CCE, 2 octobre 1991, n° M.053
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Aérospatiale/Alenia/De Havilland
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), et notamment son article 8 paragraphe 3, vu la décision de la Commission du 12 juin 1991 d'engager la procédure dans la présente affaire, ayant donné aux entreprises en cause l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations (2), considérant ce qui suit:
I. LES FAITS
La nature de la procédure
(1) La présente procédure porte sur un projet d'opération, notifié le 13 mai 1991 conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 (" le règlement sur les concentrations ") et consistant en l'acquisition en commun par l'Aérospatiale SNI (" Aérospatiale ") et Alenia-Aeritalia e Selina SpA (" Alenia ") des actifs de la division de Havilland (" de Havilland ") de la société Boeing (" Boeing ").
(2) Le 4 juin 1991, la Commission a décidé de maintenir la suspension de la concentration en vertu de l'article 7 paragraphe 2 du règlement sur les concentrations et le 12 juin 1991, elle a engagé la procédure dans la présente affaire conformément à l'article 6 paragraphe 1 point c) de ce règlement.
Les parties
(3) Aérospatiale est une société française qui exerce ses activités dans l'industrie aérospatiale. Sa gamme de produits comprend les avions civils et militaires ainsi que les hélicoptères, les missiles, les satellites, les systèmes spatiaux et l'avionique. Alenia est une société italienne qui opère elle aussi principalement dans l'industrie aérospatiale. Sa gamme de produits comprend les avions civils et militaires, les satellites, les systèmes spatiaux, l'avionique ainsi que des systèmes de contrôle du trafic aérien et maritime. Aérospatiale et Alenia contrôlent conjointement le groupement d'intérêt économique (GIE) Avions de transport régional (ATR), créé en 1982 en vue de concevoir, de développer, de fabriquer et de vendre en commun les avions de transport régional. On trouve actuellement sur le marché deux avions de transport régional à turbopropulseurs ATR.
(4) De Havilland, division canadienne de Boeing, ne construit que des avions régionaux à turbopropulseurs. L'ancienne société de Havilland Corporation (DHC) a été nationalisée par le gouvernement canadien en 1982 et vendue à Boeing en 1986. On trouve actuellement sur le marché deux avions de transport régional à turbopropulseurs de Havilland.
II. LA CONCENTRATION
(5) L'opération notifiée consiste en une concentration sous la forme d'une entreprise commune qui présente le caractère d'une concentration au sens de l'article 3 du règlement sur les concentrations étant donné:
- que de Havilland sera gérée par une société d'exploitation contrôlée en commun par Aérospatiale et Alenia
et
- que les activités d'Aérospatiale et d'Alenia dans les avions de transport régional à turbopropulseurs (commuters) sont déjà concentrées dans le GIE ATR depuis 1982.
III. LA DIMENSION COMMUNAUTAIRE
(6) Le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par Aérospatiale, Alenia et de Havilland représente un montant supérieur à 5 milliards d'écus (Aérospatiale: 4,7 milliards d'écus, le groupe Finmeccanica, auquel appartient Alenia: 5,2 milliards d'écus, de Havilland: 0,5 milliard d'écus). Aérospatiale et Alenia réalisent chacune un chiffre d'affaires de plus de 250 millions d'écus dans la Communauté. En outre, les entreprises en cause ne réalisent pas plus de deux tiers de leur chiffre d'affaires dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même Etat membre. Par conséquent, la concentration présente une dimension communautaire au sens de l'article 1er paragraphe 2 du règlement sur les concentrations.
IV. APPRECIATION AU REGARD DE L'ARTICLE 2 DU REGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS
(7) L'opération a pour effet de permettre à Aérospatiale et à Alenia - qui contrôlent le premier fabricant mondial et européen d'avions de transport régional (ATR) - d'acquérir le constructeur qui vient au deuxième rang mondial et européen (de Havilland), ainsi qu'il est expliqué plus loin. Les avions de transport régional sont des avions de 20 à 70 sièges destinés aux transporteurs régionaux et qui ont une durée moyenne de vol d'environ une heure. Le marché du transport régional se caractérise principalement par un trafic de faible densité où les avions à turbopropulseurs ont en général des coûts d'exploitation moins élevés que les avions à réaction. Bien que le marché ait actuellement - et doive maintenir jusqu'au milieu des années 1990 - un taux de croissance relativement élevé, celui des avions de transport régional est relativement réduit par rapport aux marchés de l'aérospatiale en général (la valeur mondiale totale des livraisons d'avions neufs de transport régional en 1990 s'est élevée à 2,3 milliards de dollars, ce qui représente, selon les estimations, moins de 2 % de la valeur de l'industrie aérospatiale totale).
1. Les marchés de produits de référence
(8) Les marchés de produits affectés par l'opération de concentration envisagée sont ceux des avions de transport régional à turbopropulseurs.
Les avions à réaction de transport régional actuellement en cours de développement (le CL601 RJ à 50 sièges de Canadair) ne peuvent être inclus dans ces marchés. Les constructeurs d'avions de transport régional et les compagnies aériennes interrogées sur ce point ont déclaré à la quasi-unanimité qu'il est peu probable que les avions à réaction fassent la concurrence aux turbopropulseurs classiques de capacité similaire pour ce type de transport. Ces avions à réaction ont en effet des coûts d'acquisition et d'exploitation nettement plus élevés; en outre, l'économie de temps qu'offrirait un avion à réaction par rapport à un avion à turbopropulseurs est négligeable jusqu'à des liaisons de 400 à 500 milles nautiques.La distance moyenne parcourue par les avions à turbopropulseurs est inférieure de plus de moitié à ces distances et d'après les chiffres fournis par les parties, jusqu'à 85 % de tous les vols effectués par des avions de transport régional sont en fait inférieurs à 400 milles nautiques. On peut donc considérer qu'il n'y a pas de chevauchement important entre les avions à turbopropulseurs et les avions à réaction pour le transport régional.
Les avions à réaction d'environ 100 sièges conçus pour des vols de durée courte et moyenne (notamment le Boeing 737, le Fokker 100 et le British Aerospace BAe 146) ne sont pas non plus en concurrence avec les avions de transport régional à turbopropulseurs. Ces avions à réaction coûtent environ deux fois plus que les plus gros avions à turbopropulseurs et sont utilisés sur des liaisons plus longues ou d'une densité plus élevée. Par conséquent, la Commission a suivi la définition de marché des parties et de tous les concurrents et utilisateurs consultés en excluant les avions à réaction des marchés de produits de référence.
(9) Les parties excluent les avions à turbopropulseurs de moins de 20 sièges du marché global des avions de transport régional. Cela est généralement accepté par l'industrie et les utilisateurs. Les avions de moins de 20 sièges sont soumis à des normes de certification différentes de celles des avions de 20 à 70 sièges. Pour les avions de 19 sièges et moins, les exigences de sécurité telles que la fiabilité des systèmes, l'aptitude à l'atterrissage forcé, la résistance à l'usure des parties métalliques, la tolérance aux dommages, le dégagement de chaleur des matériaux d'installation, etc. sont beaucoup plus souples. Ces avions sont physiquement plus petits au point que le niveau de confort n'est pas comparable (par exemple, la plupart ne disposent pas de toilettes, beaucoup ne sont pas pressurisés, et normalement les passagers ne peuvent se tenir debout dans l'avion). La plupart de ces avions ne sont pas développés spécialement pour le transport commercial de passagers, mais sont dérivés d'avions à vocation générale. Tous les documents obtenus lors de l'enquête de la Commission concernant les prévisions du développement du marché global des avions de transport régional, les études comparatives des marchés faites par les constructeurs et les analyses de planification stratégique ne portent que sur les avions de 20 à 70 sièges.
(10) Les parties à la notification, les utilisateurs et les concurrents, dans leur réponse à l'enquête de la Commission, ont tous défini des marchés distincts à l'intérieur du marché global des avions de transport régional de 20 à 70 sièges. Cette division en différents marchés de référence à l'intérieur du marché total est considérée comme correcte par la Commission.
Un marché de produits de référence comprend en particulier tous les produits considérés comme interchangeables par l'utilisateur en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l'usage auquel ils sont destinés.
Il ne semble pas, par exemple, qu'un avion de 60 sièges soit interchangeable avec un autre de 30 sièges. Ces types d'appareils sont utilisés sur des liaisons d'une densité très différente. Les prix varient sensiblement:[...] (3).
(11) D'après l'analyse effectuée par la Commission, il existe trois marchés de produits de référence. La segmentation qui reflète de manière réaliste les différentes conditions de concurrence sur le marché global établit une distinction entre les avions de 20 à 39 sièges, les avions de 40 à 59 sièges et les avions de 60 sièges et plus.
(12) Si l'on considère les types d'avion actuellement produits ou en cours de développement, la concurrence directe se présente comme suit:
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(13) Cette analyse se fonde en particulier sur les éléments suivants:
- la segmentation indiquée ci-dessus concorde généralement avec l'avis exprimé par la très grande majorité des clients et des concurrents qui ont répondu à l'enquête de la Commission. 86 % de ces utilisateurs considèrent que le segment des 20 à 39 sièges forme un marché de produits séparé. 68 % des utilisateurs estiment que, outre ce segment, il y a lieu d'opérer une nouvelle subdivision comme il est indiqué plus haut. Les autres utilisateurs (14 %) proposent que le marché global des 20 à 70 sièges soit également divisé en au moins deux marchés de produits, encore que d'une autre façon que celle suggérée par la majorité.
Quant aux concurrents d'ATR et de de Havilland, Saab, Embraer, Fokker, British Aerospace et Dornier notamment considèrent également le segment des 20 à 39 sièges comme un marché de produits séparé. Saab, Fokker et Embraer distinguent en outre les avions en concurrence dans le segment moyen de 40 à 59 sièges et les avions du segment des 60 sièges et plus comme appartenant à des marchés de produits distincts. Seul Casa définit les marchés de produits de référence d'une tout autre manière en proposant trois segments: de 15 à 30 sièges, de 31 à 49 sièges et de 50 à 70 sièges,
- le tableau du considérant
(12) fait apparaître qu'il existe des groupes distincts d'avions autour de 30, 50 et 65 sièges. L'industrie ainsi que les clients admettent généralement que les différents types d'avions de ces groupes se font une concurrence directe. Ainsi, pour l'ATR 42, la concurrence la plus forte est représentée par le Dash 8-300 de de Havilland et le Fokker 50. Pour le Dash 8-100 de de Havilland, par exemple, la concurrence la plus forte est représentée par le Saab 340 et l'Embraer 120. La segmentation indique par conséquent les catégories d'avions qui sont généralement comparés les uns aux autres par les compagnies aériennes,
- cette segmentation est plausible car elle révèle que ATR, de Havilland, Saab et British Aerospace ont mis au point des avions qui se font concurrence dans un segment différent de celui qui correspond à l'origine à leur type. On ne peut s'attendre à ce qu'un constructeur d'avions de transport régional mette au point un appareil de type nouveau pour concurrencer directement, dans des circonstances normales, un autre type d'avion de sa gamme de produits. La Commission estime que les autres segmentations qui indiqueraient que les deux types d'avions de de Havilland, par exemple, se font une concurrence directe ne sont pas réalistes.
(14) En ce qui concerne les potentialités de substitution entre différents segments sur le plan de l'offre, les constructeurs peuvent voir à moyen terme la possibilité de modifier les types existants (de les " étendre "), de manière à développer un nouveau produit concurrent dans un segment plus élevé, en transformant par exemple l'ATR 42 en ATR 72. Cet argument n'affecte en rien l'analyse selon laquelle un type d'avion d'un segment donné ne pourrait remplacer un appareil d'un autre segment.En outre, d'après une étude réalisée pour les parties, il faudrait aux constructeurs un délai considérable - plus de trois ou quatre ans par exemple dans le cas d'un avion à 30 sièges - pour transformer leurs installations de façon à produire des avions à 50 sièges, dans la mesure où ces installations existent déjà.
(15) Les parties n'acceptent pas la définition de marchés de produits de référence adoptée par la Commission. Dans la notification, elles proposent de diviser le marché global en deux segments distincts, l'un de 20 à 50 sièges et l'autre de 51 à 70 sièges. Selon elles, cette segmentation se fonderait principalement sur le fait que la réglementation des principaux pays impose une deuxième hôtesse de l'air au-delà de 50 sièges et que cette modification augmente considérablement les coûts d'exploitation des transporteurs. Or, cette segmentation n'est pas logique. Les segments sont définis l'un comme de 20 à 50 sièges et l'autre, de 51 sièges et plus. L'analyse des parties inclut dans ce dernier le Dash 8-300 à 50 sièges, le Fokker 50 et le Saab 2000. D'après cette analyse, l'ATR 42, avec ses 48 sièges, se situe dans un autre marché de produits que ces trois appareils à 50 sièges. Cela ne reflète pas la réalité du marché: l'ATR 42 est considéré par les concurrents et les clients comme le principal concurrent direct de ces appareils à 50 sièges.
(16) A la suite de la décision de la Commission d'engager la procédure, les parties ont modifié leur proposition initiale de façon à prendre le marché total (20 à 70 sièges) comme marché de produits de référence, puisqu'elles considèrent la segmentation comme arbitraire, au moins dans une certaine mesure. Or, les résultats de l'enquête de la Commission révèlent qu'il règne un large accord entre concurrents et clients quant au marché de produits de référence décrit plus haut. Cette constatation n'est pas de nature à corroborer l'affirmation des parties selon laquelle la segmentation serait arbitraire ou les marchés devraient être mis en commun.
(17) Les parties font valoir que le nombre de sièges n'est pas le seul facteur pris en considération par les compagnies aériennes lorsqu'elles doivent choisir un modèle d'avion. Elles mentionnent aussi d'autres facteurs, tels que les caractéristiques techniques et les coûts d'exploitation directs. Elles considèrent donc les avions de différents segments comme étant en concurrence directe.
La Commission estime que les parties tirent une conclusion erronée du fait que les clients prennent en considération plusieurs facteurs lorsqu'ils décident d'acheter un appareil:
- lorsque les compagnies aériennes envisagent d'acquérir de nouveaux avions, elles analysent d'abord les caractéristiques des liaisons sur lesquelles elles envisagent de les mettre en service. Les caractéristiques de la liaison comprennent en particulier le trafic de passagers prévu et la fréquence des vols. L'analyse doit tenir compte du volume des voyages d'affaires et du nombre de créneaux horaires. Le trafic et la fréquence définissent le nombre idéal de sièges pour les liaisons considérées. Le principal facteur qui détermine la flotte dont une compagnie aérienne a besoin est donc le nombre approximatif de sièges nécessaires pour son réseau,
- après avoir défini approximativement la capacité de base nécessaire, la compagnie aérienne fera son choix entre les appareils qui se situent dans la gamme de capacité qu'elle souhaite. Elle comparera donc généralement les avions regroupés dans les marchés de produits de référence définis ci-dessus, ainsi qu'il ressort des réponses fournies par les clients et du groupage des types d'appareil. Après avoir défini la capacité de base, les compagnies aériennes évaluent d'autres facteurs tels que le prix, les coûts d'exploitation directs, les caractéristiques techniques et le niveau de confort. Ces facteurs détermineront le type d'appareil qui sera finalement commandé,
- les réponses fournies par les clients à l'enquête de la Commission corroborent cette analyse générale. Les facteurs autres que la capacité en sièges ne définissent donc pas les marchés de produits mais déterminent uniquement l'appareil qui convient le mieux à l'intérieur d'un marché de produits donné.
(18) Les parties allèguent que dans huit cas (sur une période non précisée), il y a eu, pour des commandes déterminées, concurrence entre deux avions appartenant à des marchés de produits différents (mais voisins) tels qu'ils sont définis plus haut. Ces exceptions, très limitées, ne sont pas de nature à infirmer l'analyse générale pour les raisons ci-après.
Un client peut, dans des circonstances exceptionnelles, faire son choix entre des avions de capacité nettement différente. Prenons par exemple l'hypothèse suivante, fondée sur des données fournies par les parties. Pour des liaisons de faible densité, soit pour une moyenne de 30 passagers mais avec des pointes plus élevées, une compagnie aérienne pourrait envisager d'acquérir un ATR 42, d'une capacité de 48 sièges, plutôt qu'un Embraer 120 de 30 sièges. Le seuil de rentabilité, en nombre de passagers par vol moyen (150 milles nautiques), est comparable [...] (4).
En revanche, en acquérant l'ATR 42, la compagnie peut le cas échéant faire face à une demande plus élevée en période de pointe. Par conséquent, il peut y avoir des liaisons à faible densité où la compagnie considérera un appareil de plus grande capacité comme concurrentiel par rapport à un avion plus petit. Néanmoins, pour les liaisons à haute densité, les petits avions ne peuvent remplacer les grands.
Entre les segments définis, il peut donc y avoir un certain degré de substitution des petits avions par des grands, mais il ne semble pas y avoir de possibilité de remplacement similaire de grands avions par des petits.
Les parties ont fourni trois exemples de ce qu'elles considèrent comme une substitution par les compagnies de grands avions par des petits, dont deux pour des compagnies américaines et le dernier pour une compagnie scandinave. En fait, ces exemples démontrent uniquement que ces compagnies n'ont pas choisi des appareils d'une capacité identique pour remplacer des appareils très anciens d'une génération antérieure. Ce phénomène n'est guère surprenant étant donné que les caractéristiques des liaisons changent forcément avec le temps. Toutefois, comme l'indique la conclusion générale de l'étude des potentialités du marché réalisée par ATR (5), un avion d'une capacité donnée sera remplacé soit par un avion d'une capacité similaire, soit par un appareil appartenant à une catégorie comptant un plus grand nombre de sièges.
(19) Les parties affirment que de petits avions pourraient remplacer les grands appareils étant donné que les transporteurs pourraient effectuer des vols plus fréquents; or, la Commission estime que cet argument n'est pas réaliste comme le démontre l'exemple qui suit.
Dans l'hypothèse du remplacement d'un ATR 72 de 66 sièges par un Saab 340 de 33 sièges, par exemple, la compagnie devrait effectuer deux fois plus de vols avec le Saab 340 pour transporter le même nombre de passagers sur une même liaison. Cette politique ne serait possible que si les coûts d'exploitation directs du Saab 340 représentaient 50 % ou moins à ceux de l'ATR 72 (6). Or, d'après les chiffres fournis par les parties, les coûts d'exploitation directs du Saab 340 représentent [...] de ceux de l'ATR 72. En d'autres termes, une compagnie qui substituerait deux vols du Saab 340 à un seul vol de l'ATR 72 supporterait des coûts plus élevés de [...] (7). Cette solution ne serait pas rationnelle d'un point de vue économique, étant donné notamment que les compagnies aériennes opèrent avec des marges bénéficiaires très faibles et qu'il en résulterait des pertes substantielles.
En outre, la capacité d'effectuer deux fois plus de vols dépendrait de l'existence de deux fois plus de créneaux disponibles pour la compagnie aérienne. Une telle hypothèse n'est pas réaliste étant donné la pénurie générale de créneaux, en particulier dans la Communauté et surtout dans les grands aéroports. Même si les compagnies disposaient de deux fois plus de créneaux, il est douteux que les créneaux supplémentaires seraient disponibles à des heures appropriées, facteur particulièrement important pour les liaisons de voyages d'affaires.
2. Le marché géographique de référence
(20) Sous l'angle économique, les marchés d'avions de transport régional sont considérés comme des marchés mondiaux. Il n'existe pas d'obstacles tangibles à l'importation de ces appareils dans la Communauté européenne et les coûts de transport sont négligeables.
Il existe un degré de pénétration mutuelle important, en particulier entre les marchés de l'Amérique du Nord et de l'Europe. Les constructeurs européens d'avions de transport régional soutiennent avec succès la concurrence en Amérique du Nord et le seul concurrent nord-américain, de Havilland, occupe une forte position sur le marché européen. Ainsi, ATR a vendu 39 % de ses appareils ATR 42 en Amérique du Nord et de Havilland a vendu 58 % de ses avions Dash 8-300 en Europe. La région la plus importante du reste du monde est l'Asie et le Pacifique. La plupart des constructeurs de ce type d'appareil sont présents dans cette région, en particulier Casa, Fokker, ATR et de Havilland.
Dans leurs analyses, les parties excluent la Chine et les pays de l'Europe de l'Est du marché mondial pris dans son ensemble. Cela paraît justifié étant donné qu'il n'y a pas d'interpénétration entre le marché de la Chine et des pays de l'Europe de l'Est et les marchés mondiaux en général, et on ne s'attend pas à une telle interpénétration dans un proche avenir. D'une manière générale, certains de ces pays, et notamment l'Union soviétique et la Chine, ont leur propre industrie aéronautique qui répond à la demande intérieure. Les appareils produits ne remplissent pas les normes de certification imposées par les compagnies aériennes du reste du monde. De la même façon, les appareils produits par les constructeurs occidentaux ont des spécifications trop élevées et généralement trop coûteuses pour les compagnies de la Chine et de l'Europe de l'Est.Si l'on ne peut exclure à long terme l'émergence d'une demande importante de l'Europe de l'Est pour ces produits, tout dépend néanmoins de l'évolution économique générale de ces pays.
La Commission estime par conséquent que le marché géographique à prendre en considération est le marché mondial à l'exclusion de la Chine et de l'Europe de l'Est.
3. La structure du marché
(21) Dans la notification, il est proposé de calculer les parts de marché sur la base des commandes fermes à la date de référence (celles-ci comprenant toutes les fournitures effectuées ainsi que les commandes passées, mais non encore exécutées) pour chaque type d'avion de transport régional actuellement construit ou développé. Cette méthode est globalement celle qui est utilisée pour calculer les parts de marché par l'industrie aéronautique qui considère qu'elle reflète la position concurrentielle des constructeurs sur le plan de leur puissance industrielle. Cette méthode cumulative atténue les distorsions des chiffres annuels, qui peuvent résulter d'irrégularités des commandes et des fournitures dans un marché de faible volume (8).
(22) Ces chiffres de parts de marché ne tiennent pas compte du parc existant de tous les avions à turbopropulseurs encore en service (ATR - de Havilland en représentant environ 25 %). Ce parc comprend les appareils qui ne sont plus produits et vendus de même que les avions vendus par les concurrents qui ne se trouvent plus sur le marché, comme les Shorts. Ces avions étaient basés sur une technologie tout à fait différente. Il existe une rupture nette entre la génération actuelle d'appareils de transport régional (de nouvelle technologie) et les avions anciens qui ne sont plus produits. Les appareils plus anciens, comme le Fokker F 27 et le HS 748 de British Aerospace, ont été mis au point à la fin des années 1950 ou au début des années 1960. Sous l'angle économique et technique, ces appareils étaient d'ores et déjà désuets au début des années 1980. Les appareils mis au point à partir du début des années 1980 se fondent sur une nouvelle génération de moteurs et d'architectures adaptées à ces moteurs pour répondre aux besoins des compagnies aériennes de cette époque. Cette nouvelle génération d'avions de transport régional a été conçue en particulier pour consommer beaucoup moins de carburant, à la suite de la hausse du prix du pétrole dans les années 1970, et pour atteindre des normes plus élevées de performance et de confort pour les passagers. Tous les appareils de transport régional actuellement en cours de production ou de développement appartiennent à cette génération nouvelle sur le plan technique.
S'il peut subsister un avantage commercial pour les constructeurs qui commercialisent dès à présent des appareils dotés de technologie nouvelle de par les liens qu'ils entretiennent avec des compagnies aériennes qui utilisent toujours leurs anciens appareils [question examinée plus en détail aux considérants (36) et (39)], cet élément n'entre pas dans le calcul des parts de marché. Il est vain d'analyser les parts de marché pour la génération précédente de produits lorsque l'on évalue la puissance de marché actuelle et future des constructeurs. Cette analyse doit donc se fonder uniquement sur les commandes et les livraisons d'appareils de type nouveau actuellement sur le marché. Ce point n'est pas contesté par les parties.
Sur les marchés de produits de référence, les parts de marché réalisées sur le plan mondial et dans la Communauté, calculées sur la base des commandes fermes, sont donc les suivantes (9) :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(24) A la suite de la décision de la Commission d'engager la procédure, les parties ont fait valoir que les options devaient elles aussi être prises en considération dans le calcul des parts de marché. La Commission estime toutefois que les options ne sont pas un indicateur suffisamment fiable de la puissance de marché d'un constructeur puisqu'elles peuvent être annulées facilement, chose qui est d'ailleurs de pratique courante. D'après l'expérience d'ATR, [...] en moyenne des options prises pour un appareil déjà sur le marché et qui a fait la preuve de sa fiabilité sont converties en commandes fermes. [...] seulement des options prises pour un appareil qui n'est pas encore en service ont, quant à elles, des chances d'être confirmées. Les options portant sur des appareils qui ne sont pas encore en service peuvent être placées par des compagnies aériennes uniquement à titre d'assurance, pour se ménager la possibilité de les commander réellement à un stade ultérieur s'ils font leurs preuves. Bien que le taux de conversion d'options en commandes puisse être mesuré pour le passé, il est difficile de prédire le taux de conversion futur pour les appareils qui ne sont pas encore en service, car tout dépend de facteurs tels que la performance technique. Cela est particulièrement vrai pour les options actuellement prises pour le Saab 2000. Cet avion qui est encore à l'état de développement est conçu en vue de rencontrer un besoin possible de clients pour des avions à turbopropulseurs volant sur des distances plus longues que les lignes normales d'avions de transport régional. Selon les parties et les concurrents, il n'est pas du tout clair que cela constitue une demande importante de la clientèle et la question de savoir si le Saab 2000 réalisera effectivement des commandes significatives après son achèvement est donc contestée dans l'industrie. S'il fallait néanmoins tenir compte des options dans le calcul des parts de marché, sur la base des taux de conversion enregistrés dans le passé pour le programme réussi d'ATR, les parts de marché fondées sur les commandes plus les options seraient les suivantes :
<EMPLACEMENT TABLEAU>
British Aerospace.
(25) En vue de donner une idée d'ensemble de l'incidence de la concentration sur toute l'industrie des avions de transport régional, les trois marchés de produits de référence tels qu'ils ont été définis ont été mis en commun. Il est considéré nécessaire à cette fin de tenir compte des différentes dimensions des divers types d'avions. Le nombre de commandes fermes a dès lors été multiplié par le nombre standard de sièges pour chaque type. Cela permet d'obtenir une vue d'ensemble du marché global des avions de transport régional de 20 à 70 sièges, étant donné que le même poids ne peut être attribué à un modèle de 30 sièges et à un modèle de 60 sièges. Les parts de marché s'établissent alors comme suit (10).
<EMPLACEMENT TABLEAU>
(26) Il ressort de ces chiffres que:
- sur le marché de référence des avions de 40 à 59 sièges, la nouvelle entité obtiendrait environ 64 % du marché mondial et environ 72 % du marché de la Communauté,
- sur le marché de référence des avions de 60 sièges et plus, la nouvelle entité détiendrait environ 76 % du marché mondial et environ 74 % du marché de la Communauté,
- ATR et DHC obtiendraient, après la concentration, environ 50 % du marché mondial total des avions de transport régional et environ 65 % du marché dans la Communauté.
4. Incidence de la concentration
A. Effet sur la position d'ATR
(27) La concentration envisagée renforcerait notablement la position d'ATR sur les marchés des avions de transport régional, notamment pour les raisons suivantes:
- part de marché combinée élevée sur le marché des 40 à 59 sièges et sur le marché total des avions de transport régional,
- élimination de de Havilland en tant que concurrent,
- couverture de toute la gamme des avions de transport régional,
- extension considérable de la clientèle.
a) Augmentation des parts de marché
(28) La concentration envisagée conduirait à une augmentation des parts de marché d'ATR de 46 à 63 % du marché mondial des avions de transport régional de 40 à 59 sièges.Son concurrent le plus proche (Fokker) en détiendrait 22 %. Ce marché - avec le marché plus vaste des 60 sièges et plus dont ATR détient 76 % - revêt une importance particulière dans l'industrie de ce type d'avions puisqu'il existe une tendance générale à l'utilisation d'appareils plus grands. Cette tendance est particulièrement sensible en Europe où les redevances d'aéroport favorisent l'utilisation d'avions plus gros en raison de l'encombrement des routes aériennes et des capacités aéroportuaires limitées. Dès la fin de 1990, 84 % de la capacité totale en sièges des avions de transport régional commandés dans la Communauté correspondaient à des appareils de 40 sièges et plus, contre 57 % dans le monde. La tendance à l'utilisation d'appareils plus grands en Europe s'observe dans la répartition géographique des ventes des différents types d'avions. Alors que pour l'ATR 42 de 48 sièges, 44 % des appareils ont été vendus en Europe et 39 % en Amérique du Nord, 67 % des appareils ATR 72 de 66 sièges ont été vendus en Europe et 19 % en Amérique du Nord. Dans le cas de de Havilland, 14 % des avions Dash 8-100 de 36 sièges ont été vendus en Europe et 78 % en Amérique du Nord, alors que 58 % des appareils Dash 8-300 de 50 sièges l'ont été en Europe et 35 % en Amérique du Nord. Parallèlement à l'utilisation croissante d'avions plus gros en Europe, on constate que le marché des appareils de 30 sièges est relativement plus important en Amérique du Nord qu'en Europe. Embraer, par exemple, a vendu 71 % de ses appareils de 33 sièges en Amérique du Nord contre 18 % seulement en Europe.
(29) ATR porterait d'environ 30 % à environ 50 % sa part de l'ensemble du marché mondial des avions de transport régional de 20 à 70 sièges. Le concurrent le plus proche (Saab) n'en détiendrait qu'environ 19 %. Dans ces conditions, la nouvelle entité détiendrait la moitié du marché mondial total et plus de deux fois et demi la part de son concurrent le plus proche.
(30) La part de marché combinée peut encore augmenter après la concentration.
Cette part de marché plus élevée pourrait donner à ATR une marge plus grande pour faire la concurrence sur les prix (y compris sur le plan du financement) que ses concurrents moins importants. Elle pourrait réagir avec plus de flexibilité aux initiatives prises par ses concurrents sur le marché.
Dans le cas d'une concentration entre ATR et de Havilland, les concurrents auraient à faire face à la puissance combinée de deux grandes sociétés. Dans ces conditions, si une compagnie aérienne envisageait de placer une commande nouvelle, les concurrents seraient confrontés à la gamme de produits combinée de ATR et de de Havilland. La stratégie de vente des sociétés précédemment distinctes serait concertée. La combinaison pourrait permettre à la nouvelle entité ATR/de Havilland d'être plus souple que ses concurrents en fixant les prix pour une vente donnée, en raison de leur avantage de taille absolu sur le plan des ventes. En outre, contrairement à ses concurrents, l'entité combinée aurait tous les avantages liés à la possibilité d'offrir une famille d'avions de transport régional.Elle pourrait ainsi offrir des conditions favorables pour un type donné d'appareil dans des contrats mixtes. En d'autres termes, dans le cas où une compagnie aérienne souhaiterait acquérir un petit appareil de transport régional d'environ 30 sièges et un autre d'environ 60 sièges, ATR/de Havilland pourrait offrir des conditions spéciales pour l'ATR 72 lorsqu'il est commandé avec un Dash 8-100 pour lequel une concurrence plus forte est probable. Les parties affirment qu'en pratique, il n'existe aucune probabilité que, pour les contrats mixtes, elles puissent tirer avantage de leur puissance de marché dans un segment pour vendre dans un autre. Toutefois, dans les observations présentées par des experts économiques pour le compte des parties, il est fait allusion à la capacité de l'entité nouvelle de faire une offre combinée pour des avions de transport régional.
Les parties elles-mêmes prévoient que la combinaison des forces de vente et de production d'ATR et de de Havilland " entraînera certainement une amélioration de leur position en Amérique du Nord et en Europe parmi les producteurs d'avions régionaux ", de sorte que la position de l'entité combinée serait plus forte que celle d'ATR et de Havilland actuellement.
b) L'élimination de de Havilland en tant que concurrent
(31) En termes d'avions vendus, de Havilland est le concurrent le plus performant d'ATR. Sur le marché des produits de référence des appareils de 40 à 59 sièges, Fokker détient une part de marché plus élevée que de Havilland, mais Fokker n'avait, fin 1990, que 27 commandes non exécutées pour le Fokker 50 alors que de Havilland en avait 72 pour le Dash 8-300 (qui vient juste en deuxième place après ATR avec 103 commandes pour l'ATR 42).
En outre, de Havilland a le projet de développer un nouvel appareil - le Dash 8-400 - pour faire la concurrence dans le segment supérieur (60 sièges et plus) (11). Par conséquent si la concentration se réalise, de Havilland sera éliminé en tant que concurrent potentiel de ce segment où ATR détient une part de marché de 76 %.
Les parties font valoir que si la concentration envisagée ne se réalise pas, bien que de Havilland ne serait pas immédiatement liquidée, sa production pourrait être arrêtée par Boeing de façon à l'éliminer en tout cas en tant que concurrent à moyen ou à long terme. Sans préjuger la question de savoir si une telle considération est pertinente au titre de l'article 2 du règlement sur les concentrations, la Commission considère qu'une telle élimination n'est pas probable.
Une étude préalable à l'acquisition de de Havilland, effectuée pour le compte d'Aérospatiale-Alenia à la fin de 1990, relève notamment les facteurs suivants, considérés comme critiques dans l'évaluation de la décision d'investir dans une optique commerciale et financière: de Havilland construit des produits de haute qualité, bien connus et hautement respectés, dont le prix de vente net a constamment augmenté. Des progrès ont d'ores et déjà été réalisés dans la réduction de l'emploi excédentaire et les relations avec les syndicats se sont détendues; d'autres améliorations peuvent encore être apportées dans la gestion de la production, car la productivité de de Havilland est relativement faible [...] (12).
D'après les informations qui lui ont été fournies, la Commission considère donc qu'il est improbable que de Havilland, à défaut de la concentration proposée, disparaîtrait de toute façon. Boeing a toutefois fait connaître qu'elle préférait vendre de Havilland plutôt que de continuer à exploiter cette société. Cette hypothèse paraît plausible étant donné que les parties ne sont pas les seuls acquéreurs potentiels. British Aerospace, par exemple, s'est déclaré intéressée par l'achat de de Havilland.
c) Couverture de toute la gamme des avions de transport régional
(32) La nouvelle entité ATR/de Havilland serait le seul constructeur d'avions de transport régional présent sur tous les marchés d'avions de transport régional définis ci-dessus.
Embraer vend un seul type d'avion de transport régional sur le marché des 20 à 39 sièges. Fokker et Casa sont représentés uniquement sur le marché des 40 à 59 sièges et British Aerospace n'est pas représenté sur le marché des 40 à 59 sièges. Saab est actif surtout sur le marché des 20 à 39 sièges. Le nouveau Saab 2000 de 50 sièges, qui sera livré à partir de 1992/1993, est un avion à turbopropulseurs rapide de transport régional qui répond aux besoins particuliers des clients exploitant des lignes régionales comportant des étapes relativement longues.
Il apparaît que, dans le secteur concerné, le fait de disposer d'une gamme complète de produits donnerait à ATR/de Havilland un avantage significatif en lui-même.Du côté de la demande, les compagnies aériennes réalisent des économies de coûts en achetant différents types d'avions à un même vendeur. Il a été dit au cours de l'audition par British Aerospace, par exemple, que, en établissant les prévisions de ventes de l'ATP de 64 sièges, on part de l'hypothèse que les clients qui utilisent actuellement des ATR42 de 48 sièges achèteront des ATR72 de 66 sièges lorsqu'ils auront besoin d'un plus gros avion. ATR et British Aerospace se disputent actuellement la clientèle des acheteurs non liés, y compris celle des clients actuels de de Havilland. Si le projet de concentration devait aboutir, les acheteurs du Dash 8 seraient considérés par British Aerospace comme liés à la nouvelle entité combinée également pour leurs besoins en avions de plus grande taille.
Selon une étude présentée par les parties, le fait pour un constructeur de ne pas pouvoir offrir une gamme complète de capacités en sièges dans une même série d'appareils est susceptible d'affecter la demande d'autres avions existants de ce constructeur. Ainsi, un gros transporteur régional qui devrait compléter entièrement sa gamme de capacités pour satisfaire ses besoins pourrait renoncer à acheter un plus petit avion à un constructeur s'il ne peut lui vendre également un plus gros avion dont il a également besoin. Cela tient aux frais fixes que le transporteur doit supporter pour chaque constructeur avec lequel il traite. Ces coûts comprennent les coûts fixes de formation des pilotes et des mécaniciens, le coût des stocks de pièces détachées dont il doit disposer et les frais fixes liés à la passation de commandes à plusieurs constructeurs lorsqu'il s'agit de pièces détachées que ceux-ci sont les seuls à avoir en stock.
L'un des principaux objectifs stratégiques déclarés des parties en achetant de Havilland est de couvrir toute la gamme des avions de transport régional. Les avantages qu'elles en retireraient sur le plan de la concurrence devraient apparaître au fil du temps.
Selon les consultants économiques des parties, le fait d'offrir toute la gamme de produits susceptibles d'être demandés sur le marché réduit considérablement le risque lié à l'évolution future de la demande.
A court terme, ATR et de Havilland créeraient un service commercial et un service après-vente communs susceptibles de permettre à l'entité combinée de réaliser certaines économies de coûts. Ultérieurement, il serait peut-être possible de rationaliser encore le service après-vente en augmentant le volume des stocks de pièces détachées communs à ATR et à de Havilland, qui est actuellement de 30 %. Grâce à cette rationalisation, les clients pourraient eux aussi réaliser des économies de coûts à l'achat d'avions à la fois d'ATR et de de Havilland.
En réalité, le fait de couvrir tout le marché ne présente effectivement des avantages que lorsque les compagnies aériennes disposent ou ont l'intention de se doter d'une flotte d'avions appartenant à différents marchés de produits. Selon des chiffres fournis par Fokker, plus de la moitié des avions vendus sur les marchés des 40 sièges et plus par exemple sont exploités dans des flottes comprenant également des avions d'une trentaine de sièges. Par conséquent, on peut dire qu'avoir au moins une couverture plus complète du marché est important.
d) Elargissement de la clientèle
(33) La concentration élargirait considérablement la clientèle d'ATR.Sur la base des livraisons actuelles, les parties déclarent qu'ATR a actuellement livré des avions de transport régional à 44 clients dans le monde et que de Havilland en a livré à 36 autres, ce qui donne 80 clients au total. Il faut comparer ces chiffres par exemple avec Saab, qui a la clientèle de 27 compagnies aériennes, et avec Fokker, qui a la clientèle d'une vingtaine de compagnies aériennes qui utilisent le Fokker 50. Toutefois, ce chiffre de 80 clients ne tient pas compte de l'important arriéré de commandes qui ont été passées par d'autres clients aux deux entreprises mais qui n'ont pas encore été livrées. Par conséquent, on peut s'attendre à ce que la clientèle augmente dans un avenir proche. Cela apparaît déjà dans les chiffres relatifs à la part de marché.
La clientèle est un élément important de la puissance d'un constructeur d'avions, étant donné qu'une fois qu'un client a acheté un premier avion à un constructeur, il est au moins partiellement lié à celui-ci (lock-in effect).
Une fois qu'un client s'est engagé vis-à-vis d'un constructeur déterminé, il hésite habituellement à passer commande à d'autres constructeurs pour des raisons de coût. Selon les déclarations des clients, les différences existant entre les techniques utilisées, qui entraînent des frais de formation des mécaniciens et des pilotes, et la nécessité de disposer de stocks différents de pièces détachées entraînent des coûts élevés. L'analyse des flottes des compagnies aériennes montre que toutes ces compagnies ne disposent que d'un type d'avion de la nouvelle génération dans un marché de produits de référence déterminé. En outre, lorsque les compagnies disposent d'avions de différents marchés de produits de référence, l'analyse de la flotte montre qu'elles exploitent toujours des avions du même fabricant dans les différents marchés lorsque le fabricant produit des types de la dimension requise; par exemple, Brymon air exploite une flotte d'avions Dash 8-100 et Dash 8-300, NFD exploite une flotte d'avions ATR 42 et ATR 72. Cela s'applique de la même manière aux compagnies aériennes qui disposent de très grandes flottes, telles que American Airlines. Les seuls exemples de flottes mixtes se trouvent là ou les compagnies exploitent des avions ATR ou Fokker de 50 sièges en même temps que des avions du segment inférieur de 30 sièges. Cela est inévitable dès lors que ni ATR ni Fokker ne produisent des avions de cette catégorie.
L'analyse est la même si l'on examine les commandes en cours des compagnies aériennes. La seule compagnie aérienne qui a passé commande d'un avion différent du type de celui qu'elle exploite déjà dans une catégorie déterminée a choisi de remplacer sa petite flotte actuelle de Fokker 50 par le nouveaux Saab 2000. Elle exploite déjà un grand nombre de Saab 340.
Par conséquent, il est probable que les compagnies aériennes qui ont déjà acheté des avions de transport régional à ATR ou à de Havilland continueront à leur passer commande à l'avenir.
Il est donc probable que l'entité ATR/de Havilland conservera au moins le même niveau de clientèle.
B. Appréciation de l'intensité de la concurrence résiduelle
(34) Pour pouvoir apprécier si la nouvelle entité combinée sera en mesure d'agir indépendamment de ses concurrents, compte tenu de sa position renforcée, il faut évaluer la puissance actuelle et prévisible des concurrents qui subsisteront.
(35) En ce qui concerne les concurrents, on peut établir une distinction entre ceux qui sont des spécialistes de taille moyenne et ceux qui appartiennent à de grands groupes dans lesquels les avions de transport régional constituent une part relativement réduite de l'ensemble de leur activité aérospatiale.
Les concurrents de taille moyenne
(36) Fokker a été un concurrent performant sur le marché des 40 à 59 sièges dans le passé. Toutefois, actuellement, il ne produit plus qu'un seul avion de transport régional (le Fokker 50) et n'a pas de famille de produits à offrir. En raison de ses ressources relativement limitées, il n'a développé qu'un seul autre produit significatif, le Fokker 100 à réaction. Ses activités militaires sont très limitées.
Le Fokker 50 n'a qu'une part de 9 % du marché mondial des 20 à 70 sièges et de 22 % de celui des 40 à 59 sièges, ce qui est relativement peu, alors que ATR/de Havilland auraient ensemble 63 %. Il n'a que 5 % de l'arriéré mondial de commandes d'avions de transport régional (ensemble du marché), ce qui représente moins d'une année de la capacité de production de Fokker à la fin de 1990. Fokker pourrait bénéficier dans une certaine mesure d'une certaine fidélité de ses clients qui lui ont acheté des Fokker 27 dans les années 1960 et 1970. Toutefois, la faiblesse de la part de marché du Fokker 50 montre que cette fidélité n'a pas constitué un facteur déterminant. Les clients en tout cas ne se sont pas sentis liés du fait qu'ils avaient acheté ces vieux appareils, le Fokker 50 utilisant une nouvelle technologie. Il est considéré que le succès relatif de Fokker avec les ventes du Fokker 100 à réaction n'aura aucun effet sur les ventes du Fokker 50. Bien qu'il y ait certaines synergies de production entre le Fokker 50 et le Fokker 100, les ventes des deux appareils ne sont pas liées. L'expérience de Fokker montre que les clients qui achètent le Fokker 100 à réaction ne sont pas influencés par cet achat dans leur choix d'un avion à turbopropulseurs de 50 sièges. Comme indiqué dans la notification, l'expérience de Boeing avec de Havilland confirme que, du point de vue commercial, il n'y a pas de synergie significative entre les avions à réaction et les avions à turbopropulseurs.
Fokker pourrait être particulièrement affecté par la puissance combinée de ATR et de de Havilland. Il ne dispose pas encore d'une clientèle étendue pour le Fokker 50 et ses ressources sont plus limitées que celles d'ATR. Après une concentration entre ATR et de Havilland, il serait plus difficile à Fokker d'élargir sa gamme d'avions de transport régional en produisant une version élargie du Fokker 50, compte tenu des avantages concurrentiels dont disposera la nouvelle entité et qui ont été exposés ci-dessus. La concentration pourrait donc avoir un effet crucial sur la situation de Fokker en tant que concurrent sur le marché aéronautique.
(37) Actuellement, Casa n'est présent que marginalement sur le marché des 40 à 59 sièges, avec un avion dérivé d'une version militaire. Il a toutefois l'intention d'accroître sa participation aux marchés des avions civils et de développer de nouveaux avions de transport régional, de manière à réduire sa dépendance actuelle vis-à-vis des marchés militaires.
Casa pourrait difficilement maintenir ses projets de développement de ce nouvel avion de transport régional après la réalisation de la concentration envisagée, étant donné qu'il aura beaucoup de peine à concurrencer le pouvoir de marché dont disposera l'entité combinée ATR/de Havilland. La concentration envisagée sera de nature à empêcher Casa de devenir un concurrent significatif sur le marché de l'aviation civile en général.
(38) Embraer a déclaré qu'il resterait dans le segment des 20 à 39 sièges avec son avion de transport régional actuel. Embraer est une société brésilienne qui a concentré ses ressources sur le développement d'un nouvel avion à réaction de transport régional. Toutefois, il a annoncé en juillet 1991 qu'il avait abandonné ce projet - l'EMB 145. Il s'agissait d'un bon produit, mais Embraer a estimé qu'il arriverait trop tard sur le marché. On peut se demander si Embraer sera capable de développer un nouvel avion de transport régional dans les segments de capacité supérieure, étant donné que les concurrents actifs dans ces segments y sont déjà présents depuis un certain temps. En outre, après réalisation de la concentration envisagée, il est moins probable qu'Embraer puisse concurrencer effectivement ATR/de Havilland dans ces segments.
Les grands groupes aéronautiques
(39) British Aerospace a les moyens d'élargir la gamme des produits qu'il offre actuellement sur le marché des avions de transport régional. Toutefois, sa part actuelle du marché est faible (4 % du marché mondial des avions de transport régional) et il n'a que 2 % de l'arriéré mondial de commandes d'avions de transport régional, ce qui représente moins d'un an de sa capacité de production à la fin de 1990. Les investissements futurs de British Aerospace dans les avions de transport régional dépendront de l'existence éventuelle de possibilités d'investissements plus intéressantes ailleurs dans le groupe et de la question de savoir s'il serait sage de s'engager davantage sur le marché des avions de transport régional. En effet, à côté de ses nombreuses activités aéronautiques, British Aerospace a des intérêts significatifs dans d'autres secteurs tels que l'industrie automobile, les télécommunications et l'immobilier.
Sur des marchés voisins, British Aerospace construit l'avion à turbopropulseurs J31, de 19 sièges, et le BAe 146, à réaction, de 95 sièges. Il existe des synergies de production entre le J31 et le J41 de 27 sièges ainsi qu'entre l'ATP de 64 sièges et le BAe 146 à réaction du fait qu'ils sont construits dans la même usine et qu'il y a partage de coûts communs. Le J41 de British Aerospace bénéficie peut-être d'un léger avantage concurrentiel du fait de l'existence du petit J31, mais cet avantage ne sera pas significatif à l'avenir, en particulier dans la Communauté. En effet, le marché des petits avions de moins de 20 sièges est partout en déclin depuis le début des années 1980, et en réalité, il a toujours été relativement limité dans la Communauté. Pas plus que pour Fokker avec le Fokker 100 à réaction et le Fokker 50 à turbopropulseurs, les ventes de BAe 146 à réaction n'apportent aucun avantage concurrentiel à l'ATP à turbopropulseurs. Comme Fokker avec l'ancien F27, British Aerospace bénéficie peut-être d'une certaine fidélité de la part de ses clients qui ont acheté des HS748 de 46 sièges dans les années 1960 et 1970, bien que cet avion n'appartienne pas au même marché de produits que l'ATP actuel de 64 sièges. Toutefois, le nombre peu élevé de commandes d'ATP montre que ce facteur n'a pas été déterminant.
Après la réalisation de la concentration entre ATR et de Havilland, étant donné que British Aerospace ne dispose que d'une clientèle très limitée sur le marché des avions de transport régional, il est peu probable qu'il concentrera son activité sur ces marchés. Il a déjà une lacune importante, entre ses deux modèles existants, sur le marché clé des 40 à 59 sièges. En outre, la position concurrentielle déjà difficile de l'ATP de 64 sièges vis-à-vis de l'ATR72 de 66 sièges serait encore plus défavorable après la réalisation de la concentration envisagée, étant donné la puissance de la nouvelle entité.
La concentration envisagée aura par conséquent pour effet de marginaliser davantage British Aerospace en tant que concurrent sur le marché des avions de transport régional.
(40) On peut s'attendre à ce que Saab reste sur le marché des 20 à 39 sièges sur lequel il occupe une position relativement bonne. Il développe actuellement un avion à turbopropulseurs rapide de 50 sièges qui devrait arriver sur le marché dans deux ans. Cet avion pourrait dans une certaine mesure seulement concurrencer légèrement ATR et de Havilland, étant donné qu'il répond aux besoins particuliers de clients exploitant des lignes régionales comportant des étapes relativement longues. Les marchés des avions à turbopropulseurs sont généralement des marchés de vols courts dont la durée moyenne est d'environ une heure. Le temps nécessaire au décollage et à l'atterrissage étant relativement long par rapport à la durée totale des vols sur les étapes courtes, la vitesse n'est pas un facteur déterminant; en effet, on ne peut gagner que cinq minutes au maximum sur un vol même avec l'augmentation de 25 % de la vitesse prévue pour le Saab 2000. Par conséquent, il est probable que la majorité des clients ne seront pas disposés à payer plus pour cet avion. Compte tenu de ses caractéristiques techniques et de son coût, cet avion occupera donc un créneau qui ne sera pas en concurrence directe avec le marché des avions de transport régional de 40 à 59 sièges.
(41) Dornier, qui appartient au groupe Daimler-Benz par le biais de Deutsche Aerospace (DASA), pénétrera sur le marché des petits avions de transport régional avec un appareil de 30 sièges en 1993. Toutefois, pour évaluer la concurrence future entre DASA et ATR, il faut observer que DASA, d'une part, et Aérospatiale et Alenia, d'autre part, ont conclu un protocole d'accord concernant le développement futur d'un avion à réaction de transport régional. Si la décision de développer celui-ci est prise, il est prévu que ces sociétés constitueront une entreprise commune dénommée " International Commuter ", qui sera chargée de la commercialisation de toute la gamme des avions de transport régional construits par les trois sociétés. Si " International Commuter " est constituée de cette manière, Dornier ne sera plus un véritable concurrent d'ATR/de Havilland. Toutefois, aucune décision définitive n'a encore été prise sur la constitution de cette entreprise commune, qui devrait être examinée au regard des règles de concurrence de la Communauté. Si DASA ne conclut pas d'accord définitif avec Aérospatiale et Alenia, il pourrait alors devenir un concurrent significatif sur le marché des 20 à 39 sièges.
Evaluation globale de la concurrence résiduelle
(42) Il résulte de ce qui précède qu'il ne subsisterait de concurrence effective face à l'entité combinée que sur le marché des avions de transport régional de 20 à 39 sièges, bien que, même là, la capacité des autres constructeurs de concurrencer l'entité combinée diminuerait dans une certaine mesure compte tenu des avantages que retireront ATR/de Havilland de la disposition d'une clientèle étendue et de la couverture de tous les marchés. En ce qui concerne les marchés des avions de transport régional de 40 sièges et plus, abstraction faite de la concurrence limitée du Saab 2000, on peut se demander si les autres concurrents actuels pourront livrer une concurrence effective à moyen et à long terme.
C. Appréciation de la clientèle
(43) Pour pouvoir apprécier si la nouvelle entité combinée serait en mesure d'agir indépendamment de la clientèle, compte tenu de la position de force qu'elle détient sur le marché et de la faiblesse relative de ses concurrents, il y a lieu d'examiner la position des clients sur les marchés des avions de transport régional.
(44) Le transport régional a évolué au cours des dernières années. Le marché a bénéficié de politiques de dérégulation et de libéralisation, tout d'abord en Amérique du Nord, et maintenant en Europe. Selon la notification, on s'attend à ce qu'il y ait un besoin d'avions de transport régional supplémentaires qui ira au-delà du simple remplacement des avions existants.
Dans ce contexte, l'impact de la fusion envisagée n'est pas le même pour les compagnies aériennes établies et pour celles qui doivent encore s'implanter.
(45) Les compagnies établies qui ont déjà acheté des avions de transport régional ATR ou de Havilland continueront probablement, pour les raisons exposées au considérant (33), à leur passer des commandes à l'avenir. Ces clients se considèrent comme liés au constructeur qui a livré l'avion, ce qui limite leur pouvoir de négociation lors de la passation de commandes futures, même s'ils sont des filiales de grandes compagnies aériennes.
(46) Les nouvelles compagnies aériennes ou les compagnies aériennes établies qui remplacent la totalité de leur flotte pourront au départ choisir librement, étant donné qu'à ce stade elles ne sont absolument pas liées.
Les nouvelles compagnies aériennes qui opèrent sur une petite échelle, généralement en essayant de nouvelles lignes, n'auront généralement qu'un pouvoir de négociation relativement limité, étant donné qu'elles n'achètent qu'un petit nombre d'appareils. En réalité, elles entreront fréquemment sur le marché en louant des avions plutôt qu'en les achetant. Les nouvelles compagnies aériennes (ou les compagnies aériennes établies qui remplacent la totalité de leur flotte) qui sont des filiales de grandes compagnies aériennes ont sans doute un plus grand pouvoir de négociation lorsque leur société mère passe des commandes importantes. Certaines compagnies américaines disposent peut-être d'un tel pouvoir. Actuellement, il n'existe pas de transporteurs régionaux européens opérant sur une aussi grande échelle. Dans la mesure où certaines de ces compagnies aériennes disposent d'un quelconque pouvoir de négociation, l'élimination d'une part importante de la concurrence sur le marché aurait pour effet de le réduire.
(47) Les sociétés de leasing offrent des relais financiers aux nouveaux entrants sur le marché désireux d'éviter les risques de la propriété à long terme, du moins au départ. Par conséquent, il est probable que le leasing constituera un moyen important d'entrer sur le marché compte tenu du coût en capital élevé que représente un avion et du risque de faillite.
A la fin de 1990, les sociétés de leasing avaient passé commande pour 170 avions de transport régional, dont [...] (13) étaient destinés à ATR et à de Havilland ( [...] à ATR et [...] à de Havilland). Cela représente quelque 10 % du marché mondial total. Les sociétés de leasing agissent en tant qu'intermédiaires entre les constructeurs et les compagnies aériennes en permettant à ces dernières d'acquérir plus facilement de nouveaux équipements sur une base flexible.
Etant donné qu'elles passent leurs commandes d'avions sans savoir à qui elles vont les louer, les sociétés de leasing doivent prévoir de quels produits leurs clients potentiels auront besoin. C'est la raison pour laquelle, en général, elles achètent uniquement des produits qui se sont déjà bien imposés sur le marché pour ne pas risquer d'avoir des stocks d'invendus. Par conséquent, la politique d'achat des sociétés de leasing reflète les préférences actuelles de la clientèle. On peut donc considérer qu'elles suivent le marché plus qu'elles ne le font, en accentuant la demande, leur succès dépendant de la popularité des produits achetés. Il s'agit là d'une contrainte importante qui limite la possibilité pour les sociétés de leasing d'exercer leur pouvoir de négociation lorsque la concurrence sur le marché est insuffisante, étant donné qu'elles ne peuvent pas se permettre de prendre le risque de se retrouver avec des stocks de produits impopulaires.
Cette analyse est confirmée par l'avis du groupe GPA établi en Irlande, qui est la plus grande société de leasing aéronautique au monde. GPA a acheté uniquement des avions de transport régional ATR et de Havilland, en partie par l'intermédiaire d'une entreprise commune dans laquelle ATR détient une participation de 25 %. La décision d'acheter ces avions a été fondée sur la constatation qu'ils comptaient parmi les avions les plus populaires sur le marché. GPA a considéré qu'ils constitueraient un produit de leasing attrayant pour de très nombreux clients, étant donné qu'ils faisaient partie d'une famille d'avions et en raison de leurs qualités techniques, de leur caractère innovateur et de leur service après-vente.
Par conséquent, les sociétés de leasing pourraient difficilement passer à d'autres constructeurs sans risquer de se retrouver avec des stocks d'invendus. Les produits de ces autres constructeurs ne sont pas aussi populaires et seraient plus difficiles à placer. La concentration envisagée réduit donc considérablement le choix des sociétés de leasing et on peut craindre qu'elle ne conduise à une situation dans laquelle elles dépendraient dans une certaine mesure d'ATR/de Havilland.
(48) Les réponses des clients à l'enquête de la Commission semblent indiquer que la plupart des compagnies aériennes établies considèrent qu'il est difficile d'estimer l'impact de la concentration envisagée sur les conditions générales de la concurrence à partir des informations dont ils disposent. La moitié d'entre eux déclarent qu'il n'y aura pas d'incidence directe sur leurs compagnies car ils sont déjà liés à un constructeur d'avions de transport régional et qu'ils n'ont donc pas l'intention, ni même une possibilité réaliste, de passer à un autre. Certaines de ces compagnies aériennes ont déjà passé leurs commandes pour couvrir leurs besoins à moyen terme et d'autres n'anticipent pas leurs commandes futures. 25 % des compagnies aériennes ayant répondu ont néanmoins exprimé de graves préoccupations quant à la réduction de leur choix et l'élimination de la concurrence qui, à leur avis, résulteraient directement de la concentration.
Les effets négatifs de la concentration envisagée sur la clientèle apparaîtraient donc seulement avec le temps pour les compagnies aériennes qui sont déjà établies. L'impact serait immédiat pour les compagnies aériennes qui entreront sur le marché à l'avenir, en particulier à la suite de la déréglementation du transport aérien dans la Communauté.
(49) Même si, d'une façon générale, les clients souhaitaient se tourner dans une mesure significative vers des concurrents d'ATR/de Havilland, les possibilités sont limitées, étant donné que, selon les estimations, en moyenne, chaque concurrent ne pourrait augmenter sa capacité de production que de quelque 15 à 20 % en un ou deux ans, ce qui représente moins de 10 % de la capacité de production mondiale actuelle d'avions de transport régional.
(50) Les parties avancent l'argument qu'à l'avenir les clients auront peut-être la possibilité d'acquérir des avions d'occasion qui entreront dans une certaine mesure en concurrence avec les avions neufs.
On ne saurait considérer que les avions d'occasion entreront sérieusement en concurrence avec les appareils neufs, même à long terme. Comme les parties l'ont indiqué, actuellement, il n'existe pas de marché significatif des avions d'occasion. Elles ont déclaré également que les avions anciens qui sont remplacés par des neufs sont utilisés pour couvrir des besoins secondaires comme le transport de fret et le transport postal qui représentent un type de demande tout à fait différent de la demande pour le transport de passagers. Par conséquent, le marché des avions d'occasion constitue sans doute un marché différent de celui des avions neufs.
D. Résumé des effets de la concentration proposée sur les marchés des avions de transport régional
(51) A la suite de la concentration envisagée, l'entité combinée ATR/de Havilland occupera une position très forte sur les marchés des avions de transport régional de 40 sièges et plus et sur l'ensemble du marché des avions de transport régional, tant dans le monde que dans la Communauté. Les concurrents sur ces marchés sont relativement faibles. Le pouvoir de négociation des clients est limité. La combinaison de ces facteurs conduit à la conclusion que la nouvelle entité pourrait agir dans une mesure significative indépendamment de ses concurrents et de ses clients, et qu'elle détiendrait donc une position dominante sur les marchés des avions de transport régional tels qu'ils ont été définis.
(52) La concentration envisagée créerait une position dominante même si l'on considérait qu'il est exact, comme l'ont soutenu les parties, que le marché des produits de référence est le marché global des avions de 20 à 70 sièges.
ATR porterait sa part de ce marché de 29 à 50 % au niveau mondial et de 49 à 65 % dans la Communauté. Les effets de ce renforcement de la position d'ATR en termes d'accroissement de la part de marché, de couverture de toute la gamme des avions de transport régional et d'élargissement de la clientèle seraient les mêmes sur ce plus grand marché que ceux qui ont été décrits pour les marchés des 40 à 59 sièges et des 60 sièges et plus.
De plus, le pouvoir de marché d'ATR/de Havilland dans un marché global d'avions de transport régional serait même plus fort que celui qui est reflété dans les parts de marché. Sur le marché global des avions de transport régional, il y a lieu d'identifier une tendance générale vers des avions plus grands, en particulier dans la Communauté [comme expliqué au considérant (28)]. Les segments plus élevés revêtent dès lors une importance stratégique dans l'ensemble du marché tant actuellement qu'à l'avenir. L'évaluation du pouvoir de marché doit refléter cette dynamique du marché et prendre en compte le fait qu'un concurrent est particulièrement fort dans les parties stratégiques du marché global. La position extrêmement forte que détiendraient ATR/de Havilland dans les segments supérieurs combinée avec les autres facteurs structurels décrits ci-dessus amènent à conclure qu'une position dominante serait créée également sur l'ensemble du marché des avions de 20 à 70 sièges.
E. Entrée potentielle sur le marché
(53) D'une manière générale, une concentration qui conduit à la création d'une position dominante peut toutefois être compatible avec le Marché commun au sens de l'article 2 paragraphe 2 du règlement sur les concentrations lorsque tout indique que cette position n'est que temporaire et qu'elle s'érodera rapidement en raison de l'entrée très probable de concurrents puissants sur le marché. Avec ces nouveaux entrants, la position dominante ne semble pas devoir entraver de manière significative la concurrence effective au sens de l'article 2 paragraphe 3 du règlement sur les concentrations. Pour apprécier si la position dominante d'ATR/de Havilland est susceptible d'entraver la concurrence effective de manière significative, il faut donc examiner si l'entrée de nouveaux concurrents sur le marché est probable.
(54) Pour apprécier l'attrait théorique que peut présenter le marché des avions de transport régional pour un nouveau concurrent, il faut prendre en considération la demande prévisible et les considérations de temps et de coût.
Selon les chiffres des parties, les potentialités totales du marché pour les avions de transport régional de 20 à 70 sièges au cours des vingt prochaines années sont estimées à environ [...] unités, y compris un arriéré d'environ 700 unités. On s'attend à ce que la demande se maintienne à son niveau actuel seulement jusqu'au milieu des années 1990, pour décliner et se stabiliser ensuite. A partir du milieu des années 1990, le niveau annuel moyen de la demande pourrait alors être estimé à environ [...] (14) unités contre environ [...] actuellement.
Il s'ensuit que, en termes d'augmentation des livraisons annuelles, le marché semble déjà arrivé à maturité.
(55) Même pour une société exerçant son activité dans un secteur connexe mais qui ne serait pas encore présente sur le marché des avions de transport régional - en pratique, il ne pourrait sans doute s'agir que de constructeurs de gros avions à réaction -, le développement d'un nouvel avion de transport régional à partir de zéro coûterait extrêmement cher. Selon l'étude présentée par les parties, l'entrée sur le marché des avions de transport régional impose au départ des coûts irrécupérables élevés et de longs délais pour concevoir l'appareil, le tester et obtenir les autorisations nécessaires pour pouvoir le vendre. Ces éléments sont importants pour plusieurs raisons. Le point essentiel est que, compte tenu du niveau élevé des coûts fixes et des coûts irrécupérables à l'entrée dans le secteur, les marchés ne seront viables que pour un petit nombre de constructeurs. De plus, une fois qu'un constructeur est engagé dans la conception et la production d'un avion, toute adaptation de cette conception et de cette production à des changements imprévus de la demande coûte extrêmement cher et demande beaucoup de temps. Parmi les éléments critiques de la conception d'un avion, on peut citer sa taille, son poids, les spécifications des moteurs et le poids utile correspondant, sa consommation et son autonomie. L'importance des coûts de développement initiaux irrécupérables représente un risque considérable lié à un engagement financier pour un avion déterminé. Si le constructeur se trompe dans la conception de l'appareil, ces frais initiaux ne peuvent pas être recouvrés.
En termes de temps, selon l'étude, il faut approximativement deux à trois années d'étude du marché pour déterminer quel est l'avion qui répond aux besoins prévus du marché. Cela implique qu'il faut prévoir les évolutions technologiques dans le domaine de l'aéronautique ainsi que l'évolution future du marché. Entre le stade de la recherche et du développement et celui de la production et de la livraison de l'avion, il faut sans doute encore compter quatre années supplémentaires. On arrive ainsi à un total de six à sept années, sans tenir compte du temps éventuellement nécessaire pour construire ou acquérir les usines dans lesquelles l'appareil sera construit.
La conclusion de l'étude est qu'il est certain que, lorsqu'un constructeur a mis un avion sur le marché avec succès, l'existence de coûts fixes élevés à l'entrée sur ce marché dissuade dans une large mesure les autres constructeurs d'y entrer.
(56) Il résulte de ce qui précède qu'un nouveau concurrent qui entre sur le marché, serait confronté à un risque élevé. De plus, compte tenu du temps nécessaire pour développer un nouvel avion et de l'évolution prévisible du marché décrite plus haut, un nouveau constructeur peut arriver trop tard sur le marché pour profiter de la période prévue de demande relativement forte. Au stade actuel, toute nouvelle entrée sur le marché ne pourrait se produire que lorsque celui-ci aura baissé par rapport à son niveau actuel et se sera stabilisé. Par conséquent, on peut douter qu'un nouvel entrant puisse vendre suffisamment pour atteindre le seuil de rentabilité, étant donné que même les concurrents actuels ne l'ont pas encore atteint dans leurs cycles de production.
(57) Pour ces raisons, la Commission considère qu'il ne serait pas économiquement rationnel d'entrer maintenant sur le marché des avions de transport régional. Les parties admettent ce point de vue. Elles estiment toutefois que certains nouveaux pays industrialisés seraient néanmoins disposés à soutenir le développement d'une industrie aéronautique locale qui construirait des avions de transport régional. Même si, à terme, une telle industrie était créée de la manière indiquée par les parties, il est peu probable qu'elle puisse s'imposer sur les marchés internationaux. De toute façon, une possibilité aussi incertaine ne permettrait en aucun cas de conclure que la position dominante d'ATR de Havilland n'est que temporaire.
De plus, en ce qui concerne l'arrivée de nouveaux concurrents sur le marché dans un avenir prévisible, mis à part ceux qui sont examinés ci-après, on n'a connaissance d'aucun programme de développement d'une entreprise qui ne soit pas encore sur le marché. Tous les concurrents contactés considèrent l'entrée d'un nouveau concurrent sur le marché comme improbable étant donné que, en raison de la structure actuelle de celui-ci, le niveau des coûts de développement est tout à fait disproportionné par rapport à la rentabilité qui pourrait être atteinte.
(58) Les parties citent Aero Czechoslovak Aeronautical Works (ACAW) comme constructeur qui pourrait entrer sur le marché de référence avec son avion à turbopropulseurs de 40 sièges, le LET 610, dans les cinq prochaines années. Cet avion a été conçu pour répondre aux besoins des marchés de l'Union soviétique et des autres pays de l'ancien Comecon. Il est dans sa phase de développement depuis 1977 et n'en est actuellement qu'au stade des essais du prototype. En 1989, la décision de principe a été prise de mettre au point une version qui répondrait aux exigences de certification occidentales, et l'entreprise envisage d'équiper cette variante de moteurs de General Electric. Toutefois, il sera sans doute difficile à ACAW d'entrer sur les marchés de référence sans partenaire établi sur ces marchés, étant donné qu'il ne sera peut-être pas en mesure de créer seul les installations de maintenance et de service après-vente nécessaires. En outre, la fiabilité du LET 610 n'est pas démontrée, étant donné qu'il n'a pas encore volé et que ACAW n'a aucune expérience dans les marchés des avions de transport régional concernés par la concentration envisagée. Il sera difficile à ACAW d'acquérir la crédibilité nécessaire pour que les compagnies aériennes occidentales envisagent sérieusement d'évaluer son avion.
Ce constructeur n'est donc pas réellement considéré comme un concurrent potentiel ou, en d'autres termes, s'il devait entrer sur le marché, il ne jouerait pas de rôle significatif dans un avenir prévisible.
(59) Les parties citent également la société indonésienne Industri Pesawat Terbang Nusantara (IPTN) comme constructeur susceptible d'entrer sur le marché occidental des avions de transport régional avec son avion à turbopropulseurs N250 de 50 sièges. IPTN a collaboré avec Casa au développement du CN235, mais jusqu'à présent il n'a pas encore développé lui-même d'avion de transport régional. Les premiers plans du N250 ont été dessinés en 1987 et il ne devrait obtenir sa première certification qu'en 1996 au plus tôt. Cet avion devrait connaître un certain succès en Indonésie où il existe une demande potentielle qui est estimée à 400 avions pour les vingt prochaines années. Peut-être IPTN pourra-t-il vendre également dans une certaine mesure en dehors de l'Indonésie. De telles ventes dépendraient toutefois de la condition qu'IPTN établisse la fiabilité du nouvel avion, ce qui prendrait plusieurs années après la certification.
Vues dans ce contexte, des ventes en dehors de l'Indonésie ne sont que de nature spéculative, et elles ne se produiraient pas dans un délai qui permettrait à IPTN d'être pris en compte comme un important concurrent potentiel au titre du règlement sur les concentrations.
(60) Les parties mentionnent également l'Ilyushin 114 qui a été développé pour l'Union soviétique et les pays de l'ancien Comecon. Les premières livraisons de cet appareil sont prévues en 1992 et sont destinées à l'Aeroflot. Les parties indiquent que cet appareil ne sera pas un concurrent en Europe ni en Amérique du Nord. Cette analyse semble correcte. L'Ilyushin 114 est surtout important parce qu'il constituera à l'avenir le principal avion (peut-être avec celui d'ACAW) du monde oriental.
(61) Boeing, qui vend de Havilland, a déclaré en réponse à une question précise qu'il n'a pas l'intention de revenir sur le marché des avions à turbopropulseurs et qu'il concentrera ses activités sur les avions à réaction et sur les hélicoptères. Son expérience avec de Havilland a montré qu'il n'existe pas de synergies significatives entre la construction d'avions à réaction et la construction d'avions à turbopropulseurs. Les parties déclarent que la décision de Boeing de vendre de Havilland est fondée sur la constatation que, dans le domaine civil, le lien entre les avions de transport régional et les gros porteurs est plus faible que prévu.
Rien n'indique que McDonnell Douglas ou Lockheed, qui sont les autres grands constructeurs américains d'avions à réaction, aient l'intention d'entrer sur les marchés des avions à turbopropulseurs. Même au cours de la période de forte croissance des marchés d'Amérique du Nord au début des années 1980, ils n'y sont pas entrés.
(62) Actuellement, il n'existe pas de constructeur japonais d'avions de transport régional. De plus, les Japonais sont en grande partie absents de l'industrie aéronautique en général, en particulier à cause d'un traité signé après la guerre qui leur interdit la production et l'exportation d'avions jusqu'en 1995. Par conséquent, il est possible qu'à l'avenir les constructeurs japonais soient désireux de jouer un certain rôle dans l'industrie aéronautique. Toutefois, on peut se demander s'ils choisiraient le marché des avions de transport régional, étant donné qu'il semble ne pas présenter d'intérêt stratégique ni technique dans le cadre de l'industrie aéronautique en général et compte tenu des risques de non-rentabilité exposés ci-dessus. La Commission considère donc qu'il n'existe pas d'entrant potentiel japonais identifiable.
Evaluation de la possibilité de nouvelles entrées sur le marché
(63) Il s'ensuit que l'on ne doit pas réellement s'attendre à une concurrence potentielle significative sur les marchés des avions de transport régional dans un avenir prévisible.
Les parties soutiennent que les marchés des avions de transport régional sont instables en se fondant sur le fait que, au début des années 1980, Fokker et British Aerospace avaient des parts de marché élevées et que cela n'a pas empêché l'entrée de concurrents importants sur le marché, notamment d'ATR.
Le fait que la structure du marché se soit modifiée entre le début des années 1980 et le début des années 1990 ne prouve pas que ces marchés soient instables. La situation au début des années 1980 était très différente de ce qu'elle est actuellement.
Au début des années 1980, les marchés se caractérisaient par les facteurs suivants:
- le nombre de concurrents sur les marchés était très faible. Sur le marché des petits avions de transport régional de 20 à 39 sièges, il n'y avait que Shorts et, sur celui des 40 à 59 sièges, il n'y avait que Fokker, British Aerospace et, dans une faible mesure, de Havilland,
- les avions sur les marchés et en particulier ceux de Fokker et de British Aerospace étaient des produits très anciens, voire obsolètes. Les marchés étaient mûrs pour l'introduction de nouveaux avions plus performants,
- les prévisions montraient qu'il fallait s'attendre à une forte croissance sur les marchés au cours des dix années suivantes à la suite de la dérégulation en Amérique du Nord. Ces prévisions se sont révélées exactes,
- les marchés étaient donc attrayants pour les nouveaux entrants et il était normal qu'il y ait de nouvelles entrées.
En revanche, au début des années 1990, les marchés se caractérisent par les facteurs suivants:
- au total, il y a déjà huit concurrents sur les marchés. Les avions disponibles sont tous basés sur la technologie moderne, qui répond aux exigences les plus strictes de la clientèle à cet égard pour l'avenir prévisible,
- comme indiqué plus haut, les prévisions actuelles montrent que les marchés approchent de la maturité et que, à partir du milieu des années 1990, ils déclineront pour ensuite se stabiliser,
- par conséquent, les marchés ne sont pas attrayants pour les nouveaux entrants, et il ne serait pas sage d'y entrer actuellement. On s'attend plutôt à ce que certains des concurrents actuels se retirent.
(64) La Commission considère donc qu'une modification de la structure du marché comme celle qui est survenue dans les années 1980 ne semble pas devoir se produire à nouveau dans les années 1990. De plus, la possibilité de nouvelles entrées sur le marché serait encore réduite si la concentration envisagée se réalisait.
F. Autres considérations générales
(65) Les parties déclarent que l'un des objectifs qu'elles poursuivent en acquérant de Havilland est de réduire leurs coûts. Les économies de coûts potentielles résultant de la concentration qui ont été identifiées s'élèvent à seulement quelque 5 millions d'écus par an. Selon les estimations des consultants économiques des parties, ces économies de coûts pour l'entité combinée proviendraient d'une rationalisation de l'achat des pièces détachées, du marketing et du service après-vente.
Sans se prononcer sur la pertinence de ces considérations aux fins de l'appréciation au regard de l'article 2 du règlement sur les concentrations, on peut dire que ces économies de coûts auraient un impact négligeable sur le fonctionnement global d'ATR/de Havilland, puisqu'elles ne représenteraient qu'environ 0,5 % du chiffre d'affaires combiné. Les parties ont identifié (mais sans les quantifier) des économies de coûts qui pourraient résulter d'une meilleure gestion de certains aspects du fonctionnement interne de de Havilland. Ces économies de coûts ne résulteraient pas de la concentration en elle-même, mais pourraient être réalisées par le propriétaire actuel de de Havilland ou par n'importe quel autre acquéreur potentiel.
(66) Les parties n'ont pas avancé l'argument que la combinaison des activités de recherche et de développement d'ATR et de de Havilland permettrait de réaliser des économies de coûts. Cela est conforme aux engagements pris vis-à-vis des autorités canadiennes de maintenir de Havilland en tant que constructeur aéronautique remplissant toutes les fonctions liées à cette activité.
(67) La situation actuelle d'ATR dans le secteur est économiquement saine. Compte tenu du niveau relativement élevé des coûts initiaux de développement d'un nouvel avion, il est normal pour un constructeur de ce secteur d'être déficitaire dans les premières années d'un programme. Il lui faut un certain temps avant d'atteindre un niveau de ventes suffisant pour amortir ses coûts de développement. [...] (15).
Etant donné qu'ATR a également établi une excellente position sur le marché aini qu'une organisation efficace de la production, il n'a pas besoin d'obtenir par voie d'acquisition un accroissement de capacité ou de parts de marché pour garantir sa réussite à long terme en tant que grand constructeur d'avions de transport régional au niveau mondial.
(68) Les parties ont déclaré que, en acquérant de Havilland, elles s'assureront un avantage concurrentiel (qui n'a pas été quantifié) du fait que, en produisant dans une zone dollar, le risque de fluctuations monétaires sera réduit. Toutefois, pour la gamme de produits ATR, cela ne sera vrai que dans la mesure où la production pourra être transférée d'Europe en Amérique du Nord.
S'il est vrai que le fait de disposer d'une base de production dans la zone dollar peut présenter certains avantages, il convient d'observer qu'aucun concurrent autre que de Havilland ne dispose d'une telle base. En réalité, il est douteux que la production d'avions ATR puisse être transférée au Canada dans une mesure significative.
(69) Pour ces raisons, la Commission ne considère pas que la concentration envisagée contribuerait au développement du progrès technique et économique au sens de l'article 2 paragraphe 1 point b) du règlement sur les concentrations. Même s'il y avait un tel développement, il ne serait pas à l'avantage des utilisateurs.
Les utilisateurs seront confrontés à une position dominante qui combine les familles d'avions les plus populaires sur le marché. Le choix sera considérablement réduit. Il existe un risque sérieux que dans un avenir prévisible, la position dominante d'ATR/de Havilland se transforme en une position de monopole.
Tant British Aerospace que Fokker, les deux principaux concurrents sur les marchés des 40 sièges et plus, ont déclaré que la concentration compromettrait sérieusement la survie de l'ATP et du Fokker 50. Ils s'attendent à ce que, une fois la concentration envisagée réalisée, la stratégie d'ATR/de Havilland consistera à baisser les prix dans un premier temps de manière à éliminer la concurrence, au moins sur les marchés clés des 40 sièges et plus.
Ni Fokker ni British Aerospace ne se considèrent en mesure de soutenir une telle guerre des prix. Par conséquent, ils se retireraient tous les deux de ces marchés.
En appréciant ces déclarations, il est remarqué qu'une telle conduite pourrait être économiquement rationnelle; en effet, à la suite de la concentration envisagée, ATR/de Havilland dépasserait en termes de part de marché le seuil au-delà duquel une telle politique des prix serait probable étant donné qu'elle constituerait la meilleure stratégie de maximalisation du profit.
Après avoir établi une position de monopole, ATR/de Havilland serait en mesure d'augmenter les prix sans que la concurrence puisse le freiner en aucune façon.
(70) Dans cette perspective, la concentration envisagée deviendrait même de plus en plus néfaste pour la clientèle au fur et à mesure que la position dominante se transformerait en monopole. Une majoration des prix des avions de transport régional a un impact relativement important sur les compagnies aériennes régionales, étant donné que le prix des avions représente quelque 30 à 40 % de leurs frais de fonctionnement totaux.
(71) La concentration envisagée aurait également des effets négatifs sur le marché voisin des avions à réaction de 100 sièges. Le BAe 146 à réaction de British Aerospace est construit dans la même usine que l'ATP de transport régional, de telle sorte que les frais fixes sont répartis sur les deux avions. Une interdépendance similaire existe entre le Fokker F100 à réaction et le Fokker 50 de transport régional. Par conséquent, si ces deux entreprises arrêtent leur production d'avions de transport régional, elles seront moins compétitives sur le marché des avions à réaction de 100 sièges où elles doivent déjà faire face à une vive concurrence de la part du Boeing 737.
V. CONCLUSION
(72) Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission considère que la concentration envisagée conduirait à une situation qui permettrait à l'entité combinée ATR/de Havilland d'agir dans une mesure significative indépendamment de ses concurrents et de sa clientèle sur les marchés mondiaux tels qu'ils ont été définis pour les avions de transport régional de 40 à 59 sièges et de 60 sièges et plus. Par conséquent, la concentration envisagée crée une position dominante sur les marchés mondiaux. De plus, selon l'analyse ci-dessus, cette position dominante n'est pas seulement temporaire, et elle entravera donc la concurrence effective de manière significative. La Commission considère qu'une telle position dominante est créée également même si le marché des produits de référence est le marché global des 20 à 70 sièges.
Les conditions de concurrence sur les marchés des avions de transport régional dans la Communauté ne sont pas très différentes de celles existant sur les marchés mondiaux. Les parts de marché de la nouvelle entité seraient similaires au niveau mondial et au niveau de la Communauté pour les avions de transport régional de 60 sièges et plus, et même plus élevées sur le Marché communautaire que sur le marché mondial pour les avions de transport régional de 40 à 59 sièges. Ces marchés sont aussi relativement plus importants dans la Communauté que dans le reste du monde. En ce qui concerne le marché global des 20 à 70 sièges, les parts de marché de la nouvelle entité seraient plus élevées dans la Communauté que dans le reste du monde. Par conséquent, la Commission considère que la concentration envisagée crée une position dominante qui entrave de manière significative la concurrence effective dans le Marché commun au sens de l'article 2 paragraphe 3 du règlement sur les concentrations,
A ARRETE LA PRESENTE DECISION:
Article premier
La concentration envisagée entre Aérospatiale et Alenia, d'une part, et de Havilland, d'autre part, est déclarée incompatible avec le Marché commun.
Article 2
Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:
Aérospatiale SNI, 37, boulevard de Montmorency, F-75781 Paris Cedex 76
et
Alenia-Aeritalia & Selenia SpA, P. le V. Tecchio 51/a, I-80125 Napoli.
(1) JO n° L 395 du 30. 12. 1989, p. 1, version rectifiée: JO n° L 257 du 21. 9. 1990, p. 13.
(2) JO n° C 314 du 5. 12. 1991, p. 7.
(3) Dans un éventail compris entre 6 millions et 13 millions de dollars des Etats-Unis. Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 17 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064-89 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.
(4) Comparaison du seuil de rentabilité.
(5) Aérospatiale, Strategic Planning Division, 1990-2009, Regional Transport Market Forecast.
(6) Les coûts d'exploitation directs d'un vol moyen comprennent l'amortissement, l'assurance, le carburant, le personnel du poste de pilotage, le personnel de cabine, l'entretien et les droits d'atterrissage.
(7) Si le coût d'un vol de l'ATR 72 est fixé à 100, le coût de deux vols d'un Saab 340 serait de [...].
(8) L'analyse a porté sur les commandes totales au 31 août 1991. La Commission a obtenu de tous les constructeurs des informations complètes sur le volume des commandes, des fournitures et des options. Ces chiffres ont été utilisés dans les calculs des parts de marché; ils s'écartent légèrement des estimations fournies par les parties.
(9) Les parts de marché, pour tous les appareils de plus de 40 sièges considérés comme constituant un seul marché plutôt que deux par une minorité des répondants à l'enquête de la Commission, sont les suivantes: (en %)
(10) Les chiffres de parts de marché ne varient pas de manière significative si les options sont prises en compte, converties pour tous les avions sur la base des taux élevés réalisés pour le programme réussi d'ATR dans le passé. Les chiffres établis sur cette base sont les suivants:
- monde: ATR + DHC = 47 % (concurrent le plus proche, Saab: 21 %),
- CEE: ATR + DHC = 66 % (concurrent le plus proche, Fokker: 12 %).
Si les chiffres sont calculés alternativement sur la base des prix de catalogue pour chaque avion au lieu d'une pondération par sièges, les chiffres établis sur la base des commandes fermes sont les suivants: - monde: ATR + DHC = 47 % (concurrent le plus proche, Saab: 20 %),
- CEE: ATR + DHC = 64 % (concurrent le plus proche, Fokker: 13 %). Les chiffres établis sur la base des prix catalogue, et prenant également en compte les options, sont les suivants:
- monde: ATR + DHC = 44 % (concurrent le plus proche, Saab: 23 %),
- CEE: ATR + DHC = 64 % (concurrent le plus proche, Fokker: 13 %). [...]
(11) Boeing a actuellement suspendu ce programme de façon à donner à l'acquéreur de de Havilland la possibilité de conduire sa propre analyse de programme pour déterminer l'action à mener après la vente.
(12) Analyse de la position financière de de Havilland.
(13) Presque tous.
(14) Beaucoup plus bas: environ les deux tiers du niveau actuel.
(15) Prévisions financières pour ATR.