CCE, 13 juillet 1990, n° 90-410
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Elopak / Metal Box - Odin
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 2, vu la notification des accords mentionnés ci-après et la demande d'attestation négative introduite conjointement le 1er août 1986 par Elopak A/S, Lierstranda, Norvège (ci-après " Elopak "), Elopak Ltd à Hertfordshire, Royaume-Uni, Metal Box plc, Berkshire, Royaume- Uni (ci-après " Metal Box ") et Odin Developments Ltd à Hertfordshire, Royaume-Uni (ci-après " Odin "), concernant la création d'une filiale commune, Odin, accords qui ont été conclus le 23 avril 1986 et qui comprennent principalement l'accord de transfert des actions relatif à Odin, deux licences de savoir-faire et deux contrats de recherche et développement, vu l'essentiel du contenu de la notification, publié (2) conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
I. LES FAITS
A. Objet de la décision
(1) La présente décision concerne des accords entre Elopak et Metal Box. Ces accords ont pour objectif de créer la société Odin Developments Ltd (Royaume-Uni), filiale à parts égales d'Elopak et Metal Box, qui doit mener à bien les travaux de recherche et de développement concernant un emballage, constitué d'un fond en carton et d'un système de fermeture séparé, destiné à être rempli à l'aide d'un procédé aseptique, pour produits alimentaires traités à ultra haute température (UHT). En outre, Odin mettra au point les machines et la technologie permettant de remplir ces nouveaux emballages et, en cas de succès, produira et distribuera les nouveaux emballages et les machines destinées à les remplir.
(2) La notification a été faite en vue de bénéficier de la procédure prévue à l'article 7 du règlement (CEE) n° 418-85 de la Commission, du 19 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de recherche et de développement (3). Faute de bénéficier de cette procédure, les parties souhaitaient obtenir une attestation négative au titre des articles 2 et 4 du règlement n° 17 ou une décision d'exemption en application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE.
B. Les parties
(3) Elopak
Le groupe Elopak, d'origine norvégienne, exerce principalement ses activités en Europe, mais aussi en Afrique, au Moyen-Orient et aux États-Unis d'Amérique, où il fabrique et vend des emballages en carton destinés à être utilisés pour le conditionnement et la distribution de produits laitiers et alimentaires. En outre, il fournit et installe des équipements intégrés destinés au remplissage, à l'emballage et à la manutention de ces cartons. Jusqu'à une date récente, Elopak ne fabriquait pas les machines de remplissage elles-mêmes, mais distribuait les machines de certains fabricants. Elopak fournit essentiellement des emballages destinés à contenir du lait et, dans une moindre mesure, des jus de fruits, du vin et de l'eau. Ses emballages sont destinés presque exclusivement au conditionnement de lait (frais) pasteurisé susceptible d'être conservé quelques jours seulement. Elopak était distributeur pour Liquipak International Inc. (États-Unis d'Amérique) de machines de conditionnement aseptique de lait traité UHT permettant une durée de conservation de plusieurs mois. Cependant, il a été mis fin à l'accord de distribution. En 1988 Elopak a acquis Purepak, la division machine de conditionnement d'Excello (États-Unis d'Amérique), pour laquelle elle était distributeur de ses machines de conditionnement à froid. Purepak a aussi essayé de développer les machines de conditionnement aseptique. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe Elopak (y compris Elopak Ltd) a été de 300 millions d'écus environ en 1985. Elopak est actuellement en négociations avec British Technology Group (BTG) pour la licence d'un brevet permettant d'utiliser la technologie BTG la mieux adaptée pour stériliser les cartons préformés tels que ceux d'Elopak, technologie utilisée pour les machines Liquipak (4).
(4) Metal Box
Le groupe Metal Box, d'origine britannique, exerce plusieurs activités industrielles (conditionnement, chauffage central et impression de sécurité) au niveau mondial. Ses principaux produits dans le domaine de l'emballage comprennent non seulement les boîtes de conserve traditionnelles pour produits alimentaires solides et liquides, mais aussi les bouteilles en résine PET et en polythène, les emballages plastiques divers, les aérosols, les pots de peinture métalliques ou en matière plastique, les emballages plastiques pour produits de toilette et cosmétiques, ainsi qu'une gamme étendue d'autres types d'emballages, de fermetures et de dispositifs d'étanchéité. La mise en conserve de la plupart des produits alimentaires fait appel à la stérilisation, mais Metal Box propose une " boîte de lait " (récipient en polypropylène pourvu d'un couvercle en aluminium) remplie à l'aide d'un procédé aseptique pour le conditionnement des liquides de longue conservation, dont le lait. Metal Box possède son propre centre de recherche et de développement, qui travaille sur les matériaux et procédés d'emballage très divers. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe Metal Box était d'environ 1 520 millions d'écus en 1985/1986. En octobre 1988, la Commission a approuvé une fusion entre Metal Box et Carnaud pour leurs activités de conditionnement (métallique et plastique). Un changement structurel important dans l'industrie du conditionnement européenne s'est produit à l'occasion de la transaction à la suite de laquelle Carnaud et Metal Box ont créé ensemble une nouvelle société de conditionnement de taille mondiale appelée CMB Packaging dans laquelle chaque partenaire détiendra 25,5 % du capital, le reste étant réparti dans le public. Le chiffre d'affaires consolidé du nouveau groupe s'élève à plus de 3,1 milliards d'écus. Il possédera 170 usines dans 26 pays et emploiera environ 35 000 personnes dans le monde.
C. Les accords
Les éléments essentiels des accords notifiés conclus le 23 avril 1986 sont présentés ci-après.
(5) Elopak et Metal Box créent pour une durée illimitée une filiale à parts égales, Odin, pour procéder à la recherche, au développement et, en cas de succès, à l'exploitation à terme (c'est-à-dire à la fabrication et à la distribution) d'un nouveau type d'emballage constitué d'un fond en carton et d'un système de fermeture séparée, une pièce de métal laminé, ainsi que des machines de remplissage et de soudure et de la technologie afférente à ce nouvel emballage. Le nouvel emballage est destiné au conditionnement de produits alimentaires en morceaux (c'est-à-dire non liquides) traités par UHT et de longue conservation; il sera rempli à l'aide d'un procédé aseptique. Ce nouveau produit ainsi que les nouvelles machines et la nouvelle technologie connexes de remplissage, de soudure et de manutention constituent le domaine d'application de l'accord. Odin sera contrôlée par un organe comprenant un nombre égal de représentants d'Elopak et de Metal Box.
(6) Metal Box et Elopak octroient à Odin une licence d'exploitation dans le monde entier de leurs droits de propriété intellectuelle (brevets et savoir-faire) concernant l'accord. Chaque société mère accordera à Odin une même licence pour tout nouveau droit de propriété intellectuelle qu'elle pourrait obtenir. Odin n'utilisera ces droits de propriété intellectuelle qu'aux fins de l'accord et leur conservera leur caractère confidentiel. Odin sera propriétaire de toute amélioration qu'elle apportera à ces droits de propriété intellectuelle.
(7) Dans le domaine couvert par l'accord, Odin aura le droit exclusif d'exploiter les droits de propriété intellectuelle concédés par les sociétés mères et les améliorations qu'elle pourra apporter. Étant donné que l'exclusivité d'Odin ne couvre que le champ des accords, il doit être considéré comme un champ d'exclusivité d'utilisation. Si Odin décide de ne pas exploiter la nouvelle technologie dans un pays déterminé, les sociétés mères auront le droit de l'exploiter dans ce pays, si Odin offre cette possibilité aux tiers.
(8) Les sociétés mères peuvent obtenir d'Odin une licence non exclusive (sans droit de concéder une sous- licence) pour toute amélioration apportée par Odin, à la condition:
- que l'utilisation ou l'exploitation de ces améliorations ne soient pas susceptibles de gêner Odin (c'est-à-dire que toutes les utilisations n'entrant pas dans le cadre de l'accord soient autorisées),
- qu'Odin décide de ne pas exploiter cette technologie pour son propre compte.
(9) Elopak et Metal Box sont libres de procéder à des travaux de recherche et de développement ou à l'exploitation, soit séparément soit avec un tiers, dans le domaine du conditionnement des produits alimentaires de longue conservation en morceaux, à la condition de n'utiliser ni le savoir-faire de l'autre société mère, ni les améliorations apportées par Odin, sauf dispositions spéciales prévues par les accords.
(10) En cas d'impasse, de rupture de contrat ou de désaccord sur le point de savoir de quelle manière Odin devrait continuer à exercer son activité ou exploiter le nouveau produit et si ces litiges ne peuvent pas être réglés, des dispositions sont prises pour que l'une des parties rachète les parts de l'autre. Il est alors convenu que l'une des parties (le choix étant déterminé par le type d'infraction ou de désaccord) doit proposer ses parts à l'autre partie. Si cette offre n'est pas acceptée, la société qui a fait la proposition est tenue de racheter les parts de l'autre partie au prix indiqué dans son offre initiale.
(11) Lors d'une telle séparation ou vente des parts, les licences non exclusives suivantes non assorties du paiement d'une redevance sont octroyées:
- Odin concède au vendeur des parts le droit d'utiliser toutes ses améliorations,
- l'acquéreur concède ses propres droits de propriété intellectuelle au vendeur en vue d'une utilisation uniquement dans le domaine couvert par l'accord.
Des licences croisées similaires seront accordées aux deux sociétés mères à la liquidation d'Odin.
(12) Lors d'une telle séparation, vente ou liquidation, ni Elopak ni Metal Box n'utilisent, pendant une période de cinq ans, le savoir-faire de l'autre partie ou toute amélioration apportée par Odin, avec un concurrent de l'autre partie.
(13) Aucune des deux parties ne peut vendre ou céder sa part du capital d'Odin sans l'autorisation de l'autre partie, sauf si l'accord en dispose autrement. Même après la séparation ou la vente visée au point 10, l'acquéreur ne doit, pendant une période de cinq ans, céder ses parts dans Odin à un tiers sans commencer par les offrir aux mêmes conditions au vendeur originel.
(14) Toute information reçue par Odin ou communiquée par l'une des parties à l'autre en vertu des accords considérés est traitée de manière confidentielle. Elopak et Metal Box réalisent les travaux de recherche et de développement demandés par Odin sur une base contractuelle et contre paiement d'un droit. Odin est propriétaire de tout droit intellectuel issu de ces travaux effectués sous contrat. Elopak et Metal Box conservent leur caractère confidentiel à toutes les informations communiquées ou développées dans le cadre de ces contrats.
D. Les produits et le marché
(15) Il est prévu que le nouveau produit s'inspirera de l'emballage gable-top fabriqué par Elopak (partie supérieure en forme de pigeon), qui est en carton revêtu de polyéthylène ou d'aluminium, et qu'il comportera un système de fermeture séparé (une pièce de métal laminé). Il pourra être rempli et soudé à l'aide d'un procédé aseptique de façon à être utilisé pour le conditionnement de produits alimentaires en morceaux traités par UHT. Outre le nouveau produit, il est prévu de développer les équipements connexes de stérilisation, de remplissage, de soudure et de manutention, qui doivent tous être adaptés au nouveau produit, ainsi que le procédé de remplissage et de soudure. Les produits alimentaires contenus dans ce nouvel emballage pourront être conservés pendant plusieurs mois. On s'attend à ce que le procédé UHT affecte moins la qualité des produits ainsi conditionnés que la stérilisation utilisée pour la mise en conserve. Un prototype de machine destinée au remplissage a été réalisé et Odin a l'intention d'inviter les clients à essayer ce prototype.
(16) Le marché du produit considéré n'est pas encore défini et le produit n'a pas encore été soumis à l'approbation des consommateurs, mais il pourrait servir au conditionnement de soupes, de sauces, de garnitures de gâteaux, de fruits, de légumes, d'aliments pour bébés, de produits à base de pâtes et de nourriture pour animaux de compagnie. S'il est développé avec succès, le nouveau produit pourra constituer un substitut technique adéquat aux boîtes métalliques principalement, mais aussi aux bocaux en verre et à certains cartons en forme de brique, qui peuvent être remplis, à l'aide d'un procédé aseptique, de liquides ou de produits semi-solides traités par UHT.
(17) Les marchés des emballages que le nouveau produit est susceptible de concurrencer ont une structure oligopolistique: pour les boîtes métalliques: Nacanco, Continental Can, American Can, PLM (d'origine suédoise) et la CMB Packaging susmentionnée; pour les bocaux en verre: Owens Illinois, Saint-Gobain et PLM; pour les cartons en forme de brique: Tetrapak et PKL (Allemagne).
(18) Le coût du transport des boîtes métalliques et des bocaux en verre limite l'étendue géographique du marché en cause, mais ce n'est pas le cas pour les cartons en forme de brique. Le nouveau produit, comme l'emballage gable top actuellement fabriqué par Elopak, sera probablement transporté sous forme de cartons aplatis, séparément des systèmes de fermeture. La distance sur laquelle il sera possible de le transporter dans des conditions économiquement avantageuses sera donc vraisemblablement plus longue que pour les boîtes métalliques et les bocaux en verre actuellement. Compte tenu de l'existence de ces autres concurrents malgré la structure oligopolistique du marché et du fait que le coût du transport du nouveau produit ne limitera vraisemblablement pas fortement l'étendue géographique du marché en cause, la création d'Odin n'aura pas pour effet de fermer sensiblement le marché.
(19) Le nouveau produit ne concurrencera pas les emballages gable top actuellement fabriqués par Elopak pour le conditionnement du lait frais. En tout état de cause, il y a plusieurs concurrents sur ce marché, parmi lesquels Tetrapak, qui possède sa propre technologie.
E. Observations des tiers
(20) Aucune observation écrite n'a été communiquée dans le délai prévu par la communication publiée conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17.
II. APPRECIATION JURIDIQUE
A. Règlement (CEE) n° 418-85
(21) Les parties ont demandé à bénéficier de la procédure prévue à l'article 7 du règlement (CEE) n° 418-85. Toutefois les accords notifiés ne remplissent pas les conditions nécessaires pour bénéficier de cette procédure simplifiée, qui ne s'applique pas aux entreprises communes telles qu'Odin, parce que celles-ci concernent non seulement la production, mais aussi la distribution. En outre, une telle application présuppose que les accords tombent sous le coup de l'article 85 paragraphe 1, ce qui n'est pas le cas, si bien que la compatibilité des accords notifiés demandée par les parties doit être établie par le biais d'une décision individuelle d'attestation négative.
a) Odin assurera la distribution des nouveaux produits et cette distribution en commun n'est pas couverte par le règlement (CEE) n° 418-85 [voir article 1er paragraphe 2 point d)]. En outre, l'article 2 point e) fait obligation à toute entreprise commune chargée de la fabrication des produits de ne les fournir qu'aux parties. Or, cette obligation n'est pas remplie parce que Odin, et non les sociétés mères, est seule chargée de la distribution. En conséquence, comme les accords ne remplissent pas les conditions prévues à l'article 2, la procédure simplifiée prévue à l'article 7 du règlement (CEE) n° 418-85 ne peut pas être appliquée.
b) Pour les raisons exposées ci-après, l'article 85 paragraphe 1 n'est applicable ni à la création de l'entreprise commune (parce que les sociétés mères ne sont ni effectivement ni potentiellement concurrentes) ni à l'une quelconque des dispositions de ces accords. En conséquence, ceux-ci n'ont pas besoin de bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3, mais une attestation négative formelle peut être délivrée en leur faveur.
B. Article 85 paragraphe 1
(22) Odin est détenue et contrôlée conjointement et à parts égales par les deux sociétés mères. Par conséquent, Odin doit être examinée sur la base de l'article 85 paragraphe 1.
(23) Bien que, à l'époque de la notification, le produit et son marché ne fussent pas encore développés, on peut s'attendre à ce que le marché en cause soit, en pratique, celui de la Communauté. Il est difficile de définir exactement le marché dans lequel le nouveau produit sera commercialisé. On considère cependant que ce produit pourrait constituer un substitut technique adéquat pour le conditionnement de produits alimentaires en particules traités par UHT (y compris les produits semi-liquides mais non les liquides) introduits dans l'emballage à l'aide d'un procédé aseptique. Bien que le produit constitue probablement un substitut technique pour les boîtes métalliques, les pots en verre et certains cartons en forme de brique, il se peut que la préférence des consommateurs crée un marché spécial pour ces produits.
(24) Dans le cas d'espèce, pour les raisons indiquées ci-après, il apparaît qu'au moment de la conclusion des accords:
- Elopak et Metal Box n'étaient ni effectivement ni potentiellement concurrents sur le marché des produits considéré
et
- il était fortement improbable que l'une ou l'autre des parties puisse développer seule le produit.
(25) Elopak ne possède pas sa propre technologie ou une technologie tout à fait éprouvée dans le domaine du conditionnement de produits traités par UHT à l'aide d'un procédé de remplissage aseptique. En tant que distributeur de machines Liquipak de remplissage aseptique, il n'avait pas accès à la technologie brevetée de ces machines, qui ne sont utilisées que pour les cartons destinés à contenir des liquides. Le savoir-faire d'Elopak, qui concerne essentiellement les cartons destinés à contenir des liquides, ne lui permet pas de développer seul le nouveau produit, à savoir des emballages pourvus d'un système de fermeture séparé destinés à être remplis à l'aide d'un procédé aseptique de produits alimentaires en morceaux. Même en ayant accès à la technologie de BTG, Elopak améliorera uniquement son savoir-faire concernant la stérilisation des emballages.
Metal Box n'a aucune expérience du type d'emballage en carton qui sera utilisé pour le nouveau produit. Il faut disposer d'un savoir-faire particulier pour que les emballages puissent résister à la chaleur lors du remplissage tout en conservant leur stabilité et en permettant une durée utile de vie de plusieurs mois. Ces emballages doivent en tout cas être adaptés de façon à pouvoir être munis d'un couvercle métallique en matériau laminé.
Aucune des deux parties ne pourrait seule entrer dans le marché, car une telle entrée supposerait une connaissance de la technologie des autres concurrents, ce qui ne pourrait se faire sans un investissement lourd et long.
L'expérience et les ressources de Metal Box et d'Elopak sont nécessaires pour mettre au point le nouveau produit, qui sera une combinaison de leur savoir-faire technique et commercial respectifs. Les risques techniques liés à la recherche concernant un produit entièrement nouveau, non encore éprouvé et qui ressortit à un domaine entièrement nouveau de la technologie pour chaque associé, et le risque inhérent à la mise au point des nouvelles machines de remplissage, de soudure et de manutention nécessaires empêcheraient, en fait, chacune des parties d'essayer de mener à bien, seule, les travaux de recherche et de développement. En outre, il y a des risques commerciaux considérables non seulement à faire accepter, en définitive, le nouvel emballage au consommateur, mais aussi à persuader les entreprises de transformation ou de conditionnement des produits alimentaires de réinvestir dans le nouveau matériel onéreux de conditionnement et de soudure, qui sera inévitablement nécessaire pour le nouveau produit. De plus, Odin devra offrir un service rapide d'entretien/après-vente pour le matériel de remplissage et de soudure, service dont les industriels de la transformation des produits alimentaires devront disposer pour être incités à se rééquiper. Les services d'entretien sont essentiels pour empêcher les pannes et les retards, qui peuvent se révéler très coûteux si l'on considère les quantités de produits alimentaires qui peuvent ainsi être gâtées.
Par conséquent, la combinaison du savoir-faire des deux parties a pour effet de réduire fortement les risques techniques encourus, ce qui diminue les charges financières qui doivent être supportées en commun.
(26)Les parties ne sont ni effectivement ni potentiellement concurrentes en ce qui concerne les activités qui ne sont pas exercées par l'entreprise commune. Elopak fabrique des emballages destinés à contenir des liquides frais ou pasteurisés, marché d'où Metal Box est absent. En conséquence, la création d'Odin n'aura d'incidence sur aucune relation concurrentielle existante ou potentielle entre les sociétés mères.Il se peut cependant qu'Odin devienne concurrente de Metal Box, élément qui est examiné ci-après.
(27) La création d'Odin ne devrait pas empêcher les concurrents potentiels de pouvoir exploiter des possibilités similaires. Comme cela a déjà été indiqué, il est difficile de dire avant que le produit n'ait été développé et commercialisé avec succès sur quel marché il sera le plus concurrentiel. Malgré cette incertitude, il y a plusieurs autres fabricants très importants de boîtes métalliques dans la Communauté qui disposent d'un savoir-faire technique au moins équivalent à celui de Metal Box. Sur le marché des emballages en carton, Elopak n'est que l'une des entreprises qui utilisent la technologie Excello sur une base de non-exclusivité. En outre, Tetrapak en particulier, avec une part de marché beaucoup plus importante, dispose non seulement de sa propre technologie équivalant à celle d'Elopak pour le lait frais, mais aussi d'une technologie du conditionnement aseptique pour les emballages en forme de brique, qui sont déjà utilisés, quoique de manière limitée, pour les produits alimentaires traités par UHT. La société PKL possède elle aussi cette capacité technique.
(28) Étant donné que les parties ne pouvaient pas raisonnablement être considérées comme des concurrentes effectives ou potentielles, que la création de l'entreprise commune ne comporte aucun risque d'exclusion du marché et que l'accord n'a pas pour effet de créer un réseau de sociétés communes concurrentes, les accords visant à créer Odin ne tombent pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1.
(29) Il convient cependant d'examiner les dispositions spécifiques de l'accord pour établir si elles restreignent la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1 ou si elles prévoient simplement ce qui est nécessaire pour garantir le démarrage, le bon fonctionnement et le succès de l'entreprise commune. Il faut tenir compte, en particulier, du fait que, s'il est développé et commercialisé avec succès, il se peut que le nouveau produit mis au point par Odin concurrence dans une certaine mesure les produits actuellement fabriqués par Metal Box.
Dispositions relatives aux activités des sociétés mères
(30) L'octroi à Odin du droit exclusif d'exploiter le savoir-faire appartenant aux deux sociétés mères dans le domaine couvert par l'accord (qui est désigné de manière très étroite comme ne concernant que le produit très spécifique en question) constitue une garantie pour chaque partie que son associé consacrera tous ses efforts à la réussite du projet. Comme le succès d'Odin dépend de ces efforts, les dispositions en question auront pour effet que chacune des parties sera disposée à prendre les risques financiers, techniques et commerciaux nécessaires et à divulguer son savoir-faire secret. Cela est particulièrement important en l'espèce, où une part appréciable du savoir-faire en question des sociétés mères n'est pas protégée par des brevets. Un raisonnement analogue s'applique aux dispositions relatives à la licence non exclusive d'utilisation des améliorations, qui peut être concédée par Odin à ses sociétés mères et aux dispositions qui limitent l'utilisation de ces améliorations. Ces dispositions garantissent qu'Odin pourra exploiter dans des conditions d'exclusivité le savoir-faire des sociétés mères dans le domaine couvert par l'accord.
(31) Bien que la protection que le droit exclusif d'exploitation confère à Odin dépasse la période initiale de mise en route d'une nouvelle technologie et puisse s'étendre à toute la durée de vie d'Odin, on ne voit pas comment, pour les raisons exposées ci-après, les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 pourraient être violées:
- le savoir-faire des deux sociétés mères (et pas seulement de l'une d'elles) ainsi que les travaux complémentaires de recherche et de développement réalisés par Odin sont nécessaires pour mettre au point non seulement le nouveau produit mais aussi les machines et la technologie qui lui sont liées; ils sont également nécessaires à la fabrication et à la distribution du produit qui, même si son développement est un succès, doit encore être accepté par le consommateur et, après cela, être adapté aux changements possibles dans la demande des consommateurs, les exigences de qualité et la technologie de production,
- les activités d'Odin ne font l'objet d'aucune limitation explicite quant aux prix, aux quantités, aux consommateurs ou au territoire, bien que le nouveau produit puisse concurrencer, à certains égards, les produits actuellement fabriqués par Metal Box,
- l'exclusivité est limitée au domaine d'application de l'accord, qui est défini de manière très restrictive. En outre, les sociétés mères ne sont soumises à aucune restriction quant à la recherche et au développement ou à l'exploitation de produits très étroitement apparentés ou même concurrents.
L'exclusivité, en l'espèce, n'est pas, dans ces conditions, comparable à celle des licences exclusives de savoir- faire prêt à être exploité sur le plan technique soit dans les rapports entre un donneur de licence et un licencié (voir décision Boussois/Interpane) (5), soit lorsque le donneur de licence est un associé d'une entreprise commune qu'il peut concurrencer directement (voir décision Mitchell-Cotts/Sofiltra) (6).
(32) L'octroi à Odin d'une licence non exclusive d'utilisation du savoir-faire de ses sociétés mères et les dispositions relatives à l'actualisation de ce savoir-faire et au maintien de son caractère confidentiel n'enfreignent pas l'article 85 paragraphe 1. Ces dispositions ne limitent pas la possibilité pour les sociétés mères de réaliser des travaux de recherche et de développement dans des domaines étroitement apparentés ou même concurrents. En fait, ces travaux de recherche et de développement sont expressément autorisés tant que chaque partie n'utilise pas le savoir-faire de l'autre ou les améliorations apportées par Odin (bien que ces améliorations puissent être utilisées en dehors du domaine couvert par l'accord). Les dispositions en question, comme celles relatives au secret, ne font que garantir la confidentialité du savoir-faire secret et empêchent l'autre partie de se servir d'Odin pour obtenir le savoir-faire auquel elle n'aurait normalement pas accès.
(33) Les obligations qui incombent aux parties en matière de concession de droits d'utilisation de la technologie lors de la dissolution d'Odin ne tombent pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1. Dans un tel cas, les deux parties pourront non seulement avoir accès de manière illimitée aux améliorations apportées par Odin, mais aussi utiliser le savoir-faire de l'autre partie dans le domaine couvert par l'accord. Par conséquent, après la dissolution d'Odin ou la vente de ses parts par l'une des parties, les deux parties seront libres de se concurrencer en utilisant la totalité du savoir-faire, y compris celui de l'autre partie, dans le domaine couvert par l'accord et d'utiliser leur propre savoir-faire et les améliorations apportées par Odin dans n'importe quel domaine. La limitation de l'utilisation du savoir-faire de l'autre partie au domaine couvert par l'accord est une conséquence inévitable de la limitation de la coopération à un domaine d'activité précis. En fait, comme chacune des deux parties peut facilement provoquer une dissolution ou une vente, la disposition en question ne fait que garantir que l'une des parties n'utilisera pas cette éventualité comme prétexte pour se procurer le savoir-faire de l'autre partie en dehors du domaine très spécifique couvert par l'accord. La facilité de la dissolution ou de la vente (avec l'accès au savoir-faire qui en résulte) garantit également que Metal Box ne pourra pas utiliser le pouvoir de contrôle d'Odin qu'il détient conjointement avec son associé pour empêcher que le nouveau produit ne soit entièrement et activement exploité, s'il considère que cette exploitation pourrait être préjudiciable aux produits qu'il fabrique. De même, Metal Box ne peut imposer aucune restriction territoriale à Odin pour sa production ou ses ventes sans provoquer une dissolution de l'entreprise commune, si tel est le souhait d'Elopak, ou sans qu'Elopak ne soit fondé à essayer d'obtenir le droit d'exploiter le nouveau produit sur le territoire où Metal Box s'oppose à l' exploitation par Odin. Elopak n'a aucune raison de limiter la production ou l'étendue de la zone de commercialisation des produits d'Odin. Il n'y a pas non plus de raison de penser que Metal Box utilisera le contrôle qu'il exerce sur Odin d'une manière qui soit incompatible avec l'article 85 paragraphe 1.
(34) Les restrictions suivantes ne tombent pas non plus sous le coup de l'article 85 paragraphe 1: d'une part, l'obligation pour chaque société mère, pendant une période de cinq ans après la dissolution d'Odin (ou la vente des parts de l'une des parties), de ne pas autoriser un concurrent de l'autre société mère à utiliser le savoir-faire de ladite société ou les améliorations apportées par Odin, et d'autre part, la disposition qui donne au vendeur un droit d'option en cas de revente des parts. Ces dispositions sont la conséquence inévitable de la création d'Odin, sans lesquelles on ne pourrait raisonnablement pas s'attendre à ce que les deux sociétés mères coopèrent. En l'absence de ces dispositions et compte tenu essentiellement de la facilité avec laquelle une vente ou une dissolution peut survenir, l'éventualité qu'un concurrent ait accès au savoir-faire empêcherait les deux parties de divulguer à Odin tout le savoir-faire qui est nécessaire pour qu'Odin développe avec succès le nouveau produit. Un concurrent ne devrait pas non plus avoir immédiatement accès aux améliorations apportées par Odin sans supporter soit les risques soit les investissements financiers que chaque partie a pris ou réalisés. Cette protection des améliorations apportées par Odin est nécessaire pour garantir que les parties soient disposées à accorder les ressources nécessaires à Odin pour lui permettre de développer le nouveau produit. Une analyse similaire s'applique à l'interdiction faite à chaque partie de céder sa part du capital d'Odin sans l'accord de l'autre partie; cette disposition traduit également le désir des parties de mener à bien un projet précis avec un partenaire particulièrement qualifié.
Dispositions relatives aux limitations auxquelles est soumise Odin
(35) Les dispositions relatives à l'utilisation par Odin du savoir-faire des sociétés mères et l'obligation de conserver son caractère secret à ce savoir-faire sont nécessaires pour éviter de compromettre la finalité et l'existence même d'Odin. Elles résultent nécessairement du désir des sociétés mères de limiter la coopération à un domaine particulier et reflètent l'objectif légitime consistant à garder son caractère secret au savoir-faire. Les dispositions en question ont, en fait, été reconnues, à l'article 2 du règlement (CEE) n° 556-89 de la Commission (7), comme légitimes dans le contexte des licences de savoir-faire. Odin n'est soumise à aucune limitation formelle en matière de prix, de quantité ou de territoire. En conséquence, en l'espèce, les dispositions relatives aux activités d'Odin ne tombent pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1.
Limitations implicites
(36) L'analyse ci-dessus montre que ni la création d'Odin ni aucune des dispositions spécifiques prévues ne tombent sous le coup de l'article 85 paragraphe 1. En fait, les dispositions en question apparaissent comme étant soit
- des dispositions ne restreignant pas la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1,
soit
- des dispositions qui, dans d'autres contextes, pourraient restreindre la concurrence mais qui, dans le cas d'espèce, ne la restreignent pas. Comme il n'est pas possible de dissocier ces dispositions de la création d'Odin sans compromettre son existence et son objet et comme la création d'Odin ne tombe pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1, ces dispositions spécifiques ne relèvent pas non plus de l'article 85 paragraphe 1.
Un examen ultérieur est cependant nécessaire quant aux conséquences anticoncurrentielles implicites et inévitables, résultant en particulier de la nouvelle concurrence potentielle qui a pu s'instaurer entre Metal Box et Odin si le produit en question est commercialisé avec succès. Comme il a été dit plus haut, il n'y a pas de clauses explicites qui limitent la concurrence entre Metal Box et Odin et, en particulier, il n'y a pas de division géographique à l'intérieur de la Communauté. Comme il a été établi, Elopak, en particulier, n'a pas de raisons de limiter la production d'Odin ou l'étendue géographique de sa distribution. Il n'y a pas de raisons non plus de supposer que Metal Box utilisera son droit de contrôle dans Odin d'une manière incompatible avec l'article 85 paragraphe 1. Dans un cas comme celui-ci, il ne peut y avoir d'impact implicite anticoncurrentiel sur les activités des sociétés mères en dehors de la filiale commune car non seulement les parties n'étaient pas concurrentes potentielles lors de la création d'Odin, mais aucune des parties n'aurait pu développer réellement le nouveau produit sans la participation pleine et active de ses partenaires. Enfin, tous dangers d'effets anticoncurrentiels implicites sont limités par la facilité avec laquelle la dissolution ou la vente d'Odin peut s'effectuer et par les possibilités ouvertes à la fin du contrat à toutes les parties d'utiliser la technologie (voir le point 11).
Conclusions
(37) En conséquence, il est permis de conclure que les accords entre Metal Box et Elopak visant à créer Odin, ainsi que les accords connexes et les transferts de technologie qui y sont liés et qui sont décrits dans la présente décision n'ont pas pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser sensiblement le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun au sens de l'article 85 paragraphe 1. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner si le commerce entre États membres est susceptible d'être affecté. En conséquence, il n'y a pas lieu pour la Commission, en fonction des éléments dont elle dispose, d'intervenir en vertu des dispositions de l'article 85 paragraphe 1. La Commission peut donc délivrer une attestation négative pour les accords en question en vertu de l'article 2 du règlement n° 17,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
En fonction des éléments dont elle a connaissance, il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir, en vertu des dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité, à l'égard des accords relatifs à la création d'Odin Development Ltd par Elopak A/S, Elopak Ltd et Metal Box plc et des accords liés à cette création.
Article 2
Les entreprises indiquées ci-après sont destinataires de la présente décision:
- Odin Development Ltd,
PO Box 66,
Stevenage,
UK-Hertfordshire SG1 2LU,
- Elopak A/S,
PO Box 523,
N-3412 Lierstranda,
- CMB Packaging SA,
rue du Noyer 211,
B-1040 Bruxelles,
- CMB Packaging (UK) Ltd,
Woodside, Perry Wood Walk,
UK-Worcester WR5 1EQ,
- Elopak Ltd,
Gunnels Wood Road,
Stevenage,
UK-Hertfordshire SG1 2BQ.
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62.
(2) JO n° C 215 du 13. 8. 1987, p. 3.
(3) JO n° L 53 du 22. 2. 1985, p. 5.
(4) Voir la décision 88-501-CEE de la Commission, du 26 juillet 1988, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CEE [IV/31.043 - Tetra Pak I (licence BTG)] (JO n° L 272 du 4. 10. 1988, p. 27).
(5) JO n° L 50 du 19. 2. 1987, p. 30.
(6) JO n° L 41 du 11. 2. 1987, p. 31.
(7) JO n° L 61 du 4. 3. 1989, p. 1.