company would make it clear that it could not commit the Shell operating companies even to work towards the hoal of attaining the target prices... SICC/SCITCO informed the operating companies of the target price as part of a general market intelligence service that it provided to the operating companies. It did not ordinarily tender advice as to the appropriate action the operating companies moves towards higher prices as a means of reducing losses; but on other occasions SICC/SCITCO would agree with operating companies that they should hold current prices so as to retain volume and market share. The operating companies would make their own pricing decision on their evaluation of the local market, bearing in mind their volume objectives."
("SIC/SCITCO savait que des réunions multilatérales entre producteurs avaient lieu de temps en temps et que les discussions qui avaient lieu au cours de ces réunions portaient notamment sur des prix cibles. Préalablement à ces réunions, on sollicitait parfois le point de vue de SICC/SCITCO sur les conditions générales du marché et notamment sur la possibilité d'opérer des augmentations de prix. Après les réunions multilatérales, la société de services était parfois informée (par ICI ou par Montepolimeri) que des prix cibles particuliers avaient été proposés et elle transmettait cette information relative au marché aux sociétés d'exploitation. Il arrivait que l'on demande à SOCC/SCITCO de prêter son concours à l'opération proposée et qu'en réponse celle-ci précise qu'elle ne pouvait pas engager les sociétés d'exploitation Shell, pas même prendre l'engagement pour elles qu'elles s'appliqueraient à réaliser l'objectif des prix cibles......SOCC/SCITCO a porté le prix cible à la connaissance des sociétés d'exploitation dans le cadre d'un service global de communication de données relatives au marché, service qu'elle fournissait aux sociétés d'exploitation. Elle ne prodiguait généralement pas de conseils sur la stratégie appropriée à adopter par les sociétés d'exploitation occasions néanmoins, elle pouvait très bien leur recommander de procéder à des manœuvres en vue d'une augmentation des prix destinée à réduire les pertes; mais à d'autres moments, SICC/SCITCO pouvait également convenir avec les sociétés d'exploitation que celles-ci devaient maintenir les prix en vigueur de manière à conserver tant les volumes de vente que les parts de marché. Les sociétés d'exploitation prenaient alors elles-mêmes leurs décisions en matière de prix en se fondant sur leur propre évaluation du marché local et en gardant à l'esprit leurs objectifs de volume.")
112 Il importe de relever que la requérante a confirmé ces faits dans les mémoires qu'elle a déposés devant le Tribunal et que la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) en corrobore également la réalité puisqu'on peut y lire:
"The relationship between these producers (Alcudia, Amoco, BP, Hercules and Shell) and producers which participated was simply one whereby these producers would usually be advised of the upshot (if any) of meetings."
("La relation qui existait entre ces producteurs (Alcudia, Amoco, BP, Hercules and Shell) et les producteurs participants était seulement une relation par laquelle ces derniers étaient généralement avisés du résultat des réunions (lorsque celles-ci en produisaient un)").
113 En outre, le Tribunal observe que ces éléments de preuve se trouvent confirmés par des preuves documentaires contemporaines des faits incriminés.
114 C'est ainsi que le Tribunal constate que l'existence de contrats entre la requérante et les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts" se trouve confirmée par la mention à côté du nom de le requérante, dans différents tableaux (g. g. ann. 55 et suivants ainsi que g. g. ann. 23, 25, 28 et 32), de ses chiffres de vente pour différents mois et différentes années. Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système d'échange de données Fides. Dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), ICI a déclaré à propos d'un de ces tableaux que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" ("la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes"). La Commission était donc en droit de considérer que les données relatives à Shell figurant dans ces tableaux avait été fournies par Shell elle-même.
115 A cet égard, il importe de souligner que cette conclusion est confirmée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements parce que celle-ci ne comporte pas vis-à-vis de Shell la même réserve que pour Amoco, Hercules et BP en ce qui concerne l'origine de ses chiffres de vente figurant dans ces tableaux, réserve selon laquelle ces producteurs
"did not report as a group, they did not report individually, and they were not represented at the meetings. In passing it should be stated that even when Hercules did attend meetings they would not report their figures.
By way of explanation, Amoco/Hercules/BP are grouped together in the table because, in the absence of any specific data relating to their sales volume, their sales volume was calculated by deducting from known total sales for West Europe (derived from Fides data) the total of sales made by other producers which had declared details of their sales volume."
("ne fournissaient pas de données en tant que groupe ni à titre individuel et n'étaient pas représentés aux réunions. Il y a lieu de signaler en passant que, même lorsque Hercules assistait aux réunions, elle ne communiquait pas ses chiffres.
A titre d'explication, Amoco/Hercules/BP étaient groupés dans le tableau parce qu'en l'absence de toute donnée spécifique sur leur volume de vente, celui-ci était calculé en déduisant le total des ventes effectuées par d'autres producteurs qui avaient communiqué le détail de leur volume de vente, du volume total des ventes connu pour l'Europe occidentale (dérivé des données Fides)").
116 A ces éléments, il convient d'ajouter, en premier lieu, qu'il résulte de la réponse de la requérante à la communication des griefs que les sociétés d'exploitation du groupe Shell ont participé à des réunions locales pour le Royaume-Uni (six par an), pour la Belgique (toutes les quatre à six semaines), pour l'Italie (régulièrement), pour le Danemark (occasionnellement) et pour les Pays-Bas (en septembre 1983). Or, si la requérante prétend que l'objet de la participation à ces réunions était d'obtenir des informations de nature générale sur le marché, les deux seuls comptes rendus de ces réunions dont on dispose montrent que celles-ci avaient pour objet la discussion au niveau local des mesures décidées lors des réunions de "patrons" et d'"experts". En effet, le compte rendu de la réunion locale pour le Royaume-Uni du 18 octobre 1982 (g. g. ann. 10), à laquelle participait Shell UK, montre que les producteurs qui y participaient y ont échangé des informations sur les ventes qu'ils avaient effectuées au-dessus du prix cible et en dessous de celui-ci, qu'ils y ont examiné certaines anomalies du marché et qu'ils y ont analysé la situation par rapport à leurs clients respectifs. L'objet de ces réunions est confirmé par le compte rendu de la réunion d'"experts" du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), dans lequel on peut lire:
From this it was felt that it was impossible to reach the target level of 36 BFR/kg etc in June, ICI & DSM pressed for a major push in Belgium as it would have beneficial effects on the surrounder countries + bring Shell back into the fold without any producers having to put too much at stoke in terms of volume. After a lot of discussions DSM agreed to call a meeting on 16th June to be attended by some marketing managers as well as local representatives. The objectives would be to quote the target levels absolutely rigidly for July.
("Cet élément a donné l'impression qu'il était impossible d'atteindre le niveau cible de 36 BFR/kg, etc, en juin; ICI et DSM ont fait pression pour que l'on effectue une poussée importante en Belgique, car une telle poussée aurait des effets bénéfiques sur les pays avoisinants + ramenaient Shell au bercail sans aucun producteur ne doive mettre trop en jeu en termes de volume. Après de longues discussions, DSM a accepté de convoquer une réunion pour le 16 juin à laquelle assisteraient des directeurs commerciaux ainsi que des représentants locaux. Les objectifs seraient d'appliquer les niveaux cibles pour le mois de juillet de manière absolument rigide.)").
Or, il ressort de la réponse de la requérante à la communication des griefs qu'elle a participé à la réunion qui s'est tenue le 16 juin.
117 Il convient d'ajouter, en second lieu, que la requérante a participé en 1981 à deux réunions réunissant l'une le 27 mai 1981, Shell et ICI, l'autre le 15 juin 1981, Shell, ICI et Monte (g. g. ann. 64), en 1982, à deux réunions réunissant des représentants des "quatre grands" les 13 octobre et 20 décembre 1982 et, en 1983, à cinq de ces réunions. A cet égard, il importe de relever que l'affirmation de la requérante selon laquelle il ne s'agirait là que d'une partie des réunions des "quatre grands" est dépourvue de fondement, dans la mesure où la requérante a affirmé, en réponse à une question du Tribunal, qu'elle n'a connaissance d'aucune autre préréunion qui aurait eu lieu entre ICI, Hoechst et Monte à toute autre occasion.
118 La requérante prétend que l'objet de ces réunions était indépendant de celui des réunions de "patrons" et d'"experts". Pour sa part, le Tribunal considère, sur la base des notes relatives aux contacts entre la requérante et les autres grands, que ces réunions avaient un objet étroitement lié à celui des réunions de "patrons" et d'"experts". En effet, les comptes rendus des deux réunions de 1981 indiquent qu'elles avaient pour objet la discussion du niveau des prix et de systèmes de quotas, puisqu'on peut lire dans le premier (g. g. ann. 64a):
This meeting was arranged to review the polypropylene scene and to seek SICC's views on the volume scheme put forward by Montepolimeri in Rome... Current price levels were compared and Shell seemed to have much the same view as ourselves.
(Cette réunion avait été programmée afin de passer le marché du polypropylène en revue et d'obtenir le point de vue de SICC sur le projet de volume proposé par Montepolimeri à Rome... Les niveaux actuels des prix ont été comparés et Shell semblait avoir une opinion très proche de la nôtre).
(suit une liste de prix) et dans le second (g. g. ann. 64b):
Possible solutions included (a) sanctions (not a great success so far on PVC), (b) control production which is within the power of the boss L. (le représentant de la requérante) thought propylene availability might scupper this, (c) quotas which Z. favoured but L. discournted, (d) new initiative by the 4 majors whereby they accomodated the hooligans in Europ and made up the loss by sales in ROW markets. Given that W European sales would probably not exceed 105 kt/month for the next few months and then not over 125 kt for the remainder of the year say 115 kt average for July-Sept and exports continued at 30 kt/month there would still be a surplus of capacity of 10 kt/month. Shred by the Big Four each would have to drop 2.5 kt/m in Europe equivalent to 30 kt/yr of say 2.3 % market share. I said that despite L.s contention about ROW prices that such a proposal would be totally unacceptable to us, (e)j a flat price increase of say DM 0.20/kg WEF 1st July this avoids unrealistic requirements for the lowest priced business.
Les solutions possibles incluaient (a) des sanctions (qui n'ont pas été un grand succès jusqu'à présent en ce qui concerne le PVC), (b) un contrôle de la production, ce qui relève du pouvoir des "patrons" (L. estimait que les disponibilités en propylène pourraient compromettre cette solution), (c) l'application de quotas pour laquelle Z. s'est déclaré favorable, mais pour laquelle L. a montré peu d'enthousiasme, (d) une nouvelle initiative des "quatre grands" conciliant la position des hooligans en Europe et compensant les pertes par des ventes sur les marchés ROW (rest of the world - le reste du monde). Etant donné que les ventes en Europe occidentale ne dépasseront probablement pas 105 kilotonnes par mois au cours des prochains mois et n'excèderont vraisemblablement pas 125 kilotonnes pour le reste de l'année, se situant à une moyenne d'environ 115 kilotonnes pour la période de juillet à septembre, et que les exportations continuaient à un rythme de 30 kilotonnes par mois, il y aurait toujours un excédent de capacité de 10 kilotonnes par mois. Réparti entre les "quatre grands" chacun d'eux devrait abandonner 2,5 kilotonnes par mois en Europe, ce qui correspond à 30 kilotonnes par an soit 2,3 % de part de marché. J'ai déclaré que, malgré les affirmations de L à propos des prix à appliquer en dehors de l'Europe occidentale, une telle proposition serait totalement inacceptable pour nous, (e) une augmentation de prix nette de 0,20 DM/kg à partir du 1er juillet cette solution évite des exigences irréalistes pour les contrats dont le prix est le plus bas.
119 Le Tribunal considère que les réunions des "quatre grands" qui avanient lieu la veille des réunions de "patrons" avaient pour objet de déterminer les actions qu'ils pourraient y entreprendre ensemble en vue de relever les prix, comme le montre la note de synthèse rédigée par un employé d'ICI en vue d'informer un de ses collègues du contenu d'une préréunion du 19 mai 1983 à laquelle les "quatre grands" avaient participé (g. g. ann. 101). Cette note fait état d'une proposition qui sera soumise à la réunion de "patrons" du 20 mai. Or, ICI indique dans sa réponse à la demande de renseignements à propos de cette note que
A meeting of the Big Four which had taken place on 19 may 1983 immediately prior to a Bosses meeting held on 20 may. The Big Four Prestations-meeting took place in Barcelona ... the outcome of the meeting was a proposal for a target price for raffia of DM 1.85/kg with effects from 1st July 1983.
(Une réunion des "quatre grands" qui avait eu lieu le 19 mai 1983 immédiatement avant une réunion de "patrons" tenue le 20 mai. La préréunion des "quatre grands" a eu lieu à Barcelone ... cette réunion a débouché sur une proposition de prix cible de 1,85 DM/kg pour la qualité raphia, avec effet au 1er juillet 1983.)
En outre, il y a lieu d'observer que le compte rendu de la réunion d'"experts" du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) qui a suivi celle du 20 mai indique que:
those present reaffirmed complete commitment to the 1.85 move to be achieved by 1st July. Shell was reported to have committed themselves to the move and would lead publicly in ECN.
(les participants ont réaffirmé leur soutien total à l'objectif 1,85 qui doit être atteint pour le 1er juillet. Il a été indiqué que Shell s'était engagée dans le mouvement et le lancerait publiquement dans ECN).
Or, on pouvait lire dans la note de synthèse susmentionnée que Shell to lead ECN article 2 weeks. ICI informed (Shell prendra la tête article - dans ECN dans deux semaines. ICI informée).
120 Cela ressort également du compte rendu des entretiens téléphoniques de la requérante a eus avec ICI les 9 et 10 septembre 1982 dans lequel on peut lire:
I spoke to L. get his reaction to the sugges(tion) that the 4 majors might operate a compensation scheme amongst themselves whilst the price initiative was being forced througt. (g. g. ann. 95)
(J'ai parlé à L. pour avoir sa réaction sur la suggestion que les "quatre grands" pourraient mettre en œuvre un plan de compensation entre eux pendant que l'initiative de prix serait imposée de force.)
121 Le Tribunal considère, dès lors, que l'absence de la requérante aux réunions de "patrons" et d'"experts" n'était pas due au hasard. Elle relève d'une stratégie délibérée de la requérante de bénéficier des avantages escomptés de ces réunions sans prendre les risques inhérents à la participation à des réunions réunissant aussi grand nombre de producteurs, tout en restant en contact avec celles-ci sans participer. En effet, cela ressort d'une note interne de la requérante du 15 février 1982 (g. g. ann. 94), dans laquelle elle indique, après avoir constaté l'inefficacité des initiatives en matière de prix des "quatre grands", que:
SCITCO will not participate in any poly-competitor meetings, but will try to keep informed of their activities & ambitions through CITP bilateral contacts.
SCITCO ne participera à aucune réunion avec un grand nombre de concurrents, mais elle s'efforcera de rester au courant de leurs activités et ambitions par les contacts bilatéraux au niveau du CITP.)
Il y a lieu d'interpréter dans le contexte de l'ensemble du document en cause les termes poly-competitor meetings non comme signifiant polypropylene competitor meetings, mais bien comme signifiant multi-competitor meetings pour deux raisons. La première est que partout ailleurs dans ce document et dans les autres documents, le terme polypropylene est remplacé par l'abréviation PP et non par poly et que les termes poly-competitor meetings doivent être considérés comme exprimant une opposition par rapport aux termes bi-latéral meeting qui figurent quatre lignes plus loin dans le document. La seconde est que cette lecture du document est corroborée par un autre document, daté du 18 octobre 1982 (g. g. ann. 96), émanant d'ICI dans lequel on peut lire:
L. of SCITCO said that... he would be willing to attend meetings of the big four but not wider gatherings.
(L. de SCITCO a dit que ... il serait disposé à participer à des réunions des "quatre grands", mais pas à des réunions plus larges.)
122 En outre, la présence des sociétés d'exploitation du groupe Shell aux réunions locales et celle de la requérante aux réunions des "quatre grands" ont favorisé la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente lors des réunions de "patrons" d'"experts".
123 Par conséquent, le Tribunal constate que la requérante a entretenu des contacts réguliers avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts" et que ces contacts avaient le même objet que lesdites réunions.
124 Le Tribunal considère que les constatations ne sont pas infirmées par le fait que la Commission n'a pas opéré les mêmes constatations à la charge d'Amoco et de BP, dont les noms figurent également dans les tableaux susmentionnés. Le cas de ces entreprises se distingue de celui de la requérante en ce que ces entreprises n'ont participé à aucune des réunions de producteurs qui avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, alors que les sociétés d'exploitation du groupe Shell ont participé aux réunions locales et que la requérante a participé aux réunions rassemblant les grands producteurs qui se sont tenues en 1981, 1982 et 1983. Par conséquent, la Commission a pu légitimement considérer qu'elle ne disposait pas de preuves suffisantes de la participation d'Amoco et BP à une concertation ayant un objet anticoncurrentiel (décision, point 78, dernier alinéa). Or, l'existence d'une telle concertation constitue la base du système de preuve retenu dans la décision. En outre, Amoco et BP ne se trouvaient pas parmi les producteurs entre lesquels les concours de volontés sont intervenus en 1977 sur les prix-planchers ou sur une initiative de prix à partir du 1er décembre de cette année-là. Il s'ensuit que la différence des situations observées entre ces entreprises et la requérante justifiait qu'un traitement différent leur soit réservé.
125 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a entretenu, entre 1977 et septembre 1983, des contacts réguliers avec d'autres producteurs de polypropylène, impliqués dans un système de réunions périodiques, que ces contacts avaient le même objet de ces réunions, que les sociétés d'exploitation du groupe Shell ont participé à des réunions locales ayant un objet se situant dans le prolongement de celui des réunions de "patrons" et d'"experts" auxquelles ne participait pas la requérante et que la requérante a participé à des réunions avec d'autres grands producteurs en 1981, 1982 et 1983.
C Les initiatives de prix, les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre de ces initiatives et les quotas
126 Selon la décision (point 28 à 51), un système de fixation d'objectifs de prix a été mis en œuvre à travers des initiatives de prix dont six ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983. Il aurait été entendu (décision, point 26, deuxième alinéa) que, pour que les initiatives de prix soient suivies d'effets, il fallait créer des conditions favorables à une augmentation des prix. Ainsi diverses mesures auraient-elles été recommandées ou convenues périodiquement lors des réunions en vue de faciliter la mise en œuvre d'une initiative projetée. En outre, les producteurs auraient admis, dans l'ensemble, que, pour créer sur le marché des conditions favorables au succès des initiatives de prix convenues, il fallait instaurer un système permanent de régulation des volumes (décision, point 52, premier alinéa).
C.1 Les années 1979 et 1980
a) Acte attaqué
127 A propos de la première initiative de prix, la Commission (décision, point 29) fait remarquer qu'elle ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte rendu dune réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait cependant qu'une initiative était prévue sur la base d'un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM/kg à partir du 1er septembre. Cela serait confirmé par le compte rendu d'une réunion interne de Shell tenue le 5 juillet 1979, dans lequel on pourrait lire: le prix cible pour le 1er juillet 1979 avait été fixé à 1,90 DM/kg, mais ce niveau n'est pas atteint, notamment en France et en Allemagne. Selon la presse spécialisée, Monte aurait envisagé de porter ses prix à 2,05 DM/kg au 1er septembre, avec l'appui de Shell et d'ICI. La Commission disposerait des instructions de prix de certains producteurs, outre ICI et Shell, dont il ressortirait que ces producteurs avaient donné ordre à leurs bureaux de vente d'appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre, et ce pour la plupart d'entre eux avant que la presse spécialisée n'ait annoncé la hausse prévue (décision, point 30).
128 La décision (point 31) indique que, à la fin de septembre 1979, le prix du raphia se situait entre 1,70 et 1,75 DM/kg, soit un peu en dessous de la cible. Le compte rendu de la réunion d'un groupe du secteur polypropylène de Shell, tenue le 12 septembre 1979, rapporterait à cet égard ce qui suit: Le président relève que le prix cible pour septembre 2,05 DM/kg n'a pas été atteint, ce qui est particulièrement fâcheux pour Shell, compte tenu de l'ampleur de nos frais généraux ... Il s'avère difficile de majorer les prix d'avantage sans l'impulsion qui résulterait d'une hausse de prix des monomères, d'autant plus que certains concurrents réalisent des profits au niveau actuel des prix de vente.
129 C'est pourquoi, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, de reporter la date prévue pour atteindre la cible de plusieurs mois, soit au 1er septembre 1979, le nouveau plan consistant à maintenir pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg (décision, point 31, deux premiers alinéas).
130 La décision (point 32), si elle admet qu'aucun compte rendu des réunions tenues en 1980 n'a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunis au moins sept fois au cours de cette année (référence est faite au tableau 3 de la décision). Au début de l'année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980. On aurait constaté cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ.
131 Selon la décision (point 31, troisième alinéa), la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue" au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte rendu mentionnerait un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours de huit premiers moins de l'année.
132 La décision (point 52) relève que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d'août 1982. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'aurait cependant existé aucune limitation systématique préalable de la production globale.
Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.
133 Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l'objectif ajusté par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale (décision, point 54).
134 A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les objectifs convenus afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différents producteurs correspondraient grosso modo à leur cible.
b) Arguments des parties
135 La requérante conteste avoir pris part aux initiatives de prix qui, selon la décision, auraient été décidées lors des réunions de "patrons" et d'"experts" auxquelles elle n'a pas participé.
136 La requérante rappelle que, au cours de la procédure administrative, la Commission n'a jamais fait mention d'une prétendue initiative de prix en juillet 1979 ni de la participation des sociétés Shell à une telle initiative et que, dans la décision, elle évoquerait désormais le compte rendu d'une réunion interne de Shell tenue le 5 juillet 1979 (annexe 9 de la réponse de Shell à la communication des griefs, ci-après ann., réponse SC à la communication des griefs), compte rendu sur lequel Shell n'aurait jamais été invitée par la Commission à formuler ses observations. Il n'existerait donc aucune preuve permettant de faire grief aux société Shell d'avoir participé à un accord sur les prix en juillet 1979, surtout quand on examine la situation du marché qui était particulièrement compétitif.
137 En ce qui concerne septembre 1979, elle affirme que la Commission se fonde uniquement sur le fait, non probant, qu'ayant été informée par la presse professionnelle de la majoration dans un article d'ECN du 30 juillet 1979. La requérante rappelle encore que, dans la mesure où la Commission entendrait également se fonder sur le compte rendu d'une réunion interne de Shell tenue le 12 septembre 1979 (ann. 10, réponse SC à la communication des griefs), les remarques concernant le compte rendu de la réunion du 5 juillet 1979 s'appliqueraient aussi. Au surplus, ce document serait inexactement cité et donc mal interprété par la Commission.
138 Elle souligne qu'il n'existe pas la moindre preuve qu'elle ait contribué au report d'une cible de septembre à décembre 1979 ou qu'elle ait jamais pris la moindre mesure visant à mettre en œuvre une cible de septembre. Bien au contraire, les preuves réunies à l'époque établiraient que, à ce moment-là elle fixait ses prix de manière indépendante au terme de négociations normales avec les clients.
139 En ce qui concerne les quotas, la requérante soutient que, dans sa réponse à la communication des griefs, elle a réfuté l'ensemble des allégations de la Commission, en faisant valoir notamment que les sociétés du groupe Shell déterminaient de manière autonome leurs propres objectifs en matière de volume; que l'établissement de leur budgets et de leurs plans en matière de production et de vente précédait généralement les réunions et n'était pas ultérieurement remis en cause par les résultats de ces réunions, même lorsque la part de marché attribuée à Shell par les autres producteurs était supérieure à la part cible que Shell s'était définie; que les chiffres prévus par les sociétés et les volumes de vente réalisés différaient sensiblement de ceux attribués à Shell par les autres producteurs et, enfin, que les sociétés Shell n'avaient pas participé aux réunions et que Shell ne connaissait pas les quotas attribués aux autres producteurs et n'échangeait pas d'informations avec eux. Ainsi, selon la requérante, les sociétés Shell poursuivaient leur propre politique, déterminée en toute indépendance, en ce qui concerne le volume des ventes.
140 Elle expose, en particulier, que la référence à des objectifs pour Shell qui est faite dans différents documents émanant d'autres producteurs n'est pas probante en raison, d'une part, du fait que ces chiffres ont pu être attribués par les autres producteurs à la requérante sans son consentement sur la base des chiffres disponibles sur le marché et, d'autre part, du fait que ces chiffres ne correspondaient ni aux cibles internes de Shell ni aux ventes qu'elle a réalisées sur le marché.
141 La Commission explique, de son côté, en ce qui concerne l'initiative de prix de juillet-décembre 1979, qu'elle n'a pas conclu séparément à l'existence d'un accord pour le mois de juillet 1979, mais qu'elle a considéré qu'il y avait eu un accord et une pratique concertée dont l'initiative de juillet-décembre 1979 faisait partie.
142 Pour le mois de septembre 1979, la Commission fait remarquer que l'ensemble des éléments sur lesquels elle s'appuie montre clairement que Shell disposait d'informations sur les agissements des autres producteurs qui ne pouvaient pas avoir été glanées dans la presse et qu'elle adoptait un objectif commun, puisqu'elle donnait des instructions de prix pour le Royaume-Uni (ann. A, lettre du 29 mars 1985) concordant parfaitement avec les prix consignés par ICI à la suite d'une réunion de producteurs (g. g. ann. 12) et avec les instructions de prix des autres producteurs.
Dans sa duplique, la Commission reconnaît que les instructions de prix de la requérante portent la même date que l'annonce par Monte d'une hausse de prix dans ECN, mais juge cela sans importance, car l'empressement dont aurait fait preuve la requérante révélerait des contacts antérieurs.
143 Elle fait encore remarquer qu'elle n'a jamais prétendu qu'un nouvel accord en matière de prix avait été conclu pour décembre 1979 (ni même une initiative), mais seulement que l'objectif pour septembre avait été reporté à décembre.
144 La Commission estime que la participation de la requérante aux accords de quotas portant sur l'année 1979 est établie par un tableau non daté, retrouvé chez ICI, intitulé Producers Sales to West Europe (Ventes en Europe occidentale, g. g. ann. 55), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978, ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques 1979 actual (chiffres effectifs de 1979) et revised target (objectif révisé). Shell s'y serait vue attribuer un revised target (objectif révisé) de 150,3 kilotonnes et un 1979 actual de 144,8 kilotonnes. Ce tableau comportant des informations devant être rigoureusement préservées en tant que secrets d'affaires, il n'aurait pas pu être élaboré sans la participation de Shell.
145 Elle ajoute que le compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) confirme que la question des quotas faisait l'objet des réunions de producteurs qui se tenaient à cette époque.
146 Pour l'année 1980, elle soutient qu'un accord de quotas a également été conclu.
Elle fonde cette affirmation essentiellement sur un tableau daté du 26 février 1980, découvert chez ATO, intitulé polypropylene Sales target 1980 (kt) Polypropylène-Objectif de ventes 1980 (kt), g. g. ann. 60, qui compare pour tous les producteurs d'Europe occidentale, un 1980 target (objectif 1980), des opening suggestions (suggestions de départ), des proposed adjustments (ajustements proposés) et des agreed targets 1980 (objectifs convenus 1980). Ce document montrerait le processus d'élaboration des quotas. La Commission fait valoir que, dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), ICI a déclaré à propos de ce document, que the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves (la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes). Cette analyse serait encore confirmée par le compte rendu de deux réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17), au cours desquelles les objectifs de volumes de vente auraient été comparés aux quantités effectivement vendues par les différents producteurs.
147 La Commission souligne que l'objectif du système de quotas était de stabiliser les parts de marché. C'est pourquoi les accords portaient sur les parts de marché qui étaient ensuite converties en tonnages pour servir de chiffres de référence, car, à défaut d'une telle conversion, il n'aurait pas été possible de constater à partir de quel moment un participant à l'entente devait freiner ses ventes pour se conformer aux accords. Dans le but, il était indispensable de prévoir le volume total des ventes. Pour l'année 1980, les prévisions initiales s'étant révélées trop optimistes, le volume total des ventes initialement prévu aurait dû être adapté à plusieurs reprises, entraînant une adaptation des tonnages attribués à chacune des entreprises.
c) Appréciation du Tribunal
148 Le Tribunal considère qu'il convient d'examiner la participation de la requérante à l'initiative de prix de juillet-décembre 1979 et au système de quotas pendant les années 1979 et 1980 à la lumière des contacts que la requérante a entretenus avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts", contacts que la Commission a établis à suffisance de droit.
149 Il y a lieu de relever que, le 30 juillet 1979, Shell a adressé aux sociétés nationales du groupe une note interne intitulée Polypropylene increase 1 st september,1979 (Polypropylène/augmentation 1er septembre 1979, annexe Shell A1 à la lettre du 29 mars 1985, ci-après ann. SC A1, lettre du 29 mars 1985). Cette note fait état de prix identiques à ceux de ses concurrents qui devaient entrer en vigueur le 1er septembre 1979, dans lequel il est fait état de l'annonce par Monte dune augmentation de ses prix pour la fin août et du soutien apporté à cette initiative par ICI et Shell. Elle fait suite à un télex envoyé par Shell aux sociétés d'exploitation de son groupe le 24 juillet 1979 (annexe A1 à la réponse de Shell à la lettre du 29 mars 1985, ci-après ann. A1, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985), dans lequel il est écrit:
ECN have advised us that Montedison have issued a statement to the effect that they will be raising their polypropylene prices in Europe w.e. f. 27-8-79 to DM 2,05 kg ... for homopolymer. This will be published in this weeks ENC; Montedison also indicated that there will need to bi a further increase before the end of 1979...
(ECN nous a averti que Montedison vient de publier une déclaration dans laquelle elle affirme qu'elle augmentera ses prix du polypropylène en Europe à 2,05 DM/kg à partir du 27 août 1979 ... pour l'homopolymère. Cette déclaration sera publiée cette semaine dans ECN. Monte a également indiqué qu'il sera nécessaire d'opérer une augmentation supplémentaire avant la fin de l'année 1979...)
Par conséquent, le Tribunal considère qu'une concertation sur l'augmentation des prix à 2,05 DM/kg fin août-début septembre, a eu lieu entre ICI, Monte et Shell, soit directement soit par l'entremise d'ECN, et que cette concertation a abouti à un concours de volontés entre ces trois producteurs qui a été rendu public le 30 juillet 1979 par la voie d'ECN et d'une note interne de Shell, à large diffusions datée du même jour. Il s'agit là des seuls griefs retenus à l'encontre de la requérante par les points 29 à 31 de la décision.
150 Le fait que les différents documents émanant de la requérante justifient la hausse de prix décidée par référence à différents facteurs économiques comme le prix des matières premières ou les coûts salariaux ne permet pas d'infirmer cette constatation, pas plus que le fait que cette hausse n'ait pas pu se réaliser sur le marché. En effet, si les facteurs économiques auxquels il est fait référence permettaient de justifier une augmentation des prix, ils ne permettaient pas d'en justifier le montant égal au pfennig près pour toutes les entreprises ni la date d'entrée en vigueur presque identique. Même s'il était établi, le fait que l'augmentation des prix décidée n'ait pas pu être mise en œuvre ne serait pas de nature à infirmer la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix, mais tendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas réussi à les mettre en œuvre. La décision n'affirme d'ailleurs nullement que la requérante a pratiqué des prix qui correspondaient toujours aux objectifs de prix convenus, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre de ces objectifs par la requérante pour établir qu'elle a participé à leur fixation.
151 En ce qui concerne la participation de la requérante au système de quotas durant les années en cause, il convient de rappeler que son nom figure dans différents tableaux (g. g. ann. 55 et 61), dont le contenu indique clairement qu'ils étaient destinés à la fixation d'objectifs de volumes de vente et à l'élaboration desquels la requérante a participé activement (voir les points 114 et 115 ci-avant).
152 La terminologie utilisée dans les tableaux relatifs aux années 1979 et 1980 comme revised target (objectif révisé), opening suggestions (suggestions de départ), proposed adjustments (ajustements proposés), agreed targets (objectifs convenus) permet de conclure que des concours de volontés entre les participants aux réunions sont intervenus sur ces objectifs de volumes de vente et que le requérante y a contribué en fournissant ses chiffres de vente et en a été informée, puisque ICI a indiqué dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) que Shell et d'autres producteurs would usually be advised of the upshot (Par ces motifs any) of meetings étaient généralement avisés du résultat des réunions (lorsque celles-ci en avaient un).
153 En ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, il convient de relever, sur la base de l'ensemble du compte rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (g. g. ann. 55), intitulé Producers Sales to West Europe (Ventes des producteurs en Europe occidentale), qui reprend, pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale, les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques 1979 actual (chiffres effectifs de 1979), revised target et 79, que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme tight (strict), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1-12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois. Cette interprétation du compte rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que, sous le titre 79 qui figure dans la dernière colonne à droite de la colonne intitulée revised target, ce tableau contient des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux, parce qu'ils avaient été établis sur la base d'un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1980. Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, faite au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année. En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.
154 En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année résulte du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (g.g. ann. 60), qui comporte une colonne "agreed targets 1980" (objectifs convenus 1980) et du compte rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels ne figure pas la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues (Actual kt) aux objectifs fixés (Target kt). En outre, ces documents se trouvent confirmés par un tableau daté du 8 octobre 1980 (g. g. ann. 57), qui compare deux colonnes dont l'une reprend la 1980 Nameplate Capacity (capacité nominale 1980) et l'autre le 1980 Quota pour les différents producteurs.
155 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient, d'une part, sur un objectif de prix de 2,05 DM/kg pour le 1er septembre 1979 dans le cadre de l'initiative de prix de juillet-décembre 1979 et, d'autre part, sur des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980.
C.2 L'année 1981
a) Acte attaqué
156 Quant à l'initiative de prix de janvier-mai 1981, les instructions de prix envoyées par certains producteurs (DSM, Hoechst, Linz, Monte, Saga et ICI) indiqueraient que, pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980-janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le raphia, 1,70 DM/kg pour l'homopolymère et 1,95 à 2 DM/kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les prix réalisés pour octobre et novembre 1980 avec les prix de liste pour janvier 1981, qui s'établiraient à 1,50-1,70-2 DM/kg. Initialement, il aurait été prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre -, mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981 (décision, point 32, troisième alinéa).
157 La décision (point 33) relève la tenue de deux réunions de producteurs en janvier 1981, au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases : l'objectif serait resté fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2 DM/kg serait introduit à partir du 1er mars sans exception.
Un tableau des prix cibles de six grandes qualités aurait été élaboré dans six monnaies nationales et sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981. Les documents recueillis auprès de Shell démontreraient notamment qu'elle a pris des mesures en vue d'introduire les prix cibles fixés pour février et mars.
158 Selon la décision (point 34), le projet de relever les prix à 2 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars. Une réunion d'"experts", dont il ne subsiste aucun compte rendu, se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, mais immédiatement après au moins BASF, DSM, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix de liste) à un niveau équivalant à 2,15 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er mai. Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres. Certains des producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'appliquer des prix minimaux ou des minima absolus quelque peu inférieurs aux objectifs convenus. Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais, bien que la hausse du 1er mai ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti. Vers le milieu de l'année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser les prix, soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.
159 En ce qui concerne l'initiative de prix d'août-décembre 1981, la décision (point 35) affirme que, en juin 1981, Shell et ICI auraient envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre-octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement. Shell, ICI et Monte se seraient rencontrées le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché. Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell auraient donné toutes deux instruction à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia. Solvay aurait rappelé également à son bureau de vente de Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet, alors qu'une réunion d'"experts" aurait été prévue pour le 28 juillet 1981.
Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/kg en septembre 1981 aurait été revu probablement à cette réunion; le niveau pour août aurait été ramené à 2 DM/kg pour le raphia. Celui de septembre aurait dû être de 2,20 DM/kg.
Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 (c'est-à-dire le lendemain de la réunion à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) citerait ces prix, qualifiés d'officiels pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l'information. De nouvelles réunions auraient eu lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981. A la suite de ces sessions, les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 DM/kg pour le 1er octobre. BASF, DSM, Hoechst, ICI, Monte et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre.
160 Selon la décision (point 36), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et octobre 1981 le relèvement des prix à un prix de base de 2,20 à 2,30 DM/kg pour le raphia. Un document de Shell indiquerait qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, aurait été discutée, mais qu'il y aurait été renoncé par la suite. Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l'initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2,2,50 à 2,10 DM/kg pour le raphia. Une note d'Hercules montrerait qu'en décembre 1981 la cible de 2,30 DM/kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais cette note ajoute que grâce à la détermination de tous, les prix auraient atteint 2,05 DM/kg, soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic !). A la fin de l'année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, soit quelque 20 pfennig de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elles auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé sain.
161 Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu, à titre de mesure temporaire, que pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars chaque producteur réduirait ses ventes mensuelle à 1-12 de 85 % de l'objectif de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces ambition aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être conclu pour 1981. Dans le cadre de ces négociations, ICI et Shell se seraient rencontrées au moins deux fois, le 27 mai et le 15 juin 1981, Monte étant présente à l'une de ces réunions. Shell se serait montrée sceptique vis-à-vis des propositions faites au cours de ces discussions, parce qu'elles lui paraissaient s'appuyer sur des estimations trop ambitieuses du marché, mais elle aurait néanmoins déclaré qu'elle se contenterait de 11 à 12 % comme part de marché. La décision (point 87, troisième alinéa) indique que le scepticisme manifesté par Shell à propos des plans de quotas, au moment même où elle indiquait à ICI le quota qu'elle serait disposée à admettre pour elle-même, peut être envisagé dans l'optique suivant laquelle, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence.
Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).
b) Arguments des parties
162 La requérante conteste avoir participé aux deux initiatives de prix de l'année 1981, à savoir celle de janvier-mai 1981 et celle de septembre-décembre 1981. Pour janvier 1981, la requérante fait valoir que, dans les mémoires qu'elle a présentés devant le Tribunal, la Commission lui reproche d'avoir participé à un accord de prix alors que la décision ne semble pas formuler un tel reproche. Ce reproche ne serait pas justifié puisque la similitude du prix conseillé par la requérante aux sociétés d'exploitation du groupe Shell et du prix prétendument convenu s'observerait seulement pour le raphia. L'absence de similitude entre le prix soi-disant convenu et le prix demandé pour le copolymère montrerait d'ailleurs que la similitude observée pour le prix du raphia ne résultait pas d'une collusion.
163 Pour février 1981, elle estime que c'est à tort que la Commission affirme que les sociétés d'exploitation du groupe Shell ont prix des mesures en vue d'atteindre les prix cibles fixés lors d'une réunion de producteurs. Au contraire, les instructions de prix données par Shell postérieurement à cette réunion, à savoir le 26 janvier 1981 (ann. C1, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985), auraient incité les sociétés d'exploitation à facturer des prix inférieurs auxdits prix cibles.
164 Pour mars 1981, la requérante fait remarquer qu'une des sociétés d'exploitation du groupe Shell (Shell UK) tentait d'obtenir des prix sensiblement inférieurs aux prix cibles (mémorandum Shell UK du 23 février 1981, ann. C2, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985). Par ailleurs, elle affirme que, si les sociétés d'exploitations ont tenté de faire progresser les prix vers un niveau qui se trouve correspondre au prix cible, on ne saurait en déduire qu'elle entendait ainsi mettre en œuvre ce prix cible sans interpréter erronément les documents (ann. C2 et C3, lettre du 29 mars 1985).
165 Pour mai 1981, elle fait valoir que, dans un télex du 10 avril 1981 (ann. SC D3, lettre du 29 mars 1985), elle a recommandé aux sociétés d'exploitation de facturer des prix inférieurs aux prix cibles, que plusieurs de ces sociétés ont adopté des objectifs de prix encore inférieurs et ont indiqué que les prix cibles n'étaient pas accessibles (mémorandum Shell UK des 29 et 30 avril 1981, ann. SC D2, lettre du 29 mars 1985 et ann. D1, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985) et que, enfin, les prix réels ont été substantiellement plus bas.
166 En ce qui concerne l'initiative de prix de septembre-décembre 1981, la requérante renvoie à ses réponses à la communication des griefs et à la lettre du 29 mars 1985.
167 En ce qui concerne les quotas, la requérante indique que, si un directeur de la société requérante a indiqué que Shell pourrait se satisfaire d'une part de marché de 11 à 12 % (g. g. ann. 64), cette déclaration ne saurait être regardée comme probante, car les autres producteurs savaient qu'elle ne pouvait engager les sociétés Shell. Les comptes rendus des réunions de mai et juin 1981 (g. g. ann. 64) montreraient clairement que ces discussions n'avaient pas pour objet la conclusion d'un accord de quotas. S'ils y a eu des échanges d'informations a posteriori sur les chiffres d'affaires, cela aurait été en vue de recueillir des données commerciales afin de faire preuve d'une plus grande compétitivité et non pas en vue de vérifier le respect d'un accord de quotas.
168 La Commission expose, de son côté, que la participation de la requérante aux initiatives de prix de l'année 1981 ressort clairement des éléments de preuve qu'elle a produits. Ainsi, pour janvier 1981; les prix recommandés par Shell auraient été les mêmes que ceux figurant dans les instructions de prix des autres producteurs pour la qualité-clé (le raphia) et les homopolymères. Si la Commission concède qu'ils étaient différents pour le copolymère, elle estime néanmoins que cela ne suffit pas à prouver suffit pas à prouver que Shell menait une politique de prix entièrement indépendante.
169 Pour février 1981, la Commission fait valoir que les objectifs avaient été fixés en décembre 1980. Or, à cette dernière date, Shell aurait adressé des recommandations reprenant ces objectifs, même s'il est vrai que par la suite, elle a envoyé de nouvelles recommandations révisées à la baisse.
170 Selon la Commission, cette même intention de s'aligner sur les prix convenus s'observerait également pour mars et mai 1981. Ainsi, ICI et Shell auraient donné des instructions identiques pour avril et mai 1981 (ann. C3 et D1 et suivantes, lettre du 29 mars 1985).
171 La Commission souligne que le fait que l'une ou l'autre société d'exploitation du groupe Shell ait décidé d'appliquer un prix inférieur au prix cible fixé ne saurait signifier que Shell n'avait pas commencé par accepter le prix cible, l'intention de tricher pouvant expliquer cette attitude.
172 La Commission reconnaît qu'aucun accord de quotas définitif n'a pu être réalisé pour 1981. Elle affirme cependant que les producteurs sont parvenus au début de l'année 1981 à un accord sur un système temporaire consistant à limiter mensuellement les ventes à 1-12 de 85 % des objectifs qui avaient été convenus pour 1980, comme l'atteste le compte rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17). En second lieu, les producteurs auraient procédé à un suivi mutuel de leurs ventes réelles sur une base mensuelle, comme le montrerait notamment un tableau daté du 21 décembre 1981 découvert chez ICI, faisant état des ventes mensuelles des différents producteurs en 1981 (g. g. ann. 67). En troisième lieu, ICI, Shell et Monte se seraient réunies à deux reprises les 27 mai et 15 juin 1981 en vue de discuter des propositions d'accords de quotas (g. g. ann. 64).
c) Appréciation du Tribunal
173 Le Tribunal considère que l'examen de la participation de la requérante aux initiatives de prix et au système de quotas durant l'année 1981 doit avoir lieu à la lumière des contacts qu'entretenait la requérante avec les participants aux réunions de "patrons" et d"experts", de sa participation aux réunions des 27 mai et 15 juin 1981 (g. g. ann. 64) et à la lumière du contenu d'une note interne de Shell du 15 février 1982 (g. g. ann. 94) intitulée Market Quality PP, dans laquelle on peut lire:
Price initiatives PP majors (Hoechst, M-E, ICI, Shell) unlikely to have much effect (as usual: there are too many PP producers with differing objectives & perceptions).
Il est peu probable que les initiatives de prix adoptées par les grands du PP (Hoechst, M-E, ICI, Shell) soient suivies de beaucoup d'effet (car, comme d'habitude, trop de producteurs de PP ont des objectifs et des perceptions différents.
174 En ce qui concerne l'initiative de prix de janvier-mai 1981, le Tribunal constate que, contrairement aux affirmations de la requérante, la décision (tableau 7B) lui fait grief d'avoir participé à la fixation d'un objectif de prix pour le 1er janvier 1981. Elle se fonde sur l'identité des prix contenus dans un télex envoyé par Shell aux sociétés d'exploitation du groupe le 17 décembre 1980 (ann. SC B/C1, lettre du 29 mars 1985) avec les instructions de prix envoyées par cinq autres producteurs entre le 29 octobre et le 15 décembre 1980 pour les qualités raphia et homopolymère et avec celles de trois de ces producteurs pour le copolymère. A cet égard, il y a lieu de relever, d'une part, qu'il ressort de l'instruction de prix d'ICI du 1er décembre 1980 (ann. ICI B2, lettre du 29 mars 1985) que celle-ci avait appris par le marché que Shell avait décidé d'augmenter ses prix dès le mois de novembre, soit avant la réunion du 16 décembre 1980 évoquée par la Commission, et, d'autre part, que, contrairement à ce qui apparaît dans le tableau 7B de la décision, l'instruction de prix de Shell du 17 décembre, l'instruction de prix de Shell du 17 décembre 1980 ne correspond à celle d'aucun autre producteur en ce qui concerne le copolymère, puisque la requérante fait état d'un prix de 22,50 DM/kg et deux autres encore d'un prix de 1,95 DM/kg, soit des prix sensiblement supérieurs. Il s'ensuit que le tableau 7B de la décision donne une impression trompeuse de similitude entre le prix de la requérante et celui des autres producteurs en ce qui concerne cette qualité de polypropylène. La Commission n'ayant produit aucun autre document faisant état de prix de la requérante identiques aux prix des autres producteurs pour cette qualité, le Tribunal considère que la Commission ne peut se fonder sur le seul télex de la requérante du 17 décembre 1980 pour affirmer que Shell a participé à la fixation d'un objectif de prix pour le 1er janvier 1981.
175 Pour février 1981, le Tribunal constate que, pour impliquer la requérante, la Commission s'est fondée sur le télex de Shell du 17 décembre 1980 (ann. SC B/C1, lettre du 29 mars 1985) et sur le mémorandum interne de Shell UK du 21 janvier 1981 (ann. SC C2, lettre du 29 mars 1985), qui font tous deux état d'une augmentation de prix correspondant à celle envisagée par ses concurrents.
Face à ces éléments de preuve, la requérante a produit un télex de Shell daté du 26 janvier 1981 (ann. C1 réponse SC à la lettre du 29 mars 1985), indiquant des prix pour le 1er février 1981 qui diffèrent aussi bien des instructions antérieures et des instructions des autres producteurs que de l'objectif de prix fixé lors des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17). Elle ajoute que, contrairement à ce qu'affirme la Commission, le mémorandum de Shell UK du 21 janvier 1981 (ann. SC C2, lettre du 29 mars 1985) concerne une augmentation de prix pour le mois de mars 1981 et non pour le 1er février 1981. Le Tribunal considère, en premier lieu, que le document produit par la requérante n'est pas de nature à infirmer les conclusions tirées par la Commission des documents précédents. En effet, il était de pratique courante que, après avoir donné des instructions de prix correspondant rigoureusement à celles de leurs concurrents, les sociétés d'exploitation du groupe Shell corrigent ces instructions quelques jours avant leur entrée en vigueur, lorsqu'elles estimaient que l'initiative de prix décidée avait peu de chance d'aboutir. C'est la raison pour laquelle les initiatives de prix ont fréquemment échoué et les prix pratiqués par la requérante sur le marché ont été fréquemment inférieurs aux objectifs de prix fixés, ce dont la Commission a prix acte dans la décision. Le Tribunal considère, en second lieu, que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, le mémorandum de Shell UK du 21 janvier 1981 (ann. SC C2, lettre du 29 mars 1985) concerne une augmentation de prix pour le mois de mars 1981 et non pour le 1er février 1981. Le Tribunal considère, en premier lieu, que le document produit par la requérante n'est pas de nature à infirmer les conclusions tirées par la Commission des documents précédents. En effet, il était de pratique courante que, après avoir donné des instructions de prix correspondant rigoureusement à celles de leurs concurrents, les sociétés d'exploitation du groupe Shell corrigent ces instructions quelques jours avant leur entrée en vigueur, lorsqu'elles estimaient que l'initiative de prix décidée avait peu de chance d'aboutir. C'est la raison pour laquelle les initiatives de prix ont fréquemment échoué et les prix pratiqués par la requérante sur le marché ont été fréquemment inférieurs aux objectifs de prix fixés, ce dont la Commission a prix acte dans la décision. Le Tribunal considère, en second lieu, que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, la mémorandum de Shell UK du 21 janvier 1981 fait état séparément, d'une part, de son intention de suivre l'augmentation de prix annoncée pour février par les producteurs européens, qui conduit au prix mentionné à la fois dans un télex du 17 décembre 1980 et dans le compte rendu des réunions de janvier 1981 (1,75 DM/kg pour le raphia), et, d'autre part, de l'augmentation de prix prévue pour le 3 mars. En effet, la thèse de la requérante est incompatible avec les différents chiffres cités dans le mémorandum, puisqu'il fait état d'un prix pour le mois de janvier de 1,50 DM/kg, soit 315 UKL/tonne, d'une cible pour février de 1,75 DM/kg, soit 360 à 370 UKL/tonne et que l'on prévoit une augmentation de 20 UKL/tonne au 3 mars.
176 Pour mars 1981, le Tribunal constate que la Commission se fonde, pour affirmer que Shell était impliquée dans cette partie de l'initiative de prix en cause, sur un mémorandum interne de Shell UK du 21 janvier 1981 (ann. SC C3, lettre du 29 mars 1985), qui fait état d'un objectif de prix de 22,50 DM/kg correspondant rigoureusement au prix cible fixé lors des réunions de janvier et aux instructions de prix de ses concurrents. Face à ces éléments, la requérante fait valoir qu'un mémorandum de Shell UK du 23 février 1981 (ann. C2, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985) fait état d'un prix nettement inférieur à ce prix. Le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission s'est fondée sur les documents susmentionnés pour conclure à la participation de la requérante à cette partie de l'initiative de prix en cause, dans la mesure où il était de pratique courante chez Shell de modifier quelques jours avant leur entrée en vigueur les prix antérieurement fixés. A cet égard, il importe de souligner que, dans un mémorandum du 27 mars 1981 (ann. SC D1, lettre du 29 mars 1985), Shell UK s'est référée implicitement à son propre mémorandum du 21 janvier 1981 comme point de départ du calcul de l'objectif de prix à poursuivre pour le 1er avril 1981, prix identique à ceux de Hoechst et Monte (sans se référer aucunement à son mémorandum du 23 février 1981).
177 Pour l'augmentation de prix destinée à entrer en vigueur le 1er mai 1981, le Tribunal constate que, pour impliquer la requérante, la Commission se fonde sur le mémorandum de Shell UK du 27 mars 1981 et sur un télex de Shell du 10 avril 1981 (ann. SC D3, lettre du 29 mars 1985), qui font tous deux états d'un prix cible de 2,15 DM/kg, à côté duquel le second ajoute un prix minimal de 22,50 DM/kg. Elle relève que le mémorandum de Shell UK porte la même date que les instructions de prix de BASF, ICI et Monte et qu'il est postérieur de deux jours à une réunion de producteurs qui se serait tenue le 25 mars. Face à ces éléments de preuve, la requérante expose que les mémorandums de Shell UK des 29 avril (ann. SC d2, lettre du 29 mars 1985), 30 avril et 13 mai 1981 (ann. D1 et D2, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985) ont indiqué que les niveaux de prix précédemment cités n'étaient pas accessibles. Le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit la participation de Shell à une initiative de prix destinée à entrer en vigueur du 1er mai du mémorandum de Shell UK du 27 mars 1981 et du télex de Shell du 10 avril 1981, en faisant le rapprochement entre ces documents et la réunion du 25 mars 1981 et les instructions de prix données par BASF, ICI et Monte. Le fait que le télex du 10 avril 1981 comportait un prix cible et un prix minimal dont seul le premier correspondait aux instructions de prix données par les autres producteurs n'est pas de nature à infirmer cette constatation.
178 En ce qui concerne l'initiative de prix d'août-décembre 1981, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a considéré que la requérante avait participé à la préparation de cette initiative avec Monte et ICI lors des réunions des 27 mai et 15 juin 1981. En effet, il résulte du compte rendu de la première de ces réunions (g. g. ann. 64a) que les participants à cette réunion, dont Shell et ICI, considéraient que le prix moyen du raphia était de 1,80 DM/kg fin mai. Il résulte du compte rendu de la seconde de ces réunions (g. g. ann. 64b) que les participants, dont Shell, ICI et Monte, envisageait comme solution possible face au niveau excessivement bas des prix une augmentation de 0,20 DM/kg au 1er juillet et que c'est sur la base du résultat que cette réunion que Shell a défini le prix qu'elle a communiqué à ses sociétés d'exploitation le 17 juin 1981 (ann. SC E1, lettre du 29 mars 1985), à savoir 22,50 DM/kg applicable le 1er juillet (soit 1,80 DM/kg + 0,20 DM/kg).
179 Pour le 1er septembre, le Tribunal constate que la Commission fonde aussi ses allégations sur le télex de Shell du 17 juin 1981, qui prévoit également un objectif de départ de 2,30 DM/kg en septembre. Cet objectif a, selon la Commission, vraisemblablement été revu lors de la réunion du 28 juillet 1981. Elle fait état ensuite d'un mémorandum de Shell UK daté du 4 août 1981 (ann. SC E3, lettre du 29 mars 1985), qui fait état d'une augmentation de 40 UKL/tonne pour l'homopolymère et le copolymère à partir du 5 septembre. A ces éléments, elle ajoute un télex de Shell du 28 août 1981 (ann. SC E2, lettre du 29 mars 1985), qui fait état d'un prix cible de 2,20 DM/kg pour le mois de septembre, soit 0,20 DM/kg higher than existing target of 22,50 DM/kg (au-dessus de la cible existence de 22,50 DM/kg). La Commission considère que la mise en parallèle de ces instructions de prix avec les réunions des 4 et 21 août 1981 permet d'étayer les conclusions auxquelles elle est parvenue. Face à ces différents éléments de preuve, la requérante fait valoir qu'un télex de Shell UK du 16 juillet 1981 et un télex de Shell France du 17 juillet 1981 (ann. E2 et E3, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985) font état de prix cibles différents de ceux qui auraient été fixés d'après la Commission. Elle ajoute que des télex de Shell des 4 et 20 août 1981 (ann. E4 et E5, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985) font également état d'objectifs de prix différents pour le mois de septembre. Le Tribunal considère que la Commission a établi à suffisance de droit la participation de Shell à la fixation d'un objectif de prix pour le 1er septembre, dans la mesure ou le prix contenu dans le télex initial de Shell du 17 juin 1981 constituait manifestement un objectif à très long terme (we suggest you start discussions with yours customers indicating a floor PP Fina France level of 2.30 DM/kg; nous vous suggérons d'entamer les discussions avec vos clients en leur indiquant un prix plancher pour le PP Fina France de 2,30 DM/kg), qui était dès lors sujet à révision, que le mémorandum de Shell UK du 4 août 1981 et le télex de Shell du même jour montrent qu'à cette date l'objectif pour septembre avait été ramené à 22,50 DM/kg et que le télex de Shell du 28 août 1981 montre qu'à cette date now business/orders should be based on a minimum of 2.20 DM per kg (les nouveaux marchés et les nouvelles commandes devraient être basés sur un prix minimal de 2,20 DM/kg, c'est-à-dire un prix de 0,20 DM/kg au-dessus de la cible existante de 22,50 DM/kg). Ces constatations se trouvent renforcées par le fait que des réunions de producteurs ont eu lieu le 28 juillet 1981, les 4 et 21 août 1981 et qu'il résulte de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) que la requérante était informée du résultat des réunions de producteurs.
180 Pour le 1er octobre, le Tribunal constate que, pour impliquer Shell dans cette partie de l'initiative de prix, la Commission se fonde sur le télex de Shell du 28 août 1981 (ann. SC E2, lettre du 29 mars 1985), qui indique un objectif de prix de 2,30 DM/kg pour le 1er octobre, ainsi que sur un mémorandum de Shell UK du 8 septembre 1981 (ann. SC E4, lettre du 29 mars 1985), qui annonce une augmentation de 60 UKL/tonne pour le début du mois d'octobre. Face à ces éléments, la requérante fait état du compte rendu d'une réunion interne de Shell du 24 septembre 1981 (ann. E6, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985), durant laquelle les sociétés d'exploitation du groupe Shell auraient indiqué qu'elles espéraient atteindre un minimum sensiblement inférieur aux cibles. Elle ajoute que les prix effectivement atteints sur le marché étaient nettement inférieurs aux cibles. Le Tribunal considère que l'argumentation de la requérante n'est pas de nature à mettre en cause les constatations de la Commission, dans la mesure où il est fait état dans la note du 24 septembre 1981 d'un objectif de prix pour le 1er octobre de 2,20 DM/kg, qui a été porté à 2,30 DM/kg, ce qui correspond à l'objectif de prix poursuivi par les autres producteurs. En outre, il y a lieu de relever que le mémorandum de Shell UK du 8 septembre 1981 a été rédigé le lendemain du jour où BASF et ICI ont donné leurs instructions de prix et quatre jours seulement après que Monte et DSM ont fait de même.
181 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a souscrit aux deux initiatives qui se sont déroulées pendant l'année 1981 et qui sont décrites aux points 32 et 36 de la décision et dans les tableaux 7B à 7G de celle-ci, sauf en ce qui concerne le début de la première de ces initiatives.
182 En ce qui concerne la participation de la requérante au système de quotas, le Tribunal constate qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année, d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'objectif convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars de 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes, et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.
183 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs ambitions au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres actual (effectifs) et ses targets (cibles) pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses aspirations pour 1981 (g. g. ann. 59 et 61); un tableau rédigé en Italien (g. g. ann. 62) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres ambitions pour 1981, ainsi qu'une note interne d'ICI (g. g. ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire:
"Taking the various alternatives discussed at yesterdays meeting we would prefer to limmit the volume to be shared to no more than the market is expected to reach in 1981, say 1.35 million tonnes. Although there has been nouveau Code de Procédure Civile further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0.35 % provided the more ambitious smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR also tempered their demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich."
(Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 millions de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les "quatre grands" pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980, à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants, tels que Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR tempèrent aussi leurs exigences. A condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des "patrons", si possible avant la réunion de Zurich.)
Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 "(% of 1980 target)".
184 L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte rendu des réunions de janvier 1981, auxquelles n'a pas participé la requérante, dans lequel on peut lire:
"In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers.
Dans l'intervalle (février-mars) le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel des clients."
185 Le fait que les producteurs se soient assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et aient vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents. Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (g. g. ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois, dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel ont été ajoutées à la main. Il s'agit, ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien intitulé "Scarti per società" (écarts ventilés par société) et découvert chez ICI (g. g. ann. 65), qui compare pour chaque producteur pour la période janvier-décembre 1981 les chiffres de vente actual avec les chiffres theoretic (al) (théoriques). Il s'agit, enfin, dun tableau non daté, découvert chez ICI (g. g. ann. 68), comparant pour chaque producteur pour la période janvier-novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.
186 En effet, le premier tableau montre que les producteurs se sont communiqué mutuellement les chiffres de leurs ventes mensuelles, informations qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, et qu'ils les ont comparés avec ceux réalisés en 1980, comme l'indiquent les deux autres tableaux portant sur la même période.
187 La participation de la requérante à ces différentes activité résulte, en premier lieu, des contacts qu'elle a eus avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts". Il convient de rappeler que, selon la réponse d'ICI à la demande de renseignement (g. g. ann. 8), la requérante était informée des résultats de ces réunions, qui ont porté, comme l'attestent les comptes rendus des réunions des 27 mai et 15 juin 1981 (g. g. ann. 64), sur des arrangements en matière de volumes.
En effet, on peut lire dans le premier de ces comptes rendus que:
"this meeting was arranged to review the polypropylene scene and to seek SICC's views on the volume scheme put forward by Montepolimeri in Rome ... As expected, Shell were unimpressed by the volume proposals as basically they are unconvinced that they work."
"(cette réunion avait été programmée afin de passer le marché du polypropylène en revue et d'obtenir le point de vue de SICC sur le schéma concernant les volumes proposé par Montepolimeri à Rome ... Comme il fallait s'y attendre, Shell ne s'est guère montrée impressionnée par les propositions de volume parce qu'au départ elle n'est pas convaincue qu'elles puissent s'avérer efficaces)."
Dans le second compte rendu, on peut lire:
"L. repeated his comments about quotas and Z. said only DSM, Saga and ICI had commented on his proposals. Possible solutions included (a) sanctions (not a great success so far on PVC), (b) control production which is within the power of the bosses (L. thought propylene availability might scupper this), (c) quotas which Z. favoured but L. discournted..."
"L. a réitéré ses commentaires sur les quotas et Z. a dit que seules DSM, Saga et ICI avaient fait des observations sur ses propositions. Les solutions possibles incluaient (a) des sanctions (qui n'ont pas été un grand succès jusqu'à présent en ce qui concerne le PVC), (b) un contrôle de la production, ce qui relève du pouvoir des "patrons" (L. estimait que les disponibilités en propylène pourraient anéantir cette solution), (c) l'application de quotas pour laquelle Z. s'est déclarée favorable, mais pour laquelle L. a montré peu d'enthousiasme..."
Si ces éléments font état de réserves exprimées par Shell quant au système de quotas, ils montrent sa participation aux discussions qui ont eu pour objet la mise en place d'un tel système.
188 La participation de la requérante résulte, en second lieu, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés. Dans ces documents figurent d'ailleurs des chiffres dont il convient de rappeler qu'ils ont été fournis par la requérante elle-même (voir les points 114 et 115 ci-avant).
189 Le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions de "patrons" et d'"experts", que la requérante a rendu possible en fournissant ses chiffres de vente, de la mise en œuvre durant l'année 1981 d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les producteurs de polypropylène.
190 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit, sauf en ce qui concerne le début de l'initiative de prix de janvier-mai 1981, que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés, portant sur cette initiative de prix et sur celle d'août-décembre 1981 ainsi que sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour l'année 1981.
C.3 L'année 1982
a) Acte attaqué
191 Selon la décision (points 37 à 39, premier alinéa), l'initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d'un retour du marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (22,50 DM/kg pour le raphia).
192 La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant d'ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix cibles définis lors de la réunion (décision, point 39, deuxième alinéa). Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'auraient pu annoncer que des hausses modestes.
193 Selon la décision (point 40), une initiative de prix pour septembre-novembre 1982 aurait été décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 et aurait visé à atteindre un prix de 22,50 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre. Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2 septembre 1982 (décision, point 41).
194 A la suite des réunions du 20 août et du 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).
195 Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, un examen des mesures prises pour atteindre l'objectif fixé précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg pour novembre-décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.
196 A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).
197 ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient fourni à la Commission des instructions de prix adressées à leurs bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais correspondraient également au tableau de prix cibles joint au compte rendu d'ICI de la réunion d'"experts" du 2 septembre 1982. La requérante reconnaîtrait avoir assisté à une réunion des "quatre grands" à Heathrow le 13 octobre (soit une semaine avant la réunion d'octobre des "patrons") et elle aurait été en contact régulier avec ICI à propos de l'initiative de prix d'octobre au cours du mois de septembre (décision, point 45)
198 La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.
199 Par ailleurs, la décision article 1er, sous c), et point 27; voir aussi point 42 fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin septembre 1982, un système d'account management ayant pour but d'appliquer les hausses de prix des clients particuliers.
200 En ce qui concerne le système d'account management dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous le nom d'"account leadership", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou leader d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement ses rapports avec les fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un coordinateur aurait été désigné pour chacun deux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file (leader), chargé d'orienter, de négocier et d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le nom de contenders et coopéraient avec l'"account leader" lorsqu'il faisait une offre au client en question. Pour protéger l'"account leader" et les contenders, tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire une offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait qu'à cette époque le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.
201 La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de réparation du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système. Toutefois, en attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d'entre eux pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché auraient atteint un certain équilibre (qualifié par ATO de quasi-consensus) et, parmi les grands, ICI et Shell se seraient maintenues à quelque 11 % et Hoechst à un niveau légèrement inférieur (10,5 %). Monte, qui serait restée le plus gros producteur, aurait progressé légèrement et occuperait 15 % du marché contre 14,2 % l'année précédente.
b) Arguments des parties
202 Dans les mémoires qu'elle a présentés devant le Tribunal, la requérante ne conteste pas spécifiquement sa participation aux initiatives de prix de 1982, mais elle considère que ses critiques relatives aux initiatives de prix des années 1977, 1979, 1981 et 1983 sont exprimées uniquement à titre d'exemples. Elle renvoie pour le surplus aux mémoires qu'elle a déposés dans le cadre de la procédure administrative.
203 Elle fait valoir sans être contredite par la Commission sur ce point quelle ne participait pas aux réunions du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29) et du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), au cours desquelles le système d'"account leadership" aurait été proposé et mis au point, alors que, selon la Commission, tous les producteurs qui participaient alors (à partir de septembre 1982) aux réunions (y compris Shell) ont été nommés coordinateurs ou leader d'au moins un gros client (décision, point 27, dernier alinéa). Il ne serait d'ailleurs pas établi que les producteurs présents se soient entendus pour mettre en œuvre ce système. En tout cas, Shell n'en aurait pas été informée et la circonstance que d'autres producteurs auraient étudié la possibilité pour des sociétés du groupe Shell d'intervenir en qualité d'"account leader" ne saurait suffire à démontrer que ces sociétés avaient accepté de participer à ce système.
204 Par ailleurs, elle estime que c'est à tort que la Commission croit pouvoir déduire du compte rendu d'une réunion de producteurs du printemps 1983 (g. g. ann. 37) que la requérante aurait communiqué des informations individualisées sur sa clientèle qui ne peuvent avoir de pertinence que dans le cadre d'un système d'"account leadership". En effet, personne au sein du groupe Shell n'aurait eu connaissance du contenu de cette réunion et aucune société Shell n'y aurait participé ni n'aurait fourni des informations à quiconque en vue de leur utilisation à cette réunion. Une comparaison du compte rendu de cette réunion avec les faits avérés aurait démontré que les références faites à Shell étaient basées sur des projections, en réalité imprécises, des effectifs de vente d'autres sociétés et non pas sur un rapport de la situation réelle qui aurait été fait par une des sociétés Shell. L'entreprise BIHR, dont Shell aurait été l'"account leader", voyait en effet ses prix fixés en fonction de la moyenne des prix de ses autres fournisseurs, ce qui aurait empêché Shell de mener à travers elle une hausse de prix ou d'indiquer les prix qu'elle pratiquerait à son égard, ceux-ci ne pouvant être fixés qu'a posteriori.
205 Enfin, la requérante soutient que la Commission ne peut pas davantage se fonder sur le compte rendu d'une réunion interne de Shell du 17 mars 1983 (g. g. ann. 53), car ce compte rendu n'établirait pas la participation de la requérante au système. En outre, la Commission omettrait de faire état du compte rendu d'une autre réunion interne de Shell du 14 mars 1983 (ann. 42, g. SC), qui montrerait que Shell croyait que, en tant que fournisseur important, elle ne pouvait pas augmenter ses prix vis-à-vis d'un client délicat comme BIHR. Enfin, l'intervention de Shell dans un tel système aurait été contraire à sa politique qui, à l'époque, était centrée sur les volumes.
206 En ce qui concerne les quotas, la requérante fait valoir que, Shell ayant refusé de participer à un système de compensations, celui-ci aurait échoué et aucun accord de quotas n'aurait été conclu. Au cours de ces discussions, un cadre de Shell aurait certes indiqué que Shell se satisferait d'une part de marché comprise entre 11 et 12 %, mais, eu égard à la structure du groupe Shell dans laquelle Shell ne pouvait pas prendre d'engagement pour le compte des sociétés d'exploitation, il est exclu que les autres entreprises aient pu comprendre cette déclaration comme l'acceptation d'un quota. En 1982, Shell aurait eu une part de marché supérieure à 12 % et aurait produit à 98 % de sa capacité effective, ce que les autres producteurs ne pouvaient ignorer.
207 La Commission, de son côté, se réfère aux éléments de preuve mentionnés dans la décision pour impliquer la requérante dans les initiatives de prix de 1982.
208 Par ailleurs, elle estime qu'il existe des preuves irréfutables de ce que les sociétés Shell ont participé aux réunions des "quatre grands" et à des réunions locales et qu'elles n'ont donc pas pu rester longtemps dans l'ignorance du système d'"account leadership" et du rôle qu'elles devaient y jouer (g. g. ann. 29 et 33), puisqu'elles étaient informées du contenu des réunions, comme l'a indiqué ICI dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8). Ce n'est que parce qu'ils avaient de bonnes raisons de croire que Shell était disposée à participer au système que les autres producteurs l'auraient mentionnée comme un éventuel chef de file.
209 Selon la Commission, le compte rendu d'une réunion du printemps 1983 (g. g. ann. 53), montrerait que Shell fournissait aux autres producteurs des informations spécifiques sur ses clients dans le cadre de son rôle de chef de file, notamment de BIHR.
210 La Commission souligne encore que le système d'"account leadership" ne représentait qu'un aspect des accords passé entre les producteurs.
211 Pour l'année 1982, elle affirme qu'aucun accord de quotas définitif n'a pu être réalisé, malgré les efforts en ce sens qu'établiraient les différents plans découverts. Toutefois, une solution provisoire aurait été trouvée sous la forme d'une orientation déterminée des ventes en fonction des chiffres de l'année précédente. La Commission indique que l'existence de discussions relatives à la définition de quotas ressort d'un grand nombre de documents. Parmi ces documents, il y a lieu de relever surtout des comptes rendus de réunions rédigés par ICI, dont il résulte que des échanges d'informations avaient lieu sur les quantités vendues (g. g. ann. 24 à 26 et 31 à 33). Il y a lieu de relever également différents plans découverts chez ICI (g. g. ann. 69 et 71) ainsi qu'une proposition assez complète pour 1982 émanant d'ICI (g. g. ann. 70).
212 La Commission indique que les informations concernant Shell qui figurent dans ces différents documents ont dû être communiquées par Shell elle-même, comme l'indiquerait la réponse d'ICI à la demande de renseignements.
c) Appréciation du Tribunal
213 Le Tribunal considère que la participation de la requérante aux initiatives de prix aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre de celles-ci et au système de quotas doit être examinée à la lumière des contacts que la requérante a entretenus avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts", de sa participation aux réunions des "quatre grands" et de la participation des sociétés d'exploitation du groupe Shell aux réunions locales.
214 Pour l'initiative de prix de juin-juillet 1982, qui comportait la définition d'un objectif de prix pour le 14 juin au Royaume-Uni, décidée lors de la réunion d'"experts" du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), la Commission se fonde sur un mémorandum de Shell UK du 17 juin 1982 (ann. SC F1, lettre du 29 mars 1985) qui fait état d'une augmentation de prix de 50 UKL/tonne, ce qui correspond au prix cible, pour le 21 juin. Face à ces éléments, la requérante indique que, la Commission ayant admis que cette initiative n'a pas été mise en œuvre, elle n'a rien d'autre à faire valoir que le fait que ses prix sont restés les mêmes en juin qu'en mai. Le Tribunal constate que, si le mémorandum de Shell est postérieur de plus d'un mois à la réunion du 13 mai 1982 et de trois jours à la date d'entrée en vigueur du prix cible pour juin, il est toutefois daté du lendemain d'une réunion locale tenue le 16 juin 1982, convoquée en Belgique par DSM suite à la demande formulée par les autres producteurs lors de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25). Cette réunion locale, à laquelle Shell a participé, avait pour objectif to quote the target levels absolutely rigidly for July (de fixer les niveaux-cibles de manière absolument stricte pour le mois de juillet). Or, cette décision a été prise à la suite du constat par les producteurs que:
It was impossible to reach the target level of 36 BFR/kg etc. in June. ICI & DSM pressed for a major push in Belgium as it would have beneficial effects on the surrounding countries + bringing Shell back into the fold (without any producers having to put too much at stake in terms of volume).
Il était impossible d'atteindre le niveau cible de 36 BFR/kg, etc, en juin; ICI et DSM ont fait pression pour que l'on effectue une poussée importante en Belgique, car une telle poussée aurait des effets bénéfiques sur les pays avoisinants + ramènerait Shell au bercail (sans qu'aucun producteur ne doive mettre trop en jeu en termes de volume).
Par conséquent, le Tribunal considère que la réunion locale du 16 juin 1982 a abouti au ralliement de Shell à l'initiative de prix en cours et que le fait que celle-ci ait échoué est sans pertinence.
215 Pour démontrer la participation de la requérante à l'initiative de prix de septembre-décembre 1982 (ann. SC G1, lettre du 29 mars 1985), qui inviterait le bureau de vente à informer les clients du Royaume-Uni d'une augmentation applicable dès le 1er octobre 1982 et fixerait des niveaux cibles qui correspondent exactement à ceux qui sont énumérés dans le compte rendu de la réunion d'"experts" du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29). Une note datée du 1er novembre sur la politique commerciale en matière de polyoléfines recommanderait, quant à elle, de maintenir la structure des prix-planchers en vigueur, mais de les relever au Royaume-Uni de 20 UKL/tonne à mesure que le marché du Benelux et le marché scandinave affermiront leurs prix sur la base de 22,50 DM/kg et que les Européens commenceront à demander dix pfennigs de plus en novembre et en décembre (ann. SC. G2, lettre du 29 mars 1985. A cela, la Commission ajoute une note du 25 novembre 1982 qui recommanderait d'introduire l'augmentation de 20 UKL/tonne en décembre et de porter les niveaux planchers à 490 UKL/tonne pour le raphia dès que possible au début décembre (ann. SC. G3, lettre du 29 mars 1985). En outre, le compte rendu d'une réunion qui s'est tenue le 30 novembre sous la présidence de SCITCO et à laquelle assistaient les autres sociétés Shell mentionnerait des cibles pour décembre de 2,10 DM/kg pour l'homopolymère et 2,50 DM/kg pour le copolymère (ann. SC. G4, lettre du 29 mars 1985). Enfin, une note d'ICI sur les mouvements des prix résultant des réunions de producteurs de décembre comporterait une remarque significative: Shell & ourselves have made good progress towards the UKL 490 December levels... (Shell et nous-même avons fait de grands progrès vers les niveaux de 490 UKL pour décembre...; g. g. ann. 34). Shell aurait cependant exprimé à ICI des réserves à propos d'une initiative future, ce qui incite l'auteur de la note à ajouter: The most I could persuade them to consider was + UKL 20/t in February to UKL 510/t... (Tout ce que j'ai pu les persuader d'envisager, c'est une hausse de 20 UKL/t en février, soit 510 UKL...). Le compte rendu de la réunion Shell du 30 novembre ferait apparaître que la cible de Shell UK pour le 1er février 1983 était bien de 510 UKL. Face à ces différents éléments, la requérante fait valoir que le mémorandum de Shell UK du 26 août 1982 au cours de laquelle, selon la Commission, le prix cible pour octobre aurait été fixé et que ce mémorandum ne constitue pas une instruction de prix. Elle ajoute que ses affirmations sont confirmées, d'une part, par le compte rendu de la réunion interne PIM de Shell du 7 septembre 1982 (ann. 30 g. SC), au cours de laquelle il aurait été déclaré qu'il serait difficile d'atteindre la cible en raison du refus de certaines sociétés d'exploitation du groupe Shell de perdre des parts de marché pour mener une politique de prix déraisonnable, et, d'autre part, par des documents émanant d'autres producteurs selon lesquels Shell aurait mené une politique de prix très compétitive. La requérante poursuit en affirmant que la note du 1er novembre ne fait état d'aucune augmentation de prix de la part de Shell et que celle du 25 novembre, comporte une explication de la nécessité d'augmenter les prix en décembre, à savoir la faiblesse de la livre sterling. Elle complète ces éléments en se référant à une note de Shell UK du 14 décembre (ann. G1, réponse SC à la lettre du 29 mars 1985), selon laquelle cette augmentation aurait été annulée, ce qui serait confirmé par une note d'ICI, intitulée W. European Polypropylene situation December 1982 (g. g. ann. 34; situation du polypropylène en Europe occidentale en décembre 1982), dans laquelle il serait fait état de la politique de prix agressive menée par Shell. La prudence de Shell en matière d'augmentation de prix serait encore mise en évidence par le compte-rendu de la réunion du 30 novembre 1982. Le Tribunal constate que, s'il précède la réunion du 2 septembre 1982, le mémorandum du 26 août 1982 fait suite à la réunion des "patrons" du 20 août 1982 et la réunion locale du 23 août 1982 qui était consacrée à la Belgique et à laquelle une société d'exploitation de la requérante a participé. Or, c'est au cours de la réunion du 20 août 1982 (g. g. ann. 28) que l'objectif de 22,50 DM/kg à atteindre le 1er octobre 1982 a été fixé. En ce qui concerne le compte rendu de la réunion interne du 7 septembre 1982 (ann. 30, g. SC.), il faut relever qu'il y est indiqué que le contexte économique est favorable à une augmentation de prix, mais que le niveau de 2 DM/kg ne pourra être atteint que dans certains cas. Pour le surplus, le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend uniquement à démontrer qu'elle n'a pas pu traduire les prix cibles sur le marché et non qu'elle n'a pas adhéré à l'accord instituant ces prix cibles.
216 Il résulte que ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a souscrit aux deux initiatives de prix qui ont eu lieu pendant l'année 1982 et qui sont décrites aux points 37 à 46 de la décision et dans les tableaux 7 H et 7J de celle-ci.
217 En ce qui concerne la participation de la requérante au système d'"account leadership", le Tribunal constate que la requérante conteste non seulement sa participation à ce système, mais également le fait que ce système ait été adopté et mis en œuvre par les autres producteurs. Il ressort des comptes rendus des réunions du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29), du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) et du printemps 1983 (g. g. ann. 37) qu'au cours de celles-ci les producteurs présents ont adhéré à ce système. A cet égard, l'adoption du système d "account leadership" ressort du passage suivant du compte-rendu de la réunion du 2 septembre 1982:
"about the dangers of everyone quoting exacly DM 2. As point was accepted but rather than go below DM 2 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at individual account should quote a few pfs higher. Whilst customers tourism was clearly to be avoided for the next month or two it was accepted that it would be very difficult for companies to refuse to quote at allocation when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular suppliers. In such cases producers would quote but at above the minimum levels for October."
("la remarque d'A. à propos des risques qui existeraient si tout le monde prpoposait exactement 2 DM a été acceptée; toutefois au lieu de descendre en dessous de 2 DM, on a avancé l'idée - qui a été acepté par tous - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d'un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs. Tout en décidant clairement d'éviter toute nouvelle propesction pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu'il serait très difficile aux entreprises de refuser de présenter des offres, si, comme c'était probable, les clients essayaient d'éviter les prix plus élevés des fournisseurs réguliers. Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimaux d'octobre").
218 La mise en œuvre, à tout le moins partielle, de ce système est attestée par le compte-rendu de la réunion du 3 mai 1983 (g. g. ann. 38), dans lequel on peut lire:
"A long discussion took place on Jacob Holm who is asking for quotations for the 3rd quarter. It was agreed not to do this and to restrict offers to the end of June, April/May levels were at DKR 6.30 (DM 1.72). Hercules were definitely in and would quote DKR 6.75 from now to end June (DM 1.85...)"
"Une longue discussion a eu lieu à propos de Jacob Holm qui a demandé une remise de prix pour le troisième trimestre. Les participants à la réunion ont décidé de n'en rien faire et de clôturer les offres à la fin du mois de juin, pour les mois d'avril et de mai. Les prix se situaient au niveau de 6,30 DKR (1,72 DM). Il est clair qu'Hercules était candidate et qu'elle naurait pas dû. Pour protéger BASF, il a été convenu que CWH (üls) + ICI vendraient désormais à 6,75 DKR, et ce jusqu'à la fin du mois de juin (1,85 DM)."
Cette mise en œuvre est confirmée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), qui indique à propos de ce compte rendu de réunion:
"In the Spring of 1983 there was a partial attempt by some producer to operate the Accont Leadership scheme ... Since Hercules had not declared to the Account Leader its interest in supplying Jacob Holm, the statement was made at this meeting in relation to Jacob Holm that Hercules were definitely in and should not have been so. It should be made clear that this statement refers only to the Jacob Holm account and not to the Danish market. It was because of such action by Hercules and others that the Account Leadership scheme collapsed after at most two months of partial and ineffective operation.
The method by which Hüls and ICI should have protected BASF was by quoting a price of DKR 6.75 for the supply of raffia grade polypropylene to Jacob Holm until the end of June."
"(Au printemps 1983, certains producteurs ont essayé de mettre partiellement en œuvre le système d'"account leadership" ... Comme Hercules n'avait pas fait savoir à l'"account leader" qu'elle était disposée à assurer les fournitures à Jacob Holm, il a été déclaré au cours de cette réunion à propos de Jacob Holm que s'il est clair qu'Hercules était candidate et qu'elle n'aurait pas dû. Il importe de souligner que cette affirmation se réfère uniquement au client Jacob Holm et non pas au marché danois. C'est la cause d'un tel comportement d'Hercules et d'autres que le système d'"account leadership" a échoué après deux mois maximum de fonctionnement partiel et inefficace."
La méthode par laquelle Hüls et ICI auraient dû protéger BASF consistait à remettre prix à 6,75 DKR pour la fourniture de polypropylène, qualité raphia, à Jacob Holm jusqu'à la fin du mois de juin.)
219 Le Tribunal considère que, contrairement aux affirmations de la requérante, le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) montre que le système d'"account leadership" avait été adopté lors de la réunion du 2 septembre (g. g. ann. 29), dans la mesure où on peut y lire que le 2 décembre, the idea of account management was proposed for more general adoption (l'idée de gestion des comptes a été proposée en vue d'une adoption plus générale), ce qui indique que le système avait déjà été adopté dans une mesure plus limitée antérieurement. Quant à la valeur probante de la mention du nom de la requérante dans les tableaux joints aux comptes rendus de ces deux réunions auxquelles elle ne participait pas, il y a lieu de remarquer que le nom de la requérante figure à côté de celui de ses plus gros clients au Royaume-Uni tant dans le tableau joint au premier compte-rendu que dans celui qui est joint au second, mais que le nombre de ses clients a été réduit dans le second compte rendu dans lequel a été ajouté le nom de son plus gros client en France. Or, entre ces deux réunions, une société d'exploitation du groupe Shell a participé à des réunions locales pour le Royaume-Uni les 13 septembre, 18 octobre et 15 novembre 1982 et la requérante a participé à une réunion des "quatre grands" le 13 octobre 1982. Face à ces éléments, le Tribunal considère qu'il n'est pas crédible que la requérante n'ait pas été informée par ses concurrents au cours de ces quatre réunions, de l'adoption du système d'account management lors de la réunion du 2 septembre 1982. Par conséquent, le fait que le nom de Shell ait été maintenu dans la liste des account leaders de certains de ses gros clients dans le tableau joint au compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 indique, à tout le moins, qu'elle n'avait pas formulé d'objection de principe à sa participation à ce système et que ce n'est donc pas seulement après la réunion du 2 décembre 1982 que la requérante a été informée de l'existence de propositions relatives à l'"account leadership", comme elle l'affirme. En ne refusant pas formellement de participer à ce système, la requérante a donné, à tout le moins, l'impression à ses concurrents qu'elle acceptait d'y participer.
220 Quant à la question de savoir si, lors d'une réunion locale tenue pour le Royaume-Uni en janvier 1983, la société d'exploitation de la requérante au Royaume-Uni s'est opposée à sa participation à un tel système, le Tribunal considère que les affirmations de la requérante à cet égard ne sont étayées par aucune preuve, dans la mesure où elle n'a pas produit le compte rendu de la réunion locale au cours de laquelle ce refus aurait été formulé.
221 Quant à l'affirmation de la requérante selon laquelle il lui aurait été impossible de jouer le rôle d'"account leader" vis-à-vis de ses plus gros clients au Royaume-Uni en raison du fait que la requérante ne pouvait pas prendre le risque d'augmenter en premier lieu les prix qu'elle appliquait vis-à-vis de ses plus gros clients, il importe de faire remarquer que cet argument ne vaut que dans l'hypothèse où la concurrence aurait joué librement à cette époque en matière de prix. Or, le Tribunal a constaté, d'une part, que les producteurs de polypropylène coordonnaient leur politique en matière de prix et, d'autre part, qu'ils s'étaient accordés sur le système d'"account leadership". Il s'ensuit que la requérante pouvait augmenter ses prix vis-à-vis de ses plus gros clients sans prendre de risque puisqu'elle savait que ses concurrents feraient de même.
222 Quant à la nouvelle politique de prix de la requérante aurait menée à partir de janvier 1983 et qui aurait consisté à essayer d'obtenir des volumes de vente supplémentaires en fixant les prix de ses gros clients par rapport aux prix qui leur avaient été facturés durant une période antérieure, à condition que ceux-ci maintiennent ou augmentent le volume de leurs commandes, politique qui serait attestée par deux notes internes de Shell UK du 26 janvier 1983 et du 16 mars 1983 (appendix 18 et 19 à la réponse de SC à la communication des griefs), le Tribunal considère que les deux notes produites par la requérante, si elles font état dune volonté de mener une politique centrée sur les volumes de vente, ne donnent aucune indication quant à la fixation de prix par rapport à une période antérieure. Par conséquent, l'argument de la requérante doit être rejeté.
223 En ce qui concerne l'argumentation de la requérante tendant à démontrer quelle n'a pas pu être l'"account leader" de son client BIHR en France et sa contestation de la valeur probante de la combinaison de la note interne de Shell du 17 mars 1983 (ann. 41, g. SC) et du compte rendu d'une réunion du printemps 1983 (g. g. ann. 37), le Tribunal considère que l'ensemble de l'argumentation de la requérante tend à démontrer qu'il lui aurait été impossible de jouer le rôle d'"account leader" de BIHR. En premier lieu, parce qu'il aurait été excessivement risqué pour elle d'être la première à augmenter ses prix vis-à-vis de ce client dont elle dépendait très largement. En second lieu, parce que les prix qui étaient facturés à ce client BIHR étaient fixés en fonction de la moyenne des prix qu'il avait payés à ses autres fournisseurs pendant le trimestre précédent. Il y a lieu de relever que cette argumentation pourrait être acceptée dans le cadre d'un marché où la concurrence n'est pas restreinte. Or, le Tribunal rappelle que des objectifs de prix étaient définis par les producteurs de polypropylène et que ceux-ci avaient adopté un système d'"account leadership", qui avait pour conséquence de protéger le principal fournisseur d'un client lorsqu'il augmentait ses prix vis-à-vis de ce clients. Par ailleurs, le système de fixation de prix appliqué vis-à-vis de BIHR avait pour conséquence d'aboutir à un résultat identique à celui du système d'"account leadership", dès lors qu'il était entendu que les autres fournisseurs de ce client demandaient des prix correspondants ou supérieurs au prix cible poursuivi. Ainsi, les prix payés par ce client à la requérante étaient-ils augmentés en raison de l'augmentation des prix demandés par ses concurrents. Par conséquent, il n'y a pas de raison de considérer que la requérante n'a pas été désignée comme "account leader" de BIHR.
224 Le Tribunal considère, enfin, que le caractère partiellement erroné des informations contenues dans le compte rendu d'une réunion du printemps 1983 (g. g. ann. 37) en ce qui concerne en particulier les prix que la requérante pratiquait vis-à-vis de certains clients ne doit pas être expliqué par le fait que ces informations n'auraient pas été fournies par la requérante, mais bien par le fait que, ayant été l'objet de critiques fréquentes de la part de ses concurrents en raison de la politique de prix qu'elle menait, notamment vis-à-vis de certains clients ne doit pas être expliqué par le fait que ces informations n'auraient pas été fournies par la requérante, mais bien par le fait que, ayant été l'objet de critiques fréquentes de la part de ses concurrents en raison de la politique de prix quelle menait, notamment vis-à-vis de certains des clients dont elle avait été désignée comme "account leader" voir le compte rendu de la réunion interne de Shell du 14 mars 1983, ann. 42, g. SC), la requérante a essayé de donner l'impression à ses concurrents qu'elle pratiquait des prix plus proches des cibles convenues et donc supérieurs à ceux qu'elle pratiquait en réalité.
225 En ce qui concerne les quotas, le Tribunal relève qu'il est fait grief pour l'année 1982 aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente, et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.
226 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées, en premier lieu, par un document intitulé Scheme for discussions quota système 1982 (Schéma de discussion d'un système de quotas 1982, g. g. ann. 69), dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception d'Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell et Solvay), le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs; en second lieu, par une note d'ICI intitulée Polypropylene 1982, Guidelines (Polypropylène 1982, lignes directrices; g. g. ann. 70, a) dans laquelle ICI analyse les négociations en cours; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (g. g. ann. 70, b), dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées dont l'une, intitulée ICI Original Scheme (Schema initial ICI), fait l'objet, dans un autre tableau, manuscrit, d'adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée Milliavacca 27/1/82 (il s'agit du nom d'un employé de Monte; g. g. ann. 70, c) et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 71) qui constitue une proposition complexe (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).
227 Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), dans lequel on peut lire notamment:
To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. of normal sales.
A titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des ventes normales.
L'exécution de ces mesures est attestée par le compte rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre actual de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre theoretical based on 1981 avril av(erage) market share (théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981), ainsi que par le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26) en ce qui concerne la période janvier-juillet 1982. A cet égard, le caractère théorique du quota servant de référence pour la comparaison avec les ventes mensuelles réelles résulte du fait qu'aucun quota n'a pu être convenu pour l'ensemble de l'année 1981, mais il ne prive pas cette comparaison de sa signification en tant que méthode de surveillance de la limitation des ventes mensuelles par référence à l'année précédente.
228 Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g. g. ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part, In October this would also mean restraining sales to the Jan/June achieved market share of a market estimated at 100 kt. (En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes de la part réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 kt) et, d'autre part, Performance against target in september was reviewed (Les résultats atteints par rapport à l'objectif en septembre ont fait l'objet d'un examen). A ce compte rendu est joint un tableau, intitulé September provisional sales versus target based on Jan-June market share applied to demand est(imated) at 120 kt Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier-juin appliquée à une demande estimée à 120 kt). Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), auquel est joint un tableau comparant, pour le mois de novembre 1982, les ventes Actual avec les chiffres Theoretical, calculés à partir de J-June % of 125 kt (j-juin pourcentage de 125 kt).
229 Le Tribunal considère que l'implication de la requérante dans ce système de quotas résulte des contacts fréquents qu'elle a eus avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts", notamment au travers de la participation des sociétés d'exploitation du groupe Shell à de très nombreuses réunions locales, dont les rares comptes rendus disponibles indiquent qu'elles portaient sur une surveillance des volumes de vente des différents producteurs dans les différents États membres et que cette implication résulte également de sa participation à des réunions bilatérales avec d'autres producteurs. A cet égard, il importe de relever que, lors d'une réunion bilatérale tenue avec ICI le 26 novembre 1982, il a été indiqué que le représentant de la requérante was quick to pick up that in October only Shells market share was in line with their Jan-June performance (a immédiatement relevé que, pour le mois d'octobre, seule la part de marché de Shell était conforme à ses résultats de janvier-juin; g. g. ann. 99).
230 A ces éléments, il convient d'ajouter le fait que les chiffres de la requérante figurent dans les comptes-rendus des réunions qu'avaient pour objet de surveiller la mise en œuvre du système de quotas (voir les comptes rendus des réunions des 12 août, 6 octobre et 2 décembre (g. g. ann. 27, 31 et 33), les chiffres de la requérante sont remplacées par les lettres N. A. (pour not available - - non disponible), ce qui montre que les autres producteurs n'étaient pas en mesure dévaluer les chiffres de la requérante à partir des statistiques du système Fides lorsque celle-ci ne les leur fournissait pas. En outre, il y a lieu de rappeler que les chiffres afférents à la requérante ont été fournis par elle (voir les points 114 et 115 ci-avant).
231 Il convient d'ajouter à ces différents éléments de preuve le fait que, lors de la réunion du 13 mai 1982, il a été fait état de la réouverture d'installations de Shell; que, lors de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), il a été fait état de la nécessité de ramener Shell dans le giron de l'entente; que, dans le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26), il est indiqué qu'il y a lieu de prendre contact avec les producteurs absents, et que dans celui de la réunion du 21 septembre 1982 (g. g. ann. 30), il est dit:
pressure was needed on Shell Italy to restrain themselves to the agreed levels for October. SCIT + SCUK were reported to be fully supportive + good meeting had been by ICI, DSM with Shell Netherlands. It was reported that SCIT had agreed to attend a big four meeting subsequently fixed for 13 October.
(il s'imposait de faire pression sur Shell Italie pour la contraindre à se limiter aux niveaux qui avaient été convenus pour le mois d'octobre. Il a été rapporté que SCIT + SCUK étaient entièrement favorables et que la réunion d'ICI, DSM et Shell Pays-bas avait été bonne. Il a été dit que SCIT avait accepté de participer à une réunion des "quatre grands" qui a ensuite été fixée pour le 13 octobre).
232 Le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions de "patrons" et d'"experts", que la requérante a rendue possible en fournissant ses chiffres de vente, de la mise en œuvre durant l'année 1982 d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les producteurs de polypropylène.
233 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi a suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix de juin-juillet 1982 et septembre-novembre 1982, sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure.
C.45 L'année 1983
a) Acte attaqué
234 D'après la décision (point 47), la requérante aurait participé à l'initiative de prix de juillet-novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforceraient d'appliquer un prix cible de 2 DM/kg en juin 1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM/kg). Ensuite, lors dune réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM/kg. A cette occasion, Shell se serait elle-même engagée à effectuer la hausse et prendra l'initiative publiquement dans ECN. La décision relève encore qu'Hercules, mentionnée comme étant très en faveur, devait annoncer de nouveaux prix en juin. Tous les participants à cette réunion auraient prévenu leurs effectifs de vente pour qu'ils informent leurs clients de la hausse projetée.
235 La décision (point 48) relève que, faisant écho à la mention de Shell comme meneur public de l'initiative, un article d'ECN paru le 13 juin 1983 aurait affirmé que les producteurs cherchaient à relever les prix et que Shell envisageait de les porter à un minimum de 1,90 DM/kg au 1er juillet, avec une nouvelle majoration en septembre l'article. L'article aurait également indiqué qu'ICI et Monte appliqueraient des majorations du même ordre. La décision relève que, depuis octobre 1982, Shell participe à la plupart des réunions préparatoires mensuelles des "quatre grands". L'article d'ECN aurait rapporté que le marché était de plus en plus serré et une note rédigée par ICI en un style quelque peu télégraphique vers la fin mai comporterait la mention volumes juin restreindre 122 1/2 = marché juin supposé cf 130 + probable. Elle poursuivrait: Shell doit mener. Article ECN deux semaines ICI informée.
236 La décision (point 49) relève que, après la réunion du 20 mai 1983, ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour la raphia. Les documents de Shell relatifs au Royaume-Uni et à la France indiqueraient que la société avait connaissance des niveaux convenus au 1er juillet et qu'elle basait sa politique de vente sur ces prix. Dans un document intitulé PPW. Europe-Pricing (Formation des prix du PP en Europe occidentale), Shell se référerait expressément à une cible pour juillet de 1,85 DM/kg ou 480 UKL/tonne. Un rapport de Shell sur la qualité du marché, daté du 14 juin 1983, signalerait également que, en Europe occidentale, les sociétés nationales Shell bloquent leurs parts de marché (avec même un certain recul aux Pays-bas et au Royaume-Uni) pour favoriser la stabilisation des prix. Elle ajoute que les instructions de prix retrouvées chez ATO et Pertrofina ne sont que partielles, mais qu'elles confirment que ces sociétés ont relevé leur niveau de prix, avec un certain retard dans le cas de Petrofina et de Solvay. La décision conclut qu'il est ainsi démontré que, à l'exception de Hüls, pour qui la Commission na pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.
237 La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août ainsi que les 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont prix part. A la fin juillet et au début août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux de vente nationaux des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2 DM/kg pour le raphia, tandis qu'une note interne de Shell du 11 août, relative à ses prix au Royaume-Uni, indiquerait que la filiale au Royaume-Uni travaillait à promouvoir des prix de base applicables au 1er septembre et conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell aurait donné instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exceptions, mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.
238 Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que BASF, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs.
239 La décision (point 51, troisième alinéa) relève qu'une note interne recueillie chez ATO et datée du 28 septembre 1983 comporterait un tableau intitulé Rappel du prix de cota (sic), donnant pour différents pays les prix applicables en septembre et octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de BASF, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Solvay. Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.
240 Selon la décision (point 105, quatrième alinéa) quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu'en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu'à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que les instructions de prix ont été données.
241 La décision conclut (point 51, dernier alinéa) en relevant qu'à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 DM à 2,15 DM/kg (pour un objectif cité de 2,25 DM/kg).
242 D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait parvenir des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Pour ICI, il serait apparu essentiel au succès de tout nouveau plan que les "quatre grands" présentent un front uni devant les autres producteurs. L'opinion de Shell, communiquée à ICI, aurait été que Shell, ICI et Hoechst devraient avoir chacune un quota de 11 %. La proposition d'ICI pour 1983 aurait donné 19,8 % aux producteurs italiens, 10,9 % à Hoechst et Shell et 11,1 % à ICI elle-même (décision, point 62). Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée, dans un premier temps, au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait qu'ATO, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Monte et Solvay, de même qu'Hercules auraient trouvé acceptable le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982. Le compte rendu de cette réunion ne mentionnerait pas la rédaction de Shell à la proposition, mais celle-ci aurait assisté le 20 décembre 1982 à une réunion des "quatre grands" et une note non datée d'ICI destinée à préparer une réunion avec Shell prévue aux alentours de mai 1983 mentionnerait que Shell a accepté pour l'Europe occidentale des niveaux de quotas de 39,5 kt/tr. Pour les premiers et deuxième trimestres de 1983.
243 La décision (point 63, troisième alinéa) affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord est intervenu, dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépasser son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11 % durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983; qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les "experts" sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).
244 La décision (point 65) relève que, bien qu'aucun système de pénalisation pour dépassement des quotas n'ait jamais été instauré, le système en vertu duquel chaque producteur faisait rapport aux réunions sur le tonnage qu'il avait vendu au cours du mois précédent, s'exposant ainsi aux critiques éventuelles d'autres producteurs pour avoir fait preuve d'indiscipline, aurait incité les producteurs à respecter le quota qui leur avait été attribué.
b) Arguments des parties
245 De l'avis de la requérante, la décision reproche aux sociétés Shell non seulement d'avoir participé à une initiative de prix en juillet 1983, mais encore d'avoir été à l'origine de cette initiative. Or, dans sa réponse à la communication des griefs, la requérante aurait déjà répondu que ce reproche ne repose sur aucune preuve objective. S'il est vrai qu'une réunion des "quatre grands" (g. g. ann. 101) s'est tenue le 19 mai 1983, la requérante avait déjà décidé de son propre objectif de prix avant cette réunion; en outre, elle ne s'est pas engagée, durant cette réunion, à prendre une initiative de prix et n'était d'ailleurs pas en mesure de le faire à l'époque puisqu'elle n'avait pas encore discuté avec les sociétés d'exploitation (elle n'aurait rencontré ces dernières que dans le courant du mois de juin, c'est-à-dire après la date de la réunion des producteurs). Elle n'aurait pas participé à la réunion de producteurs du 1er juin 1983; au cours de laquelle l'initiative de prix incriminée par la Commission aurait été décidée, et le compte rendu de cette réunion (g. g. ann. 40) ne saurait refléter correctement sa position, celle-ci ayant été exprimée inexactement par un autre producteur. Si un compte rendu d'ICI mentionne le soutien de la requérante à cette initiative (g. g. ann. 40), il serait contredit par une autre note d'ICI qui relate les discussions qui ont eu lieu entre les "quatre grands" le 19 mai (g. g. ann. 101; mais que la Commission aurait ignorée parce qu'elle détruisait sa thèse. Par ailleurs, l'article sur les prix du polypropylène (g. g. ann. 41) que la requérante envisageait, de façon autonome, de proposer à ECN aurait été un article général dans lequel Shell n'avait pas l'intention de se référer à un prix spécifique. Certes, il aurait finalement, à la demande d'ECN, comporté des indications plus précises, mais l'objectif de prix que Shell s'y proposait d'atteindre aurait été plus élevé que celui qui aurait été prétendument convenu entre les producteurs.
246 Par ailleurs, la requérante fait valoir qu'elle avait fait la démonstration de son comportement indépendant en matière de prix.
247 En ce qui concerne les quotas, la requérante soutient que les réductions de volume décidées en 1983 ont résulté non d'accords entre producteurs, mais dune décision autonome des sociétés Shell visant à augmenter les prix. Elle réplique ainsi à la Commission, qui affirme que si Shell avait réellement mené une politique indépendante de réduction de ses ventes, ses objectifs de vente auraient été fixés non en parts de marché (voir ann. 50 à 54, g. SC), mais en tonnages, que, si ses objectifs avaient été déterminés en valeur absolue, elle aurait été, en cas de contraction de la demande globale par rapport aux prévisions, amenée à augmenter sa part de marché au risque d'entraîner une guerre des prix avec les autres producteurs. Elle invite la Commission à apporter la preuve, sous la forme du témoignage d'un expert économique indépendant, du bien-fondé de la théorie économique exposée dans sa défense. Elle ajoute que le fait qu'elle ait espéré mais non escompté que les autres producteurs mèneraient comme elle une politique de stabilisation des parts de marché ne saurait signifier qu'elle était partie à une entente.
248 Elle fait valoir qu'il n'a jamais été question de quotas au cours des réunions préliminaires ou des réunions locales auxquelles la requérante ou d'autres sociétés du groupe Shell ont pu participer. La Commission ne serait pas fondée à prétendre, au vu d'une note d'ICI (g. g. ann. 87), que la requérante aurait déclaré à ICI que, selon elle, Shell, ICI et Hoechst devaient avoir chacune un quota de 11 % pour 1983. En réalité, aucune société Shell n'aurait fait part à quiconque d'un tel souhait et une analyse attentive de cette note d'ICI montrerait que ce souhait a été prêté à Shell par un autre producteur, comme l'indiquerait le fait que le chiffre attribué à Shell est entouré. Il en serait de même d'un tableau d'ICI relatif aux aspirations de chaque producteur pour 1983 (g. g. ann. 84), où figurerait un point d'interrogation à côté du chiffre attribué à Shell. Par ailleurs, la Commission aurait, dans un manuscrit d'ICI portant sur la même période (g. g. ann. 99), confondu L., employé de SCITCO, et have.
249 La requérante expose que les quotas ne devaient être établis qu'en cas d'adoption d'un système compensatoire. Or, les sociétés Shell ayant refusé de participer à un tel système, celui-ci n'aurait pas pu être adopté.
250 Selon la requérante, la Commission persiste dans l'erreur et continue à traiter les objectifs internes de volume des sociétés Shell comme des quotas convenus collectivement avec les autres producteurs. A l'époque en cause, les sociétés Shell s'étaient fixé, de manière indépendante, un objectif de 11 % du marché de l'Europe de l'Ouest. Les plans et budgets correspondants pour le premier trimestre 1983 auraient été établis avant que les cibles de vente attribuées aux sociétés Shell lors des réunions ne soient connues et ils auraient été maintenus par la suite.
251 Pour le deuxième trimestre 1983, elle soutient que si une réduction des ventes avait été prévue au sein du groupe Shell (g. g. ann. 90 et 94; ann. 53 et 54, g. SC, c'était pour respecter l'objectif de volume convenu de manière indépendante à l'intérieur du groupe et non pour respecter de prétendus quotas convenus avec d'autres producteurs.
252 La Commission répond qu'il impose peu de savoir si Shell s'était déjà fixé un objectif de prix avant la réunion du 19 mai 1983, puisqu'il serait établi que, au terme de cette réunion, les "quatre grands" étaient convenus d'une attitude commune, comme le montrerait la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8). Lors de la réunion des producteurs du 1er juin 1983, ces derniers auraient été informés des intentions de Shell, et notamment de l'article que celle-ci se proposait de publier dans ECN pour annoncer ses intentions en matière de hausses de prix (g. g. ann. 40). Le fait que l'objectif annoncé par Shell dans l'article soit un peu plus élevé que le prix cible retenu au terme de la réunion du 1er juin doit être apprécié, selon la Commission, en tenant compte du fait que l'annonce d'un prix quelque peu supérieur au prix espéré relève d'une pratique commerciale courante.
253 Par ailleurs, la Commission relève que l'éventualité de contacts entre Shell et les sociétés d'exploitation avant le 1er juin n'est pas à exclure et que, en tout cas, ces dernières étaient favorables à une augmentation des prix, à la condition que celle-ci ne se traduise pas par une diminution des volumes de vente (ann. 15, réponse SC, communication des griefs).
254 La Commission souligne que, malgré son scepticisme vis-à-vis des systèmes de quotas (g. g. ann. 64), la requérante a participé aux réunions préliminaires des "quatre grands" et que des sociétés d'exploitation du groupe Shell ont participé à des réunions locales (g. g. ann. 10; ann. 18 g. SC) dans certains pays. Or, de nombreux documents (g. g. ann. 8, 64, 95 à 97 et 99 à 101) prouveraient que, lors de ces réunions, les discussions portaient sur des sujets indissociablement liés aux quotas. Elle aurait déclaré à ICI en 1983 (g. g. ann. 87 et 99) se satisfaire d'une part de marché de 11 à 12 % et elle aurait proposé pour cette année l'attribution d'un quota de 11 % à ICI, Shell et Hoechst (g. g. ann. 87). Cette proposition n'aurait pas été faite dans le cadre d'un système de compensation mais dans celui d'un accord-cadre sur les quotas pour 1983. La Commission relève que la requérante affirme que le système de compensation a échoué en raison du refus de Shell d'y participer, ce qui montrerait que l'entente n'aurait pas pu fonctionner sans la participation de Shell. La Commission maintient que dans le manuscrit (g. g. ann. 99), il faut lire L. et non have pour des raisons grammaticales et parce que le contenu du document est similaire à celui d'un autre document (g. g. ann. 87) où le nom de L. figure incontestablement. La requérante aurait obtenu des sociétés d'exploitation qu'elles acceptent et appliquent cette politique de limitation du volume (g. g. ann. 90 et 94, ann. 53 et 54, g. SC). Bien qu'elle ait su pertinemment qu'il s'agissait d'une entente (g. g. ann. 37), elle aurait quand même donné des informations aux autres participants à l'entente et elle en aurait elle-même donné des informations aux autres participants à l'entente et elle en aurait elle-même reçu. Enfin, elle aurait eu connaissance du jugement que les "experts" ont porté sur le marché pour les premier et deuxième trimestres 1983 et aurait adapté ses propres objectifs en fonction du quota qui lui était alloué.
c) Appréciation du Tribunal
255 Le Tribunal rappelle que la participation de la requérante aux initiatives de prix et au système de quotas durant l'année 1983 doit être examinée à la lumière des contacts qu'elle a entretenus avec les participants aux réunions de "patrons" et d'"experts" et, plus particulièrement, à la lumière de la participation fréquence des sociétés d'exploitation du groupe Shell aux réunions locales et de l'assiduité de la requérante aux réunions des "quatre grands" destinées à préparer les réunions de "patrons" et d'"experts".
256 En ce qui concerne l'initiative de prix de juillet-novembre 1983, le Tribunal constate que l'objectif de prix de 1,85 DM/kg pour le 1er juillet 1983 n'a pas été fixé à la réunion du 1er juin 1983, mais qu'il a seulement été confirmé à cette réunion, comme l'indique le compte rendu de celle-ci selon lequel "Those present reaffirmed complete commitment to the 1.85 move to be achieved by lst July. Shell was reported to have committed themselves to the move and would lead publicly in ECN" (Les parties présentes ont réaffirmé leur plein engagement vis-à-vis de l'augmentation à 1,85 pour le 1er juillet. Il a été indiqué que Shell s'était engagée dans le mouvement et le lancerait publiquement dans ECN; g. g. ann. 40). Cet objectif de prix a été convenu lors de la réunion des "quatre grands" du 19 mai 1983, comme le montre une lecture combinée du compte rendu de celle-ci et du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983. Dans le compte rendu de la réunion du 19 mai 1983, on peut lire en effet: "Shell to lead ECN 2 weeks. ICI informed/S. (L.s boss) commitment but not absolute" [Shell en tête ECN dans deux semaines ICI au courant/S. Shell B. (patron de L.) engagement mais pas absolu; g. g. ann. 101.] Ledit objectif a ensuite été proposé à la réunion de "patrons" du 20 mai 1983 au cours de laquelle il a été adopté par l'ensemble des producteurs. Suite à cette réunion, un mémorandum de Shell France du 25 mai 1983 (ann. SC C1, lettre du 29 mars 1985) a fait état de prix identiques aux objectifs de prix définis au cours de la réunion du 20 mai et aux instructions de prix données le même jour par DSM, deux jours auparavant par ICI et deux jours après par BASF, et ce pour le raphia, l'homopolymère et le copolymère. Un mémorandum de Shell UK du 24 juin 1983 (ann. SC C2, lettre du 29 mars 1985) fait également état de prix identiques, sauf en ce qui concerne le copolymère pour lequel un prix de 550 UKL/tonne est mentionné alors que les autres producteurs annoncent un prix de 560 UKL/tonne. Le Tribunal considère que le fait que le prix du copolymère était légèrement inférieur à celui demandé par les autres producteurs dans le seul mémorandum du 24 juin 1983 n'est pas de nature a infirmer la participation de la requérante à cette initiative de prix, dans la mesure où cette réduction de la cible pour ce produit intervient une fois encore dans la semaine précédant la date de la mise en œuvre de l'augmentation décidée. En outre, le fait que le prix annoncé dans la parution d'ECN du 13 juin 1983 soit légèrement supérieur au prix cible convenu (1,90 DM/kg au lieu de 1,85 DM/kg) résulte de la même volonté que celle, exprimée par Shell dans sa note du 24 juin 1983, d'annoncer aux clients des hausses plus importantes que celles réellement prévues.
257 Il résulte de ce qui précède que la requérante n'a pas produit d'éléments de nature à infirmer les constatations de fait par la Commission aux points 47 et 49 de la décision.
258 Quant à la question de savoir si la requérante a été à l'origine de cette initiative de prix, le Tribunal rappelle qu'une lecture combinée du compte rendu de la réunion des "quatre grands" du 19 mai 1983 (g. g. ann. 101) et du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) permet de considérer que les "quatre grands" sont à l'origine de l'initiative de prix de juillet 1983 et qu'ils sont convenus entre eux que ce serait Shell qui rendrait publique cette initiative à travers un article à paraître dans ECN. Il y a lieu de souligner que le fait que les mots "L. in principle only" (L. seulement en principe) figurent dans le compte rendu de la réunion du 19 mai 1983 n'est pas de nature à infirmer cette constatation, dans la mesure où lui est annexée une note dans laquelle on peut lire: "B. (L.s boss) commitment but not absolute". B. (patron de L.) engagement mais pas absolu, ce qui signifie que la requérante s'est engagée, mais quelle avait besoin de reprendre contact avec les sociétés d'exploitation du groupe Shell pour pouvoir marquer son accord définitif. A cet égard, les instructions de prix données par la requérante et l'article paru dans ECN démontrent que la requérante a obtenu l'accord de ces sociétés d'exploitation, entretemps, même si elle affirme le contraire sans en fournir la preuve. L'affirmation de la requérante selon laquelle l'article qu'elle s'était proposé à l'origine de publier dans ECN devait être un article général ne se référant pas à un prix spécifique est dépourvue de pertinence, dès lors que l'article qui est effectivement paru se référait à un prix spécifique.
259 Il s'ensuit que la requérante a mené l'initiative de prix de juillet 1983 avec les trois autres grands.
260 En ce qui concerne la participation de la requérante à la poursuite d'un prix cible pour le mois de septembre 1983, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission l'a inférée de la concordance des prix contenus dans le mémorandum de Shell UK du 11 août 1983 (ann. SC I, lettre du 29 mars 1985) avec les instructions de prix données par d'autres producteurs pour 1er septembre 1983. En effet, ce mémorandum a été rédigé le lendemain d'une réunion d'"experts" et dans la semaine qui a suivi des instructions concordantes de BASF, Hercules, ICI, Linz et Saga; Il importe de relever que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, ce mémorandum prévoit pour le 1er septembre un prix identique à celui de la plupart des producteurs (Shell confond son prix pour août avec celui pour septembre). Le fait que Shell UK ait corrigé ces instructions le 31 août, soit la veille de leur entrée en vigueur, ne permet pas d'infirmer sa participation à cette initiative pour les raisons exposées précédemment.
261 En ce qui concerne la fin de cette initiative de prix, le Tribunal constate qu'il résulte d'une lecture combinée du tableau 7M, du point 50 et du dispositif de la décision qu'il est fait grief à la requérante d'avoir participé à cette initiative durant les mois d'octobre et de novembre 1983. En effet, il y a lieu de considérer que la requérante figure au nombre des producteurs auprès desquels ont été recueillies des instructions de prix révélant qu'il avait été décidé de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base de 2,10 DM/kg le 1er novembre, puisque son nom figure dans le tableau 7M de la décision qui compare les instructions de données par les différents producteurs pour le mois d'octobre. Cette interprétation du point 50, dernier alinéa, de la décision est corroborée par le dispositif de celle-ci, qui constate que Shell a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE jusqu'à novembre 1983 au moins, alors que, pour les mois d'octobre et de novembre, le seul comportement dont il soit fait grief aux entreprises destinataires de la décision est leur participation à cette initiative de prix.
262 Le Tribunal constate que le seul élément de preuve fourni par la Commission afin d'établir la participation de la requérante à cette initiative est un mémorandum de Shell UK du 21 septembre 1983, mentionné dans le tableau 7M de la décision. Dans le tableau, cette instruction de prix est mise en parallèle avec les instructions de prix données par d'autres producteurs soit pour le 1er octobre (BASF, Hoechst, Hüls et ICI) soit pour octobre, sans autre précision (ATO, Hercules, Linz, Monte et Solvay). Dans la colonne consacrée à la requérante, figurent deux prix, le second correspondant exactement au prix demandé par les autres producteurs, le premier étant sensiblement inférieur, sans autre explication. Or, à la lecture de ce document, il apparaît que le premier prix constitue une instruction de prix pour le 1er octobre, alors que le second, qui est le seul à correspondre au prix demandé par les autres producteurs pour le mois d'octobre 1983 doit entrer en vigueur le 31 octobre. Par conséquent, il y a lieu de considérer que la décision donne une impression de concordance trompeuse entre instruction de prix de la requérante et celles données par d'autres producteurs. En outre, le Tribunal constate que, dans le tableau 7N reprenant les instructions de prix des différents producteurs destinées à entrer en vigueur soit le 1er novembre (BASF, Hoechst, Hüls) soit dans le courant du mois de novembre (Hercules, ICI, Linz, Monte et Solvay), la Commission n'a repris aucune instruction de prix émanant de la requérante, alors que la partie de l'instruction de prix de la requérante destinée à entrer en vigueur le 31 octobre aurait dû être comparée avec les instructions de prix données par les autres producteurs pour le 1er novembre. Or, une telle comparaison fait apparaître que les prix demandés par la requérante pour le 31 octobre sont sensiblement inférieurs à ceux demandés par les autres producteurs pour le 1er novembre 1983. Par conséquent, en ne mentionnant pas l'instruction de prix de la requérante du 21 septembre 1983 dans le tableau 7N, la Commission a omis de faire apparaître la divergence des instructions de prix de la requérante avec celles des autres producteurs.
263 Il s'ensuit que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit la participation de la requérante à l'initiative de prix de juillet-novembre 1983 pendant les mois d'octobre et de novembre.
264 Par ailleurs, il importe de rappeler que la Commission a établi à suffisance de droit la participation de la requérante au système d'"account leadership" pendant les derniers mois de l'année 1982 et la première moitié de l'année 1983.
265 En ce qui concerne les quotas, le Tribunal constate qu'il résulte des documents produits par la Commission (g. g. ann. 33, 85 et 87) que, à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983 et que la requérante a fourni dans ce cadre des données relatives à ses ventes et qu'elle a ainsi participé aux négociations organisées en vue de parvenir à l'instauration d'un régime de quotas pour l'année 1983.
266 Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40), à laquelle la requérante n'a pas participé, que dix producteurs ont indiqué au cours de cette réunion les chiffres de leurs ventes pour le mois de mai. Par ailleurs, on peut lire dans le compte rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (g. g. ann. 90), que:
...and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales target were set and agreed by the integrated companies.
(... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 %. Cest pourquoi les objectifs de vente suivants, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe).
Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que:
this would be 11.2 Pct of a market of 395 kt. The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to bi discussed before hand with the other PIMs menbers.
(cela représenterait 11,2 % d'un marché de 395 kt. La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMS).
267 A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes non pour voir diminuer le volume global des ventes du groupe Shell, mais pour limiter à 11 % la part de marché globale de ce groupe. Une telle limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un régime de quotas. En outre, le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements prix.
268 Il convient de relever enfin que le chiffre de 11 %, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (g. g. ann. 87) et, d'autre part, le compte rendu rédigé par ICI dune réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (g. g. ann. 99).
269 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit, sauf en ce qui concerne les mois d'octobre et de novembre 1983, que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés, portant sur l'initiative de prix de juillet-novembre 1983, sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et sur des objectifs de volumes de vente pour les deux premiers trimestres de l'année 1983.
D - Appréciation des arguments généraux
270 La requérante fait valoir de manière générale que la Commission ne saurait écarter les arguments relatifs à telle ou telle action particulière en invoquant un prétendu accord-cadre, puisque précisément il s'agirait d'établir l'existence de cet accord-cadre en établissant la participation des sociétés Shell à des actions particulières. Elle souligne dans sa réplique, que la Commission n'étaye aucunement sa conclusion suivant laquelle les sociétés d'exploitation du groupe Shell auraient accepté et mis en œuvre les prix proposés ou auraient participé à un système de quotas, dont l'existence ne serait prouvée ni directement ni indirectement, mais auquel la Commission aurait dû recourir pour pallier la faiblesse des preuves dont elle dispose en ce qui concerne les différentes infractions alléguées.
271 Ainsi, la requérante soutient que, en affirmant que les producteurs ont tous invité leurs organes de vente à réaliser les prix cibles convenus lors de réunions (décision, point 74), la Commission méconnaît la structure du groupe Shell. La requérante indique que les sociétés d'exploitation du groupe qui produisent ou fournissent du polypropylène dans la CEE disposent d'une forte autonomie et que Shell joue un rôle de conseil et de recommandation à leur égard, mais n'a aucun pouvoir de contrainte sur elles; que les points de vue de Shell et des sociétés d'exploitation peuvent différer, ces dernières pouvant, par exemple, préférer maintenir leur volume de production au détriment des prix, et que ces éléments ont eu des conséquences sur les relations de Shell avec les autres producteurs de polypropylène. Shell n'était pas en mesure d'imposer aux sociétés d'exploitation du groupe Shell l'application d'un quelconque prix cible et était dans l'impossibilité de prendre un engagement pour le compte desdites sociétés.
272 En outre, elle expose que, lorsqu'elle décrit les initiatives de prix, la Commission traite le cas de Shell comme si toutes les sociétés d'exploitation du groupe avaient accepté et mis en œuvre les prix convenus et avaient donné des instructions de prix en ce sens, alors que, dans presque tous les cas, elle se référerait uniquement aux communications que Shell UK ou occasionnellement Shell ont adressées à leur personnel de vente. On ne pourrait pas en déduire, sous peine de généralisation excessive, que toutes les sociétés d'exploitation du groupe Shell ont agi de même.
273 La requérante ajoute, que puisque la décision reproche aux producteurs davoir introduit des hausses de prix simultanées mettant en œuvre des cibles, la Commission ne saurait prétendre dans son mémoire en défense qu'il suffit que Shell ait communiqué des prix aux sociétés d'exploitation, même si ces sociétés n'ont ni accepté ni mis en œuvre les instructions qui leur étaient données. Une telle affirmation serait contraire à l'article 1er, sous d), de la décision qui dit "... ont introduit des hausses simultanées en application des prix cibles".
274 Elle fait encore valoir que la différence entre les prix qu'elle a effectivement pratiqués sur le marché et les prétendus prix cibles démontre que son comportement a été déterminé en toute indépendance.
275 La requérante rappelle que, dans sa réponse à la communication des griefs, elle a réfuté les allégations de la Commission selon lesquelles les sociétés Shell étaient parties aux accords de quotas, en faisant valoir notamment que ces sociétés déterminaient leurs propres objectifs en matière de volume de manière autonome, que l'établissement de leur budgets et de leurs plans en matière de production et de vente précédait généralement les réunions et n'était pas ultérieurement remis en cause par les résultats de ces réunions, même lorsque la part de marché attribuée à Shell par les autres producteurs était supérieure à la part cible que Shell avait définie pour elle-même, que les chiffres prévus par les sociétés et les volumes de vente réalisés différaient sensiblement de ceux attribués à Shell par les autres producteurs et, enfin, que les sociétés Shell n'avaient pas participé aux réunions et que Shell ne connaissait pas les quotas attribués aux autres producteurs et n'échangeait pas d'informations avec eux. Ainsi, selon la requérante, les sociétés Shell poursuivaient leur propre politique, déterminée en toute autonomie, en ce qui concerne le volume de leurs ventes.
276 La Commission répond, tout d'abord, ne pas reprocher à Shell de s'être livrée à chacune des activités décrites à l'article 1er, sous a) à e), de la décision. En revanche, elle affirme que Shell a été impliquée dans l'accord global en application duquel les producteurs se seraient livrés aux activités susmentionnées et qu'elle ne saurait dès lors échapper à sa responsabilité en démontrant quelle était moins enthousiaste ou moins coopérative en ce qui concerne telle ou telle action ou qu'elle n'a pas assisté à certains types de réunions (décision, points 81 et 83).
277 Selon la Commission, il serait indifférent de savoir si Shell était en mesure de contraindre les sociétés d'exploitation ou si elle ne leur donnait que des conseils, auxquels elles pouvaient difficilement passer outre. La structure décentralisée du groupe Shell n'aurait nullement constitué un obstacle à la conclusion et à la mise en œuvre de l'entente, comme le montrerait un document qui décrit le lien de mandat unissant Shell aux sociétés d'exploitation du groupe Shell (g. g. ann. 96). Lorsque le requérante prétend que la Commission a méconnu la structure exacte du groupe Shell, se serait en exagérant la portée de certaines expressions isolées de leur contexte. En réalité, les documents fournis par la Commission montreraient que la requérante alignait sa politique de prix sur les objectifs fixés durant les réunions et parfaitement connus d'elle par les contacts avec ICI et quelle adressait des recommandations en ce sens aux sociétés d'exploitation, qui ne pouvaient pas les considérer comme nulles et non avenues.
278 La Commission souligne que le fait que l'une ou l'autre société du groupe Shell ait finalement décidé d'appliquer un prix inférieur ne saurait signifier que Shell n'avait pas commandé par accepter le prix cible, la tricherie pouvant expliquer que le prix cible n'a pas été respecté. A cet égard, la Commission fait valoir, dune manière générale, qu'elle ne cherche pas à démontrer que les objectifs de prix arrivaient toujours à s'imposer sur le marché ou étaient toujours acceptés par les sociétés d'exploitation, mais simplement qu'ils étaient fixés et appliqués de concert, ce que viserait l'article 1er, sous d), de la décision, qui reproche aux producteurs d'avoir procédé à des hausses simultanées, en tant que cibles. A suivre la requérante, l'autonomie des services de vente, en ce qu'elle engendrerait parfois des différences dans les prix pratiqués, ferait perdre toute pertinence au regard du droit de la concurrence aux accords conclu entre les organes centraux de différentes entreprises.
279 La Commission fait valoir que Shell a adressé aux sociétés d'exploitation des recommandations tendant à limiter leurs ventes et concède que peu importe que cette limitation ait été exprimée en volumes ou en parts de marché. Cela prouverait que la requérante avait la certitude ou du moins pouvait escompter et non pas seulement espérait que les autres producteurs poursuivraient la même politique de limitation, d'autant plus que Shell affirmerait elle-même que ses sociétés d'exploitation centraient leur politique sur les quantités plutôt que sur les prix.
280 Le Tribunal considère que la structure du groupe Shell et la place de la requérante dans celle-ci nont pas constitué un obstacle à sa participation aux initiatives de prix, au système d'"account leadership" et au système de quotas. En effet, il ressort d'une analyse de la structure du groupe Shell que la requérante est chargée essentiellement de deux missions: dune part, elle est chargée de présider les réunions du PSBU (Polyolefins Strategic Business Unit), qui réunit, outre la requérante, les sociétés d'exploitation du groupe Shell (ann. 5, p. 3) et qui est responsable de l'élaboration de la stratégie (à long terme) dans le cadre de laquelle les sociétés d'exploitation du groupe définissent leur propre stratégie sous leur propre responsabilité. D'autre part, elle a pour mission de conseiller les sociétés d'exploitation par rapport à la situation du marché.
281 Par conséquent, le Tribunal considère que la requérante intervenait tant dans l'élaboration de la politique à long terme des sociétés d'exploitation que dans leur politique à court terme. S'il est vrai que la requérante ne pouvait imposer des décisions ni dans l'un ni dans l'autre domaine, il n'en reste pas moins que, étant donné les intérêts globalement convergents des différentes sociétés d'exploitation du groupe et les intérêts convergents du groupe Shell et des autres producteurs à savoir obtenir une hausse du niveau général des prix, quitte à faire des concessions au niveau des volumes de vente -, il n'était pas besoin, pour que la requérante puisse transmettre ses vues aux sociétés d'exploitation, qu'elle dispose d'un pouvoir de coercition sur celle-ci. D'autant plus que ces sociétés d'exploitation s'avaient que les conseils que leur adressait la requérante étaient fondés sur des objectifs convenus par les producteurs de polypropylène. En effet, la requérante a déclaré dans sa réponse à la demande de renseignements:
ICI often communicated to SCITCO target prices for certain polypropylene grades in the local currencies of the Western European market. It was understood by SCITCO that such target prices were those which had been prepared at bosses or "experts" meetings SCITCO do not know which.
(ICI communiquait fréquemment à SCITCO des prix cibles pour certaines qualités de polypropylène. Ces prix étaient exprimés dans les devises nationales du marché d'Europe occidentale. SCITCO a cru comprendre que ces prix cibles étaient ceux qui avaient été mis au point au cours des réunions de "patrons" ou d'"experts". SCITCO ne sait pas de quelles réunions il s'agit.)
En outre, les sociétés d'exploitation du groupe Shell participaient à des réunions locales avec des représentants des autres producteurs, réunions qui étaient consacrées à la mise en œuvre des objectifs de prix convenus.
282 Cette analyse est corroborée, et non pas infirmée, par les difficultés que la requérante a pu rencontrer occasionnellement lorsqu'il s'agissait de discuter d'un système de compensation qui nécessitait des concessions importantes de la part des sociétés d'exploitation du groupe Shell. Confrontée à de telles difficultés en octobre 1982, la requérante en a fait état à ses concurrents et a indiqué comment elle entendait les résoudre. C'est ainsi qu'on peut lire dans une note d'ICI datée du 18 octobre 1982, intitulée Polypropylene Compensation Scheme (Système de compensation dans le secteur du polypropylène) (g. g. ann. 96), que:
L. of SCITCO said that he & his colleagues were under pressure to improve margins on PP and that he would be willing to attend meetings of the big four but not wider gatherings. The problems of the Shell organisation were discussed and whilst the local companies were autonomous L. requested that approaches should be channelled through SCITCO. He had not been able to meet with J.V. L., etc. before this meeting but hod agreement to talk about a compensation scheme. L. would be meeting with J. & others on 20/10/82...
L. raised the problem of not having any centralised profit centre but after discussion accepted that it was really up to Shell to agree internally who would draw or conversely provide any compensation.
(L. de SCITCO a dit que ses collègues et lui-même étaient soumis à des pressions afin d'augmenter les marges sur le polypropylène et qu'ils seraient disposés à participer à des réunions des "quatre grands", mais pas à des réunions plus larges. Les problèmes de l'organisation de Shell ont fait l'objet de discussions et, comme les sociétés locales sont autonomes, L. a demandé que les approches soient canalisées par le truchement de SCITCO. Il n'avait pas pu rencontrer J., V. L., etc. avant cette réunion, mais il avait été autorisé à discuter d'un système de compensations. L. devait rencontrer J. et les autres le 20 octobre 1982...
L. a soulevé le problème lié au fait de ne pas disposer de centre de profit centralisé, mais, après discussion, il a admis que c'est effectivement à Shell qu'il incombe de convenir au plan interne de qui recevrait ou, inversement, fournirait les compensations.).
A cet égard, il importe de relever que la réunion du 20 octobre 1982 a effectivement eu lieu, même si le compte rendu n'en a pas été produit, puisque le procès-verbal de la réunion du 7 septembre 1982 y a été approuvé, comme l'atteste la date 20/10/1982 qui figure sur ce dernier.
283 Il résulte de ce qui précède que l'organisation interne du groupe Shell n'a pas fait obstacle à la participation de la requérante aux initiatives de prix, au système d'"account leadership" et au système de quotas.
284 En ce qui concerne les prix pratiqués par la requérante sur le marché, il y a lieu de relever que la décision n'affirme nullement que la requérante a pratiqué des prix qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre de ces objectifs sur le marché par la requérante pour établir sa participation aux initiatives de prix.
285 Le Tribunal constate que la requérante a affirmé, sans le prouver, que les sociétés Shell déterminaient leur politique en matière de volumes de vente en toute indépendance. En effet, il ressort des constatations de fait qui précèdent que la requérante connaissait les quotas attribués aux autres producteurs, échangeait des informations avec ceux-ci et avait avec eux des contacts réguliers qui portaient notamment sur la fixation d'objectifs de volumes de vente. Le fait que les ventes de la requérante n'aient pas toujours correspondu aux quotas qui lui avaient été attribués est sans pertinence puisque l'acte attaqué ne s'appuie pas sur la mise en œuvre effective par la requérante du système de quotas sur le marché pour établir sa participation à ce système. Dans cette perspective, le Tribunal constate, par ailleurs, que c'est sans preuve que la requérante affirme que l'établissement par les sociétés Shell de leurs budgets et de leurs plans en matière de production et de vente précédait généralement les réunions et n'était pas ultérieurement remis en cause par le résultat de ces réunions, même lorsque la part de marché attribuée à Shell par les autres producteurs était supérieure de la part de marché cible que Shell avait définie pour elle-même. En effet, pour les années 1979 et 1980, la Commission n'ayant pu préciser quant un système de quotas avait été adopté, la requérante ne peut prétendre que les sociétés Shell avaient défini leurs plans et leurs budgets avant les réunions au cours desquelles des accords de quotas sont intervenus. Pour les années 1981 et 1982, la Commission ne prétend pas qu'un système de quotas portant sur l'ensemble de l'année avait été adopté, mais seulement qu'un système temporaire mensuel avait été convenu. Pour 1983, l'argumentation de la requérante repose sur ma prémisse erronée que le chiffre de 11 % comme part de marché pour Shell figurant dans la note interne de Shell du 17 mars 1983 (g. g. ann. 90) aurait été défini en toute autonomie par celle-ci. Or, le Tribunal rappelle qu'il a constaté que tel n'était pas le cas.
286 Il résulte de tout ce qui précède, en premier lieu, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les prix-planchers et les différentes initiatives de prix mentionnées dans la décision à l'exception du début de l'initiative de janvier-mai 1981 et de la fin de l'initiative de juillet-novembre 1983.
287 Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements, dans laquelle on peut lire que "Target prices for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 january 1979 are set forth in Schedule..."
("Les prix cibles qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe...), que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix").
288 Il en résulte, en second lieu, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.
289 Il en résulte, en troisième lieu, que la Commission a établi a suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l'année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision.
290 Il faut ajouter que, en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès l'offre -, c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.
291 En outre, il y a lieu d'observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a eu besoin de recourir ni au document découvert chez Solvay daté du 6 septembre 1977, mentionné au point 16, avant-dernier alinéa, de la décision, ni aux documents recueillis chez ATO, mentionnés au point 15, sous h), de la décision, qui n'avaient pas été communiqués à la requérante par la Commission.
2. L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
a) Acte attaqué
292 Selon la décision (dispositif, article 1er), la requérante a enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant, du milieu de l'année 1977 jusqu'en novembre 1983 au moins, à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun:
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;
b) ont fixé périodiquement des prix cibles (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'account management ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles, et e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un quota annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
b) Arguments des parties
293 La requérante conteste avoir commis les différentes infractions mentionnées à l'article 1er, sous a) à e), de la décision et estime que le Commission n'est pas en droit, au nom du caractère prétendument unique de l'infraction, de s'abstenir d'établir la participation de Shell à chacune de ces infractions. A cet égard, elle fait valoir que la notion d'accord-cadre ne peut être d'aucun secours à la Commission, dans la mesure où elle ne disposerait d'aucune preuve de la conclusion d'un tel accord distincte des infractions particulières dont elle allègue l'existence.
294 Elle conclut que, à supposer établies les constatations de fait contenues dans la décision, celles-ci ne permettent en rien de conclure à l'existence dune infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
295 La Commission rappelle de son côté qu'elle ne reproche pas à Shell de s'être livrée à chacune des activités décrites à l'article 1er, sous a) à e), de la décision, mais bien d'avoir été impliquée dans l'accord global en vertu duquel les producteurs se seraient livrés aux activités susmentionnées. Celle-ci ne devraient pas être considérées comme une série d'infractions distinctes, mais comme des éléments se rattachant à une infraction continue. Toutes les preuves devraient donc être considérées comme formant un ensemble établissant la participation de Shell à un accord global.
296 La Commission relève enfin que, même sil fallait admettre que la requérante n'avait pas entièrement accepté cet accord en tous ses aspects, elle a entretenu des contacts étroits avec les autres grands producteurs pendant une longue période, qu'elle a soutenu globalement les différents plans, allant même jusqu'à formuler des propositions précises, et qu'elle s'est comportée en conséquence, répondant ainsi surabondamment aux critères de coordination et de coopération énoncés par la Cour dans l'arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie/Commission, point 173, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 111-73, 113-73, 114-73, Rec. p. 1663), critères auxquels il doit être satisfait pour qu'il y ait pratique concertée.
c) Appréciation du Tribunal
297 Il y a lieu de constater que la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE; En effet, il résulte dune lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d accord chacun de ces différents éléments.
298 De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88, de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de pratiques concertées les éléments de l'infraction lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales; soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence.
Ainsi, la décision conclut que, à certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peuvent revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.
299 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir les arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, point 112, 41-69, Rec. p. 661 et du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 86), la Commission était en droit de qualifier d'accords, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène quelle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des prix-planchers en 1977, des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, des objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et pour la première moitié de l'année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982.
300 En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception ingérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73; 50-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174).
301 En l'espèce, la requérante a entretenu des contacts avec d'autres producteurs et a participé aux réunions des "quatre grands" et ses sociétés d'exploitation à des réunions locales, lesquels avaient pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, contacts et réunions au cours desquels étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces contacts et à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.
302 Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces contacts et de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.
303 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE les contacts et les réunions avec d'autres producteurs de polypropylène auxquels a participé la requérante entre 1977 et septembre 1983.
304 Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence dune infraction unique, le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclu s'inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de fixation d'objectifs de prix et de quotas.
305 Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en causes poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part pendant des années à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, qui est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.
306 Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.
3. Conclusion
307 Il résulte de tout ce qui précède, premièrement, que les constatations de fait opérées par la Commissions de fait opérées par la Commission à l'encontre de la requérante pour la période postérieure au mois de septembre 1983 n'ayant pas été établies à suffisance de droit, l'article 1er de la décision doit être annulé en ce qu'il constate que la requérante a participé à l'infraction pour cette période; deuxièmement, que les constatations de fait opérées par la Commission à l'encontre de la requérante en ce qui concerne sa participation au début de l'initiative de prix de janvier-mai 1981 n'ayant pas été établies à suffisance de droit, l'article 1er de la décision doit être annulé en ce que lu en combinaison avec les motifs de la décision il constate que la requérante a pris part à cette partie de cette initiative de prix. Pour le surplus, les griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, opérées par la Commission dans l'acte attaqué doivent être rejetés.
Sur l'imputabilité de l'infraction à la requérante (SICC)
A - Acte attaqué
308 La décision (point 102) déclare que, au sein du groupe Shell, l'entreprise responsable de la coordination et de la stratégie dans le secteur thermoplastique est la société d'Administration interne Shell International Chemical Company. Ce serait cette entreprise qui aurait participé aux réunions avec les autres grands et aurait servi d'organe de transmission entre l'entente et les diverses sociétés d'exploitation du groupe Shell (fabrication et vente) dans le Marché commun qui, de leur côté, auraient pris part aux réunions nationales ou locales. Shell exerçant la responsabilité d'ensemble en matière de planification et de coordination des activités des sociétés du groupe Shell dans le secteur du polypropylène, la Commission s'est estimée en droit de la considérer comme le destinataire approprié de la décision.
B - Arguments des parties
309 La requérante soutient que c'est à tort que la Commission lui a imputé l'infraction. En effet, au sein du groupe Shell, Shell, qui est le destinataire de la décision, n'est ni un producteur ni un fournisseur de polypropylène sur le marché communautaire, mais bien une des sociétés de service du groupe Shell qui, d'une part, conseille les sociétés qui opèrent en Europe occidentale pour les affaires commerciales à court terme, et qui, d'autre part, s'occupe du commerce international. La requérante n'étant pas un producteur pouvant fixer les prix et les volumes de vente du polypropylène, la Commission ne pourrait lui imputer la responsabilité de l'infraction décrite dans la décision. Elle ajoute que, en raison de la forte autonomie dont disposaient les sociétés d'exploitation du groupe Shell, la requérante n'était pas en mesure de leur imposer la moindre décision ou de prendre le moindre engagement pour leur compte.
310 La Commission répond que Shell était la représentante du groupe Shell au niveau international et que c'est elle qui a participé aux réunions des "quatre grands" et entretenu les contacts avec ICI. Ce serait également l'un de ses cadres supérieurs qui présidait les groupes de travail internes de Shell coordonnant la politique du groupe dans le secteur du polypropylène. Dans ces circonstances, il serait indifférent de savoir si Shell était en mesure de contraindre les sociétés d'exploitation ou si elle ne leur donnait que des conseils auxquels elles pouvaient difficilement passer outre.
C - Appréciation du Tribunal
311 Le Tribunal considère que, en interdisant aux entreprises, notamment, de conclure des accords ou de participer à des pratiques concertées susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE s'adresse à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition.
312 En l'espèce, le Tribunal constate que Shell et les sociétés d'exploitation du groupe Shell produisant et commercialisant des produits chimiques constituent une seule organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable le but, notamment, de produire et vendre du polypropylène en vue de maximiser son profit, même, le cas échéant, au détriment des profits individuels de ses différentes composantes. Dans cette organisation, chaque société joue un rôle déterminé. Les sociétés d'exploitation produisent ou vendent du polypropylène, tandis que la requérante assume un rôle d'impulsion et de coordination entre les différentes sociétés d'exploitation du groupe. Par conséquent, Shell et ces sociétés d'exploitation du groupe Shell constituent une seule entreprise.
313 Le rôle de la requérante dans cette entreprise est attesté par au moins cinq documents, le premier date du 15 février 1982 et est intitulé Market quality PP (g. g. ann. 94), le deuxième est un compte rendu d'entretiens téléphoniques entre le représentant de la requérante et ICI en date des 9 et 10 septembre 1982 (g. g. ann. 95), le troisième est un document intitulé Polypropylene compensation scheme daté du 18 octobre 1982 (g. g. ann. 96), le quatrième est le compte rendu d'un entretien téléphonique entre un employé de la requérante et ICI en date du 8 novembre 1982 (g. g. ann. 97) et le cinquième est le compte rendu d'une réunion bilatérale entre des employés de la requérante et ICI en date du 26 novembre 1982 (g. g. ann. 99). Dans le premier, on peut lire:
Integrated companies (SCUK, SNC, SC) plus SCITCO have met in group chaired by CITP, and agreed:
a) Will meet regularly (approx. Quarterly) to review current state of market & formulate marketing/pricing policies for Shell PP in Europe;
b) CITP/2 will collect & disseminate market intelligence (Demand, Competition, prices) approximately monthly;
c) SCITCO will not participate in any poly-competitor meetings, but will try to keep informed of their activities & ambitions through CITP bi-lateral contacts;
ALSO SCITCO/CITP/2 is taking the following actions to try & improve European PP market quality:
e) continental liaison with Shell Quimicly Polibrazil to... move exportation surplus PP in ... through Shell MKT2... in Latin America & S.E. ASIA: and prevent its export to W. Europ...
Les sociétés intégrées (SCUK, SNC, SC) et SCITCO se sont rencontrées au sein d'un groupe présidé par CITP et ont pris les accords suivants:
a) Les participants du groupe se rencontreront régulièrement (tous les trimestres environ) afin d'examiner l'état actuel du marché et de définir des politiques de commercialisation et de formation des prix pour le polypropylène Shell en Europe;
b) CITP/2 rassemblera et diffusera des informations relatives au marché (demande, concurrence, prix) environ chaque mois
c) SCITCO ne participera à aucune réunion avec un grand nombre de concurrents, mais elle s'efforcera de rester au courant de leurs activités et ambitions par des contacts bilatéraux au niveau du CITP;
Egalement SCITCO/CITP/2 à entrepris les actions suivantes afin d'essayer d'améliorer la qualité du marché européen du polypropylène:
e) Assurer la liaison sur le continent avec Shell Quimicly Polibrazil ... pour transférer les excédents de polyprompylène à l'exportation en Amérique Latine & dans le Sud-Est asiatique ... par le biais de Shell MKT2 ... et empêcher leur exportation vers l'Europe occidentale ... dans le deuxième, la requérante a indiqué:
I spoke with L. again today to give him the elements of the proposed scheme. His reaction was to say that he felt the group should meet to talk the scheme through & that he would be willing to join in. Particular points raised were:
1) The group as a whole should agree the point at which they would react i. e. if w % market share was lost the scheme wpould be abandoned.
2) Any target for Shell might have to be broken down territorially to make it organisationally operable...
(J'ai à nouveau parlé avec L. aujourd'hui pour lui communiquer les éléments du système proposé. Il a réagi en disant qu'à son avis le groupe devrait se rencontrer pour discuter ce système à fond et il s'est déclaré disposé à participer à cette réunion. Les points particuliers qui ont été soulevés sont les suivants:
1) Le groupe dans son ensemble devrait convenir du moment auquel il réagirait, c'est-à-dire que si x % de part du marché étaient perdus, le système serait abandonné.
2) Toute cible fixée pour Shell devrait éventuellement être morcelée territorialement pour pouvoir être mise en œuvre au plan de l'organisation...),
dans le troisième, il est indiqué que:
L. of SCITCO said that he & his colleagues were under pressure to improve margins on PP and that he would bi willing to attend meetings of the big four but not wider gatherings. The problems of the Shell organisation were discussed and whilst the locas companies were autonomous L. requested that approaches should be channelled through SCITCO. He had not been able to meet with J. V. L. etc. before this meeting but had agreement to talk about a compensation scheme. L. would be meeting with J. & others on 20/10/82.
L. raised the problem of not having any centralised profit centre but after discussion accepted that it was really up to Shell to agree internally who would draw or conversely provide any compensation
(L. de SCITCO a dit que ses collègues et lui-même étaient soumis à des pressions afin d"augmenter les marges sur le polypropylène et qu'il serait disposé à participer à des réunions des "quatre grands", mais pas à des réunions plus larges. Les problèmes de l'organisation de Shell ont fait l'objet de discussions et, comme les sociétés locales sont autonomes, L. a demandé que les approches soient canalisées par le truchement de SCITCO. Il n'avait pas pu rencontrer J. V. L., etc avant cette réunion, mais il avait été autorisé à discuter d'un système de compensations. L. devait rencontrer J. et les autres le 20 octobre 1982.
L. a soulevé le problème lié au fait de ne pas disposer d'un organe où centraliser les bénéfices, mais, après discussion, il a admis que c'est effectivement à Shell qu'il incombe de convenir au plan interne de qui recevrait ou, inversement, fournirait les compensations),
Dans le quatrième, on peut lire:
P. said L. would be back in the office on Mon. 15th November. In the meantime he passed on the following information on the reaction of the various Shell units to the proposed compensation arrangements.
(P. a dit que L. serait de retour au bureau le lundi 15 novembre. Entre-temps, il a communiqué les informations suivantes sur la réaction des différentes entités de Shell aux mécanismes de compensation qui ont été proposés),
et dans le cinquième, il est indiqué:
John L. was very interested in the new organisation within P & P Divis(ion) & in particular the responsabilities on polyolefins ... Compensation will be discussed with the local Shell companies at a meeting with J. E. L. (employé de la requérante) on 30 november. I said the scheme was not dead by any means & that it was Shell who were holding things up. J. E. L. was quick to pick up that in october only Shells market share was in line with their Jan-June performance.
John L. s'est montré très intéressé par la nouvelle organisation de la division P & P et en particulier par la redistribution des responsabilités dans le secteur des polyoléfines ... Le système des compensations sera discuté avec les sociétés Shell locales au cours dune réunion avec J. E. L. (employé de la requérante) qui aura lieu le 30 novembre. J'ai dit que l'idée d'un système de compensations n'avait absolument pas été abandonnée et que c'était Shell qui retardait les choses. J. E. L. a immédiatement relevé que, pour le mois d'octobre, seule la part de marché de Shell était conforme à ses résultats de janvier-juin.
314 Le caractère unitaire de l'organisation des différents éléments personnels, matériels et immatériels est encore corroboré par le fait que, dans l'ensemble des documents produits par la Commission, les chiffres de vente repris pour la requérante se rapportent à l'ensemble des sociétés Shell.
315 C'est donc à bon droit que la Commission a pu considérer que la requérante était responsable de la coordination de l'action du groupe Shell dans le cadre de l'infraction et lui a, de ce fait, imputé la responsabilité de l'infraction commise.
316 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.
Sur la motivation
317 La requérante fait valoir qu'elle avait fait la démonstration de son comportement indépendant en matière de prix et que la Commission n'a pas expliqué pourquoi elle rejetait cette démonstration, sinon en invoquant la longueur de la décision.
318 La Commission considère, de son côté, qu'elle a suffisamment précisé dans la décision, les éléments sur lesquels elle se fondait pour conclure à la participation de Shell à un accord sur les prix. Elle estime qu'elle n'était pas tenue de réfuter les arguments que la requérante a invoqués pour démontrer la prétendue indépendance de sa politique de prix.
319 Le Tribunal constate qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour (voir notamment les arrêts du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 66, et du 10 décembre 1985, Stichting Sigaretteinduststrie/Commission, point 88, 240-82 à 242-82, 261-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831) que si, en vertu de l'article 190 du traité CEE, la Commission est tenue de motiver ses décisions, en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de faits et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue de répondre à ceux de ces points qui lui semblent dénués de toute pertinence.
320 A cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a répondu aux arguments de la requérante relatifs aux prix qu'elle a effectivement pratiqués sur le marché aux points 74 à 76 de la décision.
321 Il s'ensuit que le grief ne peut être accueilli.
Sur l'amende
322 La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n°17 en n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.
1. La prescription
323 La requérante fait valoir au stade de la réplique que, en l'absence de lien entre l'accord sur les prix-planchers conclu en 1977 et les réunions ultérieures, les infractions prétendument commises en 1977 seraient en tout état de cause couvertes par la prescription quinquennale prévue par le règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuite et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1, ci-après règlement n° 2988-74).
324 La Commission fait valoir que la prescription invoquée par la requérante constitue un moyen nouveau au sens de l'article 42 du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, et que ce moyen est donc irrecevable. Pour le surplus, elle expose qu'on se trouve en présence d'une infraction continue pour laquelle la prescription ne commence à courir qu'à partir du jour où l'infraction a prix fin.
325 Le Tribunal constate que, aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988-74, la prescription quinquennale du pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin pour les infractions continues ou continuées.
326 En l'espèce, il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction que la requérante a participé, sans interruption, à une infraction unique et continue à partir du milieu de l'année 1977 jusqu'au mois de septembre 1983.
327 Par conséquent, la requérante ne peut se prévaloir de la prescription des amendes
2. La durée de l'infraction
328 La requérante rappelle que c'est erronément que la Commission a fait remonter le début de sa participation à l'infraction à la conclusion, au milieu de l'année 1977, d'un accord sur les prix-planchers ou aux discussions sur les prix qui avaient lieu à l'époque.
329 La Commission rappelle que la requérante a participé à l'accord sur les prix-planchers de 1977. Elle ajoute cependant que, pour déterminer le montant de l'amende, elle a estimé que si l'infraction remonte au milieu de l'année 1977, son mécanisme d'application n'a été entièrement établi que vers le début de 1979 (décision, point 105, dernier alinéa).
330 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que l'infraction constatée dans le délai chef de la requérante a été plus courte que la durée retenue dans la décision, puisque l'infraction a cessé à la fin du mois de septembre 1983 et non au mois de novembre 1983.
331 Il s'ensuit que, à ce titre, le montant de l'amende infligée à la requérante doit être réduit.
3. La gravité de l'infraction
A Le rôle joué par la requérante
332 La requérante rappelle que la Commission a très largement surestimé le rôle joué par la requérante dans le cadre de l'infraction, puisque ce serait à tort que la Commission prétend que, parce que Shell était un des "quatre grands", elle était au centre des arrangements litigieux, que ceux-ci prenaient à tour de rôle la tête des initiatives de prix et qu'ainsi Shell était nécessairement un des leaders dans l'élaboration et l'exécution des accords illicites.
333 En ce qui concerne le point 68 de la décision qui fait mention d'une prétendue position commune dont seraient convenus les "quatre grands", elle attire l'attention sur le fait que la note d'ICI sur laquelle se fonde la Commission (g. g. ann. 64) ne fournissait elle-même aucune indication sur la position en question et que, dans sa réponse à la demande de renseignements évoquée au point 68 de la décision, ICI a expliqué, à propos de la teneur de cette position, que les "quatre grands" étaient d'accord pour penser que s'ils voulaient relever les prix, il leur faudrait en tant que chefs de file diriger le mouvement d'une main ferme, fût-ce même au détriment de leurs propres volumes de vente. La requérante estime que cette explication reposait sur la conviction d'un système de compensation convenu entre ces quatre producteurs leur aurait permis d'envisager plus facilement la possibilité d'un engagement sur des prix cibles. La requérante a refusé de prendre part à un quelconque système de compensation (ce que la Commission ne conteste d'ailleurs pas) ou à de quelconques arrangements qu'ICI aurait mis sur pied ou avait l'intention de mettre sur pied. Elle ajoute que ses déclarations dans la revue ECN, selon lesquelles les sociétés Shell envisageaient une augmentation de prix, auraient été fondées sur une appréciation autonome des conditions du marché et non sur un quelconque arrangement avec ICI Monte et Hoechst.
334 Elle expose que, pour soutenir malgré tout que les "quatre grands" cherchaient à convenir d'une position commune et à constituer un front unique, la Commission se fonderait sur un document d'ICI (g. g. ann. 87) qui ne serait pas une note relative à une réunion préliminaire mais une note relatant des discussions infructueuses qui avaient eu lieu en octobre 1982 au sujet du système de compensation des quotas. La Commission se fonderait également sur une note de Shell du 20 octobre 1982 (g. g. ann. 100 et ann. 30, g. SC), mais elle lui donnerait une interprétation qui n'est pas correcte (cette note se bornerait à illustrer le fonctionnement des lois du marché, en indiquant que le fait que les "quatre grands" se partagent 51 % du marché devrait permettre d'encourager un mouvement de stabilisation des prix); la Commission n'aurait pas invoqué ce document dans la communication des griefs à l'appui de l'affirmation selon laquelle la requérante faisait partie des leader de l'entente ni même à l'appui du grief moins grave selon lequel Shell aurait conclu un accord de prix et/ou de quotas avec les trois autres soi-disant leaders à la fin de l'année 1982. La communication des griefs ne se référerait à ce document que pour démontrer que, alors que les sociétés Shell n'étaient pas disposées à perdre de plus amples parts de marché en suivant de manière déraisonnable des politiques de prix musclées, elles avaient connaissance de prix cibles et avaient (prétendument) défini leur politique commerciale pour tenir compte de ceux-ci. Selon la requérante, en ce qui concerne aussi bien le document ICI que la note de Shell du 20 octobre 1982, la Commission affirmerait qu'elle n'en a pas conclu que les "quatre grands" adoptaient une approche commune, mais uniquement qu'ils avaient réalisé que s'ils pouvaient adopter une telle approche, cela serait utile. La Commission se fonderait enfin sur des notes prétendument relatives aux réunions préliminaires (g. g. ann. 64, 100, 101) qui, selon la requérante, ne sont pas probantes et se trouvent infirmées par d'autres documents.
335 Elle soutient que, loin de prêter leur concours pour orchestrer les activités de la prétendue entente, les sociétés Shell sont restées tout à fait en marge de tous les arrangements illicites qui pourraient avoir existé. Les sociétés Shell, n'ayant pas participé aux réunions "patrons" et d'"experts", n'auraient pas pris une part active aux efforts visant à opérer des hausses de prix concertées et à établir des limitations concertées des volumes. Elles n'auraient pas agi en tant qu'"account leader" et n'auraient joué qu'un rôle marginal, ce dont la Commission aurait omis de tenir compte dans la fixation de l'amende. La requérante relève que la Commission affirme, dans les observations qu'elle a présentées devant le Tribunal, ne pas reprocher à Shell d'avoir participé à toutes les infractions énumérées à l'article 1er, sous a) à e), de la décision et elle fait valoir que la Commission n'est pas en droit de modifier devant le Tribunal les griefs constatés dans le dispositif de la décision, surtout lorsque ceux-ci ont présidé à la détermination du montant de l'amende.
336 Elle conclut que l'amende qui lui a été infligée n'aurait pas pu être plus élevée si elle avait participé à toutes les infractions décrites dans la décision.
337 La Commission répond que les preuves documentaires montrent que les arrangements qui ont commencé à être mis en œuvre au milieu de l'année 1977 étaient orchestrés par les "quatre grands", qu'il s'est toujours trouvé lun ou l'autre d'entre eux pour prendre la tête d'un mouvement de hausse (cela aurait été le cas pour Shell en février 1981 et juillet 1983) et que, à partir de septembre 1982, les "quatre grands" se sont rencontrés au cours de préréunions tenues la veille des réunions de "patrons"
338 La Commission rappelle que la requérante a participé à toutes les préréunions dont la Commission a eu connaissance et que l'attitude commune adoptée par les "quatre grands" en vue de relever les prix était liée à ces réunions, dont les discussions étaient tout à fait concrètes. Elle conclut, dès lors, que Shell a pris part aux activités qui constituaient le noeud de l'infraction.
339 Selon la Commission, il est difficile de comprendre des documents tels que les comptes rendus d'entretiens téléphoniques entre Shell et ICI (g. g. ann. 95) autrement qu'en y voyant une indication montrant qu'il y avait un accord pour que les "quatre grands" assument une responsabilité particulière sur le marché, ce qui serait également conforme à la position d'ICI qui n'aurait pas pu continuer à organiser une entente sans la participation de Shell.
340 Le Tribunal rappelle que la participation de la requérante aux réunions préparatoires des "quatre grands" constitue l'un des éléments au regard desquels il convient d'apprécier le rôle joué par la requérante dans le cadre de l'infraction.
341 A cet égard, il est permis de rappeler qu'il ressort dune note relative à la réunion des représentants d'ICI, de Shell et de Monte du 15 juin (g. g. ann. 64b) que ces producteurs étudiaient ensemble des solutions pour faire face aux difficultés rencontrées sur le marché. De même, une note rédigée par un employé d'ICI intitulée "Sharing the pain" (répartir le sacrifice) et datée du début de la seconde moitié de l'année 1982 (g. g. ann. 98) précise que l'instauration d'un système de compensations pour les réductions de volumes de vente "might provide useful elements for the understanding between the Big Four" (pourrait fournir des éléments utiles pour l'accord entre les "quatre grands"). ICI a déclaré dans sa réponse à la demande de renseignement (g. g. ann. 8), à propos de ce document que:
The understanding between the Big Four was recogni tion that if the prices were to be increased then the Big Four producers would have to give a strong lead, eventuellement at the expense of their own sales volume. It was thought that a Compensation Arrangement between these four producers might have made it easier for them to contemplate the possibility of a commitment on target prices.
(L'entente passée entre les "quatre grands" consistait dans la reconnaissance que si les prix devaient être augmentés, les "quatre grands" producteurs devraient prendre énergiquement la tête du mouvement, même au prix de leur propre volume de vente. Les "quatre grands" pensaient qu'un arrangement compensatoire entre eux pouvait leur permettre d'envisager plus facilement la possibilité de s'engager sur des prix cibles).
Ces éléments montrent que les "quatre grands" étaient conscients du rôle particulier qu'ils devaient jouer dans les initiatives destinées à relever les prix. Ainsi encore, une note interne de Shell datée d'octobre 1982 (g. g. ann. 94) fait-elle référence aux initiatives de prix des "quatre grands".
342 Le Tribunal considère qu'il résulte des éléments qui précèdent ainsi que de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission, sauf en ce qui concerne le début de l'initiative de prix de janvier-mai 1981, a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction et qu'elle a indiqué, au point 109, premier alinéa, de la décision, avoir tenu compte de dce rôle pour déterminer le montant de l'amende.
343 En outre, le Tribunal constate que les faits qui ont été établis révèlent par leur gravité intrinsèque notamment la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente que la requérante n'a pas agi par imprudence, ni même par négligence, mais qu'elle a agi de propos délibéré.
344 Il s'ensuit que l'amende doit être réduite dans la mesure où elle a tenu compte de la participation de la requérante au début de l'initiative de prix de janvier-mai 1981 et que pour le surplus le grief doit être rejeté.
B La prise en compte insuffisante du contexte économique de crise
345 La requérante soutient que, pour fixer le montant de l'amende, la Commission a pris en compte de manière insuffisante et incontrôlable les grandes pertes subies par les producteurs. En outre, elle aurait omis de tenir compte du fait que les producteurs n'avaient aucune raison d'espérer que l'action normale des lois de la concurrence engendrerait dans un délai raisonnable un équilibre concurrentiel normal sur le marché. A cet égard, la requérante ne se satisfait pas de la réponse de la Commission selon laquelle le fait de tenir compte de cet élément aboutirait à encourager les violations du droit, car, dit la requérante, une telle objection peut être formulée au sujet de tout élément qui est invoqué à titre de circonstance atténuante.
346 La Commission répond qu'elle a admis, pour modérer le montant des amendes, que les entreprises concernées ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation du secteur du polypropylène pendant une très longue période, bien qu'elle considère qu'il n'y ait pas lieu de tenir compte des conditions économiques défavorables d'un secteur lors de la détermination du montant des amendes pour une infraction aux règles de la concurrence. Quant à l'absence de raison pouvant amener les producteurs à espérer que les forces normales de la concurrence restaureraient un équilibre concurrentiel sur le marché dans un délai raisonnable, elle indique que le besoin de rationaliser le marché et l'impossibilité de le faire dans l'immédiat ne peuvent justifier les infractions au droit de la concurrence. Dans le cas contraire, en effet, la tentation serait grande pour les entreprises de répondre aux situations difficiles par des mesures anticoncurrentielles au moment précisément où il serait particulièrement nécessaire que les forces concurrentielles rationalisent le marché.
347 Le Tribunal considère que, pour apprécier ce grief, il convient d'analyser au préalable la manière dont la Commission a déterminé le montant de l'amende infligée à la requérante.
348 Le Tribunal constate que la Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108 de la décision) et qu'elle a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de la décision).
349 Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, en particulier sous a), b) et c), du traité CEE, que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, lesquels ont agi de propos délibéré et dans le plus grand secret.
350 Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.
351 Dans ce contexte, il faut constater que la Commission n'avait pas le 2ème individualiser ni à préciser la manière dont elle avait tenu compte des pertes substantielles qu'auraient subies les différents producteurs dans le secteur du polypropylène, dans la mesure où il s'agit d'un des éléments, mentionnés au point 108 de la décision ayant concouru à la détermination du niveau général des amendes que le Tribunal a jugé justifié. La Commission a indiqué explicitement au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle a tenu compte du fait que les entreprises ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur du polypropylène pendant une très longue période, ce qui démontre non seulement que la Commission a tenu compte des pertes, mais également quelle a, de ce fait, tenu compte des conditions économiques défavorables du secteur en vue de déterminer, eu égard également aux autres critères mentionnés au point 108, le niveau général des amendes.
352 Il s'ensuit que le grief formulé par la requérante ne peut être accueilli.
C La prise en compte des effets de l'infraction
353 La requérante fait valoir que, à supposer que certains producteurs aient tenté d'obtenir de leurs clients des prix équivalant aux prix cibles, cela ne démontre pas que le prix réalisé ait été sensiblement différent du fait de ces tentatives. En réalité, tant le niveau des prix que le volume des ventes auraient été déterminés, pour la période de 1977 à 1984, par les forces du marché.
354 Elle expose que, dans sa réponse la communication des griefs, elle avait produit des éléments confirmant que les prix se situaient en fait à des niveaux compétitifs. Il ressortirait des études et comparaisons faites par Shell que les prix obtenus par les sociétés Shell sur le marché communautaire ont été uniformément inférieurs aux prix cibles, qu'ils étaient toujours très voisins des prix mondiaux résultant du jeu de la concurrence, que les prix obtenus par les sociétés Shell en Europe de l'ouest étaient en moyenne plus bas que leurs prix à l'exportation et, enfin, que les prix moyens obtenus aux États-Unis depuis le début de 1977 jusqu'à la fin de 1982 étaient pratiquement les mêmes que les prix moyens réalisés par Shell UK.
355 La requérante soutient que si la Commission n'a contesté ces éléments à aucun stade de la procédure administrative et qu'elle ne les conteste pas davantage dans la décision (ni d'ailleurs dans les observations qu'elle a présentées devant le Tribunal), elle n'a, en revanche, nullement tenu compte des implications des faits établis. Pourtant, elle indiquerait dans la décision que les prétendus accords illicites ont eu un effet sensible (point 90). Elle ne préciserait pas ce qu'il faut entendre par sensible, mais la presse se serait fait l'écho d'estimations faites par la Commission, selon lesquelles l'augmentation des prix du fait de l'entente serait importante (de 15 à 40 % selon les périodes). La requérante en conclut que soit la Commission est parvenu à cette conclusion en négligeant les preuves contraires de Shell et sans se baser elle-même sur la moindre preuve, soit la Commission s'est fondée sur des faits et éléments qui ne sont pas révélés dans la décision.
356 Elle estime qu'il serait d'autant plus important de clarifier cette question que, à partir d'une étude exposée dans le Treizième rapport de la Commission sur la politique de concurrence, la Commission concluait que l'industrie des thermoplastiques (dont celle du polypropylène) était soumise à une concurrence intense et qu'elle se caractérisait notamment par une capacité de production excédentaire qui conduit à une concurrence intense en matière de prix. La requérante demande donc au Tribunal d'ordonner des mesures d'instruction afin que la Commission indique les motifs pour lesquels elle a rejeté les éléments de preuve fournis par la requérante et qu'elle produise elle-même des documents sur lesquels elle s'est fondée pour déterminer les effets de l'entente. Si les motifs et documents n'étaient pas adéquats, comme le pense la requérante, le Tribunal pourrait, le cas échéant, ordonner une expertise.
357 La requérante expose que l'entente n'ayant eu aucun effet, les consommateurs n'ont subi aucun préjudice. En outre, la Commission aurait omis de tenir compte des efforts considérables fournis par les producteurs pour réduire leurs coûts et les progrès technologiques auxquels ils ont abouti durant la période couverte par l'entente.
358 La Commission répond que les points 90 à 92 de la décision sont suffisamment clairs quant aux effets de l'entente sur le marché et qu'elle n'était pas tenus de répondre à chacun des arguments formulés par chacune des entreprises. Les éléments sur lesquels s'est fondée la Commission figureraient dans la décision. Comme l'aurait admis la Cour dans son ordonnance du 11 décembre 1986, ICI/Commission (212-86 R, non publiée au Recueil), la Commission n'aurait pas pris en compte d'autres éléments. Aucune mesure d'enquête ou expertise ne serait, par conséquent, nécessaire.
359 La Commission considère que les prix cibles convenus entre les producteurs ont servi de base pour les négociations avec leurs clients et qu'on observe un schéma régulier dévolution étroitement parallèle entre les prix cibles et les prix réels (décision, tableau 9). Même s'il est vrai que des écarts ont subsisté entre les prix cibles et les prix réels en raison des conditions du marché (pression des clients, évolution du prix de la matière première, réglementations nationales de prix, etc), il n'en resterait pas moins que les producteurs seraient parvenus à aplanir, dans une certaine mesure, les fluctuations de prix que se seraient produites à défaut d'entente et à consolider un certain niveau de prix se rapprochant le plus souvent des prix cibles convenus. De la même manière, les livraisons de la plupart des producteurs pendant les années durant lesquelles un système visant à stabiliser les parts de marché respectives a été en vigueur ont correspondu généralement aux quotas attribués ou aux cibles convenues.
360 Elle conclut que l'entente n'a pas été dépourvue d'effets sur le marché, mais déclare toutefois qu'elle a tenu compte, dans l'évaluation du montant des amendes, du fait que les initiatives de prix n'ont généralement pas atteint pleinement leur but (décision, point 108). Ce faisant, elle serait d'ailleurs allée au-delà de ce qu'elle était obligée de faire.
361 Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invités leurs services de vent à réaliser ce niveau de prix, les cibles servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure que, en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixées au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).
362 Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.
363 En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas de raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes-rendus des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g. g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d'autre part, que si un audit effectué par un cabinet d'"experts"-comptables indépendant, Coopers et Lybrand, ainsi que les études économiques commandées par certains producteurs devaient permettre d'établir le caractère erroné des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué, au point 108, dernier tiret, de la décision, qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives en matière de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.
364 Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.
365 Le Tribunal considère, par ailleurs, que les déclarations faites lors de la conférence de presse qui a suivi l'adoption de la décision, selon lesquelles les effets de l'infraction auraient consisté en une augmentation du niveau général des prix de 15 à 40 %, n'ont pas à être prises en considération sur ce point, dans la mesure où elles sont en contradiction avec les motifs de la décision elle-même. C'est pourquoi elles ne pourraient être utilisées qu'en vue d'apporter la preuve du fait que la décision reposerait en réalité sur d'autres motifs que ceux quelle indique, ce qui constituerait un détournement de pouvoir (voir l'ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, précitée, 212-86, précitée, 212-86 R, points 11 à 16). Or, le Tribunal a considéré au titre de sa compétence de pleine juridiction que le niveau général des amendes était justifié eu égard aux motifs de la décision). Par conséquent, il ne saurait être question de détournement de pouvoir en l'occurrence.
366 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.
D L'absence d'infraction antérieure
367 La requérante reproche à la Commission de n'avoir pas tenu compte du fait que, par le passé, aucune infraction aux règles communautaires.
368 La Commission fait remarquer qu'elle n'était pas obligée juridiquement d'imposer des amendes plus fortes aux entreprises déjà poursuivies dans le passé pour infraction aux règles de la concurrence.
369 Le Tribunal considère que le fait que la Commission ait déjà constaté, par le passé, qu'une entreprise avait enfreint les règles de concurrence et l'ait, le cas échéant, sanctionnée à ce titre, peut être retenu comme circonstance aggravante contre cette entreprise, mais que l'absence d'infraction antérieure constitue une circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme circonstance atténuante, d'autant plus que, en l'espèce, on se trouve en présence d'une infraction particulièrement patente à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
370 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
371 Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante doit être réduite de 10 %, d'une part, en raison de la durée moindre de la violation des règles de concurrence communautaires constatée à l'encontre de la requérante et, d'autre part, en raison de la gravité moindre de celle-ci due au fait que la requérante n'a pas participé au début de l'initiative de prix de janvier-mai 1981.
Sur la réouverture de la procédure orale
372 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 1992, la requérante a demandé qu Tribunal de rouvrir la procédure orale et d'ordonner des mesures d'instructions, en raison des déclarations faites par la Commission lors de l'audience tenue dans les affaires T-79-89, T-84-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-102-89 et T-104-89 et lors de la conférence de presse tenue par la Commission le 28 février 1992 après que l'arrêt dans les affaires précitées a été rendu.
373 Après avoir entendu à nouveau l'avocat général, le Tribunal considère qu'il n'y a pas lieu d'ordonner, conformément à l'article 62 de son règlement de procédure, la réouverture de la procédure orale ni d'ordonner les mesures d'instruction demandées par la requérante.
374 Il y a lieu de relever que l'arrêt rendu dans les affaires précitées (arrêt du 27 février 1992, T-79-79, T-84-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-102-89 et T-104-89, BASF e.a./Commission, Rec. p. II-315) ne justifie pas en lui-même la réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En effet, le Tribunal constate qu'un acte notifié et publié doit être présumé valide. Il incombe donc à celui qui se prévaut du défaut de validité formelle ou de l'inexistence d'un acte de fournir au Tribunal des raisons de passer outre à l'apparence de validité de l'acte formellement notifié et publié. En l'espèce, les requérantes dans la présente affaire n'ont avancé aucun indice de nature à suggérer que l'acte notifié et publié n'avait pas été approuvé ou adopté par les membres de la Commission agissant comme collège. En particulier, contrairement aux affaires PVC (arrêt du 27 février 1992, précité, T-79-89, T-84-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-102-89 et T-104-89, points 32 et suivants), les requérantes n'ont avancé, en l'espèce, aucun indice de ce que le principe de l'intangibilité de l'acte adopté aurait été violé par une modification du texte de la décision après la réunion du collège des Commissaires au cours de laquelle celle-ci a été adoptée.
Sur les dépens
375 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été partiellement accueilli et les parties ayant l'une et l'autre conclu à la condamnation de l'autre aux dépens, la requérante supportera, outre ses propres dépens, les deux tiers de ceux de la Commission, qui en supportera elle-même le tiers.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête:
1) l'article 1 de la décision de la Commission, du 23 avril 1986 (IV/31.149-Polypropylène, JO L. 230, p. 1), pour autant qu'il constate que Shell a participé à l'infraction après le mois de septembre 1983; au début de l'initiative de prix de janvier-mai 1981; est annulé.
2) Le montant de l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de cette décision est fixé à 8 100 000 écus, soit 5 222 855,7 UKL.