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Décisions

CA Amiens, 3e ch., 17 mai 1991, n° 1007-87

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Rasse Holleville (Sté)

Défendeur :

Pompes Funèbres Générales (SA), Abbeville Funéraire

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cachelot

Conseillers :

Mme Planchon, M. Bricout

Avoués :

Me Caussain, SCP Le Roy, Congos

Avocats :

Mes Duminy, Brunois

T. com. Abbeville, du 13 mars 1987

13 mars 1987

La loi du 28 décembre 1904, codifiée sous les articles L. 362 et suivants du Code des communes a confié aux communes à titre de service public à caractère administratif, le monopole légal du "service extérieur" des pompes funèbres qui comprend exclusivement le transport des corps après la mise en bière, la fourniture des corbillards, cercueils, tentures extérieures des maisons mortuaires, les voitures de deuil ainsi que le personnel nécessaire aux inhumations, exhumations et crémations.

Le "service intérieur" correspondant aux prestations nécessaires au culte des funérailles est exclusivement fourni par les fabriques et consistoires tandis que les prestations dites libres, non indispensables à l'organisation des obsèques, sont laissées au soin des familles.

Les communes ne sont pas tenues d'organiser ce monopole légal mais, lorsqu'elles le font, elles peuvent l'assurer soit directement soit par voie de concession, en se conformant aux lois et règlements sur les marchés de gré à gré et adjudications.

Lorsque ce monopole est organisé, les agences de funérailles, non concessionnaires, doivent se fournir, pour ce qui relève du monopole, auprès du prestataire du service extérieur en régie ou concession.

La société Pompes Funèbres Générales (PFG), concessionnaire exclusif du service extérieur des pompes funèbres de la ville d'Abbeville, suivant traité de concession des 29 et 31 janvier 1985 reprochant à la société Rasse et Holleville d'avoir, courant, août et septembre 1986, violé à plusieurs reprises son contrat de concession malgré la sommation qui lui avait été adressée a assigné cette société devant le Tribunal de commerce d'Abbeville, demandant qu'il lui soit fait défense sous astreinte de poursuivre des activités portant atteinte à son monopole, qu'elle soit condamnée à des dommages et intérêts et que le jugement à intervenir soit publié dans la presse.

La société Rasse et Holleville s'est opposée à ces demandes, priant le tribunal de constater que la position dominante et les pratiques du groupe des PFG sont illicites au regard de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et des articles 85 et 86 du traité de la CEE, que les articles 86 et 90 ainsi que les articles 52 et 59 de ce traité s'opposent à l'application de la loi du 28 décembre 1904 et de dire que la société PFG ne pouvait en l'état se prévaloir d'une situation concurrentielle illicite au regard d'un concurrent.

A titre subsidiaire, la société Rasse et Holleville a sollicité d'une part, la nomination d'un expert chargé de déterminer le préjudice par elle subi du fait de la position dominante abusive du groupe PFG, d'autre part, que soit posée à la Cour de justice des Communautés européennes la question préjudicielle de la compatibilité du contrat de concession avec les règles de libre concurrence édictées par le traité de la CEE.

Enfin, à titre très subsidiaire, excipant de la connexité avec une affaire dans laquelle la Commission de la concurrence avait été saisie, la société Rasse et Holleville sollicitait un sursis à statuer dans l'attente de cet avis.

Par jugement du 13 mars 1987, le tribunal de commerce a renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour permettre à la partie la plus diligente de saisir par toutes voies de droit la Commission de la concurrence en vue d'obtenir son avis sur les pointes suivants :

- Abus éventuel par la société des PFG d'une position dominante ou d'un monopole au sens des articles 50, 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 par les moyens ci-après énumérés :

Introduction de clauses abusives dans les contrats de concession,

Vérification des contrats sur le plan national,

Existence de "clauses liées" ou pression sur les entreprises concurrentes, les clients et éventuellement toutes personnes susceptibles d'avoir une influence en la matière,

Pratique de prix excessifs.

Le tribunal a en conséquence sursis à statuer jusqu'à cet avis de la Commission tant sur le principal que sur la demande reconventionnelle.

Sur appel de la société PFG, autorisé par ordonnance du premier Président en date du 10 avril 1987, la Cour d'appel de céans a, par arrêt du 20 mai 1988, confirmé le jugement en son principe mais, l'émendant en sa formulation et statuant à nouveau a :

- Sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil de la concurrence (successeur de la Commission de la concurrence), saisi en exécution d'un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 11 juin 1986 ait rendu son avis ;

- Sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été répondu par la Cour de justice des Communautés européennes aux questions à elle posées à titre préjudiciel par un arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 1987 dans une affaire semblable.

Le Conseil de la concurrence a rendu son avis délibéré dans ses séances des 12 et 21 janvier 1988 et la Cour de justice des Communautés européennes a rendu son arrêt le 4 mai 1988.

Par conclusions du 15 septembre 1988, la société PFG, analysant la décision de la Cour de justice des Communautés européennes fait observer d'une part que attribué aux communes par les dispositions de la loi du 28 juillet 1904 ne comprenant pas de droits exclusifs à l'importation et à l'exportation n'est pas à lui seul de nature à perturber les échanges intra communautaires et d'autre part, qu'il ne peut être prétendu en l'espèce que la ville d'Abbeville aurait exigé que la société PFG pratiquât "des prix particulièrement élevés" et ce comme condition de la signature d'un contrat de concession, d'autant plus que la Cour de justice a relevé dans son arrêt que "le niveau des prix est imputable à l'entreprise, celle-ci étant pleinement responsable des contrats qu'elle a conclus".

La société PFG en déduit qu'aucune disposition de l'arrêt ne met en cause la conformité de la législation funéraire française avec le traité de Rome et ne contraint les pouvoirs publics à envisager des modifications législatives ou réglementaires.

La société PFG soutient par ailleurs qu'il résulte de l'avis du Conseil de la concurrence précité que sa position n'est nullement illicite au regard du droit interne, (articles 50 et 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945), le législateur ayant, pour des raisons d'intérêt général, soustrait le service extérieur des pompes funèbres au principe de la libre concurrence ; que de ce fait, seuls sont prohibés les activités des entreprises bénéficiaires d'une concession exclusive qui entravent le fonctionnement normal du marché.

Cette société conclut en conséquence à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :

- Condamner la société Rasse et Holleville à lui payer la somme de 105 638 F au titre de la fourniture irrégulière de prestations du service extérieur des pompes funèbres, sur le territoire de la ville d'Abbeville, pour la période comprise entre le 26 août 1986 et le 29 décembre 1986, en lui donnant acte de ce qu'elle se réserve de parfaire cette demande pour tenir compte des infractions postérieures au 29 décembre 1986,

- Faire défense à la société Rasse et Holleville ainsi qu'à toute personne physique ou morale qui agirait pour son compte de violer le contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres signé par la société PFG avec la ville d'Abbeville sous astreinte définitive de 10 000 F par infraction constatée,

- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux au choix de la société PFG, aux frais de la sociétéRasse et Holleville, sans que le coût de chaque insertion puisse toutefois excéder 5 000 F, le dépassement de cette somme devant, le cas échéant, être pris en charge par la société PFG,

- Condamner la société Rasse et Holleville à payer à la société PFG les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Caussain, avoué à la cour,

- Condamner la société Rasse et Holleville à lui payer la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Faisant valoir que la société PFG est une filiale de la société Omnium de Gestion et de Financement (OGF) ainsi qu'il résulte des documents versés aux débats, qu'il existe une osmose juridique, financière et commerciale entre ces deux sociétés qui ont des activités directement complémentaires et que la société OGF, détient directement au moins 62 % du capital social de la société PFG, la société Rasse et Holleville a, par acte d'huissier de justice du 16 janvier 1989, assigné la société OGF en intervention forcée. Elle soutient pour justifier son assignation que la notion de "groupe d'entreprise" en droit économique, tant européen que national est une réalité juridique (article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, article 86 du traité de la CEE) qui ne peut être écartée des débats.

La société Rasse et Holleville prétend que la position dominante abusive du groupe OGF-PFG résulte des constatations effectuées par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes dans un rapport en date du 10 juillet 1987, établi pour les besoins d'une autre procédure et versé aux débats.

Elle précise que cet abus de position dominante affecte tant le marché européen que le marché national et les marchés locaux concernés par la présente procédure.

Rappelant que la Cour de justice des Communautés européennes a, dans son arrêt du 4 mai 1988, défini les conditions d'application de l'article 86 du traité de Rome relatif à l'existence d'une position dominante, à savoir d'une part l'incidence des activités du groupe d'entreprises concessionnaires sur l'importation des marchandises en provenance d'autres Etats membres ou sur la possibilité, pour les entreprises concurrentes établies dans ces Etats membres, d'assurer des prestations de service dans le premier Etat membre et d'autre part, la situation de puissance économique d'un groupe d'entreprises lui fournissant le pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective sur le marché des pompes funèbres, la société Rasse et Holleville prétend que le groupe OGP-PFG répond à ces conditions.

Elle expose en effet que ce groupe non seulement fabrique et commercialise plus de 50 % des cercueils en France, fournitures "justement" monopolisées, mais a aussi "verrouillé" le marché national funéraire, empêchant économiquement et commercialement ses concurrents européens de pénétrer sur le marché français (100 % des contrats de concession des villes de plus de 10 000 habitants ayant été signés par le groupe des PFG) ; qu'ainsi, aucun concurrent étranger n'a pu créer d'activité commerciale en France, alors qu'en revanche le groupe OGF-PFG a pris d'ores et déjà des parts substantielles sur les marchés financiers allemands, belges, hollandais, anglais et la société Rasse et Holleville en déduit que ce groupe détient bien une position dominante au regard de l'article 86 du traité de Rome.

Soutenant qu'il existe un marché national spécifique des pompes funèbres qui implique une "substituabilité" des produits commerciaux et des services commerciaux le marché de la concession du service extérieur des pompes funèbres tel qu'imposé par la loi de 1904, la société Rasse et Holleville fait observer que sur ce marché global, qui potentiellement concernant cinq mille communes en France, une sous-classification doit être opérée en fonction des critères économiques et commerciaux de ce secteur seuls les communes de plus de 2 000 habitants, voire de 4 000 habitants, avec leur population limitrophe, doivent être prises en considération puisque c'est en fonction d'une telle population qu'un fonds de commerce funéraire est exploitable économiquement. Or le groupe des PFG détient plus de 85 % des contrats de concession signés par les 3 150 communes de plus de 2 000 habitants ayant signé un contrat de concession.

Il en résulte qu'au regard des ratios européens, ce groupe ne détient pas une position dominante mais une situation monopolistique et qu'au regard du droit français, il détient un quasi monopole, la concentration de sa puissance économique étant corroborée par l'uniformisation nationale des conditions et moyens commerciaux utilisés à travers tout le territoire.

Sur le plan régional et local, la société Rasse et Holleville relève que tous les contrats signés entre le groupe OGF-PFG et les communes concédantes comportent une clause d'exclusivité qui est une création unilatérale des PFG dès lors que ni la loi de 1904, ni la Code des communes, ni le cahier des charges administratives ne l'impliquent.

Or, par cette clause, un monopole est accordé contractuellement à une entreprise privée sur la vente de produits industriels et de services commerciaux.

Rappelant qu'aux termes de l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les règles définies par ce texte s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, la société Rasse et Holleville estime que les positions monopolistiques locales du groupe OGF-PFG entrent donc bien dans le champ d'application de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

La société Rasse et Holleville en conclut que le groupe OGF-PFG est bien un "groupe d'entreprises qui non seulement peut s'affranchir des contraintes d'une concurrence extérieure substantielle, mais aussi peut imposer ses vues à ses concurrents ou ses conditions à ses fournisseurs ou à ses clients, faute pour ces derniers de disposer d'alternatives suffisantes" (Définition constante de la Commission de la Concurrence) et, ce, aussi bien sur le marché européen, national, régional que local.

Après avoir soutenu que le groupe OGF-PFG occupait sur tous ces marchés une position dominante, la société Rasse et Holleville prétend que ce groupe a abusé de cette position dominante :

- En imposant aux communes par sa puissance économique l'uniformisation des contrats de concession exclusive du service extérieur des pompes funèbres,

- En introduisant dans les contrats de concession des clauses abusives relatives à la durée du contrat, l'importance des stocks, les conséquences de l'arrivée du terme contractuel au regard du successeur potentiel, clauses qui ont été à diverses reprises considérées comme nulles par la Commission de la concurrence,

- Par l'existence de "clauses liées" et de "contrats liés", notamment en faisant signer aux communes, non seulement un contrat de concession exclusive de cimetière, des contrats de concession exclusive de chambres funéraires, des conventions exclusives concernant les morgues hospitalières, des conventions exclusive de fournitures de cercueil, conventions complémentaires qui concernent directement 60 % des décès en France et qui permettent au groupe OGF-PFG d'avoir non seulement une influence renforcée et absolue sur les communes, mais aussi de capter quasi systématiquement la clientèle des l'annonce de la mort d'un membre de la famille.

La société Rasse et Holleville en déduit que par de telles conventions qui, au surplus, ont une influence commerciale indirecte au-delà des aires géographiques d'exclusivité qu'elles contrôlent contractuellement, le groupe s'est affranchi de toute concurrence, même là où il n'est pas encore concessionnaire,

- En exerçant des pressions sur les entreprises concurrentes, les clients et éventuellement sur les fonctionnaires communaux afin de supprimer ou étouffer toute concurrence potentielle,

- En pratiquent des prix abusifs, tout à la fois non-équitables et excessifs, les divergences de prix brut entre le groupe OGF-PFG et ses concurrents qui s'avèrent être de 30 % à 60 % ne pouvant s'expliquer que par la situation monopolistique,

- En ne respectant pas lors de la passation avec les communes des contrats de concession du service extérieur des pompes funèbres les règles élémentaires de concurrence qu'implique le droit des marchés publics (article 249 et 250 du Code des marchés publics) ces règles étant d'autant plus impératives que la quasi-totalité des contrats signés par le groupe OGF-PFG contient une clause d'exclusivité attribuant indirectement un monopole de fait à une entreprise privée et conférant aux communes un droit de regard sur la politique de marge et de prix du groupe,

- En pratiquant une politique systématique d'extension de sa position dominante,

- En pratiquant des prix contractuels non équitables pour compenser des obligations mises à sa charge par l'autorité concédante et relatives à l'inhumation des indigents et au prix de devis types, en violation de l'article 90 du traité.

La société Rasse et Holleville estimant avoir ainsi démontré l'abus de position dominante pratiquée sur le marché funéraire par le groupe OGF-PFG demande en conséquence à la cour de débouter la société PFG de toutes ses prétentions et, statuant sur sa demande reconventionnelle de :

- Déclarer nulles les clauses concernant la durée excessive des contrats (au-delà du délai d'amortissement des véhicules commerciaux), les clauses liées, les contrats liés, les clauses fixant un tarif qui par essence même est inéquitable, les clauses concernant l'obligation d'un stock, les clauses ayant trait aux conséquences de l'expiration normale du contrat etc..., le tout sous astreinte d'avoir à verser la somme de 100 000 F par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai d'un mois de la signification de l'arrêt à venir, aux communes co-contractantes,

- Déclarer nulles les conventions de concession du service extérieur des pompes funèbres signées par le groupe OGF-PFG, et ce en application des articles 9 et 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, les précédentes clauses y inclues devant être considérées comme substantielles,

- Ordonner de faire passer dix fois un communiqué sur la chaîne régionale de télévision française, concernant l'arrêt à venir, aux frais des sociétés PFG et OGF,

- Ordonner la publication intégrale de l'arrêt à intervenir dans tous les journaux qualifiés de régionaux, et dans tous les périodiques professionnels, et ce aux frais avancés des sociétés PFG et OGF,

- Condamner solidairement les sociétés PFG et OGF à payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 500 000 F,

- Condamner solidairement les sociétés PFG et OGF à une sanction pécuniaire civile correspondant à 5 % du montant de leur chiffre d'affaire hors taxes réalisé en France au cours de l'année d'exercice 1987,

- Condamner solidairement les sociétés PFG et OGF aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions du 10 avril 1989 la société Omnium de gestion et de financement (OGF) prie la cour de déclarer irrecevable son assignation en intervention forcée, les circonstances invoquées par la société Rasse et Holleville à l'appui de cette assignation à savoir la découverte à la suite notamment de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 mai 1988 et d'un avis du Conseil de la concurrence que les sociétés OGF et PFG formaient un groupe d'entreprises ne constituant pas un élément nouveau entraînant l'évolution du litige et justifiant l'application de l'article 555 du nouveau Code de procédure civile.

Cette société soutient à cet égard que ces circonstances étaient déjà largement connues en première instance ainsi qu'il résulte des écritures de la société Rasse et Holleville tant devant les premiers juges que devant la cour à l'occasion de l'instance ayant abouti à l'arrêt de sursis à statuer du 5 juin 1987.

Subsidiairement, au fond, la société OGF conclut à sa mise hors de cause faisant valoir qu'elle ne saurait être concernée par une demande d'annulation de conventions du service extérieur des pompes funèbres auxquelles elle n'a été ni partie ni représentée et qu'elle ne saurait non plus être condamnée à payer des dommages et intérêts à la société Rasse et Holleville en réparation d'un préjudice qui lui aurait été causé par des actes reprochés à la société PFG.

Elle soutient d'une part, que sa seule qualité d'associé majoritaire de la société PFG n'est pas légalement susceptible de faire mettre à sa charge, avec ou sans solidarité, une responsabilité qui serait éventuellement mise à la charge de cette société et d'autre part qu'aucun acte concret précis, en relation directe avec l'objet de la demande n'a été relevé contre elle par la société Rasse et Holleville.

Plus subsidiairement, la société OGF conclut au débouté pur et simple de toutes les prétentions de la société Rasse et Holleville, celles-ci n'étant pas plus fondées à son égard qu'à l'égard de la société PFG ainsi que cela a été surabondamment démontré et confirmé en particulier par l'avis du Conseil de la concurrence précité dans lequel la société OGF n'est du reste pas en cause.

Cette société demande en conséquence à la cour de déclarer irrecevable son assignation en intervention forcée, subsidiairement de la mettre hors de cause, plus subsidiairement de juger que la société Rasse et Holleville n'est pas fondée en son assignation et de l'en débouter, la condamnant dans tous les cas à une indemnité de 20 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par conclusions du 24 mai 1989, la société Rasse et Holleville prie la cour, au cas où elle considèrerait qu'elle ne peut statuer sur la validité d'un contrat de concession exclusif dans la mesure où il relève du droit administratif, de saisir d'une question préjudicielle le Tribunal administratif d'Amiens.

Elle demande en outre à la cour, au cas où elle s'estimerait insuffisamment informée sur les abus locaux du groupe OGF-PFG de demander soit à la Direction Départementale de la Concurrence, soit au Conseil de la concurrence de plus amples investigations.

Par conclusions du 15 septembre 1989, la société PFG n'affirmant que ni au regard du droit communautaire, ni au regard du droit interne, il n'existe dans la commune d'Abbeville de position dominante répréhensible dont la société Rasse et Holleville serait fondée ni même recevable à se plaindre fait valoir :

1) Sur le respect du droit communautaire :

- Que l'article L. 362-1 du Code des communes est compatible avec le droit communautaire, les Etats membres étant libres d'ériger une activité économique en service public et d'en confier la gestion à des entreprises,

- Qu'une entreprise publique ou une entreprise bénéficiaire de droits spéciaux ou exclusifs peut être en position dominante ou même être en situation de monopole ou de quasi-monopole à condition de respecter les dispositions de l'article 86 du traité de Rome,

- Que l'incompatibilité avec le Marché commun édictée par l'article 86 du traité de Rome n'existe que lorsque trois conditions rappelées par l'arrêt de la Cour de justice du 4 mai 1988 sont cumulativement réunies ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Qu'en effet, la position dominante reprochée à la société PFG n'affecte pas le commerce intercommunautaire, tant en ce qui concerne les fournitures que les prestations, que cette position dominante n'est pas caractérisée en l'absence de marché représentant une partie substantielle du marché commun et en l'absence de possibilité de comportement indépendant de la part de la société PFG en raison notamment des pouvoirs de contrôle et de coercition accordés aux autorités concédantes par les contrats de concession ainsi que le fait apparaître en particulier le contrat conclu avec la ville d'Abbeville, que les prix des fournitures et des services, monopolisés ou non, strictement contrôlés par les communes concédantes ne peuvent être abusifs ou inéquitables.

2) Sur le respect du droit interne :

La société PFG fait état de ce que le Conseil de la concurrence, dans son avis délibéré les 12 et 21 janvier 1988 n'a retenu aucun des reproches allégués contre elle relatifs à l'exercice d'un monopole abusif entravant le fonctionnement normal du marché et rendant illicite sa position dominante.

Elle soutient que du fait de contrôle strict exercé par l'autorité concédante sur la gestion du service public qui lui est confié, elle se trouve, en fait et en droit, dans une dépendance administrative qui contre balance largement quant à ses conditions d'exercice, le droit accordé au concessionnaire de se prévaloir du monopole légal de la collectivité concédante.

La société PFG ajoute qu'en toute hypothèse, ainsi que l'a reconnu le Conseil de la concurrence, il n'existe pas de marché régional, national, européen des pompes funèbres mais autant de marchés locaux distincts que de communes ayant organisé ce service public ; qu'il convient donc de limiter l'analyse à la recherche d'une position dominante et d'éventuels abus au seul territoire de la ville d'Abbeville.

Elle précise qu'aucun des abus qui lui sont reprochés par la société Rasse et Holleville n'est constitué ; qu'en effet :

- L'abus de position dominante suppose, outre l'existence d'un pouvoir de domination du marché, une entrave sensible apportée au jeu de la libre concurrence et un lien de causalité entre ces deux éléments ; qu'aucun d'entre eux n'est réuni en l'espèce,

- A supposer que cette société soit recevable à reprocher à la société PFG des pratiques abusives ce qui n'est pas le cas, en l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice direct causé par ces pratiques à la société Rasse et Holleville, celles-ci ne sauraient si elles étaient établies, constituer des abus de position dominante dès lors que la société PFG ne se trouve pas en position dominante à l'égard des communes,

- Il n'appartient pas à la juridiction judiciaire d'apprécier la validité d'un contrat administratif et qu'il n'est pas utile en l'espèce de questionner à titre préjudiciel le juge administratif dès lors que les critiques formulées par la société Rasse et Holleville sur le non respect du droit contractuel administratif lors de la passation des contrats de concession du service extérieur des pompes funèbres sur l'uniformisation des contrats de concession du service extérieur, sur l'introduction de clauses abusives ne sont pas sérieuses,

- Les tarifs du service extérieur des pompes funèbres étant fixés par le conseil municipal et faisant l'objet d'une négociation sur la base d'un compte de résultat prévisionnel établi pour la durée du contrat ne peuvent être excessifs,

- La société Rasse et Holleville ne démontre nullement le caractère excessif des prix pratiqués par la société PFG à Abbeville et n'offre pas le moindre élément de comparaison ; qu'eu égard à la nature du service rendu et des charges assumées et à défaut de toute commencement de preuve contraire, ces prix ne sont pas excessifs, la société PFG ne pouvant transgresser le tarif fixé sans violer le contrat de concession et s'exposer en conséquence à l'application des sanctions prévues par ce contrat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 1990.

Par conclusions du 4 avril 1990, la société Rasse et Holleville faisant état de sept arrêts rendus le 20 mars 1990 par la Cour de cassation (Chambre commerciale), arrêts qui, selon elle constituent un élément nouveau prie la cour d'ordonner le rabat de la clôture et d'admettre ses nouvelles conclusions.

Elle indique que, selon cette jurisprudence, les juges du fond doivent rechercher, par une appréciation concrète d'éléments de fait, si la société concessionnaire à qui incombe la charge de la preuve établit qu'elle exerce son monopole conformément au droit communautaire (articles 86 et 90 du traité de Rome).

S'agissant du droit interne, la société Rasse et Holleville prie la cour, si celle-ci n'est pas assez édifiée, de poser une question préjudicielle au Conseil de la concurrence en application de l'article 86 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Par conclusions additionnelles du 3 mai 1990, la société PFG réplique à la société Rasse et Holleville soutient que l'abus de position dominante qui lui est imputé n'est caractérisé ni au regard du droit européen ni au regard du droit interne.

Au regard du droit européen, la société PFG prétend qu'aucune des trois conditions qui doivent être cumulativement réunies pour que s'applique l'article 86 du traité ne se trouve remplie :

S'agissant de la première conditions, la société PFG fait valoir que ses activités et la situation de monopole dont elle dispose sur le territoire des communes dont elle est concessionnaire, n'ont pas d'effets sur l'importation des marchandises en provenance d'autres Etats membres ou sur la possibilité pour les entreprises concurrentes établies dans d'autres Etats du Marché commun d'assurer des prestations de service en France.

Elle indique que l'importation des marchandises vise essentiellement les importations de cercueils, qu'elle ne dispose d'aucun monopole en la matière et que sa quote part dans la fourniture de cercueils s'élève à 40 % environ ce qui n'affecte pas sensiblement les transactions entre Etats membres.

En ce qui concerne la deuxième condition, ayant trait à la possibilité pour le "groupe d'entreprises" en position dominante de faire obstacle à une concurrence effective sur le marché des pompes funèbres, le groupe PFG précise que tel n'est pas le cas puisqu'elle n'a que quelques participations minoritaires dans des entreprises de pompes funèbres belges, britanniques et italiennes (ne représentant qu'un pourcentage de 9,25 % des cercueils fournis aux familles à l'occasion d'obsèques dans la totalité des pays de la CEE).

Le groupe PFG fait observer par ailleurs que la réglementation française ne comporte aucun obstacle de nature à gêner les entreprises étrangères de pompes funèbres qui désireraient s'implanter en France, mais qu'elle comporte une disposition formelle (article 2 alinéa 2 du décret n° 86-1423) prévoyant que l'agrément des entreprises de pompes funèbres étrangères serait délivré par le préfet de police de Paris.

S'agissant enfin de la troisième condition, relative à la pratique de "prix non équitables", le groupe PFG soutient qu'il résulte tant de l'enquête nationale effectuée sur le niveau des prix par M. J.M. Paulot, rapporteur auprès du Conseil de la concurrence, que de l'enquête effectuée au plan local par la Direction Nationale des Enquêtes de Concurrence que les prix pratiqués s'ils sont élevés, ne révèlent pas d'abus caractérisé.

En l'espèce, la société PFG rappelle que les prix pratiqués en 1986 pour l'organisation d'un convoi funèbre complet avec fourniture de cercueil s'élevait à 2 974 F et précise qu'elle a versé aux débats les tarifs annexés au contrat de concession signé par la ville d'Abbeville les 29 et 31 janvier 1985 ainsi que le tarif général applicable en 1986 au titre des prestations et locations de services non concédables ayant le caractère de pompes funèbres.

Elle fait observer que la société Rasse et Holleville s'abstient de verser aux débats ses propres tarifs et, par son attitude d'obstruction, ne permet pas les comparaisons de prix.

Elle ajoute que le coût moyen des obsèques dans d'autres pays du Marché commun ou n'existe pas le système français de "monopole communal" peut être sensiblement supérieur, le coût moyen des obsèques en Italie se montant selon elle à 15 000 F environ (3 millions de lires).

Elle prétend avoir ainsi établi que les conditions d'application de l'article 86 du traité de Rome telles que rappelées dans l'arrêt de la Cour de justice du 4 mai 1988 ne sont pas réunies.

Au regard du droit interne, la société PFG fait valoir que la décision rendue le 2 février 1990 par le Conseil de la concurrence citée par la société Rasse et Holleville ne concerne qu'une affaire strictement locale intéressant les conditions d'exploitation du funérarium de Fontainebleau et n'a qu'une portée relative à la publicité des prix.

Par conclusions en réplique aux conditions additionnelles en date du 28 juin 1990, la société Rasse et Holleville rappelle un certain nombre de principes fondamentaux du contexte juridique, judiciaire et économique qui s'appliquent selon elle à la présente affaire.

Elle soutient en particulier que figurent parmi ces principes d'une part, l'obligation pour le groupe PFG de prouver qu'il exerce son monopole conformément au droit communautaire et, a fortiori, au droit national d'autre part, la prise en considération par le droit de la concurrence, européen ou français, de la notion de "groupe d'entreprises", c'est-à-dire d'unité économique, commerciale et financière et le rejet de la fiction d'indépendance juridique qu'implique la notion de personne morale et prétend que c'est en considération de la globalité des opérations commerciales, économiques et financières du groupe OGF-PFG que le marché financier français doit être analysé.

La société Rasse et Holleville précise que le critère fondamental des textes protégeant la liberté du commerce est la réalité de l'impact économique du groupe en position dominante sur un marché déterminé ajoutant que doit être pris en considération le marché financier dans sa globalité, aussi bien verticalement qu'horizontalement, englobant à la fois les services et les fabrications.

La société Rasse et Holleville reproché ensuite au groupe PFG de n'avoir versé aux débats malgré diverses sommations de communiquer aucun document tendant à prouver que leur position dominante n'est pas illicite tant au regard du droit européen que du droit français, indiquant au contraire que les affirmations économiques chiffrées contenues dans leurs dernières écritures sont formellement démontrées par le rapport administratif de la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation qu'il verse aux débats.

Elle soutient que les trois conditions d'application de l'article 86 du traité retenues par l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes sont remplies dans la mesure notamment ou en fabriquant plus de 70 % des cercueils sur un territoire national du Marché commun et eu égard aux contrats d'exclusivité qu'il a signé, le groupe PFG a verrouillé la marché financier français.

Elle rappelle que la société PFG détient plus de 40 % du marché global financier français, 100 % des contrats de concurrence exclusive signés avec les villes de plus de 10 000 habitants et 80 % avec les villes de plus de 40 000 habitants.

Ces données confortent selon la société Rasse et Holleville la notion de position dominante du groupe PFG si sont pris en considération les ratios jurisprudentiels économiques et non des ratios démographiques ou administratifs, seuls devant être pris en considération le nombre des services effectués et le cadre juridique spécifique (exclusivité) dans lequel ils sont effectués.

Elle en déduit que l'influence du groupe est patente, d'autant plus que les services et fournitures dits libres sont le complément quasi-indispensable des services et fournitures essentiels à une inhumation qui, eux, sont monopolisés.

En ce qui concerne le droit national de la concurrence, la société Rasse et Holleville prétend qu'il n'est plus contesté que le groupe OGF-PFG est en position dominante sur le marché financier national, le rapport de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ayant précisé les nombreux abus relevés à l'encontre de ce groupe.

Elle soutient que contrairement à ce qu'a décidé la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 26 avril 1989, il n'y a pas autant de marchés que de concession exclusive du service extérieur des pompes funèbres mais un marché national sur lequel le groupe OGF-PFG exerce une position dominante abusive.

Sur ce,

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Attendu que le prononcé des sept arrêts rendus par la Cour de cassation (Chambre commerciale) le 20 mars 1990 apportant aux débats des éléments nouveaux constitue une cause grave qui s'est révélée depuis qu'a été rendue l'ordonnance de clôture ; qu'il échet en conséquence, en application de l'article 784 du nouveau Code de procédure civile de révoquer cette ordonnance, de déclarer recevables les conclusions prises par les parties postérieurement à cette ordonnance et d'ordonner à nouveau la clôture de l'instruction ;

Sur la recevabilité de l'appel en intervention forcée de la société OGF :

Attendu que si la société Rasse et Holleville faisait déjà valoir dans ses conclusions devant le tribunal de commerce qu'il résulte d'un avis de la Commission de la concurrence en date du 22 mai 1979 que la société PFG, filiale de la société OGF exerce un monopole abusif sur tout le secteur funéraire, tant sur le territoire de la région parisienne que sur le territoire national, c'est seulement à la suite du rapport administratif en date du 10 juillet 1987 établi par la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes et, plus généralement, des investigations effectuées lors de la procédure d'avis devant le Conseil de la concurrence ainsi que de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 4 mai 1988 déclarant l'article 86 du traité de Rome applicable dans l'hypothèse d'un ensemble de monopoles communaux concédés à un même groupe d'entreprises dont la ligne d'action est déterminée par la maison mère que sont apparus clairement à la société Rasse et Holleville les éléments de fait et de droit pouvant justifier la mise en cause de la société OGF dont l'appel en intervention forcée est de ce fait recevable.

Sur la position du groupe OGF-PFG.

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats (notamment du rapport administratif relatif aux pratiques de la société PFG en date du 10 juillet 1987 établi par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression dés Fraudes ainsi que des rapports d'activité annuels de la société PFG et du groupe OGF) que la société PFG et ses filiales partie d'un groupe plus important la société OGF, elle-même sous filiale de la société Lyonnaise des Eaux et de l'Eclairage ; que l'ensemble de ces sociétés forme un groupe d'entreprises spécialisées dans les prestations financières détenant 60 % environ des contrats de concession (3 000 sur 5 000) dans les villes les plus importantes ce qui lui permet de traiter plus de 40 % des obsèques en France ;

Attendu que ce groupe qui dispose de ressources financières importantes et d'une organisation fortement centralisée est implanté sur l'ensemble du territoire français où il compte près de 400 succursales de pompes funèbres et se trouve en situation de monopole dans plusieurs régions comme la périphérie parisienne ; qu'il a également créé des filiales dans certains pays de la communauté ;

Attendu que l'activité du groupe OGF-PFG dont la ligne d'action sur le marché est déterminé par la maison mère s'étend à l'ensemble du secteur funéraire dépendant ou non du service extérieur des pompes funèbres, que ce soit la construction et la concession de chambres funéraires, la construction de monuments funéraires, la marbrerie et la fabrication de cercueils ainsi qu'un grand nombre d'activités annexes telles qu'imprimerie, papeterie, thanatopraxie et prévoyance funéraire ;

Attendu qu'il n'est en conséquence pas contestable et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que le groupe OGF- PFG possède sur le territoire national une position dominante;

Attendu qu'il importe de déterminer dès lors par une appréciation concrète des éléments de fait si comme le soutient la société Rasse et Holleville, le groupe OGF-PFG abuse de sa position dominante tant au regard du droit communautaire que du droit communautaire que du droit interne et porte ainsi atteinte au principe de la libre concurrence ;

Sur l'application du droit communautaire :

Attendu que dans son arrêt du 4 mai 1988, la Cour de justice des Communautés européennes, après avoir retenu que la situation de fait qui lui était soumise et qui est identique à celle du présent litige devait être appréhendée au regard des dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne, tels notamment les articles 85, 86 et 90, plutôt qu'au regard des règles de l'article 37 relatives aux monopoles nationaux, a dit pour droit en premier lieu que l'article 85 du traité ne vise pas les contrats de concession conclus entre des communes agissant dans leur qualité d'autorités publiques et des entreprises chargées de l'exécution d'un service public ; que dès lors, les dispositions de cet article ne concernent pas la présente espèce ;

Attendu que la Cour de justice énonce en deuxième lieu que l'article 86 du traité s'applique dans l'hypothèse d'un ensemble de monopoles communaux concédés à un même groupe d'entreprises dont la ligne d'action sur le marché est déterminée par la maison mère, dans une situation ou ces monopoles couvrent une certaine partie du territoire national et ont pour objet le service extérieur des pompes funèbres lorsque trois conditions sont cumulativement remplies ; qu'il suffit que l'une de ces conditions fasse défaut pour que l'article 86 soit inapplicable ;

Attendu selon la première de ces conditions que les activités du groupe et la situation de monopole dont les entreprises mises en cause disposent sur une partie du territoire d'un Etat membre doivent avoir des effets sur l'importation des marchandises en provenance d'autres Etats membres ou sur la possibilité, pour les entreprises concurrentes établies dans ces Etats membres, d'assurer des prestations de service dans le premier Etat membre;

Attendu que la société Rasse et Holleville soutient que la situation de monopole du groupe des PFG a bien des effets sur l'importation de marchandises en provenance d'autres Etats membres, puisque le groupe OGF-PFG non seulement commercialise, mais aussi fabrique plus de la moitié des cercueils utilisés globalement chaque année en France, dont 94 % sont utilisés par ce groupe grâce aux contrats de concurrence exclusive ; qu'elle ajoute que grâce à ses monopoles de fait locaux, ce groupe empêche, restreint ou fausse le jeu de la concurrence européenne en "gelant" le marché français des cercueils aux fabricants européens ;

Attendu selon les chiffres fournis par le groupe OGF-PFG et analysés dans le rapport administratif relatif aux pratiques de la SA Pompes Funèbres Générales émanant de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes en date du 10 juillet 1987 (p. 110 et suivantes) que ce groupe a vendu en 1985 228 938 cercueils et en 1986, 225 142 cercueils, ce qui représente respectivement 41,4 % et 40,72 % du nombre des cercueils fournis sur le plan national pour ces années de référence ;

Attendu que le groupe OGF-PFG indique à titre complémentaire qu'à 5 % près il a produit en 1987, 219 167 cercueils, en 1988, 209 811 et que, pour l'année 1989, il a produit 195 000 cercueils, en a achetés 35 000 et en a vendu 25 000 à l'extérieur qu'il précise sur les 25 000 vendus à l'extérieur, 13 000 l'ont été à des régies municipales dans le cadre des marchés publics, 8 000 à des entrepreneurs de pompes funèbres privées en France et 4 000 à des entrepreneurs à l'étranger, essentiellement Belgique et République Fédérale d'Allemagne ; qu'il ajoute qu'il n'a aucune volonté de faire entrave à la concurrence ni en France, ni dans la Communauté puisque le groupe n'intervient, que ce soit en gros ou en détail, que dans la production et la commercialisation de 230 000 cercueils sur 530 000 consommés en France, la production et la commercialisation de 300 000 cercueils, soit 57 % lui échappant totalement ;

Attendu qu'il résulte de ces données de fait que près de 60 % des cercueils sont fournis aux familles des défunts par des entreprises autres que celles qui dépendent du groupe OGF-PFG ;

Attendu qu'à l'occasion de la procédure préjudicielle relative à l'affaire Bodson c/ société des Pompes Funèbres des Régions Libérées, la Commission des Communautés européennes et le Gouvernement français ont fait valoir devant la Cour de justice (cf. notamment p. 9 des observations écrites de la Commission) que l'influence du monopole sur le commerce entre Etats membres n'est qu'indirecte et qu'il n'y a pas de monopole d'importation des marchandises, mais seulement un monopole de commercialisation sur le marché intérieur des marchandises dont la proportion susceptible d'être importée d'autres Etats membres serait à connaître pour déterminer si le monopole joue un rôle effectif dans les échanges ;

Attendu que s'il n'existe pas de statistiques douanières en matière d'importation de cercueils, il résulte des informations fournies par le groupe OGF-PFG et non démenties par la société Rasse et Holleville que les entreprises françaises importent environ 25 à 30 000 cercueils par an, principalement d'Italie, soit environ 5 % des cercueils utilisés en France ;

Attendu que compte tenu du fait que le service extérieur des pompes funèbres n'implique aucune autre livraison de biens que celle des cercueils et de leurs accessoires indispensables, l'activité du groupe OGF-PFG ne peut avoir qu'une influence imperceptible sur les transactions avec d'autres Etats membres et n'affecte donc pas de façon sensible le commerce intracommunautaire ;

Attendu par ailleurs qu'il ne résulte pas des éléments de la cause que les activités du groupe OGF-PFG et la situation de monopole dont il dispose sur une partie du territoire national empêchent les entreprises concurrentes établies dans d'autres Etats membres d'assurer en France des prestations de service dès lors notamment, selon les données chiffrées émanant de la Commission des Communautés européennes et du Gouvernement français, que la situation de monopole du service extérieur des pompes funèbres ne se présente que dans 14 % des communes, le groupe OGF-PFG n'étant concessionnaire que dans deux tiers de celle-ci, soit 9 % au total;

Attendu en outre, selon les chiffres fournis par le groupe OGF-PFG et non démentis par la société Rasse et Holleville que sur la totalité du territoire des pays membres de la Communauté européennes, la société PFG vend, soit directement, soit par l'intermédiaire de ses filiales, soit encore par l'intermédiaire de sociétés dans lesquelles elle a des participations (Belgique, Italie, Royaume Uni) environ 9,25 % du total des cercueils utilisés par les familles à la suite d'obsèques organisés dans les pays membres de la CEE ;

Attendu, ainsi que l'a précisé la Commission des Communautés européennes que dans le cas du décès, dans une commune ayant concédé le service extérieur, d'un étranger dont le corps doit être rapatrié dans un autre Etat membre, le monopole ne concerne que la fourniture du cercueil ; qu'en effet, la circulaire du 25 février 1905 prévoit que, pour les inhumations en-dehors de la commune du décès, le transport de corps est indépendant du service des pompes funèbres s'il se fait sans aucune cérémonie extérieure, sans pompe ni convoi ;

Attendu qu'il convient d'observer enfin que si aucune demande d'agrément n'a été présentée à l'administration française par une entreprise de pompes funèbres étrangère, agrément que l'article 2 du décret n° 86-1423 du 29 décembre 1986 ne soumet à aucune condition restrictive, aucune entreprise étrangère ne s'est plainte d'impossibilité ou de difficultés d'implantation liées à des abus de position dominante du groupe OGF-PFG sur la marché français, l'absence d'entreprise étrangère de pompes funèbres sur le territoire français apparaissant dès lors relever plus d'habitudes culturelles que de l'existence d'une puissance économique permettant de faire obstacle à une concurrence effective entre les entreprises des Etats membres, étant observé qu'aucun renseignement n'a pu être recueilli sur le rôle que peuvent jouer les sociétés étrangères par l'intermédiaire des sociétés françaises dans lesquelles elles possèderaient des participations, voire même dont elles exerceraient le contrôle ;

Attendu que la première condition d'application de l'article 86 du traité de la CEE faisant défaut, il n'y a pas lieu de rechercher si les autres conditions sont en l'espèce réunies, étant observé au surplus qu'il ne peut être reproché au groupe OGF-PFG d'avoir pratiqué des prix inéquitables ainsi que le fera apparaître l'étude de la position de ce groupe au regard du droit interne ;

Attendu que dans son arrêt du 4 mai 1988, la Cour de justice des Communautés européennes énonce que l'article 90 § 1er du traité doit être interprété en ce sens qu'il interdit aux autorités publiques d'imposer aux entreprises auxquelles elles ont accordé des droits exclusifs tels que le monopole du service extérieur des pompes funèbres, des conditions de prix contraires aux dispositions des articles 85 et 86 ;

Attendu que la Cour de justice précise dans ses motifs que les communes pourraient se trouver dans la situation visée par l'article 90 § 1er précité "dans la mesure où ces communes auraient imposé un certain niveau de prix à leurs concessionnaires en ce sens qu'elles se seraient abstenues de concéder le service extérieur aux entreprises si celles-ci n'acceptaient pas de pratiquer des prix particulièrement élevés" ;

Attendu que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'analyse du contrat de concession conclu entre la commune d'Abbeville et la société Rasse et Holleville à laquelle il sera procédé ci-dessous ne faisant pas apparaître que l'autorité concédante ait imposé un certain niveau de prix à l'entreprise concessionnaire mais qu'elle a fait au contraire insérer dans le contrat de concession des dispositions protectrices des habitants de la commune et relatives notamment à la simplification des tarifs, à la création d'une clause municipale à prix réduit ainsi qu'à l'instauration de devis type pour les inhumations et les incinérations ;

Attendu qu'il résulte en définitive de l'ensemble de ces éléments de fait que le groupe OGF-PFG exerce son monopole conformément au droit communautaire ;

Sur l'existence d'abus de position dominante au regard du droit interne (article 50 et 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 devenus 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) :

Attendu, selon les articles 50 et 51 de l'ordonnance du 30 juin 1945 dont les dispositions ont été reprises par les articles 7 et 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 qui sont prohibées lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence les activités d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprise occupant sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci une position dominante caractérisée par une situation de monopole ou par une concentration manifeste de la puissance économique ;

Attendu selon l'avis du Conseil de la Concurrence des 12 et 21 janvier 1988 qu'il importe de distinguer la situation du groupe OGF-PFG, d'une part, vis-à-vis des communes au moment où se négocie les contrats de concession et d'autre part, vis-à-vis des familles une fois que ces concessions ont été attribuées ;

Attendu que le Conseil de la concurrence relève que si le fait que ce groupe dispose d'un grand nombre de concessions de services extérieurs de pompes funèbres sur le territoire national et est également présent sur les marchés connexes des prestations non monopolisées ou celui de la marbrerie funéraire, lui assura une influence certaine auprès des collectivités locales, cette influence doit être relativisée dès lors qu'au cours des dix dernières années, le solde des gains et des pertes de concession des PFG a été négatif, le groupe ayant au total perdu 76 concessions représentant 500 000 habitants ;

Attendu que le Conseil de la concurrence fait observer qu'en tout état de cause, une commune a la possibilité soit de ne pas organiser le service extérieur des pompes funèbres (choix de la très grande majorité des petites communes et de certaines villes), soit de la concéder au groupe OGF-PFG, soit de le concéder à une ou plusieurs entreprises extérieures à ce groupe, soit enfin d'organiser une régie (choix d'une soixantaine de villes importantes ou non telles que Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Montpellier, etc...) ;

Attendu que le Conseil de la concurrence en déduit pertinemment que la situation du groupe OGF-PFG vis- à-vis d'une commune, au moment où celle-ci envisage les possibilités qui lui sont offertes ne sauraient s'analyser ni comme un monopole, ni comme une position dominante prohibée par l'article 50 dernier alinéa de l'ordonnance du 30 juin 1945 ;

Attendu en ce qui concerne la situation des familles à l'égard des concessionnaires exclusifs que le Conseil a exactement retenu que bien que les prestations funéraires du service extérieur des pompes funèbres soient de même nature d'une commune à l'autre, il ne peut cependant exister un marché national dans la mesure où, dans les localités ayant organisé ce service public, les familles doivent nécessairement, directement ou indirectement, recourir au titulaire du monopole et que, dès lors, à défaut de substituabilité avec les services identiques offerts ailleurs, il existe un marché distinct par commune ayant organisé ce service ;

Attendu qu'il convient en conséquence en l'espèce, de limiter l'analyse au marché constitué par la commune d'Abbeville dans laquelle la société PFG est titulaire d'un contrat de concession exclusif de service extérieur des pompes funèbres ;

Attendu que la société Rasse et Holleville soutient que l'abus de position dominante du groupe OGF-PFG résulte tant des conditions de formation que du contenu du contrat de concession conclu par la société PFG avec la commune d'Abbeville qui seraient manifestement illicites au regard des critères de la jurisprudence administrative ; qu'elle prie en conséquence la cour de poser une question préjudicielle sur la légalité de ce contrat au Tribunal administratif d'Amiens ;

Mais attendu que la saisine de la juridiction administrative ne se justifie qu'en cas de difficulté sérieuse d'appréciation de la légalité d'un contrat administratif et lorsque le non respect des règles de droit peut avoir une incidence sur l'existence d'un abus de position dominante ; qu'il résulte des éléments de la cause que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu qu'il n'est pas établi que la commune d'Abbeville ait procédé à un appel d'offre formalisé lors de la conclusion du contrat de concession ; qu'il est constant cependant que le Code de marchés publics n'ayant pas prévu de procédure particulière quant à ce type de concession de service public, les communes ont la possibilité de choisir librement leur concessionnaire ;

Attendu que la société Rasse et Holleville ne formule aucune critique particulière sur le contrat de concession conclu entre la commune d'Abbeville et la société PFG ; que ce contrat ne contenant pas de clauses pouvant donner lieu à des difficultés sérieuses quant à l'appréciation de leur légalité ou de leur licéité relativement au droit de concurrence, il n'y a pas lieu à saisine de la juridiction administrative ;

Attendu que si ce contrat en date des 29 et 31 janvier 1985 a été conclu pour une durée de 12 ans, éventuellement prorogeable, conformément aux cahiers des charges types de 1947 et 1952 à valeur réglementaire applicable aux communes de plus de 4 000 habitants, le modèle du contrat de concession annexé à la circulaire n° 85-43 du 18 février 1985 du ministre de l'Intérieur limite la durée des contrats de concession à 6 ans et ne prévoit plus de procédure de tacite reconduction ;

Attendu cependant que l'article 14 du traité de concession prévoit qu'en cas de modification du cahier des charges-type du 13 août 1947, ou en cas d'adoption d'un nouveau cahier des charges de référence pour la concession du service extérieur des pompes funèbres, il sera procédé à la mise en conformité des documents constitutifs du contrat avec le cahier des charges-type modifié ou le nouveau cahier des charges de référence dans un délai maximum de 12 mois suivant leur publication et à l'initiative de la partie la plus diligente ; qu'il ne peut, dans ces conditions être reproché au contrat de concession d'empêcher par une durée trop longue le libre exercice de la concurrence ;

Attendu que les clauses relatives au paiement par le concessionnaire à la commune d'une redevance annuelle de 150 000 F ainsi qu'à la nécessité pour celui-ci de justifier d'un approvisionnement égal au quart de la quantité utilisée pendant l'année précédente, et d'un approvisionnement en matière première suffisant pour la fabrication pendant trois mois si elles peuvent paraître restreindre les possibilités de concurrence constituent avant tout une charge pour l'entreprise concessionnaire, contrepartie de l'exclusivité qui lui est accordée et sont destinées à permettre à la commune concédante de vérifier les capacités de l'entreprise concessionnaire d'assurer la continuité du service public ;

Attendu par ailleurs que le cahier des charges annexé au contrat de concession institue au profit de l'autorité concédante d'étroits pouvoirs de contrôle et de coercition ;

Attendu notamment que l'article 18 prévoit que le concessionnaire doit mettre à la disposition des familles des imprimés faisant ressortir la distinction entre les fournitures obligatoires et les fournitures facultatives, que les commandes doivent être établies en trois exemplaires dont un est remis à la famille et un transmis à l'administration municipale aux fins de contrôle ; que l'article 19 prescrit un certain nombre de mesures destinées à assurer la publicité du cahier des clauses et conditions générales du contrat de concession ainsi que du tarif municipal ; que les devis-types forfaitaires établis par le concessionnaire en accord avec la commune doivent obligatoirement être présentés aux familles par le concessionnaire au moment du décès ; que selon l'article 25, le concessionnaire doit se soumettre au contrôle du service par l'autorité municipale, tenir un registre des réclamations à la disposition du public et répondre dans les trois jours aux réclamations inscrites sur ce registre ; qu'il doit remettre chaque année au Maire aux fins de contrôle un compte rendu statistique de son exploitation comportant notamment l'état des recettes et des dépenses de la concession ; qu'aux termes de l'article 26, les manquements dans l'exécution du service et les infractions aux engagements contractuels du concessionnaire sont sanctionnés par des amendes au profit de la commune ;

Attendu que les conditions financières de l'exploitation sont définies par les articles 5 et suivants du cahier des charges ; qu'un bordereau des prix annexé au cahier des charges fixe de manière détaillée, le tarif des fournitures monopolisées obligatoires et facultatives comprises dans le monopole ; que ce tarif municipal des fournitures monopolisées est imprimé et affiché ; que le concessionnaire doit soumettre à l'approbation du Maire le tarif maximum des fournitures non monopolisées qu'il peut faire aux familles concurremment avec les entreprises libres ;

Attendu que l'article 6 relatif à la révision des tarifs et l'annexe II du contrat de concession font apparaître que cette révision est indexée sur différents indices relatifs au coût de la main-d'œuvre et des matériaux tels qu'ils résultent des publications de l'INSEE et des services de la concurrence et de la consommation (BOCC) ; qu'ils ne contiennent aucune clause abusive tant en ce qui concerne leur périodicité que le choix des indices d'indexation ;

Attendu que le bordereau des tarifs qui fait l'objet de l'annexe I contient le détail de tous les prix pratiqués par la société PFG à Abbeville selon les différentes catégories ; que l'annexe I Bis, décrit trois devis types dont la classe municipale, le prix de celle-ci comportant un rabais de 15 %, y compris en cas d'incinération ;

Attendu que s'il appartient à la société PFG de démontrer qu'elle exerce son monopole sans enfreindre les règles du droit de la concurrence et en particulier qu'elle ne pratique pas de prix abusifs ou inéquitables, encore faut-il pouvoir procéder à des comparaisons de prix significatives ; que force est de constater que la société Rasse et Holleville qui se borne à formuler des critiques imprécises et d'ordre général ne fournit pas la moindre indication sur les prix qu'elle pratique ni sur aucun autre prix ; qu'elle ne peut, en raison de cette carence, se borner à affirmer pour justifier sa violation du monopole du service extérieur des pompes funèbres dans la commune d'Abbeville que la société PFG pratique des prix abusifs ou inéquitables ;

Attendu que l'analyse des conditions de formation du contrat de concession et de son contenu faisant apparaître le souci de la commune concédante de défendre les intérêts de ses habitants et l'absence de discrimination favorable à l'entreprise concessionnaire et ne révélant pas de difficultés sérieuses d'appréciation de sa légalité ou de sa licéité au regard des règles de la libre concurrence, il n'y a pas lieu de saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle ;

Attendu que la société Rasse et Holleville ne fait état à Abbeville d'aucune pratique abusive consistant en manipulation de la clientèle ou en collusion avec les organismes publics ; qu'aucun élément ne permet d'établir d'anomalies pouvant constituer de telles pratiques ou des délits de publicité mensongère ou de tromperie ;

Attendu dans ces conditions qu'il ne peut être reproché à la société PFG ou au groupe OGF d'avoir pratiqué à Abbeville des prix excessifs ou non équitables, d'avoir fait obstacle à l'abaissement des prix de revient de vente ou de revente ou d'avoir favorisé la hausse ou la baisse artificielle des prix ; qu'il convient dès lors de débouter la société Rasse et Holleville de toutes ses demandes ;

Sur le préjudice subi par la société PFG du fait de la violation par la société Rasse et Holleville de son contrat de concession exclusive.

Attendu que la société PFG demande que la société Rasse et Holleville soit condamnée à lui payer la somme de 105 638,82 F au titre de la fourniture irrégulière des prestations du service extérieur des pompes funèbres pour la période comprise entre le 26 août et le 29 décembre 1986 ;

Attendu que cette somme correspond au prix, tels que fixés par le contrat de concession des fournitures et des prestations de service assurées par la société Rasse et Holleville aux familles des défunts en violation du service extérieur des pompes funèbres ;

Mais attendu que si l'auteur d'un délit ou d'un quasi-délit est tenu à la réparation intégrale du dommage qu'il a causé, cette réparation ne saurait excéder le montant de son préjudice ;

Attendu que si la société PFG ne précise pas le montant du préjudice qu'elle a réellement subi du fait des agissements de la société Rasse et Holleville, ce préjudice peut néanmoins être évalué en tenant compte notamment du bénéfice dont la société PFG a été privée sur les prestations et fournitures qui ont été vendues aux familles des défunts par la société Rasse et Holleville en violation du contrat de concession exclusive de la société PFG ; qu'il doit être tenu compte également de la perte des prestations et fournitures non monopolisées que les familles se seraient procurées auprès de la société PFG si elles s'étaient adressées à celle-ci pour le service extérieur des pompes funèbres ainsi que des difficultés de gestion et financières résultant de la perte de clientèle provoquée par les activités de la société Rasse et Holleville ;

Attendu que la cour possède au vu des écritures des parties, des pièces produites et des circonstances de la cause les éléments suffisantes pour fixer à 35 000 F toutes causes de préjudice réunies le préjudice causé par la société Rasse et Holleville à la société PFG du fait des violations du contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres conclues par cette société avec la commune d'Abbeville ;

Que la société Rasse et Holleville sera en conséquence condamnée à payer cette somme à la société PFG ;

Attendu qu'il y a lieu par ailleurs d'interdire à la société Rasse et Holleville ainsi qu'à toute personne physique ou morale agissant pour son compte de violer le contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres conclu par la société PFG avec la commune d'Abbeville sous astreinte provisoire de 3 000 F par infraction constatée ;

Attendu qu'il convient en outre d'ordonner la publication par extraits du présent arrêt dans deux journaux au choix de la société PFG aux frais de la société Rasse et Holleville sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5 000 F ;

Attendu que le groupe OGF ne justifiant pas du caractère abusif de son assignation en intervention forcée devant la cour par la société Rasse et Holleville sera débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application en l'espèce de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, Vu l'arrêt avant dire droit du 20 mai 1988 ; Révoque l'ordonnance de clôture rendue le 28 février 1990 ; Déclare recevable les conclusions prises par les parties postérieurement à cette ordonnance et ordonne la clôture des débats ; Dit n'y avoir lieu aux productions des pièces sollicitées ; Déboute la société Rasse et Holleville de toutes ses demandes ; Fait défense à cette société ainsi qu'à toute personne physique ou morale agissant pour son compte de violer le contrat de concession du service extérieur des pompes funèbres conclu par la société Pompes Funèbres Générales avec la commune d'Abbeville et ce, sous astreinte provisoire de 3 000 F par infraction constatée ; Condamne la société Rasse et Holleville à payer à la société Pompes Funèbres Générales la somme de 35 000 F à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à cette société par la violation de son contrat de concession exclusive du service extérieur des pompes funèbres conclu avec la commune d'Abbeville ; Déboute le groupe OGP de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ; Ordonne la publication par extraits du présent arrêt dans deux journaux au choix de la société Pompes Funèbres Générales sans que le coût de chaque insertion puisse excéder 5 000 F ; Condamne la société Rasse et Holleville aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Caussain, avoué à la cour, pour ceux d'appel dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu de provision ; Déboute les sociétés Pompes Funèbres Générales et Omnium de gestion et de financement de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.