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Décisions

TPICE, 1re ch., 24 octobre 1991, n° T-2/89

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Petrofina (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Juges :

MM. Schintgen, Edward, Kirschner, Lenaerts

Avocats :

Mes Vandersanden, Defalque.

TPICE n° T-2/89

24 octobre 1991

LE TRIBUNAL (première chambre),

Les faits à l'origine du recours

1. La présente affaire concerne une décision de la Commission infligeant à quinze producteurs de polypropylène une amende pour avoir violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Le produit faisant l'objet de la décision attaquée (ci-après "décision") est l'un des principaux polymères thermoplastiques bruts. Le polypropylène est vendu par les producteurs aux transformateurs, qui le convertissent en produits finis ou semi-finis. Les principaux producteurs de polypropylène ont une gamme de plus de cent qualités différentes, recouvrant un vaste éventail d'utilisations finales. Les principales qualités de base de polypropylène ont pour noms raphia, homopolymère pour moulage par injection, copolymère pour moulage par injection, copolymère high impact et film. Les entreprises destinataires de la décision sont toutes d'importants fabricants de produits pétrochimiques.

2. Le marché du polypropylène ouest-européen est approvisionné presque exclusivement à partir d'unités de production installées en Europe. Avant 1977, ce marché était approvisionné par dix producteurs, à savoir Montedison (devenue Montepolimeri SpA elle-même devenue ensuite Montedipe SpA), Hoechst AG, Imperial Chemical Industries plc et Shell International Chemical Company Ltd (appelés les "quatre grands"), représentant ensemble 64 % du marché, Enichem Anic SpA en Italie, Rhône-Poulenc SA en France, Alcudia en Espagne, Chemische Werke Huels et BASF AG en Allemagne, et le producteur autrichien Chemie Linz AG. A la suite de l'expiration des brevets de contrôle détenus par Montedison, sept nouveaux producteurs sont apparus en Europe occidentale en 1977 : Amoco et Hercules Chemicals NV en Belgique, ATO Chimie SA et Solvay et Cie SA en France, SIR en Italie, DSM NV aux Pays-Bas et Taqsa en Espagne. Saga Petrokjemi AS et Cie, producteur norvégien, a commencé ses activités au milieu de l'année 1978 et Petrofina SA en 1980. Cette arrivée de nouveaux producteurs ayant une capacité nominale de quelque 480 000 tonnes, a entraîné une augmentation substantielle de la capacité de production en Europe occidentale, qui, pendant plusieurs années, n'a pas été suivie par un accroissement correspondant de la demande, ce qui a eu pour conséquence une faible utilisation des capacités de production, qui se serait cependant redressée progressivement entre 1977 et 1983, passant de 60 % à 90 %. Selon la décision, l'offre et la demande se seraient retrouvées plus ou moins en équilibre à partir de 1982. Toutefois, pendant la plus grande partie de la période de référence (1977-1983), le marché du polypropylène se serait caractérisé soit par une faible rentabilité, soit par des pertes substantielles en raison, notamment, de l'importance des coûts fixes et de l'augmentation du coût de la matière première, le propylène. Selon la décision (point 8), en 1983, Montepolimeri détenait 18 % du marché européen du polypropylène, Imperial Chemical Industries, Shell International Chemical Company Ltd et Hoechst AG en auraient détenu chacun 11 %, Hercules Chemicals NV un peu moins de 6 %, ATO Chimie SA, BASF AG, DSM NV, Chemische Werke Huels, Chemie Linz AG, Solvay et Cie SA et Saga Petrokjemi AS et Cie, de 3 à 5 % chacun et Petrofina SA environ 2 %. Le polypropylène aurait fait l'objet d'un vaste courant d'échanges entre les États membres, parce que chacun des producteurs établis à l'époque dans la Communauté vendait dans tous les États membres ou presque.

3. La requérante n'a accédé au marché du polypropylène qu'en 1980 à travers sa filiale commune avec Montepolimeri, Montefina, et jusqu'en mars 1982, elle n'a pas exercé d'activité de commercialisation en dehors de Montefina, qui assurait la commercialisation au nom des deux sociétés mères. Sa position sur le marché du polypropylène était celle d'un très petit producteur, dont la part de marché se situait entre 0,2 et 2,1 %.

4. Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après "règlement n° 17"), ont procédé à des vérifications simultanées dans les entreprises suivantes, productrices de polypropylène et approvisionnant le Marché communautaire :

- ATO Chimie SA, actuellement Atochem (ci-après "ATO");

- BASF AG (ci-après "BASF");

- DSM NV (ci-après "DSM");

- Hercules Chemicals NV (ci-après "Hercules");

- Hoechst AG (ci-après "Hoechst");

- Chemische Werke Huels (ci-après "Huels");

- Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI");

- Montepolimeri SpA, actuellement Montedipe (ci-après "Monte");

- Shell International Chemical Company Ltd (ci-après "Shell");

- Solvay et Cie SA (ci-après "Solvay");

- BP Chimie (ci-après "BP").

Aucune vérification n'a été effectuée chez Rhône-Poulenc SA (ci-après "Rhône-Poulenc"), ni chez Enichem Anic SpA.

5. A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé des demandes de renseignements, au titre de l'article 11 du règlement n° 17 (ci-après "demandes de renseignements"), non seulement aux entreprises précitées, mais aussi aux entreprises suivantes :

- Amoco;

- Chemie Linz AG (ci-après "Linz");

- Saga Petrokjemi AS et Cie, qui fait actuellement partie de Statoil (ci-après "Statoil");

- Petrofina SA (ci-après "Petrofina");

- Enichem Anic SpA (ci-après "Anic").

Linz, entreprise établie en Autriche, a contesté la compétence de la Commission et refusé de répondre à la demande. Conformément à l'article 14, paragraphe 2, du règlement précité, les fonctionnaires de la Commission ont ensuite procédé à des vérifications chez Anic et chez Saga Petrochemicals UK Ltd, filiale anglaise de Saga, ainsi qu'auprès des agences de vente de Linz établies au Royaume-Uni et en Allemagne. Aucune demande de renseignements n'a été adressée à Rhône-Poulenc.

6. Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure qu'entre 1977 et 1983, les producteurs concernés avaient, en violation de l'article 85 du traité CEE, par une série d'initiatives de prix, fixé régulièrement des objectifs de prix et élaboré un système de contrôle annuel des volumes de vente en vue de se répartir le marché disponible sur la base de tonnages ou pourcentages convenus. c'est ainsi que le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure prévue par l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, et au cours du mois de mai 1984, elle a adressé une communication écrite des griefs aux entreprises précitées à l'exception d'Anic et de Rhône-Poulenc. Tous les destinataires y ont répondu par écrit.

7. Le 24 octobre 1984, le conseiller-auditeur désigné par la Commission a réuni les conseillers juridiques des destinataires de la communication des griefs pour convenir de certaines dispositions de procédure en vue de l'audition, prévue dans le cadre de la procédure administrative, qui devait débuter le 12 novembre 1984. Lors de cette réunion, la Commission a, par ailleurs, annoncé qu'au vu de l'argumentation développée par les entreprises dans leurs réponses à la communication des griefs, elle leur adresserait incessamment des éléments de preuve complétant ceux dont elles disposaient déjà en ce qui concerne la mise en œuvre des initiatives de prix. C'est ainsi que le 31 octobre 1984, la Commission a envoyé aux conseillers juridiques des entreprises, une liasse de documents réunissant des copies des instructions de prix données par les producteurs à leurs bureaux de vente, ainsi que des tableaux résumant ces documents. Afin de garantir le respect du secret des affaires, la Commission a assorti cette communication de certaines conditions; en particulier, les documents communiqués ne devaient pas être portés à la connaissance des services commerciaux des entreprises. Les avocats de plusieurs entreprises ont refusé d'accepter lesdites conditions et ont renvoyé la documentation avant l'audition.

8. Au vu des informations fournies dans les réponses écrites à la communication des griefs, la Commission a décidé d'étendre la procédure à Anic et Rhône-Poulenc. A cette fin, une communication des griefs semblable à celle adressée aux quinze autres entreprises leur a été envoyée le 25 octobre 1984.

9. Une première session d'auditions s'est déroulée du 12 au 20 novembre 1984. Au cours de celle-ci, toutes les entreprises ont été entendues, à l'exception de Shell (qui avait refusé de participer à toute audition), Anic, ICI et Rhône-Poulenc (qui estimaient n'avoir pas été en mesure de préparer leur dossier).

10. Lors de cette session, plusieurs entreprises ont refusé d'aborder les points soulevés dans la documentation qui leur avait été adressée le 31 octobre 1984, faisant valoir que la Commission avait radicalement changé l'orientation de son argumentation et qu'elles devaient pouvoir, à tout le moins, être mises en mesure de présenter des observations écrites. D'autres entreprises ont soutenu n'avoir pas eu assez de temps pour étudier les documents en question avant l'audition. Une lettre commune en ce sens a été adressée à la Commission le 28 novembre 1984 par les avocats de BASF, DSM, Hercules, Hoechst, ICI, Linz, Monte, Petrofina et Solvay. Par lettre du 4 décembre 1984, Huels a déclaré se rallier au point de vue ainsi exprimé.

11. C'est pourquoi, le 29 mars 1985, la Commission a adressé aux entreprises une nouvelle série de documents, reproduisant des instructions de prix données par les entreprises à leurs bureaux de vente, accompagnés de tableaux concernant les prix, ainsi qu'un résumé des preuves ayant trait à chacune des initiatives en matière de prix pour laquelle des documents étaient disponibles. Elle invitait les entreprises à y répondre, tant par écrit qu'au cours d'une autre session d'auditions et précisait qu'elle levait les restrictions prévues initialement concernant la communication aux services commerciaux.

12. Par une autre lettre du même jour, la Commission a répondu aux arguments avancés par les avocats, selon lesquels elle n'avait pas donné une définition juridique précise de l'entente alléguée, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité, et elle a invité les entreprises à lui soumettre leurs observations écrites et orales.

13. Une seconde session d'auditions s'est déroulée du 8 au 11 juillet 1985, et le 25 juillet 1985. Anic, ICI et Rhône-Poulenc y ont présenté leurs observations et les autres entreprises (à l'exception de Shell) ont commenté les points soulevés dans les deux lettres de la Commission datées du 29 mars 1985.

14. Le projet de procès-verbal des auditions, accompagné de la documentation utile, a été transmis aux membres du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes (ci-après "comité consultatif") le 19 novembre 1985 et a été envoyé aux entreprises le 25 novembre 1985. Le comité consultatif a rendu son avis lors de sa 170e réunion, les 5 et 6 décembre 1985.

15. Au terme de cette procédure, la Commission a pris la décision litigieuse du 23 avril 1986, qui comporte le dispositif suivant :

"Article premier

Anic SpA, ATO Chemie SA (actuellement Atochem), BASF AG, DSM NV, Hercules Chemicals NV, Hoechst AG, Chemische Werke Huels (actuellement Huels AG), ICI plc, Chemische Werke Linz, Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), Petrofina SA, Rhône-Poulenc SA, Shell International Chemical Co. Ltd, Solvay & Cie et Saga Petrokjemi AG & Co. (actuellement fusionnée avec Statoil) ont enfreint les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, en participant :

- pour Anic, à partir de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1982 ou au début de 1983;

- pour Rhône-Poulenc, de novembre 1977 environ jusqu'à la fin de 1980;

- pour Petrofina, de 1980 jusqu'en novembre 1983 au moins;

- pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins;

- pour Hercules, Linz, Saga et Solvay, de novembre 1977 environ jusqu'en novembre 1983 au moins;

- pour ATO, de 1978 au moins jusqu'à novembre 1983 au moins;

- pour BASF, DSM et Huels, d'un moment indéterminé entre 1977 et 1979 jusqu'en novembre 1983 au moins;

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du Marché commun :

a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale;

b) ont fixé périodiquement des prix "cible" (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté;

c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers;

d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles;

e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un "quota" annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982).

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont pas déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur polypropylène, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs individuels, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés (tel que le Fides) sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés; les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er :

i) Anic SpA, une amende de 750 000 écus, soit 1 103 692 500 LIT;

ii) Atochem, une amende de 1 750 000 écus, soit 11 973 325 FF;

iii) BASF AG, une amende de 2 500 000 écus, soit 5 362 225 DM;

iv) DSM NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 6 657 640 HFL;

v) Hercules Chemicals NV, une amende de 2 750 000 écus, soit 120 569 620 BFR;

vi) Hoechst AG, une amende de 9 000 000 écus, soit 19 304 010 DM;

vii) Huels AG, une amende de 2 750 000 écus, soit 5 898 447,50 DM;

viii) ICI plc, une amende de 10 000 000 écus, soit 6 447 970 UKL;

ix) Chemische Werke Linz, une amende de 1 000 000 écus, soit 1 471 590 000 LIT;

x) Montedipe, une amende de 11 000 000 écus, soit 16 187 490 000 LIT;

xi) Petrofina SA, une amende de 600 000 écus, soit 26 306 100 BFR;

xii) Rhône-Poulenc SA, une amende de 500 000 écus, soit 3 420 950 FF;

xiii) Shell International Chemical Co. Ltd, une amende de 9 000 000 écus, soit 5 803 173 UKL;

xiv) Solvay & Cie, une amende de 2 500 000 écus, soit 109 608 750 BFR;

xv) Statoil, Den Norske Stats Oljeselskap AS (qui englobe aujourd'hui Saga Petrokjemi), une amende de 1 000 000 écus, soit 644 797 UKL.

Articles 4 et 5

(omissis)"

16. Le 8 juillet 1986, le procès-verbal définitif des auditions contenant les corrections, compléments et suppressions de textes demandés par les entreprises, leur a été envoyé.

La procédure

17. C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe de la Cour le 23 juillet 1986, la requérante a introduit le présent recours, visant à l'annulation de la décision. Treize des quatorze autres destinataires de cette décision ont également introduit un recours visant à son annulation (affaires T-1-89, T-3-89, T-4-89 et T-6-89 à T-15-89).

18. La procédure écrite s'est entièrement déroulée devant la Cour.

19. Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé cette affaire ainsi que les treize autres devant le Tribunal, en application de l'article 14 de la décision du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes (ci-après "décision du Conseil du 24 octobre 1988").

20. En application de l'article 2, paragraphe 3, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, un avocat général a été désigné par le président du Tribunal.

21. Par lettre du 3 mai 1990, le greffier du Tribunal a invité les parties à participer à une réunion informelle, en vue de déterminer les modalités d'organisation de la procédure orale. Cette réunion a eu lieu le 28 juin 1990.

22. Par lettre du 9 juillet 1990, le greffier du Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur une jonction éventuelle des affaires T-1-89 à T-4-89 et T-6-89 à T-15-89 aux fins de la procédure orale. Aucune partie n'a formulé d'objection sur ce point.

23. Par ordonnance du 25 septembre 1990, le Tribunal a joint les affaires précitées aux fins de la procédure orale, en raison de leur connexité, conformément à l'article 43 du règlement de procédure de la Cour, applicable alors mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988.

24. Par ordonnance du 15 novembre 1990, le Tribunal a statué sur les demandes de traitement confidentiel introduites par les requérantes dans les affaires T-2-89, T-3-89, T-9-89, T-11-89, T-12-89 et T-13-89 et les a partiellement accueillies.

25. Par lettres déposées au greffe du Tribunal entre le 9 octobre et le 29 novembre 1990, les parties ont répondu aux questions qui leur avaient été posées par le Tribunal par lettres du greffier du 19 juillet.

26 Au vu des réponses fournies à ses questions et sur rapport du juge rapporteur, l'avocat général entendu, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

27 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée du 10 au 15 décembre 1990.

28 L'avocat général a été entendu en ses conclusions à l'audience du 10 juillet 1991.

Les conclusions des parties

29. La SA Petrofina conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

1) à titre principal, annuler la décision de la Commission du 23 avril 1986 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (VI-31.149, polypropylène);

2) à titre subsidiaire, réduire l'amende de 600 000 écus infligée à la requérante;

3) condamner la partie défenderesse à l'ensemble des dépens.

La Commission, quant à elle, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

Sur le fond

30. Le Tribunal considère qu'il y a lieu d'examiner, en premier lieu, les griefs de la requérante tirés de la violation des droits de la défense, en ce que la Commission lui aurait communiqué des documents tardivement et n'aurait pas formulé, dans la communication des griefs, tous les griefs retenus dans la décision (1), en ce qu'elle aurait utilisé devant le Tribunal des documents qui n'étaient pas mentionnés dans la décision (2), en ce que le procès-verbal définitif des auditions n'aurait été communiqué ni aux membres de la Commission, ni à ceux du comité consultatif (3) et en ce que la requérante n'aurait pas reçu communication du rapport du conseiller-auditeur (4); en second lieu, les griefs relatifs à l'établissement de l'infraction qui portent, d'une part, sur les constatations de fait opérées par la Commission (1) et, d'autre part, sur l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, à ces faits (2), en ce que la Commission n'aurait pas correctement qualifié l'infraction (A), en ce qu'elle n'aurait pas correctement apprécié l'affectation du commerce entre États membres (B) et en ce qu'elle aurait imputé à la requérante une responsabilité collective (C); en troisième lieu, les griefs relatifs à la motivation de la décision qui portent sur le fait que sa motivation serait insuffisante (1), contradictoire (2) et erronée (3); en quatrième lieu, les griefs relatifs à la fixation de l'amende qui ne serait adéquate ni à la durée (1), ni à la gravité (2) de l'infraction alléguée.

Sur les droits de la défense

1. Documents communiqués tardivement et griefs nouveaux

31. La requérante fait valoir que la Commission a envoyé aux entreprises, en annexe à une lettre du 31 octobre 1984, soit moins de deux semaines avant la première série d'auditions, une liasse de tableaux et de documents nouveaux sans respecter les conditions prévues à l'article 4 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63"). Petrofina aurait ainsi été incapable de se défendre, d'autant plus que la Commission avait interdit aux services commerciaux des entreprises de prendre connaissance de ces documents.

32. Elle soutient, ensuite, que l'envoi par la Commission de lettres apportant des éléments nouveaux et développant une argumentation nouvelle, alors que les entreprises avaient déjà répondu à la communication des griefs, constitue une violation, d'une part, du principe selon lequel la communication des griefs doit contenir l'ensemble des éléments à charge des entreprises visées, sauf à ouvrir une nouvelle procédure, et, d'autre part, des articles 2, paragraphe 4, et 4, du règlement n° 99-63.

33. Selon la Commission, les envois incriminés visaient simplement à parfaire l'argumentation de la Commission en fait et en droit, sans apporter de nouveaux griefs. Même s'ils avaient constitué une véritable révision des griefs, la procédure n'en aurait pas été viciée dans la mesure où les entreprises ont été invitées à faire connaître leur point de vue dans un délai raisonnable, la seconde série d'auditions ayant eu lieu plusieurs mois après et les restrictions relatives à la transmission aux services commerciaux ayant été levées.

34. Le Tribunal constate que le premier aspect de ce grief est dépourvu de fondement dans les faits, dans la mesure où la Commission a organisé, à la suite des critiques de la requérante et d'autres producteurs, une seconde série d'auditions du 8 au 11 juillet 1985 et le 25 juillet 1985, après avoir communiqué une seconde fois aux entreprises concernées, par lettres du 29 mars 1985, l'ensemble des éléments de preuve dont elle disposait et après avoir levé, par le même courrier, les restrictions relatives à la transmission de ces éléments aux services commerciaux.

35. En ce qui concerne le second aspect de ce grief, il convient de souligner que la requérante a considéré, dans une lettre du 29 mai 1985 répondant aux lettres de la Commission du 29 mars 1985, que "il est, en effet, légitime et logique de penser que la correspondance de la Commission, du 29 mars 1985, qui intervient à la suite d'une procédure qui a permis de dégager tous les aspects de cette affaire, circonscrit les termes de la poursuite, tant au plan des griefs que des arguments de droit", sans objecter que les lettres du 29 mars 1985 contiendraient des griefs nouveaux nécessitant l'ouverture d'une nouvelle procédure.

36. En outre, devant le Tribunal, la requérante est restée en défaut d'indiquer en quoi ces lettres contenaient des griefs nouveaux, même si elle a indiqué dans son mémoire en réplique que, dans ses lettres du 29 mars 1985, la Commission avait désormais centré son argumentation sur l'existence d'un ou de plusieurs accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, sans pour autant écarter certains éléments constitutifs d'une pratique concertée. Or, le Tribunal relève que cette double qualification avait déjà été opérée dans la communication générale des griefs adressée à la requérante (voir notamment ses points 127 et 138).

37. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

2. Utilisation devant le Tribunal de documents non mentionnés dans la décision

38. La requérante soutient, dans sa réplique, que la Commission contreviendrait aux droits de la défense en se référant, pour la première fois dans son mémoire en défense, afin de les utiliser contre elle dans le cadre de la présente procédure, d'une part, à une série d'annexes émanant de tiers et, d'autre part, à un télex émanant de Petrofina, daté du 11 mars 1982, qui avaient été joints aux communications des griefs mais n'avaient pas été mentionnés dans la décision, ce qui aurait donné à penser que la Commission s'était laissée convaincre par les explications données par la requérante au cours de la procédure administrative.

39. Le Tribunal considère que la décision, si elle doit préciser les éléments de preuve qui emportent la conviction de la Commission, ne doit pas énumérer de manière exhaustive tous les éléments de preuve disponibles et peut s'y référer globalement. La décision ne peut en aucun cas contenir ni griefs nouveaux par rapport à ceux contenus dans les communications des griefs adressées à la requérante, ni éléments de preuve nouveaux par rapport à ceux mentionnés dans lesdites communications des griefs ou annexés à celles-ci. Or, en l'espèce, il n'est pas allégué que la décision comporte des griefs nouveaux ou soit fondée sur des éléments de preuve nouveaux ou qu'elle ne mentionne pas les éléments de preuve qui ont emporté la conviction de la Commission. En ce qui concerne, en particulier, le télex du 11 mars 1982, il suffit de remarquer que le fait qu'il n'a pas été mentionné dans la décision ne signifie pas que la Commission ne l'a pas retenu comme élément de preuve, dès lors que les griefs, à l'appui desquels il a été invoqué durant la procédure administrative, ont été maintenus dans la décision.

40. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

3. Non-communication du procès-verbal des auditions

41. La requérante affirme que les membres de la Commission et ceux du comité consultatif se seraient prononcés sans disposer du procès-verbal définitif des auditions tenues devant la Commission, alors que ce procès-verbal contenait des éléments très importants pour Petrofina. En outre, les membres du comité consultatif n'auraient pu disposer du procès-verbal provisoire des auditions qu'une semaine seulement avant de rendre leur avis.

42. La Commission fait valoir que le règlement n° 99-63 ne précise pas les instances auxquelles le procès-verbal des auditions, provisoire ou définitif, doit être envoyé. En toute hypothèse, les membres de la Commission et ceux du comité consultatif auraient pu se prononcer en toute connaissance de cause, de sorte que la décision n'aurait pas été différente en l'absence de la prétendue irrégularité de procédure invoquée par la requérante (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers Company/Commission, point 26, 30-78, Rec. p. 2229). En effet, le comité consultatif ne disposait certes que du procès-verbal provisoire, mais les autorités compétentes des États membres avaient eu la possibilité d'assister aux auditions, ce qu'elles auraient fait pour la plupart en l'espèce. De plus, la Commission souligne que Petrofina ne prétend pas que ce procès-verbal provisoire n'aurait pas retracé les auditions de manière loyale et exacte. Les membres de la Commission, quant à eux, disposaient non seulement du procès-verbal provisoire mais aussi des observations que les entreprises avaient faites sur ce procès-verbal.

43. Le Tribunal constate qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère provisoire du procès-verbal de l'audition soumis au comité consultatif et à la Commission ne peut constituer un vice de la procédure administrative, susceptible d'entacher d'illégalité la décision qui en constitue l'aboutissement, que si le texte en question était rédigé de manière à induire en erreur ses destinataires sur un point essentiel (arrêt du 15 juillet 1970, Buchler/Commission, point 17, 44-69, Rec. p. 733).

44. En ce qui concerne le procès-verbal transmis à la Commission, il y a lieu de relever que cette dernière a reçu, avec le procès-verbal provisoire, les remarques et observations faites par les entreprises sur ce procès- verbal et qu'il y a lieu, dès lors, de considérer que les membres de la Commission ont été informés de toutes les données pertinentes avant de prendre la décision.

45. En ce qui concerne le procès-verbal provisoire transmis au comité consultatif, il convient de relever que la requérante n'a pas indiqué en quoi ce procès-verbal n'aurait pas retracé les auditions de manière loyale et exacte et qu'elle n'a, dès lors, pas établi en fait que le texte en question était rédigé de manière à induire en erreur sur un point essentiel les membres du comité consultatif.

46. Par ailleurs, il importe de remarquer que la requérante n'a pas indiqué, non plus, en quoi le délai d'une semaine laissé aux membres du comité consultatif pour étudier ce procès-verbal provisoire ne leur aurait pas suffi et les aurait induit en erreur sur un point essentiel.

47. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

4. Non-communication du rapport du conseiller-auditeur

48. La requérante soutient que le rapport du conseiller-auditeur aurait dû être distribué aux membres de la Commission et à ceux du comité consultatif. Les entreprises visées auraient dû disposer de la possibilité d'en prendre connaissance et de le commenter. Il s'agirait là, selon la requérante, d'une condition indispensable à l'indépendance et au rôle constructif du conseiller-auditeur.

49. Après avoir rappelé le rôle et la mission du conseiller-auditeur, la Commission considère que ce dernier contribue au processus décisionnel interne de la Commission et vise à garantir que cette dernière soit pleinement informée de tous les éléments du dossier. La transmission de son rapport aux entreprises compromettrait son indépendance et le caractère constructif de son rôle. La transmission du rapport à la Commission serait à la discrétion du membre responsable des questions de concurrence, lequel pourrait, à la demande du conseiller-auditeur, joindre l'avis de ce dernier au projet de décision dont est saisie la Commission. La Commission conclut en exposant que la transmission du rapport aux membres du comité consultatif serait inutile.

50. Le Tribunal relève, à titre liminaire, que les dispositions pertinentes du mandat du conseiller-auditeur, qui a été annexé au Treizième rapport sur la politique de concurrence, sont les suivantes :

"Article 2

Le conseiller-auditeur a pour mission d'assurer le bon déroulement de l'audition et de contribuer par là au caractère objectif tant de l'audition que de la décision ultérieure éventuelle. Il veille notamment à ce que tous les éléments pertinents, qu'ils soient favorables ou défavorables aux intéressés, soient dûment pris en considération dans l'élaboration des projets de décision de la Commission en matière de concurrence. Dans l'exercice de ses fonctions, il veille au respect des droits de la défense, tout en tenant compte de la nécessité d'une application efficace des règles de concurrence, en conformité avec les règlements en vigueur et les principes retenus par la Cour de justice.

Article 5

Le conseiller-auditeur fait rapport au directeur général de la concurrence sur le déroulement de l'audition et sur les conclusions qu'il en tire. Il formule ses observations sur la poursuite de la procédure. Ces observations peuvent concerner, entre autres, la nécessité d'un complément d'information, l'abandon de certains points de griefs ou la communication de griefs supplémentaires.

Article 6

Dans l'exercice des fonctions définies à l'article 2 ci-avant, le conseiller-auditeur peut, s'il l'estime approprié, saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence lorsqu'est soumis à ce dernier l'avant-projet de décision destiné au comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.

Article 7

Le cas échéant, le membre de la Commission chargé des questions de concurrence peut décider, sur demande du conseiller-auditeur, de joindre l'avis final émis par celui-ci au projet de décision dont est saisie la Commission, de manière à garantir que celle-ci, lorsqu'elle se prononce sur une affaire individuelle en tant qu'instance décisionnelle, soit pleinement informée de tous les éléments de l'affaire."

51. Il résulte des termes mêmes du mandat du conseiller-auditeur que son rapport ne doit obligatoirement être communiqué ni au comité consultatif ni à la Commission. En effet, aucune disposition ne prévoit la transmission dudit rapport au comité consultatif. S'il est vrai que le conseiller-auditeur doit faire rapport au directeur général de la concurrence (article 5) et qu'il a la faculté, s'il l'estime approprié, de saisir directement de ses observations le membre de la Commission chargé des questions de concurrence (article 6), lequel a lui-même la faculté de joindre, sur demande du conseiller-auditeur, l'avis final de ce dernier au projet de décision soumis à la Commission (article 7), il n'existe toutefois aucune disposition faisant obligation au conseiller-auditeur, au directeur général de la concurrence ou au membre de la Commission chargé des questions de concurrence de transmettre à la Commission le rapport du conseiller-auditeur.

52. Par conséquent, la requérante ne peut se prévaloir de ce que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas été transmis au comité consultatif ou aux membres de la Commission.

53. Par ailleurs, le Tribunal relève que les droits de la défense n'exigent pas que les entreprises impliquées dans une procédure au titre de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, puissent commenter le rapport du conseiller-auditeur qui constitue un document purement interne à la Commission. A cet égard, la Cour a jugé que ce rapport a valeur d'avis pour la Commission, qu'elle n'est en aucune manière tenue de s'y ranger et que, dans ces conditions, ce rapport ne présente aucun aspect décisif dont le juge communautaire ait à tenir compte pour exercer son contrôle (ordonnance du 11 décembre 1986, ICI/Commission, points 5 à 8, 212-86 R, non publiée au Recueil). En effet, le respect des droits de la défense est assuré à suffisance de droit dès lors que les différentes instances concourant à l'élaboration de la décision finale ont été informées correctement de l'argumentation formulée par les entreprises, en réponse aux griefs que leur a communiqués la Commission, ainsi qu'aux éléments de preuve présentés par la Commission pour étayer ces griefs (arrêt de la Cour du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322-81, point 7, Rec. p. 3461).

54. A cet égard, il importe de relever que le rapport du conseiller-auditeur n'a pas pour objet de compléter ou de corriger l'argumentation des entreprises, ni de formuler des griefs nouveaux ou de fournir des éléments de preuve nouveaux à l'encontre de celles-ci.

55. Il s'ensuit que les entreprises n'ont pas le droit, au titre du respect des droits de la défense, d'exiger la communication du rapport du conseiller-auditeur pour pouvoir le commenter (voir arrêt de la Cour du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25, 43-82 et 63-82, Rec. p. 19).

56. Par conséquent, le grief doit être rejeté.

Sur l'établissement de l'infraction

57. Selon la décision (point 80, premier alinéa), à partir de 1977, les producteurs de polypropylène approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques et de contacts permanents. La décision (point 80, deuxième alinéa) ajoute que le plan d'ensemble des producteurs visait à organiser des rencontres pour parvenir à un accord exprès sur des points spécifiques.

58. Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier, d'abord, si la Commission a établi à suffisance de droit ses constatations de fait relatives, d'une part, à la période allant de 1980 à mars 1982 (I) et, d'autre part, à la période allant de mars 1982 à novembre 1983 (II), en ce qui concerne le système des réunions périodiques (A), les initiatives de prix (B), les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix (C) et la fixation de tonnages cibles et de quotas (D), en rendant compte de l'acte attaqué (a) et des arguments des parties (b), avant de les apprécier (c); il y a lieu de contrôler, ensuite, l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE à ces faits.

1. Les constatations de fait

I - Pour la période allant de 1980 à mars 1982

A - Acte attaqué

59. La décision (point 105, troisième alinéa) expose que Petrofina, via Montefina, n'a accédé au marché qu'en 1980 et que, même si ses représentants n'ont assisté aux réunions d'une manière régulière qu'à partir de mars 1982 (la position de Petrofina à ce propos serait ambiguë), elle s'est trouvée mêlée dès 1980 aux arrangements en matière de quotas.

60. La décision (point 33) relève toutefois la participation de Petrofina à deux réunions de janvier 1981, au cours desquelles il se serait avéré nécessaire d'opérer une hausse des prix, fixée en décembre 1980 pour le 1er février 1981, sur la base de 1,75 DM/kg pour le raphia, en deux phases : l'objectif serait resté fixé à 1,75 DM/kg pour février et un objectif de 2 DM/kg serait introduit à partir du 1er mars "sans exception ". Un tableau des prix cibles de six grandes qualités de polypropylène aurait été élaboré dans six monnaies nationales. Sa mise en œuvre aurait été prévue pour les 1er février et 1er mars 1981.

61. Jusqu'en mars 1982, Petrofina n'a pas exercé d'activité de commercialisation en dehors de Montefina. Celle-ci aurait, en effet, vendu la production de l'unité de Feluy, qui lui appartenait, au nom des deux sociétés mères, Montepolimeri et Fina. Toutefois, dans le calcul des quotas, un volume distinct aurait généralement été attribué, pendant cette période, à chacune des sociétés mères. Petrofina aurait donc participé de son propre chef, à partir de 1980, aux arrangements en matière de quotas. Même si cela n'était pas le cas, elle resterait conjointement responsable de la participation de Montefina à l'entente jusqu'en mars 1982 (décision, point 102, troisième alinéa; voir aussi point 78, cinquième et huitième alinéas).

62. A la fin de février 1980, les producteurs auraient convenu d'objectifs de volumes pour 1980, exprimés en tonnages, sur la base d'un marché annuel total estimé à 1 390 000 tonnes. Selon la décision (point 55), des tableaux indiquant les "objectifs convenus" afférents à chaque producteur pour 1980 auraient été découverts chez ATO et ICI. Cette première estimation du marché global se révélant trop optimiste, le quota de chaque producteur aurait dû être ajusté à la baisse pour correspondre à une consommation totale pour cette année de 1 200 000 tonnes seulement. Sauf pour ICI et DSM, les ventes réalisées correspondraient grosso modo à leur cible.

63. Selon la décision (point 56), la répartition du marché pour 1981 aurait fait l'objet de négociations longues et complexes. Lors des réunions de janvier 1981, il aurait été convenu, à titre de mesure temporaire, que pour aider à réaliser l'initiative de prix de février/mars, chaque producteur réduirait ses ventes mensuelles à 1/12 de 85 % de l'"objectif" de 1980. En attendant qu'un plan plus permanent soit mis au point, chaque producteur aurait communiqué à la réunion le tonnage qu'il espérait vendre en 1981. Toutefois, l'addition de ces "ambitions" aurait excédé largement les prévisions de la demande totale (décision, point 56). En dépit de plusieurs formules de compromis avancées par Shell et ICI, aucun accord de quota définitif n'aurait pu être réalisé pour 1981. Comme mesure provisoire, les producteurs se seraient assigné à chacun le même quota théorique que l'année précédente et auraient donné connaissance chaque mois, à la réunion, des ventes réalisées. En conséquence, les ventes réalisées auraient été vérifiées à la lumière d'une répartition théorique du marché disponible sur la base du quota de 1980 (décision, point 57).

B - Arguments des parties

64. La requérante fait valoir, tout d'abord, qu'elle n'a assisté à certaines des réunions incriminées qu'à partir de mai 1982.

65. Elle expose, ensuite, que la Commission n'avance aucun élément pour établir sa participation à la fixation d'objectifs de prix, dès lors que la Commission a été contrainte de reconnaître, en réponse à une question posée par le Tribunal, que Petrofina n'avait pas participé aux réunions de janvier 1981.

66. La requérante soutient, enfin, qu'elle n'a jamais participé à la fixation de quotas et que la mention du nom de Petrofina dans une série de tableaux découverts chez ICI et ATO (communication générale des griefs, annexes 55 à 61 (ci-après "g.g. ann.")), reprenant pour chaque entreprise des données relatives à ses chiffres de vente et à des "targets" (" objectifs") pour les années 1980 et 1981, ne saurait suffire à établir sa participation à une entente. d'autant plus que les chiffres contenus dans les tableaux produits par la Commission seraient entachés d'erreurs graves en ce qui concerne ses chiffres de vente et sa capacité effective, ce qui démontrerait que ce n'est pas elle qui a fourni ces chiffres.

67. De son côté, la Commission rappelle que, dans la décision (point 105, troisième alinéa), elle a précisé que, pour la période antérieure à mars 1982, la position de Petrofina par rapport aux réunions était nécessairement ambiguë, puisque, à cette époque, ses ventes de polypropylène étaient confiées à Montefina, qui servait de société commune de commercialisation pour Petrofina et Monte. Elle ajoute que s'il n'est pas sûr que Petrofina ait été représentée séparément aux réunions avant mars 1982, le fait que son cas ait été, généralement, dissocié de celui de Monte dans les projets de répartition du marché, semble indiquer qu'elle a participé à l'entente dès 1980.

68. Elle soutient, par conséquent, que la participation de la requérante à l'entente pour la période en cause résulte de sa participation au système de quotas pendant cette période.

69. A cet égard, la Commission fait valoir que la participation de la requérante au système de quotas résulte du fait que son nom se trouve mentionné dans différents tableaux chiffrés relatifs à l'attribution de quotas en 1980 et 1981.

70. Pour l'année 1980, il s'agit en premier lieu d'un tableau daté du 26 février 1980, intitulé "Polypropylene - Sales target 1980 (kt)" ("Polypropylène - Objectif de ventes 1980 (kt)"), découvert chez ATO (g.g. ann. 60), qui compare, pour tous les producteurs d'Europe occidentale, un "1980 target" ("objectif 1980"), des "opening suggestions" ("suggestions de départ"), des "proposed adjustments" ("ajustements proposés") et des "agreed targets 1980" ("objectifs convenus 1980"). A l'audience, la Commission a exposé que la participation de Petrofina à l'élaboration de ce tableau ressortait de la référence qui y est faite à une adaptation émanant de Petrofina ("Based on 1979 + Petrofina adjust"; "Sur la base de 1979 + ajustement Petrofina"). Le quota attribué à Petrofina, dans ce tableau, correspondrait à celui qui figure dans un deuxième tableau, daté du 8 octobre 1980, émanant d'ICI (g.g. ann. 57), comparant, pour tous les producteurs d'Europe occidentale, la "1980 Nameplate Capacity" ("capacité nominale 1980") et le "1980 quota ".

71. Pour l'année 1981, il s'agit, d'une part, d'un tableau daté du 9 octobre 1980, émanant d'ICI (g.g. ann. 58), comparant pour tous les producteurs d'Europe occidentale, en ce qui concerne l'année 1980, l'"effective capacity" ("capacité effective"), les "aspirations", les "market shares" ("parts de marché"), les "hence actuals" ("chiffres effectifs") et les "hence loading" ("taux d'utilisation") en pourcentages de l'"effective capacity", et en ce qui concerne l'année 1981, l'"effective capacity", les "market share proposal ICI 1981" ("proposition parts de marché ICI 1981"), les "1981 sales at 1980 loading of 1981 cap." ("ventes 1981 au taux d'utilisation 1980 des capacités"), les "tonnages of 1980 share" ("parts des volumes 1980") et les "Pro-rated to 1981 Market" ("chiffres proratisés au marché 1981"). ICI expose, à propos de ce tableau, dans sa réponse à la demande de renseignements (g.g. ann. 8), que :

"the document was prepared within ICI as an internal working document in order to make an estimate of the volume "aspirations" of the West European polypropylene producers for 1981, and to compare such "aspirations" with previous "Target Tonnages" and "actual" sales achievements thus enabling ICI to take part in discussions on "Target Tonnages" for 1981.

The source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves. However, figures for Amoco/Hercules, and certain other producers eg the reference to "Spanish" , would have been estimated from industry figures generally available from Fides.

The hand written figures in the 1980 "actual" column : detailed precisely actual sales for the year 1980 (in contrast to the rounded figures given in the typed column); clarified the Amoco/Hercules figures; and corrected a mistaken figure for Petrofina".

("ce document a été établi chez ICI comme document de travail interne afin de procéder à une estimation des "aspirations" des producteurs de polypropylène ouest-européens pour 1981, en termes de volumes de vente, et de comparer ces "aspirations" aux "objectifs de volumes" antérieurs ainsi qu'aux ventes "effectives" réalisées, ce qui devait mettre ICI en mesure de participer à des discussions relatives à des "objectifs de volumes" pour 1981.

La source dont proviennent les chiffres du tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux-mêmes. Néanmoins, les chiffres indiqués pour Amoco/Hercules et pour certains autres producteurs, par exemple sous la mention "Espagnols", devraient correspondre à des estimations fondées sur des chiffres relatifs à l'ensemble de la branche accessibles à tous par le système Fides.

Les chiffres manuscrits figurant dans la colonne des chiffres effectifs de 1980 : détaillent exactement les chiffres réels de 1980 (par opposition aux chiffres arrondis de la colonne dactylographiée), précisent les chiffres Amoco/Hercules et rectifient une erreur de chiffre pour Petrofina).

Il s'agit, d'autre part, d'un tableau trouvé chez ICI (g.g. ann. 59) comparant, pour tous les producteurs, leurs ventes en termes de tonnages et de parts de marché, dans les rubriques suivantes : "1979 actual", "1980 target", "(1980) actual" et "1981 aspirations". La Commission note que les cibles de vente pour Petrofina figurant dans ces deux tableaux concordent.

72. La Commission relève que si les chiffres de vente figurant dans les tableaux précités devaient s'avérer erronés, comme le prétend la requérante, il n'en resterait pas moins que Petrofina ne conteste pas les chiffres des cibles repris dans les différents tableaux qui se corroboreraient mutuellement. Par ailleurs, la Commission souligne que à supposer même que les chiffres relatifs à Petrofina figurant dans les tableaux contenus aux annexes 58, 61, et 65 à 67 de la communication générale des griefs ne correspondent pas aux résultats qu'elle a effectivement atteints, cela ne signifie nullement qu'il n'y ait pas eu concertation. La concertation découlerait de l'existence même des tableaux en cause, et non de la question de savoir si les objectifs qu'ils contiennent ont été ou non effectivement réalisés sur le marché. Dès lors, un éventuel défaut de concordance entre ces chiffres et les résultats effectivement enregistrés par Petrofina sur le marché n'ôterait nullement leur valeur probante aux tableaux dans lesquels figurent ces chiffres. Par ailleurs, les chiffres contestés ne concerneraient que quelques données contenues dans les tableaux en question. Par conséquent, ils ne pourraient pas discréditer l'ensemble des tableaux dans lesquels ils figurent.

C - Appréciation du Tribunal

73. Le Tribunal constate que, en réponse à une question écrite du Tribunal et lors de l'audience, la Commission a reconnu, ainsi qu'elle l'avait déjà fait au point 78, huitième alinéa, de la décision, qu'elle ne disposait d'aucune preuve de la participation de Petrofina aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène avant mars 1982 et que la mention de la présence de Petrofina à deux réunions en janvier 1981, au point 33, troisième alinéa, de la décision, était le résultat d'une erreur matérielle.

74. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la participation de la requérante aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre 1980 et mars 1982, niée par celle-ci dans sa réplique ainsi qu'à l'audience, n'a pas été établie à suffisance de droit et que la réponse d'ICI à la demande de renseignements contient effectivement une erreur sur ce point, ainsi que l'a exposé la requérante sans être contredite par la Commission.

75. Il faut considérer, en outre, qu'en raison de l'absence cumulative, pendant la période en cause, de participation de la requérante aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène et d'indications sur son comportement en matière de prix, il n'a pas non plus été établi à suffisance de droit que la requérante a pris part avec d'autres producteurs de polypropylène à la fixation d'objectifs de prix entre 1980 et mars 1982.

76. Il convient, dès lors, d'examiner si, comme le prétend la Commission, la participation de la requérante à l'infraction entre 1980 et mars 1982 peut, néanmoins, être établie à partir de la mention de son nom dans les tableaux contenant des objectifs de volumes de vente pour cette période.

77. Il importe de souligner qu'il résulte des documents produits par la Commission (g.g. ann. 57 à 61 et 65 à 67) que des données commerciales ont été échangées entre les producteurs et ont fait l'objet de discussions lors des réunions, dans la perspective de la définition d'objectifs de volumes de vente. La terminologie utilisée dans ces documents (comme "opening suggestions" ("suggestions de départ"), "proposed adjustments" ("ajustements proposés"), "agreed targets" ("objectifs convenus")) permet de conclure qu'un concours de volontés entre producteurs est intervenu.

78. Toutefois, en l'absence de toute preuve de la participation de Petrofina aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène durant la période en cause, le Tribunal constate que la Commission n'a pas démontré que la requérante a participé à l'élaboration des tableaux relatifs aux objectifs de volumes de vente et, partant, à la fixation de ces objectifs. En effet, la mention du nom de la requérante ou de Montefina dans ces tableaux doit être considérée comme un indice insuffisant, dans la mesure où, d'une part, à l'époque, toute la production de polypropylène de Petrofina était commercialisée par Montefina, filiale commune à la requérante et à Monte, et où, d'autre part, les données relatives à la capacité de production et aux ventes de Montefina ainsi qu'aux aspirations de Petrofina étaient nécessairement connues par son partenaire dans la filiale commune et ont dû être présentées par celui-ci, lors des réunions périodiques des producteurs de polypropylène, en vue de participer efficacement à la fixation des objectifs de volumes de vente. A cet égard, le Tribunal observe que, sur le tableau daté du 8 octobre 1980 (g.g. ann. 57), figure à côté du nom de Montefina, en tant que "1980 Quota", la mention : "20 to Petrofina - balance included in Montedison" ("20 à Petrofina - le reste à Montedison"). Il y a lieu de considérer que cette dernière entreprise, connaissant les termes de l'accord répartissant les volumes de vente entre elle-même et la requérante au sein de leur filiale commune, en a simplement tiré la conséquence au niveau du quota revenant à la requérante, en l'extrapolant à partir du quota lui revenant dans la production globale de Montefina à l'issue des discussions auxquelles Monte prenait part.

79. Le Tribunal constate, par ailleurs, que la décision n'a pas retenu ni par conséquent établi à suffisance de droit la participation de l'entreprise Montefina, en tant qu'entité autonome, aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène ou encore à la fixation d'objectifs de prix ou de volumes de vente. Il s'ensuit que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit "la participation de Montefina à l'entente jusqu'en mars 1982" (décision, point 102, troisième alinéa, dernière phrase) et que la requérante ne peut être tenue "conjointement responsable" d'une telle participation. D'autant plus que la Commission a déclaré, à l'audience, que le but du point 102, troisième alinéa, dernière phrase, de la décision, était de rendre la requérante conjointement responsable non des éventuels agissements anticoncurrentiels de son partenaire dans la filiale commune Montefina, agissements dont elle aurait bénéficié à travers celle-ci, mais bien des agissements de Montefina elle-même qui auraient constitué une participation à l'infraction retenue par la décision à l'encontre de la requérante.

80. Il résulte de ce qui précède que la Commission n'a pas établi à suffisance de droit la participation de la requérante ou de l'entreprise Montefina au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène ayant pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, ni à la fixation avec d'autres producteurs de polypropylène d'objectifs de prix ou de volumes de vente pour la période allant du début de 1980 à mars 1982.

II - Pour la période allant de mars 1982 à novembre 1983

A - Le système des réunions périodiques

a) Acte attaqué

81. La décision (points 18 et 105, troisième et quatrième alinéas) fait grief à Petrofina d'avoir participé au système des réunions périodiques de producteurs de polypropylène en assistant régulièrement aux réunions entre mars 1982 et septembre 1983, la première réunion identifiée pour la période en cause étant celle du 10 mars 1982 (point 58, troisième alinéa).

82. La décision (point 21) affirme que ces réunions périodiques avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et le contrôle de leur respect par les producteurs.

b) Arguments des parties

83. La requérante conteste avoir participé à une réunion de producteurs le 10 mars 1982 et estime que son absence à cette réunion ressort du compte rendu de cette réunion découvert chez Hercules (g.g. ann. 23). En effet, celui-ci contiendrait une erreur grave en ce qui concerne la capacité de production de Petrofina (50 kilotonnes/an au lieu de 30). En outre, elle nie avoir participé à deux autres réunions les 20 août et 2 novembre 1982.

84. Elle souligne, en outre, que, lorsqu'elle a assisté aux réunions, sa participation a été passive et qu'elle avait uniquement pour but de recueillir des informations en vue de se faire une place sur le marché. Cela serait corroboré par son comportement concurrentiel sur le marché, dont témoigneraient de nombreux documents, dans lesquels ses concurrents qualifient son comportement d'agressif ou de perturbateur, tant en matière de prix que de volumes de vente. Ces affirmations seraient également corroborées par un audit effectué par un cabinet d'experts-comptables indépendant, Coopers et Lybrand (ci-après "audit Coopers et Lybrand"), ainsi que par une étude économétrique relative au marché allemand réalisée par le professeur Albach, de l'université de Bonn.

85. La Commission soutient, de son côté, que Petrofina a participé régulièrement aux réunions et qu'elle a reconnu elle-même, dans sa réponse à la demande de renseignements (annexe I à la communication spécifique des griefs adressée à Petrofina (ci-après "ann. g. Pet.")), qu'à partir de mars 1982, certains membres du personnel de la Chemical Sales Division de la société avaient assisté aux réunions. La Commission considère que la première réunion à laquelle Petrofina a participé, est celle du 10 mars 1982 (g.g. ann. 23).

c) Appréciation du Tribunal

86. Le Tribunal constate que la réponse de Petrofina à la demande de renseignements indique que, "à partir de mars 1982 certains membres du personnel de la Chemical Sales Division de notre société ont assisté aux réunions dont vous faites état dans votre lettre" (ann. 1, g. Pet.) et contient une énumération de 25 réunions, s'étalant du 18 mai 1982 au 30 septembre 1983, pour lesquelles la requérante a identifié ses représentants, sur les 29 dont la tenue est alléguée.

87. Quant à la participation de la requérante à une réunion du 10 mars 1982, il convient de remarquer, d'une part, que, si cette réunion ne figure pas dans la liste des réunions pour lesquelles la requérante a identifié ses représentants, elle se situe à une époque où la requérante a admis avoir participé aux réunions ("à partir de mars 1982") et, d'autre part, que la requérante ne nie pas avoir pris part à une autre réunion, celle du 13 mai 1982 - qui ne figure pas non plus dans la liste de Petrofina - alors qu'au point 37, deuxième alinéa, de la décision, la Commission affirme que Petrofina y participait.

88. L'erreur relative à la capacité de production de Petrofina contenue dans le compte rendu de la réunion du 10 mars 1982 (g.g. ann. 23), n'est pas de nature à mettre en cause les conclusions de la Commission, puisque la même erreur figure dans nombre d'autres documents relatifs à des périodes durant lesquelles Petrofina a admis avoir participé aux réunions. A cet égard, il est permis de voir dans l'instruction de prix donnée par la requérante le 11 mars 1982, en ce qu'elle coïncide avec le prix cible défini au cours de cette réunion, un indice supplémentaire de la présence de Petrofina à cette réunion.

89. Il faut donc considérer que la requérante a participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre mars 1982 et fin septembre 1983, même si elle conteste avoir participé aux réunions des 20 août et 2 novembre 1982.

90. Ensuite, c'est à bon droit que la Commission a estimé, sur la base des éléments fournis par ICI dans sa réponse à la demande de renseignements (g.g. ann. 8), et qui ont été confirmés par de nombreux comptes rendus de réunions, que les réunions avaient pour objet, notamment, de fixer des objectifs de prix, d'une part, et de volumes de vente, d'autre part. En effet, on peut lire dans cette réponse : "Target prices" for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule...", ainsi que "A number of proposals for the volume of individual producers were discussed at meetings" ("Les "prix cibles" qui ont été proposés périodiquement par les producteurs depuis le 1er janvier 1979 pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe..." ainsi que "un certain nombre de propositions relatives au volume des ventes des divers producteurs ont été discutées lors des réunions").

91. De surcroît, c'est à bon droit encore que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements, dans laquelle on peut lire : "Only "Bosses" and "Experts" meetings came to be held on a monthly basis... By late 1978/early 1979 it was determined that the "ad hoc" meetings of Senior Managers should be supplemented by meetings of lower level managers with more marketing knowledge" ("Seules les réunions de "patrons" et d'"experts" avaient lieu sur une base mensuelle... Vers la fin de 1978/le début de 1979, il a été décidé que les réunions "ad hoc" de patrons devaient être complétées par des réunions de dirigeants d'un niveau moins élevé, connaissant mieux le marketing"), ainsi que de l'identité de nature et d'objet des réunions en cause que celles-ci s'inscrivaient dans un système de réunions périodiques.

92. Il importe, par ailleurs, de relever que le caractère passif de la participation de Petrofina aux réunions est démenti par les déclarations de la requérante elle-même, qui concède avoir parfois fourni certaines informations sur les tonnages mensuels de ses ventes et par les comptes rendus de certaines réunions, comme celle du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24), au cours de laquelle Petrofina a expliqué ses relations internes avec Monte au sein de leur filiale commune Montefina, ainsi que par le compte rendu, daté du 8 décembre 1982 et rédigé par un employé d'ICI (g.g. ann. 77), d'un entretien téléphonique entre ICI et Hercules relatant une proposition de Petrofina relative aux quotas pour le premier trimestre de 1983.

93. Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante a participé régulièrement aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène entre mars 1982 et septembre 1983, que ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, qu'elles s'inscrivaient dans un système et que la participation de la requérante à ces réunions n'a pas été purement passive.

B - Les initiatives de prix

a) Acte attaqué

94. Selon la décision (point 28), un système de fixation d'objectifs de prix aurait été mis en œuvre à travers des initiatives de prix.

95. Selon la décision (points 37 à 39), Petrofina aurait participé à l'initiative de prix de juin/juillet 1982, qui se serait inscrite dans le contexte d'un retour du marché à l'équilibre entre l'offre et la demande. Cette initiative aurait été décidée à la réunion de producteurs du 13 mai 1982, à laquelle aurait participé Petrofina et au cours de laquelle un tableau détaillé des objectifs de prix au 1er juin aurait été élaboré pour différentes qualités de polypropylène, dans diverses monnaies nationales (2 DM/kg pour le raphia).

96. La réunion du 13 mai 1982 aurait été suivie d'instructions de prix émanant d'ATO, BASF, Hoechst, Hercules, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell, correspondant, sous réserve de quelques exceptions mineures, aux prix cibles définis lors de la réunion (décision, point 39). La décision reconnaît cependant ne pas disposer d'instructions de prix émanant de la requérante. Lors de la réunion du 9 juin 1982, les producteurs n'auraient pu annoncer que des hausses modestes.

97. Selon la décision (point 40), la requérante aurait également participé à l'initiative de prix de septembre/novembre 1982 décidée lors de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 et visant à atteindre un prix de 2 DM/kg le 1er septembre et de 2,10 DM/kg le 1er octobre, dans la mesure où elle aurait été présente à la plupart, sinon à toutes les réunions tenues entre juillet et novembre 1982 au cours desquelles cette initiative a été organisée et contrôlée (décision, point 45). Lors de la réunion du 20 août 1982, la hausse prévue pour le 1er septembre aurait été reportée au 1er octobre et cette décision aurait été confirmée lors de la réunion du 2 septembre 1982 (décision, point 41).

98. A la suite des réunions du 20 août et du 2 septembre 1982, ATO, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Shell auraient donné des instructions de prix conformes au prix cible défini au cours de ces réunions (décision, point 43).

99. Selon la décision (point 44), à la réunion du 21 septembre 1982, un examen des mesures prises pour atteindre l'objectif fixé précédemment aurait été opéré et les entreprises auraient exprimé dans l'ensemble leur soutien à une proposition visant à relever le prix à 2,10 DM/kg pour novembre/décembre 1982. Cette hausse aurait été confirmée lors de la réunion du 6 octobre 1982.

100. A la suite de la réunion du 6 octobre 1982, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte, Shell et Saga auraient donné des instructions de prix appliquant la hausse décidée (décision, point 44, deuxième alinéa).

101. La réunion de décembre 1982 aurait, selon la décision (point 46, deuxième alinéa), abouti à un accord, selon lequel le niveau prévu pour novembre/décembre devrait être introduit pour la fin janvier 1983.

102. D'après la décision (point 47), la requérante aurait, enfin, participé à l'initiative de prix de juillet/novembre 1983. En effet, au cours de la réunion du 3 mai 1983, il aurait été convenu que les producteurs s'efforceraient d'appliquer un prix cible de 2 DM/kg en juin 1983. Toutefois, lors de la réunion du 20 mai 1983, l'objectif précédemment défini aurait été reporté à septembre et un objectif intermédiaire aurait été fixé pour le 1er juillet (1,85 DM/kg). Ensuite, lors d'une réunion du 1er juin 1983, les producteurs présents, dont Petrofina, auraient réaffirmé leur entière détermination à appliquer la hausse de 1,85 DM/kg. A cette occasion, il aurait été convenu que Shell prendrait l'initiative publiquement dans une revue spécialisée, European Chemical News (ci-après "ECN").

103. La décision (point 49) relève qu'après la réunion du 20 mai 1983, ICI, DSM, BASF, Hoechst, Linz, Shell, Hercules, ATO, Petrofina et Solvay ont donné instruction à leurs bureaux de vente d'appliquer au 1er juillet un tarif de 1,85 DM/kg pour le raphia. Elle ajoute que les instructions de prix retrouvées chez ATO et Petrofina ne sont que partielles, mais qu'elles confirment que ces sociétés ont relevé leur niveau de prix, avec un certain retard dans le cas de Petrofina et de Solvay. La décision conclut qu'il est ainsi démontré que, à l'exception de Huels, pour qui la Commission n'a pas retrouvé trace d'instructions pour juillet 1983, tous les producteurs qui avaient participé aux réunions ou s'étaient engagés à soutenir la nouvelle cible de 1,85 DM/kg, ont donné des instructions visant à faire appliquer le nouveau prix.

104. La décision (point 50) relève, par ailleurs, que d'autres réunions ont eu lieu les 16 juin, 6 et 21 juillet, 10 et 23 août ainsi que les 5, 15 et 29 septembre 1983, auxquelles tous les participants habituels ont pris part. A la fin juillet et au début août 1983, BASF, DSM, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Solvay, Monte et Saga auraient envoyé à leurs divers bureaux nationaux de vente des instructions applicables au 1er septembre, basées sur un prix de 2 DM/kg pour le raphia, tandis qu'une note interne de Shell du 11 août, relative à ses prix au Royaume-Uni, indiquerait que sa filiale au Royaume-Uni travaillait à "promouvoir" des prix de base applicables au 1er septembre, conformes aux objectifs fixés par les autres producteurs. Dès la fin du mois, cependant, Shell aurait donné instruction à son bureau de vente au Royaume-Uni de différer la hausse complète jusqu'à ce que les autres producteurs aient atteint le niveau de base souhaité. La décision précise que, sous réserve d'exceptions mineures, ces instructions sont identiques par qualité et par devise.

105. Selon la décision (point 50, dernier alinéa), les instructions recueillies auprès des producteurs révèlent qu'il a été décidé ultérieurement de poursuivre sur la lancée du mois de septembre, avec de nouvelles étapes, sur la base d'un prix de 2,10 DM/kg au 1er octobre pour le raphia, et d'un relèvement à 2,25 DM/kg le 1er novembre. La décision (point 51, premier alinéa) relève encore que BASF, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay ont toutes envoyé à leurs bureaux de vente des instructions fixant des prix identiques pour les mois d'octobre et de novembre, Hercules fixant dans un premier temps des prix légèrement inférieurs.

106. La décision (point 51, deuxième et troisième alinéas) relève, enfin, qu'ATO et Petrofina ont assisté à toutes les réunions en cause, mais qu'elles affirment que toute instruction interne qui aurait été donnée pour la période couvrant l'initiative de prix de juillet à novembre 1983 l'a été verbalement. Toutefois, une note interne recueillie chez ATO, et datée du 28 septembre 1983, comporterait un tableau intitulé "Rappel du prix de cota (sic)", donnant pour différents pays les prix applicables en septembre et octobre pour les trois principales qualités de polypropylène, prix identiques à ceux de BASF, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte et Solvay. Au cours de la vérification effectuée chez ATO en octobre 1983, les représentants de l'entreprise auraient confirmé que ces prix avaient été communiqués aux bureaux de vente.

107. Selon la décision (point 105, quatrième alinéa), quelle que soit la date de la dernière réunion, l'infraction a duré jusqu'en novembre 1983, dans la mesure où l'accord a continué à produire ses effets au moins jusqu'à ce moment, novembre étant le dernier mois pour lequel on sait que des objectifs de prix ont été convenus et que des instructions de prix ont été données.

108. La décision conclut (point 51, dernier alinéa) en relevant qu'à la fin de 1983, selon la presse spécialisée, les prix du polypropylène se sont raffermis, le prix du raphia sur le marché atteignant 2,08 DM à 2,15 DM/kg (pour un objectif cité de 2,25 DM/kg).

b) Arguments des parties

109. La requérante fait valoir qu'en raison du caractère passif de sa présence aux réunions, la Commission ne peut en inférer une participation à des accords de prix.

110. La requérante soutient, en outre, qu'elle n'a jamais fixé ses prix en fonction des prix cibles et que les éléments avancés à titre de preuves par la Commission ne permettent pas d'établir le contraire.

111. Elle expose, en premier lieu, qu'elle n'était pas présente à la réunion du 10 mars 1982, au cours de laquelle la Commission prétend qu'un objectif de prix de 2 DM/kg pour le 1er avril aurait été fixé, et que, dès lors, le télex qu'elle a envoyé à ses services de vente le 11 mars 1982 (ann. 2, g. Pet.) n'avait rien à voir avec cette réunion.

112. La requérante soutient, en second lieu, que la Commission a mal interprété le compte rendu de la réunion du 21 septembre 1982 (g.g. ann. 30) et que son comportement sur le marché après cette réunion montre que sa présence aux réunions n'avait aucun effet.

113. Elle fait valoir, en troisième lieu, que le télex qu'elle a envoyé le 20 juillet 1983 à ses services de vente (ann. 5, g. Pet.) n'avait rien à voir avec l'objectif de prix évoqué durant la réunion du 20 mai 1983 (g.g. ann. 39), puisque le contenu de ce télex s'expliquerait par une panne technique.

114. La requérante fait valoir, en outre, que la Commission n'a pas pu produire d'instructions de prix de Petrofina concordant avec les objectifs de prix pour prouver une quelconque mise en œuvre de ceux-ci. Elle ajoute que de nombreux documents établissent qu'elle a, pendant toute la durée de sa présence sur le marché du polypropylène, été considérée comme un "persistent troublemaker" ("perpétuel fauteur de troubles") et que les graphiques qu'elle a produits établissent qu'elle n'a pas aligné ses prix réels sur les prix cibles dans 97 % des cas et que la marge inférieure par rapport aux prix cibles va jusqu'à 30 %. A cet égard, elle se réfère à l'audit Coopers et Lybrand.

115. La requérante estime enfin qu'il y a une contradiction entre la constatation qu'elle a participé à la fixation d'objectifs de prix par les producteurs de polypropylène et la mise hors cause des entreprises Amoco et BP par la décision, qui considère pourtant que ces entreprises paraissent avoir aligné à certaines occasions leurs prix sur les cibles fixées lors des réunions (point 78, dernier alinéa).

116. Elle conteste, par ailleurs, la prise en compte de la période allant d'octobre à novembre 1983. Elle affirme que les réunions ont été supprimées à partir de la mi-octobre, au plus tard, et que les hausses de la fin de l'année sont totalement indépendantes des réunions de producteurs ayant eu lieu auparavant, comme l'aurait démontré l'étude du professeur Albach.

117. La Commission affirme, pour sa part, que la décision s'appuie sur de nombreux éléments de preuve pour établir la participation de la requérante aux initiatives de prix de 1982 et 1983. Elle expose qu'en règle générale, la participation de Petrofina à des accords de prix est établie par sa participation à des réunions dont les comptes rendus font apparaître qu'elles ont eu pour objet la fixation d'objectifs de prix.

118. Elle soutient, premièrement, que le compte rendu de la réunion du 10 mars 1982 (g.g. ann. 23), à laquelle Petrofina aurait pris part, établit qu'un accord a été atteint sur un prix cible de 2 DM/kg pour le 1er avril 1982. Cet accord aurait été mis en œuvre par Petrofina le lendemain par un télex adressé à ses services de vente en Allemagne, ordonnant d'appliquer ce prix à partir du 1er avril 1982. Elle fait valoir que la marge de négociation laissée aux vendeurs vis-à-vis des clients, ne dément pas la mise en œuvre de l'accord dans la mesure où les "prix cibles" devaient simplement servir de base uniforme aux négociations avec les clients.

119. La Commission expose, deuxièmement, que le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24) établit la participation de Petrofina à la fixation d'un objectif de prix de 2 DM/kg pour le 1er juin 1982.

120. Elle fait valoir, troisièmement, que le compte rendu de la réunion du 21 septembre 1982 établit que Petrofina a participé à un arrangement de support des prix cibles. En effet, Petrofina aurait signalé durant cette réunion qu'elle n'avait consenti que deux exceptions aux prix cibles, justifiant cela par le fait que les prix correspondaient à des prix plus bas confirmés en réunion.

121. La Commission relève, enfin, que le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 établit l'adhésion de Petrofina à un accord sur un objectif de prix de 1,85 DM/kg pour le 1er juillet 1983 puisque, lors de cette réunion "those present reaffirmed complete commitment to the 1.85 move to be achieved by 1st July" ("ceux qui étaient présents ont réaffirmé leur total engagement à atteindre 1,85 le 1er juillet").

122. La Commission ajoute que Petrofina a donné, le 20 juillet 1983, une instruction de prix correspondant à l'objectif de prix fixé au cours de ladite réunion et que cette instruction atteste sa participation à la mise en œuvre des objectifs de prix.

123. Par ailleurs, elle fait observer, en réponse à l'audit Coopers et Lybrand, qu'elle n'a jamais prétendu que les producteurs auraient tous fixé un prix d'entente uniforme et que, dès lors, l'argument de la requérante, tiré de la divergence entre les objectifs de prix et les prix qu'elle a effectivement pratiqués, est dénué de pertinence.

124. Au stade de la duplique, la Commission fait encore valoir que les interprétations proposées par Petrofina pour les différents documents susmentionnés, seraient peut être vraisemblables en elles-mêmes, mais qu'elles sont dépourvues de pertinence lorsqu'on tient compte du contexte réel dans lequel ces documents se situent, à savoir l'accord global sur les prix et les quotas, tel que décrit dans la décision.

125. La Commission rejette encore l'argument tiré par la requérante de la différence entre le traitement qui lui a été réservé et celui qui a été réservé aux entreprises Amoco et BP, en indiquant que ces dernières n'ayant pas participé aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène, le "centre de gravité" de la preuve de leur participation à l'entente de prix alléguée ferait défaut en ce qui les concerne.

126. Elle soutient enfin que, bien que les réunions aient été supprimées après septembre 1983, l'entente a continué à produire ses effets pendant les mois d'octobre et novembre 1983 qui devaient, dès lors, être pris en compte.

c) Appréciation du Tribunal

127. Le Tribunal constate que les comptes rendus des réunions périodiques de producteurs de polypropylène montrent que les producteurs qui ont participé à ces réunions y ont convenu les initiatives de prix mentionnées dans la décision. Ainsi, on peut lire dans le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24):

"everyone felt that there was a very good opportunity to get a price rise through before the holidays + after some debate settled on DM 2.00 from 1st June (UK 14th June). Individual country figures are shown in the attached table".

("tout le monde pensait qu'il y avait une très bonne occasion d'obtenir une augmentation des prix avant les vacances. + fixation (après débat) à 2 DM à partir du 1er juin (14 juin pour le Royaume-Uni). Les chiffres par pays sont indiqués dans le tableau joint ".

128. Dès lors qu'il est établi à suffisance de droit que la requérante a participé, régulièrement, à partir de mars 1982, à ces réunions, celle-ci ne peut affirmer ne pas avoir souscrit aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées, sans fournir d'indices de nature à corroborer cette affirmation. En effet, en l'absence de tels indices, il n'y a aucune raison de penser que la requérante n'aurait pas souscrit à ces initiatives, à la différence des autres participants aux réunions.

129. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante s'est référée à deux arguments tendant à démontrer qu'elle n'aurait pas souscrit aux initiatives de prix convenues. Elle a exposé, en premier lieu, que sa participation aux réunions était purement passive et, en second lieu, qu'elle n'a aucunement tenu compte des résultats des réunions pour déterminer son comportement sur le marché en matière de prix.

130. Aucun de ces deux arguments ne peut être retenu comme indice pour corroborer l'affirmation de la requérante, qui prétend qu'elle n'a pas souscrit aux initiatives de prix convenues. En effet, le Tribunal rappelle que la Commission a établi à suffisance de droit que la participation de la requérante aux réunions n'a pas été de nature purement passive, de sorte que le premier argument exposé par la requérante ne peut trouver de fondement dans les faits. En ce qui concerne le second argument, il convient d'observer, tout d'abord, que même s'il était étayé en fait, il ne serait pas de nature à contredire la participation de la requérante à la fixation d'objectifs de prix lors des réunions, mais tendrait tout au plus à démontrer que la requérante n'a pas mis en œuvre le résultat de ces réunions. La décision n'affirme d'ailleurs nullement que la requérante a pratiqué des prix correspondant toujours aux objectifs de prix convenus lors des réunions, ce qui indique que l'acte attaqué ne s'appuie pas non plus sur la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions pour établir sa participation à la fixation de ces objectifs de prix.

131. Dans ce même contexte, il convient de relever que la Commission ne conteste pas les analyses réalisées par Petrofina, ni les conclusions de l'audit Coopers et Lybrand tendant à démontrer qu'il existait des divergences considérables entre les prix effectivement pratiqués et les prix cibles, et qu'elle ne conteste pas non plus qu'il résulte d'une série de documents produits par la requérante que celle-ci a, pendant la durée de sa présence sur le marché du polypropylène, été considérée comme un "persistent trouble maker" ("perpétuel fauteur de troubles"). Toutefois, il importe de faire remarquer que les analyses auxquelles les producteurs se sont livrés eux-mêmes, lors des réunions des 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, quant à l'effet de leurs initiatives de prix sur les prix pratiqués sur le marché semblent indiquer qu'ils considéraient leurs résultats comme étant globalement positifs (g.g. ann. 30 à 33).

132. En tout état de cause, le Tribunal constate que la mise en œuvre par la requérante du résultat des réunions a été plus réelle qu'elle ne prétend, même si la Commission n'a pu produire qu'une seule instruction de prix écrite, émanant de Petrofina, un télex du 11 mars 1982, concordant avec les objectifs de prix convenus. L'autre instruction écrite produite par la Commission, le télex du 20 juillet 1983, doit être écartée puisqu" elle peut, effectivement, s'expliquer par la survenance d'une panne technique dans une installation de Petrofina, qui aurait entraîné une diminution temporaire de la production, dont la requérante aurait tenté d'atténuer les effets en augmentant ses prix en vue de diminuer temporairement la demande.

133. Quant au premier télex, il importe de relever qu'il a été envoyé le lendemain de la réunion au cours de laquelle un objectif de prix pour avril avait été défini et à laquelle Petrofina avait participé, contrairement à ses dénégations, et qu'il correspond parfaitement à cet objectif. Même si son contenu montre que Petrofina laissait une faible marge de négociation à ses services de vente, il suffit à établir que la requérante se servait des objectifs de prix définis au cours des réunions comme base pour négocier les prix avec ses clients.

134. La requérante ayant exposé que les instructions de prix envoyées à ses services de vente étaient données oralement et n'ayant pas présenté d'indices de nature à accréditer l'idée que ses instructions orales ne correspondaient pas au résultat des réunions, le Tribunal considère que la Commission a pu, à juste titre, déduire du fait que cette seule instruction de prix donnée par écrit par la requérante correspondait à l'objectif de prix fixé lors d'une réunion antérieure à laquelle avait participé la requérante, le fait que les instructions de prix données oralement par la requérante ont dû, dans leur ensemble, correspondre également aux objectifs de prix fixés lors des réunions auxquelles elle avait participé.

135. Il convient de relever, en outre, que les cas de la requérante et des entreprises Amoco et BP ne sont pas comparables, en ce que, à la différence de la requérante, ces dernières entreprises n'ont pas participé entre mars 1982 et la fin septembre 1983 aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène, de sorte qu'elles n'ont pas pu prendre part aux initiatives de prix qui y ont été décidées, organisées et contrôlées. Il s'ensuit que la requérante ne peut se prévaloir du sort réservé à ces entreprises dans la décision pour conclure que sa participation à ces initiatives ne serait pas établie à suffisance de droit.

136. Il faut ajouter que c'est à bon droit que la Commission a pu déduire de la réponse d'ICI à la demande de renseignements (g.g. ann. 8), dans laquelle on peut lire que "Target prices" for the basic grade of each principal category of polypropylene as proposed by producers from time to time since 1 January 1979 are set forth in Schedule..." ("Les "prix cibles" qui ont été proposés périodiquement depuis le 1er janvier 1979 par les producteurs pour la qualité de base de chacune des principales catégories de polypropylène figurent dans l'annexe..."), que ces initiatives s'inscrivaient dans un système de fixation d'objectifs de prix.

137. Le Tribunal constate, enfin, que, si la dernière réunion de producteurs dont la Commission ait apporté la preuve est celle du 29 septembre 1983, il n'en reste pas moins que différents producteurs (BASF, Hercules, Hoechst, Huels, ICI, Linz, Monte, Solvay et Saga) ont envoyé, entre le 20 septembre et le 25 octobre 1983, des instructions de prix concordantes (ann. I, lettre du 29 mars 1985) destinées à entrer en vigueur le 1er novembre suivant et que, dès lors, la Commission a pu raisonnablement estimer que les réunions de producteurs avaient continué à produire leurs effets jusqu'en novembre 1983.

138. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit que la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les initiatives de prix mentionnées aux points 37 à 51 de la décision, que ces initiatives s'inscrivaient dans un système et que leurs effets se sont produits jusqu'en novembre 1983.

C - Les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix

a) Acte attaqué

139. La décision ((article 1er, sous c), et point 27; voir aussi point 42)) fait grief à la requérante d'avoir convenu avec les autres producteurs de diverses mesures visant à faciliter l'application des objectifs de prix, comme des limitations temporaires de la production, des échanges d'informations détaillées sur ses livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de septembre 1982, un système d'"account management" ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers.

140. En ce qui concerne le système d'"account management", dont la forme plus tardive et plus raffinée remontant à décembre 1982 est connue sous le nom d'"account leadership", la requérante, comme tous les producteurs, aurait été nommée coordinateur ou "leader" d'au moins un gros client, dont elle aurait été chargée de coordonner secrètement les rapports avec ses fournisseurs. En application de ce système, des clients auraient été identifiés en Belgique, en Italie, en Allemagne et au Royaume-Uni et un "coordinateur" aurait été désigné pour chacun d'eux. En décembre 1982, une version plus généralisée de ce système aurait été proposée et aurait prévu la désignation d'un chef de file ("leader"), chargé d'orienter, de négocier, d'organiser les mouvements de prix. Les autres producteurs, qui traitaient régulièrement avec les clients, étaient connus sous le nom de "contenders" et coopéraient avec l'"account leader", lorsqu'ils faisaient une offre au client en question. Pour "protéger" l'"account leader" et les "contenders", tout autre producteur contacté par le client aurait été amené à faire une offre à des prix supérieurs à la cible souhaitée. En dépit des affirmations d'ICI, selon lesquelles le plan se serait écroulé après quelques mois seulement d'une application partielle et inefficace, la décision affirme que le compte rendu complet de la réunion tenue le 3 mai 1983 indiquerait qu'à cette époque, le cas de divers clients aurait été examiné en détail, de même que les offres de prix faites ou à faire par chaque producteur à ces clients et les volumes livrés ou en commande.

141. La décision (point 20) fait également grief à Petrofina d'avoir assisté à des réunions locales qui étaient consacrées à la mise en œuvre au niveau national des mesures convenues au cours des réunions plénières.

b) Arguments des parties

142. La requérante soutient que, son rôle étant resté passif, elle n'a jamais mis en œuvre le système d'"account leadership" et qu'elle n'en a jamais eu l'intention. C'est pourquoi elle procède à la réfutation de différents éléments de preuve avancés par la Commission à l'appui de ses accusations.

143. La requérante expose, en premier lieu, à propos du compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 (g.g. ann. 29), dans lequel son nom figurerait, selon la Commission, en qualité d'"account leader" de trois de ses clients, que l'audit Coopers et Lybrand prouve qu'elle a toujours livré à Ostend Stores à des prix concurrentiels; qu'en septembre 1982, Fibrilo n'était plus son client et que Waltex n'a jamais figuré sur la liste de ses clients. Ces affirmations seraient corroborées par une note interne d'ICI de fin décembre 1982 (g.g. ann. 35), dans laquelle on peut lire : "despite the appointment of A/C leaders, there does not appear to have been any improvement in December over November" ("malgré la désignation d' "account leaders" , aucune amélioration ne semble avoir été constatée en décembre par rapport à novembre").

144. Elle fait valoir, en second lieu, que le compte rendu de la réunion du 21 septembre 1982 (g.g. ann. 30), selon lequel des informations relatives aux prix et aux volumes de leurs engagements pour octobre auraient été échangées entre les producteurs, manque de crédibilité à son égard, puisque les informations la concernant étaient inexactes, étant donné que ses ventes en Allemagne étaient effectuées à des prix largement inférieurs aux prix indiqués.

145. Elle soutient, en troisième lieu, à propos du compte rendu d'une réunion tenue au printemps 1983 (g.g. ann. 37), selon lequel Petrofina n'aurait pas livré à certains clients, que c'était pour des raisons étrangères à l'application d'un système d' "account leadership" qu'il ne leur a pas été livré. Pour Steen, Petrofina aurait été écartée par la concurrence, comme le montrerait l'audit Coopers et Lybrand; pour Adolff, ce serait en raison de la qualité d'une livraison antérieure que Petrofina aurait été écartée; pour Ostend Stores, Petrofina aurait livré de telles quantités en mars que ce client n'aurait plus dû être approvisionné avant juin; pour Boussac, la note elle-même indiquerait que c'est pour des raisons de crédit qu'il n'a pas été livré.

146. La requérante reconnaît, enfin, que pour certains clients auxquels elle avait livré, elle a indiqué lors des réunions en quelles quantités et à quel prix les livraisons ont été effectuées, mais parfois de manière erronée, comme l'indiquerait la comparaison avec l'audit Coopers et Lybrand.

147. Elle répète aussi que le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24), selon lequel "Petrofina - have reduced sales following new agreement with MP" ("Petrofina a réduit ses ventes à la suite d'un nouvel accord avec MP"), n'a pas la portée que lui a attribuée la Commission dans la mesure où le "new agreement" dont il y est fait état, ne constituait pas un accord de quotas mais uniquement un accord d'échange de capacités avec Monte au sein de Montefina, leur filiale commune, et que, dès lors, elle n'a pas limité temporairement sa production pour faciliter l'application d'objectifs de prix.

148. La Commission rappelle, pour sa part, les différents éléments de preuve sur lesquels elle se fonde pour affirmer que Petrofina a participé à diverses mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix.

149. Elle expose ainsi que le compte rendu de la réunion du 2 septembre 1982 (g.g. ann. 29) établit la participation de Petrofina au système d' "account leadership", dans la mesure où son nom y figure en qualité d' "account leader" de trois de ses clients et que l'affirmation contenue dans la décision (point 27, troisième alinéa), selon laquelle tous les producteurs ont été nommés "account leader" de clients, est fondée notamment sur le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g.g. ann. 33). D'après la Commission, le compte rendu d'une réunion du printemps 1983 (g.g. ann. 37) et celui de la réunion du 3 mai 1983 (g.g. ann. 38) établissent la participation de Petrofina au système d' "account leadership", dans la mesure où ils montrent que Petrofina discutait de la situation individuelle de ses clients et de ses livraisons lors des réunions.

150. Selon la Commission, le compte rendu de la réunion du 21 septembre 1982 (g.g. ann. 30) établit la participation de Petrofina à un échange d'informations entre producteurs, convenu le mois précédent, portant sur leurs engagements pour octobre et sur les prix auxquels ils avaient accepté les commandes.

151. Elle estime, enfin, que le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24) établit la participation de la requérante à une mesure consistant à refuser de vendre, en Allemagne et en France, en dessous de 1,85 DM/kg, en vue de soutenir l'initiative de prix et que même si l'explication avancée par Petrofina devait s'avérer exacte, le simple fait qu'au cours d'une réunion de producteurs, Petrofina ait commencé à expliquer quelles étaient ses relations internes avec Monte dans leur filiale commune Montefina et quelle influence cela avait sur son comportement sur le marché, montrerait clairement que son rôle aux réunions n'était pas uniquement passif et qu'elle échangeait avec ses concurrents des informations relatives à ses clients.

c) Appréciation du Tribunal

152. En ce qui concerne les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix, il faut relever que l'argumentation de la requérante tend non pas à démontrer que de telles mesures n'ont pas été convenues, mais bien à démontrer qu'elle n'a pris aucun engagement à cet égard ni aucune part à leur mise en œuvre.

153. A cet égard, le Tribunal constate, sur la base des comptes rendus de réunions dont la teneur a été débattue entre les parties (g.g. ann. 29, 30, 33, 37 et 38), que Petrofina a échangé des informations relatives à ses clients, aux prix qu'elle pratiquait comparés aux objectifs définis et qu'elle a été désignée comme "account leader" de plusieurs de ses clients. En outre, la requérante a admis, dans sa réponse à la demande de renseignements (ann. 1, g. Pet.), avoir participé à des réunions locales.

154. Quant à la question de savoir si elle a convenu de limiter ses ventes, il convient de faire observer que le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24), s'il n'a peut-être pas la portée que lui a attribuée la Commission dans ses mémoires (réduction des ventes en application d'un nouvel accord), établit à tout le moins que Petrofina a tenté, au cours de cette réunion, d'accréditer l'idée qu'elle réduisait ses ventes en raison d'un accord d'échange de capacités avec Monte au sein de Montefina ("Have reduced sales comparing with 1981 following new agreement with M.P."; "a réduit ses ventes par rapport à 1981 à la suite du nouvel accord avec MP") et qu'elle refusait des contrats en Allemagne et en France en-dessous de 1,85 DM/kg ("Refused business in Germany + France below DM 1.85"; "refusait des contrats en Allemagne + France en-dessous de 1,85 DM"). En outre, ce compte rendu relate l'annonce, faite par la requérante, qu'elle fermera son installation de production pendant 20 jours en août ("Plant will be shut down for 20 days in August") ("l'usine sera fermée pendant 20 jours en août").

155. Au vu de ces différents éléments, le Tribunal conclut que la requérante n'a pas étayé en fait son affirmation selon laquelle elle n'aurait pas, comme d'autres producteurs de polypropylène, souscrit à des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix à partir de mars 1982. Son argumentation tend tout au plus à démontrer que sa mise en œuvre de certaines de ces mesures a été incomplète, en particulier en ce qui concerne l'"account leadership", mais une telle circonstance, même à la supposer établie, ne saurait contredire le fait que la requérante, en tant que participante active aux réunions au cours desquelles les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix ont été convenues, a adhéré, avec d'autres producteurs de polypropylène, à ces mesures.

156. Il convient d'ailleurs de souligner que le point 27 de la décision, lu à la lumière du point 26, deuxième alinéa, doit être interprété non comme faisant grief à chacun des producteurs de s'être engagé individuellement à prendre toutes les mesures qui y sont mentionnées, mais bien comme faisant grief à chacun de ces producteurs d'avoir, à divers moments lors des réunions, adopté avec les autres producteurs un ensemble de mesures mentionnées dans la décision, destinées à créer des conditions favorables à une augmentation des prix, notamment en réduisant artificiellement l'offre de polypropylène, ensemble dont l'exécution, en ses diverses mesures, était répartie d'un commun accord entre les différents producteurs en fonction de leur situation spécifique.

157. Il résulte de ce qui précède que la Commission a établi à suffisance de droit qu'à partir de mars 1982, la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés portant sur les mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix mentionnées dans la décision.

D - Tonnages cibles et quotas

a) Acte attaqué

158. La décision (point 58) expose que, pour 1982, les producteurs ont soumis des propositions de quotas complexes, où ils ont tenté de concilier des facteurs divergents, tels que les résultats antérieurs, les ambitions sur le marché et les capacités disponibles. Le marché total à répartir aurait été estimé à 1 450 000 tonnes. Certains producteurs auraient soumis des plans détaillés de répartition du marché, d'autres se contentant de communiquer leurs propres ambitions en matière de tonnages. Lors de la réunion du 10 mars 1982, Monte et ICI auraient tenté d'aboutir à un accord. La décision (point 58, dernier alinéa) relève cependant que, comme en 1981, aucun accord définitif n'aurait pu être atteint et que, pendant le premier semestre de l'année, les ventes mensuelles de chaque producteur auraient été communiquées lors des réunions et comparées au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente. Selon la décision (point 59), lors de la réunion d'août 1982, les pourparlers en vue d'arriver à un accord sur les quotas pour 1983 auraient été poursuivis et ICI aurait procédé avec chacun des producteurs à des discussions bilatérales, consacrées au nouveau système. Toutefois, en attendant l'introduction d'un tel système de quotas, les producteurs auraient été invités à limiter leurs ventes mensuelles, pendant le second semestre de 1982, au pourcentage du marché global réalisé par chacun d'entre eux pendant les six premiers mois de l'année 1982. Ainsi, en 1982, les parts de marché auraient atteint un certain équilibre et par rapport aux années antérieures, seraient restées stables pour la plupart des producteurs.

159. D'après la décision (point 60), pour 1983, ICI aurait invité chaque producteur à communiquer ses propres ambitions et ses idées quant au pourcentage du marché qu'il conviendrait d'attribuer à chacun des autres. Ainsi, Monte, Anic, ATO, DSM, Linz, Saga et Solvay, de même que les producteurs allemands par le truchement de BASF, auraient fait parvenir des propositions détaillées. Après cela, ces diverses propositions auraient été traitées sur ordinateur pour obtenir une moyenne, qui aurait été comparée ensuite aux aspirations de parts de marché de chaque producteur. Ces opérations auraient permis à ICI de proposer des lignes directrices pour un nouvel accord-cadre pour 1983. Ces propositions auraient été discutées lors des réunions de novembre et de décembre 1982. Une proposition limitée, dans un premier temps, au premier trimestre de l'année aurait été discutée lors de la réunion du 2 décembre 1982. Le compte rendu de cette réunion établi par ICI indiquerait qu'ATO, DSM, Hoechst, Huels, ICI, Monte et Solvay, de même qu'Hercules auraient trouvé "acceptable" le quota qui leur aurait été attribué (décision, point 63). Ces informations seraient corroborées par le résumé d'un entretien téléphonique d'ICI avec Hercules, daté du 3 décembre 1982.

160. La décision (point 63, troisième alinéa) affirme qu'un document découvert chez Shell confirmerait qu'un accord serait intervenu dans la mesure où cette entreprise se serait efforcée de ne pas dépasser son quota. Ce document confirmerait également qu'un système de régulation des volumes aurait continué à être appliqué pendant le deuxième trimestre de 1983, dans la mesure où, afin de maintenir sa part de marché aux alentours de 11 % durant le deuxième trimestre, les sociétés nationales de vente du groupe Shell auraient reçu l'ordre de réduire leurs ventes. L'existence de cet accord serait confirmée par le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 qui, bien que ne mentionnant pas de quotas, relaterait un échange d'informations ayant eu lieu entre les experts sur les tonnages vendus par chaque producteur au cours du mois précédent, ce qui semblerait indiquer qu'un système de quotas était appliqué (décision, point 64).

b) Arguments des parties

161. La requérante conteste que la Commission ait apporté la preuve de sa participation à un régime de quotas. Selon elle, ce que la Commission appelle sa participation à un système de répartition du marché consisterait, en réalité, en l'attribution de quotas de vente à Petrofina par d'autres producteurs, indépendamment de sa volonté. Petrofina n'aurait jamais consenti à ces quotas et ne les aurait jamais respectés. Pour Petrofina, dernier venu sur le marché, il fallait s'assurer une clientèle et l'accroître, objectif incompatible avec toute contrainte de production.

162. Elle soutient, d'une part, que sa participation à un tel régime est démentie par la percée spectaculaire qu'elle a effectuée en termes de parts de marché depuis son arrivée sur le marché et, d'autre part, que les tableaux utilisés par la Commission pour établir sa participation à un tel régime sont dépourvus de valeur probante, dans la mesure où ils seraient entachés d'erreurs graves en ce qui concerne ses chiffres de vente.

163. A cet égard, la requérante fait valoir que le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g.g. ann. 31) ne permet pas d'établir sa participation au système de quotas, dans la mesure où les ventes de Petrofina auraient dépassé de plus de 12,5 % le chiffre cité dans ce document. La requérante conteste également que le compte rendu de la réunion du 2 novembre 1982 (g.g. ann. 32) permette d'établir sa participation au système de quotas, dans la mesure où elle n'aurait pas participé à cette réunion. Enfin, le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982, et plus particulièrement son annexe intitulée "1983 - Quarter 1 Proposal" ("1983 - proposition pour le premier trimestre"; g.g. ann. 33), serait excessivement imprécis en ce qui concerne Petrofina et aurait constitué une simple proposition n'ayant pas reçu l'assentiment de Petrofina, puisque celle-ci ne figure pas parmi les entreprises ayant jugé cette proposition "acceptable ".

164. Pour l'année 1983, la requérante affirme qu'elle s'est volontairement abstenue de participer aux négociations ayant vraisemblablement eu lieu entre certains producteurs en vue de parvenir à une répartition du marché pour cette année, marquant ainsi explicitement et indubitablement sa dissociation vis-à-vis de ces projections. Ce serait la raison pour laquelle on ne trouverait dans le dossier aucune proposition émanant de Petrofina, ce qui expliquerait que le tableau de synthèse des propositions des producteurs (g.g. ann. 85, p. 2) présente un blanc sous la colonne réservée à Petrofina. Le tableau précédent (g.g. ann. 85, p. 1) n'émanerait pas de Petrofina et semblerait n'être que le remaniement du tableau suivant.

165. Selon la requérante, la Commission commettrait la même erreur d'imputation à l'égard de Petrofina en citant un autre document intitulé "Polypropylene Framework" ("Schéma pour le polypropylène"; g.g. ann. 87), qui serait le fait d'un tiers et non pas de Petrofina. En outre, la Commission serait dans l'erreur en mettant le chiffre "révisé" de ce tableau en regard du prétendu "objectif" de Petrofina de l'annexe 85 puisque, dans ce document, la colonne "Fina" serait restée vide. La requérante conteste enfin la valeur probante d'un document, daté du 8 décembre 1982, émanant d'ICI (g.g. ann. 77), dans la mesure où les déclarations attribuées à l'employé de Petrofina y figurant seraient erronées. L'information selon laquelle la tranche supplémentaire de 5 % que prendrait Petrofina dans la production de l'unité de Feluy, appartenant à Montefina, impliquerait une réduction de la part de Monte, n'aurait, en effet, pas empêché que la capacité réelle de Monte ait également augmenté en 1983.

166. A titre liminaire, la Commission souligne, de son côté, que la participation de Petrofina aux accords de quotas n'est démentie ni par la croissance constante de sa part de marché, ni par le non-respect des quotas puisque, les accords conclus entre les producteurs étant de nature dynamique, ils étaient révisés de temps à autre afin de tenir compte du développement des conditions du marché, et notamment des projets des nouveaux venus, tels que Petrofina. La Commission expose que la participation de Petrofina au système de quotas pour 1982 résulte de différents documents.

167. Ainsi, selon la Commission, le compte rendu de la réunion du 20 août 1982 (g.g. ann. 28) établit qu'en 1982, Petrofina a communiqué les chiffres de ses ventes mensuelles dans le cadre de l'arrangement provisoire invitant les producteurs à limiter leurs tonnages à la part de marché réalisée pour la période janvier/juin. Il résulterait également des comptes rendus des réunions des 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982 (g.g. ann. 31, 32 et 33) que les producteurs comparaient les ventes réalisées par chacun d'entre eux au cours du mois précédent avec des cibles théoriques calculées par référence aux ventes réalisées lors du premier semestre de 1982.

168. D'après la Commission, la participation de Petrofina à l'élaboration d'un système de quotas pour 1983, résulterait de la mention de son nom dans deux documents (g.g. ann. 85 et 87), qui semblent dater d'octobre ou novembre 1982, comportant pour chaque producteur des chiffres de vente, des propositions de parts de marché, des moyennes, des aspirations et des parts de marché réelles semblant résulter d'un traitement informatique.

169. La Commission soutient que la participation de Petrofina à l'élaboration d'un système de quotas pour 1983 résulte également d'un document, daté du 8 décembre 1982, émanant d'ICI (g.g. ann. 77), qui constituerait une proposition de Petrofina relative aux quotas pour le premier trimestre de 1983. Il résulterait de ce document que Petrofina a rappelé qu'elle prendrait une tranche supplémentaire de 5 % de la production de l'unité de Feluy et que les 37,5 kilotonnes résultant d'un calcul effectué sur une base annuelle correspondraient alors à 9,8 kilotonnes pour le premier trimestre. Elle aurait, en outre, annoncé qu'elle allait revenir sur ce point à la réunion suivante, tout en reconnaissant que sa demande impliquerait une réduction de la part de Monte.

170. Selon la Commission, l'existence d'un accord pour les deux premiers trimestres de 1983 résulterait d'un document interne recueilli chez Shell (g.g. ann. 90). En effet, selon ce document, Shell aurait ordonné à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes, en vue de respecter le quota qui lui avait été attribué. A cela, la Commission ajoute que le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g.g. ann. 40) montre que des échanges d'informations sur les volumes de vente au mois de mai avaient eu lieu.

c) Appréciation du Tribunal

171. Il y a lieu de rappeler que la requérante a participé régulièrement, à partir de mars 1982 jusqu'au 30 septembre 1983, aux réunions périodiques de producteurs de polypropylène au cours desquelles les discussions relatives aux volumes de vente des différents producteurs ont eu lieu et des informations à ce sujet ont été échangées. Le caractère éventuellement erroné de certaines informations échangées est sans influence, dans la mesure où, d'une part, les erreurs sont peu importantes et où, d'autre part, elles peuvent résulter de la volonté de Petrofina de cacher ses chiffres réels en vue de tromper ses concurrents.

172. Il convient de relever, parallèlement à la participation de Petrofina aux réunions, que son nom figure dans différents tableaux (g.g. ann. 71, 85 et 87), dont le contenu indique clairement qu'ils étaient destinés à la définition d'objectifs de volumes de vente. Or, la plupart des requérantes ont admis dans leurs réponses à une question écrite posée par le Tribunal qu'il n'aurait pas été possible d'établir les tableaux découverts chez ICI, ATO et Hercules sur la base des statistiques du système Fides d'échanges de données. ICI a d'ailleurs déclaré à propos d'un de ces tableaux dans sa réponse à la demande de renseignements (g.g. ann. 8) que "the source of information for actual historic figures in this table would have been the producers themselves" (la source dont proviennent les chiffres du tableau qui correspondent à des chiffres déjà réalisés a dû être les producteurs eux- mêmes). La Commission était donc en droit de considérer que le contenu de ces tableaux avait été fourni par Petrofina dans le cadre des réunions auxquelles elle participait.

173. L'augmentation constante de la part de marché de Petrofina et le dépassement systématique des quotas attribués ne sont pas de nature à établir une abstention délibérée de la part de la requérante de s'engager dans les négociations relatives aux quotas, dans la mesure où ni l'un ni l'autre ne semblent s'être manifestés au cours des réunions et que, dès lors, la requérante, si elle n'a pas respecté les objectifs convenus, n'en a pas moins laissé croire qu'elle les respectait.

174. Pour l'année 1982, le Tribunal relève qu'il est fait grief aux producteurs d'avoir participé aux négociations en vue d'aboutir à un accord de quotas pour cette année; d'avoir, dans ce cadre, communiqué leurs ambitions en matière de tonnages; d'avoir, à défaut d'accord définitif, communiqué lors des réunions leurs chiffres de ventes mensuelles pendant le premier semestre, en les comparant au pourcentage réalisé au cours de l'année précédente et de s'être, pendant le second semestre, efforcés de limiter leurs ventes mensuelles au pourcentage du marché global réalisé pendant le premier semestre de la même année.

175. Les mesures prises pour le premier semestre de l'année 1982 sont établies par le compte rendu de la réunion du 13 mai 1982 (g.g. ann. 24), dans lequel on peut lire notamment :

"To support the move a number of other actions are needed a) limit sales volume to some agreed prop. of normal sales."

("A titre de soutien, un certain nombre d'autres mesures sont nécessaires a) limiter le volume des ventes à une certaine prop.(ortion) convenue des ventes normales.")

L'exécution de ces mesures est attestée par le compte rendu de la réunion du 9 juin 1982 (g.g. ann. 25) auquel est joint un tableau reprenant pour chaque producteur le chiffre "actual" ("effectif") de ses ventes pour les mois de janvier à avril 1982, comparé avec un chiffre "theoretical based on 1981 av[erage] market share" ("théorique fondé sur la part de marché moyenne de 1981"), ainsi que par le compte rendu de la réunion des 20 et 21 juillet 1982 (g.g. ann. 26) en ce qui concerne la période janvier/mai 1982 et par celui du 20 août 1982 (g.g. ann. 28) en ce qui concerne la période janvier/juillet 1982.

176. Les mesures prises pour le second semestre de l'année 1982 sont prouvées par le compte rendu de la réunion du 6 octobre 1982 (g.g. ann. 31), dans lequel on peut lire, d'une part, "In October this would also mean restraining sales to the Jan/June achieved market share of a market estimated at 100 kt" et, d'autre part, "Performance against target in September was reviewed" ("En octobre, cela impliquerait aussi de limiter les ventes à la part de marché réalisée pendant la période janvier/juin sur un marché estimé à 100 Kt" et, d'autre part, "les résultats atteints en septembre par rapport à l'objectif ont fait l'objet d'un examen"). A ce compte rendu est joint un tableau, intitulé "September provisional sales versus target ((based on Jan-June market share applied to demand est(imated) at 120 Kt))" ("Ventes prévisionnelles de septembre par rapport à l'objectif (calculé sur la base de la part de marché janvier/juin appliquée à une demande estimée à 120 Kt)"). Le maintien de ces mesures est confirmé par le compte rendu de la réunion du 2 décembre 1982 (g.g. ann. 33), auquel est joint un tableau, comparant pour le mois de novembre 1982, les ventes "Actual" (effectives) avec les chiffres "Theoretical" (théoriques), calculés à partir du "J-June % of 125 Kt" ("pourcentage janvier/juin appliqué à 125 kilotonnes").

177. Le Tribunal constate qu'en ce qui concerne les deux semestres de l'année 1982, c'est à bon droit que la Commission a déduit de la surveillance mutuelle, lors des réunions périodiques, de la mise en œuvre d'un système de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure, que ce système avait été adopté par les participants aux réunions.

178. Pour l'année 1983, le Tribunal constate, tout d'abord, qu'il ressort des documents produits par la Commission (g.g. ann. 33, 77, 85 et 87) qu'à la fin de l'année 1982 et au début de l'année 1983, les producteurs de polypropylène ont discuté d'un régime de quotas portant sur l'année 1983, que la requérante a participé aux réunions au cours desquelles ces discussions ont eu lieu et qu'elle a fourni à cette occasion des données relatives à ses ventes.

179. Il s'ensuit que la requérante a participé aux négociations en vue de parvenir à un régime de quotas pour l'année 1983.

180. Quant à la question de savoir si ces négociations ont effectivement abouti en ce qui concerne les deux premiers trimestres de l'année 1983, comme l'affirme la décision (points 63, troisième alinéa, et 64), le Tribunal relève qu'il résulte du compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 (g.g. ann. 40) que la requérante a indiqué au cours de cette réunion les chiffres de ses ventes pour le mois de mai, tout comme neuf autres entreprises. On peut lire, par ailleurs, dans le compte rendu d'une réunion interne du groupe Shell du 17 mars 1983 (g.g. ann. 90) que :

"... and would lead to a market share of approaching 12 % and well above the agreed Shell target of 11 %. Accordingly the following reduced sales targets were set and agreed by the integrated companies".

("... et conduirait à une part de marché qui avoisinerait 12 % et qui serait très supérieure à l'objectif Shell convenu, de 11 %. C'est pourquoi les objectifs de ventes suivants, plus réduits, ont été fixés et convenus par les sociétés du groupe").

Les nouveaux tonnages sont communiqués, après quoi il est noté que :

"this would be 11.2 Pct of a market of 395 kt. The situation will be monitored carefully and any change from this agreed plan would need to be discussed beforehand with the other PIMS members".

("cela représenterait 11,2 % d'un marché de 395 Kt. La situation sera attentivement suivie et tout écart par rapport à ce qui a été ainsi convenu devra faire préalablement l'objet d'une discussion avec les autres membres du PIMS " ).

181. A cet égard, le Tribunal constate que c'est à bon droit que la Commission a déduit de la combinaison de ces deux documents que les négociations entre les producteurs avaient conduit à l'instauration d'un régime de quotas. En effet, la note interne du groupe Shell montre que cette entreprise demandait à ses sociétés nationales de vente de réduire leurs ventes, non pour voir diminuer le volume global des ventes du groupe Shell, mais pour limiter à 11 % la part de marché globale de ce groupe. Une telle limitation exprimée en termes de part de marché ne peut s'expliquer que dans le cadre d'un régime de quotas. En outre, le compte rendu de la réunion du 1er juin 1983 constitue un indice supplémentaire de l'existence d'un tel régime, car un échange d'informations relatives aux ventes mensuelles des différents producteurs a pour but premier de contrôler le respect des engagements pris.

182. Il convient de relever enfin que le chiffre de 11 %, comme part de marché pour Shell, figure non seulement dans la note interne de Shell, mais également dans deux autres documents, à savoir, d'une part, une note interne d'ICI dans laquelle cette dernière relève que Shell propose ce chiffre pour elle-même, pour Hoechst et pour ICI (g.g. ann. 87) et, d'autre part, le compte rendu rédigé par ICI d'une réunion du 29 novembre 1982, entre ICI et Shell, durant laquelle la proposition précédente a été rappelée (g.g. ann. 99).

183. Il faut ajouter qu'en raison de l'identité d'objectif des différentes mesures de limitation des volumes de vente - à savoir diminuer la pression exercée sur les prix par l'excès d'offre - c'est à bon droit que la Commission a pu déduire que celles-ci s'inscrivaient dans un système de quotas.

184. Il y a lieu de conclure, au vu des considérations qui précèdent, que la Commission a établi à suffisance de droit qu'à partir de mars 1982, la requérante figurait parmi les producteurs de polypropylène entre lesquels sont intervenus des concours de volontés qui portaient sur la limitation de leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (jusqu'à la fin de l'année 1982) et sur les objectifs de volumes de vente pour la première moitié de l'année 1983 mentionnés dans la décision et qui s'inscrivaient dans un système de quotas.

2. L'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE

A - Qualification juridique

a) Acte attaqué

185. Selon la décision (point 81, premier alinéa), l'ensemble de plans et d'arrangements arrêtés dans le cadre du système des réunions périodiques et institutionnalisées a constitué un "accord" unique et continu au sens de l'article 85, paragraphe 1.

186. En l'espèce, les producteurs, en souscrivant à un plan commun de régulation des prix et des approvisionnements sur le marché du polypropylène, auraient participé à un accord-cadre qui se serait traduit par une série de sous-accords plus détaillés, élaborés à intervalles périodiques (décision, point 81, troisième alinéa).

187. La décision (point 82, premier alinéa) poursuit que, dans l'exécution détaillée du plan d'ensemble, un accord exprès a été réalisé sur de nombreux points, comme les initiatives individuelles en matière de prix et les plans annuels de quotas. Parfois, sans doute, les producteurs ne seraient pas parvenus à un consensus sur un projet définitif, comme dans le cas des quotas pour 1981 et 1982. Toutefois, le fait qu'ils aient arrêté des mesures destinées à combler le vide, y compris l'échange d'informations et la comparaison des ventes mensuelles avec les résultats atteints au cours d'une période de référence antérieure, supposerait non seulement un accord exprès sur l'élaboration et l'application de pareilles mesures, mais indiquerait aussi l'existence d'un accord implicite visant à maintenir, dans toute la mesure du possible, les positions respectives des producteurs.

188. La conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent ne serait aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une "initiative" auraient pris plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé (décision, point 83, premier alinéa).

189. Selon la décision (point 86, premier alinéa), la mise en œuvre de l'entente, du fait qu'elle s'appuyait sur un plan commun et détaillé, a constitué un "accord" au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE.

190. La décision (point 86, deuxième alinéa) affirme que la notion d' "accord" et celle de "pratique concertée" sont distinctes, mais qu'il arrive que la collusion présente des éléments de l'une et l'autre forme de coopération illicite.

191. La notion de "pratique concertée" viserait une forme de coordination entre entreprises qui, sans l'avoir poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substituent sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (décision, point 86, troisième alinéa).

192. Selon la décision (point 87, premier alinéa), en développant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85, paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière (voir l'arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission, 48-69, Rec. p. 619).

193. La Cour aurait soutenu, dans son arrêt du 16 décembre 1975 (Suiker Unie, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, Rec. p. 1663), que les critères de coordination et de coopération définis par la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable "plan", doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'opposerait cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché (décision, point 87, deuxième alinéa). Un tel comportement pourrait tomber sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, en tant que "pratique concertée", même lorsque les parties ne se sont pas entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais adoptent ou se rallient à des mécanismes collusoires qui facilitent la coordination de leur comportement commercial (décision, point 87, troisième alinéa, première phrase).

194. En outre, la décision (point 87, troisième alinéa, troisième phrase) relève que, dans une entente complexe, il est possible que certains producteurs n'aient pas toujours exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. A certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre de l'accord d'ensemble pourraient donc revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée (décision, point 87, troisième alinéa, cinquième phrase).

195. L'importance de la notion de pratique concertée ne résulterait donc pas, selon la décision (point 87, quatrième alinéa), tant de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85, paragraphe 1, et d'un simple comportement parallèle, en l'absence de tout élément de concertation. Peu importerait, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.

196. La décision (point 88, premier et deuxième alinéas) constate que la plupart des producteurs ont prétendu, au cours de la procédure administrative, que leur comportement dans le cadre de soi-disant "initiatives de prix" ne résultait d'aucun "accord" au sens de l'article 85 (voir décision, point 82) et qu'il ne prouve pas davantage l'existence d'une pratique concertée, cette notion supposant des "actes manifestés" sur le marché; or, ceux-ci feraient totalement défaut en l'occurrence, aucune liste de prix et aucun "prix cible" n'ayant jamais été communiqué aux clients. La décision rejette cet argument, car s'il était nécessaire, en l'espèce, de s'appuyer sur l'existence d'une pratique concertée, l'obligation pour les participants de prendre certaines mesures pour réaliser leur objectif commun serait pleinement établie. Les diverses initiatives en matière de prix seraient consignées dans les documents. Il serait également hors de doute que les divers producteurs ont agi parallèlement pour les mettre en œuvre. Les mesures prises par les producteurs, tant individuellement que collectivement, ressortiraient des documents : comptes rendus de réunions, notes internes, instructions et circulaires aux bureaux de vente et lettres aux clients. Il importerait peu qu'ils aient ou non "publié" des listes de prix. Les instructions de prix en soi fourniraient non seulement la meilleure preuve possible de l'action menée par chaque producteur pour réaliser l'objectif commun, mais aussi, par leur contenu et leur chronologie, la preuve d'une collusion.

b) Arguments des parties

197. De manière liminaire, la requérante soutient que la Commission a violé l'esprit et la lettre de l'article 85, paragraphe 1, en ne démontrant l'existence ni d'un accord ni d'une pratique concertée et en considérant qu'il était suffisant de conclure à l'existence d'une "collusion" présentant des éléments de l'une et l'autre notions. De surcroît, selon Petrofina, la Commission a fait preuve, quant à la qualification de l'infraction, d'une évolution constante durant la procédure, pour conclure que la qualification juridique de l'infraction est d'importance mineure. La requérante estime que les notions d' "accord" et de "pratique concertée" doivent être soigneusement distinguées (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, 48-69, précité) et qu'il incombe à la Commission d'apporter la preuve de la réunion, dans son chef, des éléments constitutifs de l'une ou l'autre de ces formes d'ententes.

198. L'accord supposerait un concours réel de consentements portant sur des droits et des obligations réciproques pour ceux qui y souscrivent. Lorsque l'intention de s'obliger n'est pas démontrée, elle ne pourrait s'apprécier qu'à partir de l'exécution de l'accord. En l'espèce, la requérante conteste formellement avoir participé à un accord et soutient que la Commission n'a pas prouvé qu'elle se serait engagée à restreindre la concurrence en participant à des accords arrêtés en commun.

199. La pratique concertée, quant à elle, supposerait, selon la requérante, que le comportement des entreprises sur le marché soit effectif. Si l'on conçoit aisément qu'une pratique concertée ait à la fois un objet et un effet anticoncurrentiels, il paraîtrait difficile qu'une pratique concertée ait un objet anticoncurrentiel sans avoir d'effet anticoncurrentiel. Il ne s'agirait plus alors d'une "pratique" mais d'une convention tacite entrant dans le champ d'application de la notion d'accord. En niant la nécessité d'un effet anticoncurrentiel sur le marché, la Commission en arriverait, de l'avis de la requérante, à qualifier de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité, la simple participation d'une entreprise à des réunions entre concurrents, quelle que soit sa volonté de s'associer à des comportements anticoncurrentiels et nonobstant l'absence de mise à exécution de tels comportements et de tout effet sur le marché. s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour (arrêts du 14 juillet 1972, 48-69, précité, conclusions, p. 675 à 677, et BASF/Commission, points 22 à 33, 49-69, Rec. p. 713; arrêt du 16 décembre 1975, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, points 567 à 576; arrêt du 29 octobre 1980, Van Landewyck/Commission, 209-78 à 215-78 et 218-78, Rec. p. 3125, conclusions p. 3310; arrêt du 7 juin 1983, Pioneer/Commission, 100-80 à 103-80, Rec. p. 1825; et arrêt du 3 juillet 1985, Binon, point 17, 243-83, Rec. p. 2015) et sur la jurisprudence américaine relative au Sherman Act, la requérante soutient que l'existence d'une pratique concertée requiert la réunion de trois éléments : premièrement, la preuve d'un comportement parallèle commun à plusieurs entreprises sur le marché, deuxièmement, la preuve d'une intention commune à cet effet qui peut être déduite d'un ensemble d'éléments, la simple présence du représentant d'une entreprise à une réunion n'étant pas suffisante, et troisièmement, un lien entre le comportement sur le marché ainsi constaté et la volonté commune des entreprises. En l'espèce, la Commission n'aurait établi ni que la prétendue entente ait eu des effets sur le marché, ni que la requérante ait eu un comportement sur le marché de nature à démontrer sa participation à une pratique concertée, ni son adhésion à un objet anticoncurrentiel.

200. Ainsi, selon la requérante, il incombait à la Commission de démontrer la réunion, dans son chef, des éléments constitutifs soit d'un accord, soit d'une pratique concertée, ce que la Commission serait restée en défaut de faire en concluant à l'existence d'une "collusion" qui présente des éléments de l'une et l'autre notions.

201. Selon la Commission, par contre, la question de savoir si une collusion ou une entente doit être qualifiée juridiquement d'accord ou de pratique concertée au sens de l'article 85 du traité CEE ou si cette collusion comporte des éléments de l'un et de l'autre, revêt une importance négligeable. En effet, la Commission expose que les termes "accord" et "pratique concertée" englobent les différents types d'arrangements par lesquels des concurrents, au lieu de déterminer en toute indépendance leur ligne de conduite concurrentielle future, s'imposent mutuellement une limitation de leur liberté d'action sur le marché à partir de contacts directs ou indirects entre eux.

202. La Commission soutient que l'utilisation des différents termes dans l'article 85 a pour objet d'interdire toute la gamme d'arrangements collusoires et non de préciser un traitement différent pour chacun d'eux. Par conséquent, la question de savoir où tracer une ligne de démarcation entre des termes qui ont pour objectif d'appréhender l'ensemble des comportements interdits, serait sans pertinence. La ratio legis de l'introduction dans l'article 85 de la notion de "pratique concertée" consisterait à viser, à côté des accords, des types de collusion qui ne reflètent qu'une forme de coordination de fait ou une coopération pratique et qui sont néanmoins susceptibles de fausser la concurrence (arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, 48-69, précité, points 64 à 66).

203. Elle fait valoir qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêt du 16 décembre 1975, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, points 173 et 174) qu'il s'agit de s'opposer à toute prise de contact, directe ou indirecte, entre des opérateurs, ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché. l'existence d'une pratique concertée se situerait donc déjà au niveau du contact entre concurrents, préalable à tout comportement de leur part sur le marché.

204. Pour la Commission, il y a pratique concertée dès qu'il y a concertation ayant pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises les unes par rapport aux autres, et ce même si aucun comportement effectif n'a été constaté sur le marché. Selon la Commission, le débat porte en fait sur le sens du mot "pratique". Elle s'oppose à la thèse selon laquelle ce mot a le sens étroit de "comportement sur le marché". Ce mot pourrait, de l'avis de la Commission, couvrir le simple fait de participer à des contacts pour autant que ceux-ci aient pour objet de restreindre l'autonomie des entreprises.

205. Elle ajoute que si l'on exigeait les deux éléments - concertation et comportement sur le marché - pour qu'il y ait pratique concertée, cela conduirait à laisser hors du champ d'application de l'article 85 toute une gamme de pratiques qui ont pour objet, mais pas nécessairement pour effet, de fausser la concurrence sur le Marché commun. On aboutirait ainsi à mettre en échec une partie de la portée de l'article 85. En outre, la thèse de Petrofina ne serait pas conforme à la jurisprudence de la Cour relative à la notion de pratique concertée (arrêt du 14 juillet 1972, 48-69, précité, point 66; arrêt du 16 décembre 1975, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, point 26 et arrêt du 14 juillet 1981, Züchner, point 14, 172/80, Rec. p. 2021). Si cette jurisprudence mentionne chaque fois des pratiques sur le marché, ce ne serait pas comme élément constitutif de l'infraction, comme le soutient la requérante, mais bien comme élément de fait à partir duquel la concertation peut être induite. Selon cette jurisprudence, aucun comportement effectif sur le marché ne serait requis. Seule serait requise une prise de contact entre opérateurs économiques, caractéristique de leur renoncement à leur nécessaire autonomie. La jurisprudence américaine relative au Sherman Act irait également dans ce sens.

206. Pour la Commission, il n'est donc pas besoin, pour qu'il y ait infraction à l'article 85, que les entreprises aient mis en pratique ce sur quoi elles se sont concertées. Ce qui est répréhensible au sens de l'article 85, paragraphe 1, existerait pleinement dès que l'intention de substituer une coopération aux risques de la concurrence se trouve matérialisée dans une concertation, sans que nécessairement il y ait, après coup, des comportements sur le marché pouvant être constatés.

207. La Commission en déduit, au niveau de la preuve, que l'accord et la pratique concertée peuvent être prouvés à l'aide de preuves directes et indirectes. En l'espèce, elle n'aurait pas eu besoin de recourir à des preuves indirectes, comme le parallélisme de comportement sur le marché, puisqu'elle disposait des éléments de preuve directe de la collusion que sont, notamment, les comptes rendus de réunions.

208. La Commission conclut en soulignant qu'elle était en droit de qualifier l'infraction constatée en l'espèce, à titre principal, d'accord et, à titre subsidiaire et en tant que de besoin, de pratique concertée.

c) Appréciation du Tribunal

209. Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a qualifié chaque élément de fait retenu à l'encontre de la requérante soit d'accord soit de pratique concertée au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En effet, il résulte d'une lecture combinée des points 80, deuxième alinéa, 81, troisième alinéa, et 82, premier alinéa, de la décision, que la Commission a qualifié, à titre principal, d' "accord" chacun de ces différents éléments.

210. De la même manière, il résulte d'une lecture combinée des points 86, deuxième et troisième alinéas, 87, troisième alinéa, et 88, de la décision, que la Commission a qualifié, à titre subsidiaire, de "pratiques concertées" les éléments de l'infraction lorsque ceux-ci, soit ne permettaient pas de conclure que les parties s'étaient entendues au préalable sur un plan commun définissant leur action sur le marché, mais avaient adopté ou s'étaient ralliées à des mécanismes collusoires qui facilitaient la coordination de leurs politiques commerciales; soit ne permettaient pas d'établir, en raison du caractère complexe de l'entente, que certains producteurs avaient exprimé leur consentement formel à une conduite adoptée par les autres, tout en indiquant leur soutien global au plan en question et en agissant en conséquence. Ainsi, la décision conclut que, à certains égards, la coopération et la collusion constantes des producteurs dans la mise en œuvre d'un accord d'ensemble peut revêtir certaines caractéristiques propres à une pratique concertée.

211. Le Tribunal constate que, dès lors qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée (voir les arrêts du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma/Commission, point 112, 41/69, Rec. p. 661, et du 29 octobre 1980, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité, point 86), la Commission était en droit de qualifier d'accords au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les concours de volontés intervenus entre la requérante et d'autres producteurs de polypropylène qu'elle a établis à suffisance de droit et qui portaient sur des initiatives de prix, des mesures destinées à faciliter la mise en œuvre des initiatives de prix et des mesures de limitation des ventes mensuelles par référence à une période antérieure entre mars 1982 et la fin de cette même année, ainsi que sur des objectifs de volumes de vente pour la première moitié de l'année 1983.

212. En outre, c'est à bon droit que la Commission, ayant établi à suffisance de droit que les effets des initiatives de prix ont continué jusqu'à novembre 1983, a considéré que l'infraction s'est poursuivie jusqu'en novembre 1983 au moins. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'article 85 est également applicable aux accords qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur cessation formelle (arrêt du 3 juillet 1985, 243-83, précité, point 17).

213. En vue de définir la notion de pratique concertée, il y a lieu de se référer à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que les critères de coordination et de coopération qu'elle a posés précédemment doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le Marché commun. Si cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des opérateurs économiques de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre de tels opérateurs, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on est décidé à, ou que l'on envisage de, tenir soi-même sur le marché (arrêt du 16 décembre 1975, 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73, précité, points 173 et 174).

214. En l'espèce, la requérante a participé à des réunions ayant pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente, réunions au cours desquelles étaient échangées entre concurrents des informations sur les prix qu'ils souhaitaient voir pratiquer sur le marché, sur les prix qu'ils envisageaient de pratiquer, sur leur seuil de rentabilité, sur les limitations des volumes de vente qu'ils jugeaient nécessaires, sur leurs chiffres de vente ou sur l'identité de leurs clients. Par sa participation à ces réunions, elle a pris part, avec ses concurrents, à une concertation ayant pour objet d'influencer leur comportement sur le marché et de dévoiler le comportement que chaque producteur envisageait d'adopter lui-même sur le marché.

215. Ainsi, la requérante a non seulement poursuivi le but d'éliminer par avance l'incertitude relative au comportement futur de ses concurrents, mais elle a nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations obtenues au cours de ces réunions pour déterminer la politique qu'elle entendait suivre sur le marché. De même, ses concurrents ont nécessairement dû prendre en compte, directement ou indirectement, les informations que leur a dévoilées la requérante sur le comportement qu'elle avait décidé ou qu'elle envisageait d'adopter elle-même sur le marché, pour déterminer la politique qu'ils entendaient suivre sur le marché.

216.Il s'ensuit que c'est à bon droit que, en raison de leur objet, la Commission a pu qualifier, à titre subsidiaire, de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, les réunions périodiques de producteurs de polypropylène, auxquelles a participé la requérante entre mars 1982 et septembre 1983.

217. Quant à la question de savoir si la Commission était en droit de conclure à l'existence d'une infraction unique, qualifiée à l'article 1er de la décision d' "un accord et une pratique concertée", le Tribunal rappelle que les différentes pratiques concertées observées et les différents accords conclus s'inscrivaient, en raison de leur objet identique, dans des systèmes de réunions périodiques, de fixation d'objectifs de prix et de quotas.

218. Il faut souligner que ces systèmes s'inscrivaient dans une série d'efforts des entreprises en cause poursuivant un seul but économique, à savoir fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène. Il serait donc artificiel de subdiviser ce comportement continu, caractérisé par une seule finalité, en y voyant plusieurs infractions distinctes. En effet, la requérante a pris part - pendant des années - à un ensemble intégré de systèmes qui constituent une infraction unique qui s'est progressivement concrétisée tant par des accords que par des pratiques concertées illicites.

219. Il importe de relever que la Commission était, en outre, en droit de qualifier cette infraction unique d'"un accord et une pratique concertée", dans la mesure où cette infraction comportait à la fois des éléments devant être qualifiés d'"accords" et des éléments devant être qualifiés de "pratiques concertées". En effet, face à une infraction complexe, la double qualification opérée par la Commission à l'article 1er de la décision doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d'un accord et d'une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait dont certains ont été qualifiés d'accords et d'autres de pratiques concertées au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d'infraction complexe.

220. Par conséquent, le grief de la requérante doit être rejeté.

B - Affectation du commerce entre États membres

a) Acte attaqué

221. La décision affirme (point 93, premier alinéa) que l'accord entre les producteurs était susceptible d'avoir un effet sensible sur les échanges entre États membres.

222. En l'espèce, le caractère universel des arrangements collusoires, qui recouvraient pratiquement l'ensemble des ventes d'un produit industriel de première importance à travers toute la Communauté (et dans d'autres pays d'Europe occidentale), aurait été susceptible en soi de détourner les échanges des circuits qui se seraient formés en l'absence de pareil accord (décision, point 93, troisième alinéa). Selon la décision (point 93, quatrième alinéa), la fixation de prix à un niveau artificiel par voie d'accord, plutôt qu'en laissant au marché le soin de trouver son propre équilibre, aurait altéré la structure de la concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Les entreprises ont été déchargées de la nécessité immédiate de réagir aux forces du marché et de s'attaquer au problème de surcapacités dont elles avaient constaté l'existence.

223. La décision (point 94) relève que les prix cibles fixés par État membre, discutés à fond aux réunions nationales même s'il fallait tenir compte dans une certaine mesure de la situation locale, ont nécessairement altéré le schéma des échanges et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Le système de l'"account leadership", en orientant la clientèle vers certains producteurs nommément désignés aurait encore aggravé l'effet des arrangements en matière de prix. La Commission admet que, en fixant des quotas ou des cibles, les producteurs n'ont pas ventilé les attributions de volumes par État membre ou par région. Toutefois, l'existence même d'un quota ou d'une cible contribuerait à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur.

b) Arguments des parties

224. La requérante fait valoir que sa participation à un accord ayant un effet sensible sur les échanges entre États membres n'est pas démontrée. Elle serait même démentie par la pénétration spectaculaire de Petrofina en cinq ans sur les marchés de cinq États membres.

225. La Commission répond que, à supposer établie la pénétration spectaculaire de Petrofina sur le marché de différents États membres, elle pouvait néanmoins conclure que le commerce interétatique et la structure de la concurrence ont été affectés dans la mesure où l'entente a nécessairement détourné les échanges commerciaux des circuits qui se seraient formés en son absence (arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité, point 172).

c) Appréciation du Tribunal

226. l y a lieu de relever que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission n'avait pas l'obligation de démontrer que sa participation à un accord et une pratique concertée avait eu un effet sensible sur les échanges entre États membres. En effet, l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE requiert seulement que les accords et les pratiques concertées restrictifs de la concurrence soient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. A cet égard, force est de constater que les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles de détourner les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue(voir arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, 209-78 à 215-78 et 218-78, précité, point 172).

227. Il s'ensuit que la Commission a établi à suffisance de droit, aux points 93 et 94 de sa décision, que l'infraction à laquelle a participé la requérante, était susceptible d'affecter le commerce entre États membres, sans qu'il ait été nécessaire qu'elle démontre que la participation individuelle de la requérante a affecté les échanges entre États membres.

228. Le grief de la requérante ne peut donc pas être accueilli.

C - Responsabilité collective

a) Acte attaqué

229. La décision (point 83, premier alinéa) affirme que la conclusion selon laquelle il aurait existé un seul accord permanent n'est aucunement affectée par le fait que certains producteurs, inévitablement, n'aient pas assisté à toutes les réunions. L'étude et la mise en œuvre d'une "initiative" prenaient plusieurs mois et une absence occasionnelle n'empêcherait en rien un producteur d'y avoir participé. En toute hypothèse, il aurait été de pratique courante d'informer les absents des décisions prises aux réunions. Toutes les entreprises destinataires de la présente décision auraient pris part à la conception de plans d'ensemble et aux discussions consacrées à des points de détail et leur degré de responsabilité ne serait pas atténué du fait de leur absence occasionnelle lors d'une session déterminée (ou dans le cas de Shell, lors de toutes les sessions plénières).

230. La décision (point 83, deuxième alinéa) ajoute que l'essence même de la présente affaire réside dans une association des producteurs pendant un laps de temps considérable, afin de réaliser un objectif commun, et que chaque participant doit assumer la responsabilité découlant non seulement de son rôle direct, mais aussi de l'exécution de l'accord dans son ensemble. Le degré de participation de chaque producteur ne serait donc pas déterminé en fonction de la période pour laquelle ses instructions de prix ont été retrouvées lors des vérifications, mais pour toute la période de son adhésion à l'initiative commune.

231. Cette considération s'appliquerait même à Anic et à Rhône-Poulenc, qui ont quitté le secteur du polypropylène avant la date des vérifications de la Commission. Aucune instruction de prix aux bureaux de vente n'aurait pu être recueillie pour ces deux entreprises. Leur présence aux réunions et leur participation aux objectifs de volumes et aux plans de quotas ressortirait cependant des documents retrouvés. l'accord devrait être considéré dans son ensemble et la participation de ces entreprises serait établie même en l'absence d'instructions qu'elles auraient données en matière de prix (décision, point 83, troisième alinéa).

b) Arguments des parties

232. Selon la requérante, la Commission l'aurait mise dans l'impossibilité de défendre ses droits en lui imputant une responsabilité collective, en indiquant que "chaque participant doit assumer la responsabilité découlant non seulement de son rôle direct mais aussi de l'exécution de l'accord dans son ensemble" (décision, point 83, deuxième alinéa), alors qu'elle était tenue d'apporter la preuve de la réunion, dans son chef, de chacun des éléments constitutifs de l'infraction prévue par l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. En réalité, la Commission aurait imputé à la requérante une responsabilité globale et collective du chef du comportement d'autres producteurs.

233. La Commission soutient qu'elle a apporté la preuve de la réunion dans le chef de la requérante de chacun des éléments constitutifs de l'infraction et qu'elle ne lui a pas, dès lors, imputé une responsabilité du chef du comportement d'autres producteurs.

c) Appréciation du Tribunal

234. Il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, opérées par la Commission que celle-ci a apporté à suffisance de droit la preuve de la réunion dans le chef de la requérante de chacun des éléments constitutifs de l'infraction retenue à son encontre dans la décision et que, dès lors, elle ne lui a pas imputé la responsabilité du comportement d'autres producteurs.

235. A cet égard, il convient de préciser que le point 83, deuxième et troisième alinéas, de la décision ne contredit pas cette constatation, puisqu'il vise principalement à justifier l'établissement de l'infraction dans le chef d'entreprises pour lesquelles la Commission n'a pas retrouvé d'instructions de prix pour toute la durée de leur participation au système des réunions périodiques.

236. Par conséquent, le grief doit être rejeté.

3. Conclusion

237. Il résulte de tout ce qui précède que les constatations de fait opérées par la Commission à l'encontre de la requérante pour la période allant du début de l'année 1980 à mars 1982 n'ayant pas été établies à suffisance de droit, l'article 1er de la décision doit être annulé en ce qu'il constate que la requérante a participé à l'infraction pour cette période. Pour le surplus, les griefs de la requérante relatifs aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE opérées par la Commission dans l'acte attaqué, doivent être rejetés.

Sur la motivation

1. Motivation insuffisante

238. La requérante soutient que la décision est entachée d'une insuffisance de motivation à cause de sa globalité, puisqu'elle ne répondrait pas aux arguments spécifiques développés par Petrofina, notamment en ce qui concerne l'absence d'instructions de prix dans son chef, l'absence de participation à un arrangement quelconque en matière de quotas et le fait qu'elle ait participé uniquement en tant qu'observateur aux réunions.

239. La Commission considère que la réfutation de ce grief nécessite une analyse de la motivation matérielle de la décision qui a déjà été opérée dans son argumentation relative à l'établissement de l'infraction.

240. Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations quant aux constatations de fait et à l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE, opérées par la Commission dans l'acte attaqué, que la Commission a parfaitement pris en compte les arguments de la requérante relatifs à la prétendue absence d'instructions de prix émanant d'elle, à sa prétendue absence de participation à un arrangement quelconque en matière de quotas et au fait qu'elle aurait participé uniquement en tant qu'observateur aux réunions. Il y a lieu de rappeler que c'est à juste titre que la Commission a rejeté ces arguments, notamment aux points 83, deuxième alinéa, dernière phrase, 52 et suivants et 84, premier alinéa, de la décision. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

2. Motivation contradictoire

241. La requérante fait valoir que la décision est entachée d'une motivation contradictoire à deux endroits. Premièrement, la Commission, après avoir admis au moins implicitement qu'elle doit prouver soit un consentement formel à un plan restrictif de concurrence, soit une conduite sur le marché en exécution d'un tel plan, n'apporterait la preuve ni de l'un ni de l'autre élément et se contredirait en affirmant que "les cas où un producteur se voyait reprocher la fixation irrégulière ou perturbatrice de ses prix, après qu'il eut tenté de renforcer sa position sur le marché au détriment des autres (qui pouvaient lui demander des explications), n'infirment en rien les preuves irrésistibles d'un plan concerté de régulation du marché" (décision, point 85, deuxième alinéa). Cette contradiction de motifs présenterait une importance particulière pour Petrofina puisque cette société, ayant eu une conduite agressive sur le marché, aurait été qualifiée de fauteur de troubles par les autres entreprises. Deuxièmement, la Commission se serait contredite en admettant d'abord que Petrofina n'avait pas donné d'instructions de prix (décision, point 45, deuxième alinéa) et en affirmant, ensuite, que les producteurs ont tous transmis des instructions de prix à leurs bureaux de vente et que ce sont ces instructions de prix qui prouvent la mise en œuvre des initiatives de prix (décision, point 90).

242. La Commission considère que la réfutation de cet argument nécessite une analyse de la motivation matérielle de la décision qu'elle a déjà opérée dans son argumentation relative à l'établissement de l'infraction.

243. Le Tribunal constate que l'argument de la requérante procède d'une lecture de la décision qui isole artificiellement certains motifs de celle-ci, alors que, la décision constituant un tout, chacun de ses motifs doit être lu à la lumière des autres afin de surmonter les contradictions apparentes contenues dans la décision.

244. Il résulte des appréciations du Tribunal relatives à l'établissement de l'infraction que les motifs de la décision ne se trouvent pas être contradictoires entre eux et que, dès lors, le grief n'est pas fondé.

3. Motivation erronée

245. La requérante soutient que la décision est entachée d'une motivation erronée, dans la mesure où la Commission déclare que "l'existence même d'un quota ou d'une cible contribue à restreindre les possibilités ouvertes à un producteur" (décision, point 94), alors que Petrofina explique qu'elle a pénétré le marché de manière spectaculaire pendant la période de référence par un comportement résolument compétitif.

246. La Commission considère qu'elle a déjà réfuté ce grief dans son argumentation relative à l'établissement de l'infraction.

247. Le Tribunal constate que, comme il l'a déjà jugé, les restrictions de concurrence constatées étaient susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Il ne s'agit donc pas là d'une motivation erronée. Par conséquent, ce grief n'est pas fondé.

Sur l'amende

248. La requérante reproche à la décision d'avoir violé l'article 15 du règlement n° 17 en n'ayant pas adéquatement apprécié la durée et la gravité de l'infraction retenue à son encontre.

1. La durée de l'infraction

249. La requérante fait valoir que la Commission n'a pas correctement pris en compte pour fixer le montant de l'amende la durée de sa participation à l'infraction, laquelle serait beaucoup plus courte, notamment en ce qu'elle aurait pris fin au moment des vérifications effectuées par la Commission et non en novembre 1983.

250. La Commission expose qu'elle a correctement tenu compte de la durée de l'infraction pour fixer le montant de l'amende.

251. Le Tribunal relève qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la durée de l'infraction constatée à l'encontre de la requérante a été plus courte que celle retenue dans la décision, puisqu'elle a débuté en mars 1982 et non au début de l'année 1980. Toutefois, il résulte de ces mêmes appréciations que c'est à bon droit que la Commission a considéré que l'infraction a continué jusqu'à novembre 1983.

252. Il s'ensuit qu'à ce titre, le montant de l'amende infligée à la requérante doit être réduit.

2. La gravité de l'infraction

A - Le rôle limité de la requérante

253. La requérante soutient que l'infraction n'a pas la gravité alléguée par la Commission, dans la mesure où son seul rôle aux réunions aurait été celui d'un observateur passif, soucieux de s'informer des conditions du marché. Elle n'aurait jamais eu l'intention ni d'adopter un comportement anticoncurrentiel ni de prendre des mesures d'exécution pratique, amenant ainsi d'autres producteurs à qualifier son comportement de rebelle.

254. La Commission soutient que l'entente aurait été calculée et délibérée, qu'elle aurait été d'un type particulièrement grave (fixation horizontale de prix et partage horizontal de marchés) et aurait regroupé pratiquement tous les producteurs de polypropylène de la Communauté, disposant ainsi d'un pouvoir considérable. Le caractère passif, à le supposer établi, de la participation de Petrofina ne serait pas de nature à l'exonérer de l'amende. En effet, selon la Commission, la Cour aurait admis que toute participation concrète à une infraction - même s'il s'agit d'un comportement passif facilitant l'infraction - serait suffisante pour justifier une amende (arrêts du 12 juillet 1979, BMW Belgium/Commission, points 49 et suivants, 32-78, 36-78 à 82-78, Rec. p. 2435; du 1er février 1978, Miller International Schallplatten/Commission, point 18, 19-77, Rec. p. 131). En ce qui concerne la fixation du montant de l'amende, la Commission soutient qu'en application du principe de proportionnalité, elle a expressément tenu compte du rôle joué par la requérante dans les arrangements collusoires (décision, point 109).

255. Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives à l'établissement de l'infraction que la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction à partir de mars 1982 et que c'est donc à bon droit qu'elle a considéré dans la décision que le caractère passif de ce rôle n'était pas établi.

256. Il s'ensuit que le grief ne peut être accueilli.

B - L'absence d'individualisation des critères de fixation des amendes

257. La requérante expose qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour (arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim/Commission, points 55 et suivants, 45-69, Rec. p. 769; du 8 novembre 1983, IAZ/Commission, points 50 et suivants, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Rec. p. 3369; et du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie/Commission, point 100, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, Rec. p. 3831) que la Commission doit indiquer les critères précis sur lesquels elle se fonde pour déterminer le montant de l'amende infligée à chaque entreprise. La Commission devrait nécessairement individualiser tant les éléments constitutifs de l'infraction que les critères retenus pour l'imposition de l'amende. En l'espèce, la Commission n'aurait donné à cet égard aucune indication, reconnaissant même que l'estimation individuelle du montant de l'amende est basée sur un ensemble de facteurs très souvent non quantifiables et qu'elle ne peut donc indiquer un paramètre de calcul précis à propos de l'un ou l'autre de ces facteurs. Faute de pouvoir lier le montant des amendes aux effets anticoncurrentiels relevés sur le marché, la Commission n'aurait d'autres ressources que d'invoquer la gravité de l'infraction sans la qualifier plus précisément pour fixer, sans autre critère de référence objectif, les amendes les plus lourdes qu'elle ait jamais prononcées. Cette façon de procéder serait inconciliable avec le principe de la sécurité juridique et confinerait à l'arbitraire, puisqu'on ne pourrait pas contrôler la relation qui doit nécessairement exister entre le degré d'implication individuelle dans l'infraction et l'imposition d'une amende d'un montant proportionnel et équitable. Cette individualisation des critères était, selon Petrofina, d'autant plus nécessaire que la Commission elle-même souligne que des amendes substantielles sont justifiées, en l'espèce, par la gravité particulière de l'infraction.

258. La requérante soutient en particulier que la Commission aurait dû tenir compte, en l'espèce, des pertes très lourdes qu'elle a subies, de l'absence d'instructions de prix émanant d'elle et des divergences entre ses prix de vente et les prétendus "prix cibles", de sa pénétration exceptionnelle du marché, de l'importance des investissements consentis et, enfin, de sa petite taille sur le marché du polypropylène.

259. La Commission relève qu'elle a agi conformément à sa politique bien établie - et aux principes énoncés par la Cour en matière d'amendes - en infligeant des sanctions dans la présente affaire. Elle souligne que, dès 1979, elle s'est engagée dans une politique consistant à faire respecter les règles de concurrence en infligeant des sanctions plus lourdes, en particulier pour les catégories d'infractions bien établies en droit de la concurrence et pour les infractions particulièrement graves, comme c'est le cas en l'espèce, de manière notamment à accroître l'effet dissuasif des sanctions. Cette politique aurait été approuvée par la Cour (arrêt du 7 juin 1983, 100-80 à 103-80, précité, points 106 et 109), qui aurait également admis, à plusieurs reprises, que la fixation des sanctions implique l'appréciation d'un ensemble complexe de facteurs (arrêts du 7 juin 1983, 100-80 à 103-80, précité, point 120, et du 8 novembre 1983, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, précité, point 52).

260. La Commission serait particulièrement qualifiée pour se livrer à une telle appréciation qui ne pourrait être sanctionnée qu'en cas d'erreur significative de fait ou de droit. En outre, la Cour aurait confirmé que la Commission peut porter un jugement différent, selon les affaires, sur les sanctions qu'elle juge nécessaires, même si les affaires en question comportent des situations comparables (arrêts du 12 juillet 1979, 32-78, 36-78 à 82-78, précité, point 53, et du 9 novembre 1983, 322-81, précité, points 111 et suivants).

261. En l'espèce, la Commission fait encore valoir qu'elle a déterminé le montant des amendes en tenant compte d'observations d'ordre général, décrites au point 108 de la décision, et d'observations d'ordre spécifique, décrites au point 109 de la décision. Les premières auraient joué un rôle dans la fixation d'un plafond global pour l'amende, les secondes auraient permis à la Commission de répartir cette amende équitablement et proportionnellement entre les divers producteurs concernés. Par leur nature même, les considérations d'ordre général ne devaient pas être individualisées. Au demeurant, rappelle la Commission, elle a tenu compte des éléments avancés à cet égard par Petrofina. Quant aux considérations d'ordre spécifique, la Commission estime avoir déjà répondu aux arguments avancés par Petrofina. Cette manière de procéder aurait été approuvée par la Cour (arrêt du 15 juillet 1970, 45-69, précité, point 55).

262. Le Tribunal constate que, pour déterminer le montant de l'amende infligée à la requérante, la Commission a, d'une part, défini les critères destinés à fixer le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision (point 108 de la décision) et a, d'autre part, défini les critères destinés à pondérer équitablement les amendes infligées à chacune de ces entreprises (point 109 de la décision).

263. Le Tribunal considère que les critères repris au point 108 de la décision justifient amplement le niveau général des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision. A cet égard, il convient de souligner spécialement le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, en particulier sous a), b) et c), du traité, que n'ignoraient pas les producteurs de polypropylène, qui agissaient de propos délibéré et dans le plus grand secret.

264. Le Tribunal considère également que les quatre critères mentionnés au point 109 de la décision sont pertinents et suffisants en vue d'arriver à une pondération équitable des amendes infligées à chaque entreprise.

265. Parmi les éléments que la requérante reproche à la Commission de n'avoir pas pris en compte, il y a lieu de relever que la Commission n'avait pas à individualiser la manière dont elle avait tenu compte des pertes substantielles subies par les différents producteurs dans le secteur du polypropylène, résultant notamment de l'importance des investissements consentis, ainsi que des prétendues divergences entre les prix de vente de la requérante et les objectifs de prix fixés et de sa pénétration exceptionnelle sur le marché du polypropylène, puisqu'il s'agit d'éléments ayant concouru à la détermination du niveau général des amendes que le Tribunal a jugé justifié.

266. En ce qui concerne la prétendue absence d'instructions de prix émanant de la requérante, il résulte des appréciations du Tribunal relatives aux constatations de fait opérées par la Commission en vue de l'établissement de l'infraction, que ladite absence n'a pas été établie et que, dès lors, la Commission n'avait pas à en tenir compte pour déterminer le montant de l'amende.

267. En ce qui concerne la prétendue absence de prise en compte de la petite taille de Petrofina sur le marché du polypropylène, il faut relever que l'argumentation de la requérante, qui tend à démontrer qu'elle ne pouvait exercer une influence sur le marché, doit être rejetée. En effet, la question pertinente n'est pas celle de savoir si la participation de la requérante a été susceptible d'exercer une influence sur le marché, mais bien celle de savoir si l'infraction à laquelle elle a participé a pu exercer une influence sur le marché. A cet égard, le Tribunal a jugé que c'est à bon droit que la Commission avait repris, parmi les critères ayant présidé à la détermination du niveau général des amendes, le fait que les entreprises participant à l'infraction représentaient la quasi-totalité de ce marché, ce qui indique à l'évidence que l'infraction qu'elles ont commise ensemble a dû avoir une influence sur le marché. Par ailleurs, si l'argumentation de la requérante tend à démontrer que la Commission n'a pas pris en compte son importance relative sur le marché du polypropylène, elle doit également être rejetée, dans la mesure où la Commission a indiqué, au point 109 de la décision, qu'elle avait tenu compte, comme critère destiné à pondérer le montant des amendes infligées à chacune des entreprises, des livraisons respectives de polypropylène dans la Communauté, critère dont la requérante n'a pas contesté la manière dont il lui avait été appliqué.

268. En ce qui concerne les deux premiers critères, mentionnés au point 109 de la décision, que sont le rôle joué par chacune des entreprises dans les arrangements collusoires ainsi que le laps de temps pendant lequel elles ont participé à l'infraction, il y a lieu de rappeler que les motifs relatifs à la détermination du montant de l'amende devant être interprétés à la lumière de l'ensemble des motifs de la décision, la Commission a suffisamment individualisé à l'égard de la requérante la prise en compte de ces critères.

269. En ce qui concerne les derniers critères que constituent les livraisons respectives des différents producteurs de polypropylène dans la Communauté ainsi que le chiffre d'affaires total de chacune des entreprises, le Tribunal constate, sur la base des chiffres qu'il a demandés à la Commission et dont la requérante n'a pas contesté l'exactitude, que ces critères n'ont pas été appliqués de façon inéquitable lors de la détermination de l'amende infligée à la requérante par rapport aux amendes infligées à d'autres producteurs.

270. Il s'ensuit que le grief de la requérante doit être rejeté.

C - La prise en compte des effets de l'infraction

271. La requérante fait valoir qu'un principe général de droit veut que la gravité d'une infraction soit toujours fonction de ses effets. Ce principe se trouverait corroboré par la jurisprudence de la Cour relative aux amendes en matière d'ententes (arrêts du 15 juillet 1970, 41-69, précité, points 175 et suivants, et 45-69, précité, points 52 et suivants; du 16 décembre 1975, Suiker Unie/Commission, précité; du 1er février 1978, 19-77, précité; du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85-76, Rec. p. 461; du 12 juillet 1979, 32-78, 36-78 à 82-78, précité; du 7 juin 1983, 100-80 à 103-80, précité; du 8 novembre 1983, 96-82 à 102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, précité, points 42 et suivants; du 9 novembre 1983, 322-81, précité; du 10 décembre 1985, 240-82 à 242-82, 261-82, 262-82, 268-82 et 269-82, précité, points 89 et suivants). En l'espèce, la Commission n'aurait pas prouvé l'effet de l'entente sur le marché et aurait même exprimé des doutes à ce sujet. Elle se serait en outre abstenue de réfuter les études économétriques, produites par Petrofina, démontrant l'absence d'effet de l'entente. c'est pourquoi l'amende infligée serait excessive.

272. La Commission relève qu'elle a déjà tenu compte, pour fixer l'amende, du fait que l'entente n'avait pas pleinement atteint son but, alors qu'elle n'était pas tenue de le faire en raison de l'objet anticoncurrentiel de l'entente.

273. Le Tribunal constate que la Commission a distingué deux types d'effets de l'infraction. Le premier consiste dans le fait qu'après avoir convenu des prix cibles au cours des réunions, les producteurs ont tous invité leurs services de vente à réaliser ce niveau de prix, les "cibles" servant ainsi de base à la négociation des prix avec les clients. Cela a permis à la Commission de conclure qu'en l'espèce, tout indique que l'accord a bien eu un effet sensible sur les conditions de la concurrence (décision, point 74, deuxième alinéa, renvoyant au point 90). Le second consiste dans le fait que l'évolution des prix facturés aux divers clients, comparée aux objectifs de prix fixés au cours d'initiatives de prix déterminées, concorde avec le compte rendu de la mise en œuvre des initiatives de prix, tel qu'il ressort des documents découverts chez ICI et chez d'autres producteurs (décision, point 74, sixième alinéa).

274. Il y a lieu de relever que le premier type d'effets a été établi à suffisance de droit par la Commission, à partir des nombreuses instructions de prix données par les différents producteurs, instructions qui concordent entre elles ainsi qu'avec les objectifs de prix fixés lors des réunions, lesquelles étaient manifestement destinées à servir de base pour négocier les prix avec les clients.

275. Le fait que la Commission n'ait obtenu qu'une seule instruction de prix émanant de la requérante qui répercutait directement le résultat d'une réunion à laquelle elle avait participé, n'est pas de nature à infirmer cette constatation, puisque les effets pris en considération par la Commission pour fixer le niveau général des amendes ne sont pas ceux résultant du comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise déterminée, mais bien ceux résultant de l'ensemble de l'infraction à laquelle l'entreprise a participé avec d'autres.

276. En ce qui concerne le second type d'effets, il y a lieu de relever, d'une part, que la Commission n'avait pas de raison de douter de l'exactitude des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions (voir notamment les comptes rendus des réunions du 21 septembre, 6 octobre, 2 novembre et 2 décembre 1982, g.g. ann. 30 à 33), qui montrent que les objectifs de prix définis au cours des réunions étaient dans une large mesure traduits sur le marché, et, d'autre part, que si l'audit Coopers et Lybrand ainsi que les études économiques réalisées à la demande de certains producteurs devaient permettre d'établir le caractère erroné des analyses effectuées par les producteurs eux-mêmes au cours de leurs réunions, cette constatation ne serait pas de nature à conduire à une réduction de l'amende, dans la mesure où la Commission a indiqué au point 108, dernier tiret, de la décision, qu'elle s'était fondée, pour modérer le montant des peines, sur le fait que les initiatives de prix n'avaient généralement pas atteint pleinement leur but et qu'il n'existait, finalement, aucune mesure de contrainte susceptible d'assurer le respect des quotas ou d'autres arrangements.

277. Les motifs de la décision relatifs à la détermination du montant des amendes devant être lus à la lumière des autres motifs de la décision, il convient de considérer que la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets pour modérer le montant des amendes aurait été insuffisante.

278. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

D - La motivation insuffisante

279. La requérante soutient que la Commission n'a pas répondu, en ce qui concerne la fixation des amendes, à ses arguments relatifs à l'esprit concurrentiel dans lequel elle a participé aux réunions, à l'optique compétitive dans laquelle elle a fixé ses prix, à sa pénétration spectaculaire sur le marché, au fait qu'elle n'aurait jamais assuré le rôle ni d'"account leader" ni de "contender" et au fait qu'elle a contribué, dans la mesure de ses moyens, à élucider l'affaire. Tous ces éléments auraient dû être pris en compte pour déterminer le niveau de l'amende et la décision aurait dû indiquer comment ils l'avaient été.

280. La Commission estime que Petrofina ne fait là que rappeler des arguments connus ou insister sur des facteurs déjà pris en compte par la Commission dans la fixation du montant de l'amende infligée.

281. Le Tribunal constate qu'il résulte de ses appréciations relatives aux constatations de fait opérées par la Commission en vue de l'établissement de l'infraction que les différents arguments auxquels la requérante fait grief à la Commission de n'avoir pas répondu manquent de fondement dans les faits.

282. En ce qui concerne le dernier argument mentionné par la requérante, il y a lieu de faire observer qu'il résulte d'une lecture de l'ensemble de la décision que la requérante n'est pas comptée dans le très petit nombre de producteurs ayant coopéré à l'enquête, auxquels il est fait référence au point 109, dernier alinéa, de la décision, et que c'est à bon droit qu'il en est ainsi, dans la mesure où la requérante n'a pas collaboré à élucider l'affaire dans une mesure dépassant ce que lui imposait le droit communautaire.

283. Il s'ensuit que le grief doit être rejeté.

E - La motivation contradictoire

284. La requérante voit une contradiction dans la décision, en ce qu'elle déclare, d'une part, avoir tenu compte du rôle joué par chacune des entreprises dans les arrangements collusoires, du laps de temps pendant lequel elles ont participé à l'infraction, de leurs livraisons respectives de polypropylène dans la Communauté ainsi que du chiffre d'affaires total de chacune (point 109, premier alinéa), alors que, d'autre part, elle déclare qu'elle n'admet pas qu'une distinction importante puisse être établie entre les producteurs de moindre taille en fonction de leur niveau d'engagement vis-à-vis des arrangements communs (point 109, sixième alinéa).

285. Le Tribunal constate qu'il y a lieu de distinguer le rôle joué par chacune des entreprises dans les arrangements collusoires et le niveau d'engagement des entreprises vis-à-vis des arrangements communs. Le premier vise le nombre d'aspects de l'infraction auxquels ont participé les entreprises, tandis que le second vise l'intensité de leur participation à ces aspects.

286. Il s'ensuit que ces deux motifs de la décision ne sont pas contradictoires et que le grief doit par conséquent être rejeté.

F - Le principe d'égalité de traitement

287. La requérante est d'avis que la décision viole les principes d'équité et de non-discrimination en ce qu'elle traite différemment Amoco et BP, d'une part, et la requérante, d'autre part. La participation, d'ailleurs passive, de Petrofina aux réunions, à la différence des deux autres entreprises, ne saurait à elle seule justifier cette différence de traitement. En outre, la Commission ne pourrait pas retenir dans le chef de la requérante une intention délibérée de restreindre la concurrence alors que, sur la base des mêmes éléments à charge, elle n'a pas retenu d'intention répréhensible à l'encontre d'Amoco et de BP.

288. La Commission indique que la différence de traitement entre Amoco et BP, d'une part, et la requérante, de l'autre, se trouve justifiée par la circonstance que les deux premières entreprises n'assistaient pas aux réunions et que, de ce fait, la Commission ne disposait pas à l'encontre de celles-ci d'indices suffisants pour établir leur intention délibérée de restreindre la concurrence.

289. Le Tribunal constate que, pour qu'il y ait violation du principe d'égalité de traitement, il faut que des situations comparables aient été traitées de manière différente. Or, en l'espèce, il y a lieu de relever que les situations de Petrofina, d'une part, et d'Amoco et BP, d'autre part, n'étaient pas comparables, dans la mesure où, ces dernières n'ayant participé à aucune réunion périodique de producteurs de polypropylène, la Commission a pu légitimement considérer qu'il n'y avait pas de preuves suffisantes de leur participation à une concertation ayant un objet anticoncurrentiel, contrairement au cas de la requérante. Or, l'existence d'une telle concertation constitue la base du système de preuve retenu dans la décision. Par conséquent, le Tribunal constate que la différence de situation observée entre ces entreprises et la requérante justifiait le traitement différent qui leur a été réservé.

290. Par conséquent, ce grief ne saurait être accueilli.

291. Il résulte de tout ce qui précède que l'amende infligée à la requérante est adéquate à la gravité de la violation des règles de concurrence communautaires constatée à l'encontre de la requérante, mais qu'elle doit être réduite de moitié en raison de la durée moindre de cette violation, dans la mesure où l'infraction, si elle a certes été réduite quant à sa durée de plus de la moitié (26 mois sur 47), a, durant les 21 mois subsistant, connu une très grande intensité.

Sur les dépens

292. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon le paragraphe 3 du même article, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours ayant été partiellement accueilli et les parties ayant l'une et l'autre conclu à la condamnation de l'autre aux dépens, chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1) l'article 1, troisième tiret, de la décision de la Commission, du 23 avril 1986 (VI-31.149-Polypropylène, JO L. 230, p. 1), pour autant qu'il déclare que Petrofina a participé à l'infraction entre 1980 et mars 1982, est annulé.

2) Le montant de l'amende infligée à la requérante à l'article 3 de cette décision est fixé à 300 000 écus, soit 13 153 050 BFR.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) Chaque partie supportera ses propres dépens.