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Décisions

TPICE, 1re ch., 13 décembre 1990, n° T-116/89

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Vereniging Prodifarma, Katwijk Farma BV, Lagap BV, Medicalex BV, Polyfarma BV, Stehpar BV

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, Royaume des Pays-Bas

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cruz Vilaça

Juges :

MM. Kirschner, Schintgen, Garcia-Valdecasas, Lenaerts

Avocats :

Mes van Empel, Versteeg.

TPICE n° T-116/89

13 décembre 1990

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉEENES (première chambre),

LES FAITS A L'ORIGINE DU RECOURS

1. Le présent litige s'inscrit dans le cadre des efforts menés par les pouvoirs publics néerlandais depuis les années 70 pour maîtriser les coûts des médicaments délivrés en dehors des hôpitaux et autres établissements de soins. Il est étroitement lié aux affaires T-113-89 (Nefarma/Commission) et T-114-89 (VNZ/Commission), ainsi qu'à l'affaire T-3-90 (Prodifarma/Commission II). Les recours introduits dans chacune de ces affaires sont dirigés contre la réaction manifestée par la Commission devant un accord qui prévoit une réduction du niveau des prix auxquels les médicaments sont fournis aux pharmaciens, en liaison avec une modification de la réglementation néerlandaise sur la marge bénéficiaire des pharmaciens. Cet accord a été souscrit par la quasi-totalité des organisations néerlandaises représentatives des entreprises du secteur pharmaceutique, des caisses publiques et des organismes privés d'assurance maladie ainsi que des professions concernées par l'approvisionnement en médicaments, d'où son nom de "Omni-Partijen Akkoord" (ci-après "accord OPA"). En constatant les faits à l'origine du recours, le Tribunal a tenu compte, d'office, des éléments de fait contenus dans les dossiers des affaires parallèles T-113-89 et T-114-89.

1. La réglementation nationale

2. Le principal instrument d'intervention des pouvoirs publics néerlandais en ce qui concerne les coûts des médicaments est la Wet tarieven gezondheidszorg (loi sur la tarification des soins de santé, ci-après "WTG"), qui a été adoptée le 20 novembre 1980 (Stb. 1980, p. 646) et qui contient un certain nombre de règles relatives aux tarifs des établissements ou personnes dispensant des soins, parmi lesquels comptent notamment les pharmaciens et les médecins généralistes tenant pharmacie. L'article 2, paragraphe 1, de la WTG, interdit de manière générale d'appliquer un tarif qui n'a pas été approuvé ou fixé conformément à la loi.

3. La WTG a confié la fixation et l'approbation des tarifs des soins de santé au Centraal Orgaan Tarieven Gezondheidszorg (office central des tarifs de soins de santé, ci-après "COTG") organisme de droit public. Le COTG peut adopter des directives relatives au niveau, à la structure et aux modalités d'application d'un tarif en tout ou en partie. Ces directives doivent être approuvées par le ministre du Bien-être, de la Santé publique et de la Culture, par le ministre des Affaires économiques et par le ministre concerné du fait de sa responsabilité dans la politique à mener vis-à-vis de la catégorie d'établissements ou de personnes dispensant des soins qui est en cause. Aux termes de l'article 13 de la WTG, le COTG doit tenir compte de ces directives lorsqu'il prend des décisions portant approbation ou fixation de tarifs. L'article 14 donne au ministre du Bien-être, de la Santé publique et de la Culture et au ministre des Affaires économiques le pouvoir d'adresser, de commun accord, au COTG des recommandations sur le contenu des directives, que le COTG est tenu de respecter lors de leur adoption.

4. C'est conformément à cette disposition que le secrétaire d'Etat au bien-être, à la santé publique et à la culture et le secrétaire d'Etat aux affaires économiques ont émis, le 21 avril 1987, une recommandation relative à l'adoption de directives modifiant le régime des remboursements versés aux pharmaciens pour la fourniture de médicaments, en vue de réaliser des économies dans ce secteur.

5. La recommandation visait, d'une part, à déduire du remboursement auquel pouvait prétendre un pharmacien les ristournes que le fournisseur du médicament lui avait accordées, pour autant que celles-ci excédaient 2 % du prix de ce médicament tel qu'il figurait sur une liste homologuée par le COTG.

6. D'autre part, elle visait à encourager l'achat et la fourniture, par les pharmaciens, de médicaments génériques ou d'importation parallèle, meilleur marché que les spécialités pharmaceutiques mises sur le marché néerlandais par le producteur ou l'importateur officiel. S'il est vrai que le choix du médicament qui sera acheté par le consommateur revient, en principe, au médecin qui le prescrit, le pharmacien conserve toutefois la possibilité de fournir un autre médicament équivalent si le consommateur en fait la demande. De cette manière, le pharmacien peut jouer un rôle dans la substitution aux spécialités pharmaceutiques de médicaments d'importation parallèle ou génériques. la recommandation envisageait de permettre au pharmacien de conserver, en tant que prime d'incitation, un tiers de la différence entre le prix plus élevé de la spécialité pharmaceutique prescrite et celui du médicament meilleur marché qu'il avait délivré.

7. Un régime conforme à la recommandation décrite ci-dessus a été mis en œuvre par le COTG avec effet au 1er janvier 1988. Si la controverse demeure ouverte quant au caractère bénéfique ou néfaste des effets produits par ce régime, il est par contre largement reconnu qu'il n'a pas permis de réaliser toutes les économies escomptées. C'est pourquoi le Gouvernement néerlandais a envisagé de prendre des mesures de contrôle des prix plus strictes encore. Dans ce but, il a présenté un plan, dénommé "ijkprijzensysteem", selon lequel un plafond unique serait établi pour le remboursement par les caisses d'assurance maladie de tous les médicaments qui peuvent être prescrits pour le traitement d'une maladie déterminée de sorte que, si le médecin prescrivait un médicament dont le coût excédait le montant fixé, le patient serait tenu de payer la différence lui-même. Ces suggestions n'ont toutefois pas été mises en œuvre, en partie parce que les organisations professionnelles du secteur des soins de santé ont proposé aux autorités l'accord OPA comme solution alternative pour réaliser les économies considérées comme nécessaires lesquelles, ainsi que le Gouvernement néerlandais l'avait décidé, devaient atteindre 420 millions de florins par an.

2. L'accord OPA

a) Les parties à l'accord OPA

8. Résultat des initiatives antérieures de l'association néerlandaise de l'industrie pharmaceutique "Nefarma", l'une des requérantes dans l'affaire T-113-89, et de l'association des caisses de maladie néerlandaises, "VNZ", l'une des requérantes dans l'affaire T-114-89, l'accord OPA a été conclu le 18 août 1988.

9. Il regroupe - à une exception près - les organisations représentatives de toutes les parties concernées par la prescription et la fourniture de médicaments : les producteurs et les fournisseurs, les médecins qui les prescrivent et les pharmaciens qui les délivrent, ainsi que les assureurs et les caisses d'assurance maladie qui en supportent le coût.

10. L'exception concerne la Prodifarma, partie requérante dans la présente affaire et dans l'affaire T-3-90, association regroupant des entreprises de plus petites dimensions et qui ne font pas partie de l'industrie des médicaments de marque, à savoir des entreprises produisant des médicaments génériques ou des spécialités pharmaceutiques ou encore se livrant à l'importation parallèle de médicaments génériques. Bien qu'elle ait été associée à la phase de concertation qui a précédé la conclusion de l'accord, la Prodifarma et les entreprises qui lui sont affiliées n'y sont pas partie. Le Gouvernement néerlandais ne compte pas non plus parmi les parties à l'accord.

b) Le contenu de l'accord OPA

11. L'accord OPA se divise en deux parties principales, chacune de caractère différent. En premier lieu, il comprend un accord entre les parties, sur le plan du droit privé, par lequel les producteurs et distributeurs s'engagent à pratiquer vis-à-vis des pharmaciens des réductions sur les prix de vente des produits pharmaceutiques. En second lieu, il contient des propositions des parties sur les modifications de la réglementation nationale décrite ci-dessus qu'elles désirent voir arrêtées par les pouvoirs publics et auxquelles elles subordonnent la mise en œuvre de leur accord sur le plan du droit privé. Ces deux points principaux sont complétés par un certain nombre de dispositions concernant le champ d'application de l'accord et les engagements des parties relatifs à la mise en œuvre du régime qu'elles préconisent.

12. Les dispositions principales de l'accord OPA peuvent être résumées comme suit. Les membres des deux organisations requérantes dans l'affaire T-113-89, Nefarma et Bond van Groothandelaren in het Pharmaceutische Bedrijf (union des grossistes du secteur pharmaceutique), se déclarent prêts, au point 7.1. de l'accord, à baisser de 7 % en moyenne les prix de vente des spécialités pharmaceutiques qu'ils pratiquent envers les pharmaciens. Le point 8 de l'accord prévoit un "gel des prix" jusqu'au 1er janvier 1991. Les parties déclarent en outre qu'elles renoncent à procéder à des "hausses de rattrapage" après cette date. Au point 9 de l'accord, la Nefarma et le Bond van Groothandelaren s'engagent à fixer les prix des médicaments nouvellement introduits à un niveau correspondant à la moyenne des prix pratiqués dans d'autres Etats membres.

13. Les modifications de la réglementation nationale proposées par les parties à l'accord aux pouvoirs publics concernent, en premier lieu, une majoration, de 2 % à 4 %, des ristournes dont un pharmacien peut bénéficier sans qu'elles soient prises en compte lors des remboursements effectués par les caisses d'assurance maladie (point 10). En deuxième lieu, les pouvoirs publics sont invités à réduire de 33,3 % à 15 % le taux de la prime d'incitation décrite ci-dessus qui est accordée aux pharmaciens pour la fourniture de médicaments meilleur marché (point 11).

14. L'annexe 2 de l'accord OPA reproduit les estimations des parties à l'accord quant au développement que devrait connaître le marché après l'introduction d'une prime de 15 %. Le volume des ventes de spécialités pharmaceutiques devrait, de 1988 à 1990, baisser de 1.750 à 1.700 millions de florins, celui des médicaments génériques augmenter de 250 à 360 millions de florins et celui des produits provenant d'une importation parallèle passer de 135 à 200 millions de florins.

3. Le déroulement des procédures administratives

15. Par lettre du 6 septembre 1988, l'accord OPA a été soumis, par le président de Nefarma, au secrétaire d'Etat au bien-être, à la santé publique et à la culture et au secrétaire d'Etat aux affaires économiques. A la fin du mois de novembre 1988, les pouvoirs publics néerlandais se sont déclarés prêts à lui donner une chance. Il a été envisagé que les réductions de prix prévues par l'accord entrent en vigueur le 1er janvier 1989.

16. Deux procédures parallèles concernant l'accord OPA ont alors été entamées devant la Commission. D'une part, Prodifarma, requérante dans la présente affaire, a déposé le 2 décembre 1988 une plainte visant à ce que la Commission constate, conformément à l'article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13 p. 204, ci-après "règlement n° 17"), que l'accord OPA est incompatible avec les dispositions de l'article 85 du traité CEE. Elle a demandé que la Commission interdise la mise en œuvre de l'accord OPA pendant la procédure d'instruction et qu'en cas d'une notification dudit accord, la Commission fasse application de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. D'autre part, Nefarma, partie requérante dans l'affaire T-113-89, a notifié l'accord OPA à la Commission, le 9 décembre 1988, au nom de toutes les parties signataires. Cette notification a été enregistrée auprès de la Commission sous le numéro IV/33.017. Nefarma a demandé la délivrance d'une attestation négative conformément à l'article 2 du réglement n° 17 ou du moins - à titre subsidiaire - l'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

17. Dans une lettre du 14 décembre 1988 signée par M. Rocca, directeur à la direction générale de la concurrence, la Commission a informé les parties que, selon l'avis provisoire de ses services, l'accord OPA était incompatible avec l'article 85, paragraphe 1, du traité en raison de l'entente sur les prix qu'il contenait et que les parties n'avaient pas avancé d'arguments permettant de justifier une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3. La Commission ajoutait que ses services examinaient la possibilité d'entamer une procédure sur la base de l'article 15, paragraphe 6, du règlement n° 17. Une copie de cette lettre a été adressée à Prodifarma.

18. Se fondant notamment sur cette lettre, Prodifarma a engagé devant le juge national une procédure en référé contre Nefarma et VNA pour demander la suspension de la mise en œuvre de l'accord OPA jusqu'à ce que la Commission ait eu la possibilité de se prononcer sur celui-ci. Cette demande a cependant été rejetée.

19. A la suite de cette première réaction négative de la Commission, plusieurs parties à l'accord OPA, ainsi que le Gouvernement néerlandais, représenté par les deux secrétaires d'Etat concernés, sont intervenus, à plusieurs reprises, auprès des services de la Commission et auprès du membre chargé de la concurrence afin de leur fournir de plus amples informations au sujet de l'accord OPA et de plaider en sa faveur.

20. Entre-temps, la procédure visant à adapter la réglementation nationale, notamment les directives du COTG, au contenu de l'accord OPA, s'est poursuivie. Toutefois, le 23 décembre 1988, le Gouvernement néerlandais a informé les parties à l'accord OPA, ainsi que Prodifarma et consorts, que les pouvoirs publics néerlandais n'envisageaient pas d'approuver les modifications des directives nécessaires à la mise en œuvre de l'accord avant de pouvoir apprécier, à la lumière de "l'avis définitif de la Commission", si une telle approbation constituerait ou non une violation du traité. De fait, lorsque le COTG a décidé de modifier ses directives le 29 décembre 1988, cette modification n'a pas été approuvée par les secrétaires d'Etat compétents. Contrairement à ce que les parties à l'accord OPA et le Gouvernement néerlandais avaient initialement envisagé, l'accord n'a donc pas pu entrer en vigueur le 1er janvier 1989.

21. Les parties à l'accord OPA et le Gouvernement néerlandais ont poursuivi leurs efforts au début de l'année 1989 pour convaincre la Commission des mérites de cet accord. Notamment, le 7 février 1989, le secrétaire d'Etat aux affaires économiques et son homologue du ministère du Bien-être, de la Santé publique et de la Culture ont eu, à leur demande, un entretien avec le nouveau membre chargé de la concurrence, Sir Leon Brittan. Cet entretien a été suivi d'une lettre du 9 février, adressée à Sir Leon Brittan par le secrétaire d'Etat aux affaires économiques, M. Evenhuis, fournissant des explications supplémentaires pour justifier l'abaissement de la prime d'incitation de 33,3 % à 15 %.

22. En réponse, Sir Leon Brittan a adressé aux deux secrétaires d'Etat la lettre du 6 mars 1989 qui est attaquée par les requérantes dans la présente affaire ainsi que dans les affaires T-113-89 et T-114-89. Dans cette lettre, dont le projet avait déjà été transmis aux autorités néerlandaises, par téléfax, quelques jours auparavant, le membre de la Commission déclarait, "en tant qu'ancien ministre des Finances", qu'il souscrivait à l'objectif du Gouvernement néerlandais qui était celui de maîtriser le coût de l'approvisionnement en médicaments aux Pays-Bas. Il constatait cependant que l'effet anticoncurrentiel des dispositions de l'accord OPA relatives à l'abaissement de la prime d'incitation et à l'élargissement de la marge de réduction autorisée devrait être atténué avant qu'une décision favorable puisse être adoptée.

23. Selon lui, l'accord OPA devrait satisfaire à deux conditions pour que la Commission envisage de prendre une décision favorable à son égard, à savoir :

- premièrement, que la prime d'incitation pour la fourniture de médicaments meilleur marché soit réduite à 20 %, plutôt qu'à 15 % de la différence de prix entre lesdits médicaments et les spécialités pharmaceutiques plus chères ;

- deuxièmement, que les effets de la réduction de la prime soient évalués, pendant une période d'un an, à l'aide d'un système de contrôle instauré à cet effet.

24. La lettre utilisait notamment le langage suivant :

"Dans ces conditions, je vous propose de limiter à 20 % la réduction de l'incitant de 33 % au lieu des 15 % prévus dans l'accord OPA et je vous propose de tester pendant une période d'un an l'effet de la prime de 20 % dans la pratique."

25. pour ce qui est du système de contrôle, Sir Leon Brittan observait que les autorités néerlandaises et communautaires pourraient coopérer en vue de sa mise en œuvre, en procédant notamment à un échange de données statistiques relatives au marché des médicaments. Le membre de la Commission ajoutait :

"Il va de soi que mes conclusions relatives à l'accord OPA ne portent pas atteinte aux droits procéduraux des parties qui l'ont notifié ni de Prodifarma, qui a formulé une plainte à son encontre."

26. Le 16 mars 1989, une copie de cette lettre a été transmise, par téléfax, à Prodifarma. Nefarma et VNZ, parties requérantes dans les affaires T-113-89 et T-114-89, en ont également reçu copie.

27. Le 17 mars 1989, les membres de Nefarma se sont déclarés, à la majorité, prêts à accepter que le taux de la prime d'incitation soit fixé à 20 %. Les autres parties à l'accord OPA ont également accepté de l'appliquer aux conditions énoncées dans la lettre attaquée. Le COTG a adapté ses directives en conséquence et, après que Prodifarma eut essayé en vain de les en empêcher au moyen d'une procédure en référé dirigée contre l'Etat néerlandais, les deux secrétaires d'Etat ont donné leur approbation aux nouvelles directives. Les propositions faites dans l'accord OPA ont donc été mises en œuvre avec effet au 1er avril 1989.

28. Le 28 avril 1989, le directeur Rocca a adressé à Prodifarma une lettre dans laquelle il lui demandait de coopérer, en fournissant des données spécifiées, au contrôle que la Commission entendait exercer sur les effets de l'accord OPA. Cette lettre précisait :

"Il va également de soi que, conformément à l'article 20 paragraphe 1 du règlement n° 17 de 1962, la Commission n'utilisera ces données qu'aux fins du contrôle qu'elle entend exercer sur l'accord OPA dans le cadre de ce qui a été convenu dans l'affaire IV/33.017 et qu'elle respectera les règles générales de confidentialité."

La procédure

29. Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 mai 1989, les parties requérantes ont introduit le présent recours contre la Commission, visant à l'annulation de la décision que contient, selon elles, la lettre de Sir Leon Brittan du 6 mars 1989.

30. Les requérantes sont d'avis qu'en ce qui concerne ladite lettre, les quatre chefs d'annulation énoncés à l'article 173 du traité sont réunis. Elles font valoir, tout d'abord, que la Commission n'était pas compétente pour intervenir de la manière dont elle l'a fait, étant donné que l'article 85, paragraphe 3, du traité et les articles 2 et 6 du règlement n° 17 ne lui confèrent compétence que pour délivrer soit des exemptions, soit des attestations négatives. Ensuite, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir dûment motivé la décision positive qu'elle a prise à l'égard de l'accord OPA. Elles sont en outre d'avis que la Commission a méconnu l'article 85, paragraphe 1, du traité étant donné que les dispositions de l'accord OPA prévoyant une entente sur les prix et celles augmentant la marge des réductions autorisées, bien que reconnues par la Commission comme étant incompatibles avec les règles du traité, n'ont pas été modifiées et que, par ailleurs, l'adaptation du taux de la prime d'incitation à laquelle il a été procédé n'entraîne aucune modification substantielle des effets restrictifs de concurrence attachés à l'accord. Finalement, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir commis un détournement de pouvoir.

31. Par mémoire déposé le 30 juin 1989, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 91, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour.

32. Le Royaume des Pays-Bas a demandé, par requête déposée au greffe de la Cour le 20 octobre 1989, à intervenir dans la présente affaire à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.

33. Par ordonnance du 15 novembre 1989, la Cour a renvoyé l'affaire devant le Tribunal en application de l'article 14 de la décision du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un tribunal de première instance des Communautés européennes.

34. Par ordonnance du 7 décembre 1989, le Tribunal (première chambre) a admis le Royaume des Pays-Bas à intervenir dans la présente affaire à l'appui des conclusions de la Commission. Dans un mémoire déposé le 19 janvier 1990, la partie intervenante a indiqué qu'elle souhaitait s'abstenir de prendre position sur la question de la recevabilité tout en se réservant de présenter ultérieurement des observations sur le fond.

35. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé de donner suite à la demande de la Commission de statuer sur l'exception d'irrecevabilité sans engager le débat au fond. les représentants des requérantes et de la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries et en leur réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 20 juin 1990.

36. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal

- annuler la décision de la Commission inscrite dans la lettre du 6 mars 1989 adressée au secrétaire d'Etat au bien-être, à la santé publique et à la culture, M. DJD Dees, et au secrétaire d'Etat aux affaires économiques, M. AJ Evenhuis ;

- condamner la Commission aux dépens.

37. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal

- déclarer le recours irrecevable ;

- condamner les requérantes aux dépens.

38. En ce qui concerne l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

- rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission

- condamner la Commission aux dépens.

39. La partie intervenante déclare s'en remettre à la sagesse du Tribunal sur la question de la recevabilité du recours formé par les requérantes.

40. Le président a prononcé la clôture de la procédure orale sur l'exception d'irrecevabilité à l'issue de l'audience.

Sur la recevabilité de la demande en annulation

41. A l'appui de l'exception d'irrecevabilité qu'elle a soulevée, la Commission fait valoir, à titre principal, qu'un acte d'une institution communautaire ne peut faire l'objet du recours prévu à l'article 173 du traité que s'il engendre des effets juridiques contraignants.

42. Selon la Commission, la lettre de Sir Leon Brittan n'a produit que des conséquences d'ordre factuel et est dépourvue d'effets juridiques. La Commission soutient que cette lettre ne lie ni le Gouvernement néerlandais qui en était le destinataire, ni des tiers tels que les requérantes, ni même la Commission elle-même. Elle estime que la simple lecture de la lettre litigieuse révèle qu'il s'agit de l'expression d'une opinion dépourvue d'effets contraignants, et qu'il ne s'agit donc pas d'un "acte " au sens de l'article 173 du traité.

43. Pour étayer sa thèse, la Commission souligne tout d'abord certains termes de la lettre qui, dans la mesure où ils réservent expressément une décision postérieure de la Commission dont ils ne préjugent d'aucune façon, font apparaître son caractère provisoire. Ladite lettre ne contiendrait que des propositions et ne marquerait ni la clôture de l'affaire, ni la fin de l'enquête menée par les services de la Commission, laquelle, au contraire, n'aurait véritablement débuté qu'avec la mise en œuvre du "système de contrôle". La lettre attaquée ne constituerait donc pas un rejet de la plainte introduite par Prodifarma.

44. A l'audience, l'institution défenderesse a ajouté que si elle prenait à l'avenir une décision sur le fond de l'affaire, celle-ci aurait un effet rétroactif et se substituerait à la lettre attaquée. Ce ne serait qu'au moment où une telle décision définitive serait prise que les requérantes pourraient invoquer la nécessité d'une protection juridictionnelle.

45. La Commission observe que la lettre attaquée ne peut pas être considérée comme une décision rejetant une demande de mesures provisoires au sens de l'ordonnance du 17 janvier 1980 (Camera Care/Commission, 792-79 R, Rec. p. 119), une telle demande n'ayant pas été introduite par les requérantes. La Commission souligne que la lettre ne porte pas atteinte aux droits procéduraux des requérantes qui, dans l'hypothèse où l'enquête révélerait que la plainte n'est pas fondée, pourraient lui demander de leur adresser une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après "règlement n° 99-63).

46. La Commission soutient que ce n'est pas la lettre litigieuse qui a produit des effets juridiques contraignants à l'égard des requérantes, mais la décision prise par le Gouvernement néerlandais, agissant de sa propre autorité et sous sa propre responsabilité, de mettre en œuvre l'accord OPA. A l'audience, elle a souligné que le droit national garantit à Prodifarma la protection juridictionnelle de ses droits et que cette requérante s'en est servie en introduisant, à deux reprises, des demandes en référé fondées sur la prétendue illégalité de l'accord OPA. Le fait que ces deux demandes ont été rejetées par les juridictions nationales n'implique pas, selon la Commission, qu'un recours devant le Tribunal soit ouvert à cette requérante. La Commission reconnaît que le Gouvernement néerlandais a fait dépendre sa décision de mettre en place les conditions nécessaires à la mise en œuvre de l'accord OPA du "feu vert" de la Commission mais elle souligne cependant qu'elle n'a pris, elle-même, aucune décision à cet égard.

47. La Commission fait également valoir que le présent recours n'est pas dirigé contre une décision collégiale de la Commission qui aurait été prise à l'issue de la procédure interne qui est d'usage en la matière, mais contre une lettre dans laquelle un seul membre de la Commission donne, après y avoir été instamment invité par le Gouvernement de l'Etat membre concerné, son opinion personnelle sur un dossier dont l'examen ne se trouve encore qu'à un stade peu avancé.

48. La Commission ajoute que des tiers auxquels la lettre de Dir Leon Brittan n'était pas adressée ne sauraient donc être concernés, de quelque manière que se soit, par celle-ci. Elle estime que, pour que des tiers puissent être directement et individuellement concernés au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité, il est nécessaire que l'acte attaqué ait produit des effets juridiques à l'égard d'un premier destinataire et que tel n'est pas le cas de la lettre litigieuse à l'égard du Gouvernement néerlandais.

49. A l'audience, la Commission a finalement exprimé la crainte qu'un assouplissement des conditions de recevabilité n'entraîne ultérieurement une vague de recours contre les différentes sortes de lettres que ses services sont amenés à adresser aux entreprises au cours des enquêtes les concernant, de sorte qu'elle devrait s'abstenir, à l'avenir, d'accéder aux nombreuses demandes qui lui sont adressées visant à obtenir de ses services une prise de position informelle.

50. Les requérantes, pour leur part, soutiennent que la lettre qu'elles attaquent constitue une décision qui, si elle a été adressée aux deux secrétaires d'Etat compétents en la matière, a néanmoins considérablement modifié leur situation juridique.

51. Les requérantes soulignent que la première réaction manifestée le 14 décembre 1988 par les services de la Commission à l'égard de l'accord OPA a constitué un obstacle effectif à l'entrée en vigueur de cet accord. En annonçant qu'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité serait accordée, à condition qu'il soit procédé aux modifications suggérées, la lettre de Sir Leon Brittan a eu, selon elles, pour conséquence immédiate la mise en œuvre de l'accord OPA. Les requérantes en déduisent qu'il s'agit d'une décision qui a objectivement et directement modifié la situation juridique des parties concernées par l'accord OPA dont, notamment, Prodifarma et consorts. et T-114-89,

52. Les requérantes admettent que le langage utilisé dans la lettre pourrait suggérer qu'elle n'exprime qu'une intention de la Commission. Elles invoquent cependant la jurisprudence de la Cour selon laquelle ce n'est pas de la forme de l'acte, mais de son contenu qu'il convient de tenir compte pour déterminer s'il est attaquable (arrêts du 31 mars 1971, dit "AETR", Commission/Conseil, 22-70, Rec. p. 263 et du 11 novembre 1981, IMB/Commission, 60-81, Rec. p. 2639). Selon elles, la Commission savait que, dans les circonstances dans lesquelles la lettre du 6 mars 1989 a été envoyée, elle serait considérée par tous les intéressés comme une décision comportant une définition contraignante des conditions auxquelles l'accord OPA pourrait être mis en œuvre. Elles en déduisent que la Commission a eu l'intention de modifier la situation juridique préexistante et d'éliminer le blocage qui avait résulté de sa lettre du 14 décembre 1988. Les requérantes estiment que la Commission elle-même, en se référant dans sa lettre du 28 avril 1989 au "cadre de ce qui a été convenu dans l'affaire IV/33.017", part du principe que la lettre du 6 mars 1989 a créé une nouvelle situation juridique pour la période indiquée dans cette lettre.

53. L'argument tiré, par la Commission, du caractère provisoire de la lettre attaquée méconnaît, selon les requérantes, le point essentiel du litige. Elles font valoir qu'une administration ou une autorité peut à tout moment prendre des décisions ou des actes assortis d'effets juridiques obligatoires. Selon elles, le point de vue selon lequel seuls les actes portant clôture d'une procédure sont attaquables est contraire au système de protection juridique mis en place par l'article 173, deuxième alinéa, du traité. A l'appui de cette thèse, elles invoquent les arrêts de la Cour du 11 novembre 1981 (IBM, 60-81, précité) et du 15 mars 1967 (Cimenteries/Commission, 8 à 11-66, Rec. p. 92). A l'argument de la Commission selon lequel il n'y a pas eu, en l'espèce, de rejet d'une demande de mesures provisoires, les requérantes ont répondu à l'audience que la plainte que Prodifarma avait introduite auprès de l'institution défenderesse comportait bien une demande mesures provisoires à l'encontre de l'accord OPA.

54. Les requérantes estiment que l'argument selon lequel elles peuvent toujours demander à la Commission de leur adresser la communication prévue à l'article 6 du règlement n° 99-63 si l'enquête révèle que leur plainte n'est pas fondée n'a aucune incidence sur la question de savoir si la lettre attaquée a produit des effets juridiques.

55. Selon les requérantes, il est contraire à la réalité de soutenir, ainsi que le fait la Commission, que seule la décision du Gouvernement néerlandais, agissant de sa propre autorité et sous sa propre responsabilité, de donner le "feu vert" à l'accord OPA qui a donné naissance à des effets juridiques obligatoires. Elles font valoir à cet égard que le Gouvernement néerlandais avait auparavant demandé à la Commission de donner une chance à l'accord et qu'à la suite de la lettre du 14 décembre 1988, la mise en œuvre de celui-ci ne pouvait être envisagée au niveau national que si la Commission revenait sur son point de vue initial.

56. A l'audience, les requérantes ont invoqué les arrêts du 23 novembre 1971 (Bock/Commission, 62-70, Rec. p. 897) et du 17 janvier 1985 (Piraiki-Patraiki/Commission, 11-82, Rec. p. 207), dans lesquels la Cour a déclaré recevables des recours introduits par des particuliers contre des décisions adressées à des Etats membres dans des circonstances qui, selon les requérantes, étaient semblables aux faits de l'espèce.

57. Elles ont en outre fait valoir que la communication du projet de lettre, avant sa signature, aux autorités néerlandaises confirme qu'il s'agissait d'une réponse à des besoins spécifiques sur la nature desquels le Gouvernement néerlandais avait exactement informé la Commission et que cette circonstance s'oppose à ce que la lettre litigieuse soit interprétée comme une note ne contenant que des suggestions d'ordre politique.

58. A l'argument de la Commission selon lequel la lettre attaquée ne reflète que l'opinion personnelle de l'un de ses membres, les requérantes rétorquent que l'auteur de la lettre est le vice-président de la Commission chargé de la concurrence en personne. En outre, elles déduisent du fait que la lettre du 28 avril 1989, précitée, se réfère à cette lettre et évoque l'attitude qu'entend adopter à l'avenir "la Commission" que l'institution défenderesse elle-même n'a pas vu dans la lettre litigieuse la simple expression d'une opinion personnelle.

59. A l'appui de leur thèse selon laquelle la décision inscrite dans la lettre du 6 mars 1989 les concerne directement et individuellement, les requérantes invoquent les arrêts de la Cour du 25 octobre 1977 (Metro/Commission, 26-76, Rec. p. 1875) et du 11 octobre 1983 (Demo-Studio Schmidt/Commission, 210-81, Rec. p. 3045). A l'audience, elles ont fait valoir qu'il convient de considérer des particuliers comme étant directement concernés par une décision adressée à un Etat membre et nécessitant des mesures d'exécution sur le plan national dès qu'il est possible de prévoir, avec certitude ou avec une forte probabilité, que la mesure d'exécution les affectera et comment elle les affectera. Elles ont observé qu'en l'espèce les conséquences de la lettre litigieuse à leur égard étaient prévisibles.

60. Finalement, les requérantes ont avancé à l'audience qu'il serait contraire à l'esprit et à la portée de la protection juridique accordée par l'article 173 du traité de considérer leur recours comme irrecevable. Elles ont fait valoir que l'on ne saurait admettre que la Commission, dans le cadre d'une politique menée de manière informelle en matière de concurrence, dispose d'une liberté qui restreindrait le contrôle juridictionnel prévu par le traité. Elles ont souligné que l'article 173 ne vise pas seulement à protéger les intérêts individuels mais, ce qui est plus important encore, à contrôler la légalité des actes des institutions communautaires et que ce serait ouvrir une brèche dans ce système que de ne pas considérer la lettre attaquée comme une décision.

61. En réponse aux questions posées par le Tribunal, les requérantes ont déclaré que l'article 85, paragraphe 2, du traité, selon lequel les accords conclus en violation de l'article 85, paragraphe 1, sont nuls de plein droit ne s'oppose pas à ce que la lettre litigieuse soit qualifiée de décision. Elles ont fait valoir que la recevabilité d'un recours tendant au contrôle de la légalité d'un acte pris par une institution communautaire ne saurait dépendre de l'existence éventuelle en droit national de remèdes permettant de faire constater la nullité de l'accord visé par cet acte.

62. Les requérantes ont invoqué des considérations tenant à l'économie de procédure pour justifier leur point de vue selon lequel la lettre litigieuse est un acte susceptible de faire l'objet d'un recours de la part du Royaume des Pas-Bas. En ce qui concerne la base juridique d'une telle décision, les requérantes ont observé que le blocage de la mise en œuvre de l'accord OPA était la conséquence de l'interprétation que la Cour avait donnée des article 85 et 5 du traité dans son arrêt du 1er octobre 1987 (Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311-85, Rec. p. 3801). Elles en ont déduit que la décision d'éliminer cet obstacle était également fondée sur ces dispositions.

Sur la nature juridique de la lettre attaquée

63. En présence de ces éléments de fait et de droit, il y a lieu d'examiner si la lettre contre laquelle le présent recours est dirigé est un acte susceptible de faire l'objet d'un recours est dirigé est un acte susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation au sens de l'article 173 du traité. Ainsi qu'il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour, il convient à cet effet de rechercher si elle a produit des effets juridiques obligatoires (voir, en dernier lieu, l'ordonnance du 17 mai 1989, Italie/Commission, 151-88, Rec. p. 1255, 1261).

1. Sur les effets de la lettre de Sir Leon Brittan à l'égard de la situation juridique préexistante

64. Le Tribunal estime qu'il convient de déterminer, en premier lieu, si la lettre que Sir Leon Brittan a adressée, le 6 mars 1989, aux deux secrétaires d'Etat néerlandais a modifié la situation juridique préexistante, notamment en éliminant l'obstacle à la mise en œuvre, par les autorités néerlandaises, de l'accord OPA créé, selon les requérantes, par la lettre du directeur Rocca en date du 14 décembre 1988.

65. A cet effet, il y a lieu d'analyser, tout d'abord, la situation juridique, telle qu'elle se présentait au moment où la lettre litigieuse a été envoyée, à la lumière de la thèse défendue par les requérantes selon laquelle l'accord OPA était incompatible avec les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité. Conformément à l'article 85, paragraphe 2, du traité, l'accord OPA était, dans cette hypothèse, nul de plein droit et sa nullité pouvait être invoquée devant les juridictions nationales par toute personne s'estimant lésée par cet accord. Le fait que celui-ci avait été notifié à la Commission était sans incidence à cet égard, étant donné que seule une décision d'exemption prise conformément à l'article 85, paragraphe 3, a pour effet d'écarter, avec effet erga omnes, la nullité découlant de l'article 85, paragraphe 2. En revanche, aussi longtemps qu'un tel accord n'a pas fait l'objet d'une décision d'interdiction de la Commission en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, les parties sont libres de le mettre en œuvre. Si elles ont notifié l'accord à la Commission, l'article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17 les protège même contre les amendes prévues à l'article 15, paragraphe 2, du règlement en cas d'infraction de l'article 85, paragraphe 1, du traité, à moins que la Commission ne leur ait retiré ce bénéfice conformément à l'article 15, paragraphe 6, dudit règlement. Les parties courent toutefois le risque de se voir opposer la nullité de leur entente dans le cadre d'une action portée devant les juridictions nationales.

66. La lettre du directeur Rocca, adressée aux parties à l'accord OPA le 14 décembre 1988, n'était pas de nature à modifier cette situation juridique au regard du droit communautaire. Elle ne reflétait qu'une première évaluation de l'accord OPA par les services de la Commission et se bornait à indiquer aux parties concernées que la possibilité de leur retirer le bénéfice de l'article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17 était à l'examen. Cependant, à la suite de cette lettre, un obstacle à la mise en œuvre de l'accord OPA est apparu, sur le plan du droit néerlandais, étant donné que le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas n'était pas disposé à prendre les mesures réglementaires auxquelles les parties à l'accord avaient subordonné son entrée en vigueur aussi longtemps que la Commission maintiendrait une attitude négative à son égard.

67. Il y a lieuensuite d'examiner si la lettre attaquée était de nature à modifier la situation juridique telle qu'elle a été décrite ci-dessus.

68. En ce qui concerne, en premier lieu, la prétendue nullité de l'accord OPA au regard des dispositions de l'article 85, paragraphe 2, du traité, il y a lieu d'observer que la lettre de Sir Leon brittan ne saurait être considérée comme une décision accordant une exemption au titre de l'article 85, paragraphe. Elle ne constitue que le point de départ de l'examen de l'accord OPA, visant à déterminer si une telle exemption pourra être accordée. Par conséquent, elle n'est pas susceptible d'écarter la nullité de l'accord découlant, de plein droit, de la violation de l'article 85, paragraphe 1, alléguée par les requérantes.

69. Il convient de se demander ensuite si la lettre litigieuse a produit des effets équivalents à ceux d'une décision d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, aurait cependant modifié la situation juridique préexistante en affectant les droits procéduraux des parties à l'accord OPA et des tiers plaignants.

70. Une telle décision peut prendre la forme d'une attestation négative au titre de l'article 2 du règlement n° 17, au moyen de laquelle la Commission définit sa position au regard d'une entente. A la suite d'une telle décision, les parties se trouvent à l'abri des mesures que la Commission pourrait prendre à l'encontre de leur entente, tandis que les parties plaignantes ne peuvent plus exiger la réouverture du dossier, sauf lorsqu'intervient un changement de circonstances ou lorsqu'elles fournissent des éléments nouveaux. Les effets envers les tiers plaignants d'une attestation négative sont donc comparables à ceux d'une décision rejetant leur plainte(voir l'arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds : Commission, 142 et 156-84, Rec. p. 4487, 4571). De tels effets présupposent cependant une appréciation définitive de l'accord concerné qui, en l'espèce, n'a pas eu lieu.

71. Il Convient d'ajouter que la lettre litigieuse n'a pas affecté le droit des requérantes de demander que leur soit adressée une lettre au titre de l'article 6 du règlement n° 99-63. La réserve expresse des droits procéduraux des parties qui est faite dans cette lettre démontre que Sir Leon Brittan a voulu les préserver intégralement. Il s'ensuit que ladite lettre n'a pas non plus modifié la situation juridique préexistante sur le plan procédural.

72. La Commission a en outre le pouvoir d'adopter, avant de se prononcer définitivement sur un accord qui lui a été notifié ou sur une plainte dont elle est saisie, des mesures provisoires en vue de parer à une situation de nature à causer un préjudice grave et irréparable à la partie plaignante ou intolérable pour l'intérêt général(voir l'ordonnance de la Cour du 17 janvier 1980, 792/79 R, Camera Care, précitée, Rec. p. 119, 130 et suiv.). La lettre attaquée ne manifeste cependant aucune intention de modifier temporairement la situation juridique existante au moyen de semblables mesures. Aucun élément de cette lettre ne permet d'en déduire que son auteur aurait considéré que les conséquences juridiques des dispositions de l'article 85, paragraphe 2, du traité et du règlement n° 17 auraient créé, en l'espèce, une situation intolérable. La lettre ne vise ni à exclure temporairement l'application de l'article 85, paragraphe 2, ni à interdire provisoirement la mise en œuvre de l'accord ou à la subordonner à des restrictions. En effet, si son auteur a subordonné la possibilité d'une décision favorable concernant l'accord OPA à une modification du régime relatif à la prime d'incitation prévu par l'accord et à l'instauration d'un système de contrôle, il y a lieu de constater, ainsi que le Tribunal l'a fait dans ses arrêts de ce jour dans les affaires T-113-89 et T-114-89, qu'il ne s'agissait pas de mesures à caractère obligatoire, étant donné que la lettre attaquée laissait aux parties à l'accord OPA toute latitude pour les accepter ou les rejeter.

73. Les requérantes ont soutenu, à l'audience, que la plainte dont Prodifarma avait saisi la Commission le 2 décembre 1988 comportait bien une demande visant à l'adoption de mesures provisoires. Cependant, la lettre attaquée ne se réfère pas aux demandes présentées dans ladite plainte. Cette circonstance conforte l'appréciation du Tribunal selon laquelle la lettre n'a pas instauré de mesures provisoires au sens de l'ordonnance de la Cour du 17 janvier 1980 (Camera Care, 792-79 R, précitée).

2. Sur les effets de la lettre de Sir Leon Brittan à l'égard du Royaume des Pays-Bas

74. Toutefois, la lettre de Sir Leon Brittan a amené le Gouvernement néerlandais à modifier sa réglementation nationale de manière à élimination l'obstacle s'opposant à la mise en œuvre de l'accord OPA en droit national. Il y a donc lieu d'examiner si le Gouvernement néerlandais a donné son accord à la mise en œuvre de l'accord OPA à la suite d'une décision de la Commission l'y autorisant ou bien d'un simple avis.

75. Afin d'apprécier si la position prise par le membre de la Commission a revêtu, à l'égard du Gouvernement néerlandais, le caractère d'une décision, il convient d'examiner, en premier lieu, si l'acte attaqué repose sur une base juridique habilitant la Commission à prendre une décision liant un Etat membre. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les opinions exprimées par la Commission vis-à-vis des autorités d'un Etat membre dans des domaines où elle n'a pas compétence pour adopter des décisions obligatoires ne sont que de simples avis dépourvus d'effets juridiques(par exemple, arrêts du 4 février 1959, Gezamenlijke Steekolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 17-57, Rec. V, p. 9, 25 ; du 27 mars 1980, Sucrimex/Commission, 133-79, Rec. p. 1299, 1310 ; ordonnance du 17 mai 1989, Italie/Commission, 151-88, précitée, p. 1261).

76. Il y a lieu de relever, à titre liminaire, qu'une pareille compétence ne saurait être présumée, en l'absence d'une disposition spécifique figurant dans le traité ou dans des actes de nature obligatoire pris par les institutions (ordonnance du 30 septembre 1987, Brother Industries/Commission, 229-86, Rec. p. 3757, 3761 et suiv.).

77. Or, ainsi que la Commission l'a souligné à l'audience, ni l'article 85 du traité ni les dispositions du règlement n° 17 n'ont investi la Commission du pouvoir d'adopter des décisions produisant des effets juridiques à l'égard des Etats membres. En effet, si l'article 3, paragraphe 1, de ce dernier règlement prévoit que la Commission peut obliger par voie de décision des entreprises ou associations d'entreprises à mettre fin aux infractions au droit de la concurrence qui leur sont reprochées, cette disposition n'habilité pas la Commission à obliger un Etat membre à arrêter certaines mesures dans son droit national comme, par exemple, à modifier la réglementation nationale relative à la prime d'incitation dont il est question dans la lettre attaquée. De même, le pouvoir de la Commission de délivrer des attestations négatives au titre de l'article 2 du règlement n° 17 et d'accorde des exemptions au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité ne peut-il être exercé que vis-à-vis des entreprises intéressées et ne saurait servir de fondement à des décisions adressées aux Etats membres.

78. Quant à l'article 11, paragraphe 1, dudit règlement, qui dispose que "dans l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées... la Commission peut recueillir tous les renseignements nécessaires auprès des gouvernements et des autorités compétentes des Etats membres...", il convient de constater que cette disposition ne saurait servir de base légale à une décision contraignant le Royaume des Pays-Bas à instaurer le système de contrôle dont il est question dans la lettre attaquée.

79. Une compétence de la Commission pour adopter des décisions produisant des effets juridiques à l'égard des Etats membres ne saurait être non plus tirée de la jurisprudence constante de la Cour, selon laquelle le traité impose aux Etats membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures législatives ou réglementaires susceptibles d'éliminer l'effet utile des articles 85 et 86 du traité (voir, par exemple, l'arrêt du 1er octobre 1987, Vereniging van Vlaamse Reisbureaus, 311-85, Rec. p. 3801, 3826). Cette obligation trouve son origine dans l'article 5 du traité, qu'il convient d'interpréter à la lumière des articles 3, sous f), et 85. Or, l'article 5 du traité ne confère pas à la Commission le pouvoir d'adresser aux Etats membres des décisions obligatoires visant à leur prescrire une conduite conforme au droit communautaire (ordonnance du 30 septembre 1987, Brother Industries, 229-86, précitée). Il s'ensuit qu'il ne saurait pas davantage servir de base légale à une décision autorisant un Etat membre à adopter une conduite donnée. Il appartient aux Etats membres de veiller à ce que leur comportement satisfasse aux obligations qui leur incombent en vertu des articles 3, sous f), 5 et 85 du traité, sous réserve du contrôle exercé à cet égard, a posteriori, par la Cour dans le cadre des procédures prévues aux articles 169 et 177 du traité (voir, pour l'application de cette dernière disposition, l'arrêt du 1er octobre 1987, précité). En revanche, un contrôle préalable de la conformité des mesures nationales avec le droit communautaire, sous forme d'une autorisation accordée par la Commission, ne correspond pas à la répartition des compétences entre les autorités communautaires et nationales dans ce domaine, telle que la prévoit le traité.

80. Il est vrai que l'article 89 habilite la Commission à prendre des décisions à l'égard des Etats membres pour constater des infractions au droit de la concurrence et pour autoriser ceux-ci à prendre des mesures pour remédier à ces violations. Cette disposition transitoire ne vise cependant que les situations dans lesquelles des dispositions d'exécution des articles 85 et 86, telles que le règlement n° 17, font défaut.

81. En revanche, l'article 90, paragraphe 3, du traité a donné à la Commission compétence pour adresser des décisions appropriées aux Etats membres afin de veiller à ce que ceux-ci respectent les règles du traité et, notamment, celles de l'article 90, en ce qui concerne les entreprises relevant du champ d'application de cette disposition. Il ressort cependant clairement de la lettre attaquée qu'elle n'a pas été fondée sur cette disposition.

82. Il y a donc lieu de constater que la lettre litigieuse ne repose pas sur une base juridique habilitant la Commission à adopter une décision susceptible de modifier la situation juridique dans laquelle se trouvait le Royaume des pays-Bas, que ce soit en l'obligeant ou en l'autorisant à adopter un comportement déterminé. Il s'ensuit qu'elle n'a pas produit d'effets juridiques obligatoires à l'égard de cet Etat membre.

83. Ce résultat ne saurait être informé par le fait que le Gouvernement néerlandais avait sollicité cette prise de position avec l'intention de s'y conformer, qu'il a renoncé, en l'absence d'une réaction favorable, à adopter les mesures réglementaires nécessaires à la mise en œuvre de l'accord OPA et qu'il a intégré les observations formulées dans la lettre litigieuse dans les mesures qu'il a prises ultérieurement. Ni l'intention des autorités néerlandaises de se conformer à la position que la Commission adopterait à l'égard de l'accord OPA, ni le fait qu'elles ont suivi à part entière les propositions contenues dans la lettre de Sir Leon Brittan n'impliquent que cette dernière ait modifié la situation juridique du Royaume des Pays-Bas vis-à-vis de la Communauté.

84. Par conséquent, la prise de position de Sir Leon Brittan ne se présente ni comme une décision contraignant le Gouvernement néerlandais à s'abstenir de donner le "feu vert" à la version originelle de l'accord OPA, ni comme une autorisation de la mettre en œuvre dans une version modifiée, mais comme un acte dont les effets sont comparables à ceux d'un avis que les autorités nationales auraient demandé aux fins d'examiner la compatibilité des mesures qu'elles envisageaient avec le droit communautaire, afin de satisfaire à l'obligation qui leur incombe en vertu des articles 3, sous f), 5 et 85 du traité.

85. Il ressort de la correspondance entre le Gouvernement néerlandais et la Commission que le comportement de ce Gouvernement s'explique par le souci d'éviter le risque d'agir en violation du droit communautaire lors de la mise en œuvre de l'accord OPA. A cette fin, il a renoncé volontairement à mettre en œuvre l'accord OPA tant que la Commission a manifesté une attitude négative avant d'adapter, par la suite, la réglementation nationale à la position définie dans la lettre du membre de la Commission. Le traité, notamment dans ses articles 155 et 189, premier alinéa, envisage d'ailleurs expressément une telle coopération volontaire entre les autorités nationales et les institutions communautaires en incluant, parmi les actes que peuvent adopter les institutions et notamment la Commission, les recommandations et les avis. Cette habilitation expresse à adopter des actes dépourvus d'effets juridiques obligatoires démontre que le respect volontaire des règles du traité et des actes non contraignants des institutions est un élément essentiel dans la réalisation des buts du traité. Il s'ensuit que le fait que le Gouvernement d'un Etat membre se soit abstenu, jusqu'à ce qu'il ait reçu une prise de position favorable de la Commission, de prendre une mesure dont la compatibilité avec le traité était douteuse, ne saurait conférer à ladite prise de position le caractère d'une autorisation.

86. Il convient d'ajouter qu'il ne résulte ni du libellé ni du contenu de la lettre litigieuse qu'elle visait à produire des effets de droit quelconques.

87. Ainsi que la Commission l'a souligné, un indice à cet effet résulte de l'absence d'une décision collégiale de la Commission.A la différence des hypothèses dans lesquelles la Cour a reconnu la qualité d'acte attaquable à des lettres signées par des fonctionnaires de la Commission(voir, par exemple, l'arrêt du 15 mars 1967, Cimenteries, 8 à 11-66, précité), la lettre attaquée ne se présente ni comme la communication d'une décision prise par l'institution, ni comme ayant été écrite au nom de la Commission ou en vertu d'une délégation de pouvoir(système dont la Cour a reconnu la validité dans son arrêt du 23 septembre 1986, Akzo/Commission, 5-85, Rec. p. 2579, 2614). Elle apparaît davantage comme ayant été écrite par Sir Leon Brittan en son propre nom et dans le contexte d'un échange de vues entre hommes politiques.

88. De même, les requérantes ne sauraient-elles invoquer la lettre que le directeur Rocca a adressée à Prodifarma le 28 avril 1989 pour prétendre que la Commission elle-même considérerait la lettre litigieuse comme une décision plutôt que comme une prise de position de l'un de ses membres sur le plan politique. En effet, en faisant référence à "ce qui a été convenu dans l'affaire IV/33.107", le directeur a utilisé, à juste titre, des termes incompatibles avec l'hypothèse d'une décision obligatoire.

89. Enfin, le langage utilisé par Sir Leon Brittan pour indiquer au Gouvernement néerlandais les modifications au régime prévu par l'accord OPA qui lui paraissent souhaitables avant qu'une décision positive puisse être envisagée à l'égard dudit accord n'est pas compatible avec la thèse envisagée à l'égard dudit accord n'est pas compatible avec la thèse selon laquelle il se serait agi d'une autorisation assortie de conditions.Ainsi, à propos de la fixation du taux de la prime d'incitation à 20 %, se borne-t-il à dire "je vous propose" ("stel ik u voor"). De même, en ce qui concerne l'instauration d'un système de contrôle les termes employés indiquent-ils qu'il n'est pas envisagé d'imposer un tel système, mais que sa mise en place dépendrait de la coopération volontaire du Gouvernement néerlandais.

90. Pour toutes ces raisons, le Tribunal constate que la lettre attaquée n'a pas produit d'effets juridiques obligatoires à l'égard du Royaume des pays-Bas.

3. Sur la protection juridictionnelle due aux particuliers

91. Les requérantes ont encore fait valoir qu'en raison des circonstances particulières de la présente affaire, ni la protection juridictionnelle due aux particuliers ni le contrôle de la légalité des actes des institutions communautaires ne seraient suffisamment garantis si la lettre attaquée n'était pas considérée comme une décision.

92. A cet égard, il y a lieu d'observer que la protection juridictionnelle que revendiquent les requérantes viserait, en substance, à obtenir du Tribunal une constatation relative, à la fois, à la compatibilité de l'accord qui a fait l'objet de leur plainte auprès de la Commission avec le droit communautaire de la concurrence et au bien-fondé de la position prise par Sir Leon Brittan dans la lettre du 6 mars 1989. Or, une telle forme de protection juridictionnelle n'est pas prévue par l'article 173 du traité. S'il est vrai que les dispositions concernant le droit d'agir des justiciables ne sauraient être interprétées restrictivement (voir l'arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 197, 222), ce serait cependant outrepasser les limites de l'interprétation du traité que d'accueillir un recours qui serait étranger à cette disposition.

93. Pour toutes ces raisons, le Tribunal constate que la lettre adressée le 6 mars 1989 par Sir Leon Brittan aux deux secrétaires d'Etat néerlandais ne peut pas être qualifiée de décision susceptible de recours. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir si la lettre que Sir Leon Brittan a adressée au Gouvernement néerlandais concerne directement et individuellement les requérantes.

94. Dans ce contexte, il convient d'ajouter que c'est à tort que les requérantes ont invoqué, en faveur de la recevabilité du présent recours, les arrêts de la Cour du 23 novembre 1971 (Bock, 62-70, précité) et du 17 janvier 1985 (Piraiki-Patraiki, 11-82, précité). Dans ces affaires, la Cour s'est prononcée sur la suggestion de savoir si un particulier pouvait être directement concerné par une décision de la Commission adressée à un Etat membre et nécessitant des mesures d'exécution de la part de ce dernier, avant de produire des effets pratiques vis-à-vis du justiciable. Il est vrai qu'une certaine ressemblance entre les faits à l'origine du présent recours et les situations sur lesquelles la Cour s'est prononcée dans les deux arrêts précités réside en ce que le Gouvernement néerlandais avait expressément subordonné sa décision de créer les conditions nécessaires à la mise en œuvre de l'accord OPA à une réaction favorable de la Commission et que, dès lors, son intention d'agir conformément à la prise de position qu'il avait sollicitée ne faisait aucun doute. Les recours que la Cour avait accueillis dans ces affaires étaient cependant dirigés contre des décisions qui avaient produit des effets juridiques à l'égard des Etats membres concernés, en les autorisant à prendre des mesures qui affectaient les particuliers et qui, en l'absence des décisions attaquées, auraient violé le droit communautaire. En l'espèce, une telle décision fait, en revanche, défaut. Par conséquent, la jurisprudence précitée ne saurait constituer un argument en faveur de la recevabilité du présent recours.

95. De l'ensemble des considérations qui précèdent, il résulte qu'il y a lieu de rejeter le présent recours comme irrecevable.

Sur les dépens

96. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable mutatis mutandis à la procédure devant le Tribunal en vertu de l'article 11, troisième alinéa, de la décision du Conseil du 24 octobre 1988, précitée, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la Commission et de les condamner solidairement aux dépens. N'ayant pas conclu sur ce point, la partie intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre),

déclare et arrête :

1. Le recours est rejeté comme irrecevable.

2. Les parties requérantes sont condamnées solidairement aux dépens, à l'exception des dépens exposés par la partie intervenante qui seront supportés par celle-ci.