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Décisions

CCE, 12 avril 1991, n° M.042

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Alcatel/Telettra

CCE n° M.042

12 avril 1991

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), et notamment son article 8 paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 21 janvier 1991 d'engager une procédure dans cette affaire, après avoir donné aux entreprises concernées la possibilité de faire connaître leur avis sur les obligations proposées par la Commission, après consultation du comité consultatif en matière de concentrations (2), considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

Nature de la procédure

(1) La présente procédure concerne un projet de concentration qui a été notifié le 10 décembre 1990, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89, et qui porte sur la cession par Fiat SpA (Fiat) à Alcatel NV (Alcatel) d'une participation de contrôle de 69,2 % dans le capital de Telettra SpA (Telettra). Telettra acquerra pour sa part 100 % du capital d'Alcatel Face SpA, filiale d'Alcatel. Fiat continuera à détenir 25,4 % du capital de Telettra. Le solde du capital de Telettra est actuellement détenu par l'entreprise espagnole de télécommunications, Telefonica de España (Telefonica).

Les parties

(2) Alcatel est détenue à 70 % par Alcatel Alsthom Compagnie Générale d'Electricité (Alcatel Alsthom), autrefois connue sous le nom de CGE. Le principal secteur d'activité de la société Alcatel est la fourniture de systèmes et d'équipements de télécommunications. En 1989, elle a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 12,8 milliards d'écus. Le chiffre d'affaires mondial consolidé d'Alcatel Alsthom a été de 20,7 milliards d'écus en 1989, la différence ayant été essentiellement réalisée dans les secteurs de l'énergie et des transports, du nucléaire, de l'électrotechnique et des accumulateurs électriques. Le chiffre d'affaires d'Alcatel Alsthom dans la Communauté en 1989 a été de 16,5 milliards d'écus, dont pas plus des deux tiers ont été réalisés à l'intérieur d'un seul et même Etat membre.

(3) Telettra est essentiellement fournisseur de systèmes et d'équipements de télécommunications. En 1989, elle a réalisé un chiffre d'affaires mondial de 1,1 milliard d'écus, dont 0,95 milliard d'écus dans la Communauté. Pas plus des deux tiers de ce chiffre d'affaires ont été réalisés à l'intérieur d'un seul et même Etat membre.

Contexte de l'accord

(4) L'accord sur la prise de contrôle de Telettra constitue l'un des éléments de l'" accord-cadre " conclu entre Fiat et Alcatel Alsthom. Les autres éléments de cet accord-cadre sont les suivants:

- acquisition par Magneti Marelli, filiale de Fiat, d'une participation de contrôle dans CEAC, filiale d'Alcatel Alsthom produisant des accumulateurs électriques. Ce projet de concentration, qui est soumis à la réalisation de l'accord Alcatel/Telettra, a été notifié et est traité séparément sous la référence IV/M043 (3),

- projet d'acquisition par GEC-Alsthom, société contrôlée conjointement par GEC et Alcatel Alsthom, d'une participation de contrôle dans Fiat Ferroviaria, filiale de Fiat produisant du matériel ferroviaire,

- création d'une holding européenne qui sera détenue conjointement par Fiat et Alcatel Alsthom, pour la réalisation de projets d'intérêt commun dans le domaine de la recherche et du développement.

Les divers éléments de l'" accord-cadre " peuvent être examinés séparément au regard du règlement (CEE) n° 4064-89 ou de l'article 85 du traité CEE.

Les marchés des produits concernés

(5) Quatre marchés sont touchés par la concentration dans le secteur des systèmes et équipements de télécommunications; ce sont la commutation publique, les systèmes de transmission par ligne, les systèmes à hyperfréquences et la commutation privée.

Ces quatre marchés représentent 72 % du marché total des systèmes de télécommunications, qui a porté sur 16,7 milliards d'écus dans la CEE en 1989 (y compris d'autres secteurs des télécommunications tels que la radiotéléphonie, les sous-ensembles, les stations terrestres et les câbles de télécommunications).

En valeur, le marché le plus important du secteur des télécommunications est celui de la commutation publique, qui a représenté 5,6 milliards d'écus en 1989, soit 34 % du marché total des équipements de télécommunications. Cette même année, le marché des systèmes de transmission par ligne a porté sur 3,9 milliards d'écus (23 %), la commutation privée sur 2 milliards d'écus (12 %) et les systèmes à hyperfréquences sur 0,6 milliard d'écus (3 %).

(6) Les parts de marché des parties et de leurs principaux concurrents dans ces marchés de produits en 1989 sont reproduits en annexe (4).

Les marchés des équipements de télécommunications publiques

(7) L'industrie des équipements de télécommunications se caractérise par le niveau très élevé et en constante augmentation des dépenses de recherche et développement, en raison de l'informatisation croissante des produits de télécommunications et du raccourcissement de leur durée de vie. Sur le plan technique, Telettra est tout à fait adaptée à la gamme actuelle de production d'Alcatel et son acquisition permettra à Alcatel d'accéder à la technologie d'interconnexion à clavier de Telettra.

(8) La commutation publique, les équipements de transmission par ligne et les équipements à hyperfréquences constituent des marchés essentiellement publics, où les acheteurs sont exclusivement ou en très grande majorité des entreprises de télécommunications. L'entreprise espagnole de télécommunications Telefonica, par exemple, est le seul acheteur de commutateurs publics en Espagne où elle achète 90 % des équipements de transmission par ligne et, actuellement, 60 % des équipements à hyperfréquences.

(9) Les entreprises de télécommunications publiques appliquent en principe une politique de diversification des fournisseurs, qui vise à réaliser un équilibre entre, d'une part, l'établissement et le maintien d'une concurrence entre fournisseurs et, d'autre part, une réduction au minimum des coûts liés aux différences entre les produits. Pour la commutation publique, par exemple, on considère généralement qu'il n'est pas possible d'avoir plus de deux ou trois fournisseurs, en raison du coût élevé et de la complexité technique de ce type d'équipements. Pour les équipements de transmission, on peut généralement en avoir plus, par exemple de trois à cinq, mais il y a également une limite pratique au nombre des fournisseurs possibles.

(10) Les politiques d'approvisionnement varient selon les entreprises et le type de produit, mais elles sont en principe basées sur une combinaison de marchés négociés et d'appels d'offres.

(11) La politique d'approvisionnement des entreprises de télécommunications de la Communauté est en train d'évoluer. Traditionnellement, dans tous les Etats membres, les réseaux publics étaient gérés par un organisme public de télécommunications qui commandait ses équipements à un petit groupe de fournisseurs nationaux. Les produits devaient souvent être conformes à des normes techniques nationales, ce qui entraînait des coûts d'adaptation pour les fournisseurs étrangers.

(12) La politique d'approvisionnement évolue à un rythme très différent d'un Etat membre à l'autre. A cet égard, un processus de libéralisation et de déréglementation du secteur des télécommunications a été engagé dans le cadre de la réalisation du marché unique. Les directives de la Commission sur la libéralisation des services de télécommunications, par exemple, visent à susciter une plus grande concurrence en démantelant les monopoles des exploitants de réseaux en matière de prestations de services. En ce qui concerne les fournisseurs, les directives sur les marchés publics et sur la reconnaissance mutuelle des agréments d'équipements terminaux de télécommunications visent à ouvrir les marchés aux concurrents d'autres Etats membres. Des efforts ont également été entrepris en vue de l'harmonisation, au niveau communautaire, des équipements de télécommunications dans le cadre de l'Institut européen des normes de télécommunications (ETSI).

(13) L'application des dispositions de la directive 90-531-CEE du Conseil (5) sur les marchés publics devrait contribuer à briser la tendance des entreprises de télécommunications à " acheter national ". Les Etats membres devront appliquer cette directive au 1er janvier 1993, à l'exception de l'Espagne qui l'appliquera au 1er janvier 1996 et de la Grèce et du Portugal qui l'appliqueront au 1er janvier 1998.

(14) En ce qui concerne la normalisation des produits sur les marchés concernés, l'ETSI, qui a été créé en 1987, prévoit dans son programme de travail pour 1990-1993, la publication de vingt-deux normes et de onze rapports techniques dans le domaine des transmissions. L'adoption par les entreprises de télécommunications des normes ETSI dans ce domaine est actuellement facultative et suscite chez ces dernières plus ou moins d'enthousiasme.

Toutefois, à compter de la date de mise en œuvre de la directive 90-531-CEE, l'utilisation des normes européennes de télécommunications (ETS) par les entreprises de télécommunications dans les spécifications de leurs appels d'offres sera obligatoire.

(15) La portée des spécifications nationales existantes diffère selon les Etats membres et les produits. Les spécifications nationales pour les équipements de transmission, par exemple, sont peu exigeantes, voire inexistantes, en Espagne, mais très poussées en Italie.

Les marchés des transmissions en Espagne

(16) En raison de l'importance d'Alcatel et de Telettra en tant qu'entreprises concurrentes pour la fourniture des équipements de transmission par ligne en Espagne, la Commission a réalisé une enquête détaillée sur l'impact structurel de la concentration dans cet Etat membre.

(17) L'Espagne constitue actuellement le marché des télécommunications qui connaît la croissance la plus rapide dans la Communauté économique européenne, puisque l'on prévoit que sa croissance globale se poursuivra à un rythme d'environ 5 % par an, en termes réels, pendant les cinq années à venir, en raison du programme de modernisation actuellement en cours. En 1989, le marché des équipements de transmission par ligne représentait 531 millions d'écus (13 % du marché communautaire total) et le marché des équipements à hyperfréquences 117 millions d'écus (20 % du marché communautaire). Par rapport à la tendance générale dans les autres marchés d'équipements pour les télécommunications, le marché des équipements à hyperfréquences en Espagne accuse un fléchissement général.

Capacité de réaction de Telefonica à la concentration

(18) L'entreprise de télécommunications la plus touchée par la concentration, Telefonica, n'a émis aucune objection. Comme d'autres entreprises de télécommunications, Telefonica applique une politique d'approvisionnement diversifiée, afin de ne pas dépendre outre mesure d'un seul fournisseur. Dans sa réponse initiale à l'enquête de la Commission, Telefonica a déclaré qu'elle estimait que la concentration entre Alcatel et Telettra n'affecterait pas cette politique.

(19) En réponse aux enquêtes suivantes de la Commission, Telefonica a précisé que sa politique de diversification des achats d'équipements de transmission était basée, entre autres, sur les principes suivants:

- les commandes sont passées sur la base de programmes annuels ou biennaux et les appels d'offres sont portés à la connaissance des fournisseurs concernés. Les facteurs pris en considération pour l'attribution des marchés sont la qualité, les délais de livraison, la fiabilité et le prix,

- Telefonica est disposée à prendre tous les contacts que les fournisseurs souhaiteraient établir et à leur fournir les informations qu'ils estiment nécessaires pour leur permettre de soumissionner sur un pied d'égalité,

- les fournisseurs nouveaux ou potentiels ont la faculté de demander l'agrément technique de leurs produits. Les produits qui ont subi avec succès les tests techniques sont inscrits sur la liste Telefonica des produits qui peuvent être achetés. Le choix définitif des produits est effectué sur la base d'un certain nombre de paramètres, la qualité technique n'étant qu'un de ces paramètres,

- il n'est donc pas indispensable de fabriquer en Espagne, mais il sera nécessaire d'assurer l'entretien et le service dans le pays,

- un plan stratégique de la société pour 1991-1995 prévoit, entre autres, l'ouverture du marché à de nouveaux fournisseurs.

(20) Telefonica possède une participation minoritaire dans le capital de certains de ses fournisseurs. Elle détient notamment 21 % d'Alcatel Standard Electrica SA, filiale d'Alcatel, 10 % de Telettra Española SA, filiale de Telettra, ainsi que 5,4 % de Telettra elle-même.

(21) Un accord soumis à l'acquisition de Telettra par Alcatel a déjà été signé; il prévoit qu'Alcatel acquerra la participation de 5,4 % de Telefonica dans Telettra. Ce même accord contient une disposition donnant à Alcatel une option d'achat des parts de Telefonica dans Telettra Española SA.

En outre, Telefoncia a déclaré qu'il n'y avait plus aucune raison stratégique pour qu'elle continue à détenir des participations minoritaires dans le capital de ses fournisseurs et qu'elle était disposée à examiner toute offre intéressante.

(22) En conséquence, le 6 février 1991, Alcatel a pris les engagements suivants envers la Commission:

- elle reprendra la participation de 5,4 % de Telefonica dans Telettra lorsqu'elle aura pris le contrôle de cette dernière,

- elle exercera son option d'achat pour acquérir la participation de 10 % de Telefonica dans Telettra Española SA,

- elle engagera immédiatement des négociations de bonne foi avec Telefonica en vue d'acquérir, à un juste prix, la participation de 21 % de Telefonica dans Alcatel Standard Electrica SA.

Capacité de réaction des concurrents à la concentration

(23) American Telephone and Telegraph Company (AT& T) est le premier fournisseur mondial d'équipements de transmission par ligne. Elle est présente en Espagne par l'intermédiaire d'une entreprise commune, AT& T-NS EspaDna, créée en 1987. Cette société est détenue à 51 % par AT& T et à 49 % par Amper SA. Les premières ventes de cette entreprise commune dans le domaine des transmissions ont eu lieu en 1988; elles ont connu une forte augmentation en 1989 et 1990. AT& T-NS EspaDna offre aujourd'hui la gamme complète des produits de transmission par ligne en Espagne.

AT& T estime qu'il lui est possible d'avoir en Espagne un volume de ventes d'équipements de transmission plus élevé qu'elle ne l'avait prévu. AT& T-NS EspaDna a les moyens et les capacités disponibles pour ce faire et AT& T pourrait introduire sur ce marché les produits d'autres filiales.

Actuellement, AT& T ne vend pas d'équipements de transmission à hyperfréquences en Espagne. AT& T-NS EspaDna semble continuer à rechercher des possibilités de participation à des appels d'offres publics pour des équipements radio à hyperfréquences.

(24) Telefonaktiebolaget LM Ericsson (Ericsson) est une société suédoise qui, en raison des dimensions relativement restreintes de son marché national, a toujours été un concurrent international actif. Elle réalise aujourd'hui près de 50 % de son chiffre d'affaires total en Europe, Suède non comprise. Ericsson est déjà établie en Espagne. Bien qu'elle fournisse essentiellement des équipements de commutation publique à Telefonica, elle vend également des équipements de transmission numérique. Ericsson estime qu'elle pourrait élargir sa gamme de production actuelle et qu'elle pourrait facilement, le cas échéant, étendre sa capacité locale ou fournir des produits d'autres filiales.

Ericsson vend actuellement, en quantité limitée, un appareil radio à courte distance de faible capacité sur le marché espagnol des équipements à hyperfréquences. Elle déclare vouloir améliorer sa position sur le marché de cet Etat membre et n'avoir aucun besoin, pour l'essentiel, d'adapter sa production pour développer son activité.

(25) Siemens n'occupe actuellement qu'une position marginale sur le marché des transmissions en Espagne; en 1989, ses ventes dans le domaine des équipements à hyperfréquences se sont élevées à environ 10 millions d'écus. Siemens est le troisième fournisseur mondial d'équipements de télécommunications, juste derrière Alcatel et AT& T, et elle constitue donc un concurrent potentiel important pour le marché des transmissions en Espagne.

Dans ses réponses aux questions de la Commission, Siemens estime qu'il existe actuellement deux grands obstacles à l'accès au marché espagnol: l'intégration verticale de Telefonica avec ses fournisseurs et le fait que la directive 90-531-CEE ne sera mise en œuvre en Espagne qu'à partir de 1996.

(26) Dans sa notification, Alcatel mentionne la possibilité de la pénétration sur les marchés communautaires d'autres grandes sociétés, notamment la société canadienne Northern Telecom et les sociétés japonaises Fujitsu et NEC. Toutefois, les coûts d'adaptation des produits sont très importants pour ces sociétés, car il existe actuellement des différences considérables en matière de spécifications techniques.

II. APPRECIATION JURIDIQUE

Concentration

(27) L'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b) du règlement (CEE) n° 4064-89, puisque, en acquérant 69,2 % du capital de Telettra, Alcatel prendra le contrôle de cette société.

Dimension communautaire

(28) Les seuils mentionnés à l'article 1er paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064-89 sont atteints, puisque le chiffre d'affaires total réalisé sur le plan mondial par Alcatel Alsthom et Telettra est supérieur à 5 milliards d'écus et que le chiffre d'affaires total réalisé individuellement dans la Communauté est supérieur à 250 millions d'écus, dont pas plus des deux tiers sont réalisés à l'intérieur d'un seul et même Etat membre. La concentration a donc une dimension communautaire.

Compatibilité avec le marché commun

a) Marchés des produits concernés

(29) La concentration entraînera une augmentation des parts de marché dans quatre secteurs: la commutation publique, les équipements de transmission par ligne, les équipements à hyperfréquences et la commutation privée. Chacun de ces marchés constitue un marché des produits concernés pour l'appréciation au regard des règles du règlement (CEE) n° 4064-89.

b) Marchés géographiques

(30) On estime que jusqu'à présent les marchés des télécommunications dans la Communauté économique européenne ont été dans une large mesure divisés en marchés nationaux, essentiellement pour les raisons suivantes:

- l'exploitation des réseaux publics par des organismes nationaux de télécommunications qui ont traditionnellement passé leurs commandes d'équipement à un petit groupe de fournisseurs nationaux,

- des normes nationales différentes qui entraînaient des coûts d'adaptation élevés pour les fournisseurs étrangers.

La situation est en train d'évoluer, comme l'indiquent les considérants (7) à (15) ci-dessus.

(31) D'une façon très générale, la normalisation progresse par exemple plus rapidement pour les équipements de transmission que pour la commutation publique. En outre, le remplacement de la technologie analogique par la technologie numérique entraînera la disparition d'autres entraves techniques à plus ou moins long terme.

(32) S'il est probable que les entraves techniques perdront de leur importance à moyen terme, on constate que, dans la pratique, le rythme d'évolution de la politique commerciale des exploitants de réseaux varie fortement d'un Etat membre à l'autre.

(33) L'association d'Alcatel et de Telettra n'a une forte incidence sur la concurrence que sur les marchés des transmissions en Espagne. Il suffit donc d'examiner si les marchés espagnols doivent être considérés comme les marchés géographiques concernés.

(34) Les caractéristiques structurelles les plus importantes de ce marché ont jusqu'à présent été les suivantes:

- l'entreprise de télécommunications espagnole Telefonica a traditionnellement effectué ses achats auprès de fournisseurs locaux, bien que cela commence à changer,

- l'Espagne n'est pas légalement tenue d'appliquer, au cours des cinq années à venir, les procédures prévues par la directive 90-531-CEE sur les marchés publics,

- il existe des liens verticaux entre Telefonica et ses principaux fournisseurs d'équipements et, en particulier, Alcatel et Telettra, par le biais de participations minoritaires. L'existence de liens verticaux entre des entreprises de télécommunications et leurs fournisseurs peut entraîner une distorsion des conditions normales de concurrence, en conférant à ces fournisseurs une position privilégiée sur le marché. Cela peut être le cas même lorsque des entreprises de télécommunications ne possèdent que des participations minoritaires, étant donné que les fournisseurs qui ne possèdent pas ces liens sont désavantagés par rapport aux autres.

(35) Compte tenu des caractéristiques structurelles courantes des marchés des transmissions en Espagne, l'Espagne doit être considérée comme un marché géographique concerné distinct aux fins de l'évaluation destinée à déterminer si l'opération de concentration ne risque pas de donner aux parties concernées une position dominante susceptible d'entraver de manière significative une concurrence effective, au sens des dispositions de l'article 2 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064-89.

c) Incidences du projet de concentration

Incidences globales

(36) En ce qui concerne la commutation publique, la concentration n'aurait des répercussions qu'en Italie, où Alcatel et Telettra détiendraient ensemble 21 % du marché (sur la base des chiffres de 1989). Italtel étant de loin le principal concurrent sur le marché italien, puisqu'elle a réussi à conserver 50 % du marché au cours des dernières années, il est exclu que la nouvelle entreprise puisse acquérir une position dominante sur ce marché à la suite de la concentration, même si l'Italie devait être considérée comme le marché géographique concerné.

Dans le secteur de la commutation privée, Telettra n'est un concurrent important dans aucun Etat membre, puisqu'elle n'est présente, de façon marginale, que sur le marché italien. La concentration ne produit aucun effet structurel important, ni sur le marché italien ni sur le marché communautaire.

En conséquence, seule l'incidence de la concentration sur les marchés des équipements de transmission par ligne et des équipements à hyperfréquences (les marchés de transmission) en Espagne doit être prise en considération.

Marchés des transmissions en Espagne

(37) Si l'on considère les parts de marché réelles détenues par Alcatel et Telettra en 1989, la concentration aura pour effet de donner à la nouvelle société une part de marché très importante dans le secteur des transmissions en Espagne, car les deux sociétés sont actuellement les principaux fournisseurs de Telefonica.

Les chiffres sont les suivants:

- équipements de transmission par ligne: Alcatel: 40 %, Telettra: 41 %,

- équipements à hyperfréquences: Alcatel: 18 %, Telettra: 65 %.

Possibilité d'accès aux marchés des transmissions

(38) Sur n'importe quel marché, la détention de parts de marché importantes pourrait indiquer l'existence d'une position dominante. Lorsqu'il s'agit d'un fournisseur, cette indication sera contrebalancée, par exemple, par la puissance d'achat d'un acheteur monoponistiques.

Dans le cas présent, les parts de marché élevés détenues par Alcatel et Telettra sur les marchés des transmissions en Espagne sont dues au fait que Telefonica a choisi ces sociétés pour être ses principaux fournisseurs. Toutefois ce choix a été fait alors qu'Alcatel et Telettra étaient des concurrents actifs.

(39) Telefonica ayant maintenu une politique d'achat diversifiée jusqu'à présent, il est peu probable que la nouvelle société garde les mêmes parts de marché que celles détenues par les parties lorsqu'elles étaient en concurrence.

(40) Telefonica a la possibilité, pour éviter toute dépendance à l'égard de la nouvelle société, d'accroître la part de ses achats auprès d'autres fournisseurs d'équipements de transmission.

AT& T est, dès à présent, en mesure d'accroître ses livraisons pour toute la gamme des équipements de transmission par ligne. AT& T ne fournit pas encore de produits à hyperfréquences en Espagne, mais AT& T-NS EspaDna continue à exploiter certaines possibilités d'appels d'offres.

Bien qu'Ericsson ne couvre pas la totalité de la gamme des produits de transmission par ligne, elle est capable d'augmenter ses livraisons de produits numériques, qui constituent l'élément le plus important des nouvelles installations. Les ventes équipements à hyperfréquences réalisées en Espagne par Ericsson sont actuellement limitées. Toutefois, la société a déclaré vouloir renforcer sa position dans cet Etat membre.

Les deux principaux concurrents effectifs sont donc capables d'accroître leurs livraisons.

(41) En outre, il semblerait possible que certains concurrents peu présents actuellement en Espagne deviennent des fournisseurs dans un environnement nouveau. Bien que l'application des procédures prévues dans la directive 90-531-CEE sur les marchés publics ne soit pas encore obligatoire, Telefonica a déclaré:

- qu'elle est disposée à prendre tous les contacts que les fournisseurs souhaiteraient établir et à leur fournir les informations qu'ils estiment nécessaires pour pouvoir soumissionner sur un pied d'égalité,

- que les fournisseurs nouveaux ou potentiels ont la faculté de demander l'agrément technique de leurs produits. Les produits qui ont subi avec succès les tests techniques sont inscrits sur la liste Telefonica des produits qui peuvent être achetés. Le choix définitif des produits est effectué sur la base d'un ensemble de paramètres, la qualité technique ne constituant que l'un de ces paramètres,

- qu'il n'est donc pas indispensable de fabriquer en Espagne.

(42) Sur cette base, il n'y aurait aucune entrave notable, du côté de la demande, à l'entrée sur le marché espagnol de concurrents puissants, tels que Siemens. Cette société est déjà présente, dans une certaine mesure, sur le marché des équipements à hyperfréquences.

Les coûts techniques d'adaptation des produits ne constituent pas aujourd'hui, en eux-mêmes, une entrave importante à l'accès au marché de concurrents européens. Il ne semble pas non plus, pour l'instant, que les droits de propriété intellectuelle puissent être exploités de façon à constituer une entrave pour ces concurrents. En ce qui concerne la normalisation entreprise par l'ETSI, la Commission a tout intérêt à empêcher l'apparition de cette entrave.

(43) Par conséquent, pour des concurrents qui jusqu'à présent n'étaient pas établis en Europe, tels Northern Telecom, Fujitsu et NEC, il n'est pas nécessaire de déterminer si ceux-ci peuvent, dans un proche avenir, constituer des concurrents réels en Espagne sur le marché des équipements de transmission par ligne. Il est probable que des entraves techniques subsisteront jusqu'à l'entrée en vigueur du programme de normalisation de la Communauté et jusqu'à l'adoption totale, par Telefonica, des normes qui seront définies par l'ETSI dans ce domaine. Les normes américaines et japonaises sont actuellement très différentes de celles adoptées par les différents exploitants de réseaux européens. Une fois que des normes européennes communes auront été définies et appliquées, le volume minimal nécessaire pour justifier une adaptation deviendra un objectif plus accessible.

Liens structurels entre Telefonica et les parties concernées à la concentration

(44) Dans le cas présent, la participation de Telefonica au capital d'Alcatel et de Telettra est considérée, compte tenu de leur puissance sur les marchés des transmissions en Espagne, comme une entrave à la présence d'autres concurrents.

(45) Alcatel s'est angagée vis-à-vis de la Commission à acheter à Telefonica sa participation minoritaire dans Telettra et Telettra EspaDna SA, et elle engagera des négociations en vue d'acheter à Telefonica sa participation minoritaire dans Alcatel Standard Electrica SA. Les liens verticaux qui existent entre Telefonica et Telettra disparaîtront ainsi et, étant donné que Telefonica est disposée à prendre en considération toute offre appropriée, il est probable que le lien vertical entre Telefonica et Alcatel disparaîtra également, Alcatel ayant pris des engagements à cet égard.

(46) Les engagements d'Alcatel portent sur l'élimination d'une importante entrave structurelle à l'accès aux marchés des transmissions en Espagne et il est donc nécessaire que la Commission s'assure que ces engagements seront respectés aussi rapidement que possible après la réalisation de la concentration, en assortissant sa décision des charges correspondantes.

d) Conclusion

(47) Pour les raisons qui viennent d'être exposées, il apparaît que les concurrents d'Alcatel et de Telettra sont en mesure, dans un proche avenir, d'accroître le volume de leurs ventes à Telefonica sur le marché des transmissions. En raison de sa politique d'achat diversifiée et de l'élimination des liens verticaux qui l'unissaient à Alcatel et Telettra, il semble également que Telefonica sera en mesure, dans un proche avenir, d'accroître ses achats auprès d'autres fournisseurs.

(48) Dans ces conditions, on ne peut considérer que les parts de marché importantes détenues actuellement par Alcatel et Telettra sur le marché des transmissions en Espagne permettront à la nouvelle société de ne pas tenir compte de ses concurrents et de son principal client.

(49) La concentration ne créera donc pas, ni ne renforcera, une position dominante susceptible d'entraver de façon significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION:

Article premier

Sous réserve des obligations définies à l'article 2, le projet de concentration entre Alcatel et Telettra est déclaré compatible avec le marché commun.

Article 2

La présente décision est assortie des charges suivantes:

a) Alcatel acquiert la part de 5,4 % détenue par Telefonica dans le capital de Telettra SpA dès la prise de contrôle de Telettra SpA, et informe la Commission de la réalisation de cette opération;

b) Alcatel fait usage de son option d'achat pour acquérir les 10 % du capital de Telettra Española SA détenus par Telefonica, le plus tôt possible et au plus tard dans les douze mois suivant la prise de contrôle de Telettra, et informe la Commission de la réalisation de cette opération;

c) Alcatel engage immédiatement des négociations de bonne foi avec Telefonica, en vue d'acquérir à un juste prix les 21,14 % du capital d'Alcatel Standard Electrica SA détenus par Telefonica, dans un délai d'une semaine à compter de la réalisation avec Fiat de l'accord concernant l'acquisition de Telettra, et informe la Commission de cette action;

- en cas d'issue favorable, Alcatel en informe immédiatement la Commission,

- faute d'issue favorable dans un délai de trois mois, Alcatel informe la Commission de la progression des négociations en cours et assure ensuite la mise à jour de ces informations tous les trois mois,

- faute d'issue favorable ou faute d'issue favorable après expiration d'un délai de douze mois, Alcatel fournit à la Commission toutes les modalités de l'offre transmise (y compris le prix et les conditions), afin de permettre à la Commission de vérifier si les négociations mentionnées ci-dessus ont été menées de bonne foi;

d) afin da faire en sorte que l'effet des engagements ne soit pas neutralisé, Alcatel ne vend à Telefonica les actions d'aucune société du groupe Alcatel exerçant des activités dans la Communauté économique européenne sans l'accord préalable de la Commission et ce, jusqu'à ce que la Commission lève cette obligation. Cette obligation cesse d'être applicable au plus tard à la date de mise en œuvre intégrale en Espagne de la directive 90-531-CEE, prévue pour le 1er janvier 1996.

Article 3

Alcatel NV,

Paris Headquarters SA,

33, rue Emeriau,

F-75015 Paris

et

Telettra SpA,

19, Via E. Cornalia,

I-20124 Milano

(1) JO n° L 395 du 30. 12. 1989, p. 1, tel que rectifié dans le JO n° L 257 du 21. 9. 1990, p. 13.

(2) JO n° C 127 du 17. 5. 1991, p. 2.

(3) JO n° C 315 du 14. 12. 1990, p. 14.

(4) Cette annexe contient des secrets d'affaires qui ont été retirés pour la publication, conformément aux dispositions de l'article 20 paragraphe 2 du règlement (CEE) n° 4064-89.

(5) JO n° L 297 du 29.10.1990, p. 1.