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Décisions

TPICE, 1re ch., 10 mars 1992, n° T-9/89

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Hüls (AG)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vilaça

Avocat général :

M. Vesterdorf

Juges :

MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts

Avocat :

Me Herrmann.

TPICE n° T-9/89

10 mars 1992

LE TRIBUNAL (première chambre),

Les faits à l'origine du recours

1 La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.

2 Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd (appelés les "quatre grands"), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Hüls et BASF AG en Allemagne et Chemie Linz AG en Autriche. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 % à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (1977/1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité soit par des pertes substantielles, en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries plc, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Hüls, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.

3 Chemische Werke Hüls faisait partie des producteurs approvisionnant le marché avant 1977. Sa position sur le marché du polypropylène était celle d'un producteur de taille moyenne, dont la part de marché se situait entre 4,5 et 6,5 % environ.

4 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n° 17"), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le marché communautaire :

- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO");

- BASF AG (ci-après "BASF");

- DSM NV (ci-après "DSM");

- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules");

- Hoechst AG (ci-après "Hoechst");

- Chemische Werke Hüls (ci-après "Hüls");

- Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI");

- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte");

- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell");

- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay");

- BP Chimie (ci-après "BP").

Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après "Rhône-Poulenc") ni chez Enichem Anic SpA.

5 A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après "demandes de renseignements"), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes :

- Amoco;

- Chemie Linz AG (ci-après "Linz");

- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil");

- Petrofina SA (ci-après "Petrofina");

- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic").

Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.

6 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure que, entre 1977 et 1983, les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou pourcentages convenus. C'est ainsi que, le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.

7 Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a par ailleurs annoncé que, au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que, le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente ainsi que des tableaux résumant ces documents Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition. Par lettre du 8 novembre 1984, la requérante a demandé à la Commission de pouvoir bénéficier d'un deuxième accès au dossier au motif que la lettre du 31 octobre 1984 lui aurait révélé pour la première fois la pertinence de certains documents.

8 Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.

9 Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), Anic, ICI et Rhône-Poulenc (qui estimaient n'avoir pas été en mesure de préparer leur dossier).

10 Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu n'avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Hüls a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.

11 C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions, et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.

12 Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.

13 Une seconde session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985. Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.

14 Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.

15 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant :

"Article premier

Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Hüls (actuellement Hüls AG), ICI PLC, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant :

- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983;

- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980;

- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins;

- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins;

- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins;

- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins;

- pour BASF, DSM et Hüls, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins;

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun :

a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;

b) ont fixé périodiquement des prix cible (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;

c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d''account management ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;

d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;

e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un 'quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er :

i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT;

ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF;

iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM;

iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL;

v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR;

vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM;

vii) Hüls AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM;

viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL;

ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT;

x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT;

xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR;

xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF;

xiii) Shell International Chemical Co Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL;

xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR;

xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.

Articles 4 et 5

(omissis)"

6 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, compléments et suppressions de textes demandés par les entreprises, leur a été envoyé.

La procédure

17 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 2 août 1986, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89, T-6-89 à T-8-89 et T-10-89 à T-15-89).

18 La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.

19 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision 88-591-CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988" JO L 319, p 1).

20 En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.

21 Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.

22 Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.

23 Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.

24 Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.

25 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.

26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.

28 L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.

Les conclusions des parties

29 La société Hüls conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- annuler la décision de la Commission du 23 avril 1986 (IV/31149-Polypropylène), notifiée le 27 mai 1986;

- à titre tout à fait subsidiaire, réduire l'amende infligée à la partie requérante;

- condamner la partie défenderesse aux dépens.

La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

30 Il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense en ce que la Commission aurait omis de lui communiquer des documents sur lesquels elle a fondé la décision (1), en ce qu'elle aurait eu insuffisamment accès au dossier (2), en ce que tous les griefs retenus à son encontre dans la décision n'auraient pas fait l'objet de la communication des griefs (3), en ce que l'instruction aurait été insuffisante (4), en ce que le procès-verbal définitif des auditions n'aurait été communiqué ni aux membres de la Commission ni à ceux du comité consultatif (5) et en ce que la requérante n'aurait pas reçu communication du rapport du conseiller-auditeur (6) en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction, qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas qualifié correctement l'infraction (A), en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'effet restrictif sur la concurrence (B) et l'affectation du commerce entre États membres (C) et en ce qu'elle aurait imputé à la requérante une responsabilité collective (D) en troisième lieu, les griefs relatifs à la motivation de la décision, motivation qui serait insuffisante (1) et contradictoire (2) en quatrième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende, qui serait pour partie couverte par la prescription (1) et qui ne serait adéquate ni à la durée (2) ni à la gravité (3) de l'infraction alléguée.

Sur les droits de la défense

1 Omission de communiquer des documents lors de la communication des griefs

31 La requérante soutient que le règlement n 17 et le respect des droits de la défense exigent que la Commission ne fonde sa décision que sur des éléments de fait et de droit dont elle a précédemment fait état dans la communication des griefs et sur lesquels l'entreprise a pu faire connaître son point de vue.

32 Elle expose que ce principe s'applique également à l'administration des preuves, celles-ci ne pouvant servir de base à la décision que si elles ont été mentionnées dans la communication des griefs (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, point 27, 107-82, Rec p 3151). La requérante énumère 69 documents qui ne lui auraient pas été communiqués et dont certains figureraient parmi les éléments de preuve, qualifiés de principaux par la Commission elle-même dans la décision. Il s'agirait du compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 établi par un cadre d'Hercules (décision, point 15 voir également point 37), du compte-rendu de la réunion du 10 mars 1982 établi par un cadre d'ICI (décision, point 15 voir également point 58), des documents relatifs à l'accord sur les prix planchers (décision, points 16 et 17), d'un document prétendument découvert chez Solvay daté du 6 septembre 1977 (décision, point 16, avant-dernier alinéa), de la réponse de Shell à la communication des griefs (décision, point 17), des réponses des autres entreprises à la demande de renseignements (décision, point 18), du compte-rendu de la réunion du 20 août 1982 établi par un cadre d'ICI (décision, point 19), de lettres circulaires adressées aux clients par les bureaux de vente nationaux relatives à des modifications de prix (décision, points 24 à 27), de deux comptes-rendus de réunions internes de Shell tenues respectivement les 5 juillet et 12 septembre 1979 (décision, points 29 et 31), de 48 instructions de prix adressées par d'autres producteurs à leurs bureaux de vente ainsi que d'un document interne de Solvay (décision, points 32 à 36), d'une note interne d'ICI relative au "climat de fermeté" (décision, point 46), de documents de Shell relatifs au Royaume-Uni et à la France ainsi que d'un document de Shell intitulé "PP W Europe-Pricing" et "Market quality report" (décision, point 49), de divers documents d'ATO, notamment d'une note interne du 28 septembre 1983 (décision, point 51), d'articles parus dans "European Chemical News" (ci-après "ECN", décision, point 51, dernier alinéa), d'une note non datée d'ICI destinée à préparer une réunion avec Shell prévue au mois de mai 1983 (décision, point 63, deuxième alinéa), des déclarations d'Amoco et de BP (décision, point 53), de documents découverts chez ATO relatifs à un système de répartition du marché français entre producteurs français (décision, point 54) et, enfin, d'un document de travail relatif au premier trimestre de 1983 découvert chez Shell (décision, point 63, troisième alinéa).

33 La requérante fait valoir que la procédure d'accès au dossier ne saurait remplacer valablement la communication des documents au moment de la communication des griefs puisque, si le recours à cette procédure devait se généraliser, la Commission pourrait en arriver à ne plus communiquer aucun document en annexe à la communication des griefs.

34 Elle conteste que la Commission puisse opérer une sélection entre les documents qu'elle juge pertinents et ceux qu'elle n'estime pas pertinents, en communiquant les uns, mais pas les autres, surtout lorsqu'il s'agit de prouver une entente globale impliquant différentes entreprises. Elle s'insurge contre la minimisation de l'importance des documents que la Commission reconnaît ne pas avoir transmis à la requérante, alors que dans la décision elle les considère comme des éléments de preuve essentiels.

35 La Commission reconnaît, quant à elle, que, par suite d'une erreur, le compte-rendu d'ICI de la réunion d'"experts" du 10 mars 1982 évoquée dans la décision (point 58) n'a pas été communiqué, mais elle ajoute que ce compte-rendu ne faisait que confirmer un compte-rendu de la même réunion établi par Hercules qui, lui, était annexé à la communication générale des griefs (communication générale des griefs, annexe 23 (ci-après "g. g. ann.") et ne visait qu'à identifier un tableau également communiqué (g. g. ann. 71). Il en irait de même pour une note d'ICI mentionnée au point 63 de la décision qui n'a pas été communiquée à la requérante, parce qu'elle contiendrait des secrets d'affaires et parce qu'elle concernerait uniquement la participation de Shell au système de quotas pour 1983 et ne concernerait donc pas Hüls.

36 Pour ce qui est des autres documents cités par Hüls, la Commission fournit les explications suivantes La note d'ICI relative au "climat de fermeté" (g. g. ann. 35), les lettres circulaires aux bureaux de vente (g. g. ann. 19, 42, 46, 50 et 52), le compte-rendu de la réunion du 20 août 1982 établi par un cadre d'ICI (g. g. ann. 28) et les différents documents relatifs à l'accord sur les prix planchers (g. g. ann. 2 à 7) ont été reproduits dans les annexes à la communication générale des griefs les 48 instructions de prix se rapportant aux initiatives de prix de janvier-mai 1981 et d'août-décembre 1981 ont été annexées dans leur intégralité à la lettre de la Commission du 31 octobre 1984 et, partiellement sous la forme d'un résumé, à celle du 29 mars 1985, lettres relatives aux initiatives de prix. Elle ajoute que si la requérante a refusé d'en prendre connaissance en raison des restrictions mises à la communication de ces documents à ses services de vente, elle n'a qu'à s'en prendre à elle-même. Quant aux autres documents, il s'agit soit de documents sans intérêt pour les faits reprochés à la requérante puisqu'ils ne concernent que d'autres entreprises, soit de documents qui étaient déjà résumés dans d'autres documents dûment communiqués, soit d'articles de presse que la requérante ne pouvait ignorer, soit de documents qui ont été mis à la disposition de la requérante dans le cadre de la procédure d'accès au dossier, voire même de documents inconnus.

37 A cet égard, la Commission soutient que la procédure d'accès au dossier est précisément destinée à permettre aux entreprises de prendre connaissance de tous les éléments de preuve dont dispose la Commission et qui pourront éventuellement être utilisés contre elles. Il s'agirait là de documents confirmant ceux qui sont annexés à la communication des griefs et qu'il serait inutile, voire nuisible pour la défense des entreprises elles-mêmes, d'envoyer avec cette communication.

38 Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que ce qui importe ce ne sont pas les documents en tant que tels, mais les conclusions qu'en a tirées la Commission, et que, si ces documents n'ont pas été mentionnés dans la communication des griefs, l'entreprise concernée a pu à juste titre estimer qu'ils n'avaient pas d'importance aux fins de l'affaire. En n'informant pas une entreprise que certains documents seraient utilisés dans sa décision, la Commission l'a empêchée de manifester en temps utile son opinion sur la valeur probante de ces documents. Il s'ensuit que ces documents ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve valables en ce qui la concerne (arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, précité, 107-82, point 27, et voir en dernier lieu l'arrêt du 3 juillet 1991, AKZO Chemie/Commission, point 21, C-62-86, Rec. p I-3359).

39 En l'espèce, il y a lieu de relever que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans les lettres du 31 octobre 1984 ou du 29 mars 1985 ou ceux annexés à celles-ci sans y être spécifiquement mentionnés, peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans le cadre de la présente affaire. En ce qui concerne les documents annexés aux communications des griefs mais qui n'y sont pas mentionnés, ils ne peuvent être retenus dans la décision contre la requérante que si celle-ci a pu déduire raisonnablement, à partir des communications des griefs, les conclusions que la Commission entendait en tirer.

40 Il résulte des considérations qui précèdent que, parmi les documents cités par la requérante, seuls les différents documents relatifs à l'accord sur les prix planchers (décision, points 16 et 17), les réponses d'ICI et Shell à la demande de renseignements (décision, point 18), le compte-rendu d'un cadre d'ICI relatif à la réunion du 20 août 1982 (décision, point 19), les lettres circulaires adressées aux clients par les bureaux de vente nationaux (décision, point 25) et la note interne d'ICI sur le "climat de fermeté" (décision, point 46) peuvent être retenus comme éléments de preuve à l'encontre de la requérante, puisqu'ils ont été mentionnés respectivement aux points 33 à 38 pour la première série de documents, 39 et 47 pour les réponses d'ICI et Shell, 65, 80 et 103 pour le compte-rendu de la réunion du 20 août 1982, 58 et 75 pour les lettres circulaires et 71 pour la note d'ICI, de la communication générale des griefs adressée à la requérante, dont ils constituent, en outre, les annexes 2 à 7, 8 et 9, 28, 19, 42, 46, 50 et 52, et 35. A ces documents, il convient d'ajouter les 48 instructions de prix données par différents producteurs qui ont été annexées à la lettre de la Commission du 31 octobre 1984 et qui ont été visées dans un résumé et dans les tableaux annexés à celle du 29 mars 1985, dans un contexte dont la requérante a raisonnablement pu déduire les conclusions qu'en a tirées la Commission. Les autres documents cités par la requérante ne peuvent être considérés comme des moyens de preuve opposables à la requérante dans la cadre de la présente affaire.

41 La question de savoir si ces derniers documents constituent le support indispensable des constatations de fait que la Commission a opérées à l'encontre de la requérante dans la décision, relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de ces constatations.

2 Accès insuffisant au dossier

42 La requérante soutient que, n'ayant pas eu accès à la totalité du dossier de la Commission lors de la procédure d'accès au dossier, malgré la demande qu'elle avait formulée en ce sens dans sa lettre du 8 novembre 1984 (annexe 21 à la requête, ci-après "R ann."), elle n'a pas été en mesure de vérifier si les documents qui n'ont pas été mis à sa disposition contenaient des preuves à sa décharge ni de contrôler entièrement l'appréciation que la Commission a portée sur les preuves.

43 Or, elle estime que le respect des droits de la défense exige que tout acte d'une autorité dirigé contre une personne ou une entreprise puisse être vérifié au moyen d'une consultation complète du dossier par l'intéressé. A l'appui de sa thèse, Hüls invoque l'arrêt du 25 octobre 1983, précité (107-82), point 24, dans lequel la Cour affirmerait qu'il n'appartient pas à la Commission d'apprécier si un document ou une partie de document est ou non utile pour la défense de l'entreprise intéressée. Cette jurisprudence relative à un document déterminé vaudrait, a fortiori, pour des parties entières d'un dossier.

44 Elle expose que la pratique administrative de la Commission irait dans le même sens puisqu'elle reconnaîtrait aux entreprises intéressées le droit de consulter la totalité des dossiers pertinents (Douzième rapport sur la politique de concurrence, p 40), droit qui ne pourrait être restreint que dans des cas exceptionnels (secrets d'affaires, projets internes, etc). Elle relève que les législations nationales aussi reconnaissent le droit à une consultation générale du dossier. Ainsi, les entreprises devraient avoir connaissance de l'ensemble des résultats de l'instruction, y compris ceux dont la Commission n'entendrait pas faire usage à l'encontre des entreprises. Cette exigence serait confirmée par l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25 (43-82 et 63-82, Rec. p 19 voir aussi l'arrêt du 25 octobre 1983, précité, 107-82, point 27), cité par la Commission, qui exclurait du droit à la communication les documents internes à la Commission mais non ceux recueillis par elle auprès des entreprises.

45 La Commission fait valoir, de son côté, que, selon la jurisprudence la plus récente (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, précité, 43-82 et 63-82), il suffit que les parties aient eu accès aux documents qui sont à la base de la décision considérée. Or, la Commission aurait, en l'espèce, permis à la requérante de consulter l'ensemble des documents dont elle disposait, lors de la procédure d'accès au dossier en juin 1984, à l'exception des documents renfermant des secrets d'affaires.

46 Le Tribunal relève que le respect des droits de la défense exige que la requérante ait été mise en mesure de faire valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés contre elle par la Commission dans les communications des griefs qui lui ont été adressées, ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs et mentionnés par la Commission dans ses communications des griefs ou annexés à celles-ci (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, point 7, 322-81, Rec. p 3461).

47 En revanche, le respect des droits de la défense n'exige pas qu'une entreprise impliquée dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE puisse commenter tous les documents faisant partie du dossier de la Commission, puisqu'il n'y a pas de dispositions prescrivant à la Commission l'obligation de divulguer ses dossiers aux parties intéressées (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, précité, 43-82 et 63-82, point 25).

48 Toutefois, il est à noter que la Commission, en établissant une procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence, s'est imposé à elle-même des règles dépassant les exigences formulées par la Cour. Selon ces règles formulées dans le Douzième rapport sur la politique de concurrence (p 40 et 41), "la Commission accorde aux entreprises impliquées dans une procédure la faculté de prendre connaissance du dossier les concernant Les entreprises sont informées du contenu du dossier de la Commission par l'adjonction, à la communication des griefs ou à la lettre de rejet de la plainte, d'une liste de tous les documents composant le dossier, avec l'indication des documents ou parties de ceux-ci qui leur sont accessibles. Les entreprises sont invitées à examiner sur place les documents accessibles Si une entreprise souhaite n'en examiner que quelques-uns, la Commission peut lui en faire parvenir des copies La Commission considère comme confidentiels et, par conséquent, inaccessibles pour une entreprise déterminée les documents suivants : les documents ou parties de ceux-ci contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises les documents internes de la Commission, tels que les notes, projets ou autres documents de travail toutes autres informations confidentielles, telles que celles permettant d'identifier les plaignants qui souhaitent ne pas voir révélée leur identité, ainsi que les renseignements communiqués à la Commission sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel".

Il y a lieu de relever que la Commission ne peut se départir des règles qu'elle s'est ainsi imposées (arrêts de la Cour du 5 juin 1973, Commission/Conseil, point 9, 81-72, Rec. p 575, et du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148-73, Rec. p 81).

49 Il résulte de ce qui précède que la Commission a l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles.

50 Le Tribunal constate que la Commission nie catégoriquement que ses services aient omis de rendre accessibles à la requérante des documents pouvant contenir des éléments à décharge pour elle.

51 Or, face aux dénégations de la Commission, la requérante n'a avancé aucun indice de nature à établir que les services de la Commission ont sélectionné les documents rendus accessibles à la requérante afin de l'empêcher de réfuter les éléments de preuve avancés par la Commission pour établir sa participation à l'infraction.

52 En effet, par sa lettre du 8 novembre 1984, la requérante s'est bornée à demander à la Commission un deuxième accès au dossier au motif que la lettre de la Commission du 31 octobre 1984 lui aurait révélé pour la première fois la pertinence des instructions de prix émanant de différents producteurs, contenues dans le dossier rendu accessible en juin 1984, sans toutefois prétendre que ce dossier avait été incomplet. Or, force est de constater que la pertinence de ces instructions de prix ressortait d'une manière non équivoque de la communication générale des griefs, en particulier de ses points 58 et 75 et de ses annexes 19 et 42 à 52, de sorte que, lors de l'accès au dossier, la requérante était avertie de l'utilité d'examiner tous ces documents en vue de les utiliser, le cas échéant, pour sa défense. Par conséquent, la requérante n'a pas prouvé que les services de la Commission l'avaient empêchée d'avoir accès aux documents à décharge.

53 Par ailleurs, le Tribunal rappelle que seuls les documents mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs ou dans les lettres du 31 octobre 1984 ou du 29 mars 1985 et ceux annexés à celles-ci ont pu être opposés, dans la décision, comme éléments de preuve à l'encontre de la requérante.

54 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

3 Griefs nouveaux

55 La requérante relève que, dans sa communication des griefs, la Commission expliquait qu'elle considérait qu'il n'était pas nécessaire de déterminer si les arrangements dénoncés devaient être rangés dans la catégorie des accords ou dans celle des pratiques concertées. Toutefois, la communication des griefs donnait fortement l'impression que, en fin de compte, la Commission considérait qu'il n'y avait pas eu d'accord, mais seulement des pratiques concertées. Dans sa réponse à cette communication et lors de la première session d'auditions, la requérante aurait donc axé son argumentation sur la démonstration qu'il n'y avait pas eu de pratiques concertées. Dans sa lettre complémentaire du 29 mars 1985, la Commission aurait à nouveau mis l'accent, en ce qui concerne les petits producteurs comme Hüls, sur l'existence de pratiques concertées. Dans cette même lettre, la Commission se serait employée ensuite à démontrer qu'il existait, en toute hypothèse, soit un accord soit une pratique concertée, l'hypothèse à retenir en cas de doute étant toutefois celle de la pratique concertée Hüls aurait donc centré la suite de sa défense, notamment lors de la seconde session d'auditions, sur la réfutation de cette thèse de la Commission.

56 Or, elle constate que la Commission s'écarte à présent totalement des griefs qu'elle avait adressés précédemment aux entreprises et qu'elle leur reproche désormais, dans la décision, d'avoir participé à un "accord unique et continu", à un "accord-cadre" et à un "plan d'ensemble" correspondant. Il s'agirait là de griefs nouveaux et graves, contre lesquels la requérante n'aurait pas été en mesure de se défendre de manière circonstanciée puisqu'ils seraient apparus pour la première fois dans la décision.

57 Selon la requérante, l'articulation tardive de ces griefs nouveaux constituerait une violation des droits de la défense et de l'article 4 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"), puisque la Commission ne peut pas fonder ses décisions sur des griefs, c'est-à-dire sur des éléments factuels et juridiques, sur lesquels les entreprises intéressées n'ont pas pu faire connaître leur point de vue avant que la décision soit prise.

58 La Commission, de son côté, conteste avoir porté atteinte aux droits de la défense durant la procédure administrative. La Commission estime qu'elle s'est parfaitement conformée à la jurisprudence de la Cour (arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, points 91 à 93, 41-69, Rec. p 661, et du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, point 68, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125), selon laquelle il est tout à fait admissible qu'elle utilise les résultats de la procédure administrative pour aménager et compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient. Se référant aux termes de la communication des griefs et de sa lettre ultérieure du 29 mars 1985, qui évoquent, pour les petits producteurs, la possibilité qu'il se soit agi d'un accord, parlant d'une "coopération continue et institutionnalisée", la Commission considère qu'elle a permis qu'un débat très approfondi sur la question de la véritable nature de l'entente s'instaure pendant la procédure administrative.

59 Le Tribunal constate qu'il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour que "la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu'en droit son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient. Cette dernière possibilité n'est pas en contradiction avec le principe des droits de la défense sanctionné par l'article 4 du règlement n° 99-63" (arrêt du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 68).

60 Dans le cas d'espèce, il ressort d'un examen de la communication générale des griefs et de la lettre du 29 mars 1985 la complétant, qui doivent être considérées dans leur ensemble (arrêt du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 72), que le grief qui est fait à la requérante d'avoir participé à un "accord unique et continu", à un "accord-cadre" et à des "plans d'ensemble", grief qui est articulé aux points 81, premier et troisième alinéas, et 83, premier alinéa, de la décision, avait déjà été formulé dans la communication générale des griefs.

61 En effet, contrairement aux affirmations de la requérante, la décision ne constate pas purement et simplement, en son point 81, que les entreprises en cause "ont participé à un accord-cadre qui s'est traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques" et qu'il s'est ainsi agi d'un "accord unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1", puisque la première de ces phrases est précédée par les termes "En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène...", et que la seconde est introduite par les mots "La Commission estime que tout l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et institutionnalisées a constitué..." Il s'ensuit qu'aussi bien les termes "accord-cadre" ou "accord unique et continu" que les termes "plans d'ensemble" (point 83) utilisés dans la décision, n'ont d'autre portée que d'exprimer le fait que la Commission a retenu à charge des entreprises destinataires de la décision une infraction unique dont les différents éléments ont constitué un ensemble intégré de systèmes de réunions périodiques de producteurs de polypropylène, de fixation d'objectifs de prix et de quotas, caractérisé par une seule finalité économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène.

62 Or, telle est exactement la teneur de toute la communication générale des griefs, adressée à la requérante et aux autres entreprises destinataires de la décision, et en particulier de ses points 1, 5, 128, 132 et 151, sous a). Ainsi, le point 1 est libellé comme suit :

"La présente communication de griefs concerne l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité de la CEE à un ensemble d'accords et/ou de pratiques concertées, par lesquels, de 1977 environ à octobre 1983, les producteurs qui approvisionnent le Marché commun en polypropylène (produit thermoplastique en vrac) ont coordonné leurs politiques de vente et de prix, de façon régulière et continue, en fixant et en appliquant des prix cibles et/ou minimaux, en contrôlant les quantités mises sur le marché par l'adoption d' " objectifs et/ou de quotas et en se réunissant régulièrement afin de surveiller l'évolution de ces mesures restrictives".

Et le point 132, dernière phrase, précise :

"En effet, les producteurs visaient à contrôler le marché et une coopération permanente et institutionnalisée à un haut niveau a été substituée au jeu normal des forces concurrentes".

63 Il faut ajouter que cette teneur des griefs formulés à l'encontre de la requérante et des autres entreprises destinataires de la décision est confirmée par la lettre qui leur a été adressée le 29 mars 1985, dans laquelle on peut lire, à la page 4 : "De tels arrangements constituaient un plan suffisamment précis pour être assimilable à un ou plusieurs accords au sens de l'article 85, tout au moins dans le chef des producteurs mêlés aux réunions".

64 Par conséquent, le Tribunal considère que, dans la décision, la Commission n'a fait qu'aménager et expliciter en droit l'argumentation sur laquelle elle fonde les griefs qu'elle a retenus et qu'elle n'a, dès lors, pas empêché la requérante de faire connaître son point de vue sur ces griefs avant que la décision soit prise.

65 Il s'ensuit que c'est à tort que la requérante fait grief à la Commission d'avoir violé ses droits de la défense en formulant à son encontre des griefs nouveaux dans la décision.

4 Instruction insuffisante

66 La requérante soutient que la Commission a violé le principe d'enquête, selon lequel elle a l'obligation de vérifier les allégations des entreprises intéressées et d'y répondre (principe qu'elle déduit des arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten-Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p 429, et du 14 février 1978, UBC/Commission, point 271, 27-76, Rec. p 207) En effet, la Commission aurait omis d'enquêter sur les effets économiques de l'entente, sur les distorsions de concurrence provoquées sur le marché du polypropylène par des aides d'État illégales, sur la stratégie commerciale de Hüls qui se serait tournée vers les produits spéciaux et sur les pertes subies par les producteurs.

67 La Commission expose que ce grief porte sur l'établissement de l'infraction ou sur la fixation de l'amende et qu'il doit donc être examiné en même temps que ces points-là.

68 Le Tribunal considère que la question de savoir si la Commission a mené une instruction suffisante au cours de la procédure administrative - en particulier en ce qui concerne les effets économiques de l'entente, les distorsions de concurrence provoquées sur le marché du polypropylène par des aides d'État illégales, la stratégie commerciale de Hüls qui se serait tournée vers les produits spéciaux et les pertes subies par les producteurs - se confond avec l'appréciation du bien-fondé de l'établissement de l'infraction constatée à l'encontre de la requérante ainsi que du montant de l'amende qui lui a été infligée et qu'il convient donc de l'examiner en même temps que ces points-là.

5 Non-communication du procès-verbal des auditions

69 La requérante expose que, aux termes de l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63, "les déclarations essentielles de chaque personne entendue lors des auditions sont consignées dans un procès-verbal qui est approuvé par elle après lecture". Or, selon Hüls, ni les membres de la Commission ni ceux du comité consultatif n'ont pu disposer du procès-verbal définitif des auditions. Ils n'auraient donc pas pu se forger une idée exacte des arguments échangés, n'ayant pas tous assisté aux auditions et ne pouvant pas étudier tous les exposés écrits des entreprises concernées. Ainsi, la décision n'aurait-elle pas été prise en toute connaissance de cause.

70 La requérante ajoute que, en vertu du préambule du règlement n° 99-63, le comité consultatif doit être consulté une fois l'instruction terminée, et donc après l'approbation du procès-verbal, et que la participation des États membres aux auditions ne peut remplacer le procès-verbal définitif qui doit être transmis au comité consultatif.

71 Elle souligne que le procès-verbal provisoire ne rendait pas compte du caractère purement interne de ses instructions de prix ni de ses dénégations à l'égard de différents reproches et que des modifications substantielles ont été apportées à ce procès-verbal à la suite des remarques qu'elle avait formulées.

72 Elle fait valoir que c'est à la Commission qu'il appartient de prouver que la décision n'aurait pas été différente si cette irrégularité de procédure n'avait pas été commise. Elle conclut que, en vertu de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim/Commission, point 17, 45-69, Rec. p 769, et du 14 juillet 1972, Farbenfabriken Bayer/Commission, point 17, 51-69, Rec. p 745), une décision qui se fonde sur un tel projet de procès-verbal est nulle.

73 La Commission fait remarquer, de son côté, que l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99-63 ne donne aucune indication quant aux instances auxquelles la Commission doit adresser le procès-verbal provisoire ou définitif des auditions. Certes, les membres du comité consultatif ne disposaient que du procès-verbal provisoire, mais les autorités compétentes de tous les États membres étaient représentées aux sessions d'auditions à l'exception de la Grèce et du Luxembourg pour la seconde session. Il importerait peu, à cet égard, que le fonctionnaire présent lors des auditions n'ait pas nécessairement été le représentant de l'Etat au sein du comité consultatif.

74 Elle ajoute que, en tout état de cause, les modifications souhaitées par la requérante semblent minimes dans le contexte dans lequel elles s'inscrivent, puisque le procès-verbal provisoire aurait déjà contenu les principales observations de la requérante.

75 Elle relève encore que pour prendre leur décision, les membres de la Commission disposaient, quant à eux, du procès verbal provisoire ainsi que de l'ensemble des remarques faites par les parties sur ce procès-verbal.

76 En toute hypothèse, la Commission considère que la décision n'aurait pas été différente si le procès-verbal définitif des auditions avait été disponible (arrêts de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, point 26, 30-78, Rec. p. 2229, conclusions p. 2290 ; et du 14 juillet 1972, ICI/Commission, points 28 à 32, 48-69, Rec. p. 619).

77 Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère provisoire du procès-verbal de l'audition soumis au comité consultatif et à la Commission ne peut constituer un vice de procédure administrative, susceptible d'entacher d'illégalité la décision qui en constitue l'aboutissement, que si le texte en question était rédigé de manière à induire ses destinataires en erreur sur un point essentiel (arrêt du 15 juillet 1970, Buchlet/Commission, point 17, 44-69, Rec. p. 733).

78 En ce qui concerne le procès-verbal transmis à la Commission, il y a lieu de relever que cette dernière a reçu, avec le procès verbal provisoire, les remarques et observations faites par les entreprises sur ce procès-verbal et qu'il y a lieu, dès lors, de considérer que les membres de la Commission ont été informés de toutes les données pertinentes avant de prendre la décision.

79 En ce qui concerne le procès-verbal transmis au comité consultatif, le Tribunal constate que, contrairement aux affirmations de la requérante, le texte en question n'était pas rédigé de manière à induire ce comité en erreur sur un point essentiel. En effet, il convient d'observer que le procès-verbal provisoire transmis au comité consultatif consiste en deux parties, l'une relative à l'audition du 12 novembre 1984 et l'autre relative à l'audition du 25 juillet 1985. Une lecture conjointe des deux parties du procès-verbal provisoire des auditions indique que les demandes de modification du procès-verbal provisoire formulées par la requérante se rapportent soit à l'une ou l'autre partie de ce procès-verbal, mais qu'elles perdent leur signification lorsqu'elles sont considérées à la lumière l'une de l'autre. Ainsi la critique de la requérante selon laquelle le procès-verbal provisoire ne rendait pas compte du caractère purement interne de ses instructions de prix, ne peut être acceptée puisque, si la première partie contient effectivement la mention erronée d'instructions de prix de Hüls adressées à ses clients, la seconde partie contient le compte-rendu d'une discussion entre le représentant de la Commission et celui de la requérante qui portait spécifiquement sur le caractère purement interne des instructions de prix de Hüls, laquelle ne conteste pas la teneur dudit compte-rendu. De même, la critique de la requérante selon laquelle le procès-verbal provisoire ne rendait pas compte de ses dénégations à l'égard de différents reproches n'a aucune pertinence puisqu'elle est dirigée en réalité contre la seul seconde partie du procès-verbal provisoire, alors que les dénégations en cause étaient incluses dans la première partie.

80 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

6. Non-communication du rapport du conseiller-auditeur :

81 La requérante soutient avoir demandé, en vain, que le rapport du conseiller-auditeur lui soit communiqué. Il y aurait tout lieu de penser que le rapport n'a pas été pris en considération dans la décision, alors que le conseiller-auditeur avait sans doute procédé à une appréciation plus nuancée des contre-arguments de Hüls que la Commission. Ce refus irait à l'encontre de l'objectif visé par l'institution du conseiller-auditeur et par le mandat qui lui est confié. Il restreindrait en outre les possibilités de défense de la requérante, en l'empêchant de vérifier si les auditions et leur résultat ont été prix en considération d'une manière objective, normale et vérifiable lors de l'adoption de la décision. Hüls se réserve le droit de demander au Tribunal d'enjoindre à la Commission de produire ce rapport.

82 Selon la Commission, il n'existe aucune disposition prévoyant que l'avis du conseiller-auditeur doit être communiqué aux destinataires de la décision de la Commission. Elle considère que le conseiller-auditeur jour un rôle important dans le processus interne de prise de décision de la Commission et que les entreprises ne peuvent prétendre être associées à ce processus, sous peine de compromettre la franchise et l'indépendance du conseiller-auditeur. La Cour aurait entériné ce point de vue dans son ordonnance du 11 décembre 1986, ICI/Commission, points 5 à 8 (212-86 R, non publiée au Recueil).

83 Le Tribunal relève, à titre liminaire, que les dispositions pertinentes du mandat du conseiller-auditeur, qui a été annexé au Treizième rapport sur la politique de concurrence, sont les suivantes :

"Article 2

Le conseiller-auditeur a pour mission d'assurer le bon déroulement de l'audition et de contribuer par-là au caractère objectif tant de l'audition que de la décision ultérieure éventuelle. Il veille notamment à ce que tous les éléments pertinents qu'ils soient favorables ou défavorables aux intéressés, soient dûment pris en considération dans l'élaboration des projets de décision de la Commission en matière de concurrence. Dans l'exercice de ses fonctions, il veille au respect des droits de la défenses, tout en tenant compte de la nécessité d'une application efficace des règles de concurrence, en conformité avec les règlements en vigueur et les principes retenus par la Cour de justice.

Article 5

Le conseiller-auditeur fait rapport au directeur général de la concurrence sur le déroulement de l'audition et sur les conclusions qu'il en tire. Il formule ses observations sur la poursuite de la procédure. Ces observations peuvent concerner, entre autres, la nécessité d'un complément d'information, l'abandon de certains points de griefs ou la communication de griefs supplémentaires.

Article 6

Dans l'exercice des fonctions définies à l'article 2 ci-avant, le conseiller-auditeur peut, s'il l'estime approprié, saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence lorsqu'est soumis à ce dernier l'avant-projet de décision destiné au comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.

Article 7

Le cas échéant, le membre de la Commission chargé des questions de concurrence peut décider, sur demande du conseiller-auditeur, de joindre l'avis final émis par celui-ci au projet de décision dont est saisie la Commission, de manière à garantir que celle-ci, lorsqu'elle se prononce sur une affaire individuelle en tant qu'instance décisionnelle, soit pleinement informée de tous les éléments de l'affaire."

84 Il résulte des termes mêmes du mandat du conseiller-auditeur que son rapport ne doit obligatoirement être communiqué ni au comité consultatif ni à la Commission. En effet, aucune disposition ne prévoit la transmission dudit rapport au comité consultatif. S'il est vrai que le conseiller-auditeur doit faire rapport au directeur général de la concurrence (article 5) et qu'il a la faculté, s'il l'estime approprié, de saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence (article 6), lequel a lui-même la faculté de joindre, sur demande du conseil auditeur, l'avis final de ce dernier au projet de décision soumis à la Commission (article 7), il n'existe toutefois aucune disposition faisant obligation au conseiller-auditeur, au directeur général de la concurrence ou au membre de la Commission chargé des questions de concurrence de transmettre à la Commission le rapport du conseiller-auditeur.

85 Par conséquent, la requérante ne peut se prévaloir de ce que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas été transmis aux membres du comité consultatif ou à ceux de la Commission.

86 Par ailleurs, le Tribunal relève que les droits de la défense n'exigent pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l'article 85 paragraphe 1, du traité CEE puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur qui constitue un document purement interne à la Commission. À cet égard, la Cour à jugé que ce rapport a valeur d'avis pour la Commission, qu'elle n'est en aucune manière tenue de s'y ranger et que, dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (ordonnance du 11 décembre 1986, précitée, 212-86 R, points 5 à 8). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance de droit, dès lors que les différentes instances concourant à l'élaboration de la décision finale ont été informées correctement de l'argumentation formulée par les entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission ainsi qu'aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, précité, 322-81, point 7).

87 A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises, ni de formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à l'encontre de celles-ci.

88 Il s'ensuit que les entreprises n'ont pas le droit, au titre du respect des droits de la défense, d'exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoir le commenter (voir arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, précité, 48-82 et 63-82, point 25).

89 Par conséquent, le grief doit être rejeté.

Sur l'établissement de l'infraction

90 Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques.

91 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives, d'une part, à la période allant de la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 (I) et, d'autre part, à la période allant de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979 au mois de novembre 1983 (II), en ce qui concerne le système des réunions périodiques (A), les initiatives de prix (B), les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix (C) et la fixation de tonnages cibles et de quotas (D), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b), avant de les apprécier(c) ; il y a lieu de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces frais.

1. Les constatations de fait :

I- Pour la période allant de l'année 1977 à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 :

A- Acte attaqué :

92 La décision (points 78, quatrième alinéa, et 104, troisième alinéa) affirme que le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène a commencé à peu près à la fin de 1977, mais qu'il n'est pas possible de préciser la date à laquelle chaque producteur a commencé à assister à ces réunions. Elle relève que Hüls, qui figure parmi les producteurs dont il n'est pas prouvé qu'ils ont " soutenu " l'initiative de décembre 1977, déclare n'avoir participé qu'à une seule réunion avant la seconde moitié de l'année 1982.

93 Toutefois, la décision (point 105, premier et deuxième alinéas) indique que la date précise à laquelle chaque producteur a commencé à assister aux sessions plénières périodiques ne peut être établie avec certitude. La date à laquelle Anic, ATO, BASF, DSM et Hüls auraient commencé à participer aux arrangements ne pourrait avoir été ultérieure à 1979, puisqu'il serait établi que ces cinq producteurs ont tous participé à la répartition du marché ou au système de quotas introduit pour la première fois au cours de cette année.

B- Arguments des parties :

94 La requérante fait valoir que si, dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), ICI la désigne comme participante régulière aux réunions, c'est pour la période 1979-1983. On ne saurait donc en déduire que la requérante a participé aux réunions avant 1979 et encore moins qu'elle y a participé depuis 1977. En réalité, les éléments du dossier montreraient tout au plus une participation irrégulière à partir de 1981 et, plus régulière, à partir de 1982.

95 La Commission se réfère à la réponse d'ICI à la demande de renseignements pour affirmer que la requérante a participé régulièrement aux réunions depuis un moment indéterminé entre 1977 et 1979. En effet, ICI aurait classé Hüls parmi les participantes régulières aux réunions sans restriction quant au point de départ de cette participation, contrairement à d'autres entreprises qui verraient leur participation limitée à la période 1979-1983. Or, selon un autre passage de cette réponse les réunions auraient débuté à la fin de l'année 1977 et auraient acquis une certaine régularité en 1978. Ces données indiqueraient donc que la requérante faisait partie des " membres fondateurs " de l'entente.

C- Appréciation du Tribunal :

96 Le Tribunal constate que le seul élément de preuve qu'avance la Commission pour établir la participation de Hüls aux réunions durant la période en cause, est la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8).

97 À cet égard, le Tribunal constate que la réponse d'ICI à la demande de renseignements classe la requérante parmi les participants réguliers aux réunions d'"experts" et de "patrons" sans préciser à partir de quand. En effet, on peut lire dans cette réponse que :

"The regular participants at meetings of "Experts" and "Bosses" were as follows : ATO, BASF, Chemie Linz, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Montepolimeri, Petrofina, Saga, Solvay. The following producers participated regularly during those periods between 1979 and 1983 while they were engager in the West European polypropylene industry : Anic - polypropylene business taken over by Montepolimeri ; SIR - believed to be no longer in business ; Rhône-Poulenc - polypropylene business sold to BP. In addition, Alcudia and Hercules attended meetings on an regular basis."

("Les participants réguliers aux réunions des "experts" et des "patrons" étaient les suivants : ATO, BASF, Chemie Linz, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Montepolimeri, Petrofina, Saga, Solvay. Les producteurs suivants ont participé régulièrement à ces réunions pendant les périodes entre 1979 et 1983, pendant lesquelles ils exerçaient encore des activités dans l'industrie du polypropylène en Europe occidentale : Anic - dont le secteur polypropylène a été repris par Montepolimeri ; SIR - présumée retirée des affaires ; Rhône-Poulenc - dont le secteur polypropylène a été vendu à BP. De surcroît, Alcudia et Hercules ont assisté à certaines réunions de manière irrégulière.")

98 Ne disposant pas de données précises quant au début de la participation de la requérante à ces réunions, la Commission se réfère à un second passage de la réponse d'ICI dans lequel on peut lire :

"Because of the problems facing the polypropylene industry..., a group of producers met in about December 1977 to discuss bhat, if any measures could be pursued on order to reduce the burden of the inevitable heavy losses about to be incurred by them... It was proposed that future meetings of those producers who wished to attend should be called on an "ad hoc" basis in order to exchange and develop ideas to tackle these problems."

("Pour faire face aux problème auxquels l'industrie du polypropylène était confrontée..., un groupe de producteurs s'est réuni vers le mois de décembre 1977 pour examiner si des mesures pouvaient être prises - et lesquelles - pour réduire la charges des pertes importantes qu'ils allaient inévitablement subir... Il a été proposé que des réunions des producteurs désireux de se rencontrer seraient convoqués à l'avenir avec un ordre du jour "ad hoc" en vue d'échanger et de développer des idées dans la lutte contre ces problème.")

Elle déduit de ce passage que le début de la participation de la requérante aux réunions remonte au mois de décembre 1977. Par ailleurs, la Commission estime que cette interprétation de la réponse d'ICI à la demande de renseignements est corroborée par le fait que, si ICI a précisé la période durant laquelle les entreprises avaient participé aux réunions (1979/1983) uniquement pour les entreprises dont les noms figurent dans la seconde phrase du premier passage cité, c'était pour mettre en évidence que les entreprises, dont les noms figurent dans la première phrase de ce passage, ont participé aux réunions depuis le début de celles-ci.

99 Le Tribunal constate que la réponse d'ICI à la demande de renseignements, en ce qu'elle classe la requérante parmi les participants réguliers aux réunions, vise explicitement sa participation aux réunions de "patrons" et d'"experts". Or le passage cité par la Commission pour faire remonter la participation de la requérante aux réunions au mois de décembre 1977 vise des réunions "ad hoc" et non les réunions de "patrons" et d'"experts", dont un autre passage de la réponse d'ICI à la demande de renseignements, dans lequel on peut lire :

"By late 1978/early 1979 il was determined that the "ad hoc" meetings of Senior Managers should be supplemented by meetings of lower level managers with more marketing knowledge. This two-tier level of representation became identified as (a) "Bosses"... and (b) "Experts",

("Fin 1978/début 1979, il a été décidé que les réunions "ad hoc" des "Senior" directeurs seraient complétées par des réunions de directeurs situés à un niveau moins élevé dans la hiérarchie, mais possédant de plus amples connaissances en matière de marketing. Cette représentation à deux niveaux, a bientôt été désignée comme celle des (a) "patrons"... et des (b) "experts"),

indique qu'elles ont débuté à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 par l'adjonction, aux réunions "ad hoc" de "patrons", de réunions d'"experts".

100 Il y a lieu de relever que cette interprétation de la réponse d'ICI à la demande de renseignements est confirmée par une lecture a pari des deux premières phrases du premier passage précité. Cette lecture est justifiée par le fait que ce qui autorise la distinction entre les entreprises mentionnées dans la première phrase et celles mentionnées dans la seconde n'est pas le début de leur participation aux réunions, mais bien la fin de celle-ci, puisque toutes les entreprises mentionnées dans la seconde phrase ont quitté le marché avant la fin de l'infraction. Il y a donc lieu d'interpréter ces deux phrases l'une à la lumière de l'autre, en tenant compte du fait que les réunions de "patrons" et d'"experts" n'ont pas commencé avant la fin de l'année 1978 ou de début de l'année 1979.

101 Le Tribunal relève, en outre, que la Commission a exprimé dans la décision des doutes quant à la participation de la requérante aux réunions avant 1979 en indiquant au point 105, deuxième alinéa, que la date à laquelle la requérante a commencé à participer aux arrangements ne peut avoir été ultérieure à 1979.

102 Il résulte de ce qui précède que la Commission ne peut présenter aucun élément de nature à prouver la participation de Hüls à l'infraction avant la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et qu'elle n'a donc pas établi à suffisance de droit cette participation.

II- Pour la période allant de la fin de l'année ou du début de l'année 1979 au mois de novembre 1983 :

A- Le système des réunions périodiques :

a) Acte attaqué

103 La décision (point 78, quatrième alinéa) relève que Hüls déclare n'avoir participé qu'à une seule réunion avant la seconde moitié de l'année 1982. Elle conclut (point 105, deuxième alinéa) que la date à laquelle Hüls a commencé à participer aux arrangements ne peut avoir été ultérieure à 1979, puisqu'il est établi que Hüls a participé à la répartition du marché ou au système de quotas introduit pour la première fois au cours de cette même année.

104 La décision (point 104, troisième alinéa, et 105, deuxième et quatrième alinéas) affirme, d'une part qu'ICI a déclaré que Hüls était une participante régulière aux réunions et, d'autre part, que le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène a fonctionné au moins jusqu'à la fin de septembre 1983. Elle fait grief à Hüls d'avoir participé à ce système (point 18, premier et troisième alinéas).

105 Selon la décision (point 21), l'objet des réunions périodiques de producteurs de polypropylène était, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.

b) Arguments des parties :

106 La requérante expose qu'il n'y a pas eu de "système institutionnalisé de réunions périodiques". En effet, les réunions, auxquelles Hüls n'aurait d'ailleurs pas participé régulièrement, n'avaient lieu que sur une base ad hoc, comme l'indiquerait la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8). La tenue de plusieurs réunions successives ne permettrait pas de conclure que toutes les entreprises étaient convenues de se rencontrer périodiquement à partir de 1977. En tout cas, la requérante conteste résolument avoir participé à pareil accord.

107 Elle fait valoir que les éléments du dossier montrent tout au plus qu'elle a participé de manière irrégulière aux réunions à partir de 1981 et de manière plus régulière à partir de 1982. Les tableaux établis en 1979 reprenant des "revised targets" (objectifs révisés) en matière de volumes de vente pour certaines entreprises parmi lesquelles figure la requérante n'infirmeraient pas cette constatation. En effet, les propositions qui y sont mentionnées porteraient sur l'ensemble du marché du polypropylène ouest-européen et devaient, par conséquent, englober tous les producteurs, indépendamment de leur participation aux réunions.

108 Par ailleurs, la requérante expose que, en tant que petit producteur, elle aurait été obligée de participer aux réunions et y aurait pratiqué une combinaison de désinformation et de restriction mentale pour ne pas affaiblir sa stratégie par la communication d'informations sensibles à ses concurrents. En outre, sa stratégie d'abandon des produits de base pour se tourner vers les produits spéciaux aurait eu pour conséquence que ses intérêts auraient été à ce point divergents de deux des autres producteurs que sa participation aux réunions n'aurait pu avoir pour objet de restreindre la concurrence.

109 Elle souligne, enfin, que ce serait l'inaction de la Commission vis-à-vis des aides d'États françaises et italiennes dans le secteur du polypropylène qui aurait rendu indispensables les réunions de producteurs, soucieux de faire face à la crise que connaissait ce secteur.

110 La Commission, de son côté, ne conteste pas que la régularité et la fréquence des réunions a augmenté au fil du temps. Elles seraient devenues plus structurées. Il s'agissait de mettre en œuvre un plan d'ensemble qui se serait traduit par des actions de plus en plus intensives visant à infléchir les forces du marché au moyen d'une coopération des producteurs de polypropylène en matière de prix, d'objectifs de volume de vente et de mesure d'accompagnement. Selon la Commission, ce plan d'ensemble, élaboré progressivement, se composait d'un accord-cadre qui prévoyait un système de réunions institutionnalisées en vue d'élaborer en commun des stratégies de marché et qui était complété par des sous-accords particuliers portant sur des mesures concrètes. Le dénominateur commun de cet accord-cadre aurait persisté pendant toute la période couverte par la décision. L'engagement de Hüls dans le plan d'ensemble ou dans l'accord-cadre découlerait notamment de sa participation régulière aux réunions périodiques.

111 La Commission soutient que la participation régulière de la requérante aux réunions ressort de la réponse d'ICI à la demande de renseignements, qui mentionne Hüls parmi les participants réguliers aux réunions. Cet élément de preuve serait corroboré par la mention du nom de la requérante dans un tableau non daté, intitulé "Producer's Sales to West Europe" ("Ventes de producteurs en Europe occidentale"), retrouvé chez ICI (g. g. ann. 55), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978, ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" ("chiffre effectif de 1979") et "revised target" ("objectif révisé"). Ce tableau, comportant des informations devant être rigoureusement préservées en tant que secrets d'affaires, n'aurait pas pu être élaboré sans la participation de Hüls. Or, le compte-rendu d'une réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) indiquerait que les objectifs de volumes de vente repris dans le tableau précédent faisaient l'objet des réunions.

112 Par ailleurs, la Commission fait valoir, d'une part, qu'une politique de désinformation comme celle que la requérante prétend avoir menée aurait nécessairement été découverte par les autres producteurs grâce au recoupement qu'ils pouvaient faire à partir du système Fides d'échange de données, ce qui aurait eu des conséquences plus graves pour Hüls qu'une non-participation aux réunions. D'autre part, elle fait valoir que l'entente portait non seulement sur les produits de base, mais également sur les produits spéciaux et que la stratégie de spécialisation de Hüls ne s'opposait donc à pas à ce qu'elle participe aux réunions.

113 La Commission estime, enfin, que les aides d'États françaises et italiennes ne constituent pas des éléments de nature à justifier la participation de la requérante aux réunions.

c) Appréciation du Tribunal

114 Le Tribunal constate que la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) classe la requérante, à la différence de deux autres producteurs, parmi les participants réguliers aux réunions de "patrons" et d'"experts" sans limite de temps. Cette réponse doit être interprétée comme faisant remonter la participation de la requérante aux réunions au début du système des réunions de "patrons" et d'"experts", qui a été instaurée à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979.

115 La réponse d'ICI à la demande de renseignements se trouve corroborée par la mention, à côté du nom de la requérante dans différents tableaux retrouvés chez ICI, ATO et Hercules (g. g. ann. 55 à 62), de ses chiffres de vente pour différents mois et différentes années, alors que, comme l'ont admis la plupart des requérantes dans leur réponse à une question écrite posée par le Tribunal, il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides. Dans sa réponse à la demande de renseignements, ICI a d'ailleurs déclaré à propos d'un de ces tableaux que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" ("la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes"), ce qui ôte toute pertinence à l'argument de la requérante tiré de ce que tous les producteurs sans exception figuraient dans ces tableaux.

116 À ces éléments, il convient d'ajouter que la réponse de la requérante à la demande de renseignements est incomplète, dans la mesure où elle a omis de faire état de sa participation à une réunion de janvier 1981 dont un compte-rendu (g. g. ann. 17) révèle que Hüls se trouvait parmi les participants.

117 En outre, la requérante a reconnu devant le Tribunal qu'elle avait participé régulièrement aux réunions durant les années 1982 et 1983, alors que dans sa réponse à la demande de renseignements elle affirmait n'avoir pas participé aux réunions avant la seconde moitié de 1982, ce qui est contredit notamment par le compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), qui indique clairement que Hüls y a pris part.

118 Dans ces circonstances, la Commission était en droit de considérer que la requérante a participé aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène dès la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 et jusqu'à la fin du mois de septembre 1983.

119 C'est à bon droit que la Commission a estimé, sur la base des éléments qui ont été fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements et qui ont été confirmés par de nombreux comptes-rendus de réunions, que les réunions avaient pour objet, notamment, de fixer des objectifs de prix, d'une part, et de volumes de vente, d'autre part. en effet, ont peut lire dans cette réponse :

"Target prices for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule...", ainsi que : "A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings."

("Les "prix cibles" qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe..." ainsi que : "Un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors de réunions").

120 De surcroît, faisant état de l'organisation, en plus des réunions de "patrons", de réunions d'"experts" en marketing à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, la réponse d'ICI à la demande de renseignements révèle que les discussions relatives à la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente se faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors que, en 1978, les "patrons" s'étaient bornés à développer le concept même des prix cibles.

121 Outre les passages précédents, on peut lire l'extrait suivant dans la réponse d'ICI à la demande de renseignements : "Only "Bosses" ans "Experts" meetings came to be held on a monthly basis" ("Seules les réunions de "patrons" et d'"experts" étaient tenues sur une base mensuelle"). C'est à bon droit que la Commission a pu déduire de cette réponse, ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions, que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.

122 Par ailleurs, les arguments invoqués par la requérante pour démontrer que sa participation aux réunions ne pouvait être considérée comme répréhensible, ne peuvent pas être retenus.

123 En effet, la requérante ne peut prétendre que, en tant que petit producteur, elle ne pouvait rester à l'écart des réunions puisqu'elle pouvait dénoncer celles-ci à la Commission et lui demander d'ordonner d'y mettre fin.

124 La stratégie de la requérante consistant à se dégager des produits de base pour se tourner vers les produits spéciaux et l'opposition d'intérêts entre elle (même et les autres producteurs qui en aurait résulté ne sont pas non plus de nature à excuser la participation de la requérante aux réunions, puisque les discussions relatives à la fixation d'objectifs de volumes de vente portaient non seulement sur les produits de base, mais également sur les produits spéciaux. En effet, la requérante a indiqué, dans sa requête, que le total de ses ventes de polypropylène, toutes catégories confondues, s'élevait pour l'année 1983 à 64 349 tonnes pour l'Allemagne, la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et le Luxembourg, seuls États d'Europe occidentale dans lesquels elle avait des ventes significatives de polypropylène, dont 45 % seulement concernaient les produits de base. Or, selon différents documents, le quota attribué à la requérante pour cette même année se situait entre 65 000 tonnes sur un marché estimé à 1 470 kilotonnes (proposition de Saga, g. g. ann. 81) et 77 190 tonnes (5,3 % d'un même marché, proposition des producteurs allemands, g. g. ann. 83). Par conséquent, les discussions relatives aux volumes de vente portaient aussi bien sur les produits spéciaux que sur les produits de base.

125 Quant à la désinformation et la restriction mentale qu'aurait pratiquées la requérante lors des réunions et qui établiraient que Hüls n'était animée d'aucun esprit anticoncurrentiel, il convient d'observer que, dès lors qu'il n'est pas contesté que la requérante a pris part à ces réunions et qu'il est établi que celles-ci avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, la requérante a donné à ses concurrents, à tout le moins, l'impression qu'elle y participait dans la même optique d'eux.

126 Dans ces conditions, c'est à la requérante qu'il appartient d'avancer des indices de nature à établir que sa participation aux réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel en démontrant qu'elle avait indiqué à ses concurrents qu'elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur.

127 À cet égard, il convient de relever que les arguments de la requérante, tirés de son comportement sur le marché et destinés à établir que sa participation aux réunions aurait eu pour seul but de lui permettre d'obtenir des informations, ne constituent pas des indices de nature à prouver l'absence chez elle d'esprit anticoncurrentiel, dans la mesure où ces éléments ne démontrent pas que la requérante avait indiqué à ses concurrents que son comportement sur le marché serait indépendant du contenu des réunions. À supposer même que ses concurrents l'aient su, le seul fait d'échanger avec ceux-ci des informations qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires suffit à manifester l'existence chez elle d'un esprit anticoncurrentiel.

128 Enfin, à supposer que l'existence d'aides d'Etat ayant faussé la concurrence soit établie, de telles aides ne sont pas de nature à justifier la participation d'entreprises concurrentes à des réunions ayant pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente. À cet égard, il faut souligner que, plutôt que de participer à ces réunions, la requérante aurait pu inviter la Commission, au moments des faits, à exercer ses compétences au titre de l'article 93 du traité CEE, ce qu'elle n'allègue pas avoir fait.

129 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et septembre 1983, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et qu'elles s'inscrivaient dans un système.

B- Les initiatives de prix :

a) Acte attaqué

130 Selon la décision (points 28 à 51), un système de fixation d'objectifs de prix aurait été mis en œuvre à travers des initiatives de prix dont six ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983.

131 À propos de la première de ces initiatives de prix, la Commission (décision, point 29) fait remarquer qu'elle ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte-rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait cependant qu'une initiative était prévue sur la base d'un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM/kg à partir du 1er juillet et de 2,05 DM/kg à partir du 1er septembre. La Commission disposerait des instructions de prix de certains producteurs, parmi lesquels ne figure pas la requérante, dont il ressortirait que ces producteurs avaient donné ordre à leurs bureaux de vente d'appliquer ce niveau de prix ou son équivalent en monnaie nationale à partir du 1er septembre, et ce pour la plupart d'entre eux avant que la presse spécialisée n'ait annoncé la hausse prévue (décision, point 30).

132 Toutefois, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, le nouveau plan consistant à "maintenir" pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg (décision, point 31, deux premiers alinéas).

133 Quant à la deuxième initiative de prix, la décision (point 32), si elle admet qu'aucun compte-rendu des réunions tenues en 1980 n'a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunis au moins sept fois au cours de cette année (référence est faite au tableau 3 de la décision). Au début de l'année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ. Les instructions de prix envoyées par certains producteurs (DSM, Hoechst, Linz Monte, Saga et ICI) indiqueraient que, pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980-janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le raphia, 1,70 DM/kg pour l'homopolymère et 1,95 à 2,00 DM/kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les " prix réalisés " pour octobre et novembre 1980 avec les " prix de liste " pour janvier 1981, qui s'établiraient à 1,50/1,70/2,00 DM/kg. Initialement, il aurait été prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 - une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre - mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981.

134 La décision (point 33) relève la participation de Hüls à l'une des deux réunions de janvier 1981, au cours de laquelle il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases : l'objectif serait resté fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2,00 DM/kg serait introduit à partir du 1er mars "sans exception". Un tableau des prix cibles de six grandes qualités aurait été élaboré dans six monnaies nationales et sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981.

135 Selon la décision (point 34), le projet de relever les prix à 2,00 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars. Une réunion des "experts", dont il ne subsiste aucun compte-rendu, se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, mais immédiatement après au moins BASF, DSM, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix "de liste") à un niveau équivalent à 2,15 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er mai. Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres. Certains des producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'appliquer des prix "minimaux" ou des "minima absolus" quelque peu inférieurs aux objectifs convenus. Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais, bien que la hausse au 1er mai ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti. Vers le milieu de l'année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser les prix, soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.

136 En ce qui concerne la troisième initiative de prix, la décision (point 35) affirme qu'en juin 1981, Shell et ICI auraient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre-octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement. Shell, ICI et Monte se seraient rencontrées le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché. Quelques jours après cette réunion, ICI et Shell auraient donné toutes deux instruction à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia. Solvay aurait rappelé également à sin bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet alors qu'une réunion d'"experts" aurait été prévue pour le 28 juillet 1981.

Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/ kg en septembre 1981 aurait été revu probablement à cette réunion ; le niveau pour août aurait été ramené à 2,00 DM/kg pour le raphia. Celui de septembre aurait dû être de 2,20 DM/kg. Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 (c'est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) citerait ces prix, qualifiés d'" officiels " pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l'information. De nouvelles réunions auraient eu lieu à Genève le 4 août et à Vienne le 21 août 1981. À la suite de ces cessions, les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 DM/kg pour le 1er octobre, BASF, DSM, Hoechst, ICI, Monte et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre.

137 Selon la décision (point 36), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et octobre 1981 le relèvement des prix à un " prix de base " de 2,20 à 2,30 DM/kg pour le raphia. Un document de Shell indiquerait qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, aurait été discutée, mais qu'il y aurait été renoncé par la suite. Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l'initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2,00 à 2,10 DM/kg pour le raphia. Une note d'Hercules montrerait que, en décembre 1981, la cible de 2,30 DM/kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais cette note ajoute que "grâce à la détermination de tous les prix auraient atteint 2,05 DM/kg, soit le montant le plus proche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic !)". A la fin de l'année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, soit quelque 20 pfennings de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elles auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé "sain".

138 La quatrième initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d'un retour du marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé Hüls et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (2,00 DM/kg pour le raphia) (décision, points 37 à 39, premier alinéa).

139 La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant d'ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix cibles définis lors de la réunion (décision, point 39,deuxième aliéna). Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'aurait pu annoncer que des hausses modestes.

140 Selon la décision (point 40), la requérante aurait également participé à la cinquième initiative de prix de septembre-novembre 1982, décidée lors de la réunion des 20 et 121 juillet 1982 et visant à atteindre un prix de 2,00 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre, dans la mesure où elle aurait été présente à la plupart, sinon à toutes les réunions tenus entre juillet et novembre 1982 au cours desquelles cette initiative a été organisée et contrôlée (décision, point 45). Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2 septembre 1982 (décision, point 41).

141 À la suite des réunions du 20 août et du 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).

142 Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle aurait participé la requérante, un examen des mesures prises pour atteindre l'objectif précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg pour novembre-décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.

143 À la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).

144 À l'instar d'ATO, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte et Saga, la requérante aurait fourni à la Commission des instructions de prix adressées à ses bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais correspondraient également au tableau de prix cibles joint au compte-rendu d'ICI de la réunion des "experts" du 2 septembre 1982 (décision, point 45, deuxième alinéa).

145 La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.

146 D'après la décision (point 47), la requérante aurait, enfin, participé à la sixième initiative de prix de juillet à novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforceraient d'appliquer un prix cible de 2,00 DM/kg en juin 1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM/kg). Ensuite, lors d'une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents dont Hüls, auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM/kg. À cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l'initiative publiquement dans ECN.

147 La décision (point 49) relève que, après la réunion du 20 mai 1983, ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour le raphia. La décision conclut qu'il est ainsi démontré que, à l'exception de la requérante, pour qui la Commission n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.

148 La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août ainsi que les 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont prix part. À la fin juillet et au début août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga aurait envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basée sur un prix de 2,00 DM/kg pour le raphia, tandis qu'une note interne de Shell du 11 août, relative à ses prix au Royaume-Uni, indiquerait que sa filiale au Royaume-Uni travaillait à " promouvoir " des prix de base applicables au 1er septembre et conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell aurait donné instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exception mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.

149 Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que BASF, Hoechst, Hüls, ICI, Linz Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs.

150 La décision (point 51, troisième alinéa) relève qu'une note interne recueillie chez ATO, et datée du 28 septembre 1983, comporterait un tableau intitulé "Rappel du prix de cota (sic)", donnant pour différents pays les prix applicables en septembre et octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de BASF, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz Monte et Solvay. Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.

151 Selon la décision (point 105, quatrième alinéa), quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu'en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu'à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données.

152 La décision conclut (point 51, dernier alinéa) en relevant que, à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 DM à 2,15 DM/kg (pour un objectif cité de 2,25 DM/kg).

153 La décision (point 77, premier alinéa) relève encore que certains producteurs n'ont pas fourni à la Commission une série complète d'instructions de prix à partir de 1979, comme cela leur avait été demandé. Ainsi pour Hüls, les documents recueillis porteraient uniquement sur 1982 et 1983.

b) Arguments des parties :

154 La requérante fait valoir que, au cours de la procédure administrative, la Commission n'aurait articulé aucun grief relatif à une participation de Hüls à des initiatives de prix antérieures à mai 1982. Or ; bien que les tableaux 7A à 7G joints à la décision ne fassent pas état d'instructions de prix de la requérante, les motifs de la décision impliqueraient celle-ci dans toutes les initiatives de prix. Cette accusation serait inacceptable à la fois sur le plan de la procédure et du fond.

155 La requérante relève que, pour une période d'enquête allant du milieu de l'année 1977 à novembre 1983, soit pendant 77 mois, la Commission a regroupé les périodes d'infraction aux règles de la concurrence en matière de prix en six initiatives de prix s'étendant sur quelques mois. Selon la requérante, cela signifie que, pour les parties de la période d'enquête sur lesquelles les initiatives de prix ne portent pas, soit 51 mois, il n'y aurait aucune preuve de l'existence d'une entente sur des prix cibles.

156 Elle ajoute, à cet égard, qu'on ne saurait admettre la thèse de la Commission selon laquelle les instructions de prix concernant des périodes déterminées devraient être utilisées comme des indices dénotant qu'une entente sur les prix aurait fonctionné aussi pendant d'autres périodes.

157 La requérante affirme ne s'être ni engagée ni sentie engagée d'une manière quelconque lors des réunions. Cette conclusion ressortirait de la disparité manifeste entre les prix cibles et les prix effectivement pratiqués sur le marché par la requérante, ainsi que des déclarations faites à l'occasion des réunions qui montreraient, d'une part, qu'il régnait entre tous les participants un consensus pour laisser intacte la liberté de décision de chacun et, d'autre part, que tous les participants savaient que le comportement effectif des entreprises ne concorderait pas avec les prix cibles discutés lors des réunions. Le comportement des entreprises sur le marché montrerait que la concurrence s'exerçait à travers les prix et se manifestait par les importantes migrations de clients entre les différents producteurs en présence. En outre, elle répète que, à l'instar des autres participants Hüls aurait pratiqué aux réunions une combinaison de restriction mentale et de désinformations consciente.

158 Elle fait encore valoir que la Commission a omis d'examiner son comportement sur le marché et de se demander si ce comportement avait un caractère restrictif de la concurrence ou s'il pouvait s'expliquer autrement que par une concertation préalable (voir l'arrêt de la Cour du 28 mars 1984, Commission royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, point 16, 29-83 et 30-83, Rec. p. 1679). Ainsi, la Commission serait en défaut de prouver que le comportement de la requérante sur le marché correspondait aux décisions prises au cours des réunions de producteurs.

159 Par ailleurs, la requérante soutient que ses instructions de prix étaient des instructions purement internes, dépourvues de tout caractère obligatoire, qui s'adressaient à ses bureaux de vente. Ces derniers auraient en réalité abordé le marché avec les prix qu'ils pensaient pouvoir pratiquer. L'expertise économétrique du professeur Albach, de l'université de Bonn, et l'analyse réalisée par un cabinet d'experts-comptables indépendant concernant les prix de vente nets (après déduction des remises éventuelles) pratiqués par les producteurs pendant la période de référence (ci-après "audit Coopers et Lybrand") montreraient que ces prix n'étaient jamais les mêmes que les prix cibles et n'étaient pas et ne pouvaient pas être influencés par ceux-ci.

160 Selon la requérante, il ressort de ces expertises qu'il n'y a même pas eu de comportement parallèle, des entreprises. Ces expertises démontreraient, au contraire, que les entreprises ont toujours mené une politique de prix autonome sur le marché. Aussi n'aurait-il pas été possible de constater sur le marché les effets d'éventuels accords. Dans la mesure cependant où l'on a parfois pu enregistrer certaines concordances sur le marché, celles-ci s'expliqueraient exclusivement par les traits particuliers de ce marché et par l'étroitesse du cadre de prix que ledit marché tolérait. La concurrence ruineuse aurait souvent eu pour effet que les entreprises devaient, pour ne pas perdre de clients, s'aligner sur les prix de leurs concurrents, si faibles fussent-ils. On ne saurait, en se fondant sur de telles concordances de prix, conclure à un lien de causalité quelconque entre les prix du marché et les prix cibles discutés lors de réunions, ces concordances ayant des explication naturelles et conformes aux règles de la concurrence.

161 La requérante précise enfin que, en produisant ces expertises, elle est allée au-delà de ses obligations, puisque c'est à la Commission qu'incomberait la charge d'établit par des analyses économiques que la prétendue entente à eu des effets sur le marché.

162 La Commission expose, quant à elle, que des éléments de preuve dont elle dispose constitueraient la preuve directe de l'existence d'ententes sur les prix pour les périodes auxquelles ils font référence. En ce qui concerne les autres périodes, ils constitueraient un indice qui, associé à d'autres indices, pourraient également prouver indirectement l'existence d'ententes. Étant donné que des contacts entre producteurs auraient eu lieu pendant toute la période couverte par la décision, comme l'aurait indiqué ICI dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), et que l'objet de ces contacts aurait été notamment le relèvement du niveau des prix, la Commission considère comme établie l'existence d'une entente sur les prix dont la précision et le caractère contraignant ont varié pendant toute la période.

163 La Commission déclare avoir des preuves directes de la participation de la requérante à une réunion en janvier 1981 (g. g. ann. 17) ainsi que de sa participation aux initiatives de prix dès le mois de mai 1982 (ann. H, lettre du 29 mars 1985). Pour les périodes antérieures, la Commission ne disposerait que d'indices (les instructions de prix de Hüls pour ces périodes n'étant pas disponibles), mais ces indices, rapprochés des preuves directes des initiatives précitées, permettraient de conclure que Hüls a globalement participé à l'entente, et ce à partir d'un montant indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins. La Commission reconnaît cependant que les ententes sur les prix n'ont pas toujours atteint leur objectif.

164 À propos des expertises du professeur Albach, elle relève que les possibilités que la science économique offre actuellement ne permettent pas de calculer ou de simuler des prix concurrentiels (le calcul d'un prix d'équilibre pourrait être fait à des fins didactiques dans le cadre d'un litige). Ces expertises seraient en outre faussées par le fait qu'elles se rapportent uniquement au marché allemand et qu'elles utilisent, à des fins de comparaison, un calcul du prix de revient du polypropylène qui n'a aucune valeur, en raison notamment de l'impossibilité de ventiler correctement les frais généraux des entreprises en cause entre le polypropylène et leurs autres produits.

165 Dans sa duplique, la Commission affirme qu'elle a donné dans la décision (points 88 à 94) des indications complètes concernant les effets de l'entente sur le marché. Elle ajoute que, en rejetant la suggestion de mettre fin aux réunions faite par Solvay lors de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), les entreprises elles-mêmes ont considéré les résultats de l'entente comme positifs. Tel aurait également été l'avis d'ICI en décembre 1982, comme elle l'a indiqué dans une note interne (g. g. ann. 35).

c) Appréciation du Tribunal

166 Le Tribunal relève, à titre liminaire, que les griefs retenus par la décision à l'encontre de la requérante en ce qui concerne sa participation aux initiatives de prix de juillet-décembre 1979, de janvier-mai 1981, et d'août-décembre 1981 ne constituent pas des griefs nouveaux par rapport aux communications des griefs adressées à la requérante. En effet, la communication générale des griefs indique en son point 41 que la requérante assistait régulièrement aux réunions de producteurs de polypropylène qui, selon les points 39 et 40, avaient débuté à la fin de l'année 1978 et portaient, selon le point 50, sur la fixation de prix cibles. Ainsi, il est fait grief à la requérante d'avoir participé aux réunions au cours desquelles celles-ci ont été décidées, organisées et contrôlées.

167 Le Tribunal constate que les comptes-rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) :

"everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise through before the holidays + after some debate settled on DM 2.00 from 1st June (UK 14th June). Inidividual country figures are shown in the attached table."

("tout le monde pensait qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances. + fixation (après débat) à 2 DM à partir du 1er juin (14 juin pour le Royaume-Uni). Les chiffres sont indiqués dans le tableau joint.")

168 Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. En effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions.

169 À cet égard, la requérante a fait valoir, pour démontrer qu'elle n'aurait pas souscrit aux initiatives de prix convenues lors des réunions périodiques de producteurs de polypropylène, qu'elle n'a aucunement tenu compte des résultats des réunions pour déterminer son comportement sur le marché en matière de prix, comme le montrerait sa politique de prix agressive sur le marché, attestée tant par l'audit Coopers et Lybrand que par l'étude économétrique du professeur Albach. Elle ajoute que le caractère purement interne et non-obligatoire de ses instructions de prix confirme qu'elle n'a pas tenu compte des résultats des réunions et que celles-ci n'ont donc eu aucun effet sur le marché.

173 Quant au caractère purement interne des instructions de prix de la requérante et des prix cibles définis par elle, le Tribunal constate que, si ces instructions sont certes internes en ce qu'elles ont adressées aux bureaux de vente par le siège central, elles ont été envoyées en vue d'être exécutées et donc de produire des effets externes, comme le confirme notamment le télex du 20 septembre 1983 émanant du siège central de Hüls (lettre du 29 mars 1985, annexe Hüls I 14), dans lequel on peut lire :

"Zu Iher Information teilen wir Ihnen mit, da( unsere VBs und Vertretungen über folgende Vestolen-Preiserhöhungen in Kenntnis gesetzt wurden : am 1.11.83 treten folgende Mindestreise in Kraft".

("nous vous signalons à titre d'information que les hausses de prix suivantes pour le vestolen ont été communiquées à nos bureaux de vente et de représentation ; les prix minimaux suivants entreront en vigueur le 1.11.83").

Par conséquent, l'argument de la requérante n'est pas de nature à infirmer sa participation aux initiatives de prix successives.

174 Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI la demande de renseignements (g. g. an. 8), dans laquelle on peut lire que :

"Target prices for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule..."

(Les prix cibles périodiquement proposés depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principale catégories de polypropylène figurent dans l'annexe..."),

que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix qui perduraient même lorsque les discussions entre les producteurs ne débouchaient pas sur la fixation d'un objectif précis. C'est pourquoi l'argument de la requérante tiré de ce que les initiatives de prix ne couvriraient que 26 des 27 mois durant lesquels l'infraction s'est déroulée ne peut être retenu.

175 Le Tribunal conteste, enfin, que, si la dernière réunion de producteurs dont la Commission ait apporté la preuve est celle du 29 septembre 1983, il n'en reste pas moins que différents producteurs est celle du 29 septembre 1983, il n'en reste pas moins que différents producteurs (BASF, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz Monte, Solvay et Saga) ont envoyé, entre le 20 septembre et le 25 octobre 1983, des instructions de prix concordantes (ann. I, lettre du 29 mars 1985) destinées à entrer en vigueur le 1er novembre suivant et que, dès lors, la Commission a pu raisonnablement estimer que les réunions de producteurs avaient continué à produire leurs effets jusqu'en novembre 1983.

176 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante.

177 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées dans la décision, que celles-ci s'inscrivaient dans un système et que les effets de ces initiatives de prix se sont produits jusqu'en novembre 1983.

C- Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix :

a) Acte attaqué

178 La décision [article 1er, sous c), et point 27 ; voir aussi point 42] fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin septembre 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers.

179 En ce qui concerne le système d'"account management" dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous le nom d'"account leadership", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou "leader" d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un "coordinateur" aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file ("leader") chargé d'orienter, de négocier, d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs qui traitaient régulièrement avec les clients étaient connus sous le nom de "contenders" et coopéraient avec l'"account leader", lorsqu'ils faisaient une offre au client en question. Pour "protéger" l'"account leader" et les "contenders", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire une offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte-rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait que, à cette époque, le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ses clients et les volumes livrés ou en commande.

180 La décision (point 20) fait grief à Hüls d'avoir assisté à des réunions locales qui étaient consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions plénières, d'être restée en contact étroit avec BASF et Hoechst et d'avoir adopté avec eux une position commune sur certaines questions telles que les quotas.

b) Arguments des parties

181 La requérante fait remarquer que les comptes-rendus des réunions des 2 septembre et 2 décembre 1982 et des 4 mars et 3 mai 1983 (g. g. ann. 29, 33, 37 et 38), auxquels la Commission se réfère pour établir l'existence d'un système d'" account leadership", dont en réalité apparaître que l'on n'est jamais parvenu à se mettre d'accord sur l'instauration d'un tel système. Lors de la réunion du 2 septembre 1982, des projets d'"account management "auraient certes été discutés, mais l'obligation de fournir les renseignements nécessaires ainsi que des divergences de vue entre les entreprises auraient empêché qu'intervienne un accord. Lors de la réunion du 2 décembre 1982, il n'aurait pas été possible non plus de parvenir à un accord, même s'il est vrai que de nombreux projets ont été élaborés par un grand nombre de producteurs. Ainsi, le tableau 3 du compte-rendu de cette réunion ne serait qu'un projet n'ayant jamais fait l'objet d'un accord, comme l'indiqueraient, en premier lieu, la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) ; en premier lieu, la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) ; en second lieu, le fait que les clients mentionnés à côté du nom de Hüls soit n'ont pas été approvisionnés par la requérante (Westphalia), soit ont été approvisionnés principalement par d'autres producteurs (tels Baumhüter, Spohn et Billermann) ; en troisième lieu, le fait que plusieurs producteurs étaient envisagés comme "account leader" pour un même client ; en quatrième lieu, le fait que le nom de Hüls figure entre parenthèses, et, en cinquième lieu, le fait que les clients mentionnés pour les différents producteurs, y compris Hüls, sont fort différents dans le tableau joint au compte-rendu de la réunion du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29) et dans celui qui est annexé au compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann.33). Il en irait de même pour les réunions du printemps 1983.

182 Elle ajoute que les études qu'elle a fournies, comme l'audit Coopers et Lybrand, montreraient que, contrairement à ce qui se serait produit si un système d'"account leadership" avait été instauré, les clients achetaient tous à plusieurs fournisseurs et à des prix qui divergeaient parfois considérablement. En réalité, aucune entreprise n'aurait été disposée à laisser porter atteinte à sa position sur le marché en faveur d'une autre entreprise.

183 Par ailleurs, la requérante conteste que les comptes-rendus des réunions des 21 septembre et 2 décembre 1982 (g. g. ann. 30 et 33) et le compte-rendu d'une réunion bilatérale entre Shell et ICI du 27 mai 1981 (g. g. ann. 64) corroborent l'affirmation de la Commission selon laquelle, au cours des réunions, des pressions étaient exercées sur les producteurs dont les prix et les chiffres de vente indiquaient qu'il ne se conformaient pas aux accords. En effet, ces critiques ne seraient jamais parvenues aux entreprises qui en étaient l'objet et n'aurait donc pas pu les influencer. Les documents de réunions auxquelles les entreprises critiquées soit les comptes-rendus de réunions auxquelles les entreprises critiquées ne participaient pas. En outre, la Commission n'aurait pas pu démontrer que les entreprises faisaient l'objet de critiques en raison du non-respect des accords prétendument conclus plutôt qu'en raison de leur refus de conclure de tels accords.

184 Enfin, la requérante affirme n'avoir jamais participé aux réunions locales consacrées à des pays ou à des régions déterminés de la Communauté et n'avoir donc pas participé aux accords qui y auraient été conclus. Le document sur la base duquel la Commission prétendrait établir la participation de Hüls à une réunion au Royaume-Uni (g. g. ann. 10) manifesterait, au contraire, son absence à cette réunion. En effet, les chiffres de vente des entreprises étaient classés en fonction de deux catégories d'entreprises : celles qui étaient représentées à la réunion ("those present") et celles qui ne l'étaient pas ("those notre presented"). Or, les chiffres de Hüls n'auraient pas été repris dans ceux de "those present".

185 La Commission considère, de son côté, qu'il ressort de la réponse d'ICI à la demande de renseignement (g. g. ann. 8) que non seulement le système d'"account leadership" a été discuté - ce que montreraient les comptes-rendus cités par la requérante -, mais également que ce système a fait l'objet d'un accord qui aurait débouché sur des actions de mise en œuvre auxquelles la requérante aurait été associée. Cet élément serait, en outre, corroboré, d'une part, par les comptes-rendus des réunions des 2 septembre 1982, 2 décembre 1982 et 3 mai 1983 (g. g. ann. 29, 33 et 38), qui montreraient que des " account leaders " et/ou des " contenders " ont été désignés pour certains clients et, d'autre part, par un document non daté émanant d'ICI dans lequel celle-ci apprécie l'attitude de certaines entreprises par rapport à l'entente et dans lequel on peut lire en ce qui concerne la requérante "Good supporters of the club + in account leadership" ("Bons supporters du club, y compris pour l'account leadership" ; g. g. ann. 14a, g. Hüls).

186 La Commission admet cependant que ce système n'a pas fonctionné plus de deux mois. Quant aux études en sens contraires, fournies par Hüls, elles seraient, selon la Commission, incompréhensibles et inexploitables en raison des abréviations qu'elles comportent et du fait qu'il n'est pas précisé si les prix mentionnés représentent des offres ou des ventes réalisées.

187 Selon la Commission, les comptes-rendus de réunions, notamment des 9 juin et 21 décembre 1982 (g. g. ann. 25 et 34), font apparaître que les prix et les volumes de vente effectivement réalisés étaient comparés en permanence avec les prix et les volumes " cibles " et que le non-respect des accords conclus entraînait de très sévères critiques. Cela serait corroboré par la réponse d'ICI à la demande de renseignements ainsi que par les comptes-rendus de la réunion du 2 décembre 1982 et d'une réunion bilatérale entre Shell et ICI du 27 mai 1981 (g. g. ann. 33 et g. g. ann. 64). Il aurait même été décidé à différentes occasions d'exercer des pressions sur les producteurs pour les contraindre à respecter les objectifs de prix, comme ce fut le cas alors de la réunion en participant aux réunions, devrait en supporter la responsabilité au même titre que s'il s'agissait d'un comportement individuel.

188 La Commission expose pour les réunions locales, qu'un compte-rendu de réunion (g. g. ann. 10) prouverait que Hüls aurait participé à celles qui concernaient le Royaume-Uni et que, dans sa réponse à la demande de renseignements (ann. 1, g. Hüls), elle aurait reconnu avoir participé à celles concernant la Scandinavie.

c) Appréciation du Tribunal

189 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26,deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun de ces producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir à divers moments lors des réunions adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures, mentionnées dans la décision, destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie d'un commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.

190 Force est de constater que, en participant aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures a été adopté [notamment celles des 13 mai, 2 et 21 septembre 1982 (g. g. ann. 24, 29, 30)], la requérante a souscrit à celui-ci, puisqu'elle n'avant aucun indice de nature à établir le contraire.

191 En ce qui concerne l'"account leadership", le Tribunal constate que la requérante a participé aux quatre réunions (celles du 2 septembre 1982, du 2 décembre 1982, de mars 1983 et du 3 mai 1983) au cours desquelles ce système a fait l'objet de discussions entre producteurs et qu'il résulte des comptes-rendus de ces réunions que la requérante a fourni lors de celles-ci certaines informations relatives à ses clients (g. g. ann. 29, 33, 37 et 38). À cet égard, l'adoption du système d'"account leadership" ressort du passage suivant du compte-rendu de la réunion du 2 septembre 1982 :

"about the dangers of evryone quoting exactly DM 2.00 A's point was accepted but rather than go below DM 2.00 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at indivudual accounts should quote a few pfs higher. Whilst customers tourism was clearly to be avoided for the next month or two it was accepted that it would bevery difficult for companies to refuse to quote at all when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular supplies. In such cases producers would quote but at above the minimum levels for October".

("la remarque d'A. à propos des risques qui existeraient si tout le monde proposait exactement 2,00 DM a été acceptée ; toutefois, au lieu de descendre en dessous de 2,00 DM, on a avancé l'idée - qui a été acceptée par tout - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d'un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs. Tout en décidant clairement d'éviter toute nouvelle prospection pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu'il serait très difficile aux entreprises de refuser de présenter des offres, si, comme c'était probable, les clients essayaient d'éviter les pris les plus élevés des fournisseurs réguliers. Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimaux d'octobre").

De même ; lors de la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle participait la requérante, il a été déclaré : "In support of the move, BASF, Hercules and Hoechst said they would be taking plant off line temporarily"("Pour appuyer l'action, BASF, Hercules et Hoechst ont dit qu'elles mettraient une de leurs installations temporairement hors circuit") et à celle du 13 mai 1982, Fina a dit : " Plant will be shut down for 20 days in August"("L'usine sera fermée pendant 20 jours en août").

192 La mise en œuvre de ce système est attestée par le compte-rendu de la réunion du 3 mai 1983, dans lequel on peut lire :

"A long discussion took place on Jacob Holm who is asking for quotations for the 3rd quarter. It was agreed not to do this and to restrict offers to the end of June. April/May levels were at DKR 6,30(DM 1,72). Hercules were definitely in and should not have been so. To protect BASF, it was agreed that CWH(üls) + ICI would quote DKR 6,75 from now to end of June (DM 1,85)...".

["Une longue discussion a eu lieu à propos de Jacob Holm qui a demandé une remise de prix pour le troisième trimestre. Les participants à la réunion ont décidé de ne pas le faire et de clôturer les offres à la fin du mois de juin. Pour les mois d'avril et de mai, les prix se situaient au niveau de 6,30 DKR (1,72 DM). Il est clair qu'Hercules était entrée et qu'elle n'aurait pas dû l'être. Pour protéger BASF, il a été convenu que CWH(üls) + ICI vendraient désormais à 6,75 DKR, et ce jusqu'à la fin du mois de juin (1,85 DM)..."].

Cette mise en œuvre est confirmée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), qui indique à propos de ce compte-rendu de réunion :

"In the Spring of 1983 there was a partial attempt by some producers to operate the "Account Leadership" scheme... Since Hercules had not declared to the "Account Leader" its interest in supplying Jacob Holm, the statement was made at this meeting in relation to Jacob Holm that "Hercules were definitely in and should not have been so". It should be made clear that this statement refers only to the Jacob Holm account and not to the Danish market. It was because of such action by Hercules and others that the "Account Leadership "scheme collapsed after at most two months of partial and ineffective operation.

The method by which Hüls and ICI should have protected BASF was by quoting a price of DKR 6,75 for the supply of raffia grade polypropylene to Jacob Holm until the end of June."

(Au printemps 1983, certains producteurs ont essayé de mettre partiellement en œuvre le système d'account leadership... Comme hercules n'avait pas fait savoir à l'account leader qu'elle était disposée à assurer les fournitures à Jacob Holm, il a été déclaré au cours de cette réunion à propos de Jacob Holm que "il est clair qu'Hercules était entrée et qu'aurait pas dû l'être". Il importe de souligner que cette affirmation se réfère uniquement au client Jacob Holm et non pas au marché danois. C'est à cause d'un tel comportement qu'Hercules et d'autres que le système d'account leadership a échoué après deux mois maximum de fonctionnement partiel et inefficace.

La méthode par laquelle Hüls et ICI auraient dû protéger BASF consistait à remettre le prix à 6,75 DKR pour la fourniture de polypropylène, qualité raphia, à Jacob Holm jusqu'à la fin du mois de juin").

193 Ces différents éléments ne sont pas infirmés par les arguments que présente la requérante.

194 En effet, il n'importe guère, à les supposer établies par l'audit Coopers et Lybrand, que d'importantes migrations de clients aient eu lieu durant les années 1982 et 1983. Le fait que la requérante n'aurait pas été le principal fournisseur des entreprises à côté desquelles son nom a été mentionné n'est pas davantage pertinent, dans la mesure où la décision n'est pas partie de l'idée que le système de l'"account leadership" avait été mis en œuvre avec succès. En outre, il convient de relever que, contrairement aux affirmations de la requérante, elle a été, en 1983, le principal fournisseur de son client Baumhüter, comme le montre l'audit Coopers et Lybrand.

195 Deuxièmement, le fait que le nom de la requérante figure entre parenthèses dans le tableau 3 joint au compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) n'a pas la portée que lui attribue la requérante, à savoir que, contrairement aux producteurs dont le nom ne figure pas entre parenthèses, elle n'aurait pas marqué son accord sur le système proposé, dans la mesure où ICI, dont le représentant est l'auteur du tableau, figure également entre parenthèses pour ses clients du Royaume-Uni.

196 Enfin, troisièmement, les constatations qui précèdent ne sont pas infirmées par les différences qu'il y a entre le tableau joint au compte-rendu de la réunion du 2 septembre 1982 et celui qui est joint au compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982, dans la mesure où tout indique que les discussions relatives à l'"account leadership" ont certes évolué dans le temps, mais n'en étaient pas pour autant contradictoires quant à leurs résultats.

197 Le Tribunal constate, par ailleurs, d'une part, que la requérante a reconnu dans sa réponse à la demande de renseignements (ann. 1, g. Hüls) avoir participé à des réunions locales au Danemark et, d'autre part, que l'objet de ces réunions est attesté par le compte-rendu de la réunion du 2 novembre 1982 (g. g. ann. 32), qui montre que ces réunions étaient destinées à assurer au niveau local l'application des mesures convenues. En effet, on peut lire dans ce compte-rendu le passage suivant :

"Scandanivia. Saga reiterated their request for a longer share of the market - Claimed they needed to have price freedom to buy their way back into lost accounts but nevertheless were trying to follow the party line. Agreed we would call special meetings of Ho(echst), Hü(ls),M(onte), P(olimeri) + Saga to try + find way forward."

("Scandinavie. Saga a réitéré sa demande d'une part de marché plus importante - Elle prétend qu'elle doit être libre de fixer ses prix pour pouvoir récupérer certains clients perdus mais qu'elle s'efforce néanmoins de suivre la ligne définie par la groupe. Elle a déclaré qu'elle était d'accord pour que l'on convoque des réunions spéciales rassemblant Ho(echst), Hü(ls),M(onte), P(olimeri) + Saga afin d'essayer de progresser."]

Ces constatations ne sont pas infirmées par le fait que le contenu du document produit par la Commission pour établir la participation de la requérante à des réunions locales en Grande-Bretagne (g. g. ann. 10) ne permet pas d'arriver à la conclusion qu'en a tirée la Commission.

198 En ce qui concerne l'exercice de pressions sur certains producteurs, le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) combiné avec la réponse d'ICI à la demande de renseignements prouve incontestablement que les producteurs allemands ont adressé à Hercules, qui participait à cette réunion, des critiques concernant sa politique de prix. En effet, on peut lire dans le compte-rendu " Hercules said that they would not attend in the future in view of criticism from the Dutch + Germans "(Hercules a dit qu'elle ne participerait plus aux réunions à l'avenir à cause des critiques qui avaient été émises par les Néerlandais et les Allemands") et dans la réponse d'ICI que la référence faite au "criticism from the Dutch and Germans' related to criticism levelled at Hercules by Dutch and German producers for its pricing policy"("les critiques des Néerlandais et des Allemands' visaient les critiques adressées à Hercules par les Néerlandais et les Allemands qui lui reprochaient sa politique de prix"). Il y a lieu de relever, en outre que lors de la réunion du 21 septembre 1982 les producteurs avaient déjà exercé des pressions sur certains producteurs récalcitrants, puisqu'on peut y lire que "pressure was needed"("il s'imposait d'exercer des pressions"), notamment sur Anic (g. g. ann. 30).

199 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figure parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.

D- Tonnage cibles et quotas :

a) Acte attaqué

200 Selon la décision (point 31, troisième alinéa), "la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue" au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte-rendu mentionnerait une projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année.

201 La décision (point 52) relève encore que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d'août 1982. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'aurait cependant existé aucune limitation systématique préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revus régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.

202 Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979 ; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l'"objectif ajusté" par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale (décision, point 54).

203 À la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les "objectifs convenus" afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différents producteurs correspondraient grosso modo à leur cible.

204 Selon la décision (point 556), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu, à titre de mesure temporaire, que, pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'"objectif" de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1980. Toutefois, l'addition de ces "ambitions" aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être conclu pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).

205 La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 F tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteurs auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d'entre eux pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché des producteurs de taille moyenne, comme Hüls, auraient atteint un certain équilibre et seraient restées stables par rapport aux années antérieures pour la plupart des producteurs.

206 D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi donc, Monte Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée dans un premier temps au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte-rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait qu'ATO, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Monte et Solvay, de même qu'Hercules auraient trouvé " acceptable " le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982.

207 La décision (point 63, troisième alinéa) affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord est intervenu, dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépasser son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11 % durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).

208 La décision (point 65) relève que, bien qu'aucun système de pénalisation pour dépassement des quotas n'ait jamais été instauré, le système en vertu duquel chaque producteur faisait rapport aux réunions sur le tonnage qu'il avait vendu au cours du mois précédent, s'exposant ainsi aux critiques éventuelles d'autres producteurs pour avoir fait preuve d'indiscipline, avait incliné les producteurs à respecter le quota qui leur avait été attribué.

b) Arguments des parties

209 La requérante fait valoir que le grief qui lui est fait d'avoir participé à un accord ou à une pratique concertée portant sur un système d'attribution de quotas et d'objectifs quantitatifs est démenti par le fait que, depuis 1979, sa part de marché en Europe occidentale n'aurait cessé de diminuer. L'argument de la Commission, selon lequel des modifications intervenues dans les parts de marché ne prouveraient pas l'absence de restriction de la concurrence parce qu'il faudrait tenir compte des nouveaux venus, ne serait pertinent que si toutes les entreprises avaient perdu des parts de marché dans la même proportion, ce qui ne serait pas le cas.

210 Elle soutient que, contrairement aux allégations de la Commission, elle n'a jamais admis que, pour créer des conditions favorables au succès des accords sur les prix, il fallait instaurer un système permanent de régulation des volumes. Certes, des projets émanant de certaines entreprises auraient été discutés aux réunions, mais il n'y aurait jamais eu d'accord sur un système de régulation des volumes. Les documents produits par la Commission et notamment les différents tableaux chiffrés (g. g. ann. 55 à 62) prouveraient uniquement que des propositions ont été faites et que des discussions ont eu lieu sur un tel système. Si Hüls reconnaît que, dans le cadre d'échanges occasionnels d'informations portant sur le passé, les entreprises se sont parfois communiqué des informations sur leurs volumes de vente des mois précédents, elle estime que la Commission ne peut déduire de ces échanges la conclusion d'accords illicites.

211 La requérante critique également la manière dont la Commission aurait élaboré le tableau 8 de la décision à partir de documents qui ne contiendraient en fait qu'une comparaison entre les volumes de vente passés et les quotas envisagés dans le cadre du système de quotas proposé (g. g. ann. 17, 59, 60 et 65).

212 La requérante tente de réfuter pour chaque période les documents sur lesquels la Commission fonde ses griefs.

213 Pour l'année 1979, la requérante conteste le caractère probant du tableau rédigé en allemand (g. g. ann. 56) et du tableau intitulé "Producer's Sales to West Europe"("Ventes de producteurs en Europe occidentale"), découvert chez ICI (g. g. ann. 55), estimant, premièrement, que la mention de Hüls dans ces tableaux ne permet en rien de conclure qu'elle était présente aux réunions ; deuxièmement, que ces documents ne contiennent que des chiffres relatifs aux ventes de 1976 à 1979 et que la colonne "revised target"("objectif révisé") du premier peut aussi bien présenter les prévision de ventes des entreprises qu'une proposition de quotas. Il ne s'agirait de rien de plus que d'un document interne destiné à l'élaboration d'une proposition de quotas pour 1980. En outre, le compte-rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12), selon lequel les entreprises auraient "recognized that tight quota system essential"("reconnu qu'un système strict de quotas était essentiel"), montrerait qu'à ce moment aucun accord n'avait pu être conclu.

214 Dans sa réplique, elle réfute l'affirmation de la Commission selon laquelle le tableau intitulé " Producer's Sales to West Europe "(g. g. ann. 55) n'aurait pas pu être réalisé sans le concours des différents producteurs, en indiquant que ce tableau ainsi que d'autres ont été élaborés sur la base d'estimations réalisées à l'aide des statistiques Fides, comme l'indiquerait la divergence soulignée par l'auteur des tableaux entre les chiffres qui y sont mentionnés et lesdites statistiques.

215 Pour l'année 1980, le fait que les divers tableaux (g. g. ann. 56 à 59), qui ne seraient que des propositions, partent généralement d'un " quota cible " de 80 kilotonnes pour Hüls, ne prouveraient ni l'existence d'un accord correspondant ni le ralliement de la requérante à un tel accord. Le fait que ce soit toujours le même quota qui était proposé pour la requérante serait au contraire symptomatique de ce que, justement, celle-ci n'a pas participé à ces discussions. Le quota inscrit pour la requérante deviendrait ainsi un simple ordre de grandeur de calcul élaboré par les autres participants. En outre, Hüls n'aurait jamais accepté un quota qui l'aurait obligée à renoncer exagérément à des parts de marché au profit de ses concurrents. La requérante conteste en particulier le caractère probant d'un tableau intitulé "Polypropylene - Sales target 1980 (kt)[Polypropylène - Objectifs de ventes 1980 (kt)"], daté du 26 février 1980 (g. g. ann. 60). En effet, la Commission partirait de l'idée que toutes les entreprises mentionnées dans le tableau ont consenti aux quotas. Or, il résulterait des tableaux eux-mêmes que certaines entreprises ont exprimé des réserves quant aux quotas lui leur étaient attribués, puisque le chiffre qui suit leur nom est assorti de la mention "to be rechecked" ("à revérifier"). Par conséquent, vu qu'un système de quotas n'aurait pu fonctionner que si tous les producteurs avaient marqué leur accord, on pourrait en conclure qu'un accord n'a pu être conclu pour cette année-là. Cela se trouverait encore confirmé par le tableau joint au compte-rendu de deux réunions de producteurs de janvier 1981 (g. g. ann. 17), qui serait en contradiction avec le quota prétendument attribué à la requérante dans le tableau mentionné ci-avant (g. g. ann. 60), en ce qu'il mentionne pour la requérante une cible de 69,6 kilotonnes.

216 Pour l'année 1981, la requérante conteste qu'une solution provisoire ait été adoptée à défaut d'accord. À cet égard, elle conteste le caractère probant du tableau joint au compte-rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17), dont le texte montrerait qu'il s'agit de nouveau ici d'une proposition qui ne serait pas parvenue au stade d'accord :

"In the meantime monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target."

("Dans l'intervalle le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l'objectif 1980.")

Elle conteste également qu'il ait existé en 1981 un système de contrôle continu des volumes mis sur le marché par les différents producteurs. L'échange d'informations ayant eu lieu aurait porté sur les quantités vendues dans le passé et non sur l'avenir, comme l'indiquerait le tableau joint comme annexe 61 à la communication générale des griefs.

217 Pour l'année 1982, la requérante conteste également qu'une solution provisoire soit intervenue. Le document sur lequel se fonderait la Commission pour étayer cette affirmation, une note d'ICI du 10 mars 1982, ne lui aurait pas été communiqué. En outre, l'affirmation de la Commission selon laquelle les parts de marché des différents producteurs seraient restées pratiquement inchangées en 1982 serait contredite par le tableau 1 de la décision lui-même. Par ailleurs, une note d'ICI de décembre 1982 (g. g. ann. 35) montrerait que l'"absence of a volume agreement" ("l'absence d'un accord sur les volumes") porte aussi sur 1982. Cela serait encore confirmé par les divergences existant dans les propositions formulées par les différents producteurs quant aux quotas à attribuer aux autres producteurs (g. g. ann. 79 à 83).

218 En 1983, le consensus qui, selon la Commission, se serait établi sur un régime de quotas pour 1983 serait démenti par le tableau 2 annexé au compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33). En effet, celui-ci serait intitulé

"proposal" ("proposition") et concorderait en cela avec une note interne d'ICI (g. g. ann. 35) dans laquelle l'absence d'accord serait formellement déplorée, comme le reconnaît la Commission elle-même. Il ressortirait manifestement de l'usage de crochets dans ledit tableau que certaines entreprises ont refusé de consentir à cette proposition de quotas. Un tel système ne pouvant fonctionner que si tous les producteurs y participent, il faudrait considérer qu'il n'y a pas eu d'accord que un régime de quotas pour le premier trimestre de l'année 1983.

219 La requérante conteste également qu'il y ait eu accord de quotas pour le deuxième trimestre de 1983. L'annexe 84 à la communication générale des griefs n'aurait pas le caractère probant que lui attribue la Commission. En effet, ce document semblerait dater de 1982 et ne contiendrait qu'une proposition pour la première moitié de 1983. Or, en 1982, de l'avis même de la Commission, il n'y avait pas encore d'accord sur un régime de quotas pour 1983. D'autre part, il n'y aurait dans ce document aucune trace pour le deuxième trimestre de 1983. Selon la requérante, le compte-rendu d'une réunion sur les quotas pour le deuxième trimestre 1983 ni qu'elle ait prêté son concours à la surveillance de semblables quotas. Ce document attesterait simplement que certaines entreprises ont fourni des indications sur leurs volumes de vente au mois de mai. Il serait impossible de déduire à partir de pareil document la conclusion et l'exécution d'un accord de quotas assorti d'un système de surveillance. Elle conteste également la valeur probante d'une note de Shell (g. g. ann. 90) qui, en raison de son caractère interne, ne pourrait pas prouver la conclusion d'un accord par d'autres entreprises.

220 La Commission, par contre, soutient que des accords de quotas ont été conclus pour les années 1979, 1980 et 1983. Pour les années 1981 et 1982, elle estime qu'aucun accord définitif n'a pu être conclu, mais que des solutions provisoires ont été adoptées.

221 Pour l'année 1979, la Commission estime q'il ressort sans aucun doute possible du tableau intitulé "Producers' Sales to West Europe" (g. g. ann. 55) que Hüls a participé à un système de quotas. En effet, ce tableau contient, pour les différents producteurs, les ventes des années 1976, 1977 et 1978 qui auraient été prises comme base pour la répartition des parts de marché pour 1979. Ce tableau contiendrait également une colonne portant sur un " objectif révisé " pour cette année. La Commission estime que les quotas cibles pour 1979 auraient été élaborés en 1979 et non pas en 1980. En outre, ce document serait également corroboré par le compte-rendu d'une réunion de producteurs tenue les 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12), qui montrerait que la question des tonnages cibles y aurait été débattue et que les participants auraient reconnu qu'un système strict était essentiel.

222 Dans sa duplique, la Commission fait remarquer que les observations présentées par la requérante sur les écarts que les chiffres du tableau présentent par rapport aux statistiques Fides tendent à confirmer que les données ont été fournies par les producteurs eux-mêmes et pas uniquement par le système Fides. En effet, on ne voit pas ce qui, autrement, aurait pu amener à des chiffres différents des statistiques Fides. En outre, rien n'indiqueraient qu'il s'agisse d'estimations.

223 Pour l'année 1980, elle soutient qu'un accord de quotas a été conclu. Elle fonde cette affirmation essentiellement sur un tableau daté du 26 février 1980, intitulé "Polypropylene - Sales target 1980 (kt)", découvert chez ATO (g. g. ann. 60), qui compare pour tous les producteurs d'Europe occidentale, un "1980 target" ("objectif 1980", des "opennings suggestions" ("suggestions de départ"), des "proposed adjustements" ("ajustement proposés") et des "agreed targets 1980" ("objectifs convenus 1980"). Ce document montrerait le processus d'élaboration des quotas. Cette analyse serait confirmée par le compte-rendu des deux réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17), au cours desquelles les objectifs de volumes de vente auraient été comparés aux quantités effectivement vendues par les différents producteurs. La Commission souligne que l'objectif du système de quotas était de stabiliser les parts de marché. C'est pourquoi les accords portaient sur les parts de marché qui étaient ensuite converties en tonnages pour servir de chiffres de référence car, à défaut d'une telle conversion, il n'aurait pas été possible de constater à partir de quel moment un participant à l'entente devait freiner ses vente conformément aux accords. Dans ce but, il était indispensable de prévoir le volume total des ventes. Pour l'année 1980, les prévisions initiales s'étant révélées trop optimistes, les volume total des ventes initialement prévu aurait dû être adapté à plusieurs reprises, entraînant une adaptation des tonnages attribués à chacune des entreprises. À l'appui de cette explication, la Commission produit un tableau comparatif des parts de marché des différents producteurs, dont il ressortirait que les chiffres cités dans les deux documents reposeraient exactement sur les mêmes parts de marché pour chaque producteur. Selon la Commission, la preuve d'un accord sur les quotas pour 1980 serait ainsi administrée.

224 Pour l'année 1981, la Commission reconnaît qu'il n'y a pas eu d'accord couvrant l'ensemble de l'année. Les producteurs se seraient toutefois entendus, à titre de mesure temporaire, pour limiter leurs volumes mensuels de ventes des mois de février et mars à 1/12 de 85 % des objectifs convenus pour l'année précédente, comme l'attesterait le compte-rendu des deux réunions de janvier 1981. Pendant les autres mois de l'année un système de contrôle continu des volumes mis sur le marché par les différents producteurs aurait fonctionné.

225 Pour l'année 1982, la Commission se serait présentée de la même façon qu'en 1981. Bien qu'aucun accord sur les quotas n'ait été conclu, le contrôle des parts de marché des différents producteurs se serait poursuivi lors des réunions des 9 juin et 20 août 1982 (g. g. ann. 25 à 28) ainsi qu'aux réunions d'octobre, novembre et décembre 1982 (g. g. ann. 31 à 33). La Commission maintient qu'il y aurait eu pour cette période une stabilité relative des parts de marché. Cela serait mis en évidence dans un document d'ATO (g. g. ann. 72) qui qualifie la situation de " quasi-consensus ". La Commission réfute les arguments tirés par la requérante de la note interne d'ICI (g. g. ann. 35), dont le contexte indiquerait que ce qui est déploré, lors de la préparation des réunions de décembre 1982, c'est l'absence à ce stade d'accord sur les quotas pour 1983 et non pour 1982. La Commission renvoie également aux constatations faites aux points 58 et 59 de la décision.

226 La Commission poursuit en affirmant qu'elle dispose des chiffres de vente que les différents producteurs souhaitent réaliser et des propositions qu'ils ont faites en ce sens, pour eux-mêmes et pour les autres producteurs, à la demande d'ICI et communiquées à cette dernière en vue de la conclusion d'un accord de quotas pour 1983 (g. g. ann. 74 à 84). Selon la Commission, les propositions ont été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui a été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur (g. g. ann. 85). À ces documents, la Commission ajoute une note interne d'ICI, intitulée "Polypropylene framework 1983" ("Schéma polypropylène 1983", g. g. ann. 86), dans laquelle ICI décrit les grandes lignes d'un futur accord sur les quotas, ainsi qu'une autre note interne d'ICI, intitulée "Polypropylene framework" ("Schéma polypropylène", g. g. ann. 87), montrant que cette dernière considérait qu'un accord sur les quotas était indispensable.

227 La Commission soutint que de nombreux indices convergents font apparaître l'existence d'un accord sur les quotas pour le premier trimestre. Elle se fonde tout d'abord, à cet égard, sur le tableau 2 joint au compte-rendu de la réunion 1982 (g. g. 33). Ce tableau indique pour chaque producteur un quota qui, pour la plupart d'entre eux, serait marqué d'un astérisque renvoyant au terme "acceptable" qui figure au bas du tableau. On pourrait en déduire qu'un pas notable avait alors été réalisé dans le sens d'un accord et que la plupart d'entre eux auraient accepté le quota individuel qui leur avait été attribué. Il ressortirait, en outre, d'une note interne d'ICI de décembre 1982 (g. g. ann. 35) que, dès le début de l'année 1983, l'élaboration d'un accord sur les quotas aurait été considérée par ICI comme indispensable au bon fonctionnement de l'entente. Ces documents démontreraient que des efforts considérables avaient été consentis afin de parvenir à un accord sur les quotas pour le premier trimestre 1983.

228 La Commission soutient que les propositions ont abouti à un accord en se fondant, pour le premier trimestre, sur un document interne de Shell (g. g. ann. 90) qui prouverait que cette dernière a souscrit à un accord de quota pour 1983 puisqu'elle a enjoint à ses filiales de réduire leurs ventes pour respecter son quota (This compares with W. E. Sales in 1Q of 43 kt : and would lead to a market share approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %; "ce chiffre est à comparer aux 43 kilotonnes de ventes pour l'Europe occidentale au cours du premier trimestre ; et conduirait une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 %"). Or, pour pouvoir fonctionner et obtenir l'adhésion de toutes les entreprises intéressées, un tel accord de quotas devrait, selon la Commission, s'appliquer à toutes les entreprises d'un secteur. Par conséquent, Hüls aurait nécessairement dû participer à cet accord même s'il n'a pas été possible à la Commission d'établir son quota individuel.

229 Pour le deuxième trimestre 1983, le même raisonnement s'appliquerait également et serait corroboré par le compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) et par un tableau définissant des "1983 aspirations" à partir des chiffres de vente du premier semestre de 1982 (g. g. ann. 84) qui, selon la Commission, montrent que les échanges d'informations relatives aux quantités vendues servaient au contrôle des quotas.

230 Sur la perte de parts de marché subie par la requérante, la Commission explique que cette question est sans intérêt en l'espèce et que, en tout état de cause, cette perte a été relativement limitée et qu'elle ne saurait suffire à infirmer l'existence d'accords sur les quotas que corroborerait la remarquable stabilité des parts de marché des producteurs pendant la période couverte par es accords.

c) Appréciation du Tribunal :

231 Le Tribunal rappelle que la requérante a participé régulièrement, à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, aux réunions de producteurs de polypropylène au cours desquelles des discussions relatives aux volumes de ventes des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujets ont été échangées.

232 Il convient de relever, parallèlement à la participation de Hüls aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux (g. g. ann. 55 à 61), dont le contenu indique clairement qu'ils s'étaient destinés à la définition d'objectifs de volumes de vente. Or, il y a lieu de rappeler que la plupart des requérantes ont admis, dans leurs réponses une question écrite posée par le Tribunal, qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides et qu'ICI a déclaré dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) à propos d'un de ces tableaux que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" ("la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes"). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux, en ce qui la concerne, avait été fourni par Hüls dans le cadre des réunions auxquelles elle participait. Par conséquent, l'argument de la requérante tiré de ce que les tableaux susmentionnés seraient des documents internes élaborés partir des statistiques Fides ne peut être retenu.

233 La terminologie utilisée dans les tableaux relatifs aux années 1979 et 1980 [comme "revised target" ("objectif révisé"), "opening suggestions" ("suggestions de départ"), "proposed adjustements" ("ajustements proposés"), "agreed targets" ("objectifs convenus")] permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus.

234 En ce qui concerne l'année 1979, il convient de relever, sur la base de l'ensemble du compte-rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (g. g. ann. 55), intitulé "Producers Sales to West Europe" ("Ventes des producteurs en Europe occidentale"), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques "1979 actual" ("chiffres effectifs de 1979"), "revised target" et "79", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme "tight" ("strict"), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1/12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois. Cette interprétation du compte-rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre "79" dans la dernière colonne à droite de la colonne intitulée "revised target", des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux, parce qu'ils avaient été établis sur la base d'un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1980. Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet "proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année". En effet, cette référence, lut en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.

235 Par conséquent, l'argument de la requérante tiré de ce que le compte-rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) démontrerait qu'il n'y avait pas de régime de quotas pour l'année 1979 ne peut être retenu.

236 En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (g. g. ann. 60) et comportant une colonne "agreed targets 1980", ainsi que du compte-rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels figure la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues ("Actual kt") aux objectifs fixés ("Target kt"). À cet égard, il importe de relever que le fait que les chiffres repris pour la requérante comme "cible" pour 1980 diffèrent entre le tableau du 26 février 1980, où elle est de 80 kilotonnes, et le compte-rendu des réunions de janvier 1981, où elle est de 69,6 kilotonnes, n'est pas de nature à infirmer cette constatation, dans la mesure où, au cours de l'année 1980, les prévisions des producteurs sur le volume du marché pour cette année ont dû être révisées à la baisse, ce qui a entraîné - dans la même proportion - une révision à la baisse des quotas attribués à la requérante et aux autres producteurs. En effet, en février 1980, les quotas définis étaient basés sur un marché de 1 390 kilotonnes, dans la colonne "agreed targets 1980", tandis qu'en janvier 1981 il s'est avéré que le marché s'était limité à 1 200 kilotonnes.

237 De même, le fait que les "cibles" attribuées à la requérante soient identiques dans différents tableaux pour les années 1980 et 1981 n'est pas de nature à établir qu'il s'agissait d'un chiffre à la détermination duquel elle était étrangère.

238 Enfin, la mention figurant dans le tableau du 26 février 1980 "to be rechecked" ("à revérifier") ne permet pas de mettre en cause l'existence d'un concours de volontés que confirme le tableau du 8 octobre 1980 (g. g. ann. 57, mais indique seulement qu'à ce moment des vérifications devaient encore être faites.

239 Il faut ajouter qu'il résulte du compte-rendu des réunions de janvier 1981, à la deuxième desquelles Hüls a pris part, que cette dernière a fourni ses chiffres de vente de l'année 1980 afin de les comparer aux objectifs de volumes de vente définis pour 1980.

240 Pour l'année 1981, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année et d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs "ambitions" et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'"objectif" convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir à chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.

241 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs "ambitions" au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres "actual" et ses "targets" pour les années 1979 et 1980 ainsi que ses "aspirations" pour 1981 (g. g. ann. 59 et 61) ; un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 62) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres "ambitions" pour 1981 ainsi qu'une note interne d'ICI (g. g. ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle ont peut lire :

"Taking the various alternatives discussed at yesterday's meeting we would prefer to limit the volume to be shared to no more the market is expected to reach in 1981, say 1,35 million tonnes. Although there has been no further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0,35 % provided the more ambitious smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR also tempered their demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich."

("Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les quatre grands pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980, à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants, tels que Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR tempèrent aussi leur exigences. À condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisteraient certainement à les discuter individuellement au niveau des "patrons", si possible avant la réunion de Zurich.")

Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 ("% of 1980 target").

242 L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédant les mois de janvier et de mars 1981 résulte du compte-rendu des réunions de janvier 1981, dans lequel on peut lire :

"In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers."

["Dans l'intervalle (février-mars), le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel des clients."]

243 Le fait que les producteurs se soient assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et aient vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents. Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (g. g. ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel on été ajoutées à la main. Il s'agit ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien, intitulé "Scarti per società" ("écarts ventilés par société") et découvert chez ICI (g. g. ann. 65), qui compare pour chaque producteur pour la période janvier-décembre 1981 les chiffres de vente "actual" avec les chiffres "theoretic.(al)" ("théoriques"). Il s'agit, enfin, d'un tableau non daté, découvert chez ICI (g. g. ann. 68), comparant pour chaque producteur pour la période janvier-novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.

244 En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles. Lorsqu'il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période -, un tel échange d'informations, qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision.

245 La participation de la requérante à ces différentes activités résulte, d'une part, de sa participation aux réunions au cours desquelles ces actions ont eu lieu, et notamment à l'une des deux réunions de janvier 1981, et, d'autre, part, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés. Dans ces documents figurent d'ailleurs des chiffres dont ICI a déclaré dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal - à laquelle d'autres requérantes font référence dans leur propre réponse - qu'il n'aurait pas été possible de les établir sur la base des statistiques du système Fides.

246 Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette années ; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages ; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.

247 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées, en premier lieu, par un document intitulé "Scheme for discussions 'quota system 1982' "(Schéma de discussion d'un système de quotas 1982", g. g. ann. 69), dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception d'Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell et Solvay), le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs ; en second lieu, par une note d'ICI intitulée "Polypropylene 1982, Guidelines"("Polypropylène 1982, lignes directrices", g. g. ann. 70, a), dans laquelle ICI analyse les négociations en cours ; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (g. g. ann. 70 b), dans lequel différentes propositions de répartition de ventes sont comparées - dont l'une, intitulée "ICI Original Scheme" ("Schéma initial ICI") fait l'objet, dans un autre tableau manuscrit, d'adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée "Lilliavacca 27/1/82" (il s'agit du nom d'un employé de Monte, g. g. ann. 70, c) -, et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 71) qui constitue une proposition complexe (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).

248 Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), dans lequel on peut lire notamment :

"To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. of normal sales."

["À titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des vente normales."]

L'exécution de ces mesures est attestée par le compte-rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre "actual" de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre "theorical based on 1981 av(erage) market share" ("théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981"), ainsi que par le compte-rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26) en ce qui concerne la période janvier-mai 1982 et par celui du 20 août 1982 (g. g. ann. 28) en ce qui concerne la période janvier-juillet 1982.

249 Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte-rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g. g. ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part, "In October this would also mean restraining sales to the Jan/June achieved market share of a market estimated at 100 kt" ("En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les vente à la part réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 kt") et, d'autre part, "Performance againts target in September was received" ("Les résultats atteints par rapport à l'objectif en septembre ont fait l'objet d'un examen"). À ce compte-rendu est joint un tableau intitulé "September provisional sales versus target (based on Jan/June market share applied to demand est(imated) at 120 kt)" ["Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier-juin appliquée à une demande estimée à 120 kt)"]. Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), auquel est joint un tableau comparant, pour le mois de novembre 1982, les ventes "Actual" avec les chiffres "Theoretical", calculés à partir de "J-June % of 125 kt" ("j-juin pourcentage de 125 kt"). À cet égard, la note interne d'ICI de décembre 1982 (g. g. ann. 35) déplorant l'absence d'accord de quota n'est pas de nature à infirmer cette constatation, dans la mesure où ce qui est déploré c'est l'absence d'un accord portant sur l'année 1983, ce qui ressort du passage suivant :

"I feel is essential for the meeting (il s'agit de toute évidence de la réunion du 21 décembre 1982) to decide on the first quarter volume as any delay until January would mean that a very significant part of the agreement period will already have been committed...Also, the agreement must start in January if any benefits accruing from it will be recognised before the end of March."

("L'estime qu'il est essentiel de prendre une décision sur les volumes du premier trimestre au cours de la réunion, car différer cette décision jusqu'au mois de janvier signifierait qu'une partie importante de la période visée par l'accord serait déjà révolue... C'est pourquoi il faut que l'accord démarre en janvier si l'on veut pouvoir en ressenti les éventuels profits avant le fin du mois de mars").

250 Le Tribunal constate, en ce qui concerne l'année 1981 ainsi que les deux semestres de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par préférence à une période antérieure que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.

251 Pour l'année 1982, le Tribunal constate qu'il résulte des documents produits par la Commission (g. g. ann. 33, 85 et 87) que, à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983, que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles ont eu lieu, qu'elle a fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes et que, dans le tableau 2 joint au compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), la mission " acceptable " figure à côté du quota mis en regard du nom de la requérante.

252 Il s'ensuit que la requérante a participé aux négociations organisées en vue de parvenir à un régime de quotas pour l'année 1983.

253 Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) que la requérante a indiqué au cours de cette réunion les chiffres de ses ventes pour le mois de mai, tout comme neuf autres entreprises. On peut lire, par ailleurs, dans le compte-rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (g. g. ann. 90) que :

"... and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies".

("...et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure çà l'objectif Shell convenu, de 11 %. C'est pourquoi les objectifs de ventes supérieures, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe").

Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que :

"this would be 11,2 Pct of a market of 395 kt. The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to be discussed beforehand with the other PIMs members".

("cela représenterait 11,2 % d'un marché de 395 kt. La situation sera définitivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMs")

254 À cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes non pour voir diminuer le volume global des ventes du groupe Shell, mais pour limiter à 11 % la part de marché globale de ce groupe. Une limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un régime de quotas. En outre, le compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'information relatives aux ventes mensuelles d'un tel régime, car un échange d'information relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris.

255 Il convient de relever que le chiffre de 11 % comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (g. g. ann. 87) et, d'autre part, le compte-rendu rédigé par ICI d'une réunion du 29 novembre 1982 entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (g. g. ann. 99).

256 Les considérations qui précèdent indiquent que les craintes d'ICI, exprimées dans sa note interne de décembre 1982 (g. g. ann. 35), de ne pas voir de système de quota mis en place pour 1983 ne se sont pas avérées fondées et que les producteurs sont parvenus, malgré des positions de négociation asse divergentes au départ (g. g. ann. 74 à 84), à mettre en place un tel système, les propositions de compromis jugées acceptables par certains producteurs (g. g. ann. 33, tableau 2) ayant finalement été acceptées par tous.

257 Il y a lieu d'observer que l'argument de la requérante tiré de la diminution de sa part de marché, des variations de celles des autres producteurs et du dépassement des prétendus quotas n'est pas de nature à infirmer sa participation à la fixation d'objectifs de volumes de vente. En effet, la décision a fait grief aux producteurs non d'avoir respecté des quotas, mais seulement de les avoir convenus.

258 Le Tribunal rappelle, en outre, que tant la comparaison des chiffres de vente de la requérante et des autres producteurs avec les objectifs de volumes de vente qui leur ont été attribués que le fait qu'ils rendaient compte de leurs ventes durant les périodes déterminées démontrent que, contrairement aux affirmations de la requérante, le régime de quotas portait non seulement sur les qualités de base, mais sur l'ensemble des qualités de polypropylène.

259 Il faut ajouter qu'en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.

260 En outre, il y a lieu de faire observer que, pour pouvoir étayer les constatations de fait qui précèdent, la Commission n'a pas eu besoin de recourir à des documents qu'elle n'avait pas mentionnés dans ses communications des griefs ou qu'elle n'avait pas communiqués à la requérante, en particulier elle n'a pas eu besoin de recourir au compte-rendu d'ICI de la réunion du 10 mars 1982.

261 Il y a lieu de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979, 1980 et la première moitié de l'année 1983 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982 mentionnés dans la décision et qui s'inscrivent dans un système de quotas.

2- L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE :

A- Qualification juridique :

a) Acte attaqué

262 Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un " accord " unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.

263 En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord cadre, qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).

264 La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils aient arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives de producteurs.

265 La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étudie et la mise en œuvre d'une " initiative " auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).

266 Selon la décision (point 86, premier alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un "accord" au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

267 La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d'"accord" et celle de "pratique concertée" sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre forme de coopération illicite.

268 La notion de "pratique concertée" viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l'avoir poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).

269 Selon la décision (point 87, premier alinéa), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, précité, 48-69).

270 La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie/Commission, 40-73 à 40-78, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), que les critères de coordination et de coopération définis par sa jurisprudence, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrents le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché(décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, dernière phrase).

271 En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. À certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans les mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).

272 L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision (point 87, quatrième alinéa) tant de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.

273 La décision (point 88, premier et deuxième alinéas) constater que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant "initiatives de prix" ne résultait d'aucun "accord" au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des "actes manifestés" sur le marché ; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun prix cible n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument, car s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes-rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettre aux clients. Il importerait peu qu'ils aient ou non "publié" des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.

b) Arguments des parties

274 La requérante relève que la Commission entend ranger les notions d'"accord" et de "pratique concertée" sous la notion commune de "collusion" et que, dans le dispositif de la décision, elle place même ces deux notions sur le même plan. Ainsi, la Commission considérerait que l'échange entre entreprises d'informations relatives à leur comportement futur sur le marché doit déjà être considéré comme constitutif d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

275 Elle critique le fait que la Commission juge indifférent que la violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE ait été commise sous la forme d'un accord ou d'une pratique concertée, vu que, la collusion présente des éléments de l'une et de l'autre forme de coopération illicite. Elle estime que la Commission est tenue de qualifier l'infraction soit d'accord soit de pratique concertée, puisque ces deux infractions n'auraient pas les mêmes éléments constitutifs. Dans sa réplique, la requérante reproche à la Commission de faire non plus une "constatation alternative", mais une "constatation cumulative", au motif que les éléments constitutifs tant de l'accord que de la pratique concertée seraient réunis.

276 La requérante soutient que cette thèse est erronée tant en droit qu'en fait et qu'elle vise en réalité à sanctionner une tentative de restriction de la concurrence, en violation du principe " nulla pena sine lege ", car pareille tentative ne serait pas couverte par le droit communautaire de la concurrence.

277 De l'avis de la requérante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il serait nécessaire de prouver, outre un contact direct ou indirect, l'existence d'un concours de volontés.

278 Elle rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975 précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 172 à 180 ; et du 14 juillet 1972 précité, 48-69, conclusions, Rec. p. 674), la pratique concertée résulte de la conjugaison d'une concertation (élément subjectif) et d'un comportement correspondant sur le marché (élément objectif), ces deux éléments devant être réunis par un lien de causalité. La Commission ne pourrait donc pas estimer qu'une concertation sur une limitation de la concurrence suffit à elle seule à constituer une pratique concertée (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, précité, 48-69, point 66). Il serait nécessaire d'examiner le comportement sur le marché et de vérifier, ensuite, si ce comportement ne peut s'expliquer que par une concertation préalable entre les entreprises ou s'il peut aussi s'expliquer par d'autres facteurs.

279 La requérante soutient que, en l'espèce, la Commission aurait donc dû distinguer, pour chacune des infractions alléguées, s'il s'agissait d'un accord ou d'une pratique concertée. Dans le premier cas, elle aurait dû établir la mesure dans laquelle Hüls avait souscrit à des accords restrictifs de la concurrence. Dans le second, la seule existence d'une concertation ne suffisant pas, il aurait fallu établir qu'il y avait eu un comportement correspondant à cette concertation sur le marché. Or, ces preuves n'auraient pas été apportées par la Commission ni en matière de prix ni en matière de quotas. En ce qui concerne les prix, les instructions de prix internes invoquées par la Commission à titre de preuve ne seraient pas pertinentes pour trois raisons : tout d'abord, elles ne seraient pas simultanées, comme le montrerait le tableau 7 de la décision ; ensuite, elles seraient purement internes et ne pourraient donc servir à établir le comportement externe de l'entreprise, et, enfin, elles ne porteraient que sur une faible partie de la période incriminée.

280 Elle fait encore valoir que même si l'on admettait la thèse de la Commission visant à sanctionner un simple échange d'informations, la décision serait néanmoins viciée. En effet, d'une part, la Commission n'aurait pas établi que ces informations portaient non pas sur le comportement passé des entreprises, mais bien sur leur comportement futur. D'autre part, les prétendues infractions pourraient être tout au plus qualifiées de pratiques concertées, ce qui rendrait injustifié le grief de la Commission relatif à l'existence d'un "accord-cadre", d'un "plan central" ou d'un "accord d'ensemble", dont la Commission n'arriverait pas à apporter la preuve.

281 Selon la Commission, par contre, la question de savoir si une collusion ou une entente doit être qualifiée juridiquement d'accord ou de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité CEE ou si cette collusion comporte des éléments de l'un et de l'autre revêt une importance négligeable. En effet, la Commission expose que les termes "accord" et "pratique concertée" englobent les différents types d'arrangements par lesquels des concurrents, au lieu de déterminer en toute indépendance leur ligne de conduite concurrentielle future, s'imposent mutuellement une limitation de leur liberté d'action sur le marché à partir de contacts directs ou indirects entre eux.

282 La Commission soutient que l'utilisation des différents termes dans l'article 85 a pour objet d'interdire toute la gamme d'arrangements collusoires et non de préciser un traitement différent pour chacun d'eux. Par conséquent, la question de savoir où tracer une ligne de démarcation entre des termes qui ont pour objectif d'appréhender l'ensemble des comportements interdits, serait sans pertinence. La ratio legis de l'introduction dans l'article 85 de la notion de " pratique concertée " consisterait à viser, à côté des accords, des types de collusion qui ne reflètent qu'une forme de coordination de fait ou une coopération pratique et qui ne sont néanmoins susceptibles de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, précité, 48-69, points 64 à 66).

283 Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975 précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174) qu'il s'agit de s'opposer à toute prise de contact directe ou indirecte, entre les opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché. L'existence d'une pratique concertée se situerait donc déjà au niveau du contact entre concurrents, préalable à tout comportement de leur part sur le marché.

284 Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu'il y a concertation ayant pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n'a été constaté sur le marché. Selon la Commission, le débat porte en fait sur le sens du mot "pratique". Elle s'oppose à la thèse selon laquelle ce mot a le sens étroit de "comportement sur le marché". Ce mot pourrait, de l'avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises.

285 Elle ajoute que si l'on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu'il y ait pratique concertée, cela conduirait à laisser hors du champ d'application de l'article 85 toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le Marché commun. On aboutirait ainsi à mettre en échec une partie de la portée de l'article 85. En outre, la thèse de Hüls ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concertée (arrêts du 14 juillet 1972, précité, 48-69, point 66 ; du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, point 26 ; et du 14 juillet 1981, Züchner, point 14, 172-80, Rec. p. 2021). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme élément constitutif de l'infraction, comme le soutien la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite. Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis. Seuls serait requise une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie.

286 Pour la Commission, il n'est donc pas besoin, pour qu'il y ait infraction à l'article 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elles se sont concertées. Ce qui est répréhensible au sens de l'article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l'intention de substituer une coopération aux risques de la concurrence se trouve matérialisée dans un concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés.

287 La Commission en déduit, au niveau de la preuve, que l'accord et la pratique concertée peuvent être prouvés à l'aide de preuves directes et indirectes. En l'espèce, elle n'aurait pas eu besoin de recourir à des preuves indirectes, comme le parallélisme de comportement sur le marché, puisqu'elle disposait des éléments de preuve directe de la collusion que sont, notamment, les comptes-rendus de réunions.

288 La Commission conclut en soulignant qu'elle était en droit de qualifier l'infraction constatée en l'espèce, à titre principal, d'accord et, à titre subsidiaire et en tant que de besoin, de pratique concertée.

c) Appréciation du Tribunal

289 Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d'" accord " chacun de ces différents éléments.

290 De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de " pratiques concertées " les éléments de l'infraction, lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales ; soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe, que certains, producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut que, à certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peuvent revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.

291 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir les arrêts du 15 juillet 1970, précité, 41-69, point 112 ; et du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 86), la Commission était en droit de qualifier d'accords, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE ; les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, des objectifs de volumes de ventepour les années 1979 et 1980 et pour la première moitié de l'année 1983, ainsi que sur des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour les années 1981 et 1982.

292 En outre, c'est à bon droit que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'à novembre 1983, a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243-83, Rec. p. 2015).

293 En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrence le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1975, précité, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, points 173 et 174).

294 En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.

295 Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.

296 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les réunions périodiques de producteurs de polypropylène auxquelles a participé la requérante entre la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et septembre 1983.

297 Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d'" un accord et une pratique concertée ", le Tribunal rappeler que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclus s'inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas.

298 Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprise en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique, qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.

299 Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d'" un accord et une pratique concertée ", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d'" accords " et des éléments devant être qualifié de " pratiques concertées ". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.

300 Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.

B- Effet restrictif sur la concurrence :

a) Acte attaqué

301 La décision (point 90, premier et deuxième alinéas) relève que pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence. Toutefois, en l'espèce, tout indiquerait que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.

b) Arguments des parties

302 La requérante soutient que les différentes études qu'elle a produites démontrent que les prétendus accords et pratiques concertées n'ont pas eu d'effet sur la concurrence, qui aurait joué à plein durant leur durée et qu'elle-même a eu un comportement concurrentiel sur le marché.

303 La Commission conteste que les producteurs de polypropylène qui ont participé à l'entente n'aient pas adapté leur comportement sur le marché en fonction des accords et des contacts établis entre eux et ceux-ci n'aient pas eu d'effet sur la concurrence. Ainsi, toutes les instructions de prix disponibles pour la requérante concorderaient parfaitement avec les accords conclus aux ré "unions et rien n'indiquerait qu'il en ait été autrement pour les périodes pour lesquelles on ne dispose pas de telles instructions.c e comportement a pu ne pas toujours aboutir au résultat escompté, mais, même dans ces cas, les producteurs auraient basé leurs négociations avec les clients sur les prix convenus. L'élément essentiel ne résiderait pas tant dans le succès des initiatives convenues, mais bien dans l'objectif d'une restriction de la concurrence dont ces initiatives devaient permettre la réalisation. Il en serait de même pour les accords de quotas, comme le montrerait le tableau 8 de la décision. Si la Commission reconnaît que l'entente n'a pas toujours eu pour effet de restreindre la concurrence, elle estime que, pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, cela importe peu puisqu'il suffit que l'entente ait pour objet de parvenir à une restriction de la concurrence.

c) Appréciation du Tribunal

304 Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend, en substance, à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ne tombait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE, dans la mesure où tant son propre comportement sur le marché que celui des autres producteurs attesteraient que cette participation était dépourvue d'effet anticoncurrentiel.

305 L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, interdit comme étant incompatible avec le Marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

306 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les réunions périodiques auxquelles la requérante a participé avec des concurrents avaient pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun, notamment par la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et que, par conséquent, sa participation à ces réunions n'était pas dépourvue d'objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

307 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

C- Affectation du commerce entre États membres :

a) Acte attaqué

308 La décision affirme (point 93, premier alinéa) que l'accord entre les producteurs était susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre États membres.

309 En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance à travers toute la Communauté (et dans d'autres pays d'Europe occidentale), aurait été susceptible en soi de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de pareil accord (décision, point 93, troisième alinéa). Selon la décision (point 93, quatrième alinéa), la fixation de prix à un niveau artificiel par voie d'accord, plutôt qu'en laissant au marché le soin de trouver son propre équilibre, aurait altéré la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Les entreprises auraient été déchargées de la nécessité immédiate de réagir aux forces du marché et de s'attaquer au problème de surcapacités dont elles avaient constaté l'existence.

310 La décision (point 94) relève que les prix cibles fixés par État membre, discutés à fond aux réunions nationales même s'il fallait tenir compte dans une certaine mesure de la situation locale, ont nécessairement altéré le schéma des échanges et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Le système de l'" account leadership ", en orientant la clientèle vers certains producteurs nommément désignés, aurait encore aggravé l'effet des arrangements en matière de prix. La Commission admet que, en fixant des quotas ou des cibles, les producteurs n'ont pas ventilé les attributions de volumes par État membre ou par région. Toutefois, l'existence même d'un quota ou d'une cible contribuerait à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur.

b) Arguments des parties

311 La requérante expose que l'entente alléguée n'a pu affecter le commerce entre États membres puisqu'elle n'a pas été mise en œuvre, comme le montrerait sa spectaculaire pénétration sur le marchés des différents États membres.

312 La Commission répond que, à supposer établie la pénétration spectaculaire de Hüls sur le marché de différents États membres, elle pourrait néanmoins conclure que le commerce interétatique et la structure de la concurrence ont été affecté, dans la mesure où l'entente aurait détourné les échanges des circuits qui se seraient formés en son absence (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 172).

c) Appréciation du Tribunal

313 Il y a lieu de relever que la Commission n'avait pas l'obligation de démontrer que la participation de la requérante à un accord et une pratique concertée avait eu un effet sensible sur les échanges entre États membres. En effet,l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE requiert seulement que les accords et les pratiques concertées soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. À cet égard, force est de constater que les restrictions de concurrence observées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue(arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 172).

314 À cet égard, il faut relever que les entreprises ayant participé à l'infraction constatée dans la décision détiennent la quasi-totalité de ce marché, ce qui indique à l'évidence que l'infraction qu'elles ont commise conjointement était susceptible d'affecter le commerce entre États membres.

315 Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit, aux points 93 et 94 de la décision, que l'infraction à laquelle a participé la requérante était susceptible d'affecter le commerce entre États membres, sans qu'il ait été nécessaire qu'elle démontre que la participation individuelle de la requérante a affecté ces échanges.

316 Le grief doit, dès lors, être rejeté.

D- Responsabilité collective :

a) Acte attaqué

317 La décision (point 83, premier alinéa) affirme que la conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent n'est aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une "initiative" prenaient plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé. En toute hypothèse, il aurait été de pratique courante d'informer les absents des décisions prises aux réunions. Toutes les entreprises destinataires de la présente décision auraient pris part à la conception de plans d'ensemble et aux discussions consacrées à des points de détail et leur degré de responsabilité ne serait pas atténué du fait de leur absence occasionnelle lors d'une session déterminée (ou dans le cas de Shell, lors de toutes les sessions plénières).

318 La décision (point 83, deuxième alinéa) ajoute que l'essence même de la présente affaire réside dans une association des producteurs pendant un laps de temps considérable afin de réaliser un objectif commun et que chaque participant doit assumer la responsabilité découlant non seulement de son rôle direct, mais aussi de l'exécution de l'accord dans son ensemble. Le degré de participation de chaque producteur ne sera donc pas déterminé en fonction de la période pendant laquelle ces instructions de prix ont été retrouvées lors des vérifications, mais pour toute la période de son adhésion à l'initiative commune.

319 Cette considération s'appliquerait même à Anic et à Rhône-Poulenc, qui ont quitté le secteur du polypropylène avant la date des vérifications de la Commission. Aucune instruction de prix aux bureaux de vente n'aurait pu être recueillie pour ces deux entreprises. Leur présence aux réunions et leur participation aux objectifs de volumes et aux plans de quotas ressortirait cependant des documents retrouvés. L'accord devrait être considéré dans son ensemble et la participation de ces entreprises serait établie même en l'absence d'instructions qu'elles auraient données en matière de prix (décision, point 83, troisième alinéa).

b) Arguments des parties

320 La requérante soutient qu'il n'existe pas de responsabilité collective en matière de droit de la concurrence. Elle ne pourrait donc être rendue responsable que de son propre rôle. L'accord général allégué n'existant pas, elle estime qu'il faudrait établir qu'elle a participé à des accords particuliers ou à des pratiques concertées particulières, ce que la Commission n'aurait pas été en mesure de faire. Elle note en particulier que sa participation aux réunions n'a été que limitée, comme la Commission le reconnaîtrait elle-même dans la décision (point 105, deuxième alinéa) en indiquant qu'il n'existe aucune preuve d'une participation de Hüls aux réunions avant 1979. La Commission ne pourrait donc, sauf à imputer à la requérante des actes de tiers, considérer que son infraction " remonte au milieu de l'année 1977 ", puisqu'une participation n'est pas concevable en l'absence d'actes de participation.

321 Elle fait valoir que même si l'on admettait l'existence, alléguée par la Commission, d'un plan d'ensemble arrêté dès 1977 et couvrant toute la période de la prétendue entente Hüls ne pourrait être rendue coresponsable des infractions commises avant sa participation aux réunions, soit avant 1981, que si elle avait pris part aux réunions avec la volonté d'assumer également la responsabilité des actes ponctuels relevant d'une violation continue des règles de concurrence, ce que ne prétend même pas la Commission. En réalité, la Commission croirait pouvoir déduire de la participation ultérieure à l'année 1981 une coresponsabilité pour la période antérieure à celle-ci.

322 La Commission relève qu'un accord ou une pratique concertée impliquent nécessairement une action commune de la part de plusieurs entreprises. Il ne serait donc pas nécessaire, pour parler de participation à une entente, que les intéressés soient associés à chacune de ses actions.

323 Elle estime que, en tant que participante régulière aux réunions à partir d'un moment indéterminé situé entre 1977 et 1979, Hüls porte la coresponsabilité des décisions arrêtées dans le cadre de celles(ci. Elle a pris part aux initiatives de prix ainsi qu'aux accords sur les quotas et a contribué au système d'" account leadership ".

324 La Commission ne songe pas à rendre responsable la requérante des infractions antérieures à sa participation aux réunions, c'est-à-dire antérieures à un moment indéterminé entre 1977 et 1979.

c) Appréciation du Tribunal

325 Il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait et à la qualification juridique opérées par la Commission que celle-ci a apporté à suffisance de droit la preuve de la réunion dans le chef de la requérante de chacun des éléments constitutifs de l'infraction retenue à son encontre dans la décision à partir de la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 et que, dès lors, elle ne lui a pas imputé la responsabilité du comportement d'autres producteurs.

326 À cet égard, il convient de préciser que le point 83, deuxième et troisième alinéas, de la décision ne contredit pas cette contestation, puisqu'il vise principalement à justifier l'établissement de l'infraction dans le chef d'entreprises pour lesquelles la Commission n'a pas retrouvé d'instructions de prix pour toute la durée de leur participation au système de réunions périodiques.

327 Par conséquent le grief doit être rejeté.

3- Conclusion :

328 Il résulte de tout ce qui précède que les constatations de fait opérées par la Commission à l'encontre de la requérante pour la période antérieure à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 n'ayant pas été établies à suffisance de droit, l'article 1er de la décision doit être annulé en ce qu'il constate que la participation de la requérante à l'infraction remonte à un moment indéterminé se situant dans cette période. Pour le surplus, les griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l'acte attaqué doivent être rejetées.

Sur la motivation :

1- Motivation insuffisante :

329 La requérante soutient que la Commission n'a traité des expertises du professeur Albach et de l'audit Coopers et Lybrand que d'une manière superficielle et générale. Sa réfutation serait insuffisante et ne serait pas motivée d'une manière documentée et intelligible, comme l'exigeraient l'article 190 du traité CEE et la jurisprudence de la Cour (arrêt du 17 janvier 1984, précité, 43-82 et 63-82, point 22). Une telle réfutation ne permettrait pas à la Cour d'exercer son contrôle (arrêt du 13 mars 1985, Pays-Bas/Commission, point 19, 296-82 et 318-82, Rec. p. 809). Les motifs de la décision ne révèleraient pas les considérations qui ont guidé la Commission ni pourquoi telle ou telle de ces considérations l'ont finalement emporté. La Commission n'aurait donc pas motivé la décision à suffisance de droit et aurait dès lors violé l'article 190 du traité CEE, tel qu'interprété par la Cour (voir notamment l'arrêt du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18-57, Rec. p. 88, 114).

330 La Commission répond que la décision est suffisamment motivée, dans la mesure où les arguments invoqués par la requérante soit étaient dépourvus de pertinence, soit ont été réfutés dans la décision. En ce qui concerne sa réfutation des expertises produites par la requérante, la Commission renvoie à cet égard aux points 72 et suivants de la décision.

331 La Commission constate qu'une partie des motifs de la décision est consacrée à une appréciation détaillée des défenses présentées par les différents producteurs et de leur participation à l'entente. Elle explique que ces éléments ont été traités simultanément, compte tenu du fait que les arguments présentés sur ce point se recouvraient. Les arguments exposés par Hüls étant sans grand fondement, la Commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de leur accorder plus d'importance.

332 Le Tribunal rappelle qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour (voir notamment les arrêts du 29 octobre 1980, précité, 209-78 à 215-78 et 218-78, point 66 ; et du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindistrie/Commission, point 88, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82 et 269-82, Rec. p. 3831) que si, en vertu de l'article 190 du traité CEE, la Commission est tenue de motiver ses décisions, en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative. Il s'ensuit que la Commission n'est pas tenue de répondre à ceux de ces points qui lui semblent dénués de toute pertinence.

333 Il y a lieu de relever que la Commission a répondu aux expertises du professeur Albach et à l'audit Coopers et Lybrand aux points 72 à 74 de la décision.

334 Au surplus, il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a répondu aux arguments pertinents avancés par la requérante.

335 Par conséquent, le grief doit être rejeté.

2- Motivation contradictoire :

336 La requérante soutient qu'il y a également violation de l'article 190 du traité CEE en ce qu'existerait une contradiction irréductible entre certains motifs invoqués à l'appui de la décision ou entre ces motifs et le dispositif. Il en serait ainsi de la "constatation alternative" entre accord et pratique concertée que la Commission aurait opérée au cours de la procédure. Dans la décision, la Commission semblerait considérer que le comportement reproché aux entreprises constituerait simultanément un accord et une pratique concertée, mais le grief ne serait pas clair et la motivation ne serait donc pas convaincante. Les motifs de la décision amèneraient à considérer que la Commission n'a pas voulu s'engager sur le point de savoir si le comportement reproché aux entreprises devait être rangé dans l'une ou l'autre de ces catégories d'infractions. Or, une telle indécision ne serait pas compatible avec l'obligation de motivation.

337 Selon la requérante, il y aurait encore une contradiction en ce que le dispositif viserait l'ensemble du secteur du polypropylène, alors que les motifs ne traiteraient que d'une partie de ce secteur, à savoir les produits de base.

338 Elle affirme enfin que, de son propre aveu, la Commission posséderait des preuves relatives à la participation de Hüls tout au plus à partir de 1979 ; pourtant, le dispositif indiquerait une participation "à partir d'une période comprise entre 1977 et 1979".

339 La Commission considère, de son côté, que Hüls n'apporte pas de précision quant aux contradictions que présenterait la décision, qui serait complètement et précisément motivée.

340 Elle souligne que l'infraction reprochée est une infraction complexe et qu'elle contient des éléments relevant aussi bien de l'accord que de la pratique concertée. C'est pourquoi elle n'aurait procédé à aucune constatation "alternative".

341 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que les motifs de la décision ne sont ni contradictoires entre eux ni avec le dispositif de celle-ci en ce qui concerne la qualification de l'infraction et son application à l'ensemble des qualités de polypropylène. Par ailleurs, il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait que le grief de la requérante est devenu sans objet en ce qui concerne les faits antérieurs à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979.

342 Par conséquent, le grief doit être rejeté.

Sur l'amende :

343 La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 en n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.

1- La prescription :

344 La requérante soutient que les comportements antérieurs au 13 octobre 1978 sont couverts par la prescription. En effet, compte tenu de l'absence de "liens de fait et de circonstance" entre les différents accords ou pratiques concertées qui font l'objet de la décision, la prescription de cinq ans prévue par le règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1, ci-après "règlement n° 2988-74"), devrait s'appliquer aux comportements susvisés, puisque le premier acte interruptif de la prescription serait constitué par la notification de la décision de vérification, datée du 13 octobre 1983.

345 La Commission soutient que, en raison du caractère continu de l'infraction constatée à la charge de la requérante, la prescription n'était pas acquise lors du premier acte interruptif du délai de prescription.

346 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il a jugé que la Commission n'avait pas établi à suffisance de droit la participation de la requérante à l'infraction pour la période antérieure à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979, l'argumentation de la requérante est devenue sans objet.

2- La durée de l'infraction :

347 La requérante fait valoir que, pour fixer le montant de l'amende, la Commission n'a pas correctement prix en compte la durée de sa participation à l'infraction, qui aurait été beaucoup plus courte que celle alléguée par la Commission.

348 La Commission expose qu'elle a correctement tenu compte de la durée de l'infraction pour fixer le montant de l'amende.

349 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction par la Commission que la durée de l'infraction constatée à l'encontre de la requérante a été plus courte que celle constatée dans la décision, puisqu'elle a débuté à partir de la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 et non à un moment indéterminé entre 1977 et 1979. Toutefois, il résulte de ces mêmes appréciations que c'est à bon droit que la Commission a considéré que l'infraction a continué jusqu'à novembre 1983.

350 Il s'ensuit que, à ce titre, le montant de l'amende infligée à la requérante doit être réduit.

3- La gravité de l'infraction :

A- Le rôle limité de la requérante :

351 La requérante soutient que le rôle qu'elle a joué dans l'infraction a été beaucoup moins important que celui qui lui est imputé dans la décision. Elle n'aurait participé qu'à une seule réunion en 1981, elle n'aurait pas participé à des accords de prix ni de quotas ni au système d'"account leadership".

352 La Commission expose qu'elle a correctement tenu compte du rôle joué par la requérante dans l'infraction et qu'il était normal de fixer l'amende sur la base d'une participation égale de tous, pour autant que certains d'entre eux ne se soient pas distingués des autres par un comportement particulier, ce qui ne serait pas le cas de la requérante.

353 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979 et que c'est donc à bon droit que la Commission s'est basée sur ce rôle pour calculer l'amende à infliger à la requérante.

354 Le grief doit, par conséquent, être rejeté.

B- L'absence d'individualisation des critères de fixation des amendes :

355 La requérante relève que, contrairement aux allégations de la Commission, il appartient au Tribunal de vérifier la décision litigieuse dans tous les éléments, y compris quant à la nature et au montant des amendes. Ce contrôle ne pourrait se borner à corriger seulement les erreurs substantielles commises par la Commission.

356 La requérante fait grief à la décision de ne fournir aucune explication sur a pondération des différents éléments pris en considération pour la détermination de l'amende. Elle ne comporterait pas non plus de justification du sort individuel réservé à chaque entreprise et n'indiquerait pas les considérations ayant déterminé le montant de l'amende. Elle violerait ainsi l'obligation de motivation (arrêts de la Cour du 8 novembre 1983, IAZ/Commission, point 37, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369 ; et du 10 décembre 1985, précité, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, point 88).

357 Elle soutient que la Commission aurait dû prendre en compte comme circonstance atténuante les pertes non seulement substantielles, mais dramatiques subies par les producteurs, pertes dues essentiellement aux aides illégales accordées par certains États permettant à certains producteurs de compenser ces pertes.

358 La Commission affirme ne pas mettre en doute la compétence de pleine juridiction du Tribunal en matière d'amendes. Elle souligne d'ailleurs que le Tribunal pourrait user de cette compétence pour augmenter en l'espèce le montant de l'amende.

359 Elle soutient que la décision est correctement motivée puisqu'elle énumère, en ses points 108 et 109, toutes les circonstances atténuantes ou aggravantes prises en compte et qu'elle indique le rôle joué dans l'entente par chacun des producteurs concernés. En outre, étant donné que des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE ne peuvent être commises que par plusieurs entreprises agissant de concert, il serait normal que, la plupart du temps, la même motivation soit invoquée pour les amende infligées à chacun des membres du groupe.

360 La Commission fait valoir qu'elle a tenu compte, à titre de circonstance atténuante, des pertes subies par les entreprises. En revanche, elle estime que la question de l'influence des aides d'États n'avait pas à être prise en considération.

361 Le Tribunal constate que, pour déterminer le montant de l'amende infligée à la requérante, la Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108) et qu'elle a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (décision, point 109).

362 Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. À cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, et en particulier sous a), b) et c), que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, lesquels ont agi de propos délibéré et dans le plus grand secret.

363 Dans ce contexte, il fait constater que la Commission n'avait pas à individualiser ni à préciser la manière dont elle avait tenu compte des pertes substantielles qu'auraient subies des différents producteurs dans le secteur du polypropylène, dans la mesure où il s'agit d'un des éléments, mentionnés au point 108 de la décision, ayant concouru à la détermination du niveau général des amendes que le Tribunal a jugé justifié.

364 Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.

365 En ce qui concerne en particulier les aides d'Etat qu'auraient reçues certaines entreprises, le Tribunal rappelle qu'elles ne sont pas de nature à anéantir le caractère illicite du comportement de la requérante, puisqu'on ne saurait accepter comme moyen de légitime défense la participation à une entente illicite.

366 Pour autant que la requérante fait appel à l'exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal constate que la requérante n'a fourni aucun élément de fait de nature à établir la réalité de ces aides, leur nature, leur ampleur ainsi que leurs effets sur la concurrence et, en particulier, sur les résultats de la requérante. En outre, il y a lieu de rappeler que la requérante n'a pas invité la Commission, au moment des faits, à exercer ses compétences au titre de l'article 93 du traité CEE. Dans ces conditions, le Tribunal considère qu'il ne dispose pas des éléments indispensables en vue de l'exercice de sa compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les aides d'État dont la requérante allègue l'existence.

367 Il s'ensuit que le grief formulé par la requérante ne peut être accueilli.

C- La prise en compte des effets de l'infraction :

368 La requérante soutient qu'il ressort des études qu'elle a produites que, contrairement à ce qu'affirme la Commission sans aucune preuve, les infractions alléguées n'ont eu aucun effet sur le marché et qu'elles n'ont donc permis à aucun producteur de réaliser des bénéfices supplémentaires. Cette erreur de la Commission devrait entraîner une réduction de l'amende, puisque la Commission a tenu compte des effets sur le marché pour en déterminer le montant et que, au cours d'une conférence de presse, elle aurait estimé ceux-ci à une augmentation du niveau général des prix de 15 à 40 %.

369 La Commission souligne qu'elle a apprécié de façon très nuancée les effets de l'entente sur le marché. Toutefois, elle rappelle que ses constatations permettent de conclure qu'une nette restriction de la concurrence a été escomptée et - du moins en partie - obtenue. Du reste, elle rappelle que si les producteurs ont poursuivi leur réunions de manière fréquente et régulière, c'est qu'eux-mêmes considéraient que l'entente n'était pas totalement inefficace. La Commission admet que les effets produits par l'entente sur le marché ont joué un certain rôle dans la fixation du montant des amendes.

370 Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invités leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les "cibles" servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure que, en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte-rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).

371 Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.

372 En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas de raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes-rendus des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g. g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d'autre part, que si l'audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économétriques réalisées à la demandes de certains producteurs devaient permettre d'établir le caractère erronée des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.

373 Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement prix en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.

374 Le Tribunal considère, par ailleurs, que les déclarations faites lors de la conférence de presse qui a suivi l'adoption de la décision, selon lesquelles les effets de l'infraction auraient consisté en une augmentation du niveau général des prix de 15 à 40 %, n'ont pas à être prises en considération sur ce point, dans la mesure où elles sont en contradiction avec les motifs de la décision elle-même. C'est pourquoi elles ne pourraient être utilisées qu'en vue d'apporter la preuve du fait que la décision reposerait sur d'autres motifs que ceux qu'elle indique, ce qui constituerait un détournement de pouvoir (voir l'ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, ICI/Commission, précitée, points 11 à 16). Or, le Tribunal a considéré au titre de sa compétence de pleine juridiction que le niveau général des amendes était justifié eu égard aux motifs de la décision (point 108, lu en combinaison avec l'ensemble des motifs de la décision). Par conséquent, il ne saurait être question en l'occurrence de détournement de pouvoir.

375 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

D- La délimitation erronée du marché en cause :

376 La requérante fait grief à la Commission d'avoir incorrectement délimité le marché en cause. Elle fait valoir que le dispositif de la décision vise l'ensemble du marché du polypropylène, alors que les motifs ne portent que sur les produits de base. Ainsi, la Commission aurait, pour fixer le montant des amendes, pris en comptes les parts de marché et le chiffre d'affaires de Hüls concernant l'entièreté du marché du polypropylène, au lieu de ne tenir compte que des chiffres correspondant au marché des produits de base, lequel représenteraient 45 % des ventes de Hüls sur le marché communautaire. C'est pourquoi l'amende serait excessive. La requérante soutient, contrairement à la Commission, que le marché des produits de base était indépendant de celui des produits spéciaux et que, par conséquent, des accords sur les prix portant sur les produits de base étaient sans influence sur le marché des produits spéciaux.

377 La Commission fait valoir que les ententes réalisées sur les prix des produits de base ont également eu des répercussions sur ceux des produits spéciaux. Les produits de base n'étaient pas les seuls à être couverts par les accords sur les prix. Ainsi, un tableau établi à la suite d'une réunion tenue le 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) comporterait des prix exprimés en dix monnaies nationales pour dix qualités différentes. Comme le montreraient les instructions de prix des différents producteurs (ann. C, lettre du 29 mars 1985), il existerait un lien étroit sur le plan des prix entre les produits de base et les produits spéciaux. Les nouveaux prix d'entente auraient servi de base aux négociations avec les clients au moment de la prorogation des contrats portant sur les produits spéciaux.

378 Elle ajoute que les accords sur les quotas avaient un caractère global et ne se rapportaient pas seulement à certains types de produits. Ces accords ayant pour but de soutenir l'entente sur les prix, il en découlerait nécessairement que ladite entente couvrait l'ensemble du marché du polypropylène.

379 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les accords de quotas portaient aussi bien sur les produits spéciaux que sur les produits de base.

380 Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission a pris en compte l'ensemble du marché du polypropylène pour fixer le montant de l'amende infligée à la requérante. Le grief doit être rejeté.

381 Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante est adéquate à la gravité de la violation des règles communautaires de la concurrence constatée à l'encontre de la requérante, mais qu'elle doit être réduite en raison de la durée moindre de cette violation. Cette réduction doit être limitée à 15 % puisque, d'une part, la Commission a déjà tenu compte, pour déterminer le montant des amendes, du fait que le mécanisme d'application de l'infraction n'a été entièrement établi que vers le début de l'année 1979 (décision, point 105, dernier alinéa) et que, d'autre part, éprouvant un doute quant à la date précise du début de la participation de la requérante à l'infraction, elle n'a pas pu prendre lourdement en compte la période en cause en vue de la fixation de l'amende qui lui a été infligée.

Sur la réouverture de la procédure orale :

382 Par mémoire séparé du 4 mars 1992, la requérante a demandé que la procédure orale soit réouverte en vue de procéder à des mesures d'instructions. sous le titre I point 1 de son mémoire, la requérante fait valoir que le Tribunal de première instance a constaté, dans son arrêt du 27 février 1992, BASF e.a. / Commission (T-79-89, T-84-89, T-85-89, T-86-89, T-89-89, T-91-89, T-92-89, T-94-89, T-96-89, T-98-89, T-102-89 et T-104-89, Rec. p. II-315, ci-après "PVC", que les décisions de la défenderesse dans les procédures PVC sont inexistantes, au motif qu'elles n'ont pas été authentifiées par les signatures du président de la Commission et du secrétaire exécutif. Eu égard aux explications fournies par la Commission dans les affaires PVC, il y aurait nécessairement lieu de penser que le même vice de procédure, qui doit être examiné d'office, entacherait la présente affaire. Afin d'éclaircir ce point, il y aurait lieu d'enjoindre à la Commission de produire une copie de l'original de la décision ainsi que d'autres documents. Sous le titre I, point 2, la requérante expose qu'il y a également lieu de présumer que la décision n'a fait l'objet d'une délibération que dans trois des langues de procédure : l'allemand, l'anglais et le français. Sous le titre I, point 3, la requérante fait valoir que la Commission a exposé, au cours de l'audience dans les affaires PVC, qu'elle est en droit d'apporter ultérieurement des modifications à une décision déjà attaquée. Afin d'établir la réalité de ces faits, qui n'ont été connus qu'après la fin de la procédure orale, il conviendrait d'entendre l'enregistrement de l'audience dans les affaires PVC.

383 Après avoir entendu à nouveau l'avocat général, le Tribunal considère qu'il n'y a pas lieu d'ordonner, conformément à l'article 62 de son règlement de procédure, la réouverture de la procédure orale ni de procéder à des mesures d'instruction.

384 Il convient, tout d'abord, de relever que l'arrêt précité du 27 février 1992 ne justifie pas, en soi, une réouverture de la procédure orale dans la présente affaire. En outre, à la différence de l'argumentation qu'elle a développée dans les affaires PVC (voir l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, point 13), la requérante n'a pas dans la présente affaire, jusqu'à la fin de la procédure orale, fait valoir, même sous forme d'allusion, que la décision attaquée serait inexistante en raison des vices allégués. Il y a donc déjà lieu de se demander si la requérante a suffisamment justifié pourquoi, dans la présente affaire, à la différence des affaires PVC, elle ne s'est pas prévalue plus tôt de ces prétendus vices, qui, en tout état de cause, devraient avoir été antérieurs à l'introduction du recours. Même s'il appartient au juge communautaire d'examiner d'office, dans le cadre d'un recours en annulation au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, la question de l'existence de l'acte attaqué, ce la ne signifie toutefois pas que, dans chaque recours fondé sur l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, il y ait lieu de procéder d'office à des investigations concernant une éventuelle inexistence de l'acte attaqué. Ce n'est que dans la mesure où les parties avancent des indices suffisants pour suggérer une inexistence de l'acte attaqué que le juge est tenu de vérifier cette question d'office. En l'espèce, l'argumentation développée par la requérante ne fournit pas d'indices suffisants pour suggérer une telle inexistence de la décision. Sous le titre I, point 2, de son mémoire, la requérante s'est prévalue d'une prétendue violation du régime linguistique prévu par le règlement intérieur de la Commission. Une telle violation ne peut cependant entraîner l'inexistence de l'acte attaqué, mais seulement - après avoir été invoquée en temps utile - son annulation. La requérante a, en outre, fait valoir sous le titre I, point 3 de son mémoire que, compte tenu des circonstances dans lesquelles s'est déroulée la procédure PVC, il existe une présomption de fait que la Commission a également apporté, sans y être habilitée, des modifications a posteriori à ses décisions polypropylène. La requérante n'a cependant pas expliqué pourquoi la Commission aurait également apporté des modifications a posteriori à la décision en 1986, c'est-à-dire dans une situation normale se distinguant sensiblement des circonstances particulières de la procédure PVC, caractérisée par le fait que la Commission parvenait, en janvier 1989, à l'expiration de son mandat. La simple référence au "défaut de conscience d'avoir commis une faute" n'est pas suffisante à cet égard. La présomption globale avancée à ce sujet par la requérante ne constitue pas un motif suffisant pou justifier que des mesures d'instructions soient ordonnées après une réouverture de la procédure orale.

385 Enfin, il convient d'interpréter l'argumentation développée par la requérante sous le titre I, point 1 de son mémoire comme affirmant, sur la base des déclarations faites par les agents de la Commission dans les affaires PVC, qu'un original de la décision attaquée, authentifié par les signatures du président de la Commission et du secrétaire exécutif, fait défaut. Ce prétendu vice, à supposer qu'il existe, ne conduirait cependant pas à lui seul à l'inexistence de la décision attaquée. Dans la présente affaire, à la différence des affaires PVC, précédemment citées à plusieurs reprises, la requérante n'a en effet avancé aucun indice concret de nature à suggérer qu'une violation du principe de l'intangibilité de l'acte adopté serait intervenue après l'adoption de la décision attaquée et que celle-ci aurait ainsi perdu, au bénéfice de la requérante, la présomption de légalité dont elle bénéficiait de par son apparence. En un tel cas, la seule circonstance qu'un original dûment authentifié fasse défaut n'entraîne pas, à elle seule l'inexistence de l'acte attaqué. Il n'y avait donc pas lieu non plus pour ce motif de rouvrir la procédure orale afin de procéder à de nouvelles mesures d'instruction. Dans la mesure où l'argumentation de la requérante ne pourrait justifier une demande de révision, il n'y avait pas lieu de donner suite à sa suggestion de rouvrir la procédure orale.

Sur les dépens :

386 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été partiellement accueilli et les parties ayant l'une et l'autre conclu à la condamnation de l'autre aux dépens, la requérante supportera, outre ses propres dépens, la moitié de ceux de la Commission, qui en supportera elle-même l'autre moitié.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

Déclare et arrête :

1) L'article 1, septième tiret, de la décision de la Commission, du 23 avril 1986 (IV-31.149-Polypropylène, JO L 230, p. 1), pour autant qu'il déclare que Hüls a participé à l'infraction à partir d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979, et non à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, est annulé.

2) Le montant de l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de cette décision est fixé à 2 337 500 écus, soit 5 013 680,38 DM.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La requérante supportera ses propres dépens et la moitié des dépens de la Commission. La Commission supportera l'autre moitié de ses propres dépens.