TPICE, 1re ch., 17 décembre 1991, n° T-6/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Enichem Anic (SpA)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts
Avocats :
Mes Guarino, Siragusa, Arcidiacono, Scassellati Sforzolini.
LE TRIBUNAL (première chambre),
Les faits à l'origine du recours
1 La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après " décision ") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.
2 Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "quatre grands "), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Huels et BASF AG en Allemagne et Chemie Linz AG en Autriche. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne. Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (de 1977 à 1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité, soit par des pertes substantielles en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène. Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri SpA détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries plc, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Huels, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les Etats membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les Etats membres ou presque.
3 Enichem Anic SpA (ci-après " Anic ") faisait partie des producteurs approvisionnant le marché avant 1977. Sa position sur le marché du polypropylène était celle d'un producteur moyen, dont la part de marché se situait entre environ 2,7 et 4,2 %. Elle a abandonné le marché au printemps 1983 après avoir cédé son affaire de polypropylène à Montepolimeri SpA fin octobre 1982.
4 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après " règlement n° 17 "), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le Marché communautaire :
- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après " ATO "),
- BASF AG (ci-après " BASF "),
- DSM NV (ci-après " DSM "),
- Hercules Chemicals NV (ci-après " Hercules "),
- Hoechst AG (ci-après " Hoechst "),
- Chemische Werke Huels (ci-après " Huels "),
- Imperial Chemical Industries plc (ci-après " ICI "),
- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après " Monte "),
- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après " Shell "),
- Solvay et Cie SA (ci-après " Solvay "),
- BP Chimie (ci-après " BP ").
Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après " Rhône-Poulenc ") ni chez Enichem Anic SpA.
5 A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après " demandes de renseignements "), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes :
- Amoco,
- Chemie Linz AG (ci-après " Linz "),
- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après " Statoil "),
- Petrofina SA (ci-après " Petrofina "),
- Enichem Anic SpA (ci-après " Anic ").
Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et a refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en République fédérale d'Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.
6 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu'entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou de pourcentages convenus. C'est ainsi que le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.
7 Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé que, au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions en matière de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente, ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.
8 Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et à Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.
9 Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), d'Anic, d'ICI et de Rhône-Poulenc (qui estimaient n'avoir pas été en mesure de préparer leur dossier).
10 Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu n'avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Huels a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.
11 C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.
12 Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.
13 Une deuxième session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985. Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.
14 Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif ") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.
15 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant :
" Article premier
Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Huels (actuellement Huels AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co. Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co. (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant :
- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983 ;
- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980 ;
- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins ;
- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins ;
- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins ;
- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins ;
- pour BASF, DSM et Huels, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins ;
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun :
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale ;
b) ont fixé périodiquement des prix 'cible' (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté ;
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d''account management' ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers ;
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles ;
e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un quota annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er :
i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT ;
ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF ;
iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM ;
iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL ;
v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR ;
vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM ;
vii) Huels AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM ;
viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL ;
ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT ;
x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT ;
xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR ;
xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF ;
xiii) Shell International Chemical Co. Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL ;
xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR ;
xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.
Articles 4 et 5
(omissis) "
16 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, les compléments et les suppressions de textes demandés par les entreprises leur a été envoyé.
La procédure
17 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 31 juillet 1986, la requérante a introduit le présent recours visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89 et T-7-89 à T-15-89).
18 La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.
19 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après " décision du Conseil du 24 octobre 1988 ").
20 En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.
21 Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.
22 Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.
23 Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.
24 Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.
25 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.
26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.
28 L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.
Les conclusions des parties
29 La société Enichem Anic conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) annuler entièrement ou partiellement la décision de la Commission du 23 avril 1986 (IV. 31-149-Polypropylène), dans la mesure où elle concerne la requérante ;
2) à titre subsidiaire, annuler ou réduire l'amende infligée à la requérante ;
3) condamner la Commission au paiement des dépens, frais et honoraires.
La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens.
Sur le fond
30 Il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission n'aurait pas formulé dans la communication des griefs tous les griefs qu'elle a ensuite retenus dans la décision et aurait ainsi imputé une responsabilité collective à la requérante (1), en ce que le procès-verbal définitif des auditions n'aurait été communiqué ni aux membres de la Commission ni à ceux du comité consultatif (2), en ce que la requérante n'aurait pas reçu communication du rapport du conseiller-auditeur (3) et en ce que la Commission n'aurait pas tenu compte de la position particulière de la requérante dans la procédure administrative (4) en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas correctement qualifié l'infraction (A), en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'effet restrictif sur la concurrence (B) et en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'affectation du commerce entre Etats membres (C) en troisième lieu, les griefs relatifs à l'imputabilité de l'infraction à la requérante en quatrième lieu, les griefs relatifs à la motivation de la décision en cinquième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende, qui serait partiellement prescrite (1) et qui ne serait adéquate ni à la durée (2) ni à la gravité (3) de l'infraction alléguée.
Sur les droits de la défense
1. Griefs nouveaux et responsabilité collective
31 La requérante soutient que la Commission a retenu contre elle dans la décision des griefs qui n'avaient pas été exprimés dans la communication spécifique des griefs, en particulier ceux décrits à l'article 1er, sous c), de la décision. Il ne serait pas permis, comme tenterait de le faire la Commission, d'attribuer une responsabilité à la requérante pour avoir participé à l'entente en général et, par conséquent, d'étendre indirectement cette responsabilité aux comportements par lesquels l'entente s'est manifestée sans qu'ils soient directement imputables à la requérante. Ainsi, elle ne pourrait pas être jugée responsable des comportements décrits à l'article 1er, sous c), de la décision qui, de l'aveu même de la Commission, ne lui seraient pas directement imputables.
32 C'est pourquoi la responsabilité attribuée à la requérante ne serait conforme ni aux faits prouvés en ce qui la concerne ni aux griefs énoncés dans la communication des griefs, même si l'on tient compte de la partie générale de cette communication, étant entendu que cette partie, qui est destinée à déterminer le cadre dans lequel se situe le comportement de chaque entreprise, ne pourrait être considérée comme spécialement adressée à Anic que lorsque celle-ci est effectivement nommée, à l'exclusion des passages où il est uniquement question d'autres producteurs.
33 La requérante ajoute que, malgré les dénégations de la Commission, la décision suggère et implique qu'Anic aurait participé à toutes les actions décrites à l'article 1er, au même titre que toutes les autres entreprises visées.
34 La Commission fait observer que cet argument se fonde sur une lecture délibérément incorrecte de l'article 1er de la décision. La Commission n'aurait pas affirmé, dans cette disposition, que la requérante a participé à toutes les actions qui y sont visées, mais seulement qu'elle a participé à une entente entre producteurs de polypropylène qui s'est concrétisée par ces actions. La décision attribuerait à la requérante, comme aux autres entreprises, la responsabilité non pas d'un ensemble d'infractions distinctes, mais d'une seule infraction, à savoir la participation à un accord et une pratique concertée visant à soutenir les prix du polypropylène, qui se serait traduite par diverses mesures qui, prises dans leur ensemble, constitueraient une seule infraction.
35 Selon la Commission, une fois constatée la participation à l'entente, la responsabilité qui en découle ne pourrait porter que sur l'entente dans son ensemble. La Commission considère que la responsabilité d'une entreprise engagée dans l'entente ne dépend pas des preuves de sa participation matérielle à chaque action isolée mise en œuvre pour atteindre l'objectif commun. C'est pourquoi elle estime qu'il était inutile de préciser à l'article 1er, en plus de la durée de la participation de chaque entreprise à l'entente, son degré de participation matérielle aux différentes initiatives prises pour la mettre en œuvre.
36 Le Tribunal constate que les griefs retenus à l'article 1er, sous c), de la décision ont tous été mentionnés dans les communications générale ou spécifique des griefs. Ainsi, les limitations temporaires de la production ont fait l'objet des points 67 et 79 de la communication générale des griefs, l'échange des informations détaillées sur les livraisons des points 97 et 101 de celle-ci, la participation aux réunions locales du point 2, sous b), de la communication spécifique des griefs et, enfin, le système d'" account management " a fait l'objet des points 85 à 89 de la communication générale des griefs.
37 Il y a lieu de considérer que le contenu de la communication générale des griefs est individuellement opposable à tous les destinataires parmi lesquels figure la requérante, à moins que soit cette communication des griefs, soit la communication spécifique des griefs ne précise effectivement le contraire. Or, force est de constater que, pour les griefs en cause, tel n'est pas le cas en ce qui concerne la requérante.
38 Au surplus, il est permis de relever que le texte même de la communication générale des griefs - notamment ses points 1 et 5 - indique que l'ensemble des agissements qui y sont décrits sont reprochés à l'ensemble des entreprises destinataires de cette communication.
39 Il s'ensuit que les griefs retenus à l'article 1er, sous c), de la décision ont fait l'objet d'une communication appropriée à la requérante et que, dès lors, ils ne constituent pas des griefs nouveaux.
40 La question de savoir si la Commission a maintenu ces griefs à l'encontre de la requérante dans la décision et si, dans l'affirmative, elle a établi à suffisance de droit les constatations de fait supportant ces griefs, relève de l'examen par le Tribunal du bien-fondé de l'établissement de l'infraction. Il en va de même du grief tiré par la requérante de la responsabilité collective que lui imputerait la décision.
2. Non-communication du procès-verbal des auditions
41 La requérante voit un vice de procédure dans le fait que ni les membres du comité consultatif ni le membre de la Commission chargé des questions de concurrence ni les autres membres de la Commission n'ont disposé du procès-verbal définitif des auditions avant de se prononcer.
42 La Commission souligne que les membres du comité consultatif, comme ceux de la Commission, disposaient du procès-verbal provisoire des auditions dont le texte définitif ne se serait pas écarté de manière substantielle.
43 Elle ajoute qu'elle n'est pas tenue d'adresser le procès-verbal aux membres du comité consultatif et que d'ailleurs des représentants des Etats membres ont assisté aux auditions, exception faite des représentants de la Grèce et du Luxembourg qui n'étaient pas représentés à la deuxième session d'auditions organisée par la Commission. Par conséquent, selon la Commission, le procès-verbal ne pouvait servir que d'aide-mémoire aux membres du comité consultatif. Quant aux membres de la Commission, ils disposaient non seulement du procès-verbal provisoire, mais également des observations des entreprises sur ce procès-verbal.
44 La Commission relève, en outre, que les membres de la Commission et du comité consultatif ayant pu se prononcer en toute connaissance de cause, la décision n'aurait pas été différente, si l'irrégularité alléguée n'était pas intervenue et que, par conséquent, celle-ci serait d'importance secondaire (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, point 26, 30-78, Rec. p. 2229, et conclusions p. 2290).
45 Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère provisoire du procès-verbal de l'audition soumis au comité consultatif et à la Commission ne peut constituer un vice de la procédure administrative, susceptible d'entacher d'illégalité la décision qui en constitue l'aboutissement, que si le texte en question était rédigé de manière à induire en erreur ses destinataires sur un point essentiel (arrêt du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, point 17, 44-69, Rec. p. 733).
46 En ce qui concerne le procès-verbal transmis à la Commission, il y a lieu de relever que cette dernière a reçu, avec le procès-verbal provisoire, les remarques et les observations faites par les entreprises sur ce procès-verbal et qu'il y a lieu, dès lors, de considérer que les membres de la Commission ont été informés de toutes les données pertinentes avant de prendre la décision.
47 En ce qui concerne le procès-verbal provisoire transmis au comité consultatif, il convient de relever que la requérante n'a pas indiqué en quoi ce procès-verbal n'aurait pas retracé les auditions de manière loyale et exacte et qu'elle n'a, dès lors, pas établi en fait que le texte en question était rédigé de manière à induire en erreur sur un point essentiel les membres du comité consultatif.
48 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
3. Non-communication du rapport du conseiller-auditeur
49 La requérante soutient que le respect des droits de la défense exige qu'elle ait eu connaissance de l'avis qu'en vertu de son mandat, le conseiller-auditeur doit donner au directeur général de la concurrence.
50 La Commission estime que le rapport adressé par le conseiller-auditeur au directeur général de la concurrence, dès lors que ce rapport, émanant d'un fonctionnaire de la Commission, est généralement effectué oralement, s'inscrit dans un processus de décision interne à la Commission et qu'il ne saurait donc être communiqué aux entreprises.
51 La Commission relève, en outre, que le mandat du conseiller-auditeur ne prévoit aucune publicité de son rapport.
52 Enfin, elle souligne que la franchise et l'indépendance du conseiller-auditeur seraient compromises si ses interventions ne restaient pas confidentielles. Ce point de vue se trouverait confirmé par l'ordonnance de la Cour du 11 décembre 1986, ICI/Commission, points 5 à 8, 212-86 R, non publiée au Recueil), selon laquelle le rapport du conseiller-auditeur ne doit pas être pris en considération par la Cour aux fins de son contrôle juridictionnel.
53 Le Tribunal relève que les droits de la défense n'exigent pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur qui constitue un document purement interne à la Commission. A cet égard, la Cour a jugé que ce rapport a valeur d'avis pour la Commission, qu'elle n'est en aucune manière tenue de s'y ranger et que, dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (ordonnance du 11 décembre 1986, 212-86 R, précitée, points 5 à 8). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance de droit dès lors que les différentes instances concourant à l'élaboration de la décision finale ont été informées correctement de l'argumentation formulée par les entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission, ainsi qu'aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, point 7, 322-81, Rec. p. 3461).
54 A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises, ni de formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à l'encontre de celles-ci.
55 Il s'ensuit que les entreprises n'ont pas le droit, au titre du respect des droits de la défense, d'exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoir le commenter (voir arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19).
56 Par conséquent, le grief doit être rejeté.
4. Position particulière de la requérante dans la procédure administrative
57 La requérante fait remarquer qu'elle a été impliquée dans la procédure administrative alors que celle-ci avait déjà été engagée. Elle se serait ainsi trouvée dans une position particulière, ayant pour conséquence qu'elle n'aurait pas eu pleinement connaissance du débat contradictoire tel qu'il s'était déroulé jusque-là.
58 Le Tribunal constate que la requérante n'a pas indiqué en quoi sa position particulière dans la procédure administrative l'aurait privée de la possibilité de faire valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés par la Commission à son encontre dans les communications de griefs qui lui ont été adressées ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs et mentionnés par la Commission dans ses communications de griefs ou annexés à celles-ci.
59 Le fait que la requérante n'ait pas participé à la première série d'auditions ne l'a pas empêchée de prendre position utilement sur les griefs qui lui ont été adressés et elle ne peut donc se prévaloir du fait de n'avoir pas été informée du débat contradictoire qui s'était déjà déroulé entre la Commission et d'autres entreprises.
60 Il s'ensuit que la position particulière de la requérante dans la procédure administrative n'a pas conduit à une violation des droits de la défense et que le grief doit donc être rejeté.
Sur l'établissement de l'infraction
61 Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques.
62 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives, d'une part, à la période allant de novembre 1977 à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 (I) et, d'autre part, à la période allant de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979 à la fin de l'année 1982 ou au début de l'année 1983 (II), en ce qui concerne le système des réunions périodiques (A), les initiatives de prix (B), les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix (C) et la fixation de tonnages cibles et de quotas (D), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b), avant de les apprécier (c) et de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits.
1. Les constatations de fait
I - Pour la période allant de novembre 1977 à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979
A - Acte attaqué
63 La décision (point 78, quatrième alinéa) affirme que le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène a commencé à peu près à la fin de 1977, mais qu'il n'est pas possible de préciser la date à laquelle chaque producteur a commencé à y assister. Elle relève que Anic, qui figure parmi les producteurs dont il n'est pas prouvé qu'ils ont "soutenu" l'initiative de décembre 1977, admet avoir participé aux réunions dès le départ.
64 Toutefois, la décision (point 105, premier et deuxième alinéas) indique que la date précise à laquelle chaque producteur a commencé à assister aux sessions plénières périodiques ne peut être établie avec certitude. La date à laquelle Anic, ATO, BASF, DSM et Huels auraient commencé à participer aux arrangements ne pourrait avoir été ultérieure à 1979, puisqu'il serait établi que ces cinq producteurs ont tous participé à la répartition du marché ou au système de quotas introduit pour la première fois au cours de cette année.
B - Arguments des parties
65 La requérante fait valoir que la décision est erronée en ce qu'elle fait remonter sa participation aux réunions à novembre 1977. En effet, la Commission aurait mal interprété la réponse d'Anic à la demande de renseignements (annexe 27 à la communication spécifique des griefs adressée à Monte (ci-après "g. Monte ") à laquelle il est fait référence dans la communication spécifique des griefs adressée à Anic (ci-après "g. Anic ")) dans laquelle elle avait déclaré, d'une part, que les réunions ont débuté "au cours des années 70, vers la fin de cette période" et, d'autre part, que "la participation d'Anic pourrait être située à une époque proche du début des rencontres en question ". N'étant plus en possession des documents relatifs à cette période, la requérante aurait estimé de bonne foi que le début de sa participation, qu'elle situe en 1979, était proche du début des rencontres de producteurs qu'elle situait vers 1979, c'est-à-dire à la fin des années 70.
66 Elle relève, en outre, que la décision est contradictoire quant au début de sa participation. En son point 105, en effet, elle place Anic sur le même pied qu'ATO, BASF, DSM et Huels tout en reconnaissant n'avoir pas de preuve de la participation d'Anic avant 1979. En revanche, le dispositif fait grief à Anic d'avoir participé à l'infraction depuis novembre 1977 tandis qu'elle fait grief à ATO d'y avoir pris part depuis 1978 et à BASF, DSM et Huels depuis un moment indéterminé compris entre 1977 et 1979.
67 La Commission, quant à elle, expose qu'il résulte de l'aveu clair contenu dans la réponse d'Anic à la demande de renseignements que celle-ci a commencé à participer aux réunions de producteurs aux environs de novembre 1977.
68 La Commission affirme qu'Anic ne saurait revenir sur un tel aveu, d'autant plus que dans son mémoire en réplique, elle justifierait ce revirement par le fait que, au moment de sa réponse à la demande de renseignements, elle n'était pas en possession des documents de la Commission, ce qui indiquerait que la requérante a adapté sa réponse en fonction des éléments de preuve dont disposait la Commission.
C - Appréciation du Tribunal
69 Le Tribunal constate que, ainsi que la Commission l'a reconnu lors de l'audience, le seul élément de preuve qu'elle avance pour établir la participation de la requérante aux réunions durant la période en cause est la réponse de celle-ci à la demande de renseignements (ann 27, g. Monte), dans laquelle on peut lire :
" Incontri fra i produttori europei di polipropilene sono iniziati negli anni 70 intorno al termine di quel periodo. Non siamo in grado di stabilire con precisione la data in cui è iniziata la partecipazione dell'Anic, ma riteniamo si collochi in un momento prossimo all'inizio degli incontri stessi "
(" Les rencontres entre les producteurs européens de polypropylène ont débuté au cours des années 70, vers la fin de cette période. Nous ne sommes pas en mesure d'établir avec précision la date à laquelle a commencé la participation d'Anic, mais nous estimons qu'elle se situe à une époque proche du début des rencontres en question ")
70 A cet égard, il convient de relever que la réponse de la requérante ne peut être considérée comme un aveu clair de participation aux réunions depuis novembre 1977. En effet, la requérante donne de sa réponse une interprétation littérale et contextuelle parfaitement plausible qui se trouve corroborée par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) qui, après avoir indiqué que les réunions de " patrons " et d' " experts " ont débuté à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979, indique que Anic a participé régulièrement à ces réunions pendant la période où elle était présente sur le marché du polypropylène entre 1979 et 1983, soit après la période à l'examen.
71 Par ailleurs, il importe de souligner que le doute que la Commission a exprimé dans la décision elle-même (point 105, deuxième alinéa) en affirmant que la date à laquelle Anic, ATO, BASF, DSM et Hüls ont commencé à participer aux arrangements ne peut avoir été ultérieure à 1979, vient également appuyer l'interprétation donnée par la requérante à sa réponse à la demande de renseignements.
72 Il convient de relever que ce doute transparaît également dans la communication spécifique des griefs adressée à la requérante, dans laquelle la Commission a simplement reproduit la réponse d'Anic à la demande de renseignements sans indiquer l'interprétation qu'elle entendait lui donner quant à la détermination précise du début de la participation d'Anic aux réunions, ainsi que dans la communication générale des griefs dans laquelle la Commission n'a pas mentionné le nom de la requérante à propos des réunions tenues avant 1979.
73 Il résulte de ce qui précède que, ne pouvant présenter aucun élément de preuve de nature à étayer en fait une quelconque participation d'Anic à l'infraction avant la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit cette participation.
II - Pour la période allant de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979 à la fin de l'année 1982 ou au début de l'année 1983.
A - Le système des réunions périodiques
a) Acte attaqué
74 La décision (points 18, troisième 78, quatrième alinéa, et 105, deuxième alinéa) fait grief à la requérante d'avoir participé au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène en assistant régulièrement aux réunions jusqu'au milieu de l'année 1982 (points 19, premier alinéa, et 78, septième alinéa), moment où elle a cessé d'y participer à la suite de la réorganisation de l'industrie pétrochimique italienne et de la cession de son affaire de polypropylène à Monte.
75 La décision (point 21) affirme que ces réunions périodiques avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.
b) Arguments des parties
76 Si elle admet avoir commencé à participer aux réunions vers 1979, la requérante relève que la seule réunion à laquelle sa participation ait été prouvée par la Commission est une réunion de janvier 1981 (g. g. ann. 17) et que sa participation aux réunions a vraisemblablement cessé au début de l'année 1982 en raison de la situation de l'industrie chimique italienne, comme le prouveraient plusieurs comptes-rendus de réunions intervenues en 1982. A cet égard, on pourrait lire dans le compte-rendu d'une réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) que Anic/SIR ne viennent plus, alors que d'autres producteurs sont mentionnés simplement comme absents. Le compte-rendu d'une réunion du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 30) indiquerait également qu'Anic n'était plus présente et qu'elle était considérée comme un élément de trouble, ce que confirmerait également le compte-rendu d'une réunion du 2 novembre 1982 (g. g. ann. 32). Ce serait par erreur que, dans sa réponse à la demande de renseignements (ann. 27, g. Monte), Anic cru pouvoir déclarer qu'elle avait participé à une réunion en octobre 1982. Dans le corps de la décision, la Commission reconnaîtrait d'ailleurs elle-même qu'Anic a plus participé aux réunions " à partir du milieu ou de l afin de 1982 " (décision, point 19).
77 La requérante affirme que la mention de son nom dans des tableaux et des listes, annexés aux comptes-rendus de réunions, ne constitue pas une preuve décisive de sa présence aux réunions. En effet, il ressortirait clairement de la comparaison de toutes ces références contenues dans les tableaux que celles-ci sont les mêmes, tant pour la période au cours de laquelle Anic semble avoir été présente aux réunions que pour la période pour laquelle Anic n'a certainement pas été présente.
78 Elle ajoute que, dans nombre de ces tableaux, il est fait référence conjointement à Anic et à SIR comme si elles formaient une seule entreprise, alors qu'il existait une concurrence acharnée entre ces deux entreprises et qu'Anic n'aurait jamais accepté que l'on donne l'impression qu'elles formaient une seule entreprise.
79 Par ailleurs, la requérante soutient que sa participation aux réunions pendant la période en cause a été purement passive et elle rappelle que les documents produits par la Commission pour prouver le contraire, à savoir des tableaux et des listes annexés à des comptes-rendus de réunions de producteurs et mentionnant conjointement Anic et SIR, ne seraient pas probants.
80 Elle fait valoir, en outre, que dans les comptes-rendus des réunions, comme celles du 21 septembre ou du 2 novembre 1982 (g. g. ann. 30 et 32), Anic était présentée comme un problème ou un élément de trouble sur lequel il était nécessaire d'exercer des pressions. Cela prouverait qu'elle a eu un comportement concurrentiel et indépendant sur le marché.
81 La requérante affirme que sa participation aux réunions a été purement sporadique, alors que le grief formulé par la Commission exigerait la preuve d'une présence régulière aux réunions comme élément constitutif de l'infraction. A cet égard, elle relève que la décision est doublement contradictoire, d'une part, en affirmant en son point 18 que Anic participait régulièrement aux réunions, alors qu'au point 37, deuxième alinéa, elle l'exclut de la liste des participants réguliers aux réunions, et, d'autre part, en ne relevant la présence d'Anic qu'à deux réunions de janvier 1981 (point 33, troisième alinéa), alors qu'elle affirme que 55 réunions se seraient tenues de septembre 1979 à septembre 1983 (tableau 3 de la décision).
82 La Commission, de son côté estime qu'Anic a cessé de participer aux réunions au milieu ou à la fin de l'année 1982. Cette affirmation repose sur la réponse d'Anic à la demande de renseignements, dans laquelle on peut lire :
" Ci risulta che l'ultima partecipazione delle'Anic a una riunione di quel tipo dati dal mese di ottobre 1982 à Zurigo. "
(" Il nous apparaît que la dernière participation d'Anic à une réunion de ce type remonte au mois d'octobre 1982, à Zurich. ")
Cet aveu serait corroboré par la circonstance qu'Anic aurait participé en septembre 1982 à la fixation de quotas pour 1983, comme l'indiqueraient deux documents retrouvés chez ICI (g. g. ann. 73 et 76).
83 Elle ajoute que les comptes-rendus des réunions des 13 mai, 21 septembre et 2 novembre 1982 (g. g. ann. 24, 30 et 32), cités par la requérante, dans lesquels on peut lire "Anic/SIR no longer come" (" Anic/SIR ne viennent plus "), qu'"Anic were seen as a problem" (" Anic était considérée comme un problème "), "pressure was needed" (" il s'imposait d'exercer des pressions ") sur Anic et "Anic were alleged to be a nuisance" (" Anic passait pour une source d'ennuis "), ne sont pas de nature à disculper la requérante, dans la mesure où il ne faut pas confondre respect de l'entente et participation à celle-ci et où ces comptes-rendus se rapportent à une période durant laquelle la requérante a commencé à ne plus participer aux réunions.
84 La Commission relève que celui qui participe aux réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix ou de quotas ne peut se défendre en soutenant avoir adopté une attitude purement passive au cours de ces réunions. La distinction entre la simple présence aux réunions et l'acceptation des décisions prise lors de ces réunions ne serait pas pertinente. La participation, même passive, aux réunions serait, en effet, suffisante pour permettre aux concurrents de croire que le participant s'est engagé à suivre la ligne arrêtée en commun et pour l'exposer aux critiques de ses concurrents lorsqu'il dévie de cette ligne commune.
85 Elle fait valoir, par ailleurs, que le caractère sporadique de la participation d'Anic aux réunions est démenti par la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) dans laquelle la requérante est classée parmi les participants réguliers aux réunions. La Commission estime que la présence matérielle d'Anic aux réunions n'a perdu son caractère de régularité qu'à partir de mi 1982 et non au début de cette année. Elle expose que, si elle n'a pas été en mesure d'établir avec précision la liste des réunions auxquelles Anic a participé, c'est dû au fait que, contrairement à d'autres producteurs, celle-ci ne possédait plus les titres de mission de ses employés envoyés aux réunions.
86 La Commission précise encore, dans un souci d'être complète, que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, dans de nombreux documents, les noms d'Anic et SIR ne sont pas associés.
c) Appréciation du Tribunal
87 Le Tribunal constate qu'il résulte de la réponse de la requérante à la demande de renseignements (ann. 27, g. Monte) combinée avec la réponse d'ICI à cette même demande (g. g. ann. 8) que la Commission a établi à suffisance de droit qu'Anic a participé aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979.
88 En ce qui concerne le début de la participation d'Anic aux réunions, il convient de relever que la réponse d'ICI à la demande de renseignements classe la requérante, à la différence de deux autres producteurs, parmi les participants réguliers aux réunions de " patrons " et d' " experts " à partir de l'année 1979. Cette réponse doit être interprétée comme faisant remonter la participation de la requérante au début du système des réunions des " patrons " et " experts ", qui a été instauré à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979.
89 La réponse d'ICI à la demande de renseignements se trouve confirmée sur ce point par l'interprétation que dans les mémoires qu'elle a présentés devant le Tribunal, la requérante a donnée de sa propre réponse à la demande de renseignements en se référant au point 105, deuxième alinéa, de la décision. En effet, la requérante a indiqué que la seule date certaine relative au début de sa participation présumée aux réunions reste l'année 1979.
90 En ce qui concerne la fin de la participation d'Anic aux réunions, le Tribunal constate que la Commission a reconnu dans la décision (points 19, premier alinéa, et 78, septième alinéa) qu'un doute subsiste quant à la date précise et qu'elle a admis, dans les mémoires qu'elle a déposés devant le Tribunal, que la présence de la requérante aux réunions a perdu son caractère de régularité à partir de mai 1982. Pareillement, elle a reconnu lors de l'audience qu'au mois de septembre 1982 il n'y avait plus de participation effective d'Anic aux réunions.
91 Il résulte, en outre, du compte-rendu de la réunion du. 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) qu'il a été affirmé au cours de cette réunion qu'Anic ne venait plus. Cette affirmation est corroborée par les comptes-rendus des réunions postérieures dans lesquels le nom d'Anic ne figure plus en qualité de participant, à l'exception du compte-rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25) dont il ressort que la requérante a fourni à l'auteur de ce compte-rendu des chiffres précis relatifs aux ventes qu'elle avait effectuées aux mois d'avril et de mai 1982.
92 En ce qui concerne la participation de la requérante à une réunion en octobre 1982, le Tribunal constate qu'après avoir indiqué dans sa réponse à la demande de renseignements qu'elle aurait participé à ladite réunion, la requérante affirme à présent que cette indication est vraisemblablement erronée, affirmation qu'elle avait déjà formulée dans sa réponse à la communication des griefs.
93 A cet égard, le texte même du compte-rendu de la réunion en cause (g. g. ann. 31) montre qu'à l'instar des producteurs espagnols, de Hercules, d'Amoché et de BP, Annick n'a pas fourni au cours de cette réunion les données relatives à ses ventes pour le mois de septembre 1982, contrairement à ce qu'elle avait fait durant la réunion du 9 juin 1982, puisque à côté de ses chiffres comme de ceux des producteurs susmentionnés figure la mention " est " qui signifie manifestement " estimation ".
94 Par conséquent, il y a lieu de constater que c'est da façon erronée que la requérante a indiqué dans sa réponse à la demande de renseignements qu'elle avait participé à la réunion du 6 octobre 1982.
95 En ce qui concerne la régularité de la participation de la requérante au système de réunions périodiques, le Tribunal considère que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la réponse d'ICI à la demande de renseignements que la participation d'Anic a été régulière entre la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et la mi-1982.
96 C'est également à bon droit que la Commission a estimé, sur la base de la réponse d'ICI à la demande de renseignements, qui est confirmée par de nombreux comptes-rendus de réunions, qu'à l'époque où la requérante était encore présente sur le marché, l'objet des réunions était notamment de fixer des objectifs de prix et de volumes de vente. En effet, peut ire dans cette réponse : " 'Target prices' for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule... ", ainsi que " A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings " (" Les 'prix cibles' qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe... " ainsi que " un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors des réunions ").
De surcroît, faisant état de l'organisation, en plus des réunions de " patrons ", de réunions d' " experts " en marketing à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, la réponse d'ICI à la demande de renseignements relève que les discussions relatives à la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente se faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors que, en 1978, les " patrons " s'étaient bornés à développer le concept même des prix cibles.
98 Il faut ajouter que c'est encore à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements, dans laquelle on peut lire :
" Only 'Bosses' and 'Experts' meetings came to be held on a monthly basis... By late 1978/early 1979 it was determined that the ad hoc meetings of Senior Managers should be supplemented by meetings of lower level managers with more marjeting knowledge ".
(" Seules les réunions de 'patrons' et d' 'experts' avaient lieu sur une base mensuelle... Vers la fin de 1978-le début de 1979, il a été décidé que les réunions 'ad hoc' de patrons devaient être complétées par des réunions de dirigeants d'un niveau moins élevé, connaissant mieux le marketing "),
ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.
99 Il importe, par ailleurs, de relever que le caractère prétendument passif de la participation d'Anic aux réunions est démenti notamment par le fait qu'elle a fourni des informations sur les tonnages mensuels de ses ventes, comme ce fut le cas lors de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), et par la mention de son nom dans différents tableaux (g. g. ann. 55 à 62) dont le contenu a dû être fourni notamment par la requérante dans le cadre des réunions auxquelles elle participait. En effet, la plupart des requérantes ont admis dans leur réponse à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides d'échange de données et ICI a déclaré à propos d'un de ces tableaux, dans sa réponse à la demande de renseignements, que " the source of information for actual historic figures in the table would have been the producers themselves " (" la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes ").
100 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et la mi-1982, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, qu'elles s'inscrivaient dans un système et que la participation de la requérante à ces réunions n'a pas été purement passive. Toutefois, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que cette participation s'était poursuivie au-delà de la mi-1982.
B - Les initiatives de prix
a) Acte attaqué
101 Selon la décision (points 28 à 46) un système de fixation d'objectifs de prix aurait été mis en œuvre à travers des initiatives de prix dont cinq ont pu être identifiées pour la période en cause, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982 et la cinquième de septembre à novembre 1982.
102 La décision (point 33) ne cite nommément la requérante à cet égard que pour affirmer qu'elle a pris part, en janvier 1981, à deux réunions au cours desquelles il se serait avéré nécessaire de procéder à une hausse de prix, décidée en décembre 1980 pour le 1er février 1981 sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia. Cette hausse de prix serait opérée en deux phases, la hausse initiale restant d'application au 1er février et une nouvelle hausse devant être introduite à partir du 1er mars " sans exception ".
103 La décision (point 77, deuxième alinéa) reconnaît que la requérante n'a produit aucune instruction de prix, mais affirme que les comptes-rendus des réunions et autres documents démontrent néanmoins qu'Anic a participé régulièrement aux réunions au cours desquelles les initiatives de prix étaient discutées et décidées.
b) Arguments des parties
104 Sans nier toute participation aux initiatives de prix, la requérante soutient que la Commission n'a pas apporté la preuve de sa participation à ces initiatives. Elle relève que la Commission est en défaut de prouver sa participation à des réunions précises et qu'elle n'a pu découvrir aucune instruction de prix que la requérante aurait adressée à ses bureaux de vente.
105 Elle fait valoir que les prix qu'elle a pratiqués ont toujours été différents des prix cibles, qu'elle n'a jamais eu de prix de barème pour le polypropylène et que les prix pratiqués par ses bureaux de vente étaient le résultat d'une appréciation autonome du marché, respectueuse des lois de la concurrence.
106 La Commission, pour sa part, déduit la participation de la requérante aux initiatives de prix de sa participation aux réunions qui portaient principalement sur la définition d'objectifs de prix.
107 Elle ajoute que, si elle n'a pas pu recueillir plus d'éléments de preuve, c'est dû au fait que Anic n'a conservé aucun document relatif à cette période. La Commission estime que Anic ne peut échapper à ses responsabilités en niant simplement l'existence de toute trace écrite d'instructions de prix, alors qu'elle ne nie pas avoir participé aux réunions de producteurs.
108 La Commission soutient que le fait que ces réunions étaient suivies d'instructions de prix analogues émanant des divers producteurs démontre qu'il ne s'agissait pas de réunions de pure information, mais qu'elles avaient au contraire pour objet la coordination du comportement des producteurs sur le marché en matière de prix.
c) Appréciation du Tribunal
109 Le Tribunal constate que les comptes-rendus périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui y ont participé y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte-rendu de deux réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) :
" Whilst all the evidence pointed to actual prices not reaching the previous target levels in February it was agreed that the DM 1.75 target should remain and that DM 2.00 should be introduced without exception in March "
(" Bien que tout indiquait à l'évidence que pour le mois de février, les prix réels n'atteindraient pas les niveaux-cibles, les participants sont convenus de maintenir la cible de 1,75 DM et d'introduire celle de 2,00 DM sans exception au mois de mars ").
110 Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé, régulièrement, à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979 jusqu'à la mi-1982, à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. en effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions.
111 A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante a formulé deux arguments tendant à démontrer qu'elle n'aurait pas souscrit aux initiatives de prix convenues. Elle a exposé, en premier lieu, que sa participation aux réunions était purement passive et, en second lieu, qu'elle n'a aucunement tenu compte des résultats des réunions pour déterminer son comportement sur le marché en matière de prix et que, si un certain parallélisme de réactions a pu être dans le comportement d'Anic par rapport à celui des autres producteurs, il était dû à l'évolution du prix de la matière première et au comportement normal d'un petit producteur dans un marché dominé par les " quatre grands ".
112 Aucun de ces deux arguments ne peut être retenu comme indice pour corroborer l'affirmation de la requérante, qui prétend qu'elle n'a pas souscrit aux initiatives de prix convenues. En effet, le Tribunal rappelle que la Commission a établi à suffisance de droit que la participation de la requérante aux réunions n'a pas été de nature purement passive, de sorte que le premier argument exposé par la requérante ne peut trouver de fondement dans les faits. En ce qui concerne le second argument, il convient d'observer, tout d'abord, que même s'il était étayé en fait, il ne serait pas de nature à contredire la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix lors des réunions, mais tendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas mis en œuvre le résultat de ces réunions. La décision n'affirme d'ailleurs nullement que la requérante a pratiqué des prix correspondant toujours aux objectifs de prix convenus lors des réunions, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs de prix.
113 Il y a lieu de relever encore que, même si la Commission n'a pu obtenir d'instructions de prix émanant de la requérante et qu'ainsi elle ne disposait pas de la preuve de la mise en œuvre par celle-ci des initiatives de prix en cause ou d'un parallélisme de comportement, cela n'infirme en rien la constatation de la participation de la requérante à ces initiatives.
114 Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), dans laquelle on peut lire que :
" 'Target prices' for the basic grade of each principal category of polypropylène as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule... "
(" Les prix cibles qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe... "),
que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.
115 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées aux points 29 à 39 de la décision et que ces initiatives s'inscrivaient dans un système. Toutefois, n'ayant pas établi à suffisance de droit la participation de la requérante aux réunions périodique durant la seconde moitié de l'année 1982, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit la participation de la requérante à l'initiative de prix mentionnée aux points 40 à 43 de la décision.
C - Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix
a) Acte attaqué
116 La décision [article 1er, sous c), et point 27 : voir aussi point 42] fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de septembre 1982, un système d' " account management " ayant pour but d'appliquer les hausses à des clients particuliers.
117 En ce qui concerne le système d' " account management ", dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous le nom d' " account leadership ", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou " leader " d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume Uni et un " coordinateur " aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file (" leader "), chargé d'orienter, de négocier, d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le nom de " contenders " et coopéraient avec l' " account leader ", lorsqu'ils faisaient offre au client en question. Pour " protéger " l' " account leader " et les " contenders ", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI, selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte-rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait qu'à cette époque le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.
b) Arguments des parties
118 La requérante soutient qu'il est difficile de comprendre à quoi se réfère la Commission lorsqu'elle lui reproche d'avoir participé à une limitation temporaire de la production, à un échange d'informations détaillées sur ses livraisons et à l'organisation de réunions locales. Elle expose que la Commission ne dispose d'aucune preuve de sa participation à ces différentes activités. En effet, elle aurait toujours produit au maximum de sa capacité effective, sous réserve de réductions dues à des grèves en 1980 et 1981 et à des pannes d'installations en 1980 et 1981 ; dans les comptes-rendus de réunions rédigés par un employé d'ICI, il ne serait fait aucune référence à des informations relatives aux livraisons d'Anic, l'unique référence étant celle relative à des parts de marché, faite presque toujours globalement pour Anic et SIR ; enfin, la décision ne serait aucune mention de sa participation à des réunions locales ni même à l'existence de telles réunions pour l'Italie.
119 En ce qui concerne sa participation au système d' " account management ", la requérante fait valoir que ce système a été élaboré à une période où elle ne participait plus aux réunions.
120 La Commission, de son côté, fait valoir que les griefs de limitation temporaire de la production et de tenue de réunions locales sont mentionnés aux points 71 et 43 de la communication générale des griefs et que l'échange d'informations détaillées sur les livraisons est visé aux points 56 à 59 de la décision relatifs aux mesures temporaires de limitation des volumes de vente en 1981 et 1982. Quant au système d' " account management ", elle déclare qu'elle n'a jamais voulu affirmer la responsabilité de la requérante et que c'est pour cette raison que la communication des griefs ne le mentionne pas.
c) Appréciation du Tribunal
121 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26, deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun des producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir à divers moments lors des réunions adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures, mentionnées dans la décision, destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie de commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.
122 Force est de constater que la Commission n'a pas pu établir à suffisance de droit que la requérante aurait participé aux réunions au cours desquelles cet ensemble de mesures a été adopté [notamment celles des 13 mai, 2 et 21 septembre et 2 décembre 1982 (g. g. ann. 24, 29, 30 et 33)] et qu'elle n'a donc pas davantage établi à suffisance de droit que la requérante aurait souscrit à cet ensemble de mesures.
123 Il s'ensuit, en premier lieu, que la participation de la requérante au système d' " account management " n'a pas été établie à suffisance de droit. A cet égard, la Commission a indiqué, dans son mémoire en défense, qu'elle n'avait jamais voulu affirmer la responsabilité d'Anic sur ce point. Le Tribunal constate cependant qu'une telle limitation des griefs retenus à l'encontre de la requérante ne ressort ni de la décision ni des communications des griefs. Dans la décision, en effet (points 19 premier alinéa, et 78, septième alinéa), la Commission a laissé ouverte la possibilité que la requérante ait participé aux réunions durant la seconde moitié de l'année 1982, ce qui implique qu'elle a dû considérer également que, si tel était le cas, elle avait participé aux mesures décrites en son point 27, qui avaient été prises au cours de ces réunions et qui sont reprochées, sans aucune réserve, à tous les producteurs ayant participé aux réunions périodiques. En particulier, le point 85 de la communication générale des griefs expose que " les producteurs mirent au point un système destiné à réaliser client par client les augmentations de prix envisagées " sans que cette communication ni la communication spécifique des griefs adressée à la requérante comporte la moindre limitation de ce grief à son égard.
124 Il s'ensuit, en second lieu, que la participation de la requérante à des mesures de limitation de la production n'a pas non plus été établie à suffisance de droit. Dans son mémoire en défense, la Commission avait maintenu ce grief à l'encontre de la requérante en se référant au point 71 de la communication générale des griefs (en réalité il s'agit des points 67 et 79) alors qu'à l'audience, elle a indiqué qu'il n'avait jamais été reproché à la requérante d'avoir participé d'une façon directe à ce comportement sur le marché.
125 Par ailleurs, la Commission a affirmé que son grief relatif à l'échange d'informations sur les ventes, mentionné également au point 27 de la décision, se confondait en fait avec son grief relatif aux quotas pour les années 1981 et 1982 [décision, article 1er, sous e)] avec lequel il convient donc de l'examiner.
126 En ce qui concerne la participation de la requérante à des réunions locales, la Commission a affirmé lors de l'audience qu'elle n'en avait pas fait grief à la requérante. En effet, le point 20 de la décision énumère les producteurs à l'encontre desquels ce grief a été retenu et la requérante ne figure pas parmi ceux-ci. Par conséquent, il faut constater que ce grief n'a pas été retenu contre la requérante dans l'acte attaqué.
127 Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix ; pour autant que la décision lui ait fait grief d'y avoir pris part.
D - Tonnages cibles et quotas
a) Acte attaqué
128 Selon la décision (point 31, troisième alinéa), " la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue " au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte-rendu mentionnerait u projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année.
129 La décision (point 52) relève encore que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d'août 1982. Si chaque producteur s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'aurait cependant existé aucune limitation systématique préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.
130 Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979 ; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l' " objectif ajusté " par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe occidentale (décision, point 54).
131 A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les " objectifs convenus " afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différents producteurs correspondraient grosso modo à leur cible.
132 Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu à titre de mesure temporaire, que pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l' " objectif " de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces " ambitions ", aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être conclu pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).
133 La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient été d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées à la réunion et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers envie d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983, auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales consacrées au nouveau système. Toutefois, en attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché auraient un certain équilibre et seraient, pour la plupart des producteurs, restés stables, comparées aux années antérieures.
134 D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée dans un premier temps au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte-rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait que ATO, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Monte et Solvay, de même que Hercules auraient trouvé " acceptable " le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982.
135 La décision (point 77, deuxième alinéa, in fine) conclut que les documents relatifs aux arrangements en matière de quotas indiquent que la requérante a participé pleinement à ces projets pendant tout le temps de sa présence sur le marché du polypropylène et qu'elle est restée impliquée dans les accords de quotas couvrant le premier trimestre de 1983 pour le moins (point 78, septième alinéa).
b) Arguments des parties
136 Pour les années 1979 à 1982, la requérante fait valoir que les tableaux mentionnés par la Commission (g. g. ann. 55 à 62) ont été rédigés par des tiers et non par elle-même et que, comme tels, ils ne peuvent refléter que la pensée de leur rédacteur, sans constituer aucunement une preuve concluante ni de la participation d'Anic à leur rédaction ni d'une conformité effective de l'écrit à la réalité des faits.
137 Elle estime que la mention de son nom dans ces différents tableaux n'est pas probante pour deux raisons ; d'une part, parce que rien ne prouve que ces tableaux soient le résultat de discussions entre les producteurs et, d'autre part, parce qu'Anic y est mentionné conjointement avec SIR tant en ce qui concerne les chiffres de ses ventes que son quota, ce qu'Anic n'aurait jamais pu accepter, étant donné les relations de concurrence acharnée existant entre ces deux entreprises.
138 La requérante expose encore que sa participation au système de quotas est démentie par le fait que son appareil de production a toujours été utilisé au maximum de sa capacité sous réserve de grèves et de pannes techniques en 1980 et 1981.
139 Pour 1983, la requérante soutient qu'il n'est pas plausible qu'elle ait pu participer à des accords de quotas en communiquant ses aspirations à ICI, puisqu'elle n'assistait plus aux réunions au cours desquelles ces accords auraient été conclus qu'il n'est nullement démontré qu'il y ait eu des contacts entre elle et d'autres producteurs à ce propos en dehors des réunions. Pour affirmer le contraire, la Commission se fonderait sur des suppositions qui ne trouverait aucun fondement dans la réalité des faits, et elle contribuerait ainsi à renverser la charge de la preuve.
140 En outre, la prétendue communication de ses aspirations dans un document daté du 28 octobre 1982 (g. g. ann. 76) ne pourrait être considérée comme probante puisqu'elle porte sur l'année 1983 et que Anic avait cédé ses activités dans le secteur du polypropylène à Monte depuis la mi-1982. En effet, elle aurait cessé de participer aux réunions dès la mi-1982 et il serait illogique qu'elle participe fin 1982 à la négociation d'un accord de quotas pour 1983 portant sur un marché dont elle était sortie. C'est pourquoi elle dénie toute valeur probante au document en cause, dont elle affirme qu'il ne peut émaner d'elle.
141 La Commission estime, quant à elle, que la participation d'Anic aux accords de quotas résulte de la mention de son nom dans différents tableaux (g. g. ann. 55 à 62) reprenant, pour tous les producteurs de polypropymène d'Europe occidentale, des chiffres de vente pour différentes années, ainsi que des " revised targets " (" objectifs révisés ") ou " des quotas ", des " aspirations " ou encore des " agreed targets " (" objectifs convenus "). Ces tableaux auraient la plupart été rédigés entre 1979 et 1982 et portaient sur les volumes de vente de ces années. Ils auraient été retrouvés chez ICI et ATO notamment et émaneraient de différents producteurs. A ces différentes tableaux, la Commission ajoute le compte-rendu de deux réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) auquel est joint un tableau comparant les " targets " et les chiffres représentant les ventes " actual " (ventes " effectives ").
142 Elle relèvent que, contrairement à ce qu'affirme Anic, tous ces documents n'émanent pas d'ICI et que, dans la plupart d'entre eux, les chiffres relatifs à Anic sont mentionnés séparément de ceux de SIR.
143 La Commission fait encore valoir que ces différents documents contiennent des chiffres qui doivent nécessairement avoir été communiqués par Anic elle-même.
144 Elle soutient, en outre que Anic a pris part aux accords de quotas portant sur l'année 1983. Elle fondé sa conviction sur la combinaison de deux documents (g. g. ann. 73 et 76). Le premier, décrivant succinctement le système de quotas pour l'année 1983, a été retrouvé chez ICI et montrerait que cette dernière a invité les producteurs à formuler individuellement leurs propres aspirations en matière de quotas, ce qu'ils ont fait comme le montrent différents documents (g. g. ann. 74 à 77). Selon la Commission, le second document constitue l'exposé des aspirations d'Anic. L'ensemble de ces aspirations aurait fait l'objet d'un document de synthèse informatique rédigé par ICI (g. g. ann. 85).
145 La Commission expose à ce sujet que, même si Anic n'assistait plus aux régions qui se sont tenues à cette époque, elle a continué à participer aux accords de quotas. L'entente ne se serait pas réduite à la présence aux réunions et l'on ne saurait déduire l'absence de la requérante à une ou plusieurs réunions qu'elle avait cessé d'adhérer à l'entente, car cette absence n'impliquerait pas en soi l'ignorance des résultats de ces réunions ni la non-adhésion à ces résultats, comme le montreraient, d'une part, le document daté du 28 octobre 1982 contenant les aspirations d'Anic (g. g. ann. 76), et, d'autre part, la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) qui indiquerait que des contacts avec les producteurs absents aux réunions avaient lieu.
146 Elle ajoute que, contrairement à ce qu'affirme la requérante, il est parfaitement plausible que celle-ci ait continué à participer à de tels accords en 1983, dans la mesure où elle est restée sur le marché jusqu'en avril 1983, bien qu'elle ait cédé ses activités à Monte fin 1982. La Commission fonde cette affirmation sur les annexes à la réponse d'Anic à la demande de renseignements, dans lesquelles figurent les chiffres allant jusqu'à fin avril 1983. La Commission estime, dès lors, qu'il n'était pas du tout illogique qu'Anic participe en octobre 1982 aux négociations sur la conclusion d'un accord de quotas pour 1983.
c) Appréciation du Tribunal
147 Il y a lieu de rappeler que la requérante a participé régulièrement, à partir de la fin de l'année 1978 ou du début 1979 jusqu'à mi-1982, aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles des discussions relatives au volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées.
148 Il convient de relever, parallèlement à la participation d'Anic aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux dont le contenu indique clairement qu'ils étaient destinés à la définition d'objectifs de volumes (g. g. an. 55 et s. ). Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO, et Hercules sur la base des statistiques du système Fides et ICI a déclaré à propos d'un de ces tableaux dans sa réponse à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) que " the souce of information for actual historic figures in this table would have been the producers themeselves " (" la source dont proviennent les chiffres de ce tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés à dû être considérer que le producteurs eux-mêmes "). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux avait été fourni par Anic dans le cadre des réunions auxquelles elle participait.
149 La terminologie utilisée dans les différents documents relatifs aux années 1979 et 1980 produits par la Commission [comme " revised target " (" objectif révisé "), " opening suggestions " (" suggestions de départ "), " proposed adjustements " (" ajustements proposés "), " agreed targets " (" objectifs convenus "] permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus.
150 En ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, il convient de relever sur la base de l'ensemble du compte-rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (g. g. ann. 55), intitulé " Producers' Sales to West Europe " (" Ventes des producteurs en Europe occidentale "), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale, les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques ". 1979 actual " (" chiffres effectifs de 1979 "), " revised target " et " 79 ", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme " tight " (" strict "), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1/12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois. Cette interprétation du compte-rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre " 79 " dans la dernière colonne à droite de la colonne intitulée " revised target ", des chiffres qui doivent correspondre au quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux parce qu'ils avaient été établis sur la base d'un marché évalué de manière trop optimiste, comme cela a également été le cas en 1982. Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet " proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année ". En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de la décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.
151 En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (g. g. ann. 60) et comportant une colonne " agreed targets 1980 " (" objectifs convenus 1980 ") ainsi que du compte-rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) au cours desquelles des producteurs, parmi lesquels figure la requérante, ont comparé les quantités effectivement vendues (" Actual kt ") aux objectifs fixés (" Target kt "). En outre, ces documents se trouvent confirmés par un tableau daté du 8 octobre 1980 (g. g. ann. 57) comparant deux colonnes dont l'une reprend la " 1980 Nameplate Capacity " (" Capacité nominale ") et l'autre le " 1980 Quota " pour les différents producteurs.
152 Pour l'année 1981, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année et d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs " ambitions " et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire de réduire leurs ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l' " objectif " convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions donné connaissance de leurs ventes, et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.
153 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs " ambitions " au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres " actual " et ses " targets " pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses " aspirations " pour 1981 (g. g. ann. 59 et 61) ; un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 62) reprenant, pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut lui attribuer pour 1981 et ses propres " ambitions " pour 1981 ainsi qu'une note interne d'ICI (g. g. ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire :
" Taking the various alternatives discussed at yesterday's meeting we would prefer to limit the volume to be shared to no more than the market is expected to reach in 1981, say 1.35 million tonnes. Although there has been no further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share of about 0.35 % provided the more ambitous smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR also tempered their demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich. "
(" Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les quatre grands pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980 à condition que les plus ambitieux des producteurs moins importants, tels que Solvay, Saga, Chemie Linz, Anic/SIR, tempèrent aussi leurs exigences. A condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des 'patrons', si possible avant la réunion de Zurich. ")
Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 (". % of 1980 target ").
154 L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte-rendu des réunions de janvier 1981, dans lequel on peut lire :
" In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers ".
[" Dans l'intervalle (février/mars) le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel de clients ". ]
155 Le fait que les producteurs se sont assignés, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et ont vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents. Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (g. g. ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel ont été ajoutées à la main. Il s'agit, ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien " Scarti per società " (" écarts ventilés par société ") et découvert chez ICI (g. g. ann. 65), qui compare pour chaque producteur pour la période janvier-décembre 1981 les chiffres de vente " actual " avec les chiffres " theoretic " (" théoriques "). Il s'agit, enfin, d'un tableau non daté, découvert chez ICI (g. g. ann. 68), comparant pour chaque producteur pour la période de janvier à novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.
156 En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles. Lorsqu'il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période - un tel échange d'informations qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision.
157 La participation de la requérante à ces différentes activités résulte, d'une part, de sa participation aux réunions au cours desquelles ces actions ont eu lieu et notamment aux réunions de janvier 1981, et d'autre part, de la mention de son nom dans les différents documents susmentionnés. Dans ces documents figurent d'ailleurs des chiffres dont il convient de rappeler qu'ICI a déclaré dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal - à laquelle d'autres requérantes font référence dans leur propres réponse - qu'il n'aurait pas été possible de les établir sur la base des statistiques du système Fides.
158 Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année ; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages ; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.
159 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'instaurer un régime de quotas, et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions, sont attestées, en premier lieu, par un document intitulé " Scheme for discussions 'quota system 1982' (" Schéma de discussion d'un système de quotas 1982 ") (g. g. ann. 69), dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception d'Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell, et Solvay) le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs ; en second lieu, par une note d'ICI intitulée " Polypropylène 1982, Guidelines " (" Polypropylène 1982, lignes directrices ") (g. g. ann. 70,a), dans laquelle ICI analyse les négociations en cours ; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (g. g. ann. 70, b), dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées - dont l'une intitulée " ICI Original Scheme " (" Schéma initial ICI "), fait l'objet, dans un autre tableau, manuscrit, d'adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée " Milliavacca 27/1/82 " (il s'agit du nom d'un employé de Monte) (g. g. ann. 70,c) - et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 71) qui constitue une proposition (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).
160 Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24), dans lequel on peut lire notamment :
" To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. of normal sales. "
["A titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des ventes normales. "]
L'exécution de ces mesures est attestée par le compte-rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25) auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre " actual " de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre " theoretical based on 1981 av(erage) market share " (" théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1981 "), ainsi que par le compte-rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1882 (g. g. ann. 26) en ce qui concerne la période de janvier à mai 1982 et par celui du 20 août 1982 (g. g. ann. 28) en ce qui concerne la période de janvier à juillet 1982.
161 Le Tribunal constate que, en ce qui concerne l'année 1981 ainsi que le premier semestre de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.
162 Il faut ajouter qu'en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.
163 Les arguments présentés par la requérante ne sont pas de nature à infirmer les constatations de fait opérées par la Commission en ce qui concerne sa participation aux différentes mesures de limitation des volumes de vente pour les années 1979, 1980 et 1981 et le premier semestre de l'année 1982.
164 En premier lieu, en effet, l'argument de la requérante tiré de ce que les documents produits par la Commission émanent de tiers et ne seraient pas le résultat de discussions entre les producteurs est démenti par la teneur des comptes-rendus de réunions (g. g. ann. 12, 17, 23 et 25) qui indiquent que celles-ci portaient notamment sur la fixation d'objectifs de volumes de vente et que les producteurs y communiquaient leurs propres chiffres.
165 En second lieu, même s'il était établi que la requérante a utilisé ses capacités de production au maximum, une telle utilisation n'est pas nature à démentir que les producteurs se sont reparti des volumes de vente. Tout ce qu'elle permettrait éventuellement d'établir, c'est que la requérante n'a pas respecté ce qu'elle avait convenu.
166 En troisième lieu, enfin, la mention conjointe d'Anic/SIR dans de nombreux documents n'est pas non plus de nature à infirmer la valeur probante des documents sur lesquels elle figure. En effet, elle ne figure que dans des documents postérieurs à novembre 1980, alors que dans les documents antérieurs (g. g. ann. 55 à 58) Anic et SIR se voyaient attribuer des chiffres distincts. Cela s'explique par le fait que, depuis le 28 novembre 1980, en vertu de l'article 2 de la loi n° 784, du 28 novembre 1980, ENI, société à laquelle appartenait Anic,. a été autorisée " ad assumere il mandato per la gestione della predettta sociétà " (" à être mandatée pour assurer la gestion de la société précitée ") et que, dès lors, ces sociétés n'étaient plus concurrentes.
167 En revanche, le Tribunal constate que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la requérante a pris part aux mesures de limitation des volumes de vente pour le second semestre de l'année 1982, puisque Anic avait cessé de participer aux réunions dès la mi-1982 et que la limitation des ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premiers semestre de cette année était indissociable du contrôle, effectué a posteriori par les producteurs. lors de leurs réunions, de la correspondance entre les chiffres effectivement réalisés pour un mois déterminé et ceux qui auraient dû théoriquement être réalisés.
168 Cette constatation est corroborée par le fait que les comptes-rendus des réunions au cours desquelles la mise en œuvre de la limitation des ventes mensuelles a été contrôlée (celles des 6 octobre et 2 décembre 1982, g. g. ann. 29 et 33) indiquent que la requérante n'a pas pris part à ce contrôle en fournissant ses chiffres de vente puisque l'ont peut lire dans les tableaux joints à ces comptes-rendus à côté du nom d'Anic soit un chiffre suivi de " est " (pour " estimation "), soit les lettres " N. A. " (pour " not available ") (" non disponible ") et un chiffre estimé.
169 Le Tribunal constate, enfin, qu'il est fait grief à la requérante d'être restée " impliquée dans les accords de quotas couvrant le premier trimestre de 1983 pour le moins " (décision, point 78, septième alinéa), bien qu'elle eut cessé de participer aux réunions à la mi-1982 ou à la fin de cette année.
170 Il ressort d'une lecture du dispositif de la décision à la lumière de ses motifs (points 19, 60, 77; deuxième alinéa, 78, septième alinéa, et 96, deuxième alinéa) et de la communication spécifique des griefs adressée à la requérante que ce dont il est en réalité fait grief à Anic, c'est d'avoir participé durant le dernier trimestre de 1982 aux négociations en vue de la fixation de quotas pour le premiers trimestre de 1983.
171 La requérante rétorque à ce grief qu'il est invraisemblable qu'elle ait participé fin 1982 à la négociation d'un accord de quotas pour 1983 puisque, à ce moment, elle était sortie du marché du polypropylène.
172 A cet égard, il y a lieu de relever que c'est à bon droit que la Commission a déduit des annexes à la réponse de la requérante à la demande de renseignements, dans laquelle figuraient ses propres chiffres de vente jusqu'en avril 1983, que Anic est restée présente sur le marché du polypropylène jusqu'au mois d'avril 1983.
173 Lors de l'audience, il est apparu que le décret-loi relatif au transfert d'activités d'Anic à Monte datait de juillet 1982, mais qu'à ce moment on ne connaissait pas exactement le montant de la transaction. La formalisation de l'accord et la détermination du prix n'ont eu lieu que le 29 octobre 1982.
174 Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas invraisemblable que la requérante ait transmis aux autres producteurs à la fin de l'année 1982 ses aspirations en vue de la fixation de quotas pour le premier trimestre de 1983. Il convient, dès lors, d'examiner si la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante avait fait connaître ses aspirations.
175 Sur ce point, la preuve centrale avancée par la Commission est constituée par une note manuscrite, rédigée par un employé d'ICI et datée du 28 octobre 1982 (g. g. ann. 76), dont un tableau récapitulatif informatique découvert chez ICI (g. g. ann. 85, p. 2) indique qu'elle exprime les " aspirations " de la requérante en matière de volumes de vente et ses propositions quant aux quotas à attribuer aux autres producteurs.
176 Or, le simple fait de communiquer ses " aspirations " en matière de volumes de vente ainsi que ses propositions quant aux quotas à attribuer aux autres producteurs, à la demande d'un employé d'une entreprise concurrente qui préside des réunions dont l'objet est notamment la fixation d'objectifs de volumes de vente, doit être considéré comme une participation ponctuelle aux négociations en vue de la fixation de quotas pour le premier trimestre de 1983. En effet, s'il n'est pas établi que la requérante participait alors aux réunions ou qu'elle restait en contact permanent avec les autres producteurs, il convient néanmoins de considérer qu'en communiquant ses aspirations la requérante a tenté, avant de vendre ses actifs dans le secteur du polypropylène à Monte, d'augmenter leur valeur en y intégrant une " aspiration " plus importante en matière de volumes de vente.
177 Par conséquent, le Tribunal constate que la requérante a communiqué à ICI ses aspirations en matière de volumes de vente à la fin octobre 1982 en vue de fixer des quotas pour les premier trimestre de 1983 alors qu'elle avait cessé de participer au système des réunions périodiques mi-1982.
178 Il y a lieu de conclure au vu des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit, d'une part, que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur les objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour l'année 1981 et le premier semestre de l'année 1982 mentionnés dans la décision et qui s'inscrivaient dans un système de quotas, et, d'autre part, que fin octobre 1982 la requérante a communiqué à ICI ses aspirations en matière de volumes de vente pour le premier trimestre de l'année 1983. Par contre, la Commission n'a pas établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur la limitation de leurs ventes par référence à une période antérieure, pour le second semestre de l'année 1982.
2. L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
A - Qualification juridique
a) Acte attaqué
179 Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans de d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un " accord " unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.
180 En l'espèce, les producteurs en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).
181 La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils aient arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite à maintenir, dans toutes la mesure du possible, les positions respectives des producteurs.
182 La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une " initiative " auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur 'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).
183 Selon la décision (point 86, premier alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un " accord " au sens de l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE.
184 La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d' " accord " et celle de " pratique concertée " sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et de l'autre forme de coopération illicite.
185 La notion de " pratique concertée " viserait une forme de coordination entre entreprises, qui, sans l'avoir poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).
186 Selon la décision (point 87, premier aliéna), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. 619).
187 La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 11-73, 113-73 et 114-73, Rec. 1663), que les critères de coordination et de coopération définis par sa jurisprudence, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan ", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de d'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté demeures concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché (décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que " pratique concertée ", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, première phrase).
188 En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).
189 L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision (point 87, quatrième alinéa), tant de la distinction entre une telle pratique et un " accord " que la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tous élément de concertation. Peu important, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.
190 La décision (point 88, premier et deuxième alinéa) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant " initiatives de prix " ne résultait d'aucun " accord " au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des " actes manifestés " sur le marché ; or, ceux-ci seraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun " prix cible " n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument car s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes-rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients. Il importait peu qu'ils aient ou non " publié " des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.
b) Arguments des parties
191 La requérante admet que la distinction entre accord et pratique concertée peut ne pas être importante, étant donné que c'est précisément l'engagement collusoire sous toutes ses formes qui fait l'objet de l'interdiction prévue à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En revanche, lorsqu'il s'agit d'établir non plus l'existence de la violation de cette disposition, mais le type et le degré de la responsabilité découlant de cette violation, il conviendrait, selon la requérante, d'opérer une distinction entre l'accord et la pratique concertée.
192 Dans le cas de l'accord, dès que l'adhésion des participants au plan général faisant l'objet de l'accord est prouvé, une responsabilité serait plausible, même pour les activités auxquelles certains des participants à l'accord n'ont pas directement et nécessairement participé.
193 La requérante soutient qu'en revanche, dans le cas de la pratique concertée, la preuve de l'adhésion au plan général faisant précisément défaut, la pratique concertée ne serait prouvée que pour les actions et les comportements dont il est établi qu'ils sont le résultat d'une concertation. Ce serait donc dans les limites de ces actions ou comportements que se réaliserait la pratique concertée elle-même. Par conséquent, dans le cas d'une pratique concertée, il ne serait pas possible d'attribuer aux participants une responsabilité allant au-delà des actions et des comportements qui sont directement et effectivement prouvées et qui sont imputables à une concertation.
194 La Commission fait observer, quant à elle, à propos des conséquences que la requérante voudrait tirer de la qualification d'accord ou de pratique concertée que la requérante cherche à fragmenter une infraction unique, à savoir l'entente destinée à soutenir les prix du polypropylène en une série d'infractions distinctes afin de limiter sa responsabilité. Ainsi, elle tenterait de dissocier artificiellement les différentes actions entreprises dans le cadre de l'entente alors que ces actions formeraient un tout. Le fait d'avoir adhéré à l'entente - par la participation aux réunions incriminées - associerait nécessairement Anic aux responsabilités qui découlent de l'ensemble des actions entreprises.
195 Elle expose, par ailleurs, que la pratique concertée ne suppose pas nécessairement la preuve d'un comportement sur le marché. Le simple fait de participer à des contacts, pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises, suffirait pour constituer une contravention à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
c) Appréciation du Tribunal
196 Il y a lieu de constater que la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord, soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d' " accord " chacun de ces différents éléments.
197 De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de " pratiques concertées " les éléments de l'infraction lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales, soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut qu'à certains égard, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peuvent revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.
198 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir l'arrêt du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission. point 112, 41-69, Rec. p. 661, et arrêt du 29 octobre 1980, Heintz van Landewyck/Commission, point 86, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125), la Commission était en droit de qualifier d'accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des initiatives de prix, des objectifs de volumes de vente pour les années 1979 et 1980 et des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure pour l'année 1981 et le premier semestre de l'année 1982.
199 En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché(arrêt du 16 décembre 1975, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, points 173 et 174).
200 En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires ou sur leurs chiffres de vente. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.
201 Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché, pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.
202 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les réunions périodiques de producteurs de polypropylèneauxquelles a participé la requérante entre la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et la mi-1982 ainsi que la communication par la requérante à ICI fin octobre 1982 de ses aspirations en termes de volumes de vente pour le premier trimestre de l'année 1983.
203 Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d' " un accord et une pratique concertée ", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclus s'inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix ou de quotas.
204 Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.
205 Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d'" un accord et une pratique concertée ", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d' " accords " et des éléments devant être qualifiés de " pratiques concertées ". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.
206 Par ailleurs, il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que celle-ci a apporté à suffisance de droit la preuve de la réunion dans le chef de la requérante de chacun des éléments constitutifs de cette infraction pendant la durée de sa participation au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène et que, dès lors, la Commission ne lui a pas imputé la responsabilité du comportement d'autres producteurs.
207 Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le grief doit être rejeté.
B- Effet restrictif sur la concurrence
a) Acte attaqué
208 La décision (point 90, premier et deuxième alinéas) relève que pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence. Toutefois, en l'espèce, tout indiquerait que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.
b) Arguments des parties
209 La requérante fait valoir que sa politique commerciale, tant en ce qui concerne les prix que les volumes de vente, a été tout à fait indépendante du contenu des réunions auxquelles elle a participé. A cet égard, elle relève que les autres producteurs la considéraient comme un problème ou un élément de trouble et que l'on estimait nécessaire d'exercer une pression sur elle.
210 Elle relève que la Commission a reconnu que pour Anic, aucune instruction de prix aux bureaux de vente n'a pu être recueillie. Toutefois, elle indique qu'elle a fourni à la Commission des informations concernant son système de formation des prix et la politique des prix qu'elle avait menée. Ainsi, elle aurait démontré que les prix qu'elle avait pratiqués ont toujours été différents des " objectifs de prix ", qu'elle n'a jamais eu un barème de prix pour le polypropylène et qu'elle a toujours produit au maximum de sa capacité de production effective.
211 La requérante fait encore valoir que sa prétendue participation à l'entente était si minime, en raison de sa petite part de marché, qu'elle ne pouvait pas avoir un effet restrictif sur la concurrence si on la compare à la présence prédominante des " quatre grands " qui à eux seuls occupaient plus de 50 % du marché. Elle indique qu'avec une part de marché inférieure à 3 %, il lui était absolument impossible de s'opposer au comportement des grands ou d'exercer une influence quelconque sur celui-ci.
212 La Commission, quant à elle, expose qu'elle a déjà répondu pour l'essentiel aux arguments de la requérante. Elle rejette cependant catégoriquement le moyen pris par la requérante de l'insignifiance de sa part de marché dont celle-ci déduit que sa participation ne peut certainement pas avoir induit un effet restrictif sur la concurrence. La Commission rétorque que pour l'application de l'article 85, les effets restrictifs nécessaires sont ceux attribuables à l'entente prise dans son ensemble et non à la participation d'une seule entreprise. Si tel n'était pas le cas, sur un marché composé de nombreuses petites entreprises, un cartel comprenant 100 % des producteurs devrait échapper à l'interdiction compte tenu de l'apport insignifiant de chaque participant considéré individuellement.
c) Appréciation du Tribunal
213 Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ne tombait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans le mesure où son comportement concurrentiel sur le marché attesterait que cette participation était dépourvue tant d'objets que d'effet anticoncurrentiel.
214 L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
215 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les réunions périodiques auxquelles la requérante a participé avec des concurrents avaient pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun, notamment par la fixation d'objectifs de prix ou de volumes de vente et que, par conséquent, sa participation à ces réunions n'était pas dépourvue d'objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
216 Par ailleurs, il convient de rejeter l'argumentation de la requérante qui tend à démontrer que ses activités propres ne pouvaient restreindre la concurrence, dans le mesure où la question pertinente est non celle de savoir si la participation individuelle de la requérante à l'infraction à été susceptible de restreindre la concurrence, mais bien celle de savoir si l'infraction à laquelle elle a participé avec d'autres a pu la restreindre. A cet égard, il faut relever que les entreprises ayant participé à l'infraction constatée dans la décision détiennent la quasi-totalité de ce marché, ce qui indique à l'évidence que l'infraction qu'elles ont commise ensemble a pu restreindre la concurrence.
217 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
C - Affectation du commerce entre Etats membres
a) Acte attaqué
218 La décision affirme (point 93, premier alinéa) que l'accord entre les producteurs était susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre Etats membres.
219 En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement, l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance à travers toute la Communauté (et dans d'autres pays d'Europe occidentale), aurait été susceptible en soi de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de pareil accord (décision, point 93, troisième alinéa). Selon la décision (point 93, quatrième alinéa), la fixation de prix à un niveau artificiel par voie d'accord, plutôt qu'en laissant au marché le soin de trouver son propre équilibre, aurait altéré la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Les entreprises auraient été déchargées de la nécessité immédiate de réagir aux forces du marché et de s'attaquer au problème de surcapacités dont elles avaient constaté l'existence.
220 La décision (point 94) relève que les prix cibles fixés par État membre, discutés à fond aux réunions nationales, même s'il fallait tenir compte dans une certaine mesure de la situation locale, ont nécessairement altéré le schéma des échanges et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Le système de l' " account leadership ", en orientant la clientèle vers certains producteurs nommément désignés, aurait encore aggravé l'effet des arrangement, en matière de prix. La Commission admet que, en fixant des quotas ou des cibles, les producteur n'ont pas ventilé les attributions de volumes par Etat membre ou par région. Toutefois, l'existence même d'un quota ou d'une cible contribuerait à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur.
b) Arguments des parties
221 La requérante répète à ce propos que, en raison de sa taille insignifiante sur le marché, sa participation à l'entente alléguée n'était pas de nature à affecter le commerce entre Etats membres.
222 La Commission rappelle que cet argument est inacceptable, car ce n'est pas la participation de la requérante qui doit être susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, mais bien l'entente dans son ensemble.
c) Appréciation du Tribunal
223 Il y a lieu de relever que la Commission n'avait pas l'obligation de démontrer que la participation de la requérante à un accord et une pratique concertée avait eu un effet sensible sur les échanges entre Etats membres. En effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE requiert seulement que les accords et les pratiques concertées soient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres. A cet égard, force est de constater que les restrictions de concurrence observées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue (arrêt du 29 octobre 1980, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité, point 172).
224 Par ailleurs, il convient de rappeler à ce stade que la requérante ne peut se prévaloir de sa petite taille sur le marché pour prétendre que ses activités propres ne pouvaient exercer une influence sur le commerce entre les Etats membres, puisque l'infraction qu'elle a commise conjointement avec d'autres est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres.
225 Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit, aux points 93 et 94 de la décision, que l'infraction à laquelle a participé la requérante, était susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, sans qu'il ait été nécessaire qu'elle démontre que la participation individuelle de la requérante a affecté les échanges entre Etats membres.
226 Le grief, doit, dès lors être rejeté.
3. Conclusion
227 Il résulte de tout ce qui précède, en premier lieu, que les constatations de fait opérées par la Commission à l'encontre de la requérante pour la période antérieure à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979 ainsi que pour la période postérieure à la fin du mois d'octobre 1982 n'ayant pas été établies à suffisance de droit, l'article 1er de la décision doit être annulé en ce qu'il constate que la requérante a participé à l'infraction pour ces périodes ; en second lieu, que les constatations de fait opérées par la Commission à l'encontre de la requérante pour la période postérieure à la mi-1982 en ce qui concerne sa participation au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène, aux initiatives de prix ainsi qu'à la limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure n'ayant pas été établies à suffisance de droit, l'article 1er de la décision doit être annulé en ce qu'il constate cette participation ; en troisième lieu, que les constatations de fait opérées par la Commission à l'encontre de la requérante, en ce qui concerne les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix n'ayant pas été établies à suffisance de droit, l'article 1er de la décision doit être annulé en ce qu'il constate que la requérante a pris part à ces mesures. Pour le surplus, les griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l'acte attaqué doivent être rejetés.
Sur l'imputabilité de l'infraction à la requérante.
228 La requérante soutient que c'est à tort que la Commission lui a imputé l'infraction, dans la mesure où celle-ci aurait dû pour partie être imputée à SIR et pour partie à Monte. Elle commence par décrire les avatars du secteur du polypropylène en Italie, dans lequel jusqu'au début de 1982, trois producteurs italiens - Monte Anic et SIR - se seraient livrés une forte concurrence. Par la suite, deux restructurations successives du secteur seraient intervenues. Tout d'abord, le 9 décembre 1981, les installations de SIR auraient été transférées à SIL, société possédée à 100 % par Anic. En juin 1982, les actions de SIL auraient été " girate per procura " à Enoxy Chimica, puis le 31 décembre 1982, transférées à cette société. A cette date, l'ensemble du secteur du polypropylène en Italie serait passé aux mains de Monte. Anic aurait alors quitté définitivement ce secteur. Compte tenu de ces évolutions, il importerait de déterminer avec précision à qui doivent être imputées les infractions en cause.
229 La requérante fait observer que, dans sa décision, la Commission serait partie du principe suivant lequel ce sont les entreprises qui sont les sujets de droit pour l'application des règles communautaires de la concurrence. Cette notion d'entreprise ne se confondrait pas avec celle de personnalité juridique utilisée dans le droit des sociétés et le droit fiscal. Anic reconnaît la validité de ce principe qui serait conforme à la jurisprudence de la Cour et que la Commission aurait appliqué dans la décision aux entreprises norvégiennes Saga Petrokjemi et Statoil (points 97 et suivants).
230 La requérante soutient que ce principe n'a pas été correctement appliqué dans le cas des entreprises italiennes. D'une part, ce n'est pas à Anic, mais bien à SIR que la Commission aurait dû imputer les faits relatifs à cette société qui existe encore, bien qu'elle soit en liquidation. Or, la Commission aurait opéré à tort une confusion constante entre les deux sociétés, ce qui permettrait à SIR d'échapper à toute poursuite. D'autre part, cette solution serait en contradiction avec celle adoptée par la décision en ce qui concerne la cession à Monte de l'entreprise de polypropylène de Anic. En effet, la Commission considérerait que, du moment que Anic continue d'exister en tant qu'entité, elle serait responsable des infractions commises par l'entreprise de polypropylène dont elle était titulaire avant de la céder à Monte. Ce faisant, la Commission utiliserait la notion d'entreprise en tant qu'entité ayant la personnalité juridique et non en tant qu'entité économique opérationnelle.
231 Elle fait valoir que cette distinction, rendue possible parce que le cédant a continué à exister après la cession de l'entreprise, aboutit à des conséquences absurdes et arbitraires. La responsabilité du cédant pour les infractions commises par l'entreprise cédée dépendraient exclusivement des points de savoir si le cédant a d'autres activités d'entreprise et comment ces activités sont organisées. Ainsi, il aurait suffi à Anic, pour échapper à toute responsabilité de céder ses activités dans les autres secteurs à d'autres sociétés après avoir cédé ses activités dans le secteur du polypropylène à Monte.
232 Pour justifier la solution différente adoptée pour les entreprises norvégiennes, la Commission fait valoir que, dans le cas norvégien, l' " emballage juridique " avait disparu alors qu'il continuerait d'exister dans le cas d'Anic. La requérante réfute l'argument et soutient que la question serait de savoir quel est l'élément qui doit primer : l'entreprise ou bien l' " emballage juridique ". Cette question résolue, il conviendrait d'appliquer de manière constante l'élément ainsi retenu. Tout aussi inacceptable serait l'argument de la Commission selon lequel, dans le cas d'Anic, il n'y aurait pas eu de cession d'entreprise puisque la notion d'entreprise ne coïnciderait pas avec celle de produit ou de secteur d'activités. Selon la requérante, en effet, le secteur du polypropylène constituait lui-même une unité économique à l'intérieur d'Anic. C'est cette unité économique, et donc l'entreprise correspondante avec tous les biens matériels et immatériels, qui aurait été cédée.
233 Enfin, la requérante relève que le fait de ne pas imputer à SIR elle-même les actes que celle-ci a commis peut constituer une contradiction dans la décision. En effet, toutes les fois, que la Commission a trouvé dans les documents une référence conjointe Anic-SIR, elle a attribué le comportement qui s'y rapporte à la requérante. Or, il serait tout aussi plausible que dans certains cas, ce soit SIR et non pas Anic qui soit responsable d'un comportement déterminé. Dès lors, la Commission aurait dû tenir compte, au moins dans la détermination de l'amende, de la possibilité que tous les comportements résultant des documents qui présentent une référence conjointe Anic-SIR ne soient pas imputables à la requérante.
234 La Commission considère, de son côté, que la cas norvégien est différent de celui d'Anic. Dans le cas norvégien, l' " emballage juridique " de l'entreprise aurait disparu, alors que celui-ci continuerait à exister sous une forme différente, mais avec des caractéristiques économiques et fonctionnelles inchangées pour l'essentiel. L'erreur de la requérante serait de croire que, dans la cas norvégien, la Commission est partie de l'idée que la notion d'entreprise coïncide avec celle du produit ou de secteur d'activités. La notion d'entreprise serait, au contraire, une notion complexe qui implique des éléments humains et matériels, confondus dans l'exercice d'une activité économique unitaire que l'opinion des concurrents et des clients peut contribuer à identifier. Tant l'entreprise norvégienne que Anic correspondraient à cette notion. Anic, en effet, ne serait pas constituée de plusieurs entreprises, une par secteur de production. Elle aurait comme entreprise, un objectif unique. C'est pourquoi elle serait toujours restée la même entreprise avant et après la cession de ses activités de production de polypropylène. Il n'y aurait donc aucune raison de ne pas imputer l'infraction à la personne juridique lui correspondant.
235 Le Tribunal considère qu'en interdisant aux entreprises, notamment de conclure des accords ou de participer à des pratiques concertées susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, article 85, paragraphe 1, du traité CEE s'adresse à des entités économiques constituées d'un ensemble d'éléments matériels et humains pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition.
236 Lorsque l'existence d'une telle infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise afin qu'elle réponde de celle-ci.
237 Toutefois, lorsque, entre le moment où l'infraction est commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient de localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier dans un second temps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble, afin d'éviter que, en raison de la disparition de la personne responsable de son exploitation au moment de la commission de l'infraction, l'entreprise puisse ne pas répondre de celle-ci.
238 Dans le cas de la requérante, la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment de la commission de l'infraction a continué d'exister jusqu'à l'adoption de la décision. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la Commission lui a imputé l'infraction.
239 Il convient d'ajouter que le cas de Saga Petrokjemi est différent puisque la personne morale responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment de la commission de l'infraction a cessé d'exister suite à sa fusion avec Statoil.
240 En outre, le Tribunal considère, qu'il n'est pas nécessaire, en l'espèce, de répondre à la question de savoir ce qu'il adviendrait si l'entreprise qui a commis l'infraction disparaissait en tant qu'entité économique constituée d'un ensemble d'éléments matériels et humains ni à celle de savoir quelle société doit répondre d'une infraction commise par une entreprise appartenant à un groupe de sociétés.
241 En ce qui concerne la prétendue imputation à la requérante d'actes commis par SIR, il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que l'infraction a été établie à l'encontre de la requérante sur la base de ses seuls agissements.
242 Par ailleurs, il importe de faire remarquer que la Commission a déclaré devant le Tribunal qu'une éventuelle infraction commise par SIR aurait dû être imputée à cette entreprise elle-même, dans la mesure où la personne morale qui était responsable de l'exploitation de cette entreprise au moment de la commission d'une éventuelle infraction continue d'exister, même si elle est en liquidation, mais que des raisons d'opportunité l'ont conduite à ne pas engager de procédure contre cette entreprise.
243 Le grief doit, dès lors être rejeté.
Sur la motivation
244 La requérante soutient que la décision est entachée d'une violation de l'article 190 du traité CEE en ce qu'elle ne fait aucune référence à l'avis qu'en vertu de son mandat, même le conseiller-auditeur doit adresser au directeur général de la concurrence.
245 Elle estime que rien ne permet d'accréditer la thèse de la Commission selon laquelle l'article 190 ne viserait que les avis émis par des organes différents de l'organe de décision.
246 La Commission estime que l'article 190 ne saurait être appliqué au rapport adressé par le conseiller-auditeur au directeur général de la concurrence, dès lors que ce rapport, émanant d'un fonctionnaire de la Commission, est généralement effectué oralement, qu'il s'inscrit dans un processus de décision interne à la Commission et qu'il ne saurait être assimilé à un avis et encore moins à un avis obligatoire.
247 Selon la Commission, l'article 190 du traité CEE a uniquement pour objet d'assurer le contrôle de la régularité de la procédure en permettant de vérifier dans les cas où le traité a requis la participation à la procédure de décision d'organes autres que l'organes investi du pouvoir de décision, si cette participation a effectivement lieu.
248 Le Tribunal relève, à titre liminaire, que les dispositions pertinentes du mandat du conseiller-auditeur, qui a été annexé au Treizième rapport sur la politique de concurrence, sont les suivantes :
" Article 2
Le conseiller-auditeur a pour mission d'assurer le bon déroulement de l'audition et de contribuer par-là au caractère objectif tant de l'audition que de la décision ultérieure éventuelle. Il veille notamment à ce que tous les éléments pertinents, qu'ils soient favorables ou défavorables aux intéressés, soient dûment pris en considération dans l'élaboration des projets de décision de la Commission en matière de concurrence. Dans l'exercice de ses fonctions, il veille au respect des droits de la défense, tout en tenant compte de la nécessité d'une application efficace des règles de concurrence, en conformité avec les règlements en vigueur et les principes retenus par la Cour de justice.
Article 5
Le conseiller-auditeur fait rapport au directeur général de la concurrence. sur le déroulement de l'audition et sur les conclusions qu'il en tire. Il formule ses observations sur la poursuite de la procédure. Ces observations peuvent concerner, entre autres, la nécessité d'un complément d'information, l'abandon de certains points de griefs ou la communication de griefs supplémentaires.
Article 6
Dans l'exercice des fonctions définies à l'article 2 ci-avant, le conseiller-auditeur peut, s'il estime approprié, saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence lorsque est soumis à ce dernier l'avant-projet de décision destiné au comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.
Article 7
Le cas échéant, le membre de la Commission chargé des questions de concurrence peut décider, sur demande du conseiller-auditeur, de joindre l'avis final émis par celui-ci au projet de décision dont est saisie la Commission, de manière à garantir que celle-ci, lorsqu'elle se prononce sur une affaire individuelle en tant qu'instance décisionnelle, soit pleinement informée de tous les éléments de l'affaire ".
249 Il résulte des termes mêmes du mandat du conseiller-auditeur que son rapport ne doit obligatoirement être communiqué ni au comité consultatif ni à la Commission. En effet, aucune disposition ne prévoit la transmission dudit rapport au comité consultatif. S'il est vrai que le conseiller-auditeur doit faire rapport au directeur générale de la concurrence (article 5) et qu'il a faculté, s'il estime approprié, de saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence (article 6), lequel a lui-même la faculté de joindre, sur demande du conseiller-auditeur, l'avis final de ce dernier au projet de décision soumis à la Commission (article 7), il n'existe toutefois aucune disposition faisant obligation au conseiller-auditeur, au directeur général de la concurrence ou au membre de la Commission chargé des questions de concurrence de transmettre à la Commission le rapport du conseiller-auditeur.
250 Il s'ensuit que ce rapport ne constitue pas un avis obligatoirement recueilli par la Commission en tant qu'organe de décision.
251 Par conséquent, le grief tiré de la violation de l'article 190 du traité CEE doit être rejeté.
Sur l'amende
252 La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 en n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.
1. La prescription
253 La requérante soutient que les comportements antérieurs au 5 décembre 1978 sont couverts par la prescription. En effet, compte tenu de l'absence de " liens de fait et de circonstance " entre les différents accords ou pratiques qui font l'objet de la décision, la prescription de cinq ans prévue par le règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p. 1, ci-après " règlement n° 2988-74 ") devrait s'appliquer aux comportements susvisés, puisque le premier acte interruptif de la prescription serait constitué par la demande de renseignements, notifiée à la requérante le 5 décembre 1983.
254 La Commission fait observer que l'infraction dont il est fait grief à Anic est une infraction unique qui s'est étendue de novembre 1977 jusqu'à fin de l'année 1982 ou au début de l'année 1983. La prescription n'était donc pas acquises lors du premier acte interruptif de prescription, à savoir la demande de renseignements datée du 29 novembre 1983.
255 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il a jugé que la Commission n'avait pas établi à suffisance de droit la participation de la requérante à l'infraction pour la période antérieure à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979, l'argumentation de la requérante est devenue sans objet.
2. La durée de l'infraction
256 La requérante fait valoir que la Commission a incorrectement apprécié la durée de sa participation à l'infraction en estimant qu'elle a débuté en novembre 1977 et qu'elle a pris fin à la fin de l'année 1982 ou au début de l'année 1983.
257 Elle estime, en outre, que l'indication fin 1982-début 1983 constitue une indication trop imprécise.
258 La Commission, quant à elle, expose qu'elle a correctement apprécié la durée de la participation d'Anic à l'infraction et que la différence entre fin 1982 et début 1983 constitue une imprécision de quelques jours seulement.
259 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la durée de l'infraction constatée dans le chef de la requérante a été plus courte que la durée retenue dans la décision, puisque, d'une part, l'infraction a débuté à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979 et non à partir de novembre 1977 environ, et que, d'autre part, elle a cessé à la fin du mois d'octobre 1982 et non à la fin de l'année 1982 ou au début de l'année 1983.
260 Il y a lieu de préciser, à cet égard, qu'il résulte de ces mêmes appréciations que, dès la mi-1982, la requérante a cessé de participer aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène, ainsi qu'aux concours de volontés qui s'y sont produits.
261 Il s'ensuit qu'à ce titre, le montant de l'amende infligée à la requérante doit être réduit.
3. La gravité de l'infraction
A - Le rôle limité de la requérante
262 La requérante fait valoir que contrairement à ce qui est affirmé au point 109 de la décision, il n'est plus plausible que la Commission ait tenu compte du rôle joué par les diverses entreprises pour fixer les amendes à infliger à chacune. En effet, alors que la décision se réfère sans cesse à des propositions, des initiatives ou des plans, aucune initiative n'y serait attribuée à Anic. Par ailleurs, la Commission aurait omis de tenir compte de l'absence de régularité de la présence d'Anic aux réunions et de l'absence de preuves en ce qui concerne les griefs autres que la présence aux réunions. Elle conclut que son comportement ne constitue pas une violation intentionnelle de l'article 85 du traité CEE.
263 La Commission répond qu'elle a correctement tenu compte du rôle joué par les diverses entreprises et que c'est pour cette raison que les " quatre grands " se sont vu infliger des amendes beaucoup plus élevées. Elle ajoute que la requérante n'indique pas en quoi son comportement ne constitue pas une violation délibérée de l'article 85 du traité CEE.
264 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction pendant la durée de sa participation à celle-ci et que c'est donc à bon droit que la Commission s'est basée sur ce rôle en vue du calcul de l'amende à infliger à la requérante.
265 En outre, le Tribunal constate que les faits qui ont été établis révèlent par leur gravité intrinsèque - notamment la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente - que la requérante n'a pas agi par imprudence, ni même par négligence, mais qu'elle a agi de propos délibéré.
266 Par conséquent, le grief doit être rejeté.
B - La taille de la requérante sur le marché du polypropylène
267 La requérante affirme que la Commission n'a pas correctement tenu compte de sa taille sur le marché du polypropylène, notamment en imputant à Anic la part de marché de SIR. En effet, dans la décision et les tableaux 1 et 8 qui lui sont annexés, la Commission traiterait conjointement les parts de marché d'Anic et de SIR. Cette confusion serait erronée en raison de la concurrence qui régnait entre ces deux entreprises et serait de nature à vicier la décision , puisque les parts de marché indiquées par la Commission dans son tableau 1 auraient servi de base à l'appréciation que celle-ci a faite pour déterminer d'une part, l'effet sur le marché des infractions reprochées à Anic, et d'autre part, le montant de l'amende.
268 La Commission répond que si, dans la décision, elle a indiqué un seul chiffre pour les deux entreprises, en mentionnant les deux noms (Anic/SIR), c'est parce que les informations étaient présentées comme cela dans les documents saisis. Mais on ne pourrait en déduire que la Commission aurait attribué à Anic les parts de marché de SIR pour déterminer l'effet que les infractions reprochées à Anic ont pu avoir sur le marché. Au nombre des critères pris en considération pour la détermination des amendes figureraient les parts de marché pour 1982 : la Commission n'aurait tenu compte que de celle d'Anic, celle de SIR étant au demeurant minime.
269 Le Tribunal considère que, pour apprécier ce grief, il convient d'analyser la manière dont la Commission a déterminé le montant de l'amende infligée à la requérante. La Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligés aux entreprises destinataires de la décision (point 108 de la décision ) et a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de la décision).
270 Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère partent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et en particulier sous a), b) et c), que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène qui agissaient dans le plus grand secret.
271 Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.
272 A cet égard, il convient de rejeter, tout d'abord, l'argument de la requérante selon lequel le tableau 1, annexé à la décision, a servi de base de calcul du montant de l'amende infligée à la requérante. En effet, ni le point 108 ni le point 109 de la décision ne se réfèrent aux " parts de marché en Europe occidentale (par producteur) ". Il est seulement fait référence à ce tableau au point 8 de la décision, qui fait partie de la description du marché du polypropylène en Europe Occidentale.
273 Le Tribunal constate que pour déterminer le montant de l'amende à infliger à chacune des entreprises, la Commission s'est référée, au point 109 de la décision, à leur taille sur le Marché communautaire du polypropylène en énumérant parmi les critères destinés à pondérer équitablement l'amende infligée à chacune des entreprises leurs livraisons respectives de polypropylène dans la Communauté.
274 Il importe de souligner que, s'il avait certes été préférable que la Commission mentionne dans la décision les chiffres qu'elle a pris en compte à ce titre, le fait qu'elle n'ait pas mentionné ces chiffres n'a pas pu entacher la décision d'une quelconque illégalité à l'égard de la requérante, dans la mesure où durant la procédure devant le Tribunal, la Commission a présenté les chiffres pertinents dont la requérante n'a pas contesté l'exactitude.
275 Il s'ensuit que pour calculer le montant de l'amende à infliger à la requérante, la Commission a correctement apprécié la taille de la requérante sur le Marché communautaire du polypropylène et que donc le grief doit être rejeté.
C - La prise en compte des effets de l'infraction
276 La requérante soutient que la Commission aurait dû tenir compte de comportement effectif d'Anic sur le marché en ce qui concerne tant les prix que les volumes, comportement qui pourrait être expliqué indépendamment de toute participation à des accords ou à des pratiques concertées.
277 A titre subsidiaire, elle fait valoir que son éventuelle participation à des accords ou à des pratiques concertées serait restée sans effet sur la concurrence et sur les échanges entre Etats membres.
278 La Commission rétorque qu'elle a retenu comme circonstance atténuante le fait que, de façon générale, les initiatives de prix n'ont pas atteint pleinement leur but et elle renvoie pour le surplus à ses constatations de fait et à son argumentation relative à l'effet de l'infraction sur la concurrence et à l'affectation du commerce entre Etats membres.
279 Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait qu'après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les " cibles " servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure que, en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte-rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).
280 Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir de nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients. Le fait que la Commission n'ait pu trouver d'instructions de prix émanant de la requérante n'est pas de nature à infirmer cette constatation, dans la mesure où les effets pris en considération par la Commission pour fixer le niveau général des amendes ne sont pas ceux résultant du comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise, mais bien ceux résultant de l'ensemble de l'infraction à laquelle l'entreprise a participé.
281 En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives en matière de prix n'ont généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait finalement aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.
282 Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.
283 Le Tribunal rappelle qu'il à déjà rejeté l'argumentation de la requérante, qui tend à démontrer qu'elle ne pouvait exercer une influence sur le marché et sur le commerce entre Etats membres en raison de sa petite taille sur le marché du polypropylène.
284 Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.
D - La prise en compte de la situation déficitaire du marché
285 La requérante relève que l'amende qui lui a été infligée est beaucoup plus élevée que les amendes prononcées par la Commission dans sa décision du 8 août 1984, Zinx Producer Group (JO L 220, p. 27) dans laquelle la Commission aurait tenu compte de la situation difficile du secteur. Elle en déduit que, en l'espèce, la Commission n'a pas tenu compte de la situation de crise dans laquelle se trouvaient les producteurs de polypropylène.
286 La requérante fait encore valoir que l'amende est également excessive par rapport aux amendes infligées par la Commission dans sa décision du 23 novembre 1984, Peroxygènes (JO L 35, p. 1), dans la mesure où, d'une part, les entreprises concernées à l'époque ne se trouvaient nullement dans une situation de crise et où l'unique objectif des comportements qui leur étaient reprochés par la Commission ne pouvait être que l'accroissement des profits et dans la mesure où, d'autre part, des amendes beaucoup plus légères leur ont été imposées, alors même que cette décision est intervenue après la durcissement de la politique de la Commission en matière d'amendes.
287 La Commission relève qu'elle a agi conformément à sa politique bien établie - et aux principes énoncés par la Cour en matière d'amendes - en infligeant des sanctions dans la présente affaire. Elle souligne que, dès 1979, elle s'est engagée dans une politique consistant à faire respecter les règles de concurrence en infligeant des sanctions plus lourdes, en particulier pour les catégories d'infractions bien établies en droit de la concurrence et pour les infractions particulièrement graves, comme c'est le cas, en l'espèce, de manière notamment à accroître l'effet dissuasif des sanctions. Cette politique aurait été approuvée par la Cour (arrêt du 7 juin 1983, Pioneer/Commission, points 106 et 109, 100-80 à 103-80, Rec. p. 182), qui aurait également admis, à plusieurs reprises, que la fixation des sanctions implique l'appréciation d'un ensemble complexe de facteurs (arrêt du 7 juin 1983, 100-80 à 103-80, précité, point 120, et arrêt du 8 novembre 1983, IAZ/Commission, point 52, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369).
288 La Commission serait particulièrement qualifiée pour se livrer à une telle appréciation qui ne pourrait être sanctionnée qu'en cas d'erreur significative de fait ou de droit. En outre, la Cour aurait confirmé que la Commission peut porter un jugement différent, selon les affaires, sur les sanctions qu'elle juge nécessaires, même si les affaires en question comportent des situations comparables (arrêt du 12 juillet 1979, BMW Belgium/Commission, point 53, 32-78, 36-78 à 82-78, Rec. 2435, et arrêt du 9 novembre 1983, 322-81, précité, points 11 et suivants).
289 La Commission souligne, enfin, que pour modérer le montant des amendes, elle a admis que les entreprises concernées ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation du secteur du polypropylène pendant une très longue période (décision, point 108), bien qu'elle considère n'avoir pas l'obligation de tenir compte des conditions économiques défavorables d'un secteur lors de la détermination du montant des amendes pour une infraction aux règles de la concurrence.
290 Le Tribunal constate que, contrairement aux affirmations de la requérante la Commission a indiqué explicitement au point 108, dernier tierce, de la décision, qu'elle a tenu compte du fait que les entreprises ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur polypropylène pendant une très longue période, ce qui indique non seulement que la Commission a tenu compte des pertes, mais également qu'elle a, de ce fait, tenu compte des conditions économiques défavorables du secteur (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, 322-81, précité, points 111 et suivants), en vue de déterminer, eu égard également aux autres critères mentionnés au point 108, le niveau général des amendes à imposer aux entreprises contrevenantes.
291 Par ailleurs, le fait que la Commission a estimé par le passé que, au vu des circonstances de fait, il y avait lieu de tenir compte de la situation de crise dans laquelle se trouvait le secteur économique en cause, ne saurait la contraindre à tenir compte de la même façon d'une telle situation dans la présente espèce, dès lors qu'il a été établi à suffisance de droit que les entreprises, auxquelles la décision est adressée, ont commis une infraction particulièrement grave aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE.
292 il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
E - L'absence d'infraction antérieure
293 La requérante reproche à la Commission de n'avoir tenu compte du fait que par le passé, aucune infraction aux règles communautaires de concurrence n'a jamais été reprochée à Anic, contrairement à d'autres producteurs.
294 La Commission fait remarquer qu'elle n'était pas obligée juridiquement d'imposer des amendes plus fortes aux entreprises déjà poursuivies dans le passé pour infraction aux règles de la concurrence.
295 Le Tribunal considère que le fait que la Commission a déjà constaté, par le passé, qu'une entreprise avait enfreint les règles de la concurrence et l'a, le cas échéant, sanctionnée à ce titre, peut être retenu comme circonstance aggravante contre cette entreprise, mais que l'absence d'infraction antérieure constitue une circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme circonstance atténuante, d'autant plus qu'en l'espèce, on se trouve en présence d'une infraction antérieure patente à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
296 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
F - L'accord ou la pratique concertée
297 La requérante rappelle que l'intérêt de la distinction entre les notions d' " accord " et de " pratique concertée " résident non seulement dans le type de responsabilité, mais également dans le degré de responsabilité découlant d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, puisque dans le cas de la pratique concertée, il n'y aurait pas de preuve de l'engagement collusoire en tant que tel.
298 La Commission, de son côté, n'admet pas que l'intérêt de la distinction entre ces deux notions se situe au niveau du degré de responsabilité.
299 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction qu'il a considéré que c'était à bon droit que la Commission avait qualifié l'infraction constatée à la fois d'accord et de pratique concertée, dans la mesure où les éléments de fait constatés ont relevé que les différents accords conclus et les différents pratiques concertées observées s'inscrivaient dans un schéma unique auquel la requérante a adhéré à travers sa participation à ces accords, et pratiques concertées. Il s'ensuit que c'est de cette qualification correcte de l'infraction qu'est partie la Commission pour opérer le calcul du montant de l'amende à infliger à la requérante.
300 Par conséquent, ce grief ne saurait être accueilli.
301 Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante est adéquate à la gravité de la violation des règles de concurrence communautaires constatée à l'encontre de la requérante, mais qu'elle doit être réduite en raison de la durée moindre de cette violation.
302 A ce titre, le Tribunal constate, en premier lieu, que la durée de l'infraction a été réduite de quatorze mois sur soixante-deux, puisque la Commission n'a pas établi la participation de la requérante à l'infraction pendant la période allant de novembre 1977 environ à la fin de l'année 1978 ou au début de l'année 1979. Toutefois, la Commission a déjà tenu compte, pour déterminer le montant des amendes, du fait que le mécanisme d'application de l'infraction n'a été entièrement établi que vers le début de l'année 1979 (décision, point 105, dernier aliéna).
303 Le Tribunal constate, en second lieu, que la durée de l'infraction a été réduite de deux mois puisque l'infraction n'a pas été établie à suffisance de droit pour la période allant de la fin du mois d'octobre 1982 à la fin de l'année 1982 ou au début de l'année 1983. A cet égard, il y a lieu de relever la gravité particulière de l'infraction durant ces deux mois.
304 Le Tribunal constate, en troisième lieu, qu'après la mi-1982, sous réserve de la communication par la requérante fin octobre 1982 de ses aspirations en matière de volumes de vente à ICI pour le premier trimestre de l'année 1983, la Commission n'a établi la participation de la requérante à aucun des éléments constitutifs de l'infraction.
305 Le Tribunal constate, en quatrième lieu, que la requérante n'a pas participé aux mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, pas même à celles qui ont été adoptées au cours de la période antérieure à la mi-1982.
306 Il résulte de tout ce qui précède que le montant de l'amende infligée à la requérante doit être réduit de 40 %.
Sur les dépens
307 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été partiellement accueilli et les parties ayant l'une et l'autre conclu à la condamnation de l'autres aux dépens, chaque partie supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) L'article 1er de la décision de la Commission du 23 avril 1986 (IV-31.149-Polypropylène, JO L 230, p. 1), pour autant qu'il constate qu'Anic a participé :
- à l'infraction avant la fin de l'année 1978 ou le début de l'année 1979 et après la fin du mois d'octobre 1982 ;
- au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène, aux initiatives de prix et à la limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure après la mi-1982 ;
- à des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, est annulée.
2) Le montant de l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de cette décision est fixé à 450 000 écus, soit 662 215 500 LIT.
3) Le recours est rejeté pour le surplus.
4) Chaque partie supportera ses propres dépens.