CJCE, 12 février 1992, n° C-48/90
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Royaume des Pays-Bas, Koninklijke PTT Nederland (NV), PTT Post (BV)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, European Express Organisation, Association of European Express Carriers
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Due
Présidents de chambre :
MM. Gordon Slynn, Joliet, Schockweiler, Grévisse
Avocat général :
M. Van Gerven
Juges :
MM. Mancini, Kakouris, Moitinho de Almeida, Rodriguez Iglesias, Diez de Velasco, Zuleeg
Avocats :
Mes Bos, Bronckers, Geus, Wojtek, Cath.
LA COUR :
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 mars 1990, le royaume des Pays-Bas a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation de la décision 90-16-CEE de la Commission, du 20 décembre 1989, relative à la prestation aux Pays-Bas du service de courrier rapide (JO 1990, L 10, p. 47, affaire C-48-90).
2. Par requête déposée au greffe de la Cour le 15 mars 1990, les sociétés Koninklijke PTT Nederland NV et PTT- Post BV (ci-après "PTT ") ont, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, demandé l'annulation de la même décision 90-16 (affaire C-66-90).
3. Par ordonnance du 5 décembre 1990, la Cour a admis la Nederlandse Vereniging van Internationale Koeriers - en Expresbedrijven, la Nationale Organisatie voor het Beroepsgoederenvervoer Wegtransport, l'European Express Organisation et l'Association of European Express Carriers à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission dans l'affaire C-66-90.
4. Par ordonnance du 4 juin 1991, la Cour a renvoyé l'affaire C-66-90 devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes.
5. Par ordonnance du 21 juin 1991, le Tribunal de première instance s'est dessaisi de cette affaire afin que la Cour puisse statuer sur la demande en annulation.
6. Par ordonnance du 22 juin 1991, la Cour a décidé de joindre les affaires C-48-90 et C-66-90 aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.
7. L'article 2 de la loi néerlandaise du 26 octobre 1988 portant révision de la législation relative à l'exécution du service postal - loi postale (Staatsblad, 1988, 522, ci-après "loi postale ") a substitué un régime de concession exclusive au monopole légal dont était investie l'ancienne régie des PTT pour tout transport de lettres jusqu'à 500 g aux Pays-Bas, en provenance et à destination des Antilles néerlandaises et d'Aruba, ainsi qu'en provenance et à destination de l'étranger.
8. Le titulaire de cette concession exclusive, PTT Nederland NV, a l'obligation d'assurer, pour tout un chacun, dans l'ensemble du pays, contre rétribution, le transport des lettres et autres envois, dans les conditions fixées par arrêté ministériel. PTT Nederland NV a chargé sa filiale, PTT-Post BV, de l'exécution des obligations qui lui incombent en vertu de cette concession.
9. L'article 12 de la loi postale interdit, à son paragraphe 1, à des personnes autres que le concessionnaire le transport rémunéré de lettres jusqu'à 500 g, sauf si les trois conditions prévues au paragraphe 2, sous a), points 1 à 3, sont remplies, c'est-à-dire si
- la prestation offerte est sensiblement supérieure, en ce qui concerne la vitesse du transport, la garantie de celle- ci et la possibilité de localisation pendant le transport, au niveau des prestations de services en matière de transport accéléré normal;
- le transport est effectué à un tarif qui, pour le transport aux Pays-Bas ou vers l'étranger, est supérieur à celui fixé pour cette prestation par règlement de l'administration publique, en l'occurrence 11,90 HFL pour les lettres à destination des Pays-Bas ou de la Communauté et 17,50 HFL pour les lettres ayant une autre destination; et, enfin
- le transport est effectué par un transporteur enregistré.
10. Après des entretiens informels qu'elle a eus avec les PTT, le 5 octobre 1988, la Commission les a informés, le 7 novembre 1988, que la loi postale soulevait certains problèmes au regard des règles de concurrence posées par le traité.
11. Par télex du 29 novembre 1988, la Commission a avisé le gouvernement néerlandais que, au terme d'une première enquête, ses services étaient parvenus à la conclusion que les articles 2 et 12 de la loi postale étaient incompatibles avec l'article 90 du traité, considéré en relation avec les articles 30, 59, 85 et 86 de ce traité.
12. La Commission a notamment exposé que la loi postale soumettait les entreprises de messagerie à des conditions restrictives qui les défavoriseraient considérablement par rapport aux services de messagerie des PTT et les empêcheraient de continuer à offrir certains de leurs services, notamment ceux fournis à un prix inférieur au prix minimal fixé par arrêté royal. La condition inscrite à l'article 12, paragraphe 2, sous a), point 1, de la loi postale n'offrirait pas la moindre sécurité juridique aux services de messagerie internationaux. La condition énoncée au point 2 rendrait impossible, dans de nombreux cas, toute concurrence sur les prix et aurait le même effet qu'un accord sur les prix. L'article 90, paragraphe 2, du traité ne serait pas applicable, étant donné que les revenus que les PTT tirent des envois acheminés par service accéléré ne seraient pas indispensables pour leur permettre de s'acquitter de leur mission. Après avoir invité le gouvernement néerlandais à faire connaître son point de vue, la Commission a indiqué que, dans l'hypothèse où les éléments énoncés dans le télex devraient être confirmés, elle pourrait estimer devoir prendre une décision sur la base de l'article 90, paragraphe 3, du traité.
13. Dans une lettre du 16 janvier 1989, le gouvernement néerlandais a présenté des observations justifiant, à ses yeux, les dispositions critiquées.
14. La Commission a également eu des contacts avec des organisations professionnelles de services de messagerie, qui lui ont fait parvenir leurs commentaires sur la prise de position du gouvernement néerlandais du 16 janvier 1989.
15. Le 20 décembre 1989, la Commission a adopté la décision litigieuse, sans avoir eu entre-temps un nouvel échange de vues avec le gouvernement néerlandais.
16. Cette décision, adressée aux Pays-Bas, contient le dispositif suivant :
"Article premier
Les dispositions des articles 2 et 12 de la loi néerlandaise du 26 octobre 1988 relative à l'exécution du service postal, conjointement avec celles de l'arrêté d'application du 19 décembre 1988, qui réservent le service rapide de collection, transport et distribution de lettres jusqu'à 500 g à un prix inférieur à 11,9 HFL pour le service vers des destinations au sein de la Communauté et à 17,5 HFL pour les destinations hors Communauté, ainsi que l'obligation de faire enregistrer préalablement les tarifs, imposée par l'arrêté du 12 mai 1989, sont incompatibles avec l'article 90, paragraphe 1, du traité CEE, en liaison avec l'article 86 dudit traité."
17. Dans les considérants de la décision, la Commission, après avoir exposé que PTT-Post BV dispose d'une position dominante sur le marché des envois de lettres jusqu'à 500 g au départ des Pays-Bas, explique en quoi la loi postale aboutit à des abus de cette position dominante. La loi postale conduirait à une extension de la position dominante existant sur le marché du service postal de base à celui des services de messagerie; pour le courrier rapide jusqu'à 500 g, dans la catégorie de prix allant jusqu'à 11,9 HFL, la loi postale obligerait les utilisateurs à recourir aux services de PTT-Post BV et aboutirait ainsi à leur imposer des prix et des conditions non équitables; enfin, la loi postale conduirait à une limitation de l'offre sur le marché. La Commission considère encore que la loi postale exerce un effet négatif sur les échanges entre les États membres. Par ailleurs, les conditions d'application de l'article 90, paragraphe 2, du traité ne seraient pas réunies, l'extension de la position dominante n'étant notamment pas nécessaire pour garantir aux P.T.T. les recettes nécessaires pour qu'elles s'acquittent de leur mission.
18. Pour un plus ample exposé des faits des deux affaires, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
19. Le royaume des Pays-Bas et les PTT font valoir un certain nombre de moyens d'annulation tirés, en substance, de l'incompétence de la Commission pour adopter la décision litigieuse sur le fondement de l'article 90, paragraphe 3, du traité, de la méconnaissance, par la Commission, des droits de la défense, de la violation des formes substantielles, de l'absence d'une motivation suffisante de la décision attaquée et de la violation des articles 86 et 90, paragraphes 1 et 2, du traité.
Sur le moyen tiré de l'incompétence de la Commission
20. Les parties requérantes soutiennent, en substance, que la Commission n'était pas compétente pour adopter la décision litigieuse sur la base de l'article 90, paragraphe 3, du traité. En effet, cette disposition, faute de contenir une dérogation expresse aux articles 169 et 170 du traité, ne permettrait pas à la Commission de constater qu'un État membre a violé les règles du traité, mais l'autoriserait tout au plus, ainsi que la Cour l'aurait jugé dans l'arrêt du 19 mars 1991, dit "Telecom", France/Commission (C-202-88, Rec. p. I-1223), à préciser, par des règles générales, les obligations qui découlent, pour les États membres, de l'article 90, paragraphe 1, du traité.
21. La Commission réplique que l'article 90, paragraphe 3, peut constituer la base juridique d'un acte visant à constater et à faire cesser une infraction à l'article 90, paragraphe 1, du traité.
22. En vue de déterminer la portée de la compétence dévolue à la Commission au titre de l'article 90, paragraphe 3, il convient de replacer cette disposition dans le cadre de l'article 90 dans son ensemble et de la mission dont la Commission est investie en vertu des articles 85 à 93 du traité.
23. A cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 90, paragraphe 1, impose aux États membres l'obligation, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, de n'édicter ni de maintenir aucune mesure contraire aux règles du traité, et notamment à celles en matière de concurrence.
24. Le paragraphe 2 de cet article prévoit que les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal échappent à l'application des règles du traité, notamment des règles de concurrence, dans la mesure où l'application de ces règles de concurrence ferait échec à l'accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière qui leur a été impartie.
25. L'article 90, paragraphe 3, charge la Commission de la mission de veiller au respect, par les États membres, des obligations qui s'imposent à eux, en ce qui concerne les entreprises visées à l'article 90, paragraphe 1, et l'investit expressément de la compétence pour intervenir à cet effet par la voie de deux instruments juridiques, de nature différente, à savoir les directives et les décisions.
26. S'agissant des directives, la Cour a jugé, dans l'arrêt du 19 mars 1991, France/Commission, précité, que la Commission avait le pouvoir d'édicter des règles générales précisant les obligations résultant du traité qui s'imposaient aux États membres en ce qui concerne les entreprises visées au paragraphe 1 de cet article.
27. Quant aux pouvoirs que l'article 90, paragraphe 3, autorise la Commission à exercer par la voie de décisions, ils sont différents de ceux qu'elle peut exercer par la voie de directives. Adoptée en considération d'une situation déterminée dans un ou plusieurs États membres, la décision comporte, en effet, nécessairement une appréciation de cette situation au regard du droit communautaire et détermine les conséquences qui en découlent pour l'État membre concerné, compte tenu des exigences inhérentes à l'accomplissement de la mission particulière impartie à une entreprise, si celle-ci est chargée de la gestion de services d'intérêt économique général.
28. Sous peine de priver de tout effet utile la compétence pour adopter des décisions que l'article 90, paragraphe 3, confère à la Commission, il faut, dès lors, reconnaître à celle-ci le pouvoir de constater qu'une mesure étatique déterminée est incompatible avec les règles du traité et d'indiquer les mesures que l'État destinataire doit adopter pour se conformer aux obligations découlant du droit communautaire.
29. La reconnaissance à la Commission d'un tel pouvoir s'avère également indispensable pour lui permettre de remplir la mission que lui confèrent les articles 85 à 93 du traité de veiller à l'application des règles de concurrence et de contribuer ainsi à l'établissement d'un régime de concurrence non faussée dans le Marché commun, au sens de l'article 3, sous f), du traité.
30. En effet, la Commission serait dans l'impossibilité de remplir entièrement sa mission si elle ne pouvait sanctionner que les comportements anticoncurrentiels des entreprises en vertu du pouvoir décisionnel dont l'a investie le Conseil, sur le fondement de l'article 87 du traité, sans pouvoir agir directement, sur le fondement de l'article 90, paragraphe 3, de ce traité, contre les États membres qui édictent ou maintiennent, en ce qui concerne les entreprises publiques et celles auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, des mesures qui produisent un effet anticoncurrentiel similaire.
31. Il convient de relever également que les pouvoirs que la Commission peut exercer à l'égard des États membres par la voie de décisions, au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité, doivent être rapprochés de ceux que lui confère l'article 93 de ce traité de constater l'incompatibilité, avec le Marché commun, d'une aide étatique qui fausse ou est susceptible de fausser la concurrence.
32. En effet, dans les deux cas, la Commission a le pouvoir d'intervenir non pas à l'égard de l'entreprise qui a été mise en mesure de faire échec aux règles de concurrence, mais à l'égard de l'État membre qui est responsable de l'atteinte portée à la concurrence.
33. Dans le cadre de ce moyen, les parties requérantes soutiennent encore que le fait de reconnaître à la Commission un tel pouvoir revient à lui permettre de constater qu'un État membre a manqué à ses obligations résultant du traité, en utilisant une procédure qui prive l'État concerné des garanties que lui accorde l'article 169 du traité et en empiétant sur les compétences que cette disposition réserve à la Cour.
34. Pour autant que cet argument vise à reprocher à la Commission d'avoir commis un détournement de procédure, il convient de rappeler, ainsi qu'il a été précisé ci-avant, que, à l'instar de l'article 93 du traité, qui prévoit un examen permanent, par la Commission, des aides publiques, l'article 90, paragraphe 3, permet à celle-ci d'apprécier, par la voie d'une décision, la conformité avec le traité des mesures que les États édictent ou maintiennent en ce qui concerne les entreprises visées à l'article 90, paragraphe 1.
35. Un tel pouvoir d'appréciation, d'une part, n'empiète en rien sur les compétences que l'article 169 du traité confère à la Cour; d'autre part, il ne porte pas atteinte au respect des droits de la défense que cette disposition garantit aux États membres.
36. En effet, en ce qui concerne le premier aspect, ainsi que la Cour l'a reconnu dans l'arrêt du 30 juin 1988, Commission/Grèce (226-87, Rec. p. 3611), la décision adoptée par la Commission peut faire l'objet, devant la Cour, d'un recours en annulation introduit par l'État membre destinataire et servir de fondement à un recours en manquement au titre de l'article 169 du traité, lorsque l'État membre destinataire ne s'y conforme pas.
37. En ce qui concerne l'argument relatif au respect des droits de la défense de l'État membre mis en cause, il convient de relever que la seule circonstance que l'article 90, paragraphe 3, ne prévoit pas, contrairement à l'article 93, une procédure assurant le respect de ces droits ne saurait être invoquée pour dénier à la Commission la compétence pour adopter la décision litigieuse; il est, en effet, de jurisprudence que, même en l'absence de dispositions expresses, le principe général du respect des droits de la défense s'impose à toute institution communautaire appelée à adopter un acte susceptible de faire grief au destinataire(voir, par exemple, arrêt du 14 février 1990, France/Commission, C-301-87, Rec. p. I-307).
38. Le point de savoir si, en l'espèce, la Commission a respecté ce principe sera vérifié dans le cadre du moyen tiré de la violation des droits de la défense.
39. Dans ces conditions, il convient de rejeter, dans les deux affaires, le premier moyen tiré de l'incompétence de la Commission pour adopter la décision litigieuse.
Sur les moyens tirés de la violation des droits de la défense
40. Les parties requérantes soutiennent que, en adoptant la décision litigieuse, la Commission a méconnu les droits de la défense, qui feraient partie des principes généraux du droit communautaire.
41. Le royaume des Pays-Bas expose que le télex de la Commission du 29 novembre 1988 ne saurait être considéré comme une véritable communication des griefs exposant toutes les considérations retenues dans la décision litigieuse. En outre, il soutient que, pendant la période qui s'est écoulée entre sa prise de position du 16 janvier 1989 et la date d'adoption de la décision attaquée, à savoir le 20 décembre 1989, il n'a pas eu l'occasion de présenter son point de vue, alors que la Commission avait entre-temps recueilli la position des entreprises privées de messagerie.
42. Les PTT font valoir que, avant d'adopter une décision telle que celle de l'espèce, la Commission aurait dû entendre les entreprises concernées, de la même façon qu'elle serait obligée de les entendre avant l'adoption d'une décision au titre du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). Or, la Commission n'aurait eu qu'un seul contact avec les requérantes, en octobre 1988.
43. La Commission conteste avoir violé les droits de la défense en adoptant la décision attaquée. Le gouvernement néerlandais aurait été entendu à propos de chacun des griefs retenus dans la décision litigieuse. La procédure au titre de l'article 90, paragraphe 3, se déroulant entre la Commission et l'État membre concerné, la Commission n'aurait pas été tenue d'entendre séparément les PTT.
44. En ce qui concerne le moyen tiré d'une violation des droits de la défense commise à l'encontre du royaume des Pays-Bas, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré, même en l'absence d'une réglementation spécifique(voir, par exemple, arrêt du 14 février 1990, France/Commission, précité).
45. Ce principe requiert que l'État membre en cause se voie communiquer, avant l'adoption de la décision au titre de l'article 90, paragraphe 3, du traité, un exposé précis et complet des griefs que la Commission entend retenir à son encontre.
46. La Cour a jugé que ce principe exige également que l'État membre en cause soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les observations présentées par des tiers intéressés (voir arrêt du 14 février 1990, France/Commission, précité).
47. Or, dans le cas d'espèce, force est de constater que le télex du 29 novembre 1988 ne contient pas un exposé complet et précis des griefs que la Commission se proposait de retenir dans la décision litigieuse. En effet, la Commission se borne à soulever, dans des termes généraux, la question de l'incompatibilité de la loi postale avec l'article 90, paragraphe 1, en relation avec l'article 86 du traité, sans exposer les différents éléments constitutifs d'une infraction à cet article, tels qu'ils sont énoncés ensuite dans la décision litigieuse.
48. Il convient d'ajouter que le royaume des Pays-Bas n'a plus été entendu par la Commission après sa lettre du 16 janvier 1989 et n'a, en particulier, pas eu la possibilité de prendre position sur les consultations que la Commission a eues avec des organisations professionnelles de services de messagerie. Or, la Commission a elle-même reconnu au cours de la procédure écrite que ces consultations avaient été nécessaires pour lui permettre de se former une opinion sur les effets prévisibles de la loi postale sur les activités des entreprises privées de messagerie.
49. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les droits de la défense ont été violés à l'encontre des Pays-Bas, du fait que la Commission a omis d'adresser à cet État membre une communication comportant un exposé précis et complet des griefs retenus dans la décision litigieuse et du fait que le gouvernement néerlandais n'a pas été entendu entre le 16 janvier 1989 et la date d'adoption de la décision attaquée, en particulier sur les consultations que la Commission a eues avec les organisations professionnelles de services de messagerie.
50. En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des droits de la défense commise à l'encontre des PTT, qui font grief à la Commission de ne pas les avoir entendues, il convient de relever d'abord que ces entreprises sont les bénéficiaires directs de la mesure étatique contestée et qu'elles sont nommément désignées dans la loi postale, qu'elles sont explicitement visées par la décision litigieuse et supportent directement les conséquences économiques de cette décision.
51. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que ces entreprises disposent du droit d'être entendues.
52. Il convient d'observer ensuite que la Commission a seulement eu des entretiens informels avec les PTT en octobre 1988, qu'elle s'est limitée à informer ces entreprises des problèmes que la loi postale soulevait au regard des règles de concurrence du traité et qu'elle ne leur a jamais précisé ses objections concrètes à l'encontre de la mesure étatique en cause.
53. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Commission a violé le droit des PTT d'être entendues.
54. Il résulte des développements qui précèdent que les recours introduits par le royaume des Pays-Bas dans l'affaire C-48-90 et les PTT dans l'affaire C-66-90 sont fondés et qu'il convient d'annuler la décision litigieuse.
Sur les dépens
55. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La Commission ayant succombé en ses moyens dans les affaires C-48-90 et C-66-90, il y a lieu de la condamner aux dépens dans les deux affaires. Les parties intervenantes à l'appui des conclusions de la Commission supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête :
1) La décision 90-16-CEE de la Commission, du 20 décembre 1989, relative à la prestation aux Pays-Bas du service de courrier rapide, est annulée.
2) La Commission est condamnée aux dépens dans les affaires C-48-90 et C-66-90.
3) Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.