TPICE, 1re ch., 17 décembre 1991, n° T-7/89
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Hercules Chemicals NV
Défendeur :
Commission des Communautés européennes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cruz Vilaça
Juges :
MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts
Avocat :
Mes Siragusa.
LE TRIBUNAL (première chambre),
Les faits à l'origine du recours
1 La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.
2 Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA, elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries Plc et Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "quatre grands"), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Huels et BASF AG en Allemagne et le producteur autrichien Chemie Linz AG. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 à 90 % Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (1977 à 1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité, soit par des pertes substantielles en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène. Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri SpA détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries Plc, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Huels, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.
3 Hercules Chemicals NV fait partie des nouveaux producteurs apparus sur le marché en 1977. Sa position sur le marché ouest-européen était celle d'un producteur de taille moyenne dont la part de marché se situait entre 5 et 6,8 % environ. Toutefois, Hercules est le plus important producteur sur le marché américain.
4 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p 204, ci-après "règlement n° 17"), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le Marché communautaire :
- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO"),
- BASF AG (ci-après "BASF"),
- DSM NV (ci-après "DSM"),
- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules"),
- Hoechst AG (ci-après "Hoechst"),
- Chemische Werke Huels (ci-après "Huels"),
- Imperial Chemical Industries Plc (ci-après "ICI"),
- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte"),
- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell"),
- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay"),
- BP Chimie (ci-après "BP").
Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après "Rhône-Poulenc") ni chez Enichem Anic SpA .
5 A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après "demandes de renseignements"), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes :
- Amoco,
- Chemie Linz AG (ci-après "Linz"),
- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil"),
- Petrofina SA (ci-après "Petrofina"),
- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic").
Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et a refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en République fédérale d'Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.
6 Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu'entre 1977 et 1983 les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou de pourcentages convenus. C'est ainsi que le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17 et, au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.
7 Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé qu'au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises une liasse de documents réunissant des copies des instructions de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente, ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.
8 Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et à Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.
9 Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), d'Anic, d'ICI et de Rhône-Poulenc (qui estimaient ne pas avoir été en mesure de préparer leur dossier).
10 Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient pouvoir, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu ne pas avoir eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Huels a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.
11 C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives en matière de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.
12 Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.
13 Une deuxième session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985. Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.
14 Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif ") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.
15 Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant :
"Article premier
Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Huels (actuellement Huels AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant :
- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983 ;
- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980 ;
- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins ;
- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins ;
- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins ;
- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins ;
- pour BASF, DSM et Huels, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins ;
à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun :
a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale ;
b) ont fixé périodiquement des prix 'cible' (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté ;
c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d''account management' ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers ;
d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles ;
e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un 'quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er :
i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT ;
ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF ;
iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM ;
iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL ;
v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR ;
vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM ;
vii) Huels AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM ;
viii) ICI Plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL ;
ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT ;
x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT ;
xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR ;
xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF ;
xiii) Shell International Chemical Co Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL ;
xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR ;
xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.
Articles 4 et 5
(omissis)"
16 Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, les compléments et les suppressions de textes demandés par les entreprises leur a été envoyé.
La procédure
17 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 31 juillet 1986, la requérante a introduit le présent recours visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89 à T-4-89, T-6-89 et T-8-89 à T-15-89).
18 La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.
19 Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil du 24 octobre 1988 instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988").
20 En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.
21 Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.
22 Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point .
23 Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.
24 Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.
25 Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.
26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.
28 L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.
Les conclusions des parties
29 La société Hercules Chemicals NV conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
1) annuler en tout ou en partie les articles 1er et 3 de la décision de la Commission du 23 avril 1986 (IV-31.149 - Polypropylène) dans la mesure où ils s'appliquent à Hercules ;
2) à titre subsidiaire, modifier l'article 3 de la décision, dans la mesure où il s'applique à Hercules, de manière à annuler ou à réduire substantiellement le montant de l'amende infligée à Hercules
3) condamner la Commission aux dépens.
La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :
- rejeter le recours ;
- condamner la requérante aux dépens.
Sur le fond
30 Il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission aurait fondé la décision sur des documents dépourvus de valeur probante (1) et en ce qu'elle n'aurait pas communiqué à la requérante certains documents retenus contre elle dans la décision et aurait même refusé de lui communiquer certains documents que la requérante lui avait demandés (2) ; en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction, qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas correctement qualifié l'infraction (A), en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'effet restrictif sur la concurrence (B) et l'affectation du commerce entre États membres (C) et en ce qu'elle aurait imputé à la requérante une responsabilité collective (D) ; en troisième lieu, les griefs tirés de la violation du principe d'égalité de traitement ; en quatrième lieu, les griefs relatifs à la motivation de la décision qui portent sur le fait que la motivation serait insuffisante (1) et qu'elle ne contiendrait aucune référence au rapport du conseiller-auditeur (2) ; en cinquième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende, qui serait partiellement prescrite (1) et qui ne serait adéquate ni à la durée (2), ni à la gravité (3) de l'infraction alléguée.
Sur les droits de la défense
1. Valeur probante de certains documents retenus dans la décision
31 La requérante soutient que, à l'exception des instructions de prix données par Hercules (annexes à la lettre de la Commission du 29 mars 1985, ci-après "ann lettre du 29 mars 1985") et de quelques autres documents internes n'ayant qu'une valeur probante limitée, la Commission s'est fondée sur des documents qui n'émanaient pas de la requérante et qui n'étaient pas en possession de celle-ci. Il s'agirait de documents parfois illisibles, dont le sens serait obscur et ambigu, dont l'auteur ne serait pas connu et qui rapportent des rumeurs parfois au deuxième ou au troisième degré. Dans l'ignorance de l'origine de ces documents, Hercules prétend ne pas avoir été en mesure d'enquêter sur leur validité ou sur le contexte dans lequel son nom y était mentionné .
32 Elle soutient que la Commission, qui, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie/Commission, points 164 et suivants, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), doit fonder ses décisions sur des moyens raisonnables résultant de preuves crédibles dont le contenu est digne de foi, n'a pas davantage effectué d'enquête et n'a pas, comme elle aurait dû le faire (arrêt du 16 décembre 1975, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, points 396 et suivants), soumis à la critique les documents qu'elle a utilisés. Cette critique aurait été d'autant plus nécessaire qu'au regard des circonstances les instigateurs des initiatives en cause, auteurs desdits documents, auraient eu tout intérêt à donner une fausse impression sur la position des producteurs absents aux réunions en question de manière à inciter ceux qui y étaient présents à rejoindre leur position. Or, Hercules prétend démontrer, exemples à l'appui, que, même si, pris dans leur ensemble, les documents pouvaient prouver la teneur générale des discussions qui ont eu lieu entre les producteurs, il ne serait pas possible d'en tirer des conclusions précises sur le comportement de tel ou tel producteur, notamment lorsque celui-ci n'était pas présent auxdites réunions.
33 Elle note, dans sa réplique, que la Commission ne saurait se retrancher derrière le fait que, lors des auditions tenues en application de l'article 19 du règlement n° 17, les entreprises mises en cause ont délégué des personnes qui n'étaient pas les témoins directs des faits incriminés par la Commission. En effet, selon Hercules, il appartenait à la Commission d'utiliser ses pouvoirs pour requérir le témoignage de ces personnes si elle le souhaitait. Pour sa part, Hercules aurait permis aux inspecteurs de la Commission d'interroger celui de ses employés qui était présent aux réunions.
34 Enfin, la requérante relève que la Commission a interprété les documents en sa possession dans un sens systématiquement défavorable à Hercules et qu'elle a écarté certaines déclarations, figurant dans ces documents, qui auraient pu, en revanche, lui être favorables.
35 La Commission expose, de son côté, que Hercules passe sous silence des documents accablants dont certains ont été découverts dans ses locaux ou transmis par la société à la Commission comme les annexes 2, 23, 45 et 88 à la communication générale des griefs (ci-après "gg ann "). La Commission ajoute qu'elle avait des raisons de considérer les preuves, et notamment les documents émanant d'ICI, comme claires et dignes de foi en raison de leur contenu et du fait qu'elles se recoupent. Ainsi, dans sa réponse à la demande de renseignements (gg ann 8), ICI aurait précisé ses notes internes et notamment leurs conditions d'élaboration et l'identité de leur auteur.
36 Elle fait valoir, par ailleurs, que Hercules a déclaré dans sa réponse à la communication des griefs qu'il paraissait raisonnable d'admettre l'exactitude des listes de réunions citées par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements. De même, ce serait à tort que Hercules affirmerait que les énonciations contenues dans les documents ne sont que des rumeurs rapportées au deuxième ou au troisième degré. Pour la Commission, il s'agit de documents prouvant l'existence de l'entente de manière claire, cohérente et constante, et ce sur une longue période.
37 La Commission considère que, à partir du moment où l'on admet que dans l'ensemble les documents sont exacts et dignes de foi, on ne peut contester leur crédibilité en ce qui concerne divers aspects touchant certains producteurs en particulier. La Commission reproche au contraire à Hercules de n'avoir pas précisé celles des preuves que la Commission n'aurait pas dû juger "dignes de foi" et elle relève que Hercules ne cite, à cet égard, qu'un seul document précis, à savoir le compte-rendu d'une réunion du 1er juin 1983 (gg ann 40), mais en lui donnant une interprétation erronée et en l'isolant de son contexte qui montrerait que la déclaration qui y est mentionnée a été suivie d'instructions de prix.
38 Par ailleurs, la Commission estime que l'on ne saurait affirmer sur la base de l'arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, point 164), que la Commission est tenue de tenir des auditions sur la crédibilité des déclarations émanant de tiers. Quoiqu'il en soit, la Commission aurait procédé à des enquêtes autant que nécessaire, par exemple en interrogeant l'employé de Hercules qui participait aux réunions (annexe 7 à la communication spécifique des griefs adressée à Hercules, ci-après "g Her") et elle se serait assurée, au cours de la procédure administrative, de la crédibilité des preuves qu'elle a retenues.
39 Elle relève encore que, lors des auditions, Hercules aurait délégué son directeur général, préférant peut-être ne pas envoyer une personne capable d'apporter un témoignage direct au sujet des faits faisant l'objet des griefs formulés contre les entreprises, contrairement à la demande qui aurait été faite par le conseiller-auditeur.
40 La Commission fait valoir, enfin, qu'elle n'a pas administré les preuves de manière partiale et inéquitable. Si elle a préféré tel ou tel point de vue, ce serait parce que le poids des preuves faisait pencher la balance dans un sens plutôt que dans l'autre. Elle cite le point 78, dernier alinéa, de la décision pour montrer qu'elle a modifié sa démarche lorsque son point de vue initial n'était pas suffisamment étayé par les preuves.
41 Le Tribunal relève, tout d'abord, que l'identité des auteurs de la plupart des comptes-rendus de réunions émanant d'ICI est connue puisque cette dernière les a identifiés dans sa réponse à la demande de renseignements (gg ann 8).
42 Il y a lieu d'observer, ensuite, que le contenu de ces comptes-rendus est confirmé par différents documents, comme des comptes-rendus de réunions rédigés par un cadre de la requérante - tel celui de la réunion du 13 mai 1982 (ann 3, g Her ) qui confirme le compte-rendu de la même réunion établi par ICI (gg ann 24) - comme un certain nombre de tableaux chiffrés relatifs aux volumes de vente des différents producteurs, comme des instructions de prix correspondant, tant par leur montant que par leur date d'entrée en vigueur, aux objectifs de prix mentionnés dans lesdits comptes-rendus de réunions, comme les réponses de différents producteurs aux demandes de renseignements qui leur ont été adressées par la Commission. En outre, certains documents confirmant globalement la teneur des comptes-rendus de réunions émanant d'ICI ont précisément été découverts chez la requérante ou fournis par elle (gg ann 2, 23, 45 et 88).
43 Par conséquent, la Commission a pu raisonnablement considérer que les comptes-rendus de réunions découverts chez ICI reflétaient objectivement le contenu des réunions, dont la présidence était assurée par différents membres du personnel d'ICI, ce qui accroissait la nécessité pour eux d'informer correctement du contenu des réunions, en établissant des comptes-rendus de celles-ci, ceux des membres du personnel d'ICI qui ne participaient pas à l'une ou l'autre desdites réunions.
44 Dans ces circonstances, c'est à la requérante qu'il appartient de fournir une autre explication du contenu des réunions auxquelles elle a participé, en avançant des éléments précis, comme les notes prises par son employé au cours des réunions auxquelles il participait ou le témoignage des membres de son personnel ayant participé aux réunions. Force est de constater que la requérante n'a pas avancé ni offert d'avancer de tels éléments devant le Tribunal.
45 Par ailleurs, la question de savoir si les documents retenus par la Commission à la charge de la requérante étaient de nature à prouver non seulement la teneur générale des discussions qui ont eu lieu entre les producteurs, mais encore le comportement précis de la requérante, ou encore la question de savoir si la Commission a interprété ces documents d'une manière systématiquement défavorable à la requérante se confondent avec celle de savoir si les constatations de fait opérées par la Commission dans la décision sont étayées par les éléments de preuve qu'elle a produits. S'agissant là d'une question de fond liée à l'établissement de l'infraction, il y a lieu de l'examiner ultérieurement avec les autres questions liées à l'établissement de l'infraction.
2. Non-communication ou refus de communication de certains documents
46 La requérante relève qu'après la communication des griefs, la Commission a permis aux destinataires d'examiner le dossier de l'affaire. Toutefois, selon la requérante, un certain nombre de documents qui lui étaient favorables ne figuraient pas dans ce dossier. Elle aurait demandé en vain à la Commission, par lettre du 30 août 1984, de pouvoir accéder à ces documents qui auraient dû lui permettre d'établir le statut particulier de son employé, M. B., aux réunions. De même, la Commission lui aurait refusé, par lettre du 13 septembre 1984, alors qu'elle en avait fait la demande par lettre du 30 juillet 1984, le droit de prendre connaissance des réponses des autres producteurs à la communication des griefs qui auraient pu comporter des éléments favorables à Hercules et qui auraient pu lui permettre de préparer les auditions et d'envisager un éventuel recours.
47 La requérante conteste les motifs invoqués par la Commission pour justifier ces refus, à savoir qu'elle avait divulgué, dans les annexes à la communication des griefs, tous les renseignements nécessaires et suffisants pour permettre à Hercules de préparer sa défense, qu'elle avait pour devoir de tenir compte de tous les éléments de preuve, y compris ceux favorables à Hercules, et que, par conséquent, cette dernière n'avait pas besoin d'avoir accès aux documents demandés. La requérante estime que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 13 juillet 1966, Consten-Grundig/Commission, 56-64 et 58-64, Rec. p. 429 arrêt du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec p 619 arrêt du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint Association/Commission, 17-74, Rec. p. 1063 arrêt du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461), le respect des droits de la défense implique que les entreprises concernées soient informées des éléments de fait essentiels sur lesquels sont fondés les griefs de la Commission et soient mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Or, les griefs seraient basés non seulement sur les documents annexés à la communication des griefs, mais aussi sur des documents que le rédacteur de cette communication aurait décidé de laisser de côté. Ainsi, Hercules aurait été empêchée de prouver que la présence de son employé, M. B., à certaines réunions ne permettait pas de conclure à sa participation à une infraction. Il serait donc nécessaire pour la défense de souligner l'importance de toute information favorable à sa cause détenue par la Commission, mais que celle-ci pourrait avoir oubliée ou sous-estimée.
48 La requérante expose encore que cette violation des droits de la défense, commise par la Commission lors de la procédure administrative, ne peut pas être corrigée par la production en cours d'instance des documents en cause devant le juge communautaire.
49 Elle ajoute, dans sa réplique, que la Commission n'est pas fondée à lui reprocher de n'avoir pas été en mesure de désigner le moindre document à l'appui de ses allégations, puisqu'il lui a naturellement été impossible d'identifier des documents qui lui ont peut-être été dissimulés. La Commission ne pourrait pas davantage reprocher à Hercules d'avoir conclu que certains documents qui lui auraient été utiles avaient été retirés du dossier puisqu'il lui aurait été facile de dissiper les doutes sur ce point en donnant à Hercules accès aux documents de l'enquête non compris dans le dossier.
50 La Commission note, quant à elle, que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19), la Commission n'est pas tenue de divulguer ses dossiers aux parties. Elle ajoute qu'en tout état de cause les seuls documents qu'elle n'ait pas mis à la disposition de la requérante lors de la procédure d'accès au dossier sont, en l'espèce, ceux qui recelaient d'authentiques secrets d'affaires, ses documents internes et les réponses des autres producteurs à ses communications des griefs. Ainsi, elle nie avoir refusé de donner accès aux documents qui n'allaient pas dans le sens de sa démonstration. Hercules ne serait d'ailleurs pas en mesure de désigner un seul document à l'appui de son allégation selon laquelle la Commission aurait choisi les documents qui servaient le mieux sa thèse et se serait abstenue d'utiliser ou de divulguer les autres. Elle estime, en outre, ne pas être tenue de rendre accessibles les réponses des autres producteurs aux communications des griefs.
51 Le Tribunal relève que le respect des droits de la défense exige que la requérante ait été mise en mesure de faire valoir, comme elle l'entendait, son point de vue sur l'ensemble des griefs formulés contre elle par la Commission dans les communications des griefs qui lui ont été adressées, ainsi que sur les éléments de preuve destinés à étayer ces griefs et mentionnés par la Commission dans ses communications des griefs ou annexés à celles-ci (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, point 7, 322-81, Rec. p. 3461).
52 En revanche, le respect des droits de la défense n'exige pas qu'une entreprise impliquée dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE puisse commenter tous les documents faisant partie du dossier de la Commission, puisqu'il n'y a pas de dispositions prescrivant à la Commission l'obligation de divulguer ses dossiers aux parties intéressées (arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, point 25, 43-82 et 63-82, précité).
53 Toutefois, il est à noter que, en établissant une procédure d'accès au dossier dans les affaires de concurrence, la Commission s'est imposé à elle-même des règles dépassant les exigences formulées par la Cour. Selon ces règles formulées dans le Douzième rapport sur la politique de concurrence (p. 40 et 41):
"la Commission accorde aux entreprises impliquées dans une procédure la faculté de prendre connaissance du dossier les concernant. Les entreprises sont informées du contenu du dossier de la Commission par l'adjonction à la communication des griefs ou à la lettre de rejet de la plainte, d'une liste de tous les documents composant le dossier, avec l'indication des documents ou parties de ceux-ci qui leur sont accessibles. Les entreprises sont invitées à examiner sur place les documents accessibles. Si une entreprise souhaite n'en examiner que quelques-uns, la Commission peut lui en faire parvenir des copies. La Commission considère comme confidentiels et, par conséquent, inaccessibles pour une entreprise déterminée, les documents suivants : les documents ou parties de ceux-ci contenant des secrets d'affaires d'autres entreprises les documents internes de la Commission, tels que les notes, projets ou autres documents de travail toutes autres informations confidentielles, telles que celles permettant d'identifier les plaignants qui souhaitent ne pas voir révélée leur identité, ainsi que les renseignements communiqués à la Commission sous réserve d'en respecter le caractère confidentiel".
Il y a lieu de relever que la Commission ne peut se départir des règles qu'elle s'est ainsi imposées (arrêts de la Cour du 5 juin 1973, Commission/Conseil, point 9, 81-72, Rec. p. 575, et du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148-73, Rec. p. 81).
54 Il résulte de ce qui précède que la Commission a l'obligation de rendre accessible aux entreprises impliquées dans une procédure d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, l'ensemble des documents à charge et à décharge qu'elle a recueillis au cours de l'enquête, sous réserve des secrets d'affaires d'autres entreprises, des documents internes de la Commission et d'autres informations confidentielles.
55 Le Tribunal considère qu'en l'espèce aucune circonstance n'est de nature à établir que les services de la Commission ont sélectionné les documents rendus accessibles à la requérante afin de l'empêcher de démontrer que, en raison du statut de son employé aux réunions de producteurs de polypropylène, elle n'avait pas participé à l'infraction. En effet, force est de constater que, face aux dénégations de la Commission, la requérante n'a avancé aucun indice de nature à établir la mauvaise foi des services de la Commission, ce qu'elle aurait pu faire en concrétisant devant le Tribunal les soupçons qu'elle avait exprimés dans sa lettre du 30 août 1984 et selon lesquels certains documents découverts par la Commission chez elle n'auraient pas été repris dans le dossier qui lui a été rendu accessible.
56 En ce qui concerne plus particulièrement le refus de la Commission de donner à la requérante accès aux réponses fournies par les autres producteurs aux communications des griefs, le Tribunal considère qu'il n'est pas nécessaire d'examiner si ce refus constitue une violation des droits de la défense. En effet, un tel examen ne serait nécessaire que s'il existait une possibilité que, en l'absence de ce refus, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, point 27, 30-78, Rec. p. 2229, et arrêt du Tribunal du 27 novembre 1990, point 30, T-7-90, Kobor/Commission, Rec. p. II-721). Or, force est de constater que tel n'est pas le cas, en l'espèce.En effet, suite à la jonction des affaires aux fins de la procédure orale devant le Tribunal, la requérante a eu accès aux réponses des autres entreprises aux communications des griefs et elle n'en a retiré aucun élément à décharge dont elle aurait pu se prévaloir lors de la procédure orale. Il est permis d'en déduire que ces réponses ne contenaient aucun élément à décharge et que, dès lors, le fait que la requérante n'ait pu y avoir accès durant la procédure administrative n'a pu affecter le résultat auquel est parvenue la décision.
57 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
Sur l'établissement de l'infraction
58 Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, de dispositifs et de mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) poursuit que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques.
59 Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives aux contacts entre les producteurs et à la réunion de la "European Association for Textile Polyolefins" (ci-après "EATP") du 22 novembre 1977 (A), au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène (B), aux initiatives de prix (C), aux mesures destinées à la mise en œuvre des initiatives de prix (D) et à la fixation de tonnages cibles et de quotas (E), en rendant compte de l'acte attaqué [a)] et des arguments des parties [b)], avant de les apprécier [c)] il y a lieu de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits.
1 Les constatations de fait
A - Les contacts entre producteurs et la réunion de l'"EATP" du 22 novembre 1977
a) Acte attaqué
60 La décision (points 17, quatrième alinéa, 78, troisième alinéa, et 104, deuxième alinéa) fait grief à la requérante d'avoir déclaré, tout comme Hoechst, ICI, Linz, Saga et Solvay, qu'elle soutiendrait l'annonce faite par Monte, par la voie d'un article paru le 18 novembre 1977 dans la presse spécialisée (European Chemical News, ci-après "ECN"), de son intention de porter le prix du raphia à 1,30 DM/kg à partir du 1er décembre. Les différentes déclarations faites à cet égard lors de la réunion de l'EATP, tenue le 22 novembre 1977, telles qu'elles ressortent du compte-rendu, indiqueraient que le prix de 1,30 DM/kg fixé par Monte avait été adopté par les autres producteurs comme "objectif" pour le secteur tout entier.
61 Selon la décision (point 16, premier et deuxième alinéas), cette déclaration de soutien s'inscrivait dans la perspective de discussions entamées entre les producteurs pour éviter une chute brutale des prix du polypropylène et les pertes qui s'ensuivraient, discussions dans le cadre desquelles les principaux producteurs, Monte, Hoechst, ICI et Shell, auraient pris l'initiative d'un "accord sur les prix planchers", qui devait entrer en vigueur le 1er août 1977, et dont les modalités auraient été communiquées aux autres producteurs et notamment à Hercules, le directeur commercial de cette dernière notant que les "prix planchers" pour les principales qualités de polypropylène se basaient sur un cours indicatif de 1,25 DM/kg pour la qualité raphia.
62 La décision (point 16, cinquième et sixième alinéas) expose, en outre, qu'ICI et Shell admettent avoir eu des contacts avec d'autres producteurs pour étudier les moyens de juguler la chute des prix. Toutefois, la Commission reconnaît qu'à l'exception des "quatre grands" (Hoechst, ICI, Monte et Shell), de Hercules et de Solvay, elle n'a pas été en mesure d'établir l'identité des producteurs impliqués dans les discussions à ce moment ni d'obtenir des détails quant au fonctionnement de l'" accord sur les prix planchers ".
63 La décision (point 17, premier alinéa) affirme encore que c'est à peu près au moment de l'annonce par Monte de son intention d'augmenter ses prix qu'a débuté le système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène. Elle relève, toutefois, que, de l'aveu même d'ICI, les producteurs maintenaient déjà des contacts entre eux auparavant, probablement par téléphone, lorsque la nécessité s'en faisait sentir.
b) Arguments des parties
64 La requérante soutient qu'il n'y a aucune preuve qu'elle ait établi des contacts réguliers avec ses concurrents en dehors de ceux qu'elle avait eus avec eux au cours des réunions de producteurs. Ainsi, la note prise lors d'un appel téléphonique (gg ann 2), reçu probablement au début de l'année 1977 par le directeur commercial de Hercules, sur laquelle se fonde la Commission pour affirmer que les "gros producteurs" avaient conclu un accord entre eux et qui aurait été communiquée volontairement par la requérante à la Commission, prouverait tout au plus - ce que Hercules n'a d'ailleurs jamais démenti - qu'elle a occasionnellement reçu par téléphone, de la bouche d'autres producteurs, des renseignements sur le contenu des réunions qui avaient eu lieu entre eux. Mais ni cette note ni aucun autre document n'établiraient que Hercules a pris l'initiative de tels contacts, initiative qu'elle n'aurait jamais prise.
65 Par ailleurs, la requérante relève, d'une part, que la Commission croit pouvoir déduire à partir de documents n'ayant pas trait à Hercules, que certains producteurs se sont mis d'accord sur une initiative de prix pour décembre 1977 et, d'autre part, que c'est uniquement en se fondant sur le compte-rendu des déclarations faites par les dirigeants de la requérante lors des réunions de l'EATP de mai et novembre 1977 (gg ann 5 et 6) que la Commission affirme que Hercules a participé à cet accord. Toutefois, la requérante fait remarquer que les déclarations du mois de mai sont antérieures à la première preuve de tout accord conclu entre les quatre grands producteurs et que leur contenu n'avait rien de répréhensible. Les déclarations de novembre, qui manifestaient un soutien à l'idée d'une augmentation des prix du polypropylène consécutive à la hausse des coûts de production, ne prouveraient nullement l'existence d'une collusion illégale. Il serait d'ailleurs invraisemblable qu'une telle collusion s'exprime dans une réunion de l'EATP en présence des clients. Les déclarations de novembre pourraient tout aussi bien n'être que la réaction publique normale d'un producteur face aux agissements notoires de ses concurrents, comme l'annonce par Monte dans ECN d'une augmentation de ses prix (gg ann 3). Pour la même raison, lorsque Hercules déclare, lors d'une réunion de l'EATP en mai 1978 (gg ann 7), que les prix n'avaient pas encore atteint un niveau satisfaisant, une telle déclaration ne saurait établir la participation de la requérante à des accords de prix, d'autant plus que la Commission indique que ces accords auraient été conclus lors de réunions de producteurs auxquelles il n'est pas prouvé que Hercules ait participé. Ainsi, tous les éléments de preuve disponibles suggéreraient que, dans le courant de 1977, et jusqu'à une certaine époque en 1979, Hercules n'a reçu des informations sur les discussions qui ont pu avoir lieu entre les autres producteurs que d'une manière passive et occasionnelle.
66 La requérante fait encore valoir que la Commission ne dispose pas pour cette période d'instructions de prix concordantes émanant de Hercules et que, par conséquent, sa situation est identique à celle de BP qui a également eu des contacts avec les autres producteurs, et à celle d'Amoco qui, outre ces contacts, s'est aussi exprimée à la réunion de l'EATP de mai 1978. A cela, elle ajoute que la Commission a admis ne pouvoir établir avec certitude que Hercules est devenue partie à un accord central à cette époque.
67 De son côté, la Commission fonde ses griefs, d'une part, sur la connaissance qu'avait Hercules de la conclusion par les "quatre grands" de l'accord sur les prix planchers, comme le montre le compte-rendu d'un entretien téléphonique de Hercules datant de la mi-1977 (gg ann 2) décrivant les modalités de cet accord et, d'autre part, sur les déclarations faites par Hercules à trois réunions de l'EATP en mai 1977 (gg ann 5), novembre 1977 (gg ann 6) et mai 1978 (gg ann 7). A la première, elle a déclaré :
"Hercules is not happy with the current price levels, but feels it will be up to the traditional industry leaders to bring some order out of the present chaos".
("Le niveau actuel des prix ne satisfait guère Hercules qui estime que c'est aux leaders traditionnels du secteur qu'il incombera de mettre de l'ordre dans le chaos actuel")
A la deuxième réunion, elle a proclamé :
"Since the first alternative does not appear likely, I was happy to learn on Friday from Mrs T of European Chemical News that Montedison had announced to her that they had made the first move in announcing the new European prices for their grades of polypropylene",
("La première possibilité de l'alternative paraissant improbable, j'ai été heureux d'apprendre vendredi par Madame T de European Chemical News que Montedison lui avait annoncé qu'ils avaient entrepris la première démarche en annonçant les nouveaux prix européens pour leurs différentes qualités de polypropylène"),
exprimant par là son soutien à une initiative de Monte relatée par la presse spécialisée (gg ann 3, faisant référence à un article antérieur). Il est vraisemblable que Hercules savait que cette initiative résultait d'un accord illicite (gg ann 2). Au cours de la troisième réunion, elle a dit :
"Although prices for polypropylene have increased significantly since the fourth quarter of last year, they are not yet at a satisfactory level. It may not have been realistic to think that an increase to 130 DM/kg could have been reached in one step, but the need to get to this minimum level has not and will not diminish".
(" Bien que les prix du polypropylène ont augmenté de manière significative depuis le quatrième trimestre de l'an dernier, ils n'ont pas encore atteint un niveau satisfaisant. Il n'était sans doute guère réaliste de croire qu'une augmentation à 1,30 DM/kg aurait pu être obtenue en une seule fois, mais la nécessité d'atteindre ce niveau minimum n'a pas diminué et ne diminuera pas. ")
68 En ce qui concerne les contacts téléphoniques avec d'autres producteurs, la Commission affirme que c'est Hercules elle-même qui aurait déclaré, dans sa réponse à la communication des griefs, que M. B. recevait de temps à autre des appels téléphoniques l'informant du contenu des réunions auxquelles il n'avait pas assisté.
69 La Commission précise qu'elle s'est abstenue de la moindre constatation au sujet de la participation de Hercules aux réunions de producteurs autres que celles de l'EATP avant 1979. Elle note avec intérêt à ce propos l'affirmation faite part Hercule dans sa réplique qui ont eu lieu " au cours de la première période où M. B. n'a d'abord pas assisté du tout à ces réunions puis n'y a assisté que très occasionnellement ". Elle ferait ainsi, de toute évidence, référence à la période de 1978 et indiquerait que le soutient apporté aux hausses de prix lors des réunions de l'EATP était pour le moins fondé sur la connaissance d'une collusion sous-jacente et sur l'intention de s'y associer.
70 Quant à la discrimination dont la requérante serait victime par rapport à Amoco et à BP, la Commission expose que le point 78 de la décision indique clairement que c'est parce que " les preuves étaient insuffisantes pour établir d'une manière décisive leur participation à une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE " que Amoco et BP ne font pas partie des destinataires de la décision.
c) Appréciation du Tribunal
71 Le Tribunal constate que la requérante a admis, tant dans sa réponse à la demande de renseignements (ann. 1, g. Her.) que dans sa requête, avoir reçu occasionnellement de la part d'autres producteurs des renseignements par téléphone, concernant des discussions ou des réunions qui avaient eu lieu entre eux, même si elle nie avoir pris l'initiative de tels contacts. Il faut relever, en outre, qu'elle n'a pas limité dans le temps l'existence de ces contacts.
72 A la lumière de l'existence de ces contacts en 1977 et 1978 et des déclarations faites par la requérante lors de la réunion de l'EATP du 27 mai 1977, il y a lieu d'examiner la question de savoir si les déclarations faites par la requérante lors de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 constituent l'expression d'un concours de volontés avec d'autres producteurs su un objectif de prix de 1,30 DMkg pour le 1er décembre 1977, dont l'existence est confirmée par les déclarations faites par la requérante lors de la réunion de l'EATP du 26 mai 1978.
73 Le Tribunal considère que tel est le cas. En effet, il convient de relever que, lors de la réunion de l'EATP du 27 mai 1977 (g.g. ann. 5), la requérante a suggéré que les " leaders " traditionnels du marché (soit les " quatre grands ") mettent de l'ordre dans le chaos du marché à la mi 1977 (g. g. ann. 2), elle a appris par téléphone que les " quatre grands " avaient conclu un accord sur des prix planchers (soit 1,25 DM/kg) ; lors de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977 (g. g. ann. 6), elle s'est réjouie publiquement d'avoir appris par ECN que Monte avait été conclu et que Monte participait à cet accord ; lors de la réunion de l'EATP du 26 mai 1978 (g. g. ann. 7), elle a relevé que les prix avaient augmenté - mais de manière insuffisante - et qu'il n'avait pas été réaliste de croire que l'augmentation à 1,30 DM/kg pourrait s'effectuer en une seule étape.
74 Par ailleurs, le Tribunal considère que le cas d'Amoco se distingue de celui de la requérante, dans la mesure où l'on ne dispose pas de la preuve que cette entreprise a eu des contacts avec d'autres producteurs de polypropylène avant la réunion de l'EATP du 26 mai 1978 et où elle n'a pas participé aux réunions de l'EATP du 27 mai 1977 et du 22 novembre 1977, au cours de la dernière des quelles s'est manifesté un concours de volonté entre différents producteurs de polypropylène. Il convient d'ajouter que BP, quant à elle, n'a participé à aucune de ces réunions.
75 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit, d'une part, que la requérante était informée du résultat des discussions sur les prix et qu'elle était en contact avec d'autres producteurs, notamment durant les années 1977 et 1978, lorsque la nécessité s'en faisait sentir et, d'autre part, que les déclarations de la requérante, telles qu'elles ressortent du compte-rendu de la réunion de l'EATP du 22 novembre 1977, ont constitué l'expression d'un concours de volontés entre la requérante et d'autres producteurs sur la fixation d'un objectif de pris de 1,30 DM/kg.
B - Le système des réunions périodiques
a) Acte attaqué
76 Selon la décision (point 18, premier alinéa), au cours de 1978, six réunions au moins ont eu lieu entre de hauts dirigeants chargés de la direction du secteur polypropylène de certains producteurs (" patrons "). Ce système aurait bientôt été complété par des réunions d'un niveau moins élevé entre des cadres plus spécialisés en marketing (" experts ") (référence est faite à la réponse d'ICI à la demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17, g. g. ann 8). La décision relève que la requérante déclare avoir assisté à ces réunions de façon peu régulière jusqu'au début de 1982, mais avec une fréquence accrue à partir du mois de mai de cette même année (point 18, troisième alinéa).
77 Selon la décision (point 78, dixième alinéa), Hercules, seul producteur américain présent aux réunions, prétend n'y avoir assisté que comme " observateur " et, au demeurant, sans régularité. Hercules reconnaîtrait avoir pris part aux réunions à partir de mai 1979 et avoir été informée de l'issue des réunions auxquelles son représentant n'assistait pas. A partir du milieu de l'année 1982, tout en menaçant de se retirer parce que les producteurs allemands " ne l'acceptaient pas ", le représentant de Hercules se serait rendu à une quinzaine des trente réunions plénières dont on a connaissance, y compris plusieurs réunions de " patrons ". Les comptes-rendus d'ICI révéleraient qu'il prenait une part active aux discussions, allant jusqu'à proposer le système de l'" account leadership ". Il aurait également pris part aux réunions locales, tout au moins à celles concernant le Benelux. Tout en recevant des renseignements détaillés sur les ventes mensuelles des autres producteurs, le représentant de Hercules ne paraîtrait pas leur avoir communiqué les chiffres afférents à sa propre firme.
78 La décision affirme (point 78, onzième alinéa) que Hercules a tenté d'accréditer, la présence de son représentant comme une initiative officieuse émanant d'un cadre de rang relativement peu élevé. Ses propres documents révéleraient toutefois qu'il occupait un poste responsable dans la société en tant que directeur du marketing pour le polypropylène et que, dès 1977, au moment de l'accord sur les prix planchers, et en 1981, ses supérieurs eux-mêmes, étaient en contact avec d'autres producteurs dans le cadre des négociations sur les prix. Il serait dès lors, inconcevable qu'ils n'aient pas eu connaissance du but réel de ses voyages d'affaires, qu'ils ont autorisés à partir de mai 1979.
79 La décision (point 85, troisième alinéa) conclut que Hercules ne peut échapper à sa responsabilité quant à l'infraction en prétendant que la participation de son représentant était " officieuse " ou qu'il taisait certains renseignements aux autres producteurs.
80 La décision (point 21) affirme que les réunions périodiques de producteurs de polypropylène avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.
b) Arguments des partis
81 La requérante soutient que la Commission ne peut déduire que Hercules a commis une infraction du fait qu'un de ses employés, M. B., a pris part à quelques réunions de producteurs de polypropylène, puisque sa participation aurait été sporadique, passive, ignorée de ses supérieurs et officieuse et que le niveau de cet employé aurait été insuffisant pour lui permettre d'engager l'entreprise.
82 Elle indique, en premier lieu, que son employé a participé à cinq réunions sur vingt-quatre mentionnées dans le tableau 3 de la décision pour la période antérieure au mois de mai 1982, à six réunions de " patrons " sur seize et à neuf réunions d' " experts " sur quinze entre mai 1982 et fin août 1983 et qu'il n'a participé à aucune des trois réunions qui se sont tenues après le 23 août 1983. Elle relève en outre, que le caractère sporadique de sa participation aux réunions est confirmé par les réponses d'ICI (g. g. ann. 8) et de Monte à la demande de renseignements (annexe 3 à la communication des griefs adressée à Monte, ci-après " g. Monte ").
83 La requérante expose, en second lieu, que cette participation sporadique aux réunions a été purement passive, comme l'indiquerait la réponse d'ICI à la demande de renseignements et comme l'aurait d'ailleurs reconnu la décision (point 78, dixième alinéa), selon laquelle l'employé de Hercules " ne paraît pas avoir communiqué les chiffres afférents à sa propres firme ". Cela serait très important dans la mesure où la communication de ces chiffres aurait été indispensable au fonctionnement de l'entente, puisque l'échange d'informations sur les ventes réalisées constituait le moyen par lequel les producteurs pensaient surveiller l'exécution des accords conclus.
84 La requérante fait valoir, en troisième lieu, que la présence de son employé aux réunions n'avait pas reçu l'approbation de ses supérieurs, qui l'ignoraient, et qu'elle était contraire à la politique de la société. A cet égard, elle explique que, si au début de la période incriminée par la Commission, certains de ses cadres ont été contactés par d'autres producteurs et mis au courant de l'existence de réunions de producteurs et d'arrangements en matière de prix, cela ne signifie pas que ses cadres supérieurs savaient qu'un de ses employés subalternes participait à ces réunions. Ayant appris que cet employé recueillait des renseignements similaires ceux qu'ils recevaient eux-mêmes et avait été invité à assister à des réunions, ses supérieurs lui auraient rappelé que le fait de participer à de telles réunions serait contraire à la politique de la société. Il était raisonnable, selon la requérante, de penser de telles instructions avaient été suivies. Compte tenu du fait que, pour l'exercice de ses fonctions, l'employé en question était appelé à effectuer de nombreux voyages vers un grand nombre de villes européennes et que ses déplacements à ce titre n'exigeaient ni approbation préalable de ses supérieures ni explication de sa part rien - pas même les pièces justificatives de ses déplacements destinées seulement au remboursement de ses frais de voyage - ne permettait à ses supérieurs, qui ignoraient au demeurant le lieu et la date des réunions, de découvrir qu'il s'y rendait, d'ailleurs de manière sporadique. Contrairement, à ce que indique la Commission dans son mémoire en défense, cette conclusion ne serait pas contredite par le rapport du conseiller de Hercules Incorporated (ann. 6, g. Her.) qui dit simplement que le rôle de son employé " a pu être connu " de ses supérieurs et non qu'il a été connu. Cette conclusion serait, en revanche, confirmée par le fait que, le 29 juillet 1981, le supérieur de cet employé a informé ce dernier du contenu d'une réunion qui venait d'avoir lieu (ann. 18, g. Her.), ce qui montrerait qu'il n'était pas au courant de la participation de son subordonné. Selon la requérante, le mobile de la participation secrète de son employé aurait été de se procurer des informations afin d'être bien noté par ses supérieurs.
85 Cela étant dit, la requérante reconnaît que la question de savoir si une entreprise peut être tenue pour responsable d'infractions aux règles communautaires de concurrence lorsqu'elle a pris des précautions raisonnables pour éviter de commettre de telles infractions et que, malgré ses efforts, un employé indiscipliné a pris des initiatives contraires aux ordres de ses supérieurs, n'a pas encore été résolue.
86 La requérante note, en quatrième lieu, que son employé n'était pas un participant à part entière aux réunions et qu'il n'y participait qu'à titre d'observateur, et que les autres participants aux réunions le savaient, car il leur signalait son statut d'observateur officieux, comme le montrerait le compte-rendu d'une réunion de mars 1983 (ann. 11, g. Her.) dans lequel on peut lire " B ", marketing manager attends unofficially ". Cette participation officieuse aurait suscité l'irritation des producteurs allemands et néerlandais, comme l'indiqueraient le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) et le compte-rendu d'un entretien téléphonique entre cet employé et un cadre d'ICI daté du 3 décembre 1982 (g. g. ann. 88).
87 Elle fait valoir, enfin, que le niveau de responsabilité de son employé au sein de la société l'empêchait de souscrire à des accords relatifs à des prix cibles ou à des réductions de la production ou des ventes. En effet, selon la requérante, cet employé n'était pas un cadre supérieur de la société malgré son titre, il n'avait pas de responsabilités de direction, et ne détenait pas les pouvoirs nécessaires pour engager la société. En particulier, il ne disposait d'aucune autorité en matière de contrôle de la production ou de la politique générale de vente et ses décisions relatives aux indications de prix à donner aux directeurs commerciaux locaux étaient soumises à l'approbation de ses supérieurs.
88 La Commission fait valoir, de son côté, qu'elle n'a pas considéré que le rythme de la participation aux réunions constituait un facteur pertinent dès l'instant où elle était convaincue qu'une entreprise souscrivait au plan commun de régulation des prix et des approvisionnements (voir décision, point 83, premier alinéa). Néanmoins, elle relève que Hercules a reconnu, dans sa réponse à la communication des griefs, que son employé était allé " très fréquemment " aux réunions de février 1982 à mars 1983 inclus. En outre, le compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40) inclut Hercules parmi les participants habituels aux réunions.
89 Elle conteste le caractère passif de la participation de la requérante aux réunions en se fondant sur deux notes très brèves indiquant l'une " B. - Account leadership " (ann. 10, g. Her.) et l'autre " B. : originator of 'account leadership " concept (not working) " [" B. : initiateur de la notion d' " account leadership " (ne fonctionne pas) "] (ann. 11, g. Her.), dont elle déduit que l'employé de la requérante a été l'origine du système d' " account leadership ". Elle invoque également le compte-rendu d'une réunion de mars 1982 (ann. 43, g. Her.) dont il ressortirait que M. B. avait demandé la correction du quota qui lui avait été imparti. Elle ajoute que le fait que l'employé de Hercules n'a pas communiqué ses chiffres de vente au cours des réunions était sans importance, dans la mesure où il savait que les autres producteurs étaient en mesure de déterminer ces chiffres grâce aux données du système Fides d'échange de données.
90 La Commission fait remarquer, en ce qui concerne la prétendue interdiction de la participation de cet employé aux réunions, qu'à deux reprises au moins, en 1977 (g. g. ann. 2) et le 29 juillet 1981 (ann. 18, g. Her.), il a reçu de ses supérieurs des informations sur les accords de prix qui avaient été conclu. Les renseignements reçus le 29 juillet 1981 sur la réunion du 28 juillet ne contrediraient en rien la thèse de la Commission, car l'employé de la requérante n'était pas présent à cette réunion. Il ne serait donc guère plausible que celui-ci ait été supposé comprendre que la société désapprouvait ces ententes et qu'il lui était interdit de participer aux réunions. La Commission relève d'ailleurs qu'aucune trace documentaire de cette interdiction n'a été fournie. Il ne serait pas plus vraisemblable que les supérieurs de M. B. aient ignoré la participation de ce dernier aux réunions. Au reste, un rapport établi par un conseiller de Hercules Incorporated dans les semaines qui ont suivi les inspections menées par la Commission (ann. 6, g. Her) indique expressément que : " It appears that Mr B.'s non-participant observer role may have been known to several of his immediate superiors " (" Il semble plausible que plusieurs des supérieurs immédiats de M. B. aient connu son rôle d'observateur non participant "). La Commission ajoute que, même si les activités de M. B. étaient ignorées de ses supérieurs et constituaient un manquement à la discipline - quod non - cela ne permettrait pas à Hercules d'éluder sa propre responsabilité.
91 Elle estime, encore que la participation de l'employé de la requérante aux réunions n'était pas d'une nature différente de celle des autres producteurs, comme le montreraient sa participation active aux discussions et les engagements qu'il prenait au nom de la société. Elle rappelle, à cet égard, le rôle qu'il a joué dans la mise en place du système d' " account leadership " ainsi que son acceptation, lors de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33, tableau 2) et lors d'un entretien téléphonique du 3 décembre 1982 (g. g. ann. 88), du quota qui avait été attribué à la requérante ainsi que de la correction de celui-ci lors d'une réunion de mars 1982.
92 La Commission expose, enfin, qu'il est vain d'essayer de montrer que l'employé de la requérante n'avait pas de pouvoir de décision dans la société puisque le fait que les instructions de prix données par la requérante après les réunions répercutaient les objectifs de prix convenus lors des réunions démontrerait sans ambiguïté le contraire.
c) Appréciation du Tribunal
93 Le Tribunal constate, en ce qui concerne le début de la participation de la requérante aux réunions des producteurs que la communication spécifique des griefs adressée à Hercules indique que " Mr F. B., ..., attented a number of 'Bosses' and 'Experts' meeting from 1979... " (" M. F. B. a assisté à un certain nombre de réunions de 'patrons' et d''experts' à partir de 1979 ").
94 Selon les réponses d'ICI, de Monte et de la requérante aux demandes de renseignements (g. g. ann. 8 ; ann. 3, g. Monte et ann. 1. g. Her.), Hercules a participé irrégulièrement aux réunions en 1979, 1980 et 1981. Elle admet avoir participé à une ou deux réunions en 1979, à une réunion en 1980 et à deux réunions en 1981. Il convient, toutefois, de relever qu'il résulte du compte-rendu de l'interrogatoire de l'employé de Hercules, M. B., par les agents de la Commission (ann. 7, g. Her., annexe A) que celui-ci a indiqué avoir peut-être participé à deux autres réunions en 1979, à deux autres réunions en 1980 et à une autre réunion en 1981. Il ressort en outre, de la réponse de la requérante à la communication des griefs que celle-ci a participé fréquemment aux réunions à partir de février 1982, ce qui permet de considérer qu'elle a participé aux réunions qui se sont tenues en février, mars et avril 1982 (soit cinq réunions). Par conséquent, sa participation aux réunions au cours de ces années n'a pas été aussi irrégulière qu'elle l'affirme puisque, selon ses propres dires, il est possible qu'elle ait pris part, avant mai 1982, à quinze réunions sur vingt-neuf (c'est-à-dire les vingt quatre réunions mentionnées dans le tableau 3 de la décision pour la période en cause, auxquelles s'ajoutent les réunions tenues pendant cette même période qui sont mentionnées dans le compte-rendu de l'interrogatoire de M. B., mais qui ne figurent pas dans le tableau 3 de la décision), et non à cinq réunions sur vingt-quatre.
95 Il y a lieu de considérer que l'irrégularité relative de la participation de la requérante aux réunions qui ont eu lieu à cette époque ne constitue pas le seul élément dont il faut tenir compte en vue de l'examen de sa participation au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène, mais qu'il faut également tenir compte des contacts qu'elle a pu avoir avec d'autres producteurs. A cet égard, il convient de relever que la requérante a indiqué dans sa réponse à la demande de renseignements (ann. 1, g. Her.) que :
" Mr B. was informed on a number of occasions that meetings were scheduled to occur and was invited to attend. It does not appear that Mr B. was informed in such conversations about any action which it was proposed to take at such meetings. Mr B. did not make any commitment with respect to prices, volumes, or related matters, and did not authorize anyone to represent or act on behalf of Hercules at such meetings. On a number of occasions, but not invariably, Mr B. was informed after meetings as to what had transpired. On such occasions Mr B. did not make any commitments or express any intention, to follow or support any prices changes that may have been agreed upon at such meetings. On occasion, Mr B. may have made general statements indicating Hercules' desire for higher polypropylene prices. "
(" M. B. a été avisé à plusieurs reprises que des réunions avaient été prévues et il a été inviter à y participer. Il ne semble pas qu'au cours de ces conversations il ait été informé à l'avance des actions qui seraient proposées lors de ces réunions. M. B. n'a pris aucun engagement en matière de prix, de volumes ou de questions liées à ces problèmes et il n'a autorisé personne à représenter Hercules à ces réunions ou à agir au nom de celle-ci. A ces moments-là, il ne s'est jamais engagé à appliquer ou à soutenir des modifications de prix qui auraient été convenues au cours de ces réunions et n'a jamais exprimé d'intentions en ce sens. Il est possible que l'une ou l'autre fois, il ait fait des déclarations à caractère général indiquant le souhait de Hercules de voir appliquer des prix plus élevés pour le polypropylène. ").
96 A la lumière de ces contacts, par lesquels M. B. a pu compléter les nombreuses infirmations qu'il avait recueillies au cours des réunions à propos des politiques commerciales qu'allaient mener les concurrents de la requérante, il convient de constater que le caractère relativement irrégulier de la participation de l'employé de la requérante aux réunions, avant mai 1982, n'est pas de nature à démentir sa participation au système de réunions périodiques de producteurs de polypropylène durant cette période.
97 Le Tribunal constate que la participation de la requérante aux réunions à partir de mai 1982 et jusqu'à la fin août 1983 a été régulière, comme le montrent sa réponse à la demande de renseignements, sa réponse à la communication des griefs ainsi que les comptes-rendus des réunions des 3 mai et 1er juin 1983 (g. g. ann. 38 et 40), dont le premier mentionne " a fairly full attendance with only Hercules missing among usual participants " (" assistance assez complète ; seule Hercules fait défaut parmi les participants habituels ") et dont le second indique " usual participants " except for Solvay + Hercules (" participants habituels sauf Solvay et Hercules "). A cet égard, il importe de relever que certains comptes-rendus de réunions, comme celui de la réunion de patrons du 21 septembre 1982 (g. g. ann. 30), indiquent que la requérante y était présente, alors que ces réunions ne sont pas mentionnée dans sa réponde à la demande de renseignements et que, par conséquent, celle-ci doit être considérée comme incomplète.
98 Le Tribunal relève que c'est à bon droit que la Commission a estimé, sur la base de la réponde d'ICI à la demande de renseignements, confirmée par de nombreux comptes-rendus de réunions, que les réunions avaient notamment pour objet la fixation d'objectifs de prix, d'une part, et la fixation de volumes de vente, d'autre part. En effet, on peut lire dans cette réponse les passages suivants :
" Target price's fot the basic grade of each principal category of polypropylène as proposed by producers from time since 1 Jannuary 1979 are set forth in Schedule... " ;
et
" A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings ".
(" les 'prix cibles' qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe... " et " un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors de réunions ").
99 De surcroît, faisant état de l'organisation, en plus des réunions de " patrons ", de réunions d' " experts " en marketing à partir de la fin de l'année 1978 ou du début de l'année 1979, la réponse d'ICI à la demande de renseignements révèle que les discussions relatives à la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente se faisaient de plus en plus concrètes et précises, alors que, en 1978, les " patrons " s'étaient bornés à développer le concept même des prix cibles.
100 Outre les passages précédents, on peut lire l'extrait suivant dans la réponse d'ICI à la demande de renseignements : " Only 'Bosses' and 'Experts' meetings came to be held on a monthly basis " (" Seules les réunions de 'patrons' et d''expert' étaient tenues sur une base mensuelle "). C'est à bon droit que la Commission a pu déduire de cette réponse, ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions, que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.
101 Il importe, par ailleurs, de relever que le caractère prétendument passif de la participation de l'employé de la requérante aux réunions est démenti par différents éléments de preuve. Il s'agit d'abord des deux notes manuscrites, citées par la Commission, dont la seconde est datée de mars 1983 (ann. 10 et 11, g. Her.), dans lesquelles on lit : " B. : Account leadership " et " B. Originator of 'account leadership' concept (not working) " [" B. : initiateur de la notion d''account leadership' (ne fonctionne pas) "], dont on peut déduire que M. B. a proposé le système d' " account leadership ". Il s'agit, ensuite, du compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) et de celui d'un entretien téléphonique de la requérante avec un employé d'ICI daté du lendemain (g. g. ann. 88), qui montrent ensemble que cet employé transmettait à ICI l'opinion d'Amoco, de BP et de Hercules à propos des quotas qui leur avaient été attribués lors de la réunion du 2 décembre 1982, et ce même si M. B. n'a pas fourni le chiffre des ventes de Hercules.
102 Les allégations de la requérante, selon lesquelles les supérieurs de M. B. ignoraient qu'il participait aux réunions et lui auraient indiqué que sa participation allait à l'encontre de la politique de la société, manquent de crédibilité au vu des éléments suivants. Aucune trace documentaire de l'interdiction de participer aux réunions n'a été produite par la requérante. Les supérieurs de cet employé avaient des contacts avec d'autres participants aux réunions, comme le montre le fait qu'en juin 1977 et le 29 juillet 1981, ces personnes ont communiqué à M. B., d'une part, le contenu d'un entretien téléphonique (g. g. ann. 2) et, d'autre part, le résultat d'une réunion à laquelle il n'avait pas participé (ann. 18, g. Her). Le rapport de Hercules Incorporated indique le rôle de M. B. a pu être connu de plusieurs de ses supérieurs immédiats (ann. 6, g. Her). Enfin, le fait que la requérante a indiqué devant le Tribunal que les décisions de M. B. relatives aux instructions de prix à donner aux directeurs commerciaux locaux étaient soumises à l'approbation de ses supérieurs indique qu'il devait justifier ses décisions en exposant à ses supérieurs les données sur lesquelles il les fondait et la provenance de celles-ci.
103 Le Tribunal relève encore que la nature de la participation de l'employé de la requérante aux réunions, qui a été qualifiée par ICI d' " unofficial " dans la notion précitée de mars 1983, n'était pas différente de celle des autres participants, comme le montrent la part active qu'il a prise aux discussions et le fait que les instructions de prix données par la requérante suite aux réunions correspondaient dans une large mesure aux objectifs de prix fixés lors de celles-ci quant à leur montant et leur date d'entrée en vigueur. Il convient de faire remarquer que le fait qu'ICI a qualifié d' " unofficial " la participation de M. B. aux réunions n'est pas de nature à infirmer ces constatations, puisque cette indication ne permet pas d'établir que les autres producteurs savaient que l'employé de la requérante était là à l'insu de ses supérieurs, voire à l'encontre de leur volonté, ou qu'il n'avait pas les compétences requises pour être là. Cette indication montre seulement qu'il ne souhaitait pas que sa participation à ces réunions soit connue à l'extérieur.
104 Quant au niveau de fonctions occupées par cet employé au sein de la société requérante, force est de constater que la concordance de nombreuses instructions de prix données par la requérante avec les résultats des réunions indique soit que M. B. avait le pouvoir de répercuter directement sur la politique de prix de la requérante les résultats des réunions auxquelles il assistait, ce qui démontre qu'il avait l'autorité nécessaire pour engager la société, soit, si tel n'était pas le cas, qu'il avait été mandaté pour le faire.
105 Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a été établi à suffisance de droit, en premier lieu, que la requérante a participé au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène à partir du début de l'année 1979 jusqu'à la fin du mois d'août 1983 au moins, ce qu'elle a inféré à juste titre de la participation de la requérante aux réunions et des contacts que cette dernière avait eues relativement à ces réunions ; en second lieu, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente ; et en troisième lieu, que la participation de la requérante à ces réunions avait la portée que lui a attribuée la décision.
C - Les initiatives de prix
a) Acte attaqué
106 Selon la décision (points 28 à 51), un système de fixation d'objectifs de prix aurait été mis en œuvre à travers des initiatives de prix, dont six ont pu être identifiées, la première allant de juillet à décembre 1979, la deuxième de janvier à mai 1981, la troisième d'août à décembre 1981, la quatrième de juin à juillet 1982, la cinquième de septembre à novembre 1982 et la sixième de juillet à novembre 1983.
107 A propos de la première de ces initiatives de prix, la Commission (décision, point 29) fait remarquer qu'elle ne possède aucun détail sur les réunions tenues ou sur les initiatives prévues au cours de la première partie de 1979. Le compte-rendu d'une réunion tenue les 26 et 27 septembre 1979 indiquerait cependant qu'une initiative était prévue sur la base d'un prix, pour la qualité raphia, de 1,90 DM/kg à partir du 1er juillet et de 2,05 DM/kg à partir du 1er septembre.
108 Toutefois, en raison de difficultés à majorer les prix, les producteurs auraient décidé, au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, de reporter la date prévue pour atteindre la cible de plusieurs mois, soit au 1er décembre 1979, le nouveau plan consistant à " maintenir " pendant tout le mois d'octobre les niveaux déjà atteints, avec la possibilité d'une hausse intermédiaire en novembre, qui porterait le prix à 1,90 ou 1,95 DM/kg (décision, point 31, deux premiers alinéas).
109 Quant à la deuxième initiative de prix, la décision (point 32), si elle admet qu'aucun compte-rendu des réunions tenues en 1980 n'a été découvert, affirme que les producteurs se sont réunis au moins sept fois au cours de cette année (référence est faite au tableau 3 de la décision). Au début de l'année, la presse spécialisée aurait annoncé que les producteurs étaient favorables à une forte poussée des prix dans le courant de 1980. On aurait constaté cependant une baisse substantielle des cours du marché, qui seraient retombés au niveau de 1,20 DM/kg, voire moins encore, avant de se stabiliser, à partir de septembre environ. Les instructions de prix envoyées par certains producteurs (DSM, Hoechst, Linz, Monte, Saga et ICI) indiqueraient que pour rétablir le niveau des prix, des cibles ont été fixées pour décembre 1980 - janvier 1981 sur la base de 1,50 DM/kg pour le copolymère. Un document interne de Solvay comporterait un tableau comparant les " prix réalisés " pour octobre et novembre 1980 avec les " prix de liste " pour janvier 1981, qui s'établiraient à 1,50/1,70/2 DM/kg. Initialement, il aurait été prévu d'appliquer ces niveaux à partir du 1er décembre 1980 - une réunion ayant eu lieu à Zurich du 13 au 15 octobre - mais cette initiative aurait été repoussée au 1er janvier 1981.
110 La décision (point 33, troisième alinéa) relève que l'on ignore si Hercules a participé aux réunions de janvier 1981, au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, si la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases : l'objectif serait resté fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2 DM/kg serait introduit à partie du 1er mars " sans exception ". Un tableau des prix cibles de six grandes qualités aura été élaboré dans six monnaies nationales et sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février 1et 1er mars 1981. La décision indique toutefois que Hercules était présente à la réunion antérieure, le 16 décembre 1980.
111 Selon la décision (point 34), le projet de relever les prix à 2 DM/kg au 1er mars ne paraît cependant pas avoir abouti. Les producteurs auraient modifié leurs perspectives et espéré atteindre le niveau de 1,75 DM/kg en mars. Une réunion des " experts ", dont il ne subsiste aucun compte-rendu, se serait tenue à Amsterdam le 25 mars 1981, mais immédiatement après au moins BASF, DMS, ICI, Monte et Shell auraient donné instruction de porter les objectifs de prix (ou prix " de liste ") à un niveau équivalant à 2,15 DM/kg pour le raphia, à partir du 1er mars. Hoechst aurait donné des instructions identiques pour le 1er mai, avec un retard d'environ quatre semaines sur les autres. Certains des producteurs auraient laissé à leurs bureaux de vente une certaine marge de manœuvre en leur permettant d'appliquer des prix " minimaux " ou des " minima absolus " quelque peu inférieurs aux objectifs convenus. Au cours de la première partie de 1981, les prix auraient augmenté sensiblement, mais bien que la hausse au 1er mars ait été fortement soutenue par les producteurs, le rythme se serait ralenti. Vers le milieu de l'année, les producteurs auraient envisagé soit de stabiliser les prix, soit même de les réduire quelque peu, la demande ayant fléchi pendant l'été.
112 En ce qui concerne la troisième initiative de prix, la décision (point 35) affirme qu'en juin 1981 Shell et ICI auraient déjà envisagé une nouvelle initiative de prix pour septembre/octobre 1981, alors que la hausse des prix du premier trimestre aurait marqué un ralentissement. Shell, Ici et Monte se seraient rencontrées le 15 juin 1981 afin de discuter des méthodes à suivre pour majorer les prix sur le marché. Quelques jours après cette réunion, Ici et Shell auraient donné toutes deux instructions à leurs bureaux de vente de préparer le marché à une hausse substantielle en septembre, axée sur un nouveau prix de 2,30 DM/kg pour le raphia. Solvay aurait rappelé également à son bureau de vente du Benelux, le 17 juillet 1981, la nécessité d'aviser les clients d'une hausse substantielle au 1er septembre, dont le montant aurait été décidé au cours de la dernière semaine de juillet, alors qu'une réunion d'experts aurait été prévue pour le 28 juillet 1981. Le projet initial axé sur un prix de 2,30 DM/kg en septembre 1981 aurait été revu probablement à cette réunion ; le niveau pour août aurait été ramené à 2 DM/kg pour le raphia. Celui de septembre aurait dû être de 2,20 DM/kg. Une note manuscrite recueillie chez Hercules et datée du 29 juillet 1981 (c'est-à-dire le lendemain de la réunion, à laquelle Hercules n'a sans doute pas assisté) citerait ces prix, qualifiés d'" officiles " pour août et septembre, et se référerait en termes voilés à la source de l'information. De nouvelles réunions auraient les producteurs auraient envoyé de nouvelles instructions fixant l'objectif à 2,30 DM/kg pour le 1er octobre. BASF, DSM, Hoechst, Ici, Montepolimeri et Shell auraient donné des instructions presque identiques en vue d'appliquer ces prix en septembre et en octobre
113 Selon la décision (point 36), le nouveau projet aurait prévu pour les mois de septembre et d'octobre 1981 le relèvement des prix à un " prix de base " de 2,20-2-30 DM/kg pour le raphia. Un document de Shell indiquerait qu'une étape supplémentaire, portant le prix à 2,50 DM/kg au 1er novembre, aurait été discutée, mais qu'il y aurait été renoncé par la suite. Les rapports des divers producteurs indiqueraient que les prix auraient augmenté en septembre et que l'initiative se serait poursuivie en octobre 1981, les prix réalisés sur le marché se situant aux alentours de 2 à 2,10 DM/kg pour le raphia. Une note de Hercules montrerait qu'en décembre 1981 la cible de 2,30 DM/kg aurait été révisée à la baisse et fixée à un niveau plus réaliste de 2,15 DM/kg, mais cette note ajoute que " grâce à la détermination de tous, les prix auraient atteint 2,05 DM/kg, soit le montant le plus roche jamais atteint par rapport aux objectifs publiés (sic!) ". A la fin de l'année 1981, la presse spécialisée aurait relevé sur le marché du polypropylène des prix de 1,95 à 2,10 DM/kg pour le raphia, soit quelque 20 pfennigs de moins que les objectifs de prix des producteurs. Quant aux capacités, elles auraient été utilisées à concurrence de 80 %, pourcentage jugé " sain ".
114 La quatrième initiative de prix de juin-juillet 1982 se serait inscrite dans le contexte d'un retour du marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé Hercules et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (2 DM/kg pour le raphia) (décision, points 37 à 39 premier alinéa).
115 La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant d'ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix cibles définis lors de la réunion (décision, point 39, deuxième alinéa). Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'auraient pu annoncer que des hausses modestes.
116 Selon la décision (point 40), la requérante aurait également participé à la cinquième initiative de prix de septembre-novembre 1982 décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 et visant à atteindre un prix de 2 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre, dans la mesure où elle aurait été présente à la plupart, sinon à toutes les réunions tenues entre juillet et novembre 1982 au cours desquelles cette initiative a été organisée et contrôlée (décision, point 45). Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2septembre 1982 (décision, point 41).
117 A la suite des réunions du 20 août et du 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).
118 Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle aurait participé la requérante, un examen des mesures prises pour atteindre l'objectif fixe précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg pour novembre-décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.
119 A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).
120 A l'instar d'ATO, BASF, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Saga, la requérante aurait fourni à la Commission des instructions de prix adressées à ses bureaux de vente locaux, qui correspondraient non seulement entre elles pour ce qui est des montants et des délais, mais correspondraient également au tableau de prix cibles joint au compte-rendu d'ICI de la réunion des " experts " du 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29) (décision, point 45, deuxième alinéa).
121 La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre-décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.
122 D'après la décision (point 47), la requérante aurait, enfin, participé à la sixième initiative de prix de juillet-novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforcerait d'appliquer un prix cible de 2 DM/kg en juin 1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM/kg). Ensuite, lors d'une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM/kg. A cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l'initiative publiquement dans ECN.
123 La décision (point 49) relève qu'après la réunion du 20 mai 1983, ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour le raphia. Elle ajoute que les instructions de prix retrouvées chez ATO et Petrofina ne sont que partielles, mais qu'elles confirment que ces sociétés ont relevé leur niveau de prix, avec un certain retard dans le cas de Petrofina et de Solvay. La décision conclut qu'il est ainsi démontré qu'à l'exception de Hüls, pour qui la Commission n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.
124 La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août et 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels, dont Hercules, ont pris part. A la fin juillet et au début août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Solvay et Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2 DM/kg pour le raphia, tandis qu'une note interne de Shell du 11 août relative à ses prix au Royaume-Uni indique sa filiale au Royaume-Uni travaillait à " promouvoir " des prix de base applicables au 1er septembre, conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell donnait instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exceptions mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.
125 Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia, et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que BASF, Hoechst, Hüls, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs.
126 Selon la décision (point 105, quatrième alinéa), quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu'en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu'à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données.
127 La décision point 76, deuxième alinéa) s'attache à répondre en détail à Hercules qui avait fait grief à la Commission d'avoir considéré, à tort, que les instructions de prix de divers producteurs étaient contemporaines, alors qu'elles ne l'étaient pas. De même, la décision (point 76, troisième alinéa) dénie toute valeur probante à l'enquête produite par Hercules pour démontrer l'absence de tout schéma de relations entre ses propres orientations en matière de prix et les prix cibles fixés aux réunions.
128 La décision (point 77, premier alinéa) relève encore que certains producteurs n'ont pas fourni à la Commission une série complète d'instructions de prix à partir de 1979, comme cela leur avait été demandé. Ainsi pour Hercules, les documents recueillis porteraient uniquement sur 1982 et 1983.
b) Arguments des parties
129 La requérante fait valoir que c'est à tort que la Commission a conclu, à partir de documents émanant d'autres producteurs, que Hercules avait soutenu le système de " prix cibles ". En effet, même lorsque son employé assistait à certaines des réunions au cours desquelles ces prix ont été discutés, ni les procès-verbaux de ces réunions ni aucune autre preuve directe n'indiqueraient qu'il ait consenti à ces prix ou qu'il se soit engagé à les appliquer. Les éléments de preuve disponibles, notamment les témoignages d'autres producteurs selon lesquels M. B. n'a pris aucun engagement ainsi que l'absence de pouvoir de ce dernier pour engager la société, établiraient le contraire.
130 Elle soutient que la Commission a eu tort de se fonder sur la terminologie utilisée dans les instructions de prix internes de l'entreprise, étant donné qu'il s'agit là de la terminologie habituellement utilisée dans la presse spécialisée.
131 La requérante fait grief à la Commission de n'avoir pas pris en compte les performances effectivement réalisées sur le marché par les entreprises incriminées et de baser entièrement la décision sur une analyse des instructions faussaient nécessairement la concurrence. Or, cette analyse de la Commission serait inexacte. En effet le système de prix de Hercules fonctionnait de telle manière qu'il ne pouvait être utilisé dans le cadre d'un accord sur les prix avec d'autres producteurs. D'une part, les directives données aux directeurs de vente locaux leur laissaient une grande liberté de s'écarter des objectifs de prix indiqués. Pendant une grande partie de la période de 1982 à 1983, ces directives auraient même revêtu la forme d'objectifs de prix moyens. Compte tenu de la souplesse de ce système de prix, l'argument de la Commission, selon lequel les prix convenus constituaient un point de départ dans les négociations avec les clients, serait inapplicable à Hercules. D'autre part, les orientations générales visaient à maintenir la production à un niveau maximal et à cet effet, à maximiser les ventes mêmes au prix d'une réduction des marges bénéficiaires.
132 Elle affirme que cette politique de " maximatisation " de la production et des ventes de hercules rendait impossible son adhésion au système convenu des " prix cibles ". Les prix qu'elle demandait réellement sur le marché n'auraient pas correspondu aux " cibles " auxquelles elle était supposée avoir adhéré. Cela ressortirait d'une étude menée sur 850 transactions individuelles effectuées par Hercules en 1982 et 1983, dans quatre pays où elle avait des activités importantes (République Fédérale d'Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie). De même, la Commission n'aurait tenu aucun compte de l'étude du professeur Albach, de l'université de Bonn, ni d'un audit effectué par un cabinet d'experts-comptables indépendant, Coopers et Lubrand (ci-après " audit Coopers et Lybrand "). Le seul fait de comparer les " prix cibles " avec les prix relevés dans la presse spécialisée de septembre 1981 à décembre 1983, ce à quoi se serait bornée la Commission (tableau 9 de la décision), ne saurait constituer en soi une preuve évidente d'influences de nature illégale sur le marché. Cette comparaison confirmerait au contraire les déclarations des producteurs selon lesquelles les prix pratiqués étaient bien inférieurs aux prétendus " prix cibles " et variaient dans une large mesure notamment dans les qualités autres que le raphia qui constitueraient la grande majorité des ventes de Hercules.
133 La requérante explique que, contrairement à ce qu'affirme la Commission, elle n'a pas interprété les instructions de prix de manière sélective puisqu'elle s'est basée sur la dernière instruction donnée, à la différence de la Commission qui, elle, aurait opéré un choix parmi les multiples instructions. De même, elle soutient qu'elle n'a pas utilisé des chiffres " théoriques " pour les qualités autres que le raphia au lieu des " cibles " proprement dites, comme le prétend la Commission. En effet, la comparaison qu'elle a effectuée porterait sur chaque " chiffre cible " pour chaque qualité de polypropylène dans chacune des devises. Simplement, le nombre de " cibles " pour les produits autres que le raphia étant trop réduit, Hercules aurait calculé des " cibles théoriques " supplémentaires à des fins de comparaison, mais elle l'aurait fait d'une manière parfaitement cohérente. Elle affirme au contraire que c'est la Commission qui a utilisé des méthodes défectueuses et peu fiables dans sa tentative de montrer la similarité et la simultanéité des instructions de prix données par différents producteurs et pour rattacher celles-ci aux réunions de producteurs.
134 A cet égard, elle fait valoir que pour l'initiative de prix d'août-décembre 1981, la Commission a retenu comme instruction de prix pour Hercules une note purement interne à celle-ci (ann. 18, g. Her).
135 La requérante expose que pour l'initiative de prix de juin-juillet 1982, la Commission a omis de tenir compte du fait que dix des dix sept instructions de prix données par la requérante ne correspondent pas à l'objectif de prix prétendument fixé, que la Commission a retenu dans les instructions de prix de la requérante les prix de liste pour les comparer aux prix minimaux d'autres producteurs, alors qu'elle aurait dû considérer le prix minimal fixé par la requérante qui est inférieur à celui des autres, et qu'elle a omis de faire état des instructions de la requérante libellées en DKR, lesquelles étaient inférieures aux objectifs de prix en ce qui concerne l'homopolymère et le copolymère.
136 Elle soutient que, en ce qui concerne l'initiative de prix de septembre-novembre 1982, son instruction de prix datée du 26 juillet 1982 ne peut être mise en relation avec la réunion du 2 septembre 1982, qui lui est postérieure. Elle indique également que son instruction de prix pour octobre 1982 a été donnée le 20 octobre, soit longtemps après la date d'entrée en vigueur des nouveaux prix des autres producteurs et après qu'ECN eût publié l'objectif de prix poursuivi. Elle ajoute qu'ici encore une fois, la Commission a confondu ses prix de liste et ses prix minimaux et qu'elle a omis de tenir compte d'autres instructions de prix que la requérante lui avait fournies et qui n'étayaient pas sa démonstration.
137 En ce qui concerne l'initiative de prix de juillet-novembre 1983, la requérante expose qu'elle a donné son instruction de prix le 29 juin 1983, soit quatre semaines après la réunion au cours de laquelle la Commission soutient qu'un objectif de prix a été défini et bien après que les autres producteurs eurent donné leurs propres instructions de prix. Elle ajoute que ses instructions de prix diffèrent de celles des autres et des objectifs de prix prétendument fixés en ce qui concerne les moins de septembre et d'octobre 1983, en raison du fait qu'elle a donné ses instructions de prix après les autres producteurs, suite à une analyse indépendante de leur comportement sur le marché.
138 La requérante ajoute que cette analyse est corroborée par le fait que, de l'avis même des autres producteurs, elle ne coopérait pas aux initiatives de prix et perturbait le marché en cassant les prix, comme le montrerait, notamment le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33). Cette attitude montrerait non seulement que les instructions internes de Hercules n'étaient pas conforme aux " cibles ", mais aussi combien ces instructions avaient, en tout état de cause peu de rapport avec la façon dont les responsables des vents agissaient effectivement.
139 Enfin, la requérante expose que " l'article 1er, sous d), de la décision doit être interprété comme constatant, sans se référer à leur résultat, que Hercules convenu de donner et a donné effectivement des instructions de prix à ses bureaux de vente afin d'atteindre les objectifs ".
140 La Commission expose, de son côté, qu'elle a déjà répondu aux arguments présentés sous cette rubrique et que, d'ailleurs, Hercules ne dit rien sur le fait que l'article 1er, sous b), de la décision traite de la fixation des " objectifs de prix " non de leur application.
141 Selon la Commission, le seule argument pertinent de Hercules à cet égard, porterait sur la souplesse de son système de fixation de prix. Mais la défenderesse l'écarte en soulignant qu'elle n'a jamais prétendu que des prix uniformes avaient été effectivement facturés et qu'en revanche ce qui importe, c'est que des instructions correspondant aux " objectifs de prix " aient été données par la direction générale pour servir de base à la négociation des prix avec les clients. La Commission estime que si les bureaux de vente de la requérante étaient invités à respecter des prix moyens pouvant s'appliquer à différentes qualités de polypropylène, ces moyennes étaient calculées sur la base des " objectifs de prix " et que les instructions de prix spécifiaient des prix courants et des prix planchers.
142 La Commission fait remarquer qu'en l'absence de toute manifestation de désaccord de Hercules au cours des réunions, les autres producteurs n'auraient pas toléré la présence de son représentant s'ils avaient eu des raisons de douter de son consentement à la fixation des prix, qui était le but de ces réunions.
143 Elle souligne encore le caractère univoque de télex envoyés par Hercules à ses bureaux de vente (ann. Hercules E à I à la lettre de la Commission du 29 mars 1985) dans lesquels on peut lire :
" Hence on for October exclusively quoting full list price without exception and lower our presence in the market. "
(" Dorénavant, pour octobre, demandons exclusivement prix de liste intégral sans exception ")...
" Book soonest possible business at regular accounts which currently are at or practically at list prices. Initiate soonest list price negociations on regular accounts which current too far away from list price. Thereby assuming competition going at similar list price levels ".
(" En ce qui concerne les clients réguliers avec lesquels nous traitons actuellement aux prix du barème ou à des prix pratiquement identiques, concluez les contrats le plus tôt possible ; quant aux clients dont les prix sont actuellement trop éloignés du prix courant, entamez rapidement des négociations tout en considérant que la concurrence opère à un niveau de prix analogue. ") (G 8, p. 1 et 2)
et
" Will not refuse further volume provided it is at above list prices... In case of serious enquiry/biz opportunity from a typical historical prime customer where list for competitive reasons not obtainable we ready to discuss but don't assume flexibility before-hand. "
(" Ne refuserons pas volume supplémentaire pourvu que ce soit aux prix courants ci-dessus... En cas de demande sérieuse/offre de transaction émanant d'un gros client de longue date, pour laquelle les prix courants ne pourraient être pratiqués pour des raisons de concurrence, sommes disposés à discuter mais ne nous supposez pas malléables a priori. ") (G 9).
La Commission fait remarquer que ces télex ont été expédiés tous deux au cours de la période de 1982 à 1983, d'après Hercules, la période où fonctionnait son système de prix moyens. Il serait donc clair que ce système n'ôtait pas signification aux objectifs de prix.
c) Appréciation du Tribunal
144 Le Tribunal constate que les comptes-rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) :
" everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise throuh before the holidays + after some debate settled on DM 2.00 from 1st June (UK 14th June). Individual country figures aure shown in the attached table. "
[" tout le monde pensait qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances + fixation (après débat) à 2 DM à partir du 1er juin (14 juin pour le Royaume-Uni). Les chiffres par pays sont indiqués dans le tableau joint. "]
145 Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. En effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions.
146 A cet égard, il convient de relever que la requérante ne conteste pas spécifiquement sa participation à l'une ou l'autre des initiatives de prix, mais soutient qu'elle ne s'est jamais engagée à respecter les objectifs de prix comme l'attesteraient, en premier lieu, le statut de son employé tant aux réunions qu'en son sein et, en second lieu, sa politique interne et externe en matière de prix qui aurait été indépendante des objectifs de prix allégués et qui n'aurait pas pu être influencée par ceux-ci.
147 Aucun de ces deux arguments ne peut être retenu comme indice pouvant corroborer l'affirmation de la requérante selon laquelle elle n'a pas souscrit aux initiatives de prix convenues.
148 En ce qui concerne le premier de ces arguments, le Tribunal rappelle, tout d'abord, que, pour les motifs qui l'ont conduit à juger que les indices déduits par la requérante du statut de M. B. dans la société n'étaient pas de nature à établir qu'il ne pouvait lui être fait grief de sa participation aux réunions, ces mêmes indices ne sont pas non plus de nature à établir que la requérante n'a pas souscrit aux initiatives de prix convenues lors de ces réunions.
149 En ce qui concerne le second argument, dans la mesure où il se rapporte à la politique de prix interne de Hercule - c'est-à-dire à ses instructions de prix de 1982 et 1983 et à son système de fixation des prix - il y a lieu d'observer que les critiques de la requérante, formulées au cours de la procédure administrative et auxquelles elle se réfère dans sa requête, quant à la similarité et la simultanéité de ses instructions de prix par rapport à celles des autres producteurs et aux objectifs de prix définis au cours des réunions durant les années 1982 et 1983, ont été pour partie prises en compte dans la décision. En effet, celle-ci a pris acte dans ses tableaux 7 tant de convergences que des divergences entre ces instructions, d'une part, et les instructions des autres producteurs ou les objectifs de prix définis cours des réunions, d'autre part. Par conséquent, la Commission a correctement décrit la situation de la requérante. A cet égard, il faut ajouter que la sélection opérée par la Commission entre les différentes instructions de prix de la requérante n'a pas travesti la situation réelle de celle-ci, mais qu'elle est inhérente au travail synthèse effectué dans les tableaux joints à la décision.
150 Ainsi, la critique de l'analyse de la Commission relative aux prix de la requérante en septembre 1981 a été prise en compte au point 35, deuxième alinéa, de la décision et dans son tableau 7 F, qui indiquent explicitement que Hercules n'a pas fourni à la Commission d'instructions de prix pour cette période mais que l'on dispose d'une note interne du 29 juillet 1981, reprenant les objectifs de prix (ann. 18, g. Her).
151 De même, les critiques de la requérante relatives à l'initiative de prix de septembre-novembre 1982 portent à faux puisque l'instruction de prix de la requérante du 26 (en réalité 27) juillet 1982 (ann. Hercules G2 à G6, lettre du 29 mars 1985) ne doit pas être mise en relation avec la réunion du 2 septembre 1982, mais bien avec elle des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26), au cours de laquelle l'objectif de prix de 2 DM/kg au 1er septembre avait été fixé, comme l'a indiqué la Commission dans une note reproduite au tableau 7 I.
152 Pour le surplus, le Tribunal estime que la requérante ne peut se prévaloir de l'annonce publique des prix dans ECN pour expliquer ses instructions de prix, dans la mesure où il résulte clairement du compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann 40) qu'à l'époque, lorsqu'une initiative de prix était décidée, elle était annoncée dans la presse spécialisée. En effet, on peut lire dans ce compte-rendu : "Shell was reported to have committed themselves to the move and would lead publicly in ECN" ["il a été indiqué que Shell s'était engagée dans ce mouvement et (le) "lancerait" publiquement dans ECN"].
153 Quant aux conséquences que la requérante entend tirer du manque partiel de simultanéité de ses instructions de prix pour 1982 et 1983, le Tribunal considère que, dans le cas d'espèce, la longueur du délai qui sépare les instructions de prix de la requérante de celles d'autres producteurs et de la réunion au cours de laquelle l'objectif de prix a été fixé n'est pas non plus de nature à infirmer les éléments de preuve avancés par la Commission. En effet, la longueur de ce délai ne permet pas de considérer que c'est sur la base d'une appréciation autonome du marché que la requérante a donné ses instructions, puisqu'elle avait appris lors des réunions quels seraient les prix visés par ses concurrents.
154 Quant à la similarité des instructions de prix données par la requérante en 1982 et en 1983 avec les objectifs de prix et les instructions de ses concurrents, le Tribunal constate que le fait que la requérante n'ait que partiellement mis en œuvre les initiatives de prix convenues ne peut contredire qu'elle y a souscrit lors des réunions, surtout lorsque les comptes-rendus de ces réunions ne font apparaître aucune divergence de vues entre la requérante et les autres participants à celles-ci sur ces initiatives et que le caractère seulement partiel de cette mise en œuvre a suscité des critiques d'autres producteurs, comme le montre le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), qui fait été de critiques formulées par les producteurs allemands et néerlandais à l'encontre de la requérante, critiques dont la requérante souligne que la réponse d'ICI, à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) indique qu'elles étaient dues à sa politique de prix.
155 Il convient d'observer que la souplesse du système de fixation des prix de la requérante elle-même n'est pas non plus de nature à infirmer les constatations de la Commission, dans la mesure où, si les instructions de prix données aux bureaux de vente leur laissaient une grande liberté pouvant même aller jusqu'à leur permettre de considérer ces instructions comme des objectifs de prix moyens mensuels, il n'en reste pas moins que les objectifs de prix définis au cours des réunions servaient de base aux appréciations des bureaux de vente ou à la détermination des objectifs de prix moyens mensuels et qu'ainsi ils servaient de base aux négociations avec des clients, comme le montre le texte des télex cités par la Commission (ann. Hercules E à I, lettre du 29 mars 1985), qui datent de la période où fonctionnait le système de prix moyens de la requérante. Par ailleurs le fait que la terminologie de ces télex correspond à celle utilisée dans la presse spécialisée n'est pas de nature à infirmer cette constatation.
156 C'est en raison de cette souplesse de son système de fixation de prix que la requérante ne peut faire grief à la Commission d'avoir retenu dans son analyse des instructions de prix de la requérante tantôt ses prix de liste, tantôt ses prix minimaux, même si elle retenait pour d'autres producteurs leurs seuls prix minimaux, puisque ce système laissait une importante marge d'appréciation à ses services de vente.
157 Il convient de relever, en outre, que la requérante ne peut se prévaloir du caractère purement interne de ses instructions de prix puisque, si celles-ci sont certes purement internes en ce qu'elles sont adressées aux bureaux de vente par le signal central, elles n'en ont pas moins été envoyées en vue d'être exécutées et donc de produire directement ou indirectement des effets externes, ce qui leur fait perdre leur caractère interne.
158 En ce qui concerne le second argument dans la mesure où il se rapporte à la politique de prix externe de Hercules - c'est-à-dire aux prix qu'elle a pratiqués sur le marché - il y a lieu de relever que la décision n'affirme nullement que la requérante a pratiqué des prix correspondant toujours aux objectifs de prix convenus lors des réunions, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs de prix. Or, une éventuelle différence entre les prix effectivement obtenus sur le marché par la requérante et les objectifs de prix fixés au cours des réunions, même si elle était établie en fait, ne serait pas de nature à contredire la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix lors des réunions, mais tendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas mis en œuvre le résultat de ces réunions, comme le montrent ici encore les critiques qu'a encourues la requérante au cours des réunions en raison de sa politique de prix.
159 Par conséquent, la requérante ne peut tirer argument, en l'espèce, de sa politique de prix, tant interne qu'externe, pour établir qu'elle n'a pas souscrit aux initiatives de prix décidées, organisées et contrôlées lors des réunions auxquelles elle a participé.
160 Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8) dans laquelle on peut lire que " Target prices' for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule... " (" Les 'prix cibles' qui ont été proposés périodiquement depuis le 1 er janvier 1979 par le sproducteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annex... "), que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.
161 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées dans la décision et que celles-ci s'inscrivaient dans un système.
D - Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix
a) Acte attaqué
162 La décision [article 1er, sous c), et point 27 ; voir aussi point 42] fait grief à la requérante d'avoir contenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin septembre 1982, un système d' " account management " ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers.
163 En ce qui concerne le système d' " account management " dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous le nom d' " account leadership ", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou " leader " d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un " coordinateur " aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file (" leader "), chargé d'orienter, de négocier, d'organiser les mouvements e prix. Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le " contenders " et coopéraient avec l' " account leader ", lorsqu'ils faisaient offre au client en question. Pour " protéger " l' " account leader " et les " contenders ", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI, selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte-rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait qu'à cette époque le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.
164 La décision (point 20) fait également grief à Hercules d'avoir assisté à des réunions locales, tout au moins à celles concernant le Benelux (point 78, dixième alinéa), qui étaient consacrées à la mise en œuvre au niveau des mesures convenues au cours des réunions plénières.
b) Arguments des parties
165 La requérante conteste avoir participé à un échange d'informations sur ses livraisons et relève que cela été expressément noté par la Commission au point 78 de la décision. Elle relève que le refus obstiné de Hercules, ainsi que celui d'Amoco et de BP, de fournir des chiffres pour des parts de marché qui, additionnées, représentaient une part totale importante du marché de la CEE, devait avoir pour effet de limiter la confiance que d'autres pouvaient avoir dans le fruit de tels échanges de renseignements qui n'étaient plus que partiels.
166 Elle soutient qu'il n'existe aucune preuve que Hercules ait accepté de réduire sa production ou d'effectuer des ventes hors de la CEE ou qu'elle ait mis en œuvre de telles mesures. Dans la communication des griefs, la Commission avait relevé qu'au cours d'une réunion du 21 septembre 1982 (g. g. ann. 30), le représentant de la requérante aurait accepté d'arrêter la production de l'usine pour soutenir une initiative de prix. Or, cette allégation serait démentie, d'une part, par les rapports d'exploitation de l'usine et, d'autre part, par le fait que le représentant de Hercules n'avait aucun pouvoir de contrôle sur la production de l'usine. En outre, le compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) ne serait pas confirmé sur ce point par le compte-rendu de la même réunion rédigé par Hercules (ann. 3, g. Her).
167 Par ailleurs, la requérante soutient qu'il n'y a pas eu de détournement de la production de Hercules vers des marchés d'outre-mer, malgré le fait que, pendant la période visée par la Commission, les marges bénéficiaires réalisées sur les ventes outre-mer étaient supérieures à celles que l'on pouvait obtenir sur les ventes dans la CEE. Elle affirme, en outre, que la part de marché de Hercules dans la Communauté a augmenté.
168 Elle affirme que la Commission se fonde sur des documents non identifiés, d'origine non expliquée et d'une fiabilité douteuse pour établir sa participation au système d' " account management ". Elle relève, par contre, qu'ICI a affirmé dans sa réponse à la demande de renseignements que c'était Hercules qui était à l'origine de l'échec du système (g. g. ann 8). La requérante expose, en outre, qu'elle n'est pas à l'origine du système d' " account management ", qui aurait été évoqué pour la première fois lors d'une réunion locale, comme l'aurait indiqué son employé lors de son audition (ann. 7, g. Her.).
169 La requérante souligne qu'elle n'a pris aucune part à l'élaboration des tableaux annexés aux comptes-rendus des réunions des 2 septembre 1982 et 3 mai 1983 (g. g. ann. 29 et 38), comme le prouverait le fait qu'elle n'est pas mentionnée comme " account leader " de ses principaux clients au Royaume-Uni et en République fédérale d'Allemagne. Par contre, le fait qu'elle figure dans ces tableaux comme " account leader " d'un autre client ne prouverait rien dans la mesure où tous les producteurs savaient qu'elle était son principal fournisseur.
170 La requérante affirme encore que la présence de son employé aux réunions locales a été sporadique et limitée à la Belgique, et ne permettrait pas à la Commission de conclure que Hercules a participé à la mise en œuvre des accords reprochés.
171 La requérante conclut que, vu qu'il est peu réaliste d'imaginer qu'elle ait participé à un accord sans participer aux mesures destinées à faciliter sa mise en œuvre, cela jette le doute sur sa participation à l'accord.
172 La Commission, de son côté, signale qu'elle n'a évidemment pas constaté que Hercules avait participé à des échanges de ses chiffres de vente, comme elle l'a indiqué clairement au point 78, dixième alinéa, de la décision. Elle considère que Hercules a participé à une infraction qui impliquait un accord sur différentes mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des objectifs de prix, mais qu'elle n'a jamais constaté que ces mesures auraient été mises en œuvre.
173 Elle nie avoir affirmé que Hercules était d'accord pour limiter sa production et moins encore que de telles limitations ont effectivement été opérées. Toutefois, les comptes-rendus de certaines réunions, comme celles du 13 mai 1982 (g. g. ann. 24) et du 21 septembre 1982 (g. g. ann. 30), montreraient que c'était l'un des sujets sur lesquels un accord général avait été obtenu et que Hercules était prête à réduire sa production ou à détourner ses excédents vers les marchés d'outre-mer.
174 Elle indique que Hercules ne semble pas contester que le système d' " account management " ait fait l'objet d'un accord, comme le montreraient les comptes-rendus des réunions des 2 septembre et 2 décembre 1982 et du printemps 1983 (g. g. ann. 29, 33 et 37). Quant à la nature de sa participation à ce système, sa réponse à la demande de renseignements, le compte-rendu de l'audition de son employé par les agents de la Commission ainsi que deux notes manuscrites (ann. 1, 7, 10 et 11, g. Her) montreraient que M. B. a été le premier à proposer un tel système.
175 En ce qui concerne les réunions locales, la Commission relève, enfin, que son argument principal est tiré du fait qu'il était convenu de tenir de telles réunions et que c'est à titre subsidiaire seulement qu'elle observe que de telles réunions ont eu lieu et que Hercules a reconnu dans sa réponse à la demande de renseignements y avoir pris part à l'occasion.
c) Appréciation du Tribunal
176 Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'interpréter le point 27 de la décision à la lumière du point 26, deuxième alinéa, non comme faisant grief à chacun des producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir à divers moments lors des réunions adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures, mentionnées dans la décision, destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie de commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.
177 Force est de constater qu'en participant aux réunions aux cours desquelles cet ensemble de mesures a été adopté [notamment celles des 13 mai, 2 et 21 septembre 1982 (g. g. ann. 24, 29, 30)], la requérante a souscrit à celui-ci, puisqu'elle n'avance aucun indice de nature à établir le contraire.A cet égard, l'adoption du système d' " account leadersip " ressort du passage suivant du compte-rendu de la réunion du 2 septembre 1982 :
" about the dangers of everyone quoting exactly DM 2.00 A.'s point was accepted but racher than go below DM 2.00 it was suggested & generally agreed that others than the major producers at individual accounts should quote a few pfs higher. Whilst customer tourism was clearly to be avoided for the next month or two it was accepted that it would be very difficult for companies to refuse to quote at all when, as was likely, customers tried to avoid paying higher prices to the regular suppliers. In such cases producers would quote but at above the minimum levels for October. "
(" la remarque d'A. à propos des risques qui existeraient si tout le monde proposait exactement 2 DM a été acceptée ; toutefois au lieu de descendre au-dessous de 2 DM, on a avancé l'idée - qui a été acceptée par tous - que des producteurs autres que les principaux fournisseurs d'un client donné devraient proposer un prix dépassant ce prix de quelques pfennigs. Tout en décidant clairement d'éviter toute nouvelle prospection pendant le mois ou les deux mois suivants, on a admis qu'il serait très difficile aux entreprises de refuser de présenter des offres, si, comme c'était probable, les clients essayaient d'éviter les prix plus élevés des fournisseurs réguliers. Dans ce cas, les producteurs devaient faire une offre, mais à un niveau supérieur aux niveaux minimaux d'octobre ").
De même, lors de la réunion du 21 septembre 1982, à laquelle participait la requérante, il a été déclaré : " In support of the move, BASF, Hercules and Hoechst said they would be taking plant off line temporarily " (" Pour appuyer l'action, BASF, Hercules et Hoechst ont dit qu'elles mettraient une de leurs installations temporairement hors circuit ") et à celle du 13 mai 1982, Fina a dit : " Plant will be shut down for 20 days in August " (" L'usine sera fermée pendant vingt jours en août ").
178 En ce qui concerne l' " account leadership ", le Tribunal constate qu'il ressort des comptes-rendus des réunions des 2 septembre 1982 (g. g. ann. 29), 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) et du printemps 1983 (g. g. ann. 37), auxquelles participait la requérante, qu'au cours de celles-ci les producteurs présents ont adhéré à ce système.
179 En outre, il résulte d'une note découverte chez ICI et située par la requérante aux environs de mars 1983 (ann. 11, g. Her.) que l'employé de la requérante était considéré comme " Originator of 'account leadership' concept (not working) " [" B. : initiateur de la notion d'account leadership' (ne fonctionne pas) "].
180 Par ailleurs, le fait que la requérante n'ait pas été désignée comme " account leader " de ses plus gros clients est sans pertinence. En effet, la question pertinente n'est pas celle de savoir si le client est important du point de vue du fournisseur, mais bien celle de savoir si le fournisseur, en l'occurrence Hercules, est important du point de vue du client. Force est de constater que la requérante n'a pas allégué ni démontré qu'elle était effectivement le principal fournisseur de ces " gros clients " dont elle n'a pas été désignée comme " account leader ".
181 Le Tribunal constate, en outre, en ce qui concerne le grief de limitation de la production et de détournement de la production vers les marchés d'outre-mer que, contrairement aux affirmations de la requérante, son propre compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (ann. 3, g. Her) vient non pas infirmer, mais corroborer le compte-rendu de la même réunion d'ICI (g. g. ann. 24) sur la teneur des discussions qui ont eu lieu sur ce point, même s'il est vrai que dans le compte-rendu de Hercules, ses propres décalrations ne sont pas reproduites. A cet égard, on peut lire dans le compte-rendu d'ICI :
" Hercules - Export demand expected to continue strongly + would put any surplus overseas despite losing ground in W. Europe over last 2 months ".
(" Hercules - il faut s'attendre à ce que la demande à l'exportation demeure fort soutenue + serait disposée à vendre d'éventuels excédents outre-mer bien qu'elle ait déjà perdu du terrain en Europe Occidentale au cours des deux derniers mois ").
182 Enfin, le Tribunal constate que la requérante ne conteste pas avoir pris part à des réunions locales et que l'objet de ces réunions est attesté par le compte-rendu de la réunion du 125 août 1982 (g. g. ann. 27) qui montre que ces réunions étaient destinées à assurer l'application, au niveau local, d'une initiative de prix particulière.
183 Il convient d'ajouter qu'il résulte explicitement du point 78, dixième alinéa, de la décision que celle-ci n'a pas retenu à l'encontre de la requérante le grief d'échange d'informations relatives à ses ventes.
184 Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter sa mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.
E - Tonnage cibles et quotas
a) Acte attaqué
185 Selon la décision (point 31, troisième alinéa), " la nécessité d'un système rigoureux de quotas (aurait été) reconnue " au cours de la réunion des 26 et 27 septembre 1979, dont le compte-rendu mentionnerait un projet proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année.
186 La décision (point 52) relève encore que divers projets de répartition du marché avaient déjà été appliqués avant le mois d'août 1982. Si chaque production s'était vu allouer un pourcentage du volume total estimé des commandes, il n'aurait cependant existé aucune limitation systématique préalable de la production globale. Aussi les estimations du marché total auraient-elles été revues régulièrement et les ventes de chaque producteur, exprimées en tonnages, ajustées pour correspondre au pourcentage autorisé.
187 Des objectifs en matière de volume (exprimés en tonnes) auraient été fixés pour 1979 ; ils se seraient basés au moins partiellement sur les ventes réalisées au cours des trois années antérieures. Des tableaux découverts chez ICI indiqueraient l' " objectif ajusté " par producteur pour 1979, comparé au tonnage réellement vendu au cours de cette période en Europe Occidentale (décision, point 54).
188 A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés cette fois encore en tonnages, sur la base d'un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les " objectifs convenus " afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et chez ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées par les différents producteurs correspondraient grosso modo à leur cible.
189 Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu, à titre de mesure temporaire, que pour aider à réaliser l'initiative de prix de février-mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles, à 1/12 de 85 % de l' " objectif " de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces " ambitions " aurait excédé largement les prévisions de la demande totale. En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être conclu pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient rendu compte des ventes réalisées chaque mois, au cours de la réunion. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).
190 La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certaines producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système. Toutefois, en attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d'entre eux pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché auraient atteint un certain équilibre et par rapport aux années antérieures, seraient restées stables pour la plupart des producteurs.
191 D'après la décision (point 60) pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait parvenir des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de parts de marché de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée, dans un premier temps, au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte-rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait que ATO, DSM, Hoechst, Hüls, ICI, Monte et Solvay, de même que Hercules auraient trouvé " acceptable " le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982.
192 La décision (point 63, troisième alinéa) affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord serait intervenu dans la mesure où cette entreprise se serait forcée de ne pas dépasser son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11 % durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).
193 Selon la décision (points 66, dernier alinéa, 78, dixième alinéa, et 109, cinquième alinéa), les comptes-rendus des réunions qui ont eu lieu à partir de juin 1982 révèlent que les producteurs avaient tous pris l'habitude d'indiquer les ventes qu'ils avaient réalisées eux-mêmes au cours du mois précédent, pour que ce chiffre puisse être comparé à la cible qui leur avait été fixée. Pour Amoco, BP et Hercules, il n'existait cependant qu'une estimation globale. BP et Amoco ne participaient pas aux réunions et Hercules paraît avoir hésité à communiquer ses chiffres individuels. En revanche, Hercules aurait disposé des données des autres producteurs et ses documents internes révéleraient qu'elle possédait des renseignements précis sur les livraisons dans chaque Etat membre et sur les parts de marché de chacun des autres producteurs pour 1981 et 1982.
b) Arguments des parties
194 La requérante fait, tout d'abord, observer que dans nombre de documents, tels que des comptes-rendus de réunions ou des tableaux chiffrés (g. g. ann. 25, 28, 31 à 33, 59, 65, 69, 70 et 87), le nom de Hercules figure conjointement avec ceux d'Amoco et/ou BP en ce qui concerne les chiffres de vente et les cibles attribuées. Elle estime que cela prouve que Hercules n'a pas communiqué ses chiffres de vente, qui ont dû, par conséquent, être évalués par les autres producteurs à partir d'estimations.
195 Elle soutient, ensuite, que le tableau intitulé " Producers' Sales to West Europe " (" Ventes des producteurs en Europe occidentale "), qui comprend une colonne " agreed targets 1979 " (" objectifs convenus 1979 ") (g. g. ann. 55), comporte des erreurs quant à l'estimation de ses chiffres de vente, qu'il a été élaboré par un auteur inconnu et qu'il contient des indications manuscrites pouvant avoir été ajoutées ultérieurement. Par ailleurs, le compte-rendu de la réunion de janvier 1981 (g. g. ann. 17) indiquerait lui-même que les chiffres qui y figurent pour Hercules constituent des projections faites par d'autres producteurs.
196 En outre, la requérante fait valoir que nombre de documents ne la concernent pas, puisqu'il s'agit de documents internes à d'autres producteurs, relatant parfois des discussions bilatérales auxquelles elle est étrangère (g. g. ann. 62, 63, 67, 68 et 93), ou de propositions de quotas émanant d'autres producteurs (g. g. ann. 75 et 76).
197 Enfin, elle indique que ses chiffres de vente ont toujours largement excédé les soi-disants quotas qui lui auraient été prétendument attribués (g. g. ann. 28, 32, 33, 59 et 65).
198 De façon plus générale, la requérante ajoute que les griefs de la Commission ne sauraient résister à la preuve, précédemment apportée, que Hercules a refusé de participer aux échanges d'informations concernant les chiffres de vente, alors que ces informations étaient nécessaires pour conclure et exécuter les accords de quotas. La Commission se fonderait sur des documents qui semblent être des projets ou des remarques sur des plans de répartition du marché. Mais elle aurait négligé le fait qu'il existe des témoignages indiscutés et des preuves écrites l'absence de participation de Hercules (g. g. ann. 8) et que, dans les documents sur lesquels elle s'appuie, la répartition des quotas n'est pas réalisée pour Hercules seule, mais pour Hercules et pour Amoco et/ou BP, sociétés pour lesquelles la Commission a d'ailleurs reconnu qu'il n'existait pas d'éléments suffisants pour leur reprocher une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
199 Lors de l'audience, la requérante a encore fait valoir, en premier lieu, que le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33) comporte, à côté de la mention d'Amoco, Hercules et BP, la mention " amendé ", ce qui voudrait dire que les producteurs, encore une fois, avaient des informations erronées sur les capacités d reproduction de ces trois entreprises ; en second lieu, que l'annexe 43 à la communication spécifique des griefs adressée à Hercules ne permet pas d'affirmer que Hercules a fait corriger en mars 1982 le quota qui lui était attribué, dans la mesure où la demande de correction qui y figure (125 kilotonnes au lieu de 100 kilotonnes) portait non sur un quota, mais sur la capacité nominale de Hercules. Cette demande de correction n'aurait, par ailleurs, pas constitué un engagement de Hercules à augmenter ou à réduire sa capacité, mais visait seulement une information erronée qui figurait déjà dans deux autres tableaux datant des 8 et 9 octobre 1980 (g. g. ann. 57 et 58).
200 La Commission expose, quant à elle, que Hercules a participé avec d'autres producteurs à un accord en vertu duquel ils se sont réparti le marché, notamment en attribuant à chacun un quota ou un objectif de vente. Il importerait peu que Hercules ait communiqué ou non les chiffres de ses ventes mensuelles, puisqu'elle aurait participer à l'accord global dont ces chiffres ne constituent qu'un aspect. Le degré de participation de Hercules à ce type de plan global est défini aux points 52, in fine, et 53, troisième alinéa, de la décision, selon lesquels chaque producteur participant se voyait attribuer un quota ou un objectif exprimé soit en tonnes, soit en pourcentage. La Commission relève que dans l'établissement d'un plan de quotas, il fallait tenir compte de producteurs qui, n'ayant pas assisté aux réunions, n'avaient pas participé aux détails des discussions.
201 La Commission fait observer qu'en 1979, période pour laquelle Hercules aurait reconnu avoir participé aux réunions, celle-ci avait un quota qui lui était propre, comme le montre le tableau intitulé " Producers' Sales to West Europe " (" Ventes des producteurs en Europe Occidentale ") (g. g. ann. 55).
202 Pour la période de 1980 à 1982, elle relève que les chiffres relatifs à Hercules ont été regroupés avec ceux de BP et/ou d'Amoco dans les différents tableaux (g. g. ann. 17, 59, 62, 68 et 93).
203 La Commission souligne encore que l'on a découvert chez Hercules le même plan de Monte relatif à un système de quotas pour 1982 que celui qui avait été trouvé chez ICI. Les représentants de Hercules auraient prétendu ne pas comprendre à quoi pouvait se rapporter l'indication d'un " quota " qui y figure (g. g. ann. 71).
204 Lors de l'audience, la Commission a fait observer que le tableau 2 qui est joint au compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), intitulé " 1983 Quarter 1 Proposal " (" Proposition 1er trimestre 1983 "), mentionne certes un quota de 53 kilotonnes commun à Amoco, Hercules et BP, mais qu'il prévoit également une répartition 21/21/11. La Commission en déduit que, lors des réunions, Hercules veillait à défendre ses intérêts propres. Par ailleurs, elle fait observer que les chiffres qui sont repris dans ces documents se retrouvent également dans le compte-rendu d'une discussion téléphonique du 3 décembre 1982 entre ICI et l'employé de Hercules (g. g. ann. 88). En ce qui concerne le compte-rendu d'une réunion de mars 1982 (ann. 43, g. Her), la Commission estime qu'il manifeste la part active prise par Hercules dans l'élaboration de quotas. En effet, il établirait que, en vue d'obtenir un quota plus important, Hercules a fait corriger la capacité nominale qui lui avait été attribuée et qui devait servir de base au calcul des quotas.
205 La Commission estime, enfin, que le fait que Hercules n'ait pas communiqué ses chiffres de production ou de vente aux autres producteurs ne la disculpe en rien, dans la mesure où elle savait parfaitement que les autres producteurs étaient capables de calculer ces chiffres (en même temps que ceux d'Amoco et de BP) en utilisant les données Fides. Ainsi, Hercules aurait pu concilier l'inconciliable, c'est-à-dire ne pas fournir d'informations, tout en sachant que cela ne ferait pas obstacle à l'évaluation correcte d'un quota réaliste pour elle. En outre la Commission relève que, lorsque l'évaluation était incorrecte, Hercules la faisait corriger comme ce fut le cas en mars 1982.
c) Appréciation du Tribunal
206 Il y a lieu de rappeler que la requérante a participé à partir du début de l'année 1979 au système de réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles des discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées.
207 A cet égard, il importe de relever d'emblée que la décision (point 66, dernier alinéa 78, dixième alinéa, et 109, cinquième alinéa) a reconnu que la requérante n'avait pas fourni les chiffres relatifs à ses volumes de vente, mais que la Commission constate dans le même temps que la requérante disposait, grâce à sa participation aux réunions, de renseignements détaillés sur les ventes mensuelles des autres producteurs.
208 Dans ces circonstances, il convient d'examiner l'implication de la requérante dans le système de fixation d'objectifs de volumes de vente à partir d'une analyse du fonctionnement de l'ensemble de ce système.
209 La terminologie utilisée dans les différents documents relatifs aux années 1979 et 1980 produits par la Commission [comme " revised target " (" objectif révisé "), " opening suggestions " (suggestions de départ "à, " proposed adjustments " (" ajustements proposés "), " agreed targets " (" objectifs convenus ")] permet de conclure que des concours de volontés entre les producteurs sont intervenus.
210 EN ce qui concerne plus particulièrement l'année 1979, il convient de relever sur la base de l'ensemble du compte-rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) et sur la base du tableau non daté, saisi chez ICI (g. g. ann. 55), intitulé " Producers' Sales to West Europe " (" Ventes des producteurs en Europe occidentale "), reprenant pour tous les producteurs de polypropylène d'Europe occidentale les chiffres de vente en kilotonnes pour 1976, 1977 et 1978 ainsi que des chiffres mentionnés sous les rubriques " 1979 actual " (" chiffres effectifs de 1979 "), " revised target " et " 79 ", que la nécessité de rendre le système de quotas convenu pour l'année 1979 plus rigoureux pour les trois derniers mois de cette année a été reconnue lors de cette réunion. En effet, le terme " tight " (" strict "), lu en combinaison avec la limitation à 80 % de 1/12 des ventes annuelles prévues, indique que le régime initialement envisagé pour l'année 1979 devait être rendu plus rigoureux pour ces trois derniers mois. Cette interprétation du compte-rendu est corroborée par le tableau susmentionné, parce que celui-ci contient, sous le titre " 79 " dans la dernier colonne à droite de la colonne intitulée " revised target ", des chiffres qui doivent correspondre aux quotas initialement fixés. Ceux-ci ont dû être révisés dans un sens plus rigoureux parce qu'ils avaient été également été le cas en 1980. Ces constatations ne sont pas infirmées par la référence, contenue au point 31, troisième alinéa, de la décision, à un projet " proposé ou convenu à Zurich en vue de limiter les ventes mensuelles à 80 % de la moyenne atteinte au cours des huit premiers mois de l'année ". En effet, cette référence, lue en combinaison avec le point 54 de al décision, doit être comprise en ce sens que des objectifs de volumes de vente avaient déjà été définis initialement pour les ventes mensuelles des huit premiers mois de l'année 1979.
211 Il importe de souligner que, lors de son audition par les agents de la Commission (ann. 7, g. Her., ann. A), M. B. a déclaré avoir peut être participé à une réunion à Zurich le 19 juin 1979. Or, on peut lire dans le compte-rendu de la réunion des 26 et 27 septembre 1979 (g. g. ann. 12) que :
" Recognized that tight quota system (is) essential. Volume/go for 80 % scheme an[d] for recent Zurich note ".
["a admis qu'un système de quotas strict est essentiel. (En ce qui concerne les) volume(s) : d'accord pour le plan de 80 % et la note récente de Zurich."]
212 En ce qui concerne l'année 1980, le Tribunal constate que la fixation d'objectifs de volumes de vente pour l'ensemble de l'année ressort du tableau daté du 26 février 1980, trouvé chez ATO (g. g. ann. 60) et comportant une colonne " agreed targets 1980 " (" objectifs convenus 1980 "). Ces documents se trouvent confirmés par un tableau daté du 8 octobre 1980 (g. g. ann. 57), comparant deux colonnes dont l'une reprend la " 1980 Nameplate Capacity " (" capacité nominale ") et l'autre le " 1980 Quota " pour les différents producteurs.
213 Pour l'année 1980, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année et d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs " ambitions " et, dans l'attente d'un tel accord, d'avoir convenu, à titre de mesure temporaire, de réduire leurs ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l' " objectif " convenu pour 1980 pendant les mois de février et de mars 1981, de s'être assigné pour le reste de l'année le même quota théorique que l'année précédente, d'avoir chaque mois, lors des réunions, donné connaissance de leurs ventes, et, enfin, d'avoir vérifié si leurs ventes respectaient le quota théorique assigné.
214 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'aboutir à l'instauration d'un régime de quotas et la communication de leurs " ambitions " au cours de ces négociations sont attestées par différents éléments de preuve comme des tableaux reprenant, pour chaque producteur, ses chiffres " actual " et ses " targets " pour les années 1979 et 1980, ainsi que ses " aspirations " pour 1981 (g. g. ann. 59 et 61) ; un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 62) reprenant pour chaque producteur, son quota pour 1980, les propositions d'autres producteurs quant au quota qu'il faut attribuer pour 1981 et ses propres " ambitions " pour 1981 ainsi qu'une note interne d'ICI (g. g. ann. 63) décrivant l'évolution de ces négociations dans laquelle on peut lire :
" Taking the various alternatives discussed at yesterday's meeting we would prefer to limite the volume to be shared to no more than the market is expected to reach in 1981, say 1.35 million tonnes. Although there has benen no further discussion with Shell, the four majors could set the lead by accepting a reduction in their 1980 target market share og about 0.35 % provided the more ambitious smaller producers such as Solvay, Saga, DSM, Chemie Linz, Anic/SIR also tempered thier demands. Provided the majors are in agreement the anomalies could probably be best handled by individual discussions at Senior level, if possible before the meeting in Zurich. "
(" Parmi les diverses solutions discutées pendant la réunion d'hier, nous préférerions que le volume à partager soit limité à un volume ne dépassant pas le marché qu'on escompte atteindre en 1981, soit 1,35 million de tonnes. Bien qu'il n'y ait pas eu d'autres discussions avec Shell, les quatre grands pourraient donner l'exemple en acceptant une réduction d'environ 0,35 % de leur objectif de part de marché 1980 à condition que les grands soient d'accord, la meilleure façon de traiter les anomalies consisterait certainement à les discuter individuellement au niveau des 'patrons', si possible avant la réunion de Zurich. ")
Ce document est accompagné d'une proposition de compromis chiffrée, comparant le résultat obtenu pour chacun par rapport à 1980 (" % of 1980 target ").
215 L'adoption de mesures temporaires consistant en une réduction des ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'objectif convenu l'année précédente pendant les mois de février et de mars 1981 résulte du compte-rendu des réunions de janvier 1981, dans lequel on peut lire :
" In the meantime (février-mars) monthly volume would be restricted to 1/12 of 85 % of the 1980 target with a freeze on customers. "
[" Dans l'intervalle (février/mars) le volume mensuel serait réduit à 1/12 de 85 % de l'objectif 1980 avec un gel des clients. "]
216 Le fait que les producteurs se sont assigné, pour le reste de l'année, le même quota théorique que l'année précédente et ont vérifié si les ventes respectaient ce quota, en s'échangeant chaque mois les chiffres de leurs ventes, est établi par la combinaison de trois documents.Il s'agit, tout d'abord, d'un tableau daté du 21 décembre 1981 (g. g. ann. 67), reprenant pour chaque producteur ses ventes ventilées par mois, dont les trois dernières colonnes relatives aux mois de novembre et de décembre ainsi qu'au total annuel ont été ajoutées à la main. Il s'agit, ensuite, d'un tableau non daté, rédigé en italien, intitulé " Scarti per società " (" écarts ventilés par société ") et découvert chez ICI (g. g. ann. 65), les compare pour chaque producteur pour la période de janvier à décembre 1981 les chiffres de vente " actual " avec les chiffres theoretic " (" théoriques "). Il s'agit enfin, d'un tableau non daté, découvert chez ICI (g. g. ann. 68), comparant pour chaque producteur pour la période de janvier à novembre 1981 les chiffres de vente et les parts de marché avec ceux de 1979 et de 1980, et ce en opérant une projection pour la fin de l'année.
217 En effet, le premier tableau montre que les producteurs ont échangé les chiffres de leurs ventes mensuelles. Lorsqu'il est combiné avec les comparaisons entre ces chiffres et ceux réalisés en 1980 - comparaisons qui ont été effectuées dans les deux autres tableaux, portant sur la même période - un tel échange d'informations, qu'un opérateur indépendant préserve rigoureusement comme secrets d'affaires, corrobore les conclusions auxquelles est parvenue la décision.
218 Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année ; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages ; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de cette année.
219 L'existence de négociations entre les producteurs en vue d'instaurer un régime de quotas et la communication, dans ce cadre, de leurs ambitions sont attestées, en premier lieu par un document intitulé " Scheme for discussions 'quota system 1982' " (" Schéma de discussion d'un système de quotas 1982 ") (g. g. ann. 69) dans lequel figure, pour l'ensemble des destinataires de la décision, à l'exception de Hercules, le tonnage auquel chacun estimait avoir droit et, en outre, pour certains (tous sauf Anic, Linz, Petrofina, Shell et Solvay), le tonnage qui, d'après eux, devrait être attribué aux autres producteurs ; en second lieu, par une note d'ICI intitulée " Polypropylène 1982, Guidelines " (" Polypropylène 1982, lignes directrices ") (g. g. ann. 70, a) dans laquelle ICI analyse les négociations en cours ; en troisième lieu, par un tableau daté du 17 février 1982 (g. g. ann. 70, b), dans lequel différentes propositions de répartition des ventes sont comparées - dont l'une, intitulée " ICI Original Scheme " (" Schéma initial ICI "), fait l'objet, dans un autre tableau, manuscrit, d'adaptations mineures par Monte dans une colonne intitulée " Milliavacca 27/1/82 " (il s'agit du nom d'un employé de Monte) (g. g. ann. 70, c) - et, en dernier lieu, par un tableau rédigé en italien (g. g. ann. 71) qui constitue une proposition complexe (décrite au point 58, troisième alinéa, in fine, de la décision).
220 Les mesures prises pour le premier semestre sont établies par le compte-rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g. g. ann. 21), dans lequel on peut lire notamment :
" To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. Of normal sales. "
[" A titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des ventes normales. "]
L'exécution de ces mesures est attestée par le compte-rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g. g. ann. 25), auquel est joint le tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre " actual " de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre " theoretical based on 1981 av(erage) market share " (" théorique calculé sur la base de la part de marché moyenne de 1881 "), ainsi que par le compte-rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g. g. ann. 26) en ce qui concerne la période de janvier à mai 1982 et par celui du 20 aout 1982 (g. g. ann. 28) en ce qui concerne la période de janvier à juillet 1982.
221 Les mesures prises pour le second semestre sont prouvées par le compte-rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g. g. ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part, " In October this would also mean restraining sales to the Jan/Jun achieved market share of a market estimated at 100 kt " (" En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes à la part réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 kt ") et, d'autre part, " Performance against target in September was reviewed " (" Les résultats atteints par rapport à l'objectif en septembre ont fait l'objet d'un examen "). A ce compte-rendu est joint un tableau, intitulé " September provisional sales versus target [based on Jan-June market share applied to demand est(imated) at 120 kt] " [" Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier/juin appliquée à une demande estimée à 120 kt) "]. Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), auquel est joint un tableau comparant, pour le mois de novembre 1982, les ventes " Actual " avec les chiffres " Theoretical ", calculés à partir de " J-June % of 125 kt " (" ci-juin pourcentage de 125 kt ").
222 Le Tribunal constate que, en ce qui concerne l'année 1981 ainsi que les deux semestres de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.
223 Pour l'année 1983, le Tribunal constate, tout d'abord, qu'il résulte des documents produits par la Commission (g. g. ann. 33 et 74 à 87) qu'à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983.
224 Quant à la question si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g. g. ann. 40), à laquelle la requérante n'a pas participé, que dix producteurs ont indiqué au cours de cette réunion les chiffres de leurs ventes pour le mois de mai. Par ailleurs, on peut lire dans le compte-rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (g. g. ann. 90), que :
" ...and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies. "
" ... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 %. C'est pourquoi les objectifs de ventes suivants,, plus réduits et convenus par les sociétés du groupe. ")
Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que
" this would be 11.2 Pct of a market of 395 kt. The situation will be monitored carefuly and any change from this agreed plan would need to be discussed before-hand with the other PIMS members. "
(" Cela représenterait 11,2 % d'un marché de 395 kt. La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMS. ")
225 A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes, non pour voir diminuer le volume global des ventes du groupe Shell, mais pour limiter à 11 % la part de marché globale de ce groupe. Une telle limitation exprimée de quotas. En outre le compte-rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris.
226 Il convient de relever enfin que le chiffre de 11 %, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (g. g. ann. 87) et, d'autre par, le compte-rendu rédigé par ICI d'une réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (g. g. ann. 99).
227 Il faut ajouter qu'en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.
228 En ce qui concerne la participation de la requérante à ce système, il convient de relever que la requérante conteste y avoir participé et qu'elle se réfère à cet effet d'une part, aux points 66, dernier alinéa, 78, dixième alinéa, et 109, cinquième aliéna, de la décision et, d'autre part, à la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g. g. ann. 8), selon laquelle Hercules " refused even to consider any quota system ", " even when Hercules did attend meetings they would not report thier figures " et " the sales for West Europe (derived from Fides data) the total sales made by other producers which had declared detail of their sales volume " (" a même refusé d'envisager un système de quotas, quel qu'il soit "), (" même lorsqu'elle participait aux réunions, Hercules refusait de produire ses chiffres ") et [" le volume des ventes (d'Amoco/Hercules/BP) a été calculé en soustrayant de la somme connue des ventes pour l'Europe occidentale (dont le chiffre provenait des données Fides), la somme des ventes effectuées par d'autres producteurs qui avaient déclaré le détail du volume de leurs ventes "]. La requérante estime que ces éléments sont corroborés par les erreurs que le tableau " Producers' Sales to West Europe " (" Ventes des producteurs en Europe occidentale ") (g. g. ann. 55) comporte, en ce qui concerne ses chiffres de vente, par le fait que le compte-rendu des réunions de janvier 1981 (g. g. ann. 17) indique que les chiffres qu'il énonce pour Hercules résultent d'approximations, par le fait que dans les documents, ses chiffres figurent conjointement avec ceux d'Amoco et de BP, et, enfin, par le fait qu'elle a toujours dépassé ses prétendus quotas.
229 Le tribunal constate que, sans contester la matérialité de ces faits, la Commission ne les a pas jugés suffisants pour infirmer la participation de Hercules au système de quotas eu égard, en particulier, au fait que Hercules a fait corriger le chiffre de sa capacité nominale lors d'une réunion de mars 1982 (ann. 43, g. Her) et au fait que le tableau 2 intitulé " 1983 Quarter 1 Proposal " (" Proposition 1er trimestre 1983 "), joint au compte-rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), à laquelle participait la requérante, comporte à côté des noms " Am./Herc./BP " la mention " seems O. K. to Herc. On 20/20/13 split. Subsequently amended to 21/21/11 " (" Hercules semble d'accord avec une répartition de 20/20/13. Convertie ensuite en 21/21/11 "). Ce dernier extrait montrerait d'autant plus le rôle actif de Hercules dans les négociations relatives aux quotas que le compte-rendu d'un entretien téléphonique entre l'employé de la requérante désigné par ses initiales et ICI, daté du 3 décembre 1982 (g. g. ann. 88), indique :
" F. B. phoned to say he has spoken to Geneva and they are willing to play along with 21 kt for 1st quarter, so are Hercules provided BP accepts the balance proposed. As far as the total for the whole year is concerned, Amoco feel that their share is a bit low if thier cop, line is included... F. B. also marked by German Dutch attitude to his presence. Quite prepared to stay away unless he is accepted ".
[" F. B. a téléphoné pour signaler qu'il avait parlé aux gens de Genève qui se sont dits d'accord pour participer sur la bas de 21 kilotonnes pour le 1er trimestre et que Hercules est d'accord également à condition que BP accepte la répartition proposée. En ce qui concerne le total annuel, Amoco estime que sa part est un peu faible si elle comprend son secteur cop.(olymère)... F. B. s'est dit fâché par la réaction allemande et néerlandaise à sa présence. Il envisage de ne plus assister aux réunions si sa présence n'est pas bien accueillie. "]
A ces éléments, la Commission ajoute que l'on a retrouvé chez la requérante un plan de répartition du marché pour 1982 émanant de Monte (g. g. ann. 71) et que Hercules n'a pas pu fournir d'explications à ce sujet.
230 En ce qui concerne la période antérieure à mars 1982, le Tribunal constate, d'une part, que, en participant au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène depuis l'année 1979, la requérante a assisté aux négociations qui ont mené à la fixation d'objectifs de volumes de vente, et d'autre part, qu'elle s'est vu attribuer, sans s'y opposer, un quota à partir des chiffres disponibles à travers le système Fides.
231 En ce qui concerne la période postérieure à mars 1982, le Tribunal constate que la requérante a pris une part plus active aux discussions relatives aux quotas même si elle ne figure pas dans le domaine intitulé " Scheme for discussions 'quota system 1982' " (g. g. ann. 69). En effet, on a retrouvé dans ses locaux le projet de répartition globale du marché pour l'année 1982 émanant de Monte (g. g. ann. 71), qu'elle fait corriger lors d'une réunion en mars 1982 afin d'en éliminer les erreurs relatives à sa capacité de production nominale, ce qui ne pouvait être utile qu'en vue d'obtenir un quota plus favorable (ann. 43, g. Her.) ; le Tribunal constate encore que, lors des réunions du 2 décembre 1982 (g. g. ann. 33), à laquelle elle participait, elle a donné l'impression qu'elle pourrait marquer son accord sur un quota commun pour elle-même, BP et Amoco (le rédacteur de la note indique " seems O. K. " ) ; il observe enfin, que le lendemain de cette réunion, elle a repris contact avec ICI pour communiquer les réactions de BP et d'Amoco au quota proposé ainsi que pour confirmer son accord (g. g. ann. 88).
232 Eu égard à ces différents éléments, il y a lieu de conclure que la Commission établi à suffisance de droit que la requérante a participé à un système de quotas, en ce que, même si elle n'a peut-être pas souscrit expressément au quota qui lui avait été attribué par d'autres producteurs pour les années 1979 et 1980 ou à une limitation de ses ventes mensuelles par rapport à une période antérieure pour les années 1981 et 1982, elle a, d'une part, recueilli des informations sur les limitations de volumes de vente que ses concurrents jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente passés et sur les objectifs de volumes de vente qu'ils s'agissaient et elle a, d'autre part, par sa présence aux réunions et par son absence d'opposition au quota qui lui avait été attribué, donné à ses concurrents l'impression qu'elle tiendrait compte de ces informations et de ce quota pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché et a ainsi favorisé les concours de volontés intervenus entre les participants aux réunions. En outre, la Commission a établir à suffisance de droit que la requérante a pris une part active aux négociations relatives aux quotas à partir de mars 1982 et figure parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels est intervenu un concours de volontés portant sur la fixation d'objectifs de volumes de vente pour la première partie de l'année 1983.
2. L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE
A - Qualification juridique
a) Acte attaqué
233 Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué " un accord " unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.
234 En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnement sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).
235 La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisée sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils ont arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'information et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultants atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives des producteurs.
236 En ce qui concerne plus spécifiquement l'initiative de décembre 1977, la décision (point 82, troisième alinéa) affirme qu'aux réunions de l'EATP, des producteurs comme Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Rhône-Poulenc, Saga et Solvay soulignaient, même vis à vis des clients, la nécessité qu'ils ressentaient de mener une action concertée en vue de majorer les prix. Les producteurs poursuivraient leurs contacts sur la fixation des prix en dehors du cadre des réunions de l'EATP. A la lumière de ces contacts avérés, la Commission estime que le mécanisme en vertu duquel un ou plusieurs d'entre eux se plaignaient de leurs marges de rentabilité " insuffisantes " et proposaient une action conjointe, alors que les autres exprimaient leur " soutien " à pareilles actions, reposait sur l'existence d'un accord sur les prix. Elle ajoute que, même en l'absence de tout autre contact, pareil mécanisme pourrait indiquer en soi un consensus suffisant pour réaliser un accord au sens de l'article 85, paragraphe 1.
237 La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'ont pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une " initiative " auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).
238 Selon la décision (point 86, deuxième alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillée, a constitué un " accord " au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
239 La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d' " accord " et celle de " pratique concertée " sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre forme de coopération illicite.
240 La notion de " pratique concertée " viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l'avoir poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).
241 Selon la décision (point 87, premier aliéna), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, 48-69, précité).
242 La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975 (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73 et 114-73, précité), que les critères de coordination et de coopération définis par sa jurisprudence, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable " plan ", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute reprise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché (décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, entrant que " pratique concertée ", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, première phrase).
243 En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).
244 L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision (point 87, quatrième alinéa) tant de la distinction entre une telle pratique et un " accord " que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importerait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.
245 La décision (point 88, premier et deuxième alinéas) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant " initiatives de prix " ne résultait d'aucun " accord " au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des " actes manifestés " sur le marché ; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence aucune liste de prix et aucun " prix cible " n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument, car s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes-rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients. Il importerait peu qu'ils aient ou non " publié " des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.
b) Arguments des parties
246 La requérante soutient n'avoir participé ni à un accord ni à une pratique concertée et s'attache à démontrer que les éléments constitutifs tant de l'accord que de la pratique concertée ne sont pas réunis en ce qui la concerne.
247 Elle soutient, d'une part, n'avoir participé à aucun accord. A son avis, pour qu'une partie contracte des obligations dans le cadre d'un accord, elle doit avoir l'intention de se lier, elle doit exprimer son consentement à se lier, elle doit être qualifiée pour le faire et, enfin, il doit y avoir accord de volontés.
248 La requérante soutient, d'autre part, n'avoir pas adhéré davantage à des pratiques concertées. Bien que des employés de la société aient eu des contacts avec des concurrents, ces contacts n'auraient eu ni pour objet ni pour effet soit d'influencer le comportement d'un concurrent sur le marché, soit de dévoiler le comportement adopté par Hercules. Le comportement de cette dernière n'aurait pas correspondu aux critères de définition de la pratique concertée, à savoir une " pratique ", une coordination et une coopération (arrêt de la Cour du 16 décembre 1975, points 173 et 174, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité), un parallèlisme de comportement ne pouvant être, à lui seul, identifié à une pratique concertée (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, 48-69, précité, point 66).
249 Enfin, selon la requérante, pour que les mots " coopération " et " coordination " aient un sens, ils doivent suggérer un certain degré d'espoir mutuel d'aboutissement, même si cet espoir ne parvient pas au stade de l' " accord " (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, 48-69, précité, point 118). En l'espèce, il serait clairement prouvé que les autres producteurs n'ont jamais entretenu un tel espoir, et n'ont raisonnablement pas pu en concevoir, compte tenu de la conduite de l'employé de Hercules lors des réunions et du comportement de celle-ci sur le marché. De même, le comportement d'autres producteurs sur le marché n'aurait pas permis d'espérer que les objectifs définis au cours des discussions puissent effectivement être atteints. Ce phénomène, que M. B. était à même d'observer, aurait contribué à lui faire perdre tout espoir que les autres producteurs coordonneraient leur comportement par rapport au sien.
250 La Commission renvoie à ce qu'elle a dit précédemment à propos de la participation de l'employé de la requérante aux réunions. Elle ajoute cependant, en ce qui concerne la participation de Hercules à une pratique concertée, que, aussi longtemps que les preuves montreront que Hercules a participé à des réunions et a entretenu d'autres contacts au cours desquels des discussions sur les prix et les quotas avaient lieu - ce qui témoignerait de son intérêt pour ces discussions et de son apport à celles-ci - elle ne pourra pas éluder sa responsabilité, même en affirmant qu'elle n'a jamais ou rarement communiqué un certain type d'informations aux autres producteurs ou qu'elle n'a jamais essayé de persuader explicitement ses concurrents d'agir d'une manière donnée sur le marché.
251 Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu'il y a concertation ayant pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n'a été constaté sur le marché. Selon la Commission, le débat porte sur le sens du mot " pratique ". Elle s'oppose à la thèse suggérée par Hercules selon laquelle ce mot a le sens étroit de " comportement sur le marché ". Ce mot pourrait, de l'avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises.
252 La Commission ajoute que si l'on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu'il y ait pratique concertée, cela conduirait à laisser hors du champ d'application de l'article 85 toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le Marché commun. On aboutirait ainsi à mettre en échec une partie de la portée de l'article 85. En outre, cette thèse ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concertée (arrêt du 14 juillet 1972, 48-69, précité, point 66 ; arrêt du 16 décembre 1975, point 26, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, et arrêt du 14 juillet 1981, Züchner, point 14, 172-80, Rec. p. 2021). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme constitutif de l'infraction, comme le soutient la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite. Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis. Seule serait requise une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie.
253 Pour la Commission, il n'est donc pas besoin, pour qu'il y ait infraction 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elles se sont concertées. Ce qui est répréhensible au sens de l'article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l'intention de substituer une coopération aux risques de la concurrence se trouvent matérialisée dans une concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés.
c) Appréciation du Tribunal
254 Il y a lieu de constater que la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord, soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision que la Commission a qualifié, à titre principal, d'" accord " chacun de ces différents éléments.
255 De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88 de la décision que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de " pratiques concertées " les éléments de l'infraction lorsque ceux-ci soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales, soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut qu'à certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peuvent revêtir certains caractéristiques propres à une pratique concertée.
256 Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises sur le marché d'une manière déterminée (voir l'arrêt du 15 juillet 1970, ACF/Chemiefarma/Commission, point 112, 41-69, Rec. p. 661 ; et l'arrêt du 29 octobre 1980, Heintz van Landewyck/Commission, point 86, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125), la Commission était en droit de qualifier d'accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des initiatives de prix, ainsi que sur des objectifs de volumes de vente pour la première moitié de l'année 1983.
257 En outre,c'est à bon droit que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'en novembre 1983, a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243-83, Rec. p. 2015).
258 En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référencer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité CEE relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1975, points 173 et 174, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73 et 114-73, précité).
259 En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.
260 Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement du prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte directement ou indirectement les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché, pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.
261 Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les réunions périodiques de producteurs de polypropylène, auxquelles a participé la requérante entre le début de l'année 1979 et août 1983 ainsi que sa participation à la fixation d'objectifs de volumes de vente pour les années 1979 à 1982.
262 Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d' "un accord et une pratique concertée ", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclu s'inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas.
263 Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé, par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.
264 Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d' " un accord et une pratique concertée ", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d' " accords " et des éléments devant être qualifiés de " pratiques concertées ". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.
265 Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.
B - Effet restrictif sur la concurrence
a) Acte attaqué
266 La décision (point 90, premier et deuxième alinéa) relève que, pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, il n'est pas absolument nécessaire, compte tenu de l'objet manifestement anticoncurrentiel de l'accord, de démontrer un effet contraire à la concurrence. Toutefois, en l'espèce, tout indiquerait que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence.
b) Arguments des parties
267 La requérante fait valoir que les faits qui lui sont imputables n'ont pas pu à eux seuls restreindre la concurrence. En effet, la Commission se serait contentée de présumer que la concurrence avait été substantiellement faussée sans prendre un compte les preuves démontrant que les prétendues initiatives de prix n'auraient jamais été répercutées sur le marché et qu'en conséquence les effets pour les acheteurs auraient été négligeables ou inexistants. En outre, à supposer même qu'il y ait eu des instructions de prix parallèles, la condition relative à l'incidence sur la concurrence ne pourrait être remplie puisqu'il n'y a pas de lien de cause à effet entre, d'une part, les réunions et les instructions de prix parallèles et, d'autre part, une modification des prix pratiqués (arrêts de la Cour du 30 juin 1966, Maschinenbau Ulm, 56-65, Rec. p. 337 ; et du 13 juillet 1966, 56-64 et 58-64, précité).
268 La Commission répond que la participation de la requérante à l'infraction a réellement affecté la concurrence et, notamment, les prix. Elle ajoute qu'au demeurant ce ne sont pas les activités de Hercules qui doivent avoir eu une incidence notable sur la concurrence, mais les activités de l'entente dans son ensemble auxquelles Hercules aurait contribué pour une part non négligeable.
c) Appréciation du Tribunal
269 Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante tend à démontrer que sa participation aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ne tombait pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, dans la mesure où son comportement concurrentiel sur le marché attesterait que cette participation était dépourvue tant d'objet que d'effet anticoncurrentiel.
270 L'article 85, paragraphe 1, du traité CEE interdit comme étant incompatibles avec le Marché commun tous accords entre entreprises ou pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
271 Le Tribunal rappelle qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission que les réunions périodiques auxquelles la requérante a participé avec des concurrents avaient pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun, notamment la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et que, par conséquent, sa participation à ces réunions n'était pas dépourvue d'objet anticoncurrentiel au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
272 Par ailleurs et, en tout état de cause, il convient de rejeter l'argumentation de la requérante, qui tend à démontrer que ses activités ne pouvaient exercer une influence sur le marché, dans la mesure où la question pertinente n'est pas celle de savoir si la participation individuelle de la requérante a été susceptible d'exercer une influence sur le marché, mais bien celle de savoir si l'infraction à laquelle elle a participé a pu exercer une influence sur le marché. A cet égard, il faut relever que les entreprises ayant participé à l'infraction constatée dans la décision représentent la quasi-totalité de ce marché, ce qui indique à l'évidence que l'infraction qu'elles ont commise ensemble a dû avoir une influence sur le marché.
273 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
C - Affectation du commerce entre États membres
a) Acte attaqué
274 La décision affirme (point 93, premier alinéa) que l'accord entre les producteurs était susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre États membres.
275 En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance à travers toute la Communauté (et dans d'autres pays d'Europe occidentale) aurait été susceptible en soi de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de pareil accord (décision, point 93, troisième alinéa). Selon la décision (point 93, quatrième alinéa), la fixation de prix à un niveau artificiel par voie d'accord, plutôt qu'en laissant au marché le soin de trouver son propre équilibre, aurait altéré la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Les entreprises auraient été déchargées de la nécessité immédiate de réagir aux forces du marché et de s'attaquer au problème de surcapacité dont elle avaient constaté l'existence.
276 La décision (point 94) relève que les cibles fixés par État membre, discutés à fond aux réunions nationales même s'il fallait tenir compte dans une certaine mesure de la situation locale, ont nécessairement altéré le schéma des échanges et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Le système de l' " account leadership ", en orientant la clientèle vers certaines producteurs nommément désignés aurait encore aggravé l'effet des arrangements en matière de prix. La Commission admet que, en fixant des quotas ou des cibles, les producteurs n'ont pas ventilé les attributions de volume par État membre ou part région. Toutefois, l'existence même d'un quota ou d'une cible contribuerait à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur.
b) Arguments des parties
277 La requérante soutient que les faits qui lui sont imputables n'ont pas pu à eux seuls affecter le commerce entre États membres (arrêts de la Cour du 14 juillet 1972, 48-69, précité, point 64, et du 16 décembre 1975, points 172 et 173, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73, 111-73 et 114-73, précité).
278 La Commission renvoie, à cet égard, à ce qu'elle a dit aux points 93 et 94 de la décision.
c) Appréciation du Tribunal
279 Il y a lieu de relever que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission n'avait pas l'obligation de démontrer que sa participation à un accord et à une pratique concertée avait eu un effet sensible sur les échanges entre États membres. En effet, l'article 85, paragraphe 1 du traité CEE, requiert seulement que les accords et les pratiques concertées restrictifs de la concurrence soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. A cet égard, force est de constater que les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue(voir arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, point 172, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité).
280 Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit, aux points 93 et 94 de sa décision, que l'infraction à laquelle a participé la requérante, était susceptible d'affecter le commerce entre États membres, sans qu'il ait été nécessaire qu'elle démontre que la participation individuelle de la requérante a affecté les échanges entre États membres.
281 Le grief de la requérante ne peut donc pas être accueilli.
D - Responsabilité collective
a) Acte attaqué
282 La décision (point 83, premier alinéa) affirme que la conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent n'est aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une " initiative " prenaient plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé. En toute hypothèse, il aurait été de pratique courante d'informer les absents des décisions prises aux réunions. Toutes les entreprises destinataires de la présente décision auraient pris part à la conception de plans d'ensemble et aux discussions consacrées à des points de détail et leur degré de responsabilité ne serait pas atténué du fait de leur absence occasionnelle lors d'une session déterminée (ou dans le cas de Shell, lors de toutes les sessions plénières).
283 La décision (point 83, deuxième alinéa) ajoute que l'essence même de la présente affaire réside dans une association des producteurs pendant un laps de temps considérable, afin de réaliser un objectif commun, et que chaque participant doit assumer la responsabilité découlant non seulement de son rôle direct, mais aussi de l'exécution de l'accord dans son ensemble. Le degré de participation de chaque producteur ne serait donc pas déterminé en fonction de la période pour laquelle ses instructions de prix ont été retrouvées lors des vérifications, mais pour toute la période de son adhésion à l'initiative commune.
284 Cette considération s'appliquerait même à Anic et à Rhône Poulenc, qui ont quitté le secteur du polypropylène avant la date des vérifications de la Commission. Aucune instrusion de prix aux bureaux de vente n'aurait pu être recueillie pour ces deux entreprise. Leur présence aux réunions et leur participation aux objectifs de volumes et aux plans de quotas ressortirait cependant des documents retrouvés. L'accord devrait être considéré dans son ensemble et la participation de ces entreprises serait établie même en l'absence d'instructions qu'elles auraient données en matière de prix (décision, point 83, troisième alinéa).
b) Arguments des parties
285 La requérante souligne que les conclusions que la Commission tire des preuves disponibles sont, dans une large mesure, incorrectes. En effet, la Commission ne serait pas fondée, à adopter une approche recourant à la " culpabilité par association " et devrait donc établir la participation de Hercules à chacune des infractions dénoncées à l'article 1er de la décision, ainsi que l'aurait indiqué la Cour dans son arrêt ACNA, dans lequel elle aurait reconnu le rôle spécial joué par cette entreprise dans l'entente et réduit de ce fait l'amende qui lui avait été infligée (arrêt du 14 juillet 1972, ACNA/Commission, point 75, 57-69, Rec. p. 933). Par ailleurs, la Commission ne saurait créer une nouvelle infraction à l'article 85, paragraphe 1, qui consisterait dans la simple connaissance des infractions des autres. Elle devrait donc prouver une participation concrète de Hercules, et non pas seulement un simple " consentement passif " aux infractions commises par d'autres.
286 La Commission répond que la décision ne reproche pas à chacune des entreprises d'avoir participé à chacun des éléments de l'infraction repris dans son article 1er . La décision déclare que chaque entreprise a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en participant à un accord continu et à une pratique concertée à la faveur desquels les producteurs ont généralement accompli les activités décrites à l'article 1er, comme le montrerait une lecture correcte de l'article 1er de la décision combiné avec les points 81, troisième alinéa, et 83 des motifs de celle-ci. L'entente sur le marché du polypropylène devrait, en effet, être considérée comme un " accord-cadre " global présentant des aspects complémentaires. Une entreprise ne pourrait donc pas décomposer les accords en leurs différents éléments pour contester sa participation à l'un d'eux.
287 Selon la Commission, les nombreuses preuves montrent que les différentes actions entreprises dans le cadre de l'entente ne sont que les facettes d'une même réalité reliées par un tissu de réunions systématiques, régulières et fréquentes à différents niveaux. Dès lors que Hercules était impliquée dans l' " accord-cadre ", elle saurait éluder sa responsabilité et il serait, par conséquent, inutile pour elle de tenter de montrer qu'elle était moins impliquée que d'autres producteurs en ce qui concerne tel ou tel aspect de l'infraction. Chaque participant devrait donc assumer la responsabilité découlant non seulement de son rôle direct, mais aussi de l'exécution de l'accord dans son ensemble. La référence à l'affaire dites des colorants, faite par Hercules, ne serait pas pertinente, car il y aurait une différence entre ne pas participer du tout à certaines initiatives, comme ce fut le cas d'ACNA, et ne participer activement qu'à certains de leurs aspects comme Hercules.
288 Enfin, selon la Commission, ce serait à tort que Hercules croit pouvoir dire qu'il lui est reproché essentiellement d'avoir eu connaissance des infractions des auteurs ou d'avoir fait preuve d'un " consentement passif ". En effet, Hercules reconnaîtrait qu'un de ses employés a participé à des réunions où étaient discutés les prix et les quotas. Elle reconnaîtrait, en outre, avoir recueilli auprès de ses " concurrents " d'importantes informations les concernant, tout en soutenant qu'elle en a fourni peu ou même pas du tout. Elle aurait donné des instructions de prix conformes au résultat des réunions. Enfin, aucun des arguments par lesquels elle s'est efforcée de montrer qu'elle aurait été moins utile que d'autres dans le système de quotas saurait lui ôter sa part de responsabilité dans le plan d'ensemble, puisque le système de quotas n'avait qu'un caractère subsidiaire de soutien de l'action menée en matière de prix.
c) Appréciation du Tribunal
289 Il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission que celle-ci a apporté à suffisance de droit la preuve de la réunion dans le chef de la requérante de chacun des éléments constitutifs de l'infraction retenue à son encontre dans la décision et que, dès lors, elle ne lui a imputé la responsabilité du comportement d'autres producteurs.
290 A cet égard, il convient de préciser que le point 83, deuxième et troisième alinéas, de la décision ne contredit pas cette constatation, puisqu'il vise principalement à justifier l'établissement de l'infraction dans le chef d'entreprises pour lesquelles la Commission n'a pas retrouvé d'instructions de prix pour toute la durée de leur participation au système des réunions périodiques.
291 Par conséquent, le grief doit être rejeté.
3. Conclusion
292 Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, opérées par la Commission dans l'acte attaqué doivent être rejetés.
Sur le principe d'égalité de traitement
293 La requérante soutient que le simple fait de la présence occasionnelle d'un de ses employés aux réunions n'est pas suffisant pour établir qu'elle a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, alors que Amoco et BP, qui ont pourtant eu elles aussi des contacts avec d'autres producteurs, n'ont pas été jugées coupables de l'infraction. Selon la requérante, le refus clairement établi de ces trois sociétés de favoriser des plans de partage du marché devait conduire la Commission à la conclusion qu'aucune des trois n'a consenti ou participé à des arrangements en matière de prix.
294 La Commission fait valoir que le point 78 de la décision indique clairement que la raison pour laquelle Amoco et BP n'ont pas été inclues parmi les destinataires de la décision était que " les preuves étaient insuffisantes pour établir d'une manière décisive leur participation à une violation de l'article 85, paragraphe 1 ". Le fait qu'il n'y avait aucune preuve que ces deux entreprises aient jamais assisté aux réunions a naturellement eu son importance, car il rendait plus difficile d'établir leur participation à l'entente. Selon la Commission, ce qui est reproché à hercules, ce n'est pas seulement d'avoir participé à des réunions ou d'avoir reçu des informations sur les réunions auxquelles elle n'avait pas pris part, mais c'est l'ensemble son comportement, tel qu'il apparaît clairement dans les nombreuses preuves de sa participation à l'entente (notamment par l'émission d'instructions de prix répercutant les objectifs de prix fixés lors des réunions). Ce serait donc bien inutilement que, afin de minimiser sa responsabilité, Hercules signale les occasions où son représentant n'a pas assisté aux réunions, alors même que la Commission n'a nullement prétendu qu'il y avait pris part.
295 Le Tribunal constate que, pour qu'il y ait violation du principe d'égalité de traitement, il faut que des situations comparables aient été traitées de manière différente. Or, en l'espèce, il y lieu de relever que la situation de la requérante se différencies de celles d'Amoco et de BP, en ce que, contrairement à ces deux entreprises, Hercules a participé au système des réunions périodiques dans le cadre duquel des objectifs de prix et de volumes de vente ont été fixés et de nombreuses informations ont été échangées entre concurrents sur leur comportement futur. Par conséquent, le principe d'égalité de traitement n'a pas pu être violé.
Sur la motivation
1. Motivation insuffisante
296 La requérante rappelle que toute décision prise en violation de l'obligation motivation consacrée à l'article 190 du Traité CEE doit être annulée. Or, la décision litigieuse ne serait pas suffisamment motivée du fait que la Commission n'aurait pas approfondi son enquête et aurait basé ses conclusions sur des preuves insuffisantes. En particulier, l'insuffisance de la motivation tiendrait à l'absence de recherche des faits pertinents et à l'omission d'enquêter sur les répercussions que le prétendu comportement des producteurs a pu avoir sur le marché ; elle tiendrait aussi au refus de la Commission de tenir compte de renseignements de première importance et au fait qu'elle aurait sélectionné, de manière injuste et inconséquente, les preuves qui paraissaient étayer son point de vue.
297 La Commission fait remarquer que la requête de Hercules sur ce point n'est étayée par aucun argument. Les quelques exemples sur lesquels Hercules se fonde pour conclure au caractère incomplet des investigations de la Commission ne seraient pas probants.
298 Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission en vue de l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement recherché et établi les faits pertinents en se fondant sur des preuves suffisantes et qu'elle a motivé la décision à suffisance de droit.
299 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
2. Défaut de référence au rapport du conseiller-auditeur
300 La requérante fait encore valoir qu'il résulte clairement de la décision prise par la Commission de créer la fonction de conseiller-auditeur ainsi que du mandat qui est confié à celui-ci que, lorsque la Commission arrête sa décision, elle doit tenir compte de l'avis du conseiller-auditeur même si elle n'est pas obligée de le suivre. Or, en l'espèce, la décision ne ferait aucune référence à cet avis, violant ainsi l'article 190 du traité CEE.
301 La Commission expose que le rapport du conseiller-auditeur ne constitue pas un avis obligatoire au sens de l'article 190 du traité CEE, puisque cette disposition ne vise que les avis requis par le traité lui-même ou par le droit dérivé établi en vertu du traité. Or, l'avis du conseiller-auditeur n'est prévu que dans le mandat défini par la Commission.
302 Le Tribunal relève, à titre liminaire, que les dispositions pertinentes du mandat du conseiller-auditeur, qui a été annexé au Treizième rapport sur la politique de concurrence, sont les suivantes :
" Article 2
Le conseiller-auditeur a pour mission d'assurer le bon déroulement de l'audition et de contribuer par là au caractère objectif tant de l'audition que de la décision, ultérieure éventuelle. Il veille notamment à ce que tous les éléments pertinents, qu'ils soient favorables ou défavorables aux intéressés, soient dûment pris en considération dans l'élaboration des projets de décision de la Commission en matière de concurrence. Dans l'exercice de ses fonctions, il veille au respect des droits de la défense, tout en tenant compte de la nécessité d'une application efficace des règles de concurrence, en conformité avec les règlements en vigueur et les principes retenus par la Cour de justice.
Article 5
Le conseiller-auditeur fait rapport au directeur général de la concurrence sur le déroulement de l'audition et sur les conclusions qu'il en tire. Il formule ses observations sur la poursuite de la procédure. Ces observations peuvent concerner, entre autres, la nécessité d'un complément d'information, l'abandon de certains points de griefs ou la communication de griefs supplémentaires.
Article 6
Dans l'exercice des fonctions définies à l'article 2 ci-avant, le conseiller-auditeur peut, s'il l'estime approprié, saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence lorsqu'est soumis à ce dernier l'avant-projet de décision destiné au comité consultatif en matière d'ententes et positions dominantes.
Article 7
Le cas échéant, le membre de la Commission chargé des questions de concurrence peut décider, sur demande du conseiller-auditeur, de joindre l'avis final émis par celui-ci au projet de décision dont est saisie la Commission, de manière à garantir que celle-ci, lorsqu'elle se prononce sur une affaire individuelle en tant qu'instance décisionnelle, soit pleinement informée de tous les éléments de l'affaire ".
303 Il résulte des termes mêmes du mandat du conseiller-auditeur que son rapport ne doit obligatoirement être communiqué ni au comité consultatif ni à la Commission. En effet, aucune disposition ne prévoit la transmission dudit rapport au comité consultatif. S'il est vrai que le conseiller-auditeur doit faire rapport au directeur général de la concurrence (article 5) et qu'il a la faculté, s'il l'estime approprié, de saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence (article 6), lequel a lui-même la faculté de joindre, sur demande du conseiller-auditeur, l'avis final de ce dernier au projet de décision soumis à la Commission (article 7), il n'existe toutefois, aucune disposition faisant obligation au conseiller-auditeur, au directeur général de la concurrence ou au membre de la Commission chargé des questions de concurrence de transmettre à la Commission le rapport du conseiller-auditeur. Il s'ensuit que ce rapport ne constitue pas, au titre de l'article 190 du traité CEE, un avis que doit obligatoirement recueillir la Commission lorsqu'elle prend une décision d'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
304 Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'accéder à la demande de la requérante, formulée au stade de la réplique, de voir le Tribunal examiner le contenu du rapport du conseiller-auditeur.
305 Par conséquent, le grief tiré de la violation de l'article 190 du traité CEE doit être rejeté.
Sur l'amende
306 La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 et n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.
1. La prescription
307 La requérante soutient qu'il y a lieu de faire application de la prescription prévue par le règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil, du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuite et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO 319, p. 1, ci-après " règlement n° 2988-74 "). La Commission aurait estimé qu'il y avait une suite ininterrompue d'activités, depuis l'accord sur les " prix planchers " de 1977. Or, bien qu'elle en fût informée, Hercules n'aurait pas participé à cet accord et son comportement ultérieur ne pourrait être considéré comme faisant partie d'une ligne de conduite ininterrompue depuis 1977.
308 La Commission répète que ce dont il est fait grief à la requérante, c'est une participation à un accord unique et continu, ce qui s'opposerait à l'application des règles de la prescription en l'espèce.
309 Le Tribunal constate qu'aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 2988-74, la prescription quinquennale du pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin pour les infractions continues ou continuées.
310 En l'espèce, il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction que la requérante a participé à une infraction unique qui a débuté au mois de novembre 1977, moment où elle a souscrit à un accord fixant un objectif de prix pour le 1er décembre 1977, et qui s'est poursuivie jusqu'au mois de novembre 1983. A cet égard, il convient de rappeler que la continuité de l'infraction entre la conclusion de cet accord et les accords et les pratiques concertées constatés à partir de l'année 1979 est confirmée par les contacts que la requérante a entretenus avec d'autres producteurs de manière ininterrompue depuis 1977.
311 Par conséquent, la requérante ne peut se prévaloir de la prescription des amendes.
2. La durée de l'infraction
312 La requérante relève que la durée de l'infraction semble avoir joué un rôle important dans la détermination du montant de l'amende, bien que la manière de calculer les amendes n'ait pas été expliquée par la Commission. Or, aucune infraction ne pourrait être retenue avant 1979 contre Hercules.
313 La Commission répond qu'elle a suffisamment établi la durée de l'infraction et qu'elle a indiqué au point 107, troisième alinéa, de la décision qu'elle avait considéré que les éléments les plus graves de l'infraction ne sont intervenus qu'au début de l'année 1979 et qu'elle en a tenu compte pour déterminer le montant de l'amende.
314 Le Tribunal rappelle qu'il a constaté que la Commission a correctement apprécié la durée de la période pendant laquelle la requérante a enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
315 Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté.
3. La gravité de l'infraction
A - Le rôle limité de la requérante
316 La requérante soutient que l'amende qui lui a été infligée est excessive par rapport à l'éventuelle négligence qui a pu être prouvée et doit, par conséquent, être annulée ou substantiellement réduite, même si l'article 1er n'était pas annulé ou ne l'était que partiellement.
317 Elle affirme que, contrairement aux affirmations de la Commission, Hercules saurait être tenue pour responsable, par procuration, de toutes les activités de l'entente. C'est pourquoi la Commission ne pourrait s'abstenir de déterminer si Hercules est devenue partie à des sous-accords spécifiques, car même si ceux ont été mis en œuvre dans le cadre d'un objectif ou d'un accord général contraire aux règles de la concurrence, chaque participant devrait être jugé et condamné la base de ses propres actions (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, point 75, 57-69, précité). C'est pour cette raison également que l'on ne pourrait pas imputer à Hercules les activités d'autres producteurs, antérieures à la date à laquelle la participation d'un employé de Hercules aux accords illégaux serait établie.
318 En ce qui concerne la gravité de l'infraction, la requérante soutient que c'est à tort que la Commission n'a établi aucune distinction entre les producteurs autres que les " quatre grands ". Dès lors qu'il n'est pas possible d'admettre que chaque producteur soit juridiquement responsable de tous, la Commission aurait dû examiner les actes de chaque entreprise pour pouvoir apprécier leur caractère répréhensible, comme l'aurait indiqué la Cour dans son arrêt du 16 décembre 1975, Suiker Unie, point 622 (40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité).
319 La requérante croit que si la Commission avait procédé de la sorte, elle aurait réduit l'amende qu'elle lui a infligée par rapport à celle des autres producteurs, qui - à la différence de la requérante - auraient participé plus fréquemment, plus activement et pendant la période plus longue aux réunions, auraient participé activement à des réunions locales, auraient fourni à leurs concurrents des informations sur leurs ventes et auraient marqué leur accord sur les " prix cibles " ou les quotas de vente.
320 La requérante relève que le sort qui lui est réservé serait particulièrement injuste si on le compare à celui réservé à Amoco et à BP, qui ont eu un comportement similaire et, qui, dans l'esprit des autres producteurs, étaient liées à Hercules tant que " non-participants ".
321 La Commission soutient, de son côté, avoir déjà examiné suffisamment le rôle joué par la requérante et avoir expressément tenu compte du degré de participation spécifique de chacune des entreprises pour fixer, en se fondant sur des considérations de proportionnalité (décision, point 109), le montant de l'amende à infliger à chacune de celles-ci. Elle ajoute que la participation de la requérante à l'entente était suffisante pour justifier l'amende qui lui a été infligée. La Cour aurait, en effet, admis que toute participation concrète à une infraction - même s'il s'agit d'un consentement passif facilitant l'infraction - est suffisante pour justifier une amende (arrêts du 1er février 1978, Miller International Schallplatten/Commission, 19-77, Rec. p. 131 ; et du 12 juillet 1979, BMW Belgium/Commission, 32-78, 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435).
322 La Commission affirme qu'elle a déjà répondu à l'allégation de discrimination par rapport à Amoco et à BP.
323 Le Tribunal constate, d'une part, qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction et, d'autre part, que la Commission a indiqué, au point 109 de la décision, avoir tenu compte de ce rôle pour déterminer le montant de l'amende.
324 En outre, le Tribunal constate que les faits qui ont été établis révèlent par leur gravité intrinsèque - notamment la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente - que la requérante n'a pas agi par imprudence ni même par négligence, mais qu'elle a agi de propres délibéré.
325 Par ailleurs, il convient de rappeler que les situations de la requérante, d'une part, et d'Amoco et de BP, d'autre part, n'étant pas comparables, il ne saurait être question de discrimination de la requérante par rapport à ces deux entreprises.
326 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
B - La prise en compte de la situation déficitaire du marché
327 La requérante expose que l'absence de prise en considération de la situation réelle du marché et des difficultés économiques du secteur du polypropylène n'est pas conformes à d'autres décisions, prises récemment par la Commission, où le montant des amendes aurait été bien inférieur (décision du 6 août 1984, Zinc Producer Group, JO L 220, p. 27 ; décision du 23 novembre 1984, Peroxygènes, JO L 35, p. 1).
328 La Commission fait valoir que, sans avoir aucune obligation de tenir compte des conditions économiques défavorables d'un secteur lors de la détermination du montant des amendes pour une infraction aux règles de la concurrence, elle a admis que les entreprises concernées ont subi des pertes substantielles dans l'exploitation de leur secteur de polypropylène pendant une très longue période et qu'elle a modéré le montant des amendes (décision, point 108).
329 Elle ajoute qu'elle a agi conformément à sa politique bien établie - et aux principes énoncés par la Cour en matière d'amendes - en infligeant des sanctions dans la présente affaire. Elle souligne que, dès 1979, elle s'est engagée dans une politique consistant à faire respecter les règles de concurrence en infligeant des sanctions plus lourdes, en particulier pour les catégories d'infractions bien établies en droit de la concurrence et pour les infractions particulièrement graves, comme c'est le cas en l'espèce, de manière notamment à accroître l'effet dissuasif des sanctions. Cette politique aurait été approuvée par la Cour (arrêt du 7 juin 1983, Pioneer/Commission, points 106 et 109, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825, aurait également admis, à plusieurs reprises, que la fixation des sanctions implique l'appréciation d'un ensemble complexe de facteurs (arrêt du 7 juin 1983, point 120, 100-80 à 103-80, précité ; et arrêt du 8 novembre 1983, IAZ/Commission, point 52, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369).
330 La Commission serait particulièrement qualifiée pour se livrer à une telle appréciation qui ne pourrait être sanctionnée qu'en cas d'erreur significative de fait ou de droit. En outre, la Cour aurait confirmé que la Commission peut porter un jugement différent, selon les affaires, sur les sanctions qu'elle juge nécessaires, même si les affaires en question comportent des situations comparables (arrêt du 12 juillet 1979, points 53, 32-78, 36-78 à 82-78, précité ; et arrêt du 9 novembre 1983, points 111 et suivants, 322-81, précité).
331 Le Tribunal considère que, pour apprécier ce grief, il convient d'analyser au préalable la manière dont la Commission a déterminé le montant de l'amende infligée à la requérante.
332 Le Tribunal constate que la Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108 de la décision) et qu'elle a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de la décision).
333 Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE et en particulier sous a), b) et c), que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, qui agissaient dans le plus grand secret.
334 Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.
335 Dans ce contexte, il faut constater que la Commission n'avait pas à individualiser ni à préciser la manière dont elle avait tenu compte des pertes substantielles qu'auraient subies les différents producteurs dans le secteur du polypropylène, dans la mesure où il s'agit d'un des éléments, mentionnés au point 108 de la décision, ayant concouru à la détermination du niveau général des amendes que le Tribunal a jugé justifié.
336 Par ailleurs, le fait que, dans des affaires antérieures, la Commission avait estimé qu'au vu des circonstances de fait il y avait lieu de tenir compte de la situation de crise dans laquelle se trouvait le secteur économique en cause, ne saurait la contraindre à tenir compte de la même façon d'une telle situation dans la présente espèce, dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que les entreprises auxquelles la décision est adressée, ont commis, de propos délibéré et dans le plus grand secret, une infraction particulièrement grave aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
337 Il s'ensuit que le grief formulé par la requérante ne peut être accueilli.
C - La prise en compte des effets de l'infraction
338 La requérante souligne que l'infraction n'a pas eu d'effet sur le marché. Or, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975, point 612, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73 et 114-73, précité), le montant des amendes devrait être lié au contexte économique dans lequel se situe l'infraction.
339 La Commission rétorque, d'une part, que l'entente a eu un effet réel sur les prix et, d'autre part, qu'elle a tenu compte, pour évaluer le montant des amendes, du fait que les initiatives de prix n'ont généralement pas atteint pleinement leur but (décision, point 108). Ce faisant, elle serait, d'ailleurs, déjà allée au-delà de ce qu'elle était obligée de faire, puisque l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE sanctionne non seulement les ententes qui ont pour effet d'entraver la concurrence, mais aussi celles qui ont un tel objet.
340 Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait que, après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les " cibles " servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure qu'en l'espèce tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte-rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision point 74, sixième alinéa).
341 Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.
342 Le fait que les instructions de prix de la requérante n'ont pas toujours rigoureusement correspondu aux objectifs de prix définis au cours des réunions n'est pas de nature à infirmer cette constatation, puisque les effets pris en considération par la Commission pour fixer le niveau général des amendes ne sont pas ceux résultant du comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise déterminée, mais bien ceux résultant de l'ensemble de l'infraction à laquelle l'entreprise a participé avec d'autres.
343 En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes, au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes-rendus des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g. g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d'autre part, que si l'audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économiques réalisées à la demande de certains producteurs devaient permettre d'établir le caractère erroné des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision, qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.
344 Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.
345 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
D - L'absence d'infraction antérieure
346 La requérante fait valoir qu'elle n'a jamais été impliquée dans aucune autre procédure d'atteinte au droit de la concurrence. En l'espèce, cette affaire correspondrait tout au plus au cas isolé et malheureux d'un employé qui se serait fourvoyé en participant à quelques réunions à l'encontre de la politique de la société, comme l'attesteraient les mesures rapides et vigoureuses prise par Hercules pour coopérer à l'enquête et empêcher que de telles infractions se produisent.
347 La Commission soutient que l'absence d'infraction antérieure ne peut constituer un motif de nature à diminuer le montant des amendes dès lors que Hercules ne peut pas nier avoir été consciente de l'illégalité de son comportement. Mais, sur ce point, la Commission laisse au Tribunal le soin d'augmenter le montant des amendes infligées aux récidivistes.
348 Le Tribunal considère que le fait que la Commission a déjà constaté, par le passé, qu'une entreprise avait enfreint les règles de la concurrence et l'a, le cas échéant, sanctionnée à ce titre, peut être retenu comme circonstance aggravante contre cette entreprise, mais que l'absence d'infraction antérieure constitue une circonstance normale dont la Commission n'a pas à tenir compte comme circonstance atténuante, d'autant plus qu'en l'espèce, on se trouve en présence d'une infraction particulièrement patente à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
349 Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.
E - La prise en compte de circonstances atténuantes
350 La requérante expose encore que la Commission a négligé de tenir compte de différentes circonstances atténuantes. Elle met l'accent sur le fait qu'elle a mis fin volontairement à l'infraction. A cet égard, elle conteste la supposition de la Commission selon laquelle, sans son intervention, les infractions auraient continué. Cette supposition serait fausse au moins dans le cas de Hercules, puisque la participation de son employé aux réunions ou les contacts entre ce dernier et d'autres producteurs ne seraient prouvés que jusqu'au mois d'août 1983 seulement, soit avant l'intervention de la Commission.
351 Elle soutient que les mesures qu'elle a prises immédiatement pour empêcher que de nouvelles violations de la politique de la société, telles que la participation d'un de ses employés à des réunions de producteurs, se reproduisent à l'avenir, auraient mérité, dans l'intérêt même de la politique communautaire de la concurrence, d'être encouragées comme cela avait été fait par la Commission dans l'affaire National Panasonic (décision du 7 décembre 1982, National Panasonic, JO L 354, p. 28). La Commission aurait dû expliquer dans sa décision pourquoi elle n'a pas tenu compte de ces mesures en l'espèce.
352 La requérante fait valoir que la Commission a également négligé de tenir compte de l'esprit de coopération supérieur à la normale dont Hercules a fait preuve lors de l'enquête, par exemple en transmettant spontanément des documents décisifs à la Commission (g. g. ann. 2 et ann. 18, g. Her). Cet effort de coopération honnête aurait mérité d'être récompensé plutôt que dénigré. Elle relève que l'affirmation de la Commission, selon laquelle elle aurait tenu compte de la coopération que certains producteurs lui ont apportée, est insuffisante puisque la Commission n'a pas précisé de quels producteurs il s'agissait ni comment elle en avait tenu compte.
353 La Commission, de son côté, note, tout d'abord, que les points 50 et 51 de la décision établissent que Hercules a participé à l'infraction entre les mois de juin et de novembre 1983, alors que les inspections de la Commission avaient eu lieu les 13 et 14 octobre de cette année.
354 Quant à l'adoption par la requérante de règles de discipline internes après la découverte de l'infraction, la Commission relève que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêt du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie/Commission, points 97 et 98, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831), les efforts pour adapter un comportement afin de le rendre conforme au droit de la concurrence n'altéreraient pas la justification d'une amende relative à l'infraction commise. En outre, la Commission note que les règles dont Hercules s'était précédemment dotée et qui auraient dû faire obstacle aux " activités inappropriées " de son employé, n'ont pas eu l'effet escompté et n'ont pas empêché Hercules de participer à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.
355 Elle déclare, par ailleurs, avoir tenu compte de la coopération de Hercules à l'enquête pour déterminer le montant de l'amende, mais ajoute que ce n'est pas dénigrer cette coopération que de constater qu'elle ne s'est fait sentir qu'à un stade assez avancé de l'enquête, après que la Commission eut découvert certaines pièces à conviction. Une coopération es post facto, quelle qu'elle soit, ne pourrait rien changer à la réalité de l'infraction.
356 Le Tribunal constate, en premier lieu, que contrairement à ce qu'elle affirme, la requérante n'a pas cessé d'être impliquée dans l'infraction en août 1983, puisque le 30 septembre 1983, elle a donné à ses bureaux de vente des instructions de prix, entrant en vigueur à partir du mois de novembre 1983, soit après l'intervention de la Commission, instructions identiques pour le raphia (2,25 DM/kg) et l'homopolymère (2,35 DM/kg) à celles données par Basf, Hülls, ICI, Linz, Monte et Solvay et à celle donnée par Hoechst (pour le raphia uniquement) (décision, tableau 7 N). Il s'ensuit que la requérante n'a pas volontairement mis fin à l'infraction en août 1983, ni même avant l'intervention de la Commission, puisque la dernière instruction de prix que la requérante a donnée et que la Commission, puisque la dernière instruction de prix que la requérante a donnée et que la Commission a incriminée était en voie d'exécution au moment même des vérifications entreprises par des fonctionnaires de la Commission les 13 et 14 octobre 1983. Il ne peut donc s'agir là d'une circonstance atténuante dont la Commission aurait dû tenir compte pour déterminer le montant de l'amende à infliger à la requérante.
357 Il convient de relever, en second lieu, que s'il est, certes, important que la requérante ait pris des mesures pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commise sà l'avenir par des membres de son personnel, ce fait ne change rien à la réalité de l'infraction qui a été constatée en l'espèce. Face à cette réalité, le Tribunal rappelle qu'il a jugé que les critères énumérés au point 108 de la décision justifient le niveau général des amendes infligées et que les critères destinés à pondérer équitablement le montant des amendes infligées aux différentes entreprises concernées, indiqués au point 109 de la décision, sont suffisants et pertinents. A cet égard, il faut ajouter qu'ici encore, le fait que, dans une affaire antérieure, la Commission a estimé qu'au vu des circonstances de fait il y avait lieu de tenir compte des mesures prises par l'entreprise en cause pour empêcher que de nouvelles infractions au droit communautaire de la concurrence soient commises à l'avenir, ne saurait la contraindre à tenir compte de la même façon de semblables mesures dans la présente espèce, dès lors que la Commission a souligné dans la décision (point 108) que l'infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, était particulièrement grave et avait été commise de propos délibéré et dans le plus grand secret.
358 Le Tribunal considère, en troisième lieu, que le grief de la requérante relatif à l'absence de prise en compte de sa coopération à l'enquête ne peut être retenu. En effet, même s'il avait été préférable de préciser quelles entreprises étaient visées au dernier alinéa du point 109 de la décision, la Commission a indiqué, au cours de la procédure devant le Tribunal, que cet alinéa ne vise que la requérante et ICI. Ni la requérante ni aucune autre entreprise ayant formé un recours contre la décision n'ont contredit cette affirmation.
359 Toutefois, il ne s'ensuit pas que la Commission était tenue d'indiquer précisément la mesure dans laquelle elle avait pris en compte ce critère supplémentaire de pondération des amendes infligées aux différentes entreprises pour réduire l'amende infligée aux entreprises ayant coopéré à son enquête. En effet, ce critère devait être considéré conjointement avec les autres critères de pondération mentionnés au point 109 de la décision. Or, la requérante n'a pas allégué que l'application de ces critères aurait abouti à un résultat inéquitable à son égard de son côté, le Tribunal constate que tel n'a pas été le cas.
360 Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante est adéquate à la durée et à la gravité de la violation des règles de concurrence communautaire constatée à l'encontre de la requérante.
Sur les dépens
361 Aux termes de l'article 87, paragraphe2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (première chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La requérante est condamnée aux dépens.