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Décisions

CCE, 24 juillet 1991, n° 92-163

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Tetra Pak II

CCE n° 92-163

24 juillet 1991

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3 et son article 15 paragraphe 2, vu la demande introduite auprès de la Commission, le 27 septembre 1983, par Elopak Italia SRL à Milan, Italie, et tendant à faire constater conformément à l'article 3 du règlement n° 17 que Tetra Pak Italiana à Modène, Italie, et ses sociétés associées ont enfreint l'article 86 du traité, vu la décision prise par la Commission, le 9 décembre 1988, d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné à l'entreprise concernée l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :

A. LES FAITS

I. Le groupe Tetra Pak

(1) Le groupe Tetra Pak (Tetra Pak) est un des leaders mondiaux dans le secteur du conditionnement en carton de liquides et semi-liquides alimentaires. Le groupe opère tant dans le secteur du conditionnement non aseptique des produits frais que dans celui du conditionnement aseptique des produits de longue conservation, où il détient un quasi-monopole.

Originellement suédois, le groupe Tetra Pak a acquis une dimension et des intérêts mondiaux. Son chiffre d'affaires consolidé s'élevait à 2 milliards d'écus en 1985, à 2,4 milliards d'écus en 1987 et à 3,6 milliards environ en 1990. 90 % environ du chiffre d'affaires du groupe sont réalisés sur les marchés des cartons et les 10 % restants sur ceux des machines d'emballage et des activités connexes. La part de la Communauté économique européenne (CEE) dans ce chiffre d'affaires s'élève à un peu plus de 50 %. C'est Tetra Pak International SA (anciennement Tetra Pak Rausing SA , localisée à Pully en Suisse, qui est actuellement responsable de la coordination de la politique du groupe dont les sociétés se répartissent dans le monde entier.

(2) Les premières opérations commerciales de Tetra Pak en Italie - pays originellement concerné par la plainte d'Elopak - remontent à 1955. En 1965 fut ouverte une première unite de production de cartons et en 1980, une usine d'assemblage de machines. L'Italie est un des pays, sinon le pays de la Communauté, où l'implantation de Tetra Pak est la plus forte. Le chiffre d'affaires consolidé des sept sociétés italiennes du groupe s'élevait en 1987 à 204 millions d'écus.

II. La plainte d'Elopak

1. Le groupe Elopak

(3) Le groupe Elopak (Elopak) est le principal concurrent de Tetra Pak dans le secteur du conditionnement en carton des liquides alimentaires frais, mais ses activités ne s'étendent, jusqu'à présent, pas au secteur aseptique.

Créé en 1957, Elopak est un groupe norvégien. On peut estimer que le rapport des chiffres d'affaires entre Tetra Pak et Elopak était de l'ordre de 7,5 à 1 en 1987 (chiffre d'affaires mondial consolidé d'environ 320 millions d'écus pour Elopak).

(4) Elopak opère en Italie par l'intermédiaire d'une filiale, Elopak Italia (Milan), fondée en 1969. Celle-ci ne produit pas sur place mais importe ses cartons d'autres filiales du groupe. Une unité de production avait, en fait, été construite à Pise en 1982 mais, compte tenu de l'évolution défavorable des activités d'Elopak en Italie, la production de cartons n'y a jamais démarré et les bâtiments furent vendus en 1987.

2. La plainte

(5) Le 27 septembre 1983, Elopak Italia déposait plainte auprès de la Commission contre Tetra Pak Italiana et ses sociétés associées en Italie.

Le groupe estimait que, dans les années écoulées, Tetra Pak avait cherché à réduire la capacité concurrentielle d'Elopak en Italie par la poursuite de pratiques commerciales qui, pour une entreprise en position dominante, devaient être considérées comme des abus.

Ces pratiques résidaient essentiellement, selon Elopak, dans la vente d'un certain type de cartons [les cartons "Rex" (3)] à des prix prédatoires, l'imposition de conditions déloyales à la fourniture de machines de remplissage de ces cartons et, dans certains cas, la vente de ce matériel à des prix prédatoires également. Elopak dénonçait enfin des manœuvres visant à l'exclure de certains supports publicitaires.

Les différents éléments de la plainte d'Elopak ont fait l'objet d'un exposé détaillé dans la communication des griefs (4) (pages 3 à 7).

III. Les marchés et les produits (5)

1. Le conditionnement des liquides alimentaires

(6) Si le carton peut, en principe, convenir au conditionnement de liquides et semi-liquides alimentaires divers, il est, en fait, selon les dernières données disponibles (1987) , utilisé à 79 % environ pour l'emballage du lait (72 %) et des autres produits laitiers liquides (7 %) et à 16 % environ pour celui des jus de fruits, le conditionnement d'autres produits alimentaires - vin, eaux minérales, produits à base de tomates, soupes, sauces et aliments pour bébés - ne représentant donc globalement que 5 % environ de l'utilisation des cartons. A l'époque de la plainte, le carton était utilisé à raison de 90 % environ pour le conditionnement du lait et des produits laitiers.

(7) Essentiellement destiné au conditionnement du lait, le carton constitue également le type d'emballage actuellement le plus utilisé pour ce produit : on estime que plus de 60 % du lait dans la Communauté est vendu dans des conditionnements en carton et que ce pourcentage va grandissant. Les autres matériaux d'emballage rencontrés pour le lait se limitent pratiquement aux bouteilles en verre et aux bouteilles en plastique. Si des différences assez importantes existent à cet égard d'un pays à l'autre, elles sont dues essentiellement à des différences de sensibilité chez les consommateurs.

L'utilisation du carton pour le conditionnement des jus de fruits s'est également - mais beaucoup plus récemment - largement généralisée. On estime que 50 % environ des jus de fruits consommés dans la Communauté sont maintenant conditionnés dans des cartons (contre environ 34 % dans des bouteilles en verre et environ 13 % dans des bouteilles en plastique). Cette utilisation ne représente toutefois qu'une part relativement réduite [environ 16 % : voir le considérant (6) ci-dessus] - et qui paraît se stabiliser - du marché de ce type d'emballage.

Pour les autres liquides cités au considérant (6), l'utilisation de carton comme matériau de conditionnement reste marginale. Elle est cependant vraisemblablement destinée à s'intensifier dans le futur, au rythme de l'évolution des habitudes de consommation.

2. Le conditionnement du lait

(8) Le lait est essentiellement vendu sous forme pasteurisée (lait frais) ou après traitement à ultra haute température sous conditions aseptiques (lait UHT) , lequel permet d'arriver à une période de conservation de plusieurs mois en milieu non réfrigéré (6).

(9) A ces deux techniques de traitement du lait correspondent des techniques et des matériaux de conditionnement différents. Les produits qui en dérivent (cartons et machines d'emballage) forment à leur tour des marchés distincts, en ce sens que leur élasticité de substitution par rapport aux prix est faible et cela, tout à la fois, en raison du caractère marginal du conditionnement dans le prix de revient total du produit conditionné (7), de la spécificité des différents type d'emballage aux yeux du consommateur et des rigidités rencontrées du côté de l'offre (8).

(10) Les cartons utilisés pour l'emballage du lait frais sont généralement des cartons de type "Gable Top": de forme allongée, ils peuvent être saisis par l'arête qui en forme le sommet, laquelle peut, par ailleurs, s'ouvrir en forme de bec verseur. Les cartons utilisés pour l'emballage du lait UHT sont essentiellement des cartons de type "Brik" : en forme de brique, ils sont constitués d'un carton plus fin mais qui est doublé d'une feuille d'aluminium.

3. Les marchés et les concurrents

(11) Il faut, au niveau du conditionnement en carton des liquides et semi-liquides alimentaires, distinguer quatre marchés :

a) le marché des machines incorporant une technologie de stérilisation des cartons et permettant le conditionnement dans ces cartons, sous conditions aseptiques, de liquides (9) alimentaires traités selon le procédé UHT

et

b) le marché correspondant des cartons d'emballage ;

c) le marché distinct mais voisin des machines permettant le conditionnement en cartons de liquides alimentaires frais parallèlement

et

d) le marché correspondant des cartons d'emballage.

Pour la facilité, les deux premiers marchés seront par la suite identifiés sous les termes "secteur aseptique" et les deux derniers sous les termes "secteur non aseptique".

(12) La structure du secteur aseptique dans la Communauté est quasi monopolistique, Tetra Pak occupant environ 90 à 95 % de ce secteur (10).

Le seul concurrent réel de Tetra Pak dans le secteur aseptique est PKL - contrôlé par une société suisse, la SIG (Société industrielle générale) - qui détient la quasi-totalité des parts de marché restantes, soit environ 5 à 10 %.

(13) La structure du secteur non aseptique dans la Communauté est plus ouverte mais reste oligopolistique. Ici également, Tetra Pak s'est hissé à la première place et occupe actuellement 50 à 55 % environ du secteur.

Le principal concurrent de Tetra Pak dans le secteur non aseptique est Elopak qui détenait, en 1985, 27 % environ des parts de marché suivi de PKL avec plus ou moins 11 % (11).

Le reste du secteur - soit environ 12 % - était alors pratiquement partagé, pour ce qui concerne les cartons, entre trois sociétés qui ont noms Schouw Packing (Danemark, + ou - 17 %) (12), Mono-Emballage/Scalpak (France/Pays-Bas, + ou - 2,5 %) et Van Mierlo (Belgique, + ou - 0,5 %). Ces sociétés, dont le marché reste concentré dans un ou quelques pays, fabriquent leurs popres cartons mais généralement sous licence [Ex-Cell-O (13) , Nimco, Sealright...], et, pour les machines, n'agissent qu'en tant que distributeurs.

Sur ce dernier marché des machines non aseptiques, les quelque 13 % laissés dans la Communauté par Tetra Pak, Elopak et PKL étaient partagés entre une dizaine de petits producteurs dont les principaux sont Nimco (Etats-Unis d'Amérique, + ou - 4 %), Cherry Burrel (Etats-Unis d'Amérique, + ou - 2,5 %), et Shikoku (Japon, + ou - 1 %). Encore convient-il de noter que Tetra Pak, Elopak et PKL agissent également comme distributeurs - occasionnels ou non - de ces derniers producteurs.

Si, pour des raisons d'ordre technologique notamment (14), l'accès au secteur du conditionnement aseptique demeure malaisé - bien que les tentatives d'y pénétrer soient nombreuses (15) - pour un producteur implanté dans le secteur non aseptique, il sera, par contre, relativement facile pour un producteur venant du secteur aseptique de pénétrer le secteur non aseptique du conditionnement des liquides alimentaires frais.

4. Les produits

4.1. Les cartons

(14) Originellement Tetra Pak a mis au point le procédé de l'emballage en continu (form-fill-seal) au travers de ses cartons "Tétrahédron" (de forme tétrahédrique comme l'indique le nom) (1952), mais l'essor véritable de cette technique s'est fait par l'utilisation de cartons Brik (1963). Il s'avéra que ce procédé d'emballage, originellement non aseptique, se prêtait particulièrement bien au conditionnement aseptique, dont Tetra Pak développa une technologie particulière dans les années 60. Les cartons sont livrés à l'utilisateur sous forme de rouleau (roll-fed), lequel est aseptisé dans la machine même par trempage dans un bain de peroxyde d'hydrogène et vient ensuite envelopper le liquide tandis que celui-ci coule dans un environnement aseptique. PKL produit également des cartons aseptiques de format Brik, les "Combibloc", mais ceux-ci sont préformés au moment de l'emballage.

(15) Sur le marché des cartons non aseptiques, Tetra Pak utilisait initialement, et utilise encore, des cartons de format Brik mais son principal produit sur ce marché est maintenant un carton de format Gable Top, le Rex. Ce carton est un concurrent direct du carton "Pure-Pak" produit par Elopak. Il faut encore citer la présence sur ce marché des cartons "Combibloc", "Quadrobloc" et "Pergabloc" non aseptiques de PKL, les cartons des autres producteurs n'occupant qu'une place marginale.

4.2. Les machines

(16) Tetra Pak est fabricant de ses propres machines, tant sur le marché aseptique que sur le marché non aseptique. Sur ce dernier marché, il vend cependant occasionnellement des machines Cherry Burrel et Nimco.

Si Elopak produit de longue date des cartons, il n'était, avant le rachat de la division "machines d'emballage" d'Ex-Cell-O en 1987, que distributeur sur le marché des machines, n'exerçant d'activité productrice que pour du matériel accessoire (matériel de manutention, etc.). Encore convient-il de rappeler que l'ensemble de ces activités d'Elopak se limite au secteur non aseptique.

A l'exception de PKL, qui produit ses propres machines et ses propres cartons sur les marchés aseptiques et non aseptiques, les autres fabricants sont marginaux sur le marché européen.

5. La fabrication et la distribution des cartons

(17) Les cartons d'emballage sont fabriqués à partir d'un carton de base, livré sous forme de rouleau et appelé board. Le marché du board - qui intervient à lui seul pour 60 à 70 % dans le prix de revient des cartons d'emballage (16) - est lui-même oligopolistique et les fabricants de cartons d'emballage s'approvisionnent auprès des mêmes fournisseurs.

Pour la fabrication des cartons de type Gable Top et de certains cartons de type Brik (les Combibloc de PKL), les rouleaux de board sont imprimés aux couleurs et aux textes du client, puis découpés, pré-pliés et partiellement collés chez le fabricant, pour former ce qu'on appelle les blanks. Ces blanks sont livrés aux clients (laiteries ou producteurs de jus de fruits, etc.) où ils prennent leur forme définitive avant d'être remplis et fermés.

Pour la fabrication des cartons de type Brik de Tetra Pak, les rouleaux de board sont seulement imprimés et découpés en rouleaux plus étroits chez le fabricant et ce n'est qu'au moment même de l'emballage du liquide chez le client que les rouleaux sont - après avoir éventuellement êté trempés dans un bain de peroxyde d'hydrogène concentré pour les rendre aseptiques - pliés en continu autour du liquide puis coupés, collés et pliés en forme de récipients.

6. Les barrières à l'entrée

(18) Tant pour des raisons technologiques (17) que par l'existence de nombreux brevets et de pratiques commerciales restrictives (18), les barrières à l'entrée sont très élevées dans le secteur aseptique. Elles le sont nettement moins dans le secteur non aseptique, du moins pour ce qui concerne les barrières technologiques (19).

IV. La politique commerciale de Tetra Pak

Approche méthodologiqueh

(19) Seront examinés, dans cette partie, les différents aspects de la politique commerciale poursuivie par Tetra Pak sur les quatre marchés aseptiques et non aseptiques définis au considérant (11). L'examen s'effectuera, pour la plupart de ses aspects, au niveau de l'ensemble de la Communauté, débordant ainsi du cadre géographique de la plainte d'Elopak qui concernait l'Italie. Dans certains cas cependant, la Commission a été amenée à se pencher plus spécifiquement sur les pratiques poursuivies par Tetra Pak dans ce dernier pays, soit qu'il se soit agi d'examiner plus en détail certains aspects de la plainte d'Elopak, soit que les résultats d'un premier examen global aient précisément orienté les recherches complémentaires de la Commission vers l'Italie (20).

1. La production et la commercialisation des produits

(20) Dans la CEE, Tetra Pak dispose d'une usine d'assemblage de machines en Italie et d'unités de production de cartons en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal et en Espagne. Nulle part dans le monde, Tetra Pak n'a accordé de licence de fabrication pour ses machines. Il en est de même pour ses cartons, à l'exception de quelques pays hors CEE.

(21) Partout dans la Communauté, la distribution tant des cartons que des machines est assurée directement par des sociétés du groupe Tetra Pak auprès des laiteries ou des autres utilisateurs finaux. Il n'existe aucun distributeur indépendant (21) et donc aucune possibilité de concurrence intramarque.

(22) Il apparaît, enfin, que Tetra Pak a poursuivi une politique de brevets particulièrement extensive. Tetra Pak n'a pas seulement fait breveter toute la technologie de base qu'il a mise au point en matière de machines, de cartons et de procédés. Il a également fait breveter toutes les modifications même mineures apportées ultérieurement à ces produits ou certaines particularités techniques secondaires (par exemple : la forme de pliage du carton). Il s'ensuit notamment que, alors que la technologie de base en ce qui concerne les cartons "Brik" aseptiques a été mise au point dans les années 60 et est restée depuis lors fondamentalement la même, les derniers brevets relatifs à ces cartons expirent au début des années 2000. Cela à condition que le dépôt d'autres brevets ne vienne encore prolonger la protection y accordée. Actuellement, Tetra Pak revendique plus de 100 brevets pour les cartons et plus de 100 brevets également pour les machines.

2. Les conditions contractuelles de vente et de location du matériel et des cartons Tetra Pak

(23) Les conditions de vente ou de location du matériel d'emballage et les conditions de fourniture des cartons du groupe Tetra Pak exposées ci-dessous sont tirées des contrats types en vigueur dans les différents Etats membres de la Communauté. Dans certains de ceux-ci, Tetra Pak procède seulement à des locations; dans d'autres, l'utilisateur a le choix entre la formule d'achat ou celle de location (22). Il existe donc pour les machines (en ce inclus l'équipement annexe et les accessoires divers), des contrats types de vente et des contrats types de location et, pour les cartons, des contrats types de fourniture.

S'il existe, d'un pays à l'autre, des différences dans la rédaction des contrats types, les conditions les plus importantes au regard de la politique du groupe se retrouvent dans la plupart des contrats. Mention sera faite, ci-après, de toute clause ayant des implications en matière de concurrence et apparaissant, sous une forme rédactionnelle ou sous une autre, dans l'un ou l'autre des contrats. Ces clauses sont identifiées par un chiffre romain et un tableau récapitulatif, en annexe (annexe 2), fait référence aux articles des contrats types nationaux visés par ces clauses.

Le contenu de ces clauses a fait l'objet d'un exposé détaillé dans la communication des griefs (pages 14 à 26).

2.1. Les conditions de vente du matériel Tetra Pak (annexe 2.1)

(24) Des contrats types de vente existent dans les cinq pays suivants: Grèce, Irlande, Italie, Espagne, Royaume-Uni. Pour chaque clause contractuelle examinée, il est indiqué entre parenthèses quels sont les ou le pays concerné(s).

2.1.1. La configuration du matériel

(25) Tetra Pak se réserve, en Italie, un droit de regard absolu sur la configuration du matériel vendu en interdisant à l'acheteur :

(i) d'ajouter des appareils accessoires à la machine (Italie) ;

(ii) de modifier la machine, d'y ajouter ou d'en retrancher des éléments (Italie) ;

(iii) de déplacer la machine (Italie).

2.1.2 Le fonctionnement et l'entretien du matériel

(26) Cinq clauses contractuelles relatives au fonctionnement et à l'entretien du matériel tendent à assurer à Tetra Pak exclusivité et droit de contrôle en la matière :

(iv) exclusivité pour l'entretien et les réparations (tous pays sauf Espagne) ;

(v) exclusivité pour la fourniture des pièces de rechange (tous pays sauf Espagne) ;

(vi) droit d'effectuer gratuitement des prestations d'assistance, de formation, de maintenance et de mise à jour technique non demandées par le client (Italie) ;

(vii) tarification dégressive (jusqu'à moins 40 % d'une redevance mensuelle de base) d'une partie des frais d'assistance, d'entretien et de mise à jour technique en fonction du nombre de cartons utilisés sur toutes les machines Tetra Pak de même type (Italie) ;

(viii) obligation d'informer Tetra Pak de tout perfectionnement ou modification technique apporté au matériel et de lui en réserver la propriété (Italie).

2.1.3 Les cartons

(27) Quatre clauses contractuelles relatives aux cartons visent également à assurer à Tetra Pak exclusivité et droit de contrôle de Tetra Pak sur ce produit :

(ix) obligation d'utiliser uniquement des cartons Tetra Pak sur les machines (tous pays) ;

(x) obligation d'approvisionnement exclusif en cartons auprès de Tetra Pak ou d'un fournisseur désigné par lui (tous pays) ;

(xi) obligation d'informer Tetra Pak de tout perfectionnement ou modification technique apporté aux cartons et de lui en réserver la propriété (Italie) ;

(xii) droit de regard sur le libellé à apposer sur les cartons (Italie).

2.1.4 Contrôles

(28) Deux clauses ont plus spécifiquement pour objet le contrôle de l'observation par l'acheteur des obligations contractuelles :

(xiii) obligation pour l'acheteur de remettre un rapport mensuel (Italie) ;

(xiv) droit d'inspection - sans préavis - réservé à Tetra Pak (Italie).

2.1.5. Le transfert de propriété du matériel ou la cession de l'usage

(29) Deux clauses contractuelles limitent le droit de revente ou de cession :

(xv) obligation d'obtenir l'accord de Tetra Pak pour la revente ou la cession de l'usage du matériel (Italie), revente conditionnelle (Espagne) et droit de rachat à un prix forfaitaire fixé d'avance réservé à Tetra Pak (tous pays). L'inobservation de cette clause peut donner lieu à une pénalité spécifique (Grèce, Irlande, Royaume-Uni) ;

(xvi) obligation d'obtenir du tiers acquéreur la reprise des obligations du premier acheteur (Italie, Espagne).

2.1.6. La garantie

(30) (xvii) La garantie sur le matériel vendu est subordonnée à l'observation de toutes les clauses contractuelles (Italie) ou, à tout le moins, à l'utilisation exclusive de cartons Tetra Tak (autres pays).

2.2. Les conditions de location du matériel Tetra Pak (annexe 2.2)

(31) Des contrats types de location existent dans tous les pays de la Communauté à l'exception de la Grèce et de l'Espagne.

Mutatis mutandis, on retrouve dans les contrats de location la majorité des clauses rencontrées dans les contrats de vente. D'autres conditions sont spécifiques à la location, mais elles vont toujours dans le même sens qui est celui d'un renforcement maximal des liens entre Tetra Pak et son client.

2.2.1. La configuration du matériel

(32) On retrouve les clauses (i), (ii) et (iii) [Italie pour la clause (i) ; tous pays pour la clause (ii) ; France, Irlande, Italie, Portugal, Royaume-Uni pour la clause (iii)].

(xviii) Une clause supplémentaire oblige, par ailleurs, le locataire à faire usage exclusivement de caisses, suremballages et/ou de conteneurs de transport pour cartons Tetra Pak (Allemagne, Belgique, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) ou à s'approvisionner de préférence, à conditions égales, auprès de Tetra Pak (Danemark, France).

2.2.2. Le fonctionnement et l'entretien du matériel

(33) On retrouve les clauses (iv) et (v) (tous pays) relatives à l'exclusivité.

De même, on retrouve encore la clause (viii) réservant à Tetra Pak la propriété sur les perfectionnements qui seraient réalisés par l'utilisateur (Belgique, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) ou, à tout le moins, obligeant le locataire à concéder une licence d'exploitation à Tetra Pak (Danemark, France, Irlande, Portugal, Royaume-Uni).

2.2.3. Les cartons

(34) On retrouve les mêmes clauses (ix) (tous pays) et (x) (Italie) relatives à l'exclusivité d'approvisionnement, la clause (xi) donnant à Tetra Pak la propriété sur les perfectionnements (Danemark, Italie) ou, à tout le moins, une licence d'exploitation en sa faveur (France, Irlande, Portugal, Royaume-Uni) et la clause (xii) lui réservant un droit de regard sur le libellé ou les noms de marque que le client veut apposer sur les cartons (Allemagne, Espagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni).

2.2.4. Les contrôles

(35) Comme dans les cas de vente, le locataire doit remettre un rapport mensuel [clause (xiii) - tous pays] sous peine de facturation forfaitaire (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) et permettre l'inspection des lieux où est installé le matériel [clause (xiv) - tous pays] et ce, sans préavis (tous pays, sauf Danemark, Allemagne, Irlande, Portugal et Royaume-Uni).

(xix) Une autre clause permet l'examen - à tout moment (Danemark, France) - des comptes de l'entreprise locataire (tous pays) et (selon les pays) de ses factures, de sa correspondance ou de tout autre document nécessaire à la vérification du nombre de cartons utilisés.

2.2.5. Le transfert du bail, la sous-location, la cession de l'usage ou l'usage pour compte de tiers

(36) Dans les cas de la vente, tout transfert ultérieur de propriété ne peut se réaliser qu'à des conditions très restrictives.

(xx) Les dispositions des contrats de location excluent pareillement la cession de bail, la sous-location (tous pays) ou même le simple travail à façon pour compte de tiers (Italie).

2.2.6. La garantie

(37) Les libellés sont ici moins précis que dans les contrats de vente : ils lient la garantie au respect des "instructions" données per Tetra Pak au sujet de "l'entretien" et du "bon maniement" de la machine (tous pays). Les termes "instructions", "entretien" et "bon maniement" sont toutefois suffisamment larges pour qu'il faille les interpréter comme recouvrant au moins l'utilisation exclusive de pièces de rechange, des services de réparation et d'entretien et de matériaux d'emballage Tetra Pak. Cette interprétation s'est trouvée confirmée par les réponses écrite et orale de Tetra Pak à la communication des griefs.

2.2.7. La fixation du loyer et les conditions de paiement

(38) Le loyer comprend les éléments suivants (tous pays) :

a) (xxi) un droit de location "initial", à verser au moment de la mise à disposition de la machine. Le montant de ce droit n'est pas nécessairement inférieur au prix de vente des mêmes machines et s'élève, en fait, à la quasi-totalité de tous les loyers présents et futurs (plus de 98 % dans certains cas) (23) ;

b) un loyer annuel, payable anticipativement par trimestre ;

c) (xxii) une redevance mensuelle à la production dont le montant est dégressif en fonction du nombre de cartons utilisés sur toutes les machines Tetra Pak de même type. Cette redevance remplace la tarification dégressive - de valeur assimilable - d'une partie des frais d'entretien prévue en cas de vente [voir la clause (vii)]. Dans certains pays (Allemagne, France, Portugal), une pénalité spécifique est prévue en cas de non-paiement dans les délais fixés de cette redevance.

2.2.8. La durée du bail

(39) La durée et les modalités de cessation du bail sont variables d'un Etat membre à l'autre.

(xxiii) La durée minimale du bail s'étend de trois ans (Danemark, Irlande, Portugal, Royaume-Uni) à neuf ans (Italie).

2.2.9. La clause de pénalité

(40) (xxiv) Indépendamment des dommages et intérêts usuels, Tetra Pak se réserve le droit d'imposer une pénalité au locataire qui enfreindrait une quelconque des obligations contractuelles, le montant de cette pénalité étant, dans la limite d'un seuil maximal, fixé discrétionnairement par Tetra Pak en fonction de la gravité du cas (Italie).

2.3. Les conditions de fourniture des cartons (annexe 2.3)

(41) Des contrats types de fourniture existent en Grèce, en Irlande, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni: ils sont obligatoires dès lors que le client procède non à la location mais à l'achat d'une machine.

2.3.1. L'exclusivité d'approvisionnement

(42) (xxv) L'acheteur s'engage à s'approvisionner exclusivement auprès de Tetra Pak pour tous les matériaux d'emballage qui seront utilisés sur une ou sur des machines Tetra Pak donnée(s) (tous pays) et sur toute autre machine Tetra Pak qui serait acquise ultérieurement (Italie).

2.3.2. La durée du contrat

(43) (xxvi) Le contrat est signé pour une première période de neuf ans, renouvelable pour une nouvelle période de cinq ans (Italie) ou pour la période pendant laquelle l'acquéreur restera en possession de la machine (Grèce, Irlande, Espagne, Royaume-Uni).

2.3.3. La fixation des prix (24)

(44) (xxvii) Les cartons seront livrés aux prix en vigueur au moment de la commande. Aucun système de péréquation ou d'indexation n'est prévu (tous pays).

2.3.4. Le libellé

(45) On retrouve ici encore le droit de regard [clause (xii)] de Tetra Pak sur le libellé ou les noms de marque que le client veut apposer sur les cartons.

3. La politique commerciale en matière de vente des cartons

(46) Un élément essentiel de la plainte d'Elopak portait sur les prix pratiqués par Tetra Pak sur les cartons "Rex" en Italie, prix qui étaient jugés prédatoires. Tetra Pak rejetait cette accusation, fournissant à l'appui de sa thèse une étude de rentabilité de ce produit effectuée pour l'année 1983 en Italie.

Il a paru nécessaire à la Commission d'élargir le champ d'investigation en la matière et de procéder, en vue de mieux comprendre la politique suivie par le groupe, à une analyse d'ensemble 1°) des ventes, 2°) de la rentabilité et 3°) des prix des différents produits de Tetra Pak, sur plusieurs années (1981-1984) et pour tous les pays de la Communauté. Cette analyse - qui repose sur les données comptables d'exploitation communiqués par Tetra Pak - a fait l'objet de longs développements dans la communication des griefs (25) et seules les conclusions principales auxquelles elle a permis d'aboutir sont rappelées ici sous une forme sommaire.

3.1. Les ventes de cartons et leur rentabilité

3.1.1. Les ventes de cartons (annexes 3.1 et 3.2)

(47) 1. Ventilation géographique des ventes

Trois pays représentent ensemble et, à peu près à égalité, 70 % des ventes de cartons Tetra Pak dans la Communauté (1984) (26) : l'Allemagne, (24,8 %), la France (23,5 %) et l'Italie (20,3 %). Le Royaume-Uni suit avec un pourcentage inférieur de moitié environ (12 %).

2. Ventilation des ventes par type de carton

Le "Brik aseptique" représente à lui seul près de 80 % des ventes de cartons et plus de 70 % de l'ensemble du chiffre d'affaires total du groupe. Le Rex et le "Brik non aseptique" ne représentent respectivement que 11 et 7 % des ventes de cartons. Les divers autres modèles (Tétrahédron, "Tetra King"...) se partagent les 2 % restants et n'ont donc qu'une importance tout à fait marginale (1984).

3. Taux de croissance des produits

Sur la période considérée, le Rex est le produit dont le taux de croissance s'avère le plus élevé et il prend progressivement le pas sur le Brik non aseptique en tant que carton pour les produits frais. L'Italie devient le principal producteur de ce type de carton.

3.1.2. La rentabilité des cartons (annexes 3.3, 3.4 et 3.5)

(48) 1. Le Brik aseptique qui n'est confronté à pratiquement aucune concurrence effective s'avère être de loin le produit le plus rentable - marge nette de [...] à [...] % du chiffre d'affaires ([...] à [...] % en Italie) contribuant à lui seul pour [...] à [...] % aux bénéfices totaux du groupe dans l'ensemble des pays représentés et pour plus de 100 % (27) au Royaume-Uni sur l'ensemble de la période considérée et en 1983-1984 en France (28). Si l'on s'en tient aux seuls cartons, la contribution aux bénéfices du Brik aseptique varie de [...] à 102 % pour l'ensemble des Etats membres représentés, le taux de 100 % étant atteint ou dépassé en 1981 en Allemagne, en Italie et au Royaume-Uni (114 %) , en 1982 au Royaume-Uni à nouveau et en 1983 en Belgique/Luxembourg.

2. Le Brik non aseptique a une rentabilité faible - marge nette de [...] à [...] % - mais à quelques exceptions près, toujours assurée.

3. Il n'en est pas de même pour le carton Rex dont la rentabilité s'avère fréquemment négative : en 1981 et 1982 en Italie, en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, en 1983 en Belgique/Luxembourg et en 1984 au Danemark, en Belgique/Luxembourg et au Royaume-Uni à nouveau. En 1981, la rentabilité est globalement négative (- 11,2 %) pour l'ensemble des Etats membres considérés. Les chiffres montrent, par ailleurs, qu'en Italie le phénomène prend une ampleur particulière: marge nette de - 34,4 % en 1981.

3.1.3 La rentabilité des cartons "Rex" en Italie (annexes 4.1 à 4.5)

(49) Cette dernière constatation a amené la Commission à approfondir l'étude de la situation en Italie et à demander à Tetra Pak de lui fournir les données nécessaires au calcul de la rentabilité de ses produits depuis l'année de l'introduction du "Rex" dans ce pays (1976). Les résultats principaux du dépouillement de ces données sont les suivants :

1) les pertes enregistrées sur les cartons "Rex" ne revêtaient pas un caractère accidentel: elles se sont prolongées sur une période de sept années (1976-1982) et se sont élevées de - 10 à - 34,4 % du chiffre d'affaires (en marge nette) ;

2) ces pertes étaient telles que le prix de vente était loin de couvrir les seuls coûts variables directs (marge brute (29) se situant en permanence (30) à un niveau largement négatif : - 9,8 à - 33,8 %) et, certaines années, même le seul coût des matières premières ;

3) de 1976 à 1980, Tetra Pak qui ne produisait pas ses cartons "Rex" en Italie (mais les importait de sociétés soeurs) les a revendus sur le marché italien à des prix inférieurs de 10 à 34 % à leur prix d'achat ;

4) pendant la période considérée, Tetra Pak a vendu ses cartons "Rex" à des prix largement inférieurs à ceux pratiqués par Elopak sur son carton concurrent, le Pure-Pak, et la différence de prix entre ces deux types de cartons a été croissante (jusqu'à 30 et même, à un moment donné, 50 %) ;

5) pendant cette période, les ventes des cartons "Rex" ont d'abord connu une progression lente, sinon une certaine stagnation (indices 100 en 1976, 215 en 1977, 177 en 1978 et 259 en 1979 , puis ont crû à un rythme exceptionnel (indice 6 353 en 1984), tandis qu'Elopak voyait, avec un certain décalage dans le temps, les ventes du Pure-Pak arrêter leur progression d'abord, commencer à décliner ensuite (indice 69 en 1986 par rapport à 100 en 1981).

La part de marché d'Elopak sur le marché des cartons non aseptiques en Italie (31), qui était passée de 9 % en 1977 à 25 % environ en 1981, tombe à 17,5 % en 1986, tandis que celle des autres concurrents de Tetra Pak passe respectivement de 12 à 6 puis 2 % environ. La part de marché de Tetra Pak, par contre, qui était tombée de 79 à 70 % environ de 1977 à 1981 (32) monte à 80,5 % en 1986 tandis que celle des seuls cartons Rex progresse respectivement de 2 à 7,5 puis 38,5 %.

(50) Lors d'une visite de vérification effectuée les 27 et 28 janvier 1987 dans les locaux de Tetra Pak en Italie, les services de la Commission ont recueilli des documents datant de 1981 relatifs à des commandes portant respectivement sur 420 000 cartons Rex de 1 litre, 235 000 cartons Rex de 2 litres, 253 000 cartons Rex de 1/4 de litre et 102 500 cartons Rex de 1/4 de litre également importés de Suède et revendus à des prix respectivement inférieurs de 24 %, 17 %, 29 % et 23 % aux prix d'achat. Ces documents corroborent donc ce qui a été démontré au niveau de l'exploitation des données comptables.

(51) Les rapports du conseil d'administration de Tetra Pak Italiana de 1979 et 1980 évoquent, par ailleurs, la nécessité de consentir des sacrifices financiers importants en matière de prix et de conditions de fourniture pour lutter contre la concurrence, en particulier celle du Pure-Pak. Le rapport de 1979 indique que des "sacrifices d'ordre économique et financier pour des montants considérables" sont nécessaires et, celui de 1980, qu'il faut chercher à prévenir la concurrence "même par des conditions particulières de fourniture et de prix". Cette dernière phrase se rapporte au marché non aseptique.

3.2. Les prix pratiqués dans les différents Etats membres

3.2.1. Prix moyens (annexe 5.1)

(52) L'annexe 5.1 donne une comparaison des prix moyens (chiffres d'affaires/nombre de cartons vendus) pratiqués dans les différents Etats membres de 1981 à 1984, en écus et en indices par rapport à l'Italie, pour les trois principaux types de cartons de Tetra Pak : le Rex, le Brik non aseptique et le Brik aseptique. A la lecture de ce tableau, on peut faire les constatations principales suivantes :

1) les disparités de prix entre les Etats membres sont considérables ;

2) elles sont importantes surtout entre l'Italie et les autres Etats membres, atteignant facilement 50 % avec un minimum d'environ 20 à 25 % (à quelques exceptions près) ;

3) ces disparités ne sont pas uniformes ni toujours unidirectionnelles: d'un pays à l'autre, elles varient en amplitude et parfois en orientation selon les produits ;

4) pour tous les types de cartons, l'Italie est toutefois le pays où les prix sont les plus bas.

3.2.2. Listes de prix (annexes 5.2 et 5.3)

(53) Pour que les données relatives aux prix moyens soient totalement comparables, il faudrait que la répartition du chiffre d'affaires entre cartons de tailles différentes et les quantités moyennes à la commande soient uniformes d'un pays à l'autre, ce qui n'est pas le cas. Les différences constatées sont cependant trop grandes pour qu'elles puissent s'expliquer par ces différences matérielles objectives. De plus, les chiffres tirés des listes de prix (33) en possession de la Commission, et reproduits en annexes 5.2 et 5.3, mettent en évidence, et ce, sur des séries chronologiques plus longues (1978-1984), des disparités entre Etats membres d'un ordre de grandeur comparable à celles constatées au niveau des prix moyens, ce qui confirme bien les éléments dégagés au considérant (52) ci-dessus.

4. La politique commerciale en matière de vente et de location des machines (34)

4.1. Les ventes et les locations des machines et leur rentabilité

4.1.1. Les ventes et les locations des machines (annexes 3.1 et 3.2)

(54) 1. Ventilation géographique des ventes/locations

Quatre pays réalisent 88 % du chiffre d'affaires en matière de vente et de location de machines : Allemagne (24,8 %), Italie (23,5 %), France (20,3 %) et Royaume-Uni (19 %) (1984). On retrouve donc les quatre mêmes marchés principaux que pour les cartons mais ici, pour les machines, le chiffre d'affaires réalisé au Royaume-Uni est à peu près du même ordre de grandeur que ceux réalisés dans ces autres pays. Il s'agit là cependant d'une évolution récente. Jusqu'en 1981, avec 11 % du chiffre d'affaires, les ventes et les locations de machines au Royaume-Uni ne représentaient qu'un tiers de celles de l'Allemagne et la moitié de celles de la France et de l'Italie.

C'est au Royaume-Uni que la contribution des machines au chiffre d'affaires total est devenue la plus élevée : [...] % contre une moyenne de [...] % (1984).

(55) 2. Taux de croissance :

On constate, dans tous les pays, sauf au Royaume-Uni, une tendance assez nette à la baisse de l'importance relative des machines dans le chiffre d'affaires total de Tetra Pak. Globalement, celle-ci passe, en effet, de [...] % en 1981 à [...] % en 1984, le taux de croissance pour ce produit n'ayant été que de 12 % sur la période considérée contre un taux de croissance de 60 % pour l'ensemble des produits Tetra Pak. Ici encore, le Royaume-Uni fait exception avec un taux de croissance de [...] % pour ses machines, taux sept fois supérieur à celui enregistré dans l'ensemble des pays considérés.

4.1.2. La rentabilité des machines (annexes 3.3, 3.4 et 3.5)

(56) Sur la période considérée, la rentabilité de l'activité "machines" apparaît globalement positive, à l'exclusion toutefois de l'année 1984 (- [...] %). Il existe, par ailleurs, un nombre non négligeable d'exceptions. Ainsi, en Allemagne, l'activité "machines" est déficitaire en 1984 (- [...] %). Elle l'est aux Pays-Bas en 1983 et 1984 (- [...] % et - [...] %), les recettes y étant cette dernière année sensiblement inférieures aux seuls coûts variables directs (marge brute de - [...]) %). En France, une des deux sociétés Tetra Pak a une marge nette négative en 1981, 1982 et 1984 (- [...] %, - [...] % et - [...] %) et une marge brute négative en 1982 (- [...] %) . Le Royaume-Uni se distingue cependant de ces pays par la permanence et l'ampleur croissante de ses pertes : marge nette de - 0,1, - 12,5, - 20,2 et - 42,2 % sur la période 1981-1984 et, selon les estimations de Tetra Pak (35), marge semi-brute de - 1,3, - 8,1 et - 28 % environ sur la période 1982-1984.

4.2. Les prix pratiqués

4.2.1. Les prix pratiqués dans les différents Etats membres (annexes 6.1, 6.2 et 6.3)

(57) Les annexes 6.1 et 6.3 reproduisent respectivement les prix de vente et les prix de location des principales machines par Tetra Pak, à savoir les machines de type Rex, les machines de type Brik aseptique et les machines de type Brik non aseptique, et ce, pour les années 1984-1986.

Les données fournies par Tetra Pak ne sont pas uniformes dans la mesure où, en ce qui concerne les ventes, les prix communiqués sont, pour certains pays, des prix moyens tandis qu'il s'agit, pour d'autres pays, de prix tirés des listes de prix. Malgré ces lacunes, on peut relever les principaux éléments qui suivent :

a) Prix de vente des machines dans les différents Etats membres (annexe 6.1)

(58) 1. Les disparités de prix entre les Etats membres sont considérables : elles se situent dans la majorité des cas aux alentours des 50 %, pour atteindre parfois 70 à 100 %.

2. Comme pour les cartons, le pays où les prix des machines sont manifestement les plus bas est à nouveau l'Italie. A l'opposé, c'est en Irlande que les prix pratiqués sont les plus élévés.

3. En Italie, où les prix sont les plus bas, les prix communiqués sont des prix moyens tandis que dans les autres pays (la Grèce exceptée), ils sont tirés des listes de prix. Il faut en déduire que Tetra Pak accorde des rabais considérables sur ses listes de prix standard et ce, dans un nombre vraisemblablement plus important de cas que ce qui a été communiqué à la Commission (36). Les disparités de prix entre l'Italie et les autres pays sont cependant telles qu'elles ne peuvent raisonnablement résulter des seuls rabais qui auraient été consentis.

b) Prix de location des machines dans les différents Etats membres (annexe 6.2)

1. Les trois éléments du loyer

(59) L'analyse des conditions contractuelles a montré que le loyer des machines se compose de trois éléments : un "droit initial de location" à payer à l'occasion de l'installation de la machine, un loyer trimestriel et une redevance mensuelle tarifée de façon dégressive en fonction du nombre de cartons utilisés. Une comparaison exhaustive des prix de location pratiqués dans les différents Etats membres impliquerait donc, en principe, que l'on prenne en considération ces trois éléments constitutifs du loyer.

A l'évidence, la redevance mensuelle établie en fonction du nombre de cartons utilisés n'est pas calculable a priori, mais elle apparaît commet tout à fait négligeable par rapport au droit initial de location (37).

Quant au loyer trimestriel, il est possible de le rapporter à ce droit initial de location en actualisant sur la base d'un taux d'intérêt donné la somme des trimestrialités que ce loyer engendre pendant toute la durée du contrat de location. On constate alors que, bien que son importance varie en fonction des pays et des machines, il ne représente qu'un pourcentage tout à fait marginal (quelques pour cent) du droit initial de location. Ainsi, si l'on considère que, pour une machine Rex RC4 le droit initial de location s'élevait en 1986 (Allemagne) à [...] écus et que le loyer trimestriel était de [...] écus, on constate que le valeur actualisée de la somme des trimestrialités (au taux d'actualisation de 8 % représentatif du marché de l'écu à moyen terme cette année-là) s'élève, sur une période de location de trois années, à [...] écus, soit à peine 1,52 % du droit initial de location.

Il s'ensuit que la comparaison des prix de location peut donc s'effectuer valablement sur la base de la comparaison des seuls droits initiaux de location, puique ceux-ci représentent la quasi-totalité des loyers présents et futurs. Il s'ensuit également que, le locataire payant anticipativement la quasi-intégralité de ses loyers, la location des machines Tetra Pak doit, sur le plan financier, être assimilée à une vente (38).

2. Les prix de location de machines

(60) Les mêmes observations générales que celles formulées pour les prix de vente se dégagent de la lecture de l'annexe 6.2. :

- les disparités des prix (droits initiaux) de location entre les différents Etats membres sont très importantes; elles sont même sensiblement amplifiées (jusqu'à 200, 300 ou même 400 %) par rapport à ce que l'on a pu constater au niveau des prix de vente,

- les pays où les prix de location sont, sauf exceptions, les plus bas (Belgique, Danemark) sont ceux pour lesquels les données communiquées par Tetra Pak concernent les prix moyens (par opposition aux prix tirés de listes de prix).

Il faut également observer que, si l'ampleur et parfois le sens de ces disparités entre Etats membres peuvent varier d'un type de machine à l'autre, c'est, globalement, en France puis en Allemagne que les loyers s'avèrent les plus élevés.

c) Comparaison des prix de vente et des prix de location dans les différents Etats membres (annexe 6.3)

(61) La comparaison effectuée à l'annexe 6.3 entre les prix pratiqués dans les Etats membres où Tetra Pak vend ses machines et ceux où il les loue, montre en outre que, dans certains pays, le seul droit initial de location est très largement supérieur au prix de vente en vigueur dans d'autres pays.

A seul titre d'exemple, le droit initial de location, pour une machine B8 en Allemagne en 1985 était plus de deux fois plus élevé que le prix de vente moyen de ces machines en Italie durant cette même année. Sans doute s'agit-il dans le premier cas d'un prix tiré des listes de prix, dans l'autre d'un prix moyen. Mais, comme on l'a vu, de telles disparités, en même temps qu'elles suggèrent l'existence de rabais très importants, sont, par ailleurs, d'une ampleur telle qu'elles ne permettent pas de supposer que ces rabais en soient la seule explication.

En se limitant d'ailleurs à comparer les prix tirés des listes de prix (pour les pays où de telles listes existent), on constate que, si les disparités sont moindres, les cas ne sont cependant pas rares où les droits initiaux de location sont sensiblement supérieurs aux prix de vente tels qu'ils ressortent de ces listes, les différences pouvant atteindre jusqu'à 40 % ou plus dans certains cas.

4.2.2 Les prix pratiqués en Italie

(62) Un des éléments de la plainte du 27 septembre 1983 d'Elopak concernait la politique suivie par Tetra Pak en Italie en matière de prix de vente et de location de machines. Elopak dénonçait notamment les rabais excessifs concédés par Tetra Pak pour enlever les contrats, rabais dont, estimait-il, l'importance ne pouvait, dans certains cas, qu'être constitutive de prix prédatoires.

Au-delà des comparaisons des prix au niveau communautaire, la Commission a donc analysé plus en détail les prix pratiqués par Tetra Pak en Italie. Dans ce contexte, a) elle a procédé d'une part à l'analyse de la grande majorité des contrats - plus de deux cents contrats - placés par Tetra Pak auprès des laiteries italiennes ; b) elle a examiné d'autre part de façon détaillée les conditions dans lesquelles se sont déroulées un certain nombre d'opérations de vente ou de location en Italie.

4.2.2.1. Les prix et les conditions de paiement nominaux apparaissant dans les contrats

1. Les conditions de paiement

(63) Les conditions habituelles de paiement du prix de vente ou du droit initial de location, telles qu'elles résultent de l'analyse de ces contrats, sont les suivantes : un tiers à la signature du contrat, un tiers lors de la livraison de la machine, un tiers après l'installation complète de celle-ci. Il apparaît cependant, à la lecture des contrats, que les dérogations par rapport à ces dispositions habituelles sont nombreuses et variées. Compte tenu de l'absence de norme de référence (délai moyen de paiement dans les cas usuels), il n'est pas possible de calculer l'incidence de ces dérogations sur le prix de vente ou sur le droit initial de location. A priori, il faut cependant estimer que cette incidence doit généralement rester marginale, les différences ne portant dans la majorité des cas que sur des délais de trésorerie très courts par rapport à la durée de vie ou de location des machines. On verra cependant à la section suivante que les dérogations plus importantes n'apparaissent normalement pas dans les contrats mais font l'objet de contre-lettres et que, dans ces cas, les conclusions à tirer peuvent s'avérer sensiblement différentes.

2. Les prix (annexe 6.4)

(64) L'annexe 6.4 reproduit les prix nominaux de vente et de location tels qu'ils ressortent du dépouillement des contrats. Ces prix ont été ventilés par type de machines et, pour chacun de ces types, classés par ordre chronologique. Les colonnes (a) et (b) donnent les valeurs courantes, les colonnes (c) et (d) les valeurs constantes, calculées afin d'éliminer de la comparaison temporelle le biais du facteur inflatoire (39).

a) Séries chronologiques établies à prix courants

(65) La seule lecture des séries chronologiques établies à prix courants (colonnes a et b) permet déjà d'isoler un certain nombre d'anomalies. Les cas ne sont pas rares, en effet, où certaines opérations de vente ou de location ont été effectuées à des prix très inférieurs - de l'ordre souvent de 25 à 50 % - à ceux pratiqués pour d'autres opérations conclues soit à peu près à la même époque, soit parfois même à des dates sensiblement antérieures. On ne citera ici que quelques exemples.

Rubrique n° 1 Machines Rex RC6 : ventes n°s 19 et 20 réalisées en février 1983 aux prix de [...] millions de lires italiennes chacune contre [...] millions de lires italiennes pour les ventes nos 16 à 18 réalisées fin 1982, soit des disparités de plus de 30 %.

Rubrique n° 9 Machines AB/1000: ventes n°s 42 et 43 (janvier et mars 1982) aux prix de [...] et [...] millions de lires italiennes contre la vente n° 41 (novembre 1981) au prix de [...] millions de lires italiennes, soit des disparités de 26 et 31 %. On pourrait également relever que les ventes n°s 42 et 43 ont été réalisées en 1982 à des prix inférieurs à ceux pratiqués en 1981 et 1980 ou encore à des prix qui correspondent, en fait, aux prix de 1979, alors même que l'indice général des prix des produits industriels [visé à la note de bas de page (1) à la page 13 ci-dessus] a augmenté sur cette période de plus de 50 %.

Rubrique n° 14 Machines AB/500 : ventes n°s 4 et 5 aux prix de [...] et [...] millions de lires italiennes (septembre 1983 et novembre 1984) contre la vente n° 3 (février 1983) au prix de [...] millions de lires italiennes, soit des disparités de 50 et 37 %. Ces prix demeurent, en fait, inférieurs à ceux pratiqués en 1982.

Une lecture exhaustive de l'annexe 6.4 fait même apparaître l'existence de cas de disparités extrêmes. Il est toutefois possible que de tels cas concernent, comme le soutient Tetra Pak, des machines de seconde main, mais aucune indication en ce sens n'apparaît dans les contrats.

b) Séries chronologiques à prix constants

(66) Les séries chronologiques calculées à prix constants [colonnes (c) et (d)] permettent, quant à elles, de procéder à des comparaisons qui peuvent porter sur toute leur longueur. De leur analyse ressortent les principaux éléments suivants :

1) ces séries confirment bien, tout d'abord, l'existence de disparités importantes, dont un certain nombre avaient déjà été mises en évidence par l'établissement de séries chronologiques à prix courants, ainsi que l'existence de nombreux droits de location supérieurs aux prix de vente ;

2) les disparités constatées se répartissent sur toute la période couverte par ces séries et les prix extrêmes révèlent des écarts allant du simple au double, voire au triple ou plus encore ;

3) une analyse plus approfondie de ces disparités (calcul des écarts-types des séries de prix) montre enfin que celles-ci sont plus importantes pour les machines de type Rex - qui rencontrent une concurrence plus vive - que pour les machines de type Brik.

Bien que les résultats ainsi obtenus doivent être pris avec une certaine marge d'approximation (40), les disparités qui apparaissent sont souvent trop importantes pour pouvoir être imputées aux seules imperfections inhérentes à la méthode.

c) Conclusions

(67) La comparaison des prix pratiqués dans les différents Etats membres avait, notamment, mis en évidence l'existence d'importantes disparités entre ceux-ci ainsi que l'existence fréquente de seuls droits initiaux de location équivalents ou supérieurs aux prix de vente. L'analyse détaillée des contrats de Tetra Pak en Italie montre que ces mêmes phénomènes se rencontrent au sein d'un même pays. Par ailleurs, l'ampleur même des disparités rend probable l'existence de ventes ou de locations à pertes dans les cas des opérations commerciales les plus désavantageuses.

4.2.2.2. Analyse d'un certain nombre d'opérations de vente et de location de machines

(68) Pour compléter l'analyse des prix et des conditions de paiement apparaissant dans les contrats et afin de mieux comprendre la réalité des opérations de vente et de location, la Commission a procédé à des investigations détaillées auprès d'un certain nombre de laiteries italiennes. L'exposé des cas est cependant trop long pour être repris dans la présente décision et il y a lieu de se référer à cet égard à la communication des griefs (41). On peut, toutefois, en résumer les principales conclusions comme suit :

1) les prix réels - qui ressortent souvent de contre-lettres établies parallèlement aux contrats et qui démentent les termes de ceux-ci - sont généralement très inférieurs aux prix nominaux figurant dans les contrats, les différences pouvant atteindre dans certains cas 50 % ou plus. Les formes de réduction sont diverses et, souvent, plusieurs d'entre elles se cumulent :

- rachats d'anciennes machines de concurrents de Tetra Pak, de valeur résiduelle nulle ou quasi nulle, à des prix totalement surfaits (équivalant presque parfois - ou dépassant même - le prix de ces machines à l'état neuf),

- rachats d'anciennes machines Tetra Pak à des prix également souvent largement gonflés,

- rachats fictifs d'anciennes machines qui, en fait, sont laissées à la disposition du client,

- prises en charge par Tetra Pak des frais de transport et d'installation,

- prises en charge par Tetra Pak d'importants frais publicitaires,

- réductions supplémentaires - par rapport aux réductions contractuellement prévues - sur les prix des cartons (par stabilisation de ces prix sur une période déterminée),

- location d'une machine se transformant, a posteriori, à l'occasion de son achat, en mise à disposition gratuite.

La forme de réduction ou de remise la plus fréquente reste cependant la première citée, qui se concrétise par la reprise à des prix surévalués des anciennes machines du client ;

2) les conditions réelles de paiement sont également souvent plus favorables que celles inscrites au contrat, venant diminuer d'autant le coût réel de la transaction. Elles se concrétisent sous forme de délais de paiement sensiblement plus longs et non porteurs d'intérêts. Dans certains cas, ces crédits gratuits portent sur une ou plusieurs années et se trouvent assortis d'une franchise de remboursement ;

3) lorsqu'on se rappelle que la marge nette sur les ventes des machines en Italie s'élève de 8 à 17 % et la marge brute de 16 à 24 % (42), les opérations relevées où les rabais atteignaient jusqu'à 50 % ou plus (75 % parfois) par rapport aux prix indiqués dans les contrats ne pouvaient, de toute évidence, correspondre qu'à des ventes à pertes ;

4) enfin, le prix payé par Tetra Pak pour la reprise de ses anciennes machines (ou de celles de ses concurrents), dans le cadre d'une nouvelle opération de vente ou de location, s'avère sans commune mesure avec le prix fixé contractuellement [voir la clause (xv)] par ce groupe pour l'exercice de son droit de rachat (prévu pour le cas où le client desire revendre sa machine à un tiers), le premier se trouvant largement surévalué et le second pouvant s'avérer sous-évalué.

4.2.2.3. Rapports du conseil d'administration (43)

(69) Les rapports du conseil d'administration de Tetra Pak Italiana de 1979 et 1980 évoquaient, de manière générale, la necessité de consentir des sacrifices financiers importants en matière de prix et de conditions de fourniture pour lutter contre la concurrence, en particulier celle du Pure-Pak [voir le considérant (52) ci-dessus]. Des rapports ultérieurs apportent, pour ce qui concerne les machines, des précisions à cet égard. Les rapports de 1981, 1983 et 1985 évoquent l'application de prix et/ou de conditions particulières de paiement augmentant considérablement la position créditrice de la société auprès des clients. Le rapport de 1985 explique également que, en cas de remplacement du parc existant par des machines de conception nouvelle, il y a prise en charge partielle des frais par le "fabricant de conteneurs".

Cette même année 1985, le rapport du conseil d'administration de Tetra Pak Carta mentionne, par ailleurs, que cette société soeur de Tetra Pak Italiana, productrice de cartons, a accepté de prendre à sa charge 728 millions de lires italiennes de pertes subies par Tetra Pak Italiana au niveau de la commercialisation des machines : "Pareille acceptation reflète le bénéfice que nous retirons du placement des machines Tetra Pak", explique le rapport.

Les rapports pour l'année 1986 des conseils d'administration de ces deux sociétés du groupe contiennent des considérations similaires.

5. Autres pratiques vis-à-vis des concurrents

(70) A l'occasion de la visite de vérification des 27 et 28 janvier 1987, la Commission a recueilli un certain nombre de documents (44) ayant trait à des actions diverses menées ou envisagées par ce groupe pour lutter contre ses concurrents. Ils sont regroupés en fonction des concurrents concernés.

5.1. Elopak/Pure-Pak

(71) Dans une lettre datée du 17 janvier 1976, le groupe Tetra Pak félicite Tetra Pak Italie pour ses "actions" (activities) en ce qui concerne les machines "Resolvo", les machines "Pure-Pak aseptiques", les machines "Pure-Pak pasteurisées" et les "machines Combibloc". Cette lettre fait référence à un télex du 7 janvier 1976 qui, vraisemblablement, décrivait ces actions. Les représentants de Tetra Pak présents à cette visite de vérification ont déclaré ne plus être en possession de ce télex. Pour ce qui concerne les machines aseptiques Resolvo (développées par Buitoni), on verra plus loin [considérants (76) à (83)] que Tetra Pak a mis en œuvre des moyens divers pour empêcher leur diffusion en Italie. Pour ce qui concerne les machines Pure-Pak aseptiques, on sait seulement que les tentatives de l'époque de développer des machines Pure-Pak aseptiques n'ont pas abouti.

(72) Dans un rapport du 4 novembre 1978, un employé de Tetra Pak Italie explique qu'il a été chargé par le directeur général de "faire un sondage auprès des meilleurs clients de Pure-Pak" en vue d'"examiner concrètement quel peut être le prix à payer pour leur prendre ces clients".

(73) Un rapport d'un vendeur de Tetra Pak Italie du 11 décembre 1981 fait état du retrait, dans le cadre d'une vente, de quatre machines Selfpak/Resolvo, de deux machines Zupack, de deux machines Tetra Pak, de l'engagement obtenu de ne plus utiliser une machine Elopak et de celui de restituer ou du moins de ne pas utiliser hors de l'établissement une machine Resolvo [voir également le considérant (79) ci-dessous et l'annexe 10 de la communication des griefs, laiterie E].

(74) Dans un télex du 30 novembre 1984, le groupe Tetra Pak informe Tetra Pak Italie de la réception par Elopak Europe de quatre machines aseptiques et lui demande de l'aider à identifier leur destination finale. On verra plus loin [considérants (76) à (83) ci-dessous] que ce genre de recherche a, dans certains cas, constitué la première étape d'un processus visant à l'élimination de ces machines, généralement par rachat.

(75) Un des griefs de la plainte d'Elopak du 27 septembre 1983 concernait l'appropriation par Tetra Pak d'un support publicitaire, le journal Il Mondo del Latte, par la passation d'un accord d'exclusivité. Il ressort effectivement de la correspondance échangée à ce sujet à l'époque entre les agents d'Elopak et l'association éditrice de ce journal et des réponses données par cette association aux demandes de renseignements de la Commission que Tetra Pak a obtenu, sinon un contrat d'exclusivité écrit, du moins un engagement oral d'exclusivité pour une longue période (au moins pour l'année 1982) dans le journal Il Mondo del Latte. Pendant cette période Elopak fut dans l'impossibilité de faire de la publicité dans cette revue.

5.2. Poligrafico Buitoni/Resolvo

(76) Au début des années 70, la société Poligrafico Buitoni avait développé un procédé d'emballage aseptique, appelé "Système Resolvo". Des recherches ultérieures, menées en collaboration avec d'autres entreprises, débouchèrent sur le système "Systempak" dont le brevet fut racheté à Buitoni par le groupe International Paper en 1981. Il ressort de ce qui suit que Tetra Pak tenta par des moyens divers d'empêcher la diffusion de ce système en Italie et est parvenu, effectivement, à recheter toutes ou pratiquement toutes les machines Resolvo qui avaient été placées dans des laiteries.

(77) Un rapport, daté du 30 octobre 1975, évoque la possibilité d'une vente à prix réduit d'une machine aseptique Tetra Pak pour obtenir la renonciation par la Centrale Latte di Perugia à l'achat d'une machine Resolvo.

(78) Voir le considérant (71) ci-dessus : lettre de félicitations du 17 janvier 1976 du groupe Tetra Pak à Tetra Pak Italie pour ses actions en ce qui concerne les machines aseptiques Resolvo.

(79) Voir le considérant (73) ci-dessus: rachat de quatre machines Systempak/Resolvo et engagement de restituer ou de ne plus utiliser en dehors de l'établissement une autre machine Resolvo (rapport du 11 décembre 1981).

(80) Dans un télex du 7 octobre 1981, le groupe Tetra Pak fait part à Tetra Pak Italie de l'intention qu'il prête à International Paper de commercialiser agressivement, sur un plan mondial, le procédé Resolvo que ce dernier groupe vient de racheter à Buitoni. Il lui apparaît dès lors d'importance stratégique d'"éliminer (throw out) toutes les machines Resolvo d'Italie" de manière à priver International Paper de toute référence commerciale en la matière. Il demande en conséquence à Tetra Pak Italie d'"essayer de racheter les machines pour empêcher Resolvo de les placer dans d'autres laiteries".

(81) Dans une lettre du 4 décembre 1981, Tetra Pak Italie rappelle au groupe Tetra Pak qu'elle fait de son mieux pour "éliminer les machines Resolvo d'Italie" mais qu'elle rencontre de grandes difficultés. Elle demande que le groupe Tetra Pak fasse pression sur Kornas Marma, fournisseur commun de Tetra Pak et de Buitoni en papier, pour que cette société cesse d'approvisionner Buitoni. Elle suggère que le groupe Tetra Pak rachète, par exemple lui-même, les quantités habituellement fournies par Kornas Marma à Buitoni. La lettre conclut qu'une approche intelligente pouvait aider grandement à mettre Buitoni dans des grandes difficultés.

(82) Dans une lettre du 28 octobre 1982, le groupe Tetra Pak indique à Tetra Pak Italie que le développement commercial du procédé Systempak/Resolvo n'est pas réellement "flatteur". Le Portugal et l'Italie pouvant, en fait, constituer les seules références, il lui paraît "vital" que Tetra Pak Italie fasse tout pour stopper leur développement dans ce pays et "substituer" ces machines, de manière à pouvoir donner à International Paper "une référence négative écrasante" (crushing negative reference) .

(83) Dans une lettre du 19 septembre 1983, Tetra Pak Italie annonce au groupe Tetra Pak que la Centrale Latte di Perugia a renoncé à sa nouvelle machine Resolvo et a acheté une machine Tetra Pak. Ce contrat lui "a coûté un certain sacrifice économique" mais elle estime que cela "en valait vraiment la peine" dans la mesure où Buitoni perd l'unique point de référence pour une poursuite éventuelle d'essais. L'objectif visant à éliminer toutes les machines Resolvo du marché italien tel qu'il était défini dans le télex du groupe Tetra Pak du 7 octobre 1981 [voir le considérant (80)], paraît donc bien avoir été atteint.

5.3. PKL

(84) De nombreux documents attestent que l'évolution de PKL est suivie attentivement, du fait vraisemblablement qu'actuellement encore il reste le seul concurrent réel de Tetra Pak dans le secteur de l'emballage aseptique. Mais, vu sa faible pénétration en Italie, les filiales italiennes du groupe Tetra Pak ont apparemment connu peu de cas où elles ont eu à subir la concurrence directe et concrète de PKL.

(85) Il y a cependant lieu de rappeler la lettre de félicitations du groupe Tetra Pak à Tetra Pak Italie pour ses actions en ce qui concerne, notamment le Combibloc (cartons de PKL) : voir le considérant (71) ci-dessus.

(86) Le 7 novembre 1978, un vendeur de Tetra Pak Italie fait un rapport sur les offres présentées dans le cadre d'une adjudication pour l'achat d'une machine par une laiterie publique où Tetra Pak se trouve confronté à PKL et IBP. Tetra Pak est prêt à baisser son prix mais dans des limites relativement réduites (de [.. ] millions à [.. ] millions de lires italiennes) . Par contre, le document montre que ce vendeur tente d'influencer la Commission chargée d'adjuger le marché.

5.4. ICA

(87) Dans un télex du 23 avril 1982, le groupe Tetra Pak informe Tetra Pak Italie que la société ICA de Bologne cherche à développer une machine semblable aux machines aseptiques de Tetra Pak et qu'elle paraît désirer une certaine coopération. Le groupe conclut qu'il ne peut s'imaginer qu'il soit dans "l'intérêt de Tetra Pak de chercher une collaboration mais bien d'empêcher résolument une concurrence".

5.5. Burgopak

(88) Dans une lettre du 10 janvier 1983, le groupe Tetra Pak demande à Tetra Pak Italie d'approcher Burgopak pour que cette société augmente ses prix à l'exportation vers le Proche-Orient pour que puissent cesser les pressions que Tetra Pak, avec des prix de 40 % supérieurs à ceux de Burgopak, subit à ce sujet. Il conclut qu'il serait "ridicule d'avoir une sorte de guerre de prix si aucune des parties - excepté les clients! - n'en tire avantage".

6. La reprise de sociétés concurrentes

(89) En 1970, le groupe Tetra Pak a racheté Selfpack, fabricant autrichien de matériel d'emballage. Selfpack avait également développé en collaboration avec Buitoni un type de cartons de format Brik et un système d'emballage aseptique. Buitoni s'inspira ultérieurement de ce système pour la mise au point de son système aseptique Resolvo. Tetra Pak, de son côté, après le rachat de Selfpack, utilisa la technologie de cette société pour améliorer sa propre technologie d'aseptisation. Tetra Pak retira du marché les produits ou la plupart des produits Selfpack après l'acquisition de cette société. Le chiffre d'affaires de Selfpack au moment de sa reprise par Tetra Pak était de 1,4 milliard de schillings autrichiens (64,1 millions d'écus).

(90) En 1982, Tetra Pak a racheté Zupack, concurrent allemand, produisant également un carton similaire au carton Brik de Tetra Pak et ayant développé ou développant également un procédé d'emballage aseptique. Après son rachat par Tetra Pak, Zupack cessa ses activités dans ce secteur et ses machines disparurent du marché. Le chiffre d'affaires de Zupack était, selon Tetra Pak, de 2,6 millions de marks allemands en 1981 (1,03 million d'écus).

(91) En 1986, Tetra Pak prit le contrôle de Liquipak, un des fournisseurs importants de son concurrent Elopak. Liquipak était détenteur d'une licence de brevet et de savoir-faire exclusive portant sur une nouvelle technologie d'emballage aseptique, destinée aux cartons de format Gable Top. Cette technologie avait été développée en collaboration avec Elopak. Par cette prise de contrôle, la licence fut transférée à Tetra Pak lequel, par ailleurs, devenait également fournisseur de son principal concurrent. Au moment de la reprise par Tetra Pak, Liquipak avait un chiffre d'affaires de 9,9 millions de dollars des Etats-Unis (10,1 millions d'écus) (1986).

B. APPRECIATION JURIDIQUE

I. Article 86

1. Marchés en cause

1.1. Le marché des produits

(92) Tetra Pak opère sur les quatre marchés des machines et des cartons "aseptiques" et "non aseptiques" décrits au considérant (11) de la présente décision.

(93) Les raisons ayant conduit la Commission à retenir cette définition des marchés des produits en cause ont été longuement développées dans les considérants (29) à (39) de la décision Tetra Pak I (BTG) auxquels il y a lieu de se référer (45). Au terme de ces développements, il est apparu que si des emballages aussi divers que les bouteilles en verre, les bouteilles en plastique, les sacs en plastique, les boîtes métalliques, les cartons aseptiques, les cartons non aseptiques, etc. font partie de ce que l'on appelle communément et au sens large du terme le marché de l'emballage ou du conditionnement pour liquides alimentaires, celui-ci ne constitue pas le "marché en cause" au sens de l'article 86, ces différents types d'emballages ne se concurrençant qu'en longue période (46). En courte, et même vraisemblablement en moyenne période, les conditions de l'offre et de la demande sont telles que l'élasticité de substitution des produits par rapport aux prix est quasi-nulle.

Au niveau de la demande, cette faiblesse de l'élasticité de substitution s'explique par la part marginale du conditionnement dans le prix de vente au détail des liquides alimentaires (47) et par la stabilité assez grande des goûts des consommateurs en courte période. Au niveau de l'offre, le manque de substituabilité s'explique essentiellement par le coût financier de l'investissement que représente pour le producteur/conditionneur de liquide le passage d'un type de conditionnement à l'autre, l'apprentissage technologique qu'il requiert et ses répercussions éventuelles au niveau de la commercialisation (48), le tout dans la perspective de la très faible élasticité de substitution de la demande décrite ci-dessus.

Dans un état donné donc des techniques et des goûts des consommateurs, il faut considérer que les différents types d'emballage et de matériel correspondants forment des marchés distincts répondant à leurs conditions d'offre et de demande propres.

(94) Si la Commission considère que l'analyse visant à définir le marché doit se situer en courte période, c'est que sur une longue période, sous l'influence des progrès technologiques et de la modification des habitudes de consommation, les structures se modifient et les frontières mêmes des différents marchés se déplacent. La courte période est le temps économique opératoire dans lequel s'exerce le pouvoir de marché d'une entreprise déterminée (49) et où il faut, en conséquence, se placer pour l'apprécier.

(95) C'est une confusion dans ces temps opératoires qui amène Tetra Pak à considérer l'existence d'un seul vaste marché englobant toutes les formes de conditionnement des liquides alimentaires existants, et ce, quel qu'en soit le matériau constituant (verre, plastique, carton, etc.) (50). Or, la substitution sur le marché d'un type de matériau d'emballage par un autre est essentiellement le résultat des modifications dans les habitudes de consommation, lesquelles modifications, comme le reconnaît d'ailleurs Tetra Pak lui-même dans sa réponse à la communication des griefs, constituent clairement un processus de longue durée. En courte période par contre, il a été expliqué ci-dessus que, compte tenu des caractéristiques de l'offre et de la demande de ces produits, les différents types d'emballage pour liquides alimentaires sont non pas "nullement" mais "peu" interchangeables, ce qui correspond bien aux concepts de la jurisprudence de la Cour, qui n'exige en aucun cas l'absence totale de substituabilité pour qu'il soit question de marchés séparés (51).

(96) La Commission ne nie pas que les producteurs puissent dans une certaine mesure hâter ou retarder l'évolution des habitudes de consommation par des actions visant à influencer le consommateur dans le choix du conditionnement, mais il s'agit là d'un processus qui s'avère, comme le reconnaît à nouveau Tetra Pak (52), "coûteux" et de "longue durée", "qui peut s'étendre sur de nombreuses années" et dont l'issue demeure certes aléatoire.

(97) Il est, dès lors, indifférent à cet égard que le conditionnement soit ou non, pour le producteur/conditionneur de liquide, un des seuls coûts contrôlables (influenceable costs) : compte tenu de l'inélasticité de la demande finale, ce dernier ne va pas changer de type de conditionnement au gré des variations des coûts relatifs, mais bien en fonction de l'acceptabilité du conditionnement par le consommateur. Il ne s'agit pas ici de biens ou de facteurs de production substituables dont l'usage plus ou moins intensif serait neutre aux yeux du consommateur final. Le conditionnement est destiné à se retrouver entre les mains de ce consommateur dont il détermine partiellement le choix du produit principal. L'élasticité de la demande intermédiaire sera nulle si l'élasticité de la demande finale est nulle. C'est la demande finale qui règle l'attitude du producteur/conditionneur de liquides et c'est donc bien à ce dernier niveau que doit se situer l'analyse.

1.2. Le marché géographique

(98) Il a été mis en évidence dans la décision Tetra Pak I (BTG) que,même si les conditions de la demande peuvent différer d'un Etat membre à l'autre, le marché géographique en cause s'étendait, pour plusieurs raisons et compte tenu notamment du caractère marginal des coûts de transport, à toute la Communauté (53) .

2. Position dominante

(99) Les données relatives aux parts de marché communiquées par Tetra Pak et portant sur l'année 1985, qui sont reproduites aux annexes 1.1 et 1.2, illustrent non seulement la position dominante, et même quasi monopolistique de Tetra Pak sur les marchés aseptiques, mais montrent de plus que ce groupe occupe également la première place sur les marchés non aseptiques, y détenant une part de marché qui peut d'ailleurs, sauf circonstances exceptionnelles, être considérée à elle seule comme constitutive d'une position dominante [voir le considérant (104)].

(100) Pour ce qui concerne les marchés aseptiques, Tetra Pak détenait, en 1985, 92 % du marché communautaire des machines (annexe 1.2) et 89 % de celui des cartons (annexe 1.1). Dans aucun Etat membre, sa part de marché n'était pas inférieure à 57 % tant pour les machines que pour les cartons (sauf peut-être en Irlande). Elle était de 100 % dans quatre pays pour les machines et dans trois pays pour les cartons. L'analyse des données chronologiques (années 1976, 1980, 1985-1987) montre que la position dominante, quasi monopolistique même, de Tetra Pak sur ces marchés existait déjà en 1976 (87 % du marché des cartons) pour se renforcer légèrement par la suite (fluctuation des parts de marché autour de 90 à 95 %). Il faut également rappeler qu'il n'existe sur ces marchés qu'un seul concurrent de Tetra Pak, PKL, qui ne détient que 5 à 10 % des parts de marché (54) et que les barrières technologiques - pour les machines, en tout cas - et autres à l'entrée sont extrêmement élevées (55).

(101) Pour ce qui concerne les marchés non aseptiques, la part de marché de Tetra Pak, en 1985, s'élevait à 48 % pour les cartons et 52 % pour les machines. Dans aucun pays, sa part de marché ne se situait au-dessous de 35 % pour les machines et de 30 % pour les cartons (sauf peut-être en Grèce).Les données chronologiques montrent que Tetra Pak détenait 43 % du marché non aseptique des cartons en 1976 et respectivement 42 % de ce marché et 37 % de celui des machines en 1980. Le groupe paraît donc avoir conquis 10 % supplémentaires de ces marchés dans la première moitié des années 80 et cette progression paraît se poursuivre (+ ou - 55 % du marché en 1987).Il faut également rappeler que Tetra Pak ne connaît que deux concurrents importants sur ces marchés, Elopak et PKL, avec des parts de marché respectives d'environ 27 et 11 %.Non seulement Tetra Pak occupe donc la moitié ou plus du marché non aseptique, mais il devance à lui seul de 10 à 15 points ses deux principaux concurrents réunis, dont le premier est environ deux fois moins important que Tetra Pak, et le second cinq fois moins important.

D'autres facteurs renforcent encore la puissance de Tetra Pak par rapport à ses concurrents sur les marchés non aseptiques et notamment :

- le quasi-monopole de Tetra Pak dans le secteur aseptique qui fait de lui un fournisseur quasi obligé pour les entreprises - nettement majoritaires (56) - productrices à la fois de liquide alimentaire de longue conservation, conditionné aseptiquement, et de liquide alimentaire frais,

- la longue expérience de Tetra Pak dans les deux secteurs, le fait qu'il était (avec PKL et jusqu'à la reprise récente d'Ex-Cell-O par Elopak) le seul producteur/distributeur intégré de machines et de cartons,

-la diversité de ses produits et de ses implantations géographiques qui le rend moins dépendant de fluctuations diverses et lui permet de consentir, si nécessaire, des sacrifices financiers sur l'un ou l'autre de ses produits sans que ne soit mise en cause la rentabilité globale de ses activités,

- dans un même ordre d'idées, la faculté dont dispose Tetra Pak de concentrer tous ses efforts en matière de concurrence sur les marchés non aseptiques sans craindre de riposte sur les marchés aseptiques où il est pratiquement le seul producteur et où les barrières à l'entrée très élevées empêchent virtuellement l'émergence de concurrents potentiels.

Si l'on ne peut donc estimer que Tetra Pak bénéficie sur les marchés non aseptiques d'une position qui lui permette d'adopter un comportement aussi indépendant que sur les marchés aseptiques, il est certain qu'il y est moins soumis aux forces du marché que n'importe lequel de ses concurrents.Pour les raisons exposées plus loin [voir le considérant (104) ci-dessous], il n'est cependant pas nécessaire d'établir, dans le cadre de la présente procédure, si le pouvoir de marché que procure à Tetra Pak sa position de leader sur ces marchés non aseptiques devait être assimilé à l'occupation directe d'une position dominante au sens de l'article 86.

(102) Il y a également lieu d'observer que, si l'on prend en considération le secteur global du conditionnement en cartons pour liquides alimentaires, composé des marchés spécifiques mais voisins et connexes (57) que sont ceux de l'aseptique et du non aseptique, la "part de marché" de Tetra Pak était, en 1985, de 73 % pour les cartons comme pour les machines. L'analyse chronologique révèle une progression constante puisque, d'environ 60 à 65 % en 1976, elle passe à 65 à 70 % en 1980, 70 à 75 % en 1985 et dépasse les 75 % en 1987 (78 % pour les cartons).

(103) Tetra Pak conteste détenir une quelconque position dominante, se basant essentiellement pour défendre cette thèse sur sa définition du marché en cause - tous types d'emballage (cartons, verre, plastique, etc.) pour tous liquides alimentaires - laquelle définition lui donne bien évidemment une faible part de marché : 14 %.

Il faut d'abord noter que cette définition aboutit à englober dans le même marché un amalgame de conditionnements divers qui, sur le seul plan technique déjà, ne sont pas substituables. Tetra Pak inclut ainsi dans ce vaste "marché" l'ensemble des emballages utilisés pour les liquides gazeux, secteur où la "part de marché" du carton est évidemment égale à zéro puisque ce matériau n'est techniquement pas apte à conserver de tels liquides.

En tout état de cause, il a été démontré que les différents types de conditionnements, même lorsqu'ils sont techniquement substituables, ne le sont pas suffisamment sur le plan économique pour qu'on puisse les considérer comme relevant d'un même marché (58).

Peut-être le degré d'interchangeabilité est-il plus important au sein du seul secteur du conditionnement en cartons. Mais à considérer même qu'il le soit suffisamment pour qu'il y ait lieu de ne retenir - compte tenu également de l'identité des opérateurs économiques - qu'un seul grand marché pour l'ensemble des cartons d'emballage aseptiques et non aseptiques, Tetra Pak garderait sans conteste une position dominante sur l'ensemble du secteur, puisqu'il y disposerait, on l'a vu, d'une "part de marché" globale pour les cartons d'environ 78 %, contre + ou - 10 à 11 % pour Elopak, + ou - 8 % pour PKL et + ou - 4 % pour l'ensemble des autres producteurs. On peut encore ajouter que cette dominance ne se constaterait pas seulement pour l'emballage du lait - liquide sur lequel Tetra Pak estime que la Commission a trop centré son analyse - mais pour le conditionnement en cartons des trois groupes de liquides et semi-liquides qui représentent la quasi-totalité (95 %) de l'utilisation des cartons : sur la base des chiffres avancés par Tetra Pak même (59), on peut estimer que ce groupe détient 80 % du "marché" du conditionnement en cartons du lait (représentant lui-même 72 % de l'utilisation des cartons), 76 % de celui des jus de fruits (16 % de l'utilisation des cartons) et 56 % de celui des produits laitiers autres que le lait (7 % de l'utilisation des cartons).

3. Abus

Marchés où les abus ont été commis et synthèse de la politique poursuivie par Tetra Pak dans ce contexte

a) Marchés

(104) La Commission considère que Tetra Pak a commis des abus de position dominante au sens de l'article 86, tant sur les marchés aseptiques que sur ceux des machines et des cartons non aseptiques. Sa position, en 1985, sur chacun de ces marchés, peut se résumer comme suit :

- en ce qui concerne les marchés aseptiques, Tetra Pak, qui réalise quelque 90 % ou plus des ventes communautaires, qu'il s'agisse des machines ou des cartons (60), occupe de ce fait une position dominante sur ces deux marchés dans l'ensemble de la Communauté. Les abus décrits dans la présente décision, lorsqu'ils sont ou ont été commis sur les marchés aseptiques, relèvent en conséquence de l'interdiction fixée par l'article 86,

- en ce qui concerne les marchés non aseptiques, où les parts détenues par Tetra Pak sont sensiblement inférieures à celles observées sur les marchés aseptiques, étant de 48 % pour les cartons et de 52 % pour les machines, tous Etats membres confondus (61), l'existence d'une position dominante est moins certaine, lorsqu'on se limite à considérer ces marchés de façon isolée.

Il faut se rappeler, en tout état de cause, que la Cour de justice a reconnu comme constitutive d'une position dominante des parts de marché inférieures à celles en présence (62) et que d'autre part, dans certains Etats membres, les parts de marché détenues par Tetra Pak sur les marchés non aseptiques sont telles que l'existence d'une position dominante ne fait pas de doute même dans le cas où on se limite à une approche consistant à considérer ces marchés isolément.

La Commission considère cependant que, dans le cas d'espèce, une telle approche est trop limitative, car on ne peut faire abstraction des liens existant entre les marchés non aseptiques et les marchés aseptiques. Loin d'être parfaitement étrangers l'un à l'autre, les quatre marchés identifiés par la Commission, s'ils demeurent distincts, sont en effet voisins et même connexes. A la différence du lien créé par Tetra Pak entre les marchés des machines et ceux des cartons - lien que la Commission tient pour artificiel et injustifié dans la mesure où il est constitué par l'obligation contractuelle de n'utiliser sur les machines fournies par Tetra Pak que les cartons fabriqués par celui-ci (63), la connexité entre les deux marchés aseptiques, d'une part, et les deux marchés non aseptiques, d'autre part, est bien réelle, car:

1) les produits-clés, au conditionnement desquels servent les cartons, sont les mêmes tant sur les marchés de l'aseptique que sur ceux du non aseptique, à savoir les produits laitiers liquides et les jus de fruits (64) ;

2) au niveau de la demande, la grande majorité des utilisateurs (65) des produits proposés par Tetra Pak sur les marchés aseptiques opèrent également sur les marchés non aseptiques;

3) au niveau de l'offre, le comportement des principaux producteurs de cartons confirme le lien existant entre les deux marchés aseptiques et les deux marchés non aseptiques en ce sens que deux d'entre eux sont déjà présents (quoique dans des mesures fort différentes) sur les quatre marchés, c'est-à-dire Tetra Pak même et PKL - tandis que le troisième, Elopak tente depuis longtemps de s'y installer (66) (67). Certaines des formes de cartons proposées - le Brik - sont d'ailleurs utilisables et utilisées pour les deux types de conditionnement (moyennant adaptation des matériaux entrant dans leur composition).

Dans ces conditions, la Commission considère que les quatre marchés, ceux du secteur aseptique et ceux du non aseptique, sont non seulement voisins mais connexes à un point tel que les abus décrits dans la présente décision relèvent également de l'article 86 lorsqu'ils sont ou ont été commis par Tetra Pak sur les marchés non aseptiques. Cela est la conséquence de l'existence de la position dominante de Tetra Pak sur les marchés aseptiques, prise ensemble avec cette connexité qui existe entre les quatre marchés (68).

Il n'y a donc pas lieu de procéder à une démonstration indépendante de l'existence d'une position dominante de Tetra Pak sur les marchés non aseptiques pris isolément, les liens entre les quatre marchés décrits ci-dessus montrant qu'une telle approche cloisonnée n'est pas fondée.

La Commission se réfère sur ce point aux arrêts de la Cour de justice dans les affaires 6 et 7-73, "Commercial Solvents" (69), et 311-84, CBEM contre CLT ("Télémarketing") (70), et notamment aux points 23 et 25 de ce dernier arrêt, où la Cour a, de l'avis de la Commission, reconnu que l'existence d'une position dominante sur un marché peut créer une possibilité de contrôler les activités des entreprises concurrentes sur un marché voisin. Semblablement, Tetra Pak a, en l'espèce, utilisé la connexité existant entre les quatre marchés considérés pour commettre des abus sur les marchés des produits non aseptiques, abus qui n'auraient pu être commis en l'absence d'une position dominante sur les marchés aseptiques et ce, qu'il s'agisse [voir ci-dessous b) Synthèse] de pratiques visant à éliminer des concurrents ou leurs produits, de pratiques de prix prédatoires ou discriminatoires ou encore de l'imposition aux utilisateurs de produits Tetra Pak de conditions contractuelles abusives. Il importe donc peu à ce propos de savoir si les abus ont été commis sur le marché où l'entreprise détient une position dominante ou sur le marché voisin (et, en l'espèce, connexe), ou sur les deux: comme la Cour l'a reconnu, l'article 86 s'applique aux cas où la situation de dominance sur un marché permet un comportement abusif sur l'autre.

La Commission considère que cette appréciation se trouve également confirmée par la Cour de justice - et les abus établis, même au cas où la position dominante de Tetra Pak ne serait pas admise indépendamment de sa position sur les marchés aseptiques - dans son arrêt C-62-86 Akzo (ci-dessus) , notamment aux points 43 à 45 des motifs, où il était question, comme ici, d'un abus commis sur un marché autre que celui où la position dominante ne faisait aucun doute.

b) Synthèse

(105) S'appuyant donc sur la position dominante, quasi monopolistique même qu'il détient sur les marchés aseptiques, laquelle, alliée à une position de leader sur les marchés non aseptiques, en fait le fournisseur obligé de la plus grande partie des utilisateurs, Tetra Pak est parvenu à imposer à ceux-ci des obligations contractuelles qui ont essentiellement pour objet de les lier au groupe et d'empêcher tout échange portant sur ses produits (voir 3.1). Limitant au maximum par ces obligations contractuelles les possibilités de concurrence inter-marques, évitant par ces mêmes obligations contractuelles et par sa politique de production et de distribution entièrement autonome (voir 3.4) toute concurrence intra-marque, le groupe a réussi à imposer pour ses produits un cloisonnement des marches nationaux à l'intérieur de la CEE qui lui permet de pratiquer une politique différenciée et discriminatoire de prix, tants pour ses cartons (voir 3.2) que pour ses machines (voir 3.3). Toutes les conditions artificiellement restrictives de concurrence sont réunies pour pouvoir mener là où sa position quasi monopolistique est établie (marchés aseptiques) une politique tendant à une maximisation des profits (par exemple : cartons Brik aseptiques) (71) au détriment des consommateurs, laquelle politique lui permet à son tour de subsidier là où la concurrence demeure (essentiellement marchés non aseptiques), une politique de prix de combat, voire de prix éliminatoires (par exemple : cartons Rex, principalement en Italie) (72). Pour préserver ou renforcer cette position, Tetra Pak aura eu soin de développer, à l'appui de sa politique contractuelle et de sa politique de développement autonome, une politique de défense extensive en matière de droits de propriété intellectuelle (voir 3.4). Il utilisera encore, à cette fin ou pour renforcer sa position, les moyens ponctuels les plus divers (voir 3.5), y compris, le cas échéant, le rachat de concurrents (voir 3.6) (73).

3.1. Les conditions contractuelles de vente et de location du matériel et des cartons Tetra Pak [considérants (23) à (45)]

(106) Les abus résultant des conditions de vente et de location du matériel et de vente des cartons Tetra Pak qui sont relevés ci-après concernent tant les marchés aseptiques que les marchés non aseptiques. Ils ont été commis tantôt dans tous les Etats membres de la Communauté, tantôt dans certains d'entre eux, en fonction des clauses contractuelles qui y sont en vigueur [voir les considérants (23) à (45 ]. Comme il a été dit ci-dessus [voir le considérant (104)], la plupart de ces clauses ont pour objet de lier au maximum le client au groupe et de prévenir toute possibilité d'échange des produits qui lui sont livrés. Pour ce faire, nombre d'obligations sans lien avec l'objet des contrats sont imposées au client et certains d'entre elles portent atteinte à la nature même de ces contrats, qu'ils soient de vente ou de location des machines (74).

3.1.1. Les conditions de vente du matériel Tetra Pak [considérants (24) à (30)]

1. La configuration du matériel

i) L'interdiction d'ajouter des appareils accessoires à la machine

ii) L'interdiction de modifier la machine, d'y ajouter ou d'en retrancher des éléments

iii) L'interdiction de déplacer la machine

(107) Ces clauses peuvent, assurément, avoir pour effet de limiter la production ou le développement technique au préjudice du consommateur.

Il s'agit, de plus, d'obligations supplémentaires qui sont sans lien avec l'objet du contrat et qui privent l'acquéreur de certains attributs du droit de propriété.

Associées aux nombreuses autres obligations contractuelles qui ont pour objet de lier l'acquéreur au vendeur, elles ont pour effet de rendre le client totalement dépendant du matériel et des services de Tetra Pak.

2. Le fonctionnement et l'entretien du matériel

iv) L'exclusivité pour l'entretien et les réparations

(108) Cette clause s'étend au-delà de la période de garantie sur toute la durée de vie de la machine (75) et n'est donc pas justifiée par la responsabilité contractuelle que cette garantie impose à Tetra Pak.

Pareille condition d'exclusivité en matière d'entretien et de réparation ferme la porte à toute concurrence sur le marché des services d'entretien et de réparations.

Elle lie également entièrement le client à Tetra Pak, ne lui permettant pas d'opérer librement son choix - quel que soit celui-ci - et ne lui laissant même pas - sauf pour ce qui est limitativement énoncé et qui se rapporte aux petits entretiens - la possibilité d'assurer l'entretien ou les réparations par ses propres services techniques.

Elle assure, enfin, à Tetra Pak un moyen de contrôle indirect du respect par le client des diverses autres obligations contractuelles [telles que celles relatives à la configuration du matériel analysée au considérant (107)].

(v) L'exclusivité pour la fourniture des pièces de rechange

(109) L'appréciation développée ci-dessus à l'égard de la clause (iv) s'applique également à celle assurant à Tetra Pak (ou à un fournisseur désigné par lui) l'exclusivité en matière de fourniture des pièces de rechange qui renforce encore la dépendance du client vis-à-vis de ce groupe.

(vi) Le droit d'effectuer gratuitement des prestations d'assistance, de formation, de maintenance et de mise à jour technique non demandées par le client

(110) Le caractère gratuit des prestations ne peut masquer l'objet réel de la clause qui vise à nouveau à établir un lien étroit et permanent entre Tetra Pak et son client. S'il en était autrement, cette clause devrait à tout le moins avoir un caractère facultatif, laissant au client le droit d'accepter ou de refuser de telles interventions. Comme les clauses (iv), (xii), (xiii), (xiv), elle donne, en fait, à Tetra Pak un moyen de contrôle supplémentaire permettant de s'assurer du respect par l'acquéreur de ses obligations contractuelles. Il faut considérer qu'il y a abus, dans la mesure où le client n'a pas le droit de refuser l'intervention de Tetra Pak, alors même qu'il est le propriétaire de la machine.

(vii) La tarification dégressive des frais d'assistance, d'entretien et de mise à jour technique en fonction du nombre de cartons utilisés

(111) Dans ses contrats, Tetra Pak présente cette redevance mensuelle dégressive comme une participation à la couverture des frais fixes des services d'entretien, d'assistance, etc. Si tel est le cas, on ne voit pas pourquoi cette participation doit être payée sous forme d'une redevance mensuelle et n'est pas incluse dans le coût horaire d'intervention comme il est de pratique usuelle ou ne prend pas la forme d'un forfait à payer pour chaque intervention. Il faut donc voir dans la mensualisation de cette participation un incitant pour le client à faire réellement assurer la maintenance et les entretiens par Tetra Pak.

(112) Il n'y a guère plus de justification économique à la dégressivité de la tarification en fonction du nombre de cartons utilisés qu'à sa mensualisation. Cette forme de tarification doit en fait être perçue comme un incitant pour le client à respecter l'obligation qu'il a d'utiliser et de s'approvisionner exclusivement en emballages auprès de Tetra Pak [clauses (ix) et (x)] (76). Il s'agit là d'un système de remises équivalent aux systèmes de rabais de fidélité plusieurs fois condamnés dans le cas d'entreprises dominantes par la Commission et la Cour de justice (77).

(113) Si la mensualisation de la tarification tend à s'assurer du respect de l'exclusivité conférée à Tetra Pak en matière d'entretien du matériel et la dégressivité de celle qui lui est conférée en matière d'approvisionnement en cartons, la possibilité donnée à l'utilisateur de cumuler les quantités de récipients façonnés sur toutes les machines de même type en sa possession pour le calcul de cette dégressivité vise, quant à elle, à inciter celui-ci à s'équiper exclusivement auprès de Tetra Pak.

(114) Le système fournit enfin à Tetra Pak des renseignements sur les activités de production du client qui le place dans une situation privilégiée par rapport à ce client et par rapport aux concurrents qui n'ont pas les moyens d'imposer pareil système.

(viii) L'obligation d'informer Tetra Pak de tout perfectionnemennt ou modification technique apporté au matériel et de lui en réserver la propriété

(115) Cette clause limite l'usage que peut faire l'acheteur du bien dont Tetra Pak est censé lui avoir cédé la pleine propriété. Elle est non seulement sans lien avec l'objet du contrat de vente, mais elle en altère la nature. Elle limite également les débouchés et le développement technique en réservant à Tetra Pak seul les droits de propriété sur les perfectionnements apportés par le client. Le fait pour l'acquéreur de se voir priver du droit de disposer comme il l'entend du bénéfice de son invention doit être, en outre, considéré comme une condition de transaction inéquitable, même si une compensation - dont les termes restent à déterminer - est théoriquement prévue.

3. Les cartons

(ix) l'obligation d'utiliser uniquement des cartons Tetra Pak sur les machines

et

(x) l'obligation d'approvisionnement exclusif auprès de Tetra Pak

(116) Ces deux clauses se complètent pour rendre le système hermétique : non seulement il est exclu que l'acquéreur de la machine puisse utiliser sur celle-ci des matériaux d'emballage autres que ceux portant la marque Tetra Pak mais il ne pourra, en outre, s'approvisionner pour ces matériaux qu'auprès de Tetra Pak même (ou auprès d'une société désignée par ce groupe) (78). Une fois l'équipement acquis se trouve donc non seulement exclue tout possibilité de concurrence inter-marque mais également toute possibilité de concurrence intra-marque. Ces restrictions de concurrence intra-marques présentent un caractère particulièrement sérieux sur les marchés aseptiques où Tetra Pak détient une position quasi monopolistique.

(117) Un tel système de ventes liées (tying) qui, à nouveau, limite les débouchés et subordonne la conclusion de contrats à l'acceptation de conditions (achat de cartons) qui n'ont pas de lien avec l'objet de ces contrats (vente de machines) constitue une infraction grave à l'article 86, qui a été maintes fois condamnée par la Commission et la Cour de justice (79). Dans le cas présent, les restrictions de concurrence qu'il entraîne se trouvent encore renforcées par le système de distribution intégré de Tetra Pak et par la politique poursuivie en matière de brevets (qui tend à faire breveter les diverses particularités techniques secondaires des produits ou les moindres modifications qui leur sont apportées (80). Il rend le marché de cartons entièrement captif du marché de l'équipement et favorise la pratique de prix discriminatoires ou même d'opérations commerciales déficitaires au niveau de ce dernier marché (81). D'une part, en effet, le fait que la vente des machines constitue le passage obligé pour les ventes de cartons incitera tout normalement le vendeur à faire, si nécessaire, des concessions importantes mais très variables suivant le poids du partenaire dans la négociation. D'autre part, la perspective de rentrées assurées au niveau des ventes futures de cartons - garantie d'une véritable rente qui, dans le cas du carton Brik s'avère, on l'a vu, particulièrement rémunératrice - lui permettra aisément d'envisager de vendre le matériel à perte et ce jusqu'à la limite du seuil de rentablité globale des deux opérations liées "vente de machines/vente des cartons". L'inverse, c'est-à-dire subventionner la vente des cartons par des bénéfices réalisés au niveau de la vente des machines, s'avère évidemment également possible. Abusives, les clauses (ix) et (x) sont donc également potentiellement génératrices d'abus. Elles placent les concurrents dans une position extrêmement inconfortable, principalement ceux qui ne commercialisent que l'un ou l'autre des produits qui, chez Tetra Pak, se trouvent liés et qui ne peuvent donc pas, à l'inverse de ce groupe, subventionner les pertes éventuellement encourues sur un produit par les bénéfices engrangés par le second.

(118) L'argumentation développée par Tetra Pak pour justifier son système de ventes liées a évolué au cours de la procédure, en ce sens que l'accent a tour à tour été plus particulièrement mis sur l'un ou l'autre élément. La position de Tetra Pak peut, semble-t-il, toutefois se résumer de la manière suivante (82).

Tetra Pak ne se considère pas comme un fournisseur de matériel d'emballage d'une part et de récipients d'autre part, mais comme un fournisseur de "systèmes intégrés de distribution pour aliments liquides et semi-liquides destinés à la consommation humaine". Ces systèmes comprennent à la fois le savoir-faire, l'équipement, les récipients, le service et la formation.

Outre les économies d'échelle et les réductions de coût au niveau des matières premières et de la distribution qui peuvent résulter de relations stables de longue période avec la clientèle, l'obligation d'achats exclusifs se trouve, à l'estime de Tetra Pak, justifiée pour des raisons techniques, des considérations de responsabilité au niveau des produits, des considérations d'ordre sanitaire ainsi que par la protection de sa réputation (83).

Sur le plan technique, Tetra Pak considère que la haute technologie des machines nécessite l'utilisation des cartons spécifiquement conçus pour elles, ce qui exige une connaissance approfondie de ces machines et de leurs exigences, des produits destinés à être emballés ainsi que des interactions possibles entre ces machines et ces produits. L'obligation d'approvisionnement exclusif, par le lien qu'elle établit entre l'équipement et le matériau d'emballage, donne, d'autre part, naissance à des effets de synergie au niveau de la recherche et développement et du service après-vente. Il existe donc un "lien naturel" entre la machine et son conditionnement, lequel lien justifie l'obligation d'approvisionnement exclusif - le même principe est reconnu par l'article 3 point c) du règlement (CEE) n° 1984-83 de la Commission (84) - et exclut toujours selon Tetra Pak, toute possibilité d'infraction à l'article 86 du traité.

Tetra Pak estime que le système de ventes liées bénéficie également à l'utilisateur en cas de défectuosité des produits, en ce sens qu'il permet à Tetra Pak d'offrir au consommateur une garantie globale de performance et qu'il élimine la question difficile du partage des responsabilités entre le fournisseur de machines et le fournisseur de récipients (single source of responsibilities).

Au niveau sanitaire, Tetra Pak considère que, compte tenu des interactions spécifiques entre les machines et les emballages qui leur sont destinés, seule l'utilisation de cartons Tetra Pak peut empêcher l'émergence de problèmes sanitaires qui pourraient s'avérer extrêmement préjudiciables pour les consommateurs, principalement dans le secteur aseptique.

Tetra Pak considère enfin qu'il a un intérêt légitime, pour la défense de sa réputation, et eu égard aux questions techniques et sanitaires évoquées ci-dessus à chercher à ce que seuls des matériaux d'emballage provenant de ses propres sources soient utilisés sur ses machines.

Tetra Pak évoque également l'"usage commercial" et l'absence de concurrence effective pour les cartons utilisables sur les machines Tetra Pak.

(119) Il paraît a priori bien difficile de concevoir l'existence de "liens naturels" - justifiant, directement ou par analogie, une exemption fondée sur l'article 3 point c) du règlement (CEE) n° 1984-83 et excluant toute possibilité d'infraction à l'article 86 - entre des produits aux caractéristiques physiques totalement étrangères et ressortant de processus de production complètement différents. Il ne demeure donc que l'hypothèse de liens fonctionnels, réciproques et exclusifs, s'exerçant au niveau de l'utilisation des machines et des cartons dans le processus de conditionnement. La Commission se demande pourquoi si la thèse selon laquelle, pour des raisons techniques, seuls des cartons Tetra Pak peuvent être utilisés sur les machines Tetra Pak, est valide, ce groupe se voit obligé d'en faire une obligation contractuelle. S'il n'existe réellement pas d'alternative technique, pareille obligation est inutile. Mais, par contre, s'il en existe, le choix doit être laissé à l'utilisateur et toute obligation d'achats liés auprès d'une entreprise occupant une position telle que celle de Tetra Pak doit être prohibée.

Actuellement déjà, sur les marchés non aseptiques où règne une certaine concurrence, les faits contredisent la thèse de Tetra Pak et infirment la validité de ses arguments, en ce sens qu'il existe - et qu'il a toujours existé - des fabricants ou distributeurs de cartons utilisables sur des machines de différentes marques. Si tel n'est toutefois pas le cas pour les cartons utilisables sur les machines (tant non aseptiques qu'aseptiques) Tetra Pak, la cause doit en être cherchée précisément dans le système de ventes liées et dans la politique de brevets suivie par Tetra Pak qui, par l'absence de toute perspective de débouché que ces pratiques entretiennent, découragent tout producteur ou distributeur potentiel.

Par son comportement même, Tetra Pak contredit également sa propre thèse suivant laquelle la technicité et les autres raisons invoquées impliquent que seuls les propres cartons du fabricant d'une machine puissent être correctement utilisés sur celle-ci. En effet, Tetra Pak vend, et impose même à ces clients, ses propres cartons pour des machines d'autres fabricants - Cherry Burrel et Nimco - lesquelles machines ont peut-être subi certaines adaptations mais n'ont certes pas été conçues en fonction des cartons Tetra Pak. N'étant de plus - d'après ses propres dires - pas concessionnaire de ces fabricants mais seulement intermédiaire occasionnel, il ne peut avoir de ce matériel qu'une connaissance passive et extérieure, ce qui, par ailleurs, exclut en l'espèce les effets de synergie invoqués plus haut.

En tout état de cause, si ces "synergies" qui, selon Tetra Pak, résultent sur les plans économique et technique de la confusion pour une même entreprise des activités de vente de matériel et de vente de récipients ne profitent pas qu'au producteur et si des avantages réels existent pour l'utilisateur dans un système de fourniture intégré, ils se manifesteront sans qu'il soit nécessaire de recourir à des obligations contractuelles : c'est à cet utilisateur, et non au producteur, qu'il revient de pouvoir les apprécier au regard de ceux offerts par des systèmes ouverts et de déterminer librement son choix (85).

La Commission est, par ailleurs, bien consciente des problèmes techniques et éventuellement d'ordre sanitaire qui pourraient résulter d'une inadéquation des matériaux d'emballage aux spécifications particulières des machines Tetra Pak et des problèmes connexes de détermination des responsabilités réciproques et de la défense du renom des entreprises en cause. Il s'agit cependant là de problèmes qui se posent dès que l'on a affaire à un processus de production utillisant des équipements et biens accessoires d'origines diverses, lesquels problèmes ont des répercussions sur le plan sanitaire dès qu'il s'agit de produits destinés à la consommation humaine ou, plus généralement, de produits qui peuvent directement ou indirectement, toucher à la santé publique. Pour ce type de problèmes, courants et connus des utilisateurs, il existe des solutions techniques adéquates (publication des normes et spécifications à respecter) et un cadre juridique (droit commun de la responsabilité) dont l'objet même est de résoudre les problèmes qui surviendraient à la suite du non-respect des solutions techniques par les parties en présence. La règle de la proportionnalité exclut la mise en œuvre de pratiques restrictives de concurrence lorsqu'elles ne sont pas indispensables. Cette règle est d'autant plus impérative en l'espèce que les restrictions de concurrence concernées sont particulièrement sérieuses et s'exercent sur des marchés où, même sans leur application, la concurrence est déjà extrêmement limitée.

Il paraît enfin difficile d'invoquer l'usage commercial alors que, dans le secteur non aseptique, cette clause relative au produit lié n'est pas de règle générale et que, dans le secteur aseptique, il n'existe que deux producteurs. Il est également singulier d'évoquer l'absence de concurrence effective pour des cartons utilisables sur les machines Tetra Pak quand on pratique un système de ventes liées qui empêche précisément l'émergence de toute concurrence.

(120) Si Tetra Pak tient particulièrement aux clauses relatives aux "produits joints" (86), c'est que, plus que toute autre pratique classique de ventes liées, ce système s'avère être ici un des éléments essentiels de la politique commerciale du groupe. Il permet de limiter, on l'a vu, l'exercice de la concurrence aux opérations de vente (ou de location) des machines dans la mesure où celles-ci garantissent, ipso facto, par le jeu des clauses (ix) et (x), le placement pendant toute la durée de vie ou de location de ces machines des cartons Tetra Pak auprès de l'utilisateur. Tetra Pak limite ainsi la concurrence au terrain qui lui est le plus favorable, celui des machines où les barrières technologiques à l'entrée sont - principalement sur le marché aseptique où il jouit d'un quasi-monopole - très élevées. Et par la même occasion, il élimine, par le jeu de ces mêmes clauses contractuelles, l'émergence de toute concurrence dans le secteur des cartons où ces barrières technologiques sont beaucoup moindres.

Ce système, par la rente qu'il assure à Tetra Pak au niveau de la vente des cartons (contribution de [... ] % à plus de 100 % au bénéfice du groupe sur la période 1981-1984), facilite encore sur le plan financier, on l'a vu, le placement des machines Tetra Pak en lui permettant de les vendre à perte si nécessaire et à la limite de les placer même gratuitement à la disposition de certaines laiteries. Il autorise la poursuite d'une politique commerciale qui ne respecte plus la vérité économique des prix.

(xi) L'obligation d'informer Tetra Pak de tout perfectionnement ou modification technique apportée aux cartons et de lui en réserver la propriété: voir l'appréciation donnée pour la clause (viii) [considérant (115)]

(xii) Droit de regard sur le libellé à apposer sur les cartons

(121) Si Tetra Pak est fondé à protéger sa marque et les droits y afférents, cette protection peut cependant être assurée par la définition a priori du libellé réservé à Tetra Pak à apposer sur les cartons et ne requiert pas que le texte que le client est lui-même désireux de porter sur l'emballage de ses produits doive être approuvé, et éventuellement modifié, à chaque fois par Tetra Pak. Cette obligation, qui donne notamment à Tetra Pak un nouveau moyen de contrôle sur la politique commerciale du client, est sans lien avec l'objet du contrat.

4. Les contrôles

(xiii) et (xiv) Rapports mensuels et droit d'inspection

(122) L'obligation de remettre mensuellement un rapport sur les consommations de cartons, le fonctionnement de la machine, etc. et le droit que se réserve Tetra Pak de procéder à des inspections surprises du matériel et des matériaux d'emballage constituent des obligations supplémentaires sans lien avec le contrat de vente du matériel. Ces clauses, abusives en elles-mêmes, constituent de plus des moyens pour Tetra Pak de contrôler le respect par le client d'autres obligations également abusives [par exemple les clauses (i), (ii), (iii), (iv), (v), (vii), (viii), (ix), (x), (xi) et (xii)].

5. Le transfert de propriété (ou cession de l'usage) et le transfert des autres droits et obligations contractuels

(xv) L'obligation d'obtenir l'accord de Tetra Pak pour la revente (ou la cession de l'usage) du matériel, la revente conditionnelle et le droit de rachat réservé à Tetra Pak

(123) L'obligation pour l'acquéreur d'obtenir l'accord de Tetra Pak pour pouvoir exercer le droit qui lui appartient de disposer d'un bien qui est sa propriété ou même d'en céder seulement l'usage (Italie) est non seulement sans lien avec l'objet du contrat de vente précédemment signé mais constitue, par l'atteinte qu'elle porte à des attributs essentiels du droit de propriété, une condition de transaction inéquitable. Sans compter qu'une telle clause limite les débouchés du client (contraint, par exemple, de conserver un équipement devenu inadapté à sa production ou incapable de maximiser la rentablité de son investissement en en cédant l'usage) et/ou des concurrents (mis dans l'impossibilité de placer leurs propres produits).

(124) Le contrat prévoit certes que, à moins d'exercer son droit de rachat, Tetra Pak ne peut finalement s'opposer sans motif objectif à la transaction. Les termes "motifs objectifs" ne sont cependant nullement précisés et à supposer même que Tetra Pak accorde systématiquement son autorisation à la revente (ou à la cession de l'usage), le simple fait qu'il y ait lieu de la lui demander et de lui permettre de la sorte de connaître l'intention de l'utilisateur de procécer à cette opération, et a fortiori d'en connaître le destinataire, constitue un abus.

(125) On peut d'ailleurs douter que Tetra Pak accorde systématiquement son autorisation à la revente en Italie, quand on considère les conditions mises à la faculté de procéder à pareille opération en Espagne. Ces conditions interdisent en effet à l'utilisateur d'exporter la machine et d'offrir au tiers candidat acquéreur des conditions de revente plus favorables qu'à Tetra Pak. De telles conditions affectent directement le commerce entre Etats membres et limitent à nouveau les débouchés de l'acquéreur.

(126) Quant au droit de rachat réservé à Tetra Pak, il doit également être considéré, en lui-même, comme un abus dans la mesure où il limite, à nouveau, indûment la faculté de l'utilisateur, propriétaire de la machine, de disposer de son bien comme il l'entend et constitue un des instruments qui permettent à Tetrapak de cloisonner les marchés nationaux.

Constituent a fortiori un abus les conditions d'exercice de ce droit de rachat qui prévoient que le rachat par Tetra Pak doit se faire selon un barème fixé d'avance dans le contrat de vente (tous pays sauf Espagne), ce qui enlève au client toute possibilité de répondre à des propositions plus avantageuses.

Encore faut-il considérer que le niveau du prix de rachat lui-même peut, dans bien des cas, s'avérer abusif. Eu égard à ce que l'on sait de la durée de vie des machines, le barème tel qu'il est fixé par Tetra Pak, paraît, en effet, sous-évaluer les valeurs de rachat (par exemple : rachat d'une machine de quatre ans d'âge à 5 % de sa valeur). Encore peut-il ne constituer qu'un maximum (Grèce, Irlande, Royaume-Uni) qui ne sera appliqué que si le matériel a été entretenu de manière "satisfaisante". Ce barème est surtout d'un niveau dérisoire par rapport aux prix pratiqués par Tetra Pak, en Italie du moins, dans les cas de reprises d'anciennes machines opérées à l'occasion des placements de nouvelles machines chez des clients (87). Il apparaît donc comme un outil de dissuasion visant à ôter tout intérêt pour toute opération de cession du matériel Tetra Pak qui ne se réaliserait pas dans le cadre d'un nouvel achat auprès de ce groupe.

(127) Le droit, enfin, que se réserve Tetra Pak d'appliquer, en cas de non-respect de cette clause par l'acquéreur, une pénalité spécifique (pouvant s'ajouter aux dommages et intérêts usuels) et disproportionnée (100 000 dollars des Etats-Unis, soit une somme qui peut représenter selon les cas entre 20 et 80 % d'une machine neuve) (Grèce, Irlande, Royaume-Uni) complète le verrouillage du dispositif destiné à empêcher toute cession non contrôlée de matériel Tetra Pak et constitue un abus supplémentaire.

(xvi) Obligation d'obtenir du tiers acquéreur la reprise des obligations du premier acheteur

(128) Cette clause, qui a pour objet d'éviter que, en cas de revente, des brèches ne s'ouvrent dans le système de commercialisation de Tetra Pak, porte également atteinte à des attributs du droit de propriété et limite les débouchés. Cela sans considérer que le caractère abusif de cette clause peut également découler du fait qu'elle oblige le premier acquéreur à faire souscrire un tiers à une série d'obligations qui sont elles-mêmes abusives.

6. La garantie

(xvii) La liaison entre la garantie et l'observation des obligations contractuelles

(129) Si l'on peut admettre de lier la garantie à l'observation de certaines règles en rapport avec la responsabilité du vendeur quant au bon fonctionnement de la machine dans sa phase de rodage (entretien, pièces de rechange) , il faut considérer comme abusif le fait de la faire dépendre de l'observation de toutes les obligations (Italie) dont la plupart n'ont aucun lien avec ce fonctionnement, et ce sans considérer à nouveau le fait qu'un bon nombre de ces obligations sont, de plus, abusives.

(130) Est également abusive la clause liant cette garantie sur la machine à l'utilisation exclusive de cartons Tetra Pak ou d'un fournisseur désigné par Tetra Pak (Grèce, Irlande, Espagne, Royaume-Uni) dans la mesure où il s'agit ici d'une obligation sans lien avec l'objet du contract, car portant sur un produit différent, et destinée en fait à s'assurer, par un dispositif supplémentaire, du respect par l'acquéreur de la clause - abusive - imposant l'utilisation exclusive de cartons Tetra Pak.

3.1.2. Les conditions de location du matériel Tetra Pak [considérants (31) à 40)]

1. La configuration du matériel

(i) (ii) et (iii) Interdictions relatives à l'ajout d'accessoires, aux modifications et au déplacement du matériel

(131) Les clauses visant à assurer le respect de l'intégrité de la machine font partie des attributs du droit de propriété et ne constituent donc pas, par elles-mêmes, des abus au sens de l'article 86 quand elles sont imposées au locataire par une entreprise en position dominante. En l'espèce toutefois, ces clauses doivent être appréciées au regard de cet article en liaison avec les clauses relatives au loyer, sinon avec celles relatives à la durée de la location (Italie), qui rendent en fait la location assimilable sur le plan économique à une vente. Dans cette mesure, il est abusif de la part de Tetra Pak de conserver par-devers lui des droits réservés à la propriété alors que sur le plan économique, il faut considérer qu'ils s'est dessaisi de son bien au profit du locataire, lequel locataire aura, en effet, payé pour la mise à sa disposition de la machine un montant qui, non seulement représente la quasi-totalité de tous les loyers présents et futurs, mais qui de plus s'avère à peu près équivalent et parfois même supérieur aux prix de vente (88).

(xviii) Obligation d'utilisation exclusive de caisses, de suremballages, et/ou de conteneurs de transport Tetra Pak et obligation de donner la préférence en matière d'approvisionnement à Tetra Pak

(132) Une clause supplémentaire dans le contrat de location oblige le locataire à utiliser uniquement des caisses, suremballages et/ou des conteneurs de transport Tetra Pak (ou autorisé par lui) ou encore, à s'approvisionner de préférence, à conditions égales, chez Tetra Pak. Une telle obligation d'approvisionnement exclusif n'a, à nouveau, pas de lien avec l'objet du contrat et constitue également un abus au sens de l'article 86, tout comme la clause de préférence (clause anglaise) (89).

2. Le fonctionnement et l'entretien du matériel

Clauses (iv), (v), (viii): voir l'appréciation donnée aux considérants (108), (109) et (115).

3. Les cartons

Clauses (ix), (x), (xi) et (xiii) : voir l'appréciation donnée aux considérants (116) à (121) (90).

4. Les contrôles

Clauses (xiii) et (xiv) : voir l'appréciation donnée au considérant (122).

(xix) L'obligation d'autoriser Tetra Pak ou un auditeur agréé à examiner, éventuellement sans préavis, les comptes et les factures, la correspondance et les autres documents de l'entreprise

(133) Cette obligation supplémentaire en matière de contrôle par rapport à celles existant déjà dans les contrats de vente doit permettre à Tetra Pak de contrôler l'exactitude des données relatives à la consommation des cartons, laquelle, on l'a vu, détermine partiellement le montant du loyer. Semblable obligation est abusive, dans la mesure où son objet est de permettre le contrôle du respect d'une pratique qui, en l'espèce, est elle-même abusive.

(134) Sont également abusives les modalités mêmes de l'exercice de ce contrôle, dans la mesure où elles mettent à la disposition de Tetra Pak des moyens d'investigation qui vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour le contrôle de la seule consommation de cartons et qui lui permettent de prendre connaissance de la situation financière de l'entreprise cliente et même, selon les pays, de sa politique commerciale et de toute sa gestion interne. Sans lien avec l'objet du contrat et sans lien même avec l'objet du contrôle, elles augmentent encore la dépendance de l'utilisateur à l'égard de Tetra Pak et donnent à ce dernier un avantage supplémentaire sur la concurrence en lui ouvrant non seulement la possibilité d'obtenir des informations sur le client que cette concurrence ne possédera normalement pas, mais en lui donnant également, le cas échéant, une meilleure connaissance de la position de cette concurrence auprès du client, renforçant de la sorte sa capacité d'emporter la décision dans de futures opérations commerciales.

5. Le transfert du bail, la sous-location, la cession de l'usage ou l'usage pour compte de tiers

(xx) L'interdiction de céder le bail, de sous-louer, de céder l'usage de la machine ou d'effecteur des travaux à façon pour compte de tiers

(135) S'agissant textuellement d'un contrat de location, on peut concevoir que le propriétaire puisse interdire la cession de bail, la sous-location ou la cession de l'usage. Encore faut-il rappeler que le droit initial de location exigé en début de contrat est, en l'espèce, un montant tel que l'opération doit être assimilée, au niveau de l'investissement financier, à une vente. Il en résulte que le locataire ne pourra pas sans subir une lourde perte financière mettre fin à son contrat de location avec Tetra Pak avant qu'il n'ait suffisamment amorti cet investissement. C'est dans cette mesure que l'interdiction de céder le bail ou de sous-louer la machine est abusive car elle lie à nouveau indûment le client à Tetra Pak, au même titre que l'interdiction de la revendre existant dans les contrats de vente.

(136) Constitue a fortiori un abus l'interdiction d'effectuer des travaux à façon pour compte de tiers, interdiction qui n'a pas de lien avec l'objet du contrat de location et limite à nouveau indûment les débouchés de l'utilisateur. Cette clause exclut boute concurrence intra-marque, même indirecte.

6. La garantie

Clause (xvii) : voir l'appréciation donnée aux considérants (129) et (130).

7. La fixation du loyer et les conditions de paiement

(xxi) L'imposition d'un droit initial de location pratiquement équivalent à un prix de vente et représentant la quasi-totalité de la somme des loyers présent et futurs

(137) L'exigence d'un tel droit initial dénature le contrat de location, obligeant le locataire à payer anticipativement, au moment de la mise à sa disposition de la machine, la quasi-totalité des loyers présent et futurs (jusqu'à plus de 98 %). Pareille exigence rend le contrat de location assimilable au niveau de la contrepartie financière exigée de l'utilisateur à un contrat de vente, tout en ne conférant pas à cet utilisateur les droits afférents à la propriété. Réciproquement, cette transaction accorde à Tetra Pak le bénéfice d'une vente, en lui procurant un rendement financier immédiat et équivalent à celui d'une vente et en l'assurant du caractère quasi irrévocable de l'opération: la perte financière serait, en effet, trop lourde pour le locataire pour qu'il puisse économiquement envisager de mettre fin à la location avant l'expiration de la durée de vie de la machine. Cela permettra notamment à Tetra Pak de bénéficier pendant toute cette durée de vie de la machine de la rente résultant du système de vente liée des cartons, tout en lui évitant de transférer la propriété de cette machine.

(138) Cette clause a, en outre, des effets discriminatoires à l'égard des clients des Etats membres où n'existent que des contrats de location par rapport aux clients des Etats membres qui peuvent échapper à la condition financière abusive qu'elle représente en optant pour un contrat d'achat.

(xxii) La tarification dégressive du loyer mensuel en fonction du nombre de cartons utilisés

(139) Cette clause (xxii) remplace en fait la clause (vii) (qui ne se retrouve plus dans les contrats de location) et l'appréciation juridique qui en a été donnée s'applique ici également [voir les considérants (26), (38) et (111) à (114)].

8. La durée du bail

(xxiii) Durée du bail : minimum de trois à neuf ans

(140) En toute hypothèse, cette durée est excessive et donc abusive au regard de l'article 86. Elle l'est certainement dans le cas de l'Italie, où le premier terme du bail (neuf ans), en l'absence même de toute reconduction, équivaut ou dépasse la durée de vie sinon physique, du moins technologique (avant obsolescence) de l'équipement concerné: dans ce cas, la clause dénature même à nouveau le contrat de location. Mais il faut, de plus, considérer que la durée minimale de trois ans, elle-même, est abusive: dans un secteur où l'évolution technologique est rapide, elle lie indûment le locataire à Tetra Pak, l'empêchant - comme le contrat qu'il a choisi devrait en principe l'y autoriser - de saisir les éventuelles occasions se présentant sur le marché, et rend réciproquement plus difficile la pénétration des concurrents de Tetra Pak sur le marché.

(141) Il y a lieu d'ajouter que cette durée minimale n'est que toute théorique : le droit initial de location à payer lors de l'installation est, on l'a vu, fixé par Tetra Pak à un niveau tel qu'il incitera le locataire à amortir l'investissement financier qu'il représente sur la plus longue période possible et le dissuadera même, en bonne logique, de résilier son contrat avant la fin de la durée de vie du matériel (91).

9. La pénalité

(xxiv) Le droit pour Tetra Pak de fixer discrétionnairement une pénalité pour infraction à toute obligation contractuelle

(142) Il n'est pas admissible que, profitant de sa position dominante, une entreprise impose unilatéralement (cette clause joue à sens unique) des pénalités importantes (selon les cas, jusqu'à + ou - 5 à 10 % du droit initial de location ou environ un an du loyer annuel) dont elle fixe le montant exact discrétionnairement, en fonction de l'évaluation qu'elle donne elle-même de la gravité de l'infraction et ce, en outre, pour toute infraction à l'une quelconque des obligations contractuelles. Il s'agit d'une condition de transaction inéquitable au sens de l'article 86 imposée à nouveau dans le but de faire respecter des obligations qui, elles-mêmes, sont bien souvent abusives. Il importe peu à cet égard que cette clause ait ou n'ait jamais - comme l'affirme Tetra Pak - été appliquée compte tenu de la simple menace que son existence représente déjà pour l'utilisateur.

3.1.3. Les conditions de fourniture des cartons Tetra Pak [considérants (41) à (45) ]

1. L'exclusivité d'approvisionnement

(xxv) Obligation d'approvisionnement exclusif auprès de Tetra Pak

(143) Cette obligation traduit concrètement, au niveau du contrat de fourniture de cartons, l'obligation d'exclusivité déjà énoncée dans les termes des contrats de vente du matériel [clause (x)]. L'appréciation juridique qui en a été donnée lui est donc applicable (92). En ce qui concerne l'Italie, la présente obligation est encore plus restrictive de concurrence et a encore moins de lien avec l'objet du contrat que les clauses d'exclusivité apparaissant dans les contrats de vente et de location dans la mesure où l'acheteur doit s'y engager non seulement pour la machine qu'il vient d'acheter mais également pour toutes les autres machines Tetra Pak qu'il pourrait acquérir dans le futur.

2. La durée du contrat

(xxvi) Durée du contrat

(144) La durée du contrat d'approvisionnement exclusif en cartons Tetra Pak est, contractuellement ou dans les faits (durée minimale de neuf ans en Italie), liée à la durée pendant laquelle la machine reste en possession de l'acquéreur. Ce dispositif supplémentaire destiné à s'assurer du fonctionnement sans faille - même en cas de vente de la machine - du système de ventes liées et visant à garantir la pérennité de la rente qu'il engendre doit être considéré comme abusif.

3. La fixation des prix des cartons

(xxvii) Fixation unilatérale des prix par Tetra Pak, sans cadre de référence contractuel

(145) Le fait que, dans un contrat de fourniture de longue durée, le système permette à Tetra Pak de fixer et modifier unilatéralement les prix sans devoir suivre aucun système d'indexation ou de péréquation contractuellement prévu, alors même que la position dominante de Tetra Pak le soustrait largement en la matière aux lois du marché, doit être considéré comme une condition de transaction inéquitable (93).

3.1.4. Conclusions

(146) Au-delà de l'appréciation spécifique des différentes clauses contractuelles, quelques éléments plus généraux se dégagent de l'analyse ci-dessus.

1. Il n'est guère imaginable que des entreprises, dont la conduite serait dictée par les lois du marché, puissent imposer à leurs clients des clauses contractuelles aussi contraignantes que celles qui ont été vues. Cela confirme, si besoin en était encore, le pouvoir quasi monopolistique dont dispose Tetra Pak sur les marchés aseptiques. Le fait que Tetra Pak parvienne à imposer ces conditions, non seulement pour ses produits aseptiques mais aussi pour ses produits non aseptiques, illustre également le pouvoir de marché dont dispose ce groupe sur ce dernier secteur et ce grâce à la connexité - relevée plus haut (94) - existant entre les quatre marchés en cause. Comme on l'a vu (95), la majorité des producteurs/conditionneurs opèrent en effet tout à la fois sur les marchés voisins et connexes aseptiques et non aseptiques. Sur ces derniers marchés, Tetra Pak parvient donc, de par sa position de fournisseur quasi obligé en produits aseptiques, à imposer à ces clients communs les mêmes conditions contractuelles contraignantes sur les marchés non aseptiques, ce que ses concurrents opérant sur ces seuls marchés ne sont évidemment pas à même de faire.

2. On constate également à l'analyse que les multiples obligations imposées aux partenaires commerciaux jouent, à des degrés divers, toujours dans le même sens et relèvent, en fait, d'une stratégie visant à rendre, une fois réalisée l'opération de vente ou de location des machines, le client totalement dépendant de Tetra Pak pendant toute la durée de vie de ces machines, fermant ainsi la porte à toute possibilité de concurrence au niveau des produits annexes (services techniques, pièces de rechange) et des cartons.

3. Il apparaît, dès lors, que le seul moment où la concurrence est susceptible de jouer réellement est celui de la vente de l'équipement et non des cartons. Tetra Pak limite ainsi artificiellement la concurrence au terrain qui lui est le plus favorable, car c'est sur l'équipement, tout spécialement en matière aseptique, que son avance technologique est la plus grande et les barrières à l'entrée les plus élevées. Et c'est la raison pour laquelle Tetra Pak tient tant au système de ventes liées machines-cartons. Il lui permet de s'assurer de la rentrée de la quasi-totalité de ses bénéfices (environ 95 %) sous forme de rente (résultat de l'achat obligatoire de ses cartons) dès que sera placée la machine chez le client. Et au niveau de cette dernière opération, l'avantage de Tetra Pak résultant de son avance technologique pourra, s'il le faut pour emporter la décision, être complété par une vente ou une location à perte de la machine, laquelle n'aura dans tous les cas qu'une incidence totalement marginale au niveau des résultats financiers.

4. Compte tenu enfin de la position du groupe Tetra Pak sur le marché et du système de distribution autonome qu'il a mis en place, les restrictions de concurrence découlant des clauses contractuelles sont suffisantes pour rendre possible un cloisonnement des marchés nationaux à l'intérieur de la Communauté.

3.2. La politique commerciale en matière de vente de cartons

3.2.1. La rentabilité des cartons [considérants (47) à (51)]

(147) L'analyse des ventes des cartons Tetra Pak et de leur rentabilité respective a montré que le Brik aseptique, pratiquement à l'abri de toute concurrence, était le carton tout à la fois le plus vendu et le plus rentable contribuant à lui seul, et pour l'ensemble des Etats membres représentés, pour [...] à [...] % aux bénéfices totaux du groupe et de [...] % à 102 % si l'on s'en tient aux seuls cartons. L'analyse par Etat membre montre que les cas de dépassement d'un taux de contribution aux bénéfices de 100 % ne sont pas rares, qu'il s'agisse des bénéfices totaux ou des bénéfices engendrés par la vente des seuls cartons. Cela signifie donc que, dans le premier cas, les autres produits de Tetra Pak (cartons non aseptiques et machines) sont globalement déficitaires (96) et que le Brik aseptique les subventionne. Dans le second cas, il subventionne (avec l'appoint généralement assez marginal des machines) les cartons non aseptiques.

A l'opposé, le carton Rex, le plus exposé à la concurrence, s'est révélé être l'emballage le moins rentable de Tetra Pak, les cas de ventes à pertes s'avérant même fréquents dans sept des huit pays de la Communauté étudiés : Italie, Royaume-Uni, Belgique et Luxembourg, Allemagne, France, Danemark.

Pour les raisons développées dans la communication des griefs (page 34), la Commission n'a toutefois approfondi l'étude de la rentablité de ce carton que pour l'Italie. Et elle a recueilli des données suffisamment claires et univoques pour pouvoir conclure que, dans ce pays au moins, les ventes à pertes furent le résultat d'une politique délibérée qui a visé à l'élimination de la concurrence.

(148) Il est en effet apparu que ce groupe a vendu les cartons Rex en Italie à des prix largement inférieurs (- 10 à - 35 % selon les années) à leur prix de revient et ce, pendant une période significativement longue (sept années consécutives : 1976-1982).

S'il est difficilement concevable qu'un comportement qui s'oppose de telle sorte à la logique de la rentabilité économique, et qui émane d'une entreprise multinationale extrêmement efficiente, puisse relever d'une simple erreur de gestion, il faut encore se demander si des circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté de Tetra Pak ont pu contraindre ce groupe à subir les pertes ainsi encourues sur la vente de ce produit. Il n'y paraît guère :

1) sans doute, le début de la période considérée correspond-elle au lancement du produit Rex sur le marché italien. Il n'est toutefois guère plausible que des difficultés de démarrage soient seules à l'origine de pertes d'une telle ampleur et d'une telle durée. Cette hypothèse est d'autant moins réaliste que Tetra Pak était déjà depuis longtemps présent - et en position dominante - sur le marché italien pour les cartons de type Brik au moment où il y a introduit le Rex et y disposait de toute l'infrastructure technique et commerciale nécessaire (97) ;

2) il faut également écarter l'hypothèse selon laquelle Tetra Pak aurait été dans l'impossibilité de relever ses prix au niveau du seuil de rentabilité et contraint de vendre le Rex au-dessus de son prix de revient par la concurrence régnant sur le marché. Tout au long de la période considérée, Tetra Pak a vendu le Rex nettement au-dessous des prix pratiqués par Elopak pour le Pure-Pak et la différence entre ces deux types de cartons n'a fait que s'accentuer, passant de quelques pour-cent dans les années 1976-1978 à 30 % et plus dans les années 1980/1981 (50 % à un moment donné) alors même que les pertes de Tetra Pak sur le cartons Rex augmentaient. On ne peut donc imaginer qu'il puisse s'agir là d'une riposte de Tetra Pak à une pression sur les prix exercée par Elopak.

(149) L'analyse montre en outre que, pendant toute la période considérée, Tetra Pak a vendu ses cartons Rex en Italie, non seulement bien au-dessous de leur prix de revient - ou coût moyen total - mais également de leur coût variable moyen et même, l'année 1982 exceptée, de leur coût variable direct moyen (respectivement marge nette, marge semi-brute et marge brute très largement négatives). Cela confirme encore que Tetra Pak a adopté un comportement qui s'oppose à toute rationalité économique autre que celle s'inscrivant dans une stratégie d'éviction.

Si dans certaines circonstances, en effet, la poursuite d'activités dont la rentabilité n'est pas suffisante pour couvrir la totalité des coûts peut s'avérer économiquement justifiée à court terme dans la mesure où, les recettes demeurant supérieures aux coûts variables, elles contribuent partiellement à la couverture des coûts fixes, tout entrepreneur par contre doit normalement renoncer aux activités dont la rentabilité reste durablement insuffisante à la couverture des coûts variables, a fortiori, à celles qui n'assureraient même pas la couverture des seuls coûts variables directs.

Or, c'est bien le comportement contraire qu'a adopté Tetra Pak pendant sept années durant en Italie, vendant les cartons Rex à des prix largement inférieurs à leurs coûts variables et même à leurs coûts variables directs (98) (1982 excepté), à des prix qui, certaines années, ne pouvaient même pas couvrir le coût des matières premières, et qui, s'agissant des cartons importés, furent (pendant une période de huit années cette fois) de 10 à 34 % inférieurs à leur prix d'achat.

(150) La vente des cartons Rex largement au-dessous de leur prix de revient et même au-dessous de leur simple coût variable direct, l'ampleur des pertes supportées sur ce produit qui contraste d'ailleurs singulièrement avec celle des bénéfices réalisés sur le Brik aseptique + [...] % où Tetra Pak détient un quasi-monopole, la longueur de la période concernée, les différences de prix entre le Rex ital en et le Rex vendu dans les autres pays d'Europe (99), les différences de prix citées ci-dessus entre le Rex et le Pure-Pak (carton concurrent d'Elopak) sur le marché italien, la nécessité dans laquelle se trouvait Tetra Pak de lancer sur ce marché un carton de type Gable Top pour faire face à la percées du Pure-Pak d'Elopak, mieux adapté (aux dires mêmes de Tetra Pak) (100) aux besoins de la - ou d'une certaine - clientèle que le Brik non aseptique, les documents recueillis lors de la visite de vérification dans les locaux de Tetra Pak en Italie et les rapports du conseil d'administration, tout montre que les ventes à perte pratiquées par Tetra Pak le furent de manière délibérée (101) et qu'elles faisaient partie d'une stratégie de conquête ou de reconquête du marché italien de l'emballage non aseptique, où le Pure-Pak avait réussi à prendre une place qui pouvait s'avérer dangereuse. Dominant sur le marché de l'emballage aseptique dont il tirait la quasi-totalité de ses ressources, Tetra Pak pouvait se permettre de vendre à des prix qu'il faut bien qualifier "d'éliminatoires", dans un secteur qui lui était marginal, le cloisonnement des marchés nationaux qu'il avait érigé lui permettant, par ailleurs, de limiter territorialement son action et les pertes en résultant. Cette politique lui fut effectivement extrêmement peu coûteuse : avec 34,4 % de pertes sur le carton Rex en 1981 (année où celles-ci sont les plus sévères), il voit, compte tenu des faibles volumes en jeu, son bénéfice total en Italie diminuer d'à peine 3,7 % (102). En d'autres termes, en l'absence de pertes sur les cartons Rex, le bénéfice global de Tetra Pak sur ses ventes aurait été de [...] % au lieu des [...] % enregistrés. Dans ces conditions, Tetra Pak aurait pu - grâce à sa dominance sur les marchés aseptiques et aux profits qu'il y engrange - continuer cette politique jusqu'à la disparition totale d'Elopak - dont le Pure-Pak est pratiquement le seul produit - du marché italien sans grand dommage financier.

(151) La stratégie suivie par Tetra Pak fut effectivement payante. La politique décrite ci-dessus, associée à celle menée en matière de vente et location des machines, ainsi qu'à celle menée au niveau des clauses contractuelles (notamment les ventes liées) entraîne, comme on l'a vu, un accroissement brutal des ventes du Rex à partir des années 80 au détriment des cartons concurrents. Une des conséquences de cette dégradation de la situation d'Elopak en Italie sera également la fermeture, sans qu'elle ne soit jamais mise en service, d'une usine de production de cartons que ce groupe venait de construire à Pise : aujourd'hui encore, Elopak, contraint par cette évolution défavorable du marché, importe les cartons qu'il vend en Italie.

(152) La fixation par Tetra Pak des prix du carton Rex en Italie à un niveau destiné à éliminer la concurrence et à renforcer la position de Tetra Pak sur le marché non aseptique des cartons, fixation ayant entraîné des pertes importantes sur ce produit de 1976 à 1982, doit être considérée comme un abus au sens de l'article 86.

(153) Tetra Pak a d'abord nié avoir vendu les cartons Rex à perte et a tenté de donner d'autres explications aux difficultés rencontrées par Elopak sur le marché italien. Après l'analyse de la Commission, Tetra Pak n'a plus contesté ces pratiques, mais dans ses réponses écrite et orale à la communication des griefs, y a donné des justifications que la Commission considère peu plausibles, les principales étant : suivi du price leadership d'Elopak (alors que Tetra Pak vendait, on l'a vu, à des prix sensiblement inférieurs à ceux d'Elopak) , volonté commerciale de ne pas répercuter auprès des clients les hausses des prix des matières premières (ce qu'aucun producteur vendant à pertes ne fait dans un marché porteur), liaison des prix du Rex aux prix du Brik non aseptique (alors que les coûts de production du premier carton étaient sensiblement supérieurs à ceux du second et qu'ils étaient perçus différemment par les consommateurs (103).

3.2.2. Les prix pratiqués dans les différents Etats membres [(considérants (52) à (53)]

(154) L'application par Tetra Pak de prix de vente pour ses cartons extrêmement différents selon les Etats membres est discriminatoire et constitue un abus au sens de l'article 86. On a vu que le marché géographique (104) en cause, compte tenu notamment de l'importance négligeable des coûts de transport, est dans le cas présent la Communauté dans son ensemble. Les disparités de prix observées ne sont pas explicables sur le plan économique. Elles le sont encore moins quand on se rappelle que les matières premières - dont les cours sont mondiaux - interviennent pour plus de 70 % (105) dans le prix de revient des cartons. Elles ont été rendues possibles par la politique de cloisonnement des marchés que Tetra Pak est parvenu à entretenir artificiellement, créant ainsi les conditions qui autorisent la réussite de politiques telles qu'une politique de maximisation des profits sur des bases discriminatoires ou une politique de prix éliminatoires destinées à préserver ou à renforcer une position dominante.

(155) Tout en estimant (mais sans développer ce point) que les disparités résultaient de facteurs historiques et de spécificités structurelles, Tetra Pak a annoncé son intention de poursuivre une politique - à ses dires, déjà commencée - d'harmonisation des prix entre les différents Etats membres.

3.3. La politique commerciale en matière de vente et de location des machines

3.3.1. La rentabilité des machines [considérants (54) à (56) et (62) à (68)]

(156) Relativement marginales, on l'a vu, en termes de chiffres d'affaires, les ventes et locations de machines n'en sont pas moins déterminantes dans la stratégie commerciale du groupe. Par le système de ventes liées que celui-ci pratique, elles constituent, en effet, la clef ouvrant l'accès au marché des cartons.

(157) L'analyse des données résultant de la comptabilité analytique de Tetra Pak et relative aux années 1981-1984 a montré que l'activité "machines" était déficitaire dans un nombre non négligeable de cas. Compte tenu des variations observées d'une année à l'autre, il ne paraît cependant pas que l'on puisse, sur la base de ces seules données, tirer de conclusions définitives, sauf pour le Royaume-Uni où l'activité "machines" est, pendant quatre années au moins, constamment - et de façon croissante - déficitaire. Les recettes provenant de la vente/location des machines sont loin de couvrir les coûts de cette activité et, selon les estimations mêmes de Tetra Pak, pendant trois années sur les quatre, elles ne couvrent pas les seuls frais variables. La permanence des pertes ainsi que l'ampleur du déficit atteint (respectivement - 42 % et - 28 % pour les marges nette et semi-brute en 1984) ne peuvent résulter que d'une politique délibérée. Cette politique a d'ailleurs donné certains résultats : le taux de croissance des ventes/locations au Royaume-Uni a été, sur la période considérée, sept fois supérieur à celui enregistré dans les autres pays.

Les informations complémentaires fournies par Tetra Pak (106) confirment les conclusions émises ci-dessus. Tout en se défendant d'avoir eu toute "intention éliminatoire", Tetra Pak reconnaît que ces ventes/locations à pertes avaient un caractère délibéré, résultant non d'erreurs de gestion mais de la "concurrence intensive sur les prix". Le fait, comme l'invoque Tetra Pak, qu'elles aient essentiellement concerné le marché non aseptique des machines où Tetra Pak ne serait pas dominant n'empêche pas l'application des dispositions de l'article 86 puisque, comme on l'a vu, c'est le quasi-monopole de Tetra Pak sur les marches aseptiques qui lui permet de mener sur les marchés voisins et connexes non aseptiques une guerre de prix que ne peuvent suivre ses concurrents (107) et de vendre, contrairement à ceux-ci, à perte pendant de longues périodes sans mettre en péril la rentabilité globale de ses activités. On constate ainsi en l'espèce que, pendant toute la période considérée, les résultats globaux de la filiale britannique de Tetra Pak restent largement bénéficiaires (+ [...] % à + [...] % : annexe 3.3), alors que presque tous ses produits enregistrent des pertes, exception faite du Brik aseptique qui subventionne - et fait même largement plus que compenser - ces pertes (contribution à la marge nette variant de 109 à 160 %: annexe 3.5).

De telles pratiques destinées à éliminer artificiellement les concurrents de certains marchés sont abusives au regard de l'article 86.

(158) L'analyse d'un certain nombre d'opérations ponctuelles de vente et de location réalisées en Italie a, par ailleurs, révélé l'existence d'importants rabais consentis sur les prix nominaux de vente ou de location. Dans certains cas, ces rabais sont si importants que ces ventes ou ces locations n'ont pu être réalisées qu'à perte.

Cela se trouve d'ailleurs confirmé par le rapprochement des données relatives à ces rabais et des chiffres tirés de la comptabilité analytique. La marge nette de l'activité "machines" en Italie varie, en effet, de 8 à 17 % par rapport au chiffre d'affaires et la marge brute de 16 à 24 % (1981-1984). Tout rabais sensiblement supérieur à ces pourcentages engendre en principe (108) des ventes/locations à pertes dans le premier cas (rabais supérieurs à la marge nette), pertes qui sont d'une ampleur telle que le prix de vente/location ne couvre même pas les seuls coûts variables directs dans le second cas (rabais supérieurs à la marge brute). Or, il s'est avéré à l'analyse des opérations ponctuelles en Italie que des rabais de l'ordre de 50 % et même plus (jusqu'à 75 % dans un cas) sur le prix de vente/location n'étaient pas rares.

Le contexte dans lequel ces ventes/locations à pertes se sont déroulées (109) - c'est-à-dire dans des cas précis où il s'agissait d'enlever des marchés potentiels ou de reprendre des marchés déjà acquis à des concurrents - montre qu'il s'agissait d'opérations délibérées de vente à des prix "éliminatoires".

L'incitation à suivre de telles pratiques ne pouvait être que grandement renforcée par le système de ventes liées qui, une fois le placement d'une machine chez un client réalisée, entraîne ipso facto une rente assurée en ce qui concerne la vente des cartons pendant pratiquement toute la durée de vie de la machine et élimine de ce fait toute possibilité de concurrence sur le marché de ces derniers.

(159) Quand on considère à cet égard que, comme en Italie, les clauses contractuelles dans les Etats membres sont telles qu'une fois une de ses machines vendue ou louée, Tetra Pak est également assuré d'une rente quasi permanente en ce qui concerne les ventes de cartons et quand on constate que dans certains pays la rentabilité globale même de l'activité "machines" est négative - alors qu'elle demeure positive en Italie malgré les ventes à pertes qu'on a pu y constater - il paraît improbable que ces mêmes pratiques ponctuelles de ventes à pertes et d'opérations commerciales "éliminatoires" se soient limitées à ce pays. Il faut même considérer, au vu de l'ampleur et de la permanence du déficit de l'activité "machines" au Royaume-Uni observées ci-dessus et des explications fournies, à ce sujet, par Tetra Pak que, dans ce pays, ces pratiques ont dû y être quasi systématiques (110) .

3.3.2. Les prix pratiqués dans les différents Etats membres [considérants (57) à (61)]

(160) Le comportement commercial de Tetra Pak en matière de fixation des prix des machines est à plusieurs égards condamnable au titre de l'article 86 :

1) les grandes disparités de prix des machines Tetra Pak observées entre les Etats membres ne sont pas conditionnées par des facteurs économiques objectifs. Plus encore que pour les cartons, les frais de transports des machines sont totalement marginaux eu égard à la valeur marchande du produit et les faits montrent à suffisance que le marché a une dimension communautaire (tous les producteurs vendent dans tous les Etats membres). Les disparités de prix observées pour les machines Tetra Pak ne peuvent s'expliquer que par le système de cloisonnement des marchés nationaux, rendu possible par la dominance de ce groupe sur le secteur aseptique alliée à sa position de premier rang dans le secteur non aseptique ;

2) le fait que le loyer des machines doivent, dans sa quasi-totalité, être payé anticipativement au moment de leur mise à la disposition des clients dénature l'essence même du contrat de location et lie indûment le locataire à Tetra Pak non seulement pour les machines mais également, indirectement par le système de ventes liées, pour les cartons. Il met sur le même pied locataire et acheteur au niveau des charges financières tout en ne leur assurant pas les mêmes avantages ;

3) la supériorité très nette du droit initial de location des machines dans certains pays sur le prix de vente pratiqué dans d'autres pays constitue également une discrimination entre utilisateurs d'Etats membres différents pour les mêmes raisons que celles développées au point 2 ;

4. l'octroi par une entreprise en position dominante de rabais importants, non conditionné par l'importance de la commande mais par la volonté d'éliminer des concurrents de certains marchés, constitue également une infraction à l'article 86. Cette infraction revêt un caractère plus grave encore dans les cas où ces rabais vont jusqu'à un point où la vente est réalisée à perte.

3.3.3. Les prix et les conditions de paiement pratiqués en Italie [considérants (62) à (68)]

(161) L'analyse des contrats italiens, et surtout l'analyse détaillée d'un certain nombre d'opérations commerciales réalisées dans ce pays, qui a montré que les conditions et les prix de vente/location réels des machines pouvaient totalement différer des termes nominaux apparaissant dans les contrats, a confirmé l'existence à l'intérieur d'un même pays de pratiques discriminatoires et éliminatoires dont l'analyse de prix avait déjà révélé l'existence au niveau des différents Etats membres :

1) prix et conditions discriminatoires de vente ou de location entre les clients pratiqués en vue d'obtenir certains contrats et d'éliminer la concurrence ;

2) ventes ou locations à perte pratiquées dans la même perspective ;

3) prix de location pratiquement équivalents aux prix de vente ;

4) hiatus total entre le barème prévu pour le droit de préemption de Tetra Pak et les prix de rachat de ses anciennes machines pratiqués pour obtenir de nouveaux contrats.

Ces pratiques constituent également des abus au sens de l'article 86.

3.4. La production et la commercialisation des produits [considérants (20) à (22)]

(162) Tetra Pak a poursuivi une stratégie de développement presque exclusivement autonome n'accordant aucune licence de fabrication pour ses machines, aucune licence de fabrication pour ses cartons (à quelques exceptions près des pays hors CEE) et assurant partout la distribution de ses produits à travers le réseau de ses filiales (ou de sociétés désignées par le groupe). Il s'ensuit qu'il n'existe à l'heure actuelle aucune possibilité de concurrence intra-marque et que le cloisonnement des marchés nationaux est total. L'absence de concurrence intra-marque est particulièrement préjudiciable dans le secteur aseptique où Tetra Pak occupe une position quasi monopolistique.

(163) Les clauses contractuelles - notamment celle relative à la vente liée des machines et des cartons, qui exclut également toute concurrence inter-marques au niveau de ce dernier produit, une fois prise par l'utilisateur la décision de s'équiper en matériel Tetra Pak - achèvent, par ailleurs, de verrouiller le système. Si l'on considère, en outre, la politique de brevets développée par Tetra Pak en matière de cartons, il faut constater qu'à ce niveau également le système paraît quasi hermétique et ce, en excluant même l'hypothèse où le but réel poursuivi aurait, dans certains cas, visé plutôt à écarter la concurrence qu'à protéger des inventions. Ainsi, le dépôt continuel de brevets pour les modifications même secondaires a bien évidemment indirectement prolongé et prolonge encore le temps de protection initial accordé aux cartons Brik. Il s'ensuit qu'il est peut-être illusoire de considérer que pourrait apparaître une concurrence suffisante sur le marché de cartons par la seule suppression du système de ventes liées.

(164) Dans la mesure où ces stratégies légitimes en elles-mêmes sont poursuivies conjointement avec un système d'obligations contractuelles liant le client à une entreprise, en position dominante, pour ses différents produits, elles peuvent donner lieu à des pratiques qui produisent des effets restrictifs de concurrence tels - impossibilité de concurrence inter-marques, impossibilité de concurrence intra-marque et cloisonnement des marchés nationaux pour les produits de cette entreprise - que ces pratiques renforcent encore la position dominante de l'entreprise et peuvent, à ce titre, être abusives au sens de l'article 86. Sans donc condamner aucunement ces stratégies en elles-mêmes, la Commission se doit de veiller à ce qu'elles ne conduisent pas à l'émergence de telles pratiques.

3.5. Les autres pratiques vis-à-vis des concurrents [considérants (70) à (88) ]

(165) Il apparaît, à la lecture des documents recueillis lors de la visite de vérification des 27 et 28 janvier 1987 et des documents communiqués par Elopak, que Tetra Pak n'a pas hésité, en Italie au moins, de 1975 à 1984, à envisager l'utilisation et/ou à utiliser les moyens les plus divers pour faire obstacle à la concurrence : rachats, moyennant sacrifices financiers divers, de machines de concurrents en vue de les éliminer du marché ou de les priver de références commerciales; démarches auprès de clients ayant permis d'obtenir de leur part l'engagement de ne plus utiliser certaines machines de concurrents ; monopolisation de supports publicitaires spécialisés ; pressions auprès de fournisseurs communs en vue de couper les approvisionnements de concurrents ; tentatives d'influencer des membres des commissions d'adjudication de marchés pour les laiteries publiques. Sont retenues comme pratiques abusives, dans la présente décision, celles dont la mise en œuvre concrète est prouvée : en l'occurrence, les pratiques relatives au rachat et à l'engagement de non-utilisation de machines de concurrents [voir les considérants (73), (79) et (83)], à la monopolisation des supports publicitaires [voir le considérant (75)] et à l'élimination d'Italie de la quasi-totalité des machines Resolvo, qui constituaient un danger potentiel important sur les marchés aseptiques [voir les considérants (76) et (79) à (83)], sont établies. Elles doivent être considérées comme abusives au regard de l'article 86 dans la mesure où elles visaient à renforcer une position déjà dominante sur les marchés aseptiques et/ou à utiliser cette position pour éliminer des concurrents sur les marchés non aseptiques. On rappellera que la Cour de justice a reconnu que la Commission était fondée à considérer comme abusive, dans le cadre d'un plan visant à éliminer un concurrent, le simple fait pour une entreprise dominante de recueillir des renseignements auprès des clients des concurrents concernant les offres faites par ceux-ci - point 148 des motifs de l'arrêt C-62-86 "AKZO" [considérant (104) ci-dessus]. Cela vaut à plus forte raison pour des mesures telles que celles qui viennent d'être évoquées.

3.6. La reprise de sociétés concurrentes [considérants (86) à (88)]

(166) Il apparaît que la reprise de Selfpack, celle de Zupack et celle de Liquipak procèdent de la même stratégie que celle poursuivie dans l'affaire Resolvo qui vient d'être évoquée. Il s'agissait, à chaque fois, d'éliminer des concurrents qui, même s'ils étaient dans certains cas de dimension modeste, pouvaient à terme s'avérer dangereux dans la mesure où ils avaient développé ou tentaient de développer des systèmes d'emballage qui pouvaient mettre en péril le monopole de Tetra Pak dans le secteur aseptique. Dans le premier cas, Tetra Pak a éliminé les machines "Resolvo" du marché italien en les rachetant aux laiteries auxquelles elles avaient été vendues; dans les autres cas, Tetra Pak a racheté les concurrents eux-mêmes, s'appropriant de ce fait leurs technologies concurrentes ou en passe de le devenir.

(167) Dans cette optique, la reprise de Liquipak s'avérait la plus impérieuse. La technologie d'aseptisation que Liquipak développait avec Elopak, sous licence exclusive de BTG, avait pour cible avouée les cartons de type Gable Top, d'utilisation plus pratique pour le consommateur que les cartons de type Brik. Une telle perspective, si elle se concrétisait, pouvait s'avérer particulièrement dangereuse, la technologie d'aseptisation de Tetra Pak n'étant adaptée qu'aux cartons Brik. Pour garder son quasi-monopole, Tetra Pak se devait donc d'acquérir, directement ou indirectement et à titre exclusif, cette technologie que ce soit pour l'exploiter elle-même ou simplement, comme dans les deux autres cas cités ci-dessus, pour empêcher la concurrence de l'exploiter. C'est pour empêcher la persistance de cet abus que la Commission est intervenue dans l'affaire Tetra Pak I (BTG).

4. Atteinte aux échanges entre Etats membres

(168) Par l'effet combiné de son système de production et de commercialisation d'une part et des conditions contractuelles de vente/location qu'il est parvenu, grâce à sa position dominante, à imposer aux utilisateurs d'autre part, Tetra Pak a réussi à maintenir un véritable cloisonnement des marchés nationaux à l'intérieur de la CEE, empêchant de la sorte tout échange de ses produits d'un Etat membre à l'autre et lui permettant de pratiquer une politique de prix discriminatoires, parfois même éliminatoires (111). Les politiques de prix ainsi menées, alliées aux clauses restrictives de concurrence de ses contrats et à d'autres pratiques ponctuelles, affectent toute la structure de l'offre à l'intérieur de la Communauté et permettent à Tetra Pak d'écarter les concurrents de divers marchés qui leur seraient ouverts en l'absence des barrières ainsi artificiellement érigées.

5. Conclusions

(169) La Commission considère que, tirant parti de sa position dominante et quasiment monopolistique, sur les marchés - ainsi dénommés - "aseptiques" des machines et des cartons destinés au conditionnement des liquides alimentaires, Tetra Pak a commis et commet des abus au titre de l'article 86, tant sur ces marchés "aseptiques" que sur ceux voisins de l'équipement et des cartons "non aseptiques".

(170) Les abus commis par Tetra Pak, dont les aspects concrets et/ou la politique générale dans le cadre de laquelle ils se sont inscrits, ont été décrits aux considérants (104) à (167), peuvent se résumer de la façon suivante :

1) la poursuite d'une politique de production et de commercialisation visant à une restriction sensible de l'offre et à un cloisonnement des marchés nationaux à l'intérieur de la CEE ;

2) l'imposition aux utilisateurs des produits Tetra Pak, dans tous les Etats membres, de nombreuses clauses contractuelles dont l'objet est de lier indûment ces utilisateurs à Tetra Pak et d'écarter artificiellement le jeu potentiel de la concurrence ;

3) des pratiques de prix sur les cartons qui se sont révélées :

- discriminatoires entre utilisateurs d'Etats membres différents (de 1978 à 1984 au moins) (112)

et

- en Italie au moins, éliminatoires à l'égard des concurrents (de 1976 à 1982) (113) ;

4) des pratiques de prix sur les machines qui se sont révélées :

- discriminatoires entre utilisateurs d'Etats membres différents (de 1984 à 1986 au moins) (114),

- discriminatoires également, en Italie au moins, entre utilisateurs d'un même pays (de 1976 à 1986 au moins) (115)

et

- en Italie et au Royaume-Uni au moins, éliminatoires à l'égard des concurrents (de 1976 à 1986 au moins en Italie et de 1982 à 1984 au moins au Royaume-Uni) (116) ;

5) des pratiques ponctuelles diverses visant à l'élimination, en Italie au moins, de concurrents et/ou de leur technologie de certains marchés (de 1981 à 1983 au moins) (117) ;

6) le rachat de concurrents en vue de s'approprier - pour éventuellement éliminer - des technologies concurrentes ou potentiellement concurrentes. Ces derniers abus ne seront toutefois pas repris dans le dispositif de la présente décision soit qu'il y ait prescription (Selfpack, Zupack) , soit qu'une décision spécifique ait déjà été prise (Liquipak).

II. Remèdes

1. Cessation des infractions

(171) Aux termes de l'article 3 du règlement n° 17, la Commission, si elle constate une infraction aux dispositions de l'article 86 du traité, peut obliger les entreprises à y mettre fin.

Il est justifié d'obliger Tetra Pak à mettre fin aux infractions décrites ci-dessus, pour autant qu'il ne l'ait pas déjà fait. Il est également nécessaire que Tetra Pak prenne un certain nombre de mesures en vue de prévenir la poursuite ou la répétition des infractions constatées.

(172) En ce qui concerne les clauses contractuelles, il faudra que Tetra Pak modifie ou, selon les cas, supprime les clauses répertoriées sous les numéros (i) à (xxviii) de ses contrats de vente et le location de machines et de ses contrats de fourniture de cartons de façon à en éliminer les aspects abusifs mis en évidence ci-dessus. Ces nouveaux contrats devront être communiqués à la Commission.

(173) En ce qui concerne les prix, Tetra Pak veillera à ce que les divergences éventuelles entre les différents Etats membres ne soient justifiées que par les conditions spécifiques des marchés. Tout client devra pouvoir avoir accès aux prix en vigueur dans les autres Etats membres et s'approvisionner auprès de la filiale de Tetra Pak de son choix.

(174) Pour ce qui concerne en outre les prix, Tetra Pak devra s'abstenir de pratiquer des prix éliminatoires ou discriminatoires et aucun client ne devra pouvoir bénéficier, sous quelque forme que ce soit, pour l'équipement comme pour les cartons, de remises ou de conditions plus favorables de paiement qui ne seraient pas justifiées par une contrepartie objective. Ainsi pour les cartons, les remises ne devront concerner que les remises de quantité à la commande, non cumulables pour des cartons de types différents.

(175) En ce qui concerne la commercialisation de ses produits, Tetra Pak ne pourra refuser de répondre, aux conditions de prix en vigueur, aux offres d'achat émanant d'entreprises qui ne seraient pas les utilisateurs finaux des produits Tetra Pak.

(176) En ce qui concerne plus spécifiquement la commercialisation de ses machines, Tetra Pak devra communiquer au client les spécifications auxquelles doivent répondre les cartons d'emballage pour pouvoir être utilisés sur ses machines.

(177) Il paraît également opportun d'obliger Tetra Pak à envoyer des rapports périodiques à la Commission qui devront contenir les informations lui permettant de s'assurer que Tetra Pak respecte la présente décision.

2. Attitude de Tetra Pak pendant l'instruction de l'affaire et après l'ouverture de la procédure

1. Attitude de Tetra Pak pendant l'instruction

(178) Bien que modifiant parfois sensiblement ses argumentations (118), Tetra Pak maintint ses positions et poursuivit ses infractions pendant l'affaire Tetra Pak I et pendant l'instruction de Tetra Pak II (1983-1988)

A deux moments cependant, Tetra Pak fit des ouvertures.

Par lettre du 25 janvier 1985, Tetra Pak se déclara, en effet, disposé à envisager - mais pour l'Italie et pour le carton Rex (non aseptique) seulement - la suppression de la clause imposant à l'utilisateur des machines l'approvisionnement exclusif en cartons auprès de Tetra Pak, ainsi qu'à envisager quelques autres modifications secondaires. Cette proposition ne connut cependant pas de réalisation.

Le 2 décembre 1983, soit à une semaine de l'ouverture de la procédure, les conseils de Tetra Pak vinrent informer les services de la Commission de l'intention de Tetra Pak de modifier sa politique en matière de concurrence pour tenir compte des préoccupations de la Commission et demandèrent, dans cette optique, que ces préoccupations leur soient exposées. Tout en rappelant l'essentiel de ces préoccupations, les services de la Commission firent remarquer que, à la suite notamment de la longue instruction de cette affaire, Tetra Pak devait déjà en connaître le contenu et que celui-ci lui serait, en tout état de cause, exposé de manière circonstanciée dans la toute prochaine communication des griefs.

2. Attitude de Tetra Pak après l'ouverture de la procédure

(179) Cette attitude ne se maintint pas après l'ouverture de la procédure du 9 décembre 1988. Dans les longs développements de sa réponse écrite à la communication des griefs et au cours des deux jours de l'audition, Tetra Pak, considérant que la politique commerciale que le groupe menait était justifiée, contesta point par point les arguments développés par les services de la Commission et nia avoir commis quelque infraction que ce soit aux règles de concurrence du traité. Ce n'est que tout à la fin des deux jours de l'audition que Tetra Pak, tout en maintenant l'ensemble de ses positions, confirma les quelques ouvertures déjà faites dans sa réponse écrite à la communication des griefs et fit des ouvertures supplémentaires importantes en matière de clauses contractuelles et d'autres relatives à sa politique de prix, cela afin d'éviter "une confrontation inutile" avec la Commission. Tetra Pak demanda à la Commission d'entamer des discussions sur les points restant litigieux et notamment sur la question des ventes liées des machines et des cartons (tying).

(180) Ces discussions débutèrent quelques semaines après l'audition des 21 et 22 septembre 1989. Pendant un an, Tetra Pak présenta alors des propositions inacceptables pour la Commission dans la mesure, notamment, où il voulut d'abord maintenir, pour l'essentiel, un système de ventes liées puis présenta des solutions alternatives qui, tout lui en ôtant son caractère obligatoire, conféraient à ce système des avantages tels, pour celui qui le choisissait, qu'il était illusoire de voir quelque utilisateur que ce soit y renoncer et que le choix laissé au client s'avérait purement théorique. En septembre 1990 toutefois, Tetra Pak abandonna ces propositions et renonça au système de ventes liées (119). Sur la plupart des autres points de divergences qui subsistaient, il s'aligna également progressivement sur les positions de la Commission.

La Commission considère en conséquence que, au niveau des documents qui lui ont été soumis - lettre de Tetra Pak du 1er février 1991 qui finalise ses engagements (voir l'annexe 7) (120) et projets de contrat qui y sont joints - Tetra Pak s'est engagé à appliquer en substance les remèdes nos 1, 4 et 5 prévus par l'article 3 (121).

III. Amendes

(181) Aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission peut infliger par voie de décision des amendes allant de 1 000 à 1 000 000 d'écus, limite qui peut être portée jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent, aux entreprises qui, de propos délibéré ou par négligence, commettent une infraction aux dispositions de l'article 86. En fixant le montant de l'amende, il est tenu compte de la gravité et de la durée de l'infraction.

(182) En 1990, le chiffre d'affaires de Tetra Pak s'est élevé à 3,6 milliards d'écus. La Commission estime que les premiers abus dont elle a pu établir l'existence, sur la base des informations qu'elle a recueillies, remontent au moins à 1976 (date à laquelle il est prouvé que Tetra Pak avait une position dominante). Pour ce qui concerne les clauses contractuelles, ces abus n'ont pas cessé avant mars-avril 1991 (date d'entrée en vigueur des nouveaux contrats). Ils se sont donc prolongés sur une période particulièrement longue. Pour les autres pratiques, les durées sur lesquelles s'est basée la Commission pour fixer le montant de l'amende sont celles indiquées au considérant (170), même si certaines d'entre elles se sont vraisemblabement (par exemple les prix discriminatoires) prolongées au-delà des ces périodes ou se prolongent encore.

(183) Tetra Pak ne pouvait ignorer que son comportement était abusif. Il ressort même des éléments exposés ci-dessus que toutes les pratiques abusives relevaient d'une politique délibérée du groupe.

(184) En conséquence, la Commission considère qu'il est nécessaire d'infliger une amende à Tetra Pak pour les abus constatés - sauf pour ceux résultant de la politique de développement autonome et de la politique de brevets - d'un montant qui tienne compte de leur gravité et de leur durée. Dans l'appréciation de ce montant, la Commission a tenu compte, en particulier des éléments suivants :

1) comme indiqué au considérant (182), les infractions, ou en tous cas certaines d'entre elles (obligations contractuelles) ont été d'une durée particulièrement longue (quinze ans ou plus) ;

2) les infractions ont été nombreuses et diversifiées, tombant sous le coup de toutes les dispositions de l'article 86. Elles ont concerné la totalité ou la quasi-totalité des produits du groupe et la plupart d'entre elles ont affecté tous les Etats membres ;

3) les infractions ont été particulièrement sérieuses et relevaient d'une stratégie délibérée et cohérente du groupe visant, par des pratiques éliminatoires diverses à l'égard des concurrents et par une politique de fidélisation des clients à maintenir artificiellement ou à renforcer la position dominante de Tetra Pak sur des marchés où la concurrence était déjà limitée ;

4) les infractions résultant, on l'a vu, d'une stratégie délibérée ont eu des effets particulièrement néfastes sur le plan de la concurrence. Elles ont permis à Tetra Pak de maintenir sa position quasi monopolistique dans le secteur aseptique (parts de marché de 90 à 95 %) et de renforcer sa position dans le secteur non aseptique (parts de marché passant de + ou - 40 % en 1980 à + ou - 50 à 55 % actuellement). Les ventes liées des machines et des cartons ont notamment grandement contribué à empêcher le développement de toute concurrence effective dans le secteur aseptique tandis que la politique de prix menée en Italie pour les cartons Rex aurait vraisemblablement mené à l'élimination de cette société du marché italien si elle s'était poursuivie après la plainte d'Elopak. En tout état de cause, cette société à dû fermer la nouvelle usine qu'elle y avait construite.

Ces infractions ont également permis à Tetra Pak de cloisonner totalement les marchés nationaux à l'intérieur de la Communauté, ce qui a empêché d'atteindre un objectif fondamental du traité, à savoir l'établissement d'un Marché commun.

5) Comme décrit aux considérants (178), (179) et (180), Tetra Pak a, pendant toute l'instruction de cette affaire et après l'ouverture de la procédure, maintenu ses positions et continué de commettre nombre d'infractions décrites dans la présente décision. Au début de l'année 1991, Tetra Pak s'est toutefois engagé à appliquer en substance les remèdes nos 1, 4 et 5 prévus par l'article 3 et a déclaré prendre les mesures requises à cet effet,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION:

Article premier

Tirant parti de sa position dominante sur les marchés - ainsi dénommés - "aseptiques" des machines et des cartons destinés au conditionnement des liquides alimentaires, Tetra Pak a, depuis 1976 au moins, enfreint les dispositions de l'article 86 du traité CEE, tant sur ces marchés "aseptiques" que sur ceux voisins et connexes des machines et des cartons "non aseptiques" par une série diversifiée de pratiques visant à l'élimination de la concurrence et/ou à la maximisation au détriment des utilisateurs des bénéfices qui pouvaient être retirés des positions acquises. Les éléments essentiels de ces infractions peuvent se résumer de la façon qui suit :

1) poursuite d'une politique de commercialisation ayant abouti à une restriction sensible de l'offre et à un cloisonnement des marchés nationaux à l'intérieur de la CEE ;

2) imposition aux utilisateurs des produits Tetra Pak, dans tous les Etats membres, de nombreuses clauses contractuelles - telles que répertoriées sous les numéros (i) à (xxvii) - dont l'objet essentiel est de lier indûment ces utilisateurs à Tetra Pak et d'écarter artificiellement le jeu potentiel de la concurrence ;

3) pratiques de prix sur les cartons qui se sont révélées discriminatoires entre utilisateurs d'Etats membres différents et, en Italie au moins, éliminatoires à l'égard des concurrents ;

4) pratiques de prix sur les machines qui se sont révélées :

- discriminatoires entre utilisateurs d'Etats membres différents,

- discriminatoires également, en Italie au moins, entre utilisateurs d'un même pays

et

- en Italie et au Royaume-Uni au moins, éliminatoires à l'égard des concurrents ;

5) pratiques ponctuelles diverses visant à l'élimination, en Italie au moins, de concurrents et/ou de leur technologie de certains marchés.

Article 2

Une amende de 75 (soixante-quinze) millions d'écus est infligée à Tetra Pak pour les infractions visées à l'article 1er.

Cette amende est à verser, en écus, au compte n° 310-0933000-43 de la Commission des Communautés européennes, Banque Bruxelles Lambert, agence européenne, rond-point Schuman, 5 - 1040 Bruxelles, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Le montant de cette amende porte intérêt de plein droit, à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ses opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de trois points et demi.

Article 3

Tetra Pak met fin immédiatement aux infractions visées à l'article 1er, pour autant qu'il ne l'ait déjà fait.

A cet effet, Tetra Pak s'abstient de répéter ou de poursuivre tout acte ou comportement décrit à l'article 1er et s'abstient d'adopter toute mesure d'effet équivalent.

En particulier, Tetra Pak prend les mesures exposées ci-après :

1) Tetra Pak modifie ou, selon les cas, supprime les clauses répertoriées sous les numéros (i) à (xxvii) de ses contrats de vente et de location de machines et de ses contrats de fourniture de cartons de façon à en éliminer les aspects abusifs mis en évidence par la Commission. Ces nouveaux contrats devront être communiqués à la Commission ;

2) Tetra Pak élimine les différences entre les prix qu'il pratique sur ses produits dans les différents Etats membres et qui ne résultent pas des conditions spécifiques des marchés. Tout client doit pouvoir s'approvisionner, dans la Communauté, auprès de la filiale de Tetra Pak de son choix et aux prix pratiqués par celle-ci ;

3) Tetra Pak ne pratique ni prix éliminatoires ni prix discriminatoires et il n'accorde à aucun client, sous quelque forme que ce soit, des remises sur ses produits ou des conditions plus favorables de paiement qui ne sont pas justifiées par une contrepartie objective. Ainsi pour les cartons, les remises ne doivent concerner que des remises de quantité à la commande, non cumulables pour des cartons de type différents ;

4) Tetra Pak ne peut refuser de répondre, aux conditions de prix en vigueur, aux offres d'achat émanant d'entreprises au motif qu'elles ne sont pas des utilisateurs finaux des produits Tetra Pak ;

5) Tetra Pak communique au client acheteur ou locataire d'une machine les spécifications auxquelles doivent répondre les cartons d'emballage pour pouvoir être utilisés sur ses machines.

Article 4

Pendant une période de cinq ans prenant cours le 1er janvier 1992, Tetra Pak fera parvenir à la Commission, dans les six premiers mois de l'année, un rapport permettant à la Commission d'apprécier si les mesures mises en œuvre par Tetra Pak en application de la présente décision ont effectivement mis fin aux infractions constatées à l'article 1er.

Article 5

La présente décision est destinée à :

Tetra Pak International SA, 70 avenue Général-Guisan, PO Box 446, CH - 1009 Pully/Lausanne, c/o Tetra Pak Italiana, SpA, Via Delfini 1, I - 41100 Modena.

(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204-62.

(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268-63.

(3) Pour une description des différents types de cartons, voir les considérants (14) et (15) ci-dessous.

(4) Lettre du 20 décembre 1988 de M. Caspari, directeur général de la direction générale de la concurrence, à Tetra Pak Rausing SA.

(5) Voir la décision 88-501-CEE de la Commission, Tetra Pak I (BTG) (JO n° L 272 du 4. 10. 1988, p. 27), ci-après Tetra Pak I (BTG), considérants (9) à (14), (22) à (25) et (29) à (41). Pour l'arrêt du tribunal de première instance, voir note de bas de page (1) à la page 18.

(6) Le lait "stérilisé" n'occupe plus qu'une part relativement marginale du marché.

(7) Moins de 10 % pour le lait et moins encore pour la plupart des autres liquides et semi-liquides.

(8) Voir Tetra Pak I (BTG), considérants 29 à 41

(9) Y compris certains semi-liquides alimentaires.

(10) Voir les annexes 1.1 et 1.2 pour des données détaillées par Etat membre en 1985. L'année 1985 est la seule pour laquelle la Commission possède des données pour les plus petits concurrents de Tetra Pak.

(11) Y compris Bowater PKL, filiale commune britannique de PKL et Bowater, produisant sous licence PKL.

(12) Détenue maintenant à 50 % par Elopak.

(13) Maintenant Elopak, depuis le rachat, par cette société, de la division "machine d'emballage" d'Ex-Cell-O en 1987 [voir le considérant (16) ci-dessous].

(14) Mais non exclusivement : voir le considérant (18) ci-dessous.

(15) Voir notamment à ce sujet la réponse écrite du 15 mai 1987 de Tetra Pak à la communication des griefs dans l'affaire Tetra Pak I (BTG), partie II. Voir également les considérants (71), (76) à (83), (89) à (91) ci-dessous.

(16) L'ensemble des matières premières pouvant atteindre environ 80 % de ce prix de revient.

(17) La technologie permettant de construire des machines capables d'assurer la stérilisation des cartons et de fonctionner en continu dans un environnement aseptique demeure relativement complexe et exige un savoir-faire et une expérience considérables.

(18) Pratiques associant notamment les ventes de cartons et de machines : voir chapitre IV section 2, ci-dessous.

(19) Pour une description détaillée des aspects technologiques et des barrières à l'entrée : voir Tetra Pak I (BTG), notamment les considérants (9) à (25), (36), (38) et (44).

(20) Dans la détermination des sanctions, il sera évidemment tenu compte de la limitation de l'analyse de certaines des pratiques de Tetra Pak à ce pays [voir les considérants (180) à (183) ci-dessous].

(21) Exception faite des distributeurs qui travaillent pour Liquipak, récemment reprise par Tetra Pak.

(22) Les pourcentages respectifs des ventes (V) et des locations (L) des machines étaient les suivants en 1986 : Belgique: [...] % (*), Danemark: [...] %, France: [...] %, Allemagne: [...] % [...] %, Grèce: [...] % [...] %, Irlande: [...] % [...] %, Italie: [...] % [...] %, Pays-Bas: [...] % Portugal: [...] %, Espagne: [...] %, Royaume-Uni: [...] % [...] %. (*) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines informations ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.

(23) Voir le considérant (59) ci-dessous.

(24) La question des prix réellement pratiqués fait l'objet de la troisième section de ce chapitre. Seule est ici abordée la question de leur mode de fixation.

(25) Communication des griefs, pages 27 à 39 et annexes 4 à 7.

(26) Irlande, Grèce, Espagne et Portugal exclus.

(27) Un taux de plus de 100 % signifie que, globalement, les autres produits de Tetra Pak sont déficitaires et que le Brik aseptique les subsidie.

(28) Jusqu'à 154 % en France en 1982 et 160 % au Royaume-Uni en 1984

(29) Pour rappel: - marge nette = marge sur coûts totaux (coûts fixes et variables) , - marge semi-brute = marge sur coûts variables directs et indirects, - marge brute = marge sur coûts variables directs, - les coûts (fixes ou variables) directs sont ceux qui peuvent être entièrement imputés à un produit déterminé. Les coûts indirects sont ceux qui, étant par contre communs à plusieurs produits, ne peuvent leur être imputés que par l'usage - comportant toujours une certaine marge d'arbitraire - de clefs de répartition.

(30) 1982 excepté, mais même cette année la marge semi-brute reste négative.

(31) Source: Tetra Pak pour les données relatives à ses ventes, Elopak pour les données relatives aux siennes et à celles des autres concurrents.

(32) Tetra Pak conteste cette perte de marché.

(33) Les chiffres tirés de ces listes de prix partent de bases de calculs comparables (mêmes tailles de cartons et mêmes quantités à la commande).

(34) Pour un exposé détaillé, voir la communication des griefs, pages 34 à 54 et annexes 8 à 10.

(35) Tetra Pak, Machines Sales in the United Kingdom - Supplementary Memorandum, novembre 1989. Tetra Pak n'a pas donné d'estimation de la marge brute.

(36) Tetra Pak a communiqué à la Commission les cas où des rabais de plus de 15 % avaient été accordés mais sans mentionner les montants de ces rabais.

(37) Mais non nécessairement par rapport aux prix des cartons.

(38) On verra plus loin quelles conséquences il faudra en tirer pour ce qui concerne certaines obligations des contrats de location. [Voir notamment les considérants (131), (135), (137) à (139) et (141) ci-dessous].

(39) Les prix courants ont été déflatés par l'indice des prix des produits de la transformation industrielle en Italie (Source: Eurostat).

(40) Le caractère général de l'indice des prix des produits industriels ne peut refléter exactement les variations plus spécifiques des machines ici concernées (machines destinées à l'emballage des liquides alimentaires) et la déflation des prix s'opère arbitrairement année par année.

(41) Voir l'annexe 10 de la communication des griefs. Les éléments factuels des opérations commerciales décrites dans cette annexe n'ont pas été contestés par Tetra Pak au cours de la procédure administrative auprès de la Commission.

(42) Voir les annexes 6.1 et 6.3. (43) Voir la communication des griefs, pages 52 à 54.

(44) A l'exception des documents mentionnés au considérant (75).

(45) Il convient toutefois de rappeler que si le Tribunal de première instance a rendu un arrêt dans cette affaire Tetra Pak I (BTG) (arrêt du 10 juillet 1990 dans l'affaire T-51-89 - Recueil 1990, p. II-347) , celui-ci n'a pas abordé la question de la définition des marchés en cause, ni celle de la position de Tetra Pak sur ces marchés (voir notamment points 12 et 13 de cet arrêt).

(46) Au sens économique du terme.

(47) Environ 10 % pour le lait, moins encore pour la plupart des autres liquides alimentaires. Cela implique qu'une variation significative de 10 % des prix relatifs des conditionnements n'aura qu'un effet négligeable d'environ 1 % dans le prix de vente du lait et un effet généralement plus négligeable encore pour les autres liquides alimentaires.

(48) Modification de la politique de marketing, des procédés de manutention et de stockage, voir du système de distribution (passage d'un conditionnement consignable à un conditionnement non consignable ou vice versa).

(49) Ce qui ne veut pas dire que celle-ci ne puisse pas conserver une éventuelle position dominante si, par exemple, elle devance ses concurrents en matière de progrès technologiques ou dans l'anticipation des modifications des goûts des consommateurs, ou encore précisément par l'utilisation de cette dominance pour maintenir des barrières artificielles à l'égard du jeu d'une saine concurrence.

(50) Réponse écrite à la communication des griefs, notamment point 8.2. Il faut cependant remarquer que, au cours de la procédure, Tetra Pak est passé d'une définition du marché en cause proche de - mais plus restrictive que - celle de la Commission à cette définition située à l'opposé. Au début de l'instruction de l'affaire, Tetra Pak considérait en effet que, compte tenu des rigidités de l'offre, chaque type de cartons (Gable Top, Brik non aseptique, Brik aseptique...) relevait de marchés distincts (Comments of Tetra Pak Italiana SpA on the complaint submitted by Elopak SRL, 12 mars 1984).

(51) Voir notamment l'arrêt "United Brands" du 14 février 1978 (United Brands contre Commission, affaire 27-76, Recueil 1978, p. 207), arrêt "Michelin" du 9 novembre 1983 (Michelin contre Commission, affaire 322-81, Recueil 1983, p. 3461).

(52) Réponse écrite à la communication des griefs, points 7.3.15 et 7.3.16.

(53) Voir les considérants (40) et (41) de la décision de la Commission

(54) Voir les considérants (11) à (13) ci-dessus.

(55) Voir les considérants (13) et (18) ci-dessus.

(56) Si l'on se base sur des estimations avancées par Tetra Pak, il faut déduire que, en 1987, 60 % environ - ou près de 60 % - de ses clients opérant dans le secteur non aseptique opéraient également dans le secteur aseptique. Encore s'agit-il de chiffres relatifs au nombre de clients: les données en volume devraient révéler un pourcentage nettement plus important, la plupart des grandes laiteries et producteurs/embouteilleurs de jus de fruits produisant ces deux types de liquides frais et de longue conservation. (Cela semble bien confirmé, si besoin en était par une enquête récente de la Commission auprès de cinquante grandes laiteries dans la Communauté dont les premiers résultats situent à + ou - 80 % la proportion des laiteries interrogées produisant ces deux types de produits.) A cela s'ajoute que les laiteries n'opérant que dans le secteur non aseptique sont surtout localisées au Royaume-Uni et en Irlande, où la consommation du lait UHT reste très faible.

(57) Voir le considérant (104) ci-dessous.

(58) Voir le considérant (93) ci-dessus.

(59) Réponse écrite à la communication des griefs, chapitre 6.

(60) Voir les considérants (12) et (100) ci-dessus.

(61) Voir les considérants (13) et (101) ci-dessus

(62) Par exemple, l'arrêt "Hoffman-La Roche" du 13 février 1979, affaire 25-76, (Recueil 1979, p. 461 ; point 50 des motifs), de toute façon, "des parts extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l'existence d'une position dominante. Tel est le cas d'une part de marché de 50 %" (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, affaire C-62-86, Akzo contre Commission, non encore publié, point 60 des motifs). De l'avis de la Commission, aucune "circonstance exceptionnelle" n'entre en ligne de compte dans la présente affaire.

(63) Voir le considérant (27) ci-dessus et les considérants 116 à 120 ci-dessous.

(64) 95 % des cartons vendus dans la Communauté en 1987 (aseptiques et non aseptiques confondus) le furent pour l'emballage de ces produits: lait (72 %) , autres produits laitiers (7 %) et jus de fruits (16 %). Si l'on considère les ventes du lait, 60 % environ sont réalisées dans des emballages en carton [Voir les considérants (6) et (7) ci-dessus]. Sur la base de données également avancées par Tetra Pak dans la réponse écrite à la communication des griefs (chapitre 6), on peut estimer que les produits laitiers liquides et les jus de fruits correspondent par ailleurs à 90 % environ des ventes de Tetra Pak (1987).

(65) Voir la note de bas de page (4) , page 19.

(66) Voir le considérant (71) ci-dessus ainsi que la décision Tetra Pak I (BTG).

(67) Il faut également se rappeler qu'il y a régulièrement des tentatives de pénétration des marchés aseptiques de la part d'autres producteurs moins importants: voir le considérant (13) ci-dessus.

(68) On peut voir une illustration de cette connexité dans les statistiques avancées par Elopak à l'audition qui montrent que la chute de ses ventes en Italie à la suite des pratiques éliminatoires de Tetra Pak dans ce pays [voir notamment les considérants (49) à (51), (68) à (69) ci-dessus et (147) à (153) et (161) ci-dessous s'est, en fait, concentrée dans les laiteries produisant à la fois du lait frais et du lait UHT, et donc déjà clientes de Tetra Pak sur les marchés aseptiques.

(69) Arrêt "Zoja" du 6 mars 1974 - Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents Corporation contre Commission, affaires 6 et 7-73 (Recueil 1974, p. 223).

(70) Arrêt "Télémarketing" du 3 octobre 1985 - CBEM contre CLT, affaire 311-84, (Recueil 1985, p. 3261).

(71) Voir notamment le considérant (147) ci-dessous.

(72) Voir notamment les considérants (147) à (153) ci-dessous.

(73) Cette synthèse de la stratégie suivie par Tetra Pak n'est développée ici que dans un but descriptif. S'il est vrai, en effet, que la stratégie d'une entreprise forme normalement un ensemble cohérent sur le plan économique, au sein duquel chaque politique particulière sous-tend ou complète les autres politiques, l'appréciation qu'il y a lieu d'en donner au regard du droit de la concurrence n'en est pas pour autant uniforme. Il y a, en effet, lieu de distinguer les politiques légitimes (en l'espèce la politique de production et de distribution autonomes ainsi que la politique suivie en matière de propriété industrielle) des autres qui ne le sont pas. Seules ces dernières feront l'objet de sanctions en vertu de la présente décision, même s'il faut constater que les premières ont rendu possible ou ont facilité la mise en œuvre de certaines des pratiques abusives qui sont ici dénoncées.

(74) Certaines obligations contractuelles relevant en principe du contrat de location se retrouvant dans le contrat de vente et vice versa.

(75) Sur celle du contrat en cas de location.

(76) En termes financiers, cet incitant peut représenter plusieurs pour-cent de remise sur le prix des cartons.

(77) Arrêt "Industrie européenne du sucre" du 16 décembre 1975, affaires jointes 40-48, 50, 54-56, 111, 113 et 114-73 (Recueil 1975, p. 1663) ; arrêt "Hoffmann-La Roche", déjà cité.

(78) Il faut noter que dans l'état actuel du système de distribution de Tetra Pak (pas de distributeurs indépendants) , la clause (x) est superfétatoire.

(79) Voir notamment l'arrêt "Hoffmann-La Roche", déjà cité, et l'arrêt C-62-86 "Akzo" [considérant (104) ci-dessus], point 149 des motifs. Plus récemment, décision 88-138-CEE de la Commission, du 22 décembre 1987, dans l'affaire Eurofix-Bauco/Hilti, (JO n° L 65 du 11. 3. 1988, p. 19).

(80) Voir le considérant (22) ci-dessus.

(81) Voir les considérants (47) à (53) ci-dessus.

(82) Position exprimée dans une lettre du 12 mars 1984 à la Commission, dans la réponse écrite à la communication des griefs (section 11.2) et à l'audition.

(83) Tetra Pak justifie, mutatis mutandis, les autres clauses d'exclusivité (entretien, réparations, pièces de rechange) et les clauses relatives à la configuration du matériel par des considérations de même type. L'appréciation développée ici vaut donc, mutatis mutandis, pour ces clauses également.

(84) JO n° L 173 du 30. 6. 1983, p. 5.

(85) Il résulte, à cet égard, d'une enquête de la Commission auprès de la majorité des laiteries en Italie que, si un nombre important d'entre elles se satisfaisaient d'un pareil système de fournitures intégré, d'autres en revanche auraient préféré disposer d'une liberté de choix et faire jouer la concurrence, ce qui ne leur avait pas été possible (réponse aux lettres de demandes de renseignements envoyées à la quasi-totalité des laiteries italiennes en 1984/1985).

(86) Tetra Pak a longuement défendu sa position à cet égard dans les réponses écrite et orale.

(87) Voir le considérant (68) ci-dessus.

(88) Voir notamment les considérants (59), (61) et (66).

(89) Déjà condamnée par la Cour de justice: voir l'arrêt "Hoffman-La Roche" déjà cité.

(90) A noter toutefois que la clause (x) ne se retrouve que dans les contrats de location italiens. Contrairement aux contrats de vente, les autres contrats de location n'excluent donc pas nécessairement la possibilité d'une concurrence intra-marques sur les cartons. Comme il n'existe cependant pas de distributeur indépendant des produits Tetra Pak, cette possibilité n'est toutefois que toute théorique.

(91) Les clauses contractuelles imposées par Tetra Pak sont telles ici qu'elles ont en quelque sorte donné naissance à un cercle vicieux. Plus la durée du bail est longue, plus il faut la considérer comme abusive. Plus elle est courte, plus c'est, au contraire, le caractère abusif, voir léonin du droit initial de location que l'on voit renforcé.

(92) Voir les considérants (116) et suivants.

(93) Un tel système rend également sensiblement plus aisée une éventuelle pratique de prix "éliminatoires" vis-à-vis des concurrents.

(94) Voir le considérant (104) ci-dessus.

(95) Voir la note de bas de page (4) à la page 19.

(96) Et que, sans le Brik aseptique, donc, le groupe ou certaines de ses filiales nationales seraient en pertes.

(97) Laquelle d'ailleurs ne fut selon toute vraisemblance même pas comptabilisée à son prix réel par Tetra Pak dans les coûts du Rex (frais fixes évalués de 0,1 à 0,2 % du prix de revient), ce qui n'a pu avoir que pour effet de sous-évaluer les coûts et donc les pertes.

(98) S'il existe des divergences sur la définition à donner aux prix prédatoires, celles-ci se rapportent essentiellement à des situations différentes de celle rencontrée ici, en l'occurrence à des situations où les prix de vente pratiqués se situent entre le coût moyen et le coût marginal. Par contre, le caractère prédatoire de prix qui seraient délibérément fixés (dans un but éliminatoire) au-dessous du coût marginal, a fortiori au-dessous du coût variable marginal, n'est guère contesté. Or, si le coût variable marginal est, dans la pratique, difficile à isoler, on sait cependant qu'il s'identifie, à l'intérieur de larges seuils d'activité de l'entreprise, au coût variable direct auquel on a fait référence dans la présente décision. On rappelera, en plus, que la Cour de justice a même considéré, au point 71 des motifs de son arrêt C-62-86 AKZO, [voir le considérant (104) ci-dessus), que des prix inférieurs à la moyenne des coûts variables par lesquels une entreprise dominante cherche à éliminer un concurrent sont à considérer comme abusifs.

(99) Le premier étant, rappelons-le, pendant cette période, largement inférieur au second: voir les considérants (52) et (53) ci-dessus.

(100) Voir notamment réponse écrite à la communication des griefs, n°s 12.4.32-33.

(101) Ce qui n'est d'ailleurs plus contesté par Tetra Pak: voir le considérant (153) ci-dessous.

(102) Voir l'annexe 4.5: contribution de - 3,7 % à la marge nette.

(103) Voir la réponse écrite à la communication des griefs ,n°s 12.4.32-34.

(104) Voir le considérant (98) ci-dessus.

(105) Voir le considérant (17) ci-dessus.

(106) Tetra Pak, Machines Sales in the United Kingdom - Supplementary Memorandum, novembre 1989.

(107) Principalement ceux qui ne sont présents que sur les marchés non aseptiques. Il s'agit là de la même situation que celle que la Cour de justice a qualifiée d'abusive dans l'affaire C-62-86 "AKZO" [considérant (104) ci-dessus] - voir notamment les points 42 et 43 des motifs de l'arrêt.

(108) Il existe, bien sûr, une certaine marge d'approximation, les chiffres comptables donnant les résultats pour tous les types de machines confondus.

(109) Voir notamment l'annexe 10 de la communication des griefs. Le caractère abusif de ces pratiques se trouve entièrement confirmé par l'arrêt C-62-86 "AKZO" de la Cour de justice [considérant (104) ci-dessus], notamment aux points 108 et 109 des motifs.

(110) L'alternative qui réside dans un nombre restreint mais très sensible de ventes/locations à pertes paraît moins probable mais serait tout autant abusive au sens de l'article 86.

(111) Voir le considérant (170) ci-dessous.

(112) Voir les considérants (52) et (53).

(113) Voir les considérants (47) à (51).

(114) Voir les considérants (57) à (60).

(115) Voir les considérants (62) à (68).

(116) Voir les considérants (54) à (56) et (62) à (68).

(117) Voir les considérants (73) et (75) à (83).

(118) Ainsi, la modification radicale de la définition du marché en cause retenue par Tetra Pak [voir le considérant (95) ci-dessus, note de bas de page 6 à la page 18.]

(119) Des ventes liées ne seront plus admises que dans les cas - qui, compte tenu de l' importance de Tetra Pak sur les marchés en cause, seront rares - de nouveaux clients n'ayant jamais eu d' expérience en matière d'utilisation des machines Tetra Pak et pour une période tout à fait temporaire, strictement limitée au temps nécessaire pour la formation du personnel inexpérimenté de ces nouveaux clients à la technologie de Tetra Pak. Cette période a été estimée à six mois (et jusqu'à l'utilisation de cinq millions de cartons) pour les systèmes non aseptiques et à deux ans (et jusqu'à une utilisation de 20 millions de cartons) pour les systèmes aseptiques.

(120) La Commission n'accepte pas pour autant nécessairement les diverses considérations développées par Tetra Pak dans cette lettre d'engagement.

(121) Par lettre du 14 mars 1991, Tetra Pak a annoncé à la Commission qu'une communication informant ses clients des modifications de leurs relations contractuelles "telles que décrites dans sa lettre du 1er février 1991" allait incessamment leur être envoyée, que les nouveaux contrats de vente et de location des machines entreraient en vigueur le 1er avril 1991 et que, dans le courant de ce même mois, il communiquerait à ses clients les spécifications physiques minimales auxquelles doivent répondre les cartons d'emballage pour pouvoir être utilisés sur les machines Tetra Pak en leur possession.

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