CCE, 21 décembre 1988, n° 89-191
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
PEBD
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3 paragraphe 1, vu la décision prise par la Commission, le 24 mars 1988, d'engager dans cette affaire la procédure d'office, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
PARTIE I - LES FAITS
(1) La présente décision a pour objet l'application de l'article 85 du traité CEE à des arrangements collusoires constituant une entente, auxquels ont participé presque tous les producteurs approvisionnant la Communauté en produits thermoplastiques bruts de type PEBD (polyéthylène de basse densité). Dans le cadre de ces arrangements, ces producteurs ont tenu des réunions secrètes régulières en vue de coordonner leur comportement commercial, de planifier des initiatives concertées en matière de prix, de fixer des prix cibles et/ou minimaux, d'établir des quotas de vente cibles par producteur et de surveiller la mise en œuvre desdits arrangements.
A. Introduction
1. Les entreprises
(2) Les entreprises destinataires de la présente décision sont toutes d'importants producteurs de produits pétrochimiques. La plupart sont situées dans la Communauté et, bien qu'un petit nombre d'entre elles aient leur siège en dehors de celle-ci, elles y vendent toutes leurs produits et parfois ont des usines dans un ou plusieurs des États membres.
Les dix-sept entreprises destinataires de la présente décision sont les suivantes : Atochem, BASF, BP, Bayer, Chemie Holding (dénommée anciennement Chemie Linz), Dow, DSM, Enichem, Hoechst, ICI, Monsanto, Montedison, Neste Oy, Orkem (3) (dénommée anciennement CdF Chimie), Repsol Quimica (dénommée anciennement Alcudia), Shell, Statoil.
(3) Une communication des griefs a été envoyée à une autre entreprise, Exxon Chemicals International Inc. (anciennement Essochem), parce qu'elle était suspectée d'une participation marginale à l'entente, mais la procédure a été arrêtée après la fourniture, par cette entreprise, de preuves considérées par la Commission comme une explication acceptable des faits retenus contre elle.
2. Le produit
(4) Le PEBD, mis au point par ICI en 1936, est l'un des polymères thermoplastiques bruts les plus importants. C'est l'un des principaux sous-produits de l'éthylène, lui-même obtenu par le reformage (ou le craquage) du naphte (dérivé du pétrole brut) en ses éléments constitutifs.
La quasi-totalité des producteurs de PEBD assurent leur approvisionnement en éthylène à partir de leurs propres installations intégrées de craquage ; un petit nombre d'entre eux seulement sont liés à des raffineries de pétrole en amont.
Le PEBD est produit sous forme de pastilles et est facilement transportable.
La principale utilisation finale du PEBD (et de son nouveau produit associé, le PEBDL ou polyéthylène de basse densité linéaire) est le film souple, qui représente environ 70 % de la consommation en Europe occidentale. Le principal utilisateur final est l'industrie de l'emballage.
3. Le marché du PEBD en Europe occidentale
(5) Le PEBD est commercialisé dans le monde entier : la consommation mondiale annuelle se situe autour de 10 millions de tonnes, dont environ 4 millions pour le marché de l'Europe occidentale, 3 millions pour les États-Unis et 1 million pour le Japon.
La demande totale de l'Europe occidentale était estimée en 1986 à 3 940 000 tonnes, dont la quasi-totalité était satisfaite par des producteurs implantés en Europe. Les importations, provenant principalement de nouvelles usines du Proche-Orient, ne représentaient qu'environ 7 % de la consommation totale de PEBD de l'Europe occidentale.
Les producteurs européens, au nombre de quatorze - contre vingt-deux en 1974 -, ont exporté environ 660 000 tonnes vers des marchés étrangers.
La capacité de production de l'Europe occidentale était estimée en 1986 à 4 750 000 tonnes, une capacité correspondant à 1 250 000 tonnes ayant été fermée depuis la restructuration de l'industrie, entamée en 1980. Les taux d'exploitation des trois dernières années ont oscillé entre 87 et 91 % de la capacité nominale, qui équivaut à une exploitation "effective" des installations de près de 100 %.
Il y a des échanges interétatiques considérables dans le secteur du PEBD ; quelque 50 % des échanges en Europe occidentale s'effectuent à travers des frontières nationales.
(6) Le PEBD peut être considéré comme un produit banal (commodity) dans la mesure où 70 à 80 % du volume des ventes correspondent à des qualités que la plupart des producteurs atteignent ou peuvent atteindre. Pour le volume limité de qualités spéciales, le supplément de prix par rapport aux qualités de base est relativement faible.
Sept des producteurs de PEBD fabriquent également du PEBDL, qui peut se substituer au PEBD pour un grand nombre d'applications. La conversion au nouveau produit a toutefois été plus lente en Europe qu'aux États-Unis : le PEBDL ne représentait qu'environ 15 % du marché combiné du PEBD/PEBDL en Europe en 1986, contre 35 % aux États-Unis.
Le premier producteur de PEBD d'Europe occidentale est actuellement la société Enichem, avec une part de marché de 12 % en 1986, suivie par BP, Exxon et Dow avec respectivement 11,10 et 9 %.
L'Allemagne est le premier marché national de la Communauté pour le PEBD ; ce pays représentait en 1986 près de 20 % de la consommation de l'Europe occidentale, suivi par l'Italie (14,3 %), la France (13,6 %) et le Royaume-Uni (12,2 %).
4. Surcapacité
(7) La Commission admet que, pendant une grande partie de la période couverte par la présente décision, le marché du PEBD en Europe s'est caractérisé par une surcapacité structurelle. Jusqu'à 1982, presque tous les producteurs ont déclaré subir des pertes considérables dans ce secteur.
Parmi les causes de cette situation, on peut relever, outre la surcapacité, les facteurs suivants :
- une forte baisse de la demande en 1980 et 1981 après l'essor de 1979,
- l'instabilité du prix des matières premières,
- l'incertitude résultant de l'installation de capacités de production au Moyen-Orient.
La Commission admet également que pendant des périodes très longues, eu égard au niveau des prix, les producteurs ont opéré à un niveau inférieur au point d'équilibre. Toutefois, la réduction des capacités, les fermetures d'usines, la restructuration industrielle et un redressement de la demande depuis 1984 ont éliminé l'essentiel de la surcapacité et, depuis quelques années, cette industrie se révèle rentable.
5. Vérifications de la Commission
(8) Les premières présomptions d'infraction remontent à fin 1983, au cours de vérifications concernant un autre produit thermoplastique. Entre le 21 novembre et le 6 décembre 1983, des vérifications ont été opérées chez ICI, chez DSM et chez Shell sur la base de mandats portant spécifiquement sur des accords présumés contraires à l'article 85 dans le secteur des produits thermoplastiques bruts PVC, polystyrènes, PEHD et PEBD. En 1984, la Commission a ensuite obtenu des informations de DSM et de ICI à la suite de décisions adoptées au titre de l'article 11 paragraphe 5 du règlement n° 17. En janvier 1987, la Commission a procédé à d'autres vérifications sans avertissement préalable au titre de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17 dans les locaux de Atochem, de CdF, de Dow, de Enichem et de Repsol. De nouvelles vérifications ont alors été effectuées chez BASF, chez Bayer, chez BP et chez Exxon. La Commission a également été obligée d'adopter une série de décisions au titre de l'article 11 paragraphe 5, un grand nombre d'entreprises ayant refusé de fournir ou n'ayant pas fourni les renseignements requis. Dans la plupart des cas, les entreprises ont maintenu leur refus initial.
B. Exposé détaillé de l'infraction
1. L'origine de l'entente
(9) Sous l'effet de la hausse rapide des prix du pétrole en 1973 et 1974 et de la chute de la demande industrielle, le marché de l'Europe occidentale pour le PEBD a accusé un excédent substantiel de capacité à partir du deuxième semestre de 1974 environ.
Des documents de planification et des rapports datant de septembre 1976, découverts chez DSM (mais dont l'auteur est inconnu), révèlent qu'une formule visant à répartir le marché disponible entre les producteurs de PEBD d'Europe occidentale sur la base d'une "égalisation du taux d'utilisation" de leurs usines respectives avait été tentée, mais n'avait pas donné de résultats satisfaisants. Par la suite, les producteurs ont consacré l'essentiel de leurs efforts jusqu'en septembre 1976 à des "initiatives de prix" coordonnées.
Ces initiatives de prix avaient été planifiées dans des réunions de "chefs d'États" (hauts responsables) qui se sont apparemment tenues à Zurich. Les producteurs nationaux de chaque marché national devaient guider les prix à la hausse, les "importateurs" (c'est-à-dire les producteurs qui ne possédaient pas d'installations de production sur le marché national en question) devant suivre à bref délai.
Cette formule s'étant soldée par un succès mitigé, un "groupe de travail" réunissant un certain nombre de producteurs a été créé afin d'établir un nouveau plan pour le contrôle de la production et des parts de marché. Ce groupe a rédigé un rapport, mais certaines différences subsistaient qui devaient être soumises à la réunion des "chefs d'État" à Zurich le 17 septembre 1976.
(10) C'est pourquoi le président du groupe de travail a produit, pour cette réunion, un plan de compromis dans lequel il proposait un nouveau système de contrôle des volumes devant prendre effet au 1er avril 1977. Les quotas, ou "parts de marché idéales", devaient être fondés sur la capacité "classée" de chaque producteur, un chiffre théorique obtenu par l'application d'une formule qui pénalisait les nouvelles capacités mises en exploitation après mi-1974.
Il proposait en outre des règles générales pour les initiatives de prix futures si un système de contrôle des tonnages était convenu. L'objectif visé était d'atteindre un prix "européen" pour tous les pays entre lesquels il ne devait y avoir que peu ou pas de différence, mais permettant toutefois aux importateurs de vendre avec un léger rabais par rapport aux producteurs nationaux. La deuxième initiative de prix proposée consistait à mettre en vigueur un prix minimal de 1,70 mark allemand par kilogramme à compter du 1er octobre 1976. Une liste des prix équivalents dans chaque monnaie nationale était annexée au rapport.
(11) Des réunions mensuelles régulières entre "experts" étaient proposées pour échanger des statistiques, suivre l'évolution de la situation et résoudre les différends. Pour les assister dans leurs tâches, le président envisageait de recourir au système d'échange statistique du FIDES à titre d'"auxiliaire".
Le FIDES est un service statistique pour l'industrie géré par une société comptable ayant son siège à Zurich. Les producteurs qui y sont abonnés fournissent chaque mois des données individuelles sur leur production, leurs ventes et les variations de leurs stocks au bureau central, qui rassemble les informations provenant des différents producteurs et établit des statistiques globales anonymes pour le marché de l'Europe occidentale. À partir de ces informations, chaque producteur peut déterminer sa propre part de marché, mais non celle de ses concurrents. Le système comporte des garanties en matière de secret, mais rien n'empêche les concurrents d'échanger eux-mêmes des informations détaillées d'une autre manière, les totaux officiels du FIDES pouvant alors être utilisés, de la façon envisagée, pour vérifier l'exactitude des chiffres échangés par les producteurs.
La composition du groupe d'"experts" proposé était la suivante : ATO, BASF, Bayer ou Hoechst, CdF, Carbide Group (4), Dow, DSM, ICI, Pekema et deux représentants "italiens" non identifiés.
Les tableaux détaillés annexés au compte rendu du groupe de travail, qui ont servi de base au calcul de la "capacité pondérée" et donnaient la part de marché de chaque producteur pour les trois dernières années, indiquent que la quasi-totalité de l'industrie européenne du PEBD participait au système. Seuls Exxon et Shell ne semblent pas y avoir alors coopéré.
2. Le système des réunions périodiques
(12) Un certain nombre de producteurs font valoir que les propositions de 1976 n'ont jamais été mises en œuvre, mais les documents obtenus par la Commission prouvent le contraire.
Un système de réunions à deux niveaux - les "patrons" ou "directeurs" (l'expression "chefs d'État" semble avoir été abandonnée) décidant de la stratégie d'ensemble et les "experts" surveillant la mise en œuvre détaillée - a effectivement été établi exactement comme le proposait le président du groupe de travail.
Toutefois, on ignore la date exacte à laquelle les réunions ont commencé. D'après les informations fournies par ICI le 5 juin 1984, conformément à l'article 11 du règlement n° 17, les réunions des producteurs de PEBD avaient commencé au milieu des années soixante-dix et se tenaient deux fois par mois "probablement en 1979", "à des niveaux différents de responsabilité". Certaines entreprises font valoir qu'il n'y a pas de preuve réelle que de telles réunions se soient tenues avant 1979 ou même à une date ultérieure. Toutefois, il n'y a aucune raison de mettre en doute les déclarations de ICI selon lesquelles les réunions avaient commencé "au milieu des années soixante-dix", même si l'on ne dispose pas d'informations détaillées. Des "initiatives de prix" ont été prises au cours de la période jusqu'à 1979, ce qui indique que le plan avait été mis en œuvre. Une note découverte chez Exxon prouve en effet que, dès janvier 1977, ICI s'efforçait d'obtenir l'engagement d'Exxon de porter le prix à 1,53 mark allemand par kilogramme le 1er février (le 1er octobre 1976, le prix cible de 1,70 mark allemand par kilogramme n'avait sans doute pas été atteint). La note d'Exxon fait allusion aux réunions de l'industrie du PEBD qui "apparemment se sont tenues fréquemment ces derniers mois pour tenter d'établir un "mécanisme'' permettant une augmentation importante des prix" et qui comportaient en outre "des actions concertées de l'industrie sur le plan des volumes". Des "réunions locales" des producteurs britanniques de PEBD semblent en outre avoir commencé en 1976.
Dans sa réponse, ICI a précisé quelles étaient les entreprises qui avaient participé à au moins une des réunions "internationales" ; il s'agit des sociétés suivantes : ATO (le prédécesseur d'Atochem), BASF, Bayer, BP, CdF, Danubia, Dow, DSM, Enichem, Enpetrol, ICI, Neste Oy, Hoechst, Norpolefin, Montedison, Saeta et Unifos (acquise par Neste Oy en 1985) (5). La liste des participants a été amplement confirmée par DSM, qui a cité les entreprises suivantes : ATO, BASF, Cdf, Dow, DSM, ICI, Montedison, Enichem, Pekema (qui fait partie du groupe Neste OY depuis 1978) et SAGA.
(13) Les réunions des "patrons" ou "directeurs" se tenaient chaque mois, des sessions plus techniques d'"experts" ayant lieu entre les réunions au niveau supérieur.
Au début de 1982, il semble qu'il y ait eu des doutes quant à la nécessité de maintenir les réunions des "experts".
Lors de leur réunion du 20 janvier 1982, les "directeurs" ont décidé que les sessions d'"experts" se poursuivraient en raison de leur "utilité réelle". Les experts (suivant le compte rendu de la réunion) ne pourraient modifier les politiques arrêtées par les directeurs, mais devraient fixer le détail de leur mise en œuvre.
(14) Toutefois, seuls deux comptes rendus détaillés de réunions ont été découverts, tous deux chez Repsol, lors de l'enquête réalisée en janvier 1987.
Le premier est un compte rendu détaillé d'une réunion des directeurs organisée à Zurich le 20 janvier 1982 et le second provient d'une session d'experts tenue à Milan le 10 mai 1982.
Le compte rendu de la réunion des directeurs en date du 20 janvier 1982 comprend un calendrier des réunions au niveau supérieur prévues pour le reste de l'année ainsi que le nom de l'entreprise chargée d'organiser chaque réunion. Sont cités dans cette note, en tant qu'organisateurs des réunions à venir : ATO, BASF, CdF, Dow, Enoxy (ultérieurement une division de Enichem), ICI, Montedison, Chemie Linz, Pekema, Unifos et "les producteurs espagnols" (Pekema faisait déjà partie de Neste OY et Unifos a ensuite également été absorbée par le groupe Neste).
Les neuf participants à la réunion des "experts" du 10 mai 1982 étaient les suivants : ATO, BASF, CdF, Dow, Enoxy, ICI, Montepolimeri (une société du groupe Montedison), Repsol et Chemie Linz.
D'après le compte rendu d'une réunion tenue entre Dow et Repsol à Zurich le 30 octobre 1984, huit producteurs de PEBD devaient s'y réunir le 13 novembre 1984 pour ce qui devait en principe être "la dernière réunion" : ATO, BASF (un point d'interrogation figurait à côté du nom de cette entreprise), Bayer, CdF, Dow, DSM, Enichem et Pekema. Repsol était également officiellement invitée. On ne sait pas si la réunion a effectivement été tenue comme prévu. Qu'elle ait eu lieu ou non, l'intérêt du document est qu'il révèle que les producteurs cités étaient toujours engagés dans une structure constante de collusion.
(15) En dépit des preuves très claires de leur participation aux réunions, la quasi-totalité des entreprises ont nié, tout au moins jusqu'à un stade avancé de la procédure, en avoir connaissance ou ont refusé pour divers motifs de répondre aux demandes et aux décisions de la Commission au titre de l'article 11 paragraphe 5 du règlement n° 17.
Parmi les entreprises destinataires de la présente décision, seules Shell et Monsanto ne sont pas identifiées comme ayant participé au système de réunions "internationales".
Shell n'a pas assisté aux réunions plénières, mais admet que des contacts téléphoniques concernant ses ventes ont eu lieu "occasionnellement" avec ICI et que la société de vente britannique de Shell a participé à des réunions locales à partir de fin 1977.
Monsanto a également assisté à des réunions nationales au Royaume-Uni, tout comme BP, qui reconnaît également avoir participé à deux réunions "internationales" en 1980 et avoir eu d'autres contacts avec des concurrents, mais nie que de telles réunions internationales ou de tels contacts aient porté sur des pratiques anticoncurrentielles.
Des réunions locales au Royaume-Uni se tenaient dès 1976, auxquelles participaient initialement ICI, Shell Chemicals (UK) Ltd, BXL (rachetée par BP à Union Carbide en 1978 et ensuite appelée BP Chemicals Ltd) et Monsanto. À partir de 1980, les producteurs locaux ont été rejoints par des importateurs, mais leur identité est inconnue. D'après BP, Monsanto a cessé d'y assister vers 1980.
Repsol était en contact étroit avec les autres producteurs espagnols, y compris la filiale espagnole de Dow, et également avec le siège de Dow à Zurich.
La seule autre référence aux réunions locales figurant dans le document concerne l'Italie. D'après le compte rendu, fait par Repsol, de la réunion de mai 1982 à Milan, ces réunions se tenaient à ce moment chaque semaine.
On ignore même si ces réunions ont actuellement pris fin. La presse spécialisée fait toujours état d'initiatives de prix. La majorité des producteurs européens de PEBD prenaient toujours part à une forme quelconque de collusion en novembre 1984, un an après le début de l'enquête de la Commission. En décembre 1985 encore, un haut responsable de Enichem a téléphoné à Exxon le message suivant : "L'industrie du polyéthylène va s'efforcer d'appliquer 2 marks allemands par kilogramme le 1er février et je tenais à vous en informer." Les conditions dans lesquelles cette communication à Exxon s'est faite indiquent que la concertation s'est poursuivie d'une manière ou de l'autre entre d'autres producteurs.
3. Objet des réunions
(16) Un certain nombre de producteurs affirment (sans toutefois produire de comptes rendus, de minutes ou d'autres aide-mémoire à l'appui de leurs arguments) que l'objet des réunions était uniquement de discuter de problèmes communs de nature si générale qu'ils ne pouvaient comporter de restrictions de la concurrence. D'autres déclarent que si de vagues propositions étaient parfois faites d'une action concertée sur les prix ou les quotas, celle-ci n'a jamais été mise en œuvre.
Ces arguments sont clairement infirmés par les documents découverts par la Commission. Les documents de planification de 1976 révèlent que les réunions de haut niveau qui se tenaient déjà à cette date avaient pour but de convenir d'initiatives de prix concertées. Les réunions d'"experts" proposées devaient surveiller la mise en œuvre détaillée des plans convenus au niveau des directeurs. Même en l'absence de compte rendu des réunions qui ont eu lieu ultérieurement, la Commission serait autorisée à conclure que leur but et leur objet étaient conformes à ce qui était envisagé dans les rapports du groupe de travail.
Aux premiers stades de l'enquête, en 1983 et 1984, DSM comme ICI ont fermement nié que des comptes rendus de réunions soient disponibles et, à l'exception de Repsol (où des comptes rendus ont été découverts par la Commission en janvier 1987), les entreprises destinataires de la présente décision ont toutes été incapables, ou ont refusé, de produire des documents sur les réunions.
Toutefois, la Commission n'est pas obligée en l'espèce de ne se fonder que sur des preuves indirectes pour l'objet des réunions. Les comptes rendus détaillés de deux réunions trouvés chez Repsol permettent de conclure que celles-ci :
a) avaient pour objet de fixer des prix cibles, de coordonner des prix de vente et de gérer un système de contrôle des quotas ou des volumes
et
b) s'intégraient dans un système régulier de réunions bihebdomadaires.
L'objet anticoncurrentiel des réunions est confirmé par un document du 4 juillet 1983 découvert chez DSM et portant sur la fixation de prix lors des réunions des "patrons" en 1983, ainsi que par un document de ICI concernant une réunion tenue à Paris en août 1982 et qui évoque la fixation d'un nouveau prix cible pour le PEBD.
(17) Les documents permettent donc de prouver que l'objet des réunions des "patrons" et des "experts" était le suivant :
a) négocier des objectifs de vente ou des quotas annuels pour chaque producteur ;
b) fixer des "prix cibles", c'est-à-dire le niveau auquel les producteurs tenteraient de porter les prix par le biais d'une "initiative de prix" concertée, avec un barème dans chaque devise ;
c) convenir des mesures à prendre pour soutenir la mise en œuvre des initiatives de prix concertées ;
d) surveiller l'application détaillée du système de quotas ou autres mécanismes de contrôle des tonnages et l'évolution des initiatives de prix convenues.
4. Systèmes de quotas
(18) En septembre 1976, le président du groupe de travail avait proposé une solution de compromis pour le contrôle des tonnages, consistant à répartir le marché en fonction de la "capacité pondérée" de chaque producteur établie en opérant une déduction de 25 %, de 50 % ou de 75 % sur les nouvelles capacités installées à diverses dates après mi-1974. Il semble que les installateurs de ces nouvelles capacités aient été considérés comme responsables du problème de surcapacité.
D'après les réponses initiales fournies par DSM et ICI aux décisions prises au titre de l'article 11 en 1984, il ne s'agissait que d'une simple proposition qui n'a jamais été appliquée.
(19) Des documents découverts ultérieurement chez Repsol (mais provenant probablement de ICI) prouvent toutefois que des objectifs de vente avaient été convenus pour 1980 pour chaque producteur sur la base d'une formule fondée sur la "capacité pondérée", notion qui figurait dans la proposition initiale de 1976. Des objectifs étaient attribués qui tenaient compte des nouvelles capacités suivant une "formule convenue", mais toute augmentation des quotas résultant des capacités nouvelles était réduite pour répondre au développement prévu du marché.
Pour 1981, une modification des objectifs calculés sur la base des "procédures convenues" a été proposée pour tenir compte du faible niveau de la demande. D'après cette formule, les "objectifs" cumulés auraient atteint 4,27 millions de tonnes, alors que la demande totale n'était évaluée qu'à environ 3,65 millions de tonnes pour 1981. S'il semble (d'après un document trouvé chez ICI) que, en avril 1981, aucun accord définitif n'avait encore été atteint sur les quotas de l'année, il est certain qu'un système de contrôle et de notification des tonnages était en vigueur à la fin de l'année, comportant la fourniture d'un quota mensuel et annuel ainsi que des estimations des ventes mensuelles de chaque producteur (compte rendu de la réunion des directeurs du 20 janvier 1982). En 1981, un système de "compensation" destiné à pénaliser les producteurs qui avaient dépassé leur quota mensuel a également été proposé, mais il n'est pas certain qu'il ait été mis en application. La Commission a également découvert chez Repsol des documents faisant état d'une "formule de paix" proposée en 1982, avec des indications de quotas en pourcentage pour chaque producteur comparés aux ventes réelles en 1981 (6).
En 1982, un système de quotas a une nouvelle fois été mis en œuvre : on peut lire dans le compte rendu de la réunion des directeurs du 20 janvier 1982 que "les quotas mensuels seront attribués comme d'habitude sous réserve (pour le moment) d'une marge de sécurité de 10 %" (traduction d'un original espagnol). (La marge de 10 % était sans doute un compromis adopté en raison de certains désaccords sur un système de quotas définitif.) Au cours de la réunion suivante des "experts", le 10 mai, les neuf participants ont échangé des données détaillées sur leurs ventes estimées pour les deux mois précédents. Leurs ventes totales étaient comparées au total global du FIDES. Cet échange a manifestement eu lieu dans le cadre d'un système de contrôle des tonnages.
L'existence probable d'un mécanisme de contrôle des tonnages en 1984 est attestée par un document découvert chez CdF qui tend : i) à comparer les ventes réelles de chaque producteur, pour la période de janvier à octobre 1984, aux chiffres de la période correspondante de 1983 et ii) à ajuster les totaux aux statistiques globales du FIDES pour les périodes en question. (La comparaison avec les totaux du FIDES semble avoir pour but de vérifier l'exactitude des chiffres de vente déclarés par les producteurs et rappelle la mention figurant dans le document de planification de 1976, où il était question d'utiliser le FIDES comme "auxiliaire".) CdF affirme ne pas être en mesure de déterminer la provenance de ce document ni de donner aucune autre information à ce sujet.
5. Objectifs de prix
(20) L'un des buts des réunions des producteurs consistait à fixer un prix cible pour le PEBD et à planifier une action coordonnée ou "initiative" pour assurer l'application de ce prix à une date déterminée.
Les initiatives de prix tentées avant septembre 1976 n'ont eu qu'un succès mitigé et la nouvelle proposition visait à renforcer le mécanisme existant en combinant des initiatives de prix périodiques à un contrôle permanent des tonnages.
Les documents recueillis par la Commission indiquent que les "patrons" arrêtaient la stratégie des futures initiatives de prix, laissant le soin de régler les détails aux chefs des produits PEBD lors des réunions d'"experts".
(21) Ainsi, le compte rendu fait par Repsol de la réunion des "experts" tenue à Milan le 10 mai 1982 indique que l'objectif pour juin avait initialement été fixé à 2 marks allemands par kilogramme, mais que Dow proposait de porter le prix à 2,05 marks allemands par kilogramme à la suite d'une hausse du prix de l'éthylène. Au cours de cette réunion, les participants, ayant d'abord échangé des estimations de leurs fournitures respectives au cours des deux mois précédents, ont fait rapport sur la tendance générale des prix sur les marchés nationaux ainsi que sur les prix appliqués par chaque producteur.
Le document découvert chez DSM en date du 4 juillet 1983 donne des indications similaires sur la façon dont les initiatives de prix ont été planifiées. Lors de la dernière réunion des "patrons" (le 15 juin 1983 à Helsinki), un prix de 2 à 2,05 marks allemands (7) avait été prévu pour septembre 1983, les prix du mois d'août restant au niveau de ceux de juillet. La note de DSM décrit les contacts qui avaient eu lieu ultérieurement avec BASF et indique que DSM était favorable à la proposition que BASF allait sans doute faire lors de la session des "patrons" de juillet 1983, à savoir avancer l'initiative de prix au 1er août plutôt que d'attendre le 1er septembre.
Le document de planification de 1976 et les comptes rendus des réunions découverts chez Alcudia indiquent que, si le prix en marks allemands était utilisé comme prix cible "européen", l'équivalent était calculé pour chaque marché national dans la devise correspondante.
(22) La Commission a invité les entreprises impliquées dans la présente affaire à lui communiquer tous leurs documents internes concernant les objectifs de prix, les barèmes de prix ou les instructions en matière de prix adressées aux bureaux de vente nationaux. Dans la plupart des cas, les entreprises ont prétendu soit que ces documents avaient été détruits comme le voulait la routine, soit qu'ils n'avaient jamais existé étant donné que toutes les instructions étaient données par téléphone. D'autres ont affirmé que toutes les décisions en matière de prix étaient prises client par client et qu'aucune politique générale n'avait jamais été définie. La Commission ne peut croire que, dans un secteur aussi sensible aux prix, les entreprises puissent ne pas avoir eu d'objectifs spécifiques en matière de prix ni qu'aucun document écrit n'ait été conservé, d'autant plus que le peu d'entreprises visitées en novembre 1983 avaient des documents très complets.
Il n'a donc pas été possible de comparer les objectifs de prix internes de tous les producteurs aux prix cibles connus ou de les comparer entre eux.
(23) Néanmoins, en dépit de l'absence dans les archives de la plupart des producteurs de tout document indiquant leurs objectifs en matière de prix, la Commission a pu déterminer plus de vingt "initiatives de prix" de l'industrie pour le PEBD au cours de la période visée par la présente décision. Les détails sont repris au tableau 1.
Des initiatives régulières prises par l'industrie pour porter le prix européen à un niveau "cible" déterminé sont régulièrement évoquées dans la presse spécialisée. Ces comptes rendus décrivent les conditions qui régnaient sur le marché et définissent presque toujours le nouveau prix "cible" ainsi que la date à laquelle les hausses doivent entrer en vigueur.
Les comptes rendus parus dans la presse spécialisée au sujet d'une pression ou "initiative" déterminée en matière de prix sont conformes aux indications qui figurent dans les archives des producteurs pour lesquels on dispose de documents sur la fixation des prix, indications selon lesquelles un "objectif" précis avait été fixé par l'industrie et des efforts concertés étaient prévus pour le mettre en œuvre.
(24) La Commission a pu obtenir des documents sur les prix pour la période considérée d'un certain nombre d'entreprises, particulièrement de ICI et de DSM pour la période d'avant octobre 1983, et dans une moindre mesure, de Dow.
Ces trois producteurs ont participé aux réunions internationales de "patrons" et des "experts".
Les barèmes internes de ces trois producteurs constitueraient en eux-mêmes une forte indication d'une collusion, même si l'on ignorait qu'ils ont participé aux réunions. Les documents relatifs aux prix indiquent qu'un système de barèmes identiques devait prendre effet à la même date. Dans un certain nombre de cas, les barèmes de ICI, de DSM et de Dow - pour les consommateurs de catégories "a" et "b" dans chaque devise - sont identiques non seulement en ce qui concerne les prix, mais également en ce qui concerne l'ordre exact dans lequel ils y figurent.
Ces barèmes identiques sont étroitement liés aux dates connues des réunions et, dans cartains cas (par exemple d'après la note de DSM du 4 juillet 1983), une relation explicite est faite entre les réunions et l'instauration des nouveaux barèmes.
La Commission n'est pas en mesure, vu l'absence quasi totale de documents des producteurs sur les prix, de prouver que tous ont instauré simultanément des barèmes identiques, voire appliqué les prix cibles "européens" en marks allemands. Le lien entre les initiatives de prix concertées et le système de réunions auquel ils ont presque tous participé est toutefois clairement établi.
(25) Les producteurs ne nient pas que, de la part de l'industrie, il y ait eu des initiatives de prix. Toutefois, la plupart affirment que celles-ci n'étaient pas le résultat d'une action concertée, mais constituaient une réaction spontanée et indépendante à une mainmise sur les prix dans un marché oligopolistique. Ils attribuent la pratique des prix parallèles à la théorie économique de la "fixation barométrique des prix", selon laquelle l'un ou l'autre des gros producteurs fixe un prix proche de celui qui s'établirait de toute façon dans des conditions de pleine concurrence, et est alors suivi par les autres sans qu'aient lieu des contacts illicites. Pour admettre la valeur de ces arguments, la Commission devrait ignorer l'existence de preuves écrites très abondantes portant sur :
1) l'objet des réunions de "patrons" et d'"experts" prévues dans les documents de planification de 1976 ;
2) les comptes rendus détaillés de réunions découverts chez Repsol ainsi que la note de DSM du 4 juillet 1983 ;
3) la participation aux réunions de la quasi-totalité des producteurs de PEBD ;
4) les listes de prix identiques trouvées chez plusieurs producteurs ;
5) la teneur des rapports internes des producteurs, qui constitue une forte présomption de ce que ces initiatives de prix faisaient partie d'un plan concerté.
Étant donné qu'ils ont participé aux réunions, il est vain de prétendre (comme le font certains producteurs) qu'ils ont été informés des hausses de prix imminentes par la presse commerciale et ont décidé indépendamment de les soutenir.
6. Initiatives en matière de prix
(26) Les documents sur les prix provenant de DSM, de Dow et de ICI en particulier révèlent que des hausses simultanées et identiques des barèmes ont eu lieu à l'occasion des initiatives de prix. Les bureaux locaux de vente recevaient l'ordre strict de ne pas vendre au-dessous du barème et de ne pas permettre de "passer" les commandes d'un mois à l'autre aux prix anciens. Il fallait dissuader les clients qui tentaient de le faire de procéder à des achats importants en anticipant sur une initiative de prix. Des mécanismes de limitation des tonnages devaient, en outre, être mis en œuvre pour soutenir ces initiatives.
La Commission sait que, en dépit des efforts des producteurs pour appliquer une discipline commune en matière de prix, les initiatives concertées pour le PEBD n'ont souvent eu qu'un succès mitigé ou, dans certains cas, ont été considérées comme un échec total.
Divers facteurs peuvent expliquer l'écart entre les prix de barème et les prix du marché. Dans certains cas, les clients ont fait des achats importants à l'ancien prix en anticipant sur des initiatives de prix attendues ou annoncées. Certains producteurs ont sans doute montré peu d'empressement à appliquer les nouveaux barèmes sur certains marchés nationaux ; d'autres offraient des ristournes ou des rabais spéciaux à certains clients ; d'autres encore se sont sans doute efforcés de suivre une politique intermédiaire entre la majoration des prix au niveau cible et le maintien de leur part de marché ; des prix moins élevés sur un marché national pouvaient également avoir un effet défavorable sur un marché voisin ; en 1981, en particulier, la chute brutale de la demande a entravé les actions concertées sur les prix.
Il est également vrai qu'un certain nombre de producteurs qui ont participé aux réunions ont été taxés d'"agressivité" sur certains marchés par les autres producteurs qui se considéraient comme d'ardents défenseurs des initiatives de prix et étaient disposés à accepter une perte sur le plan des tonnages pour imposer une hausse (les ventes au-dessous des prix pouvaient être discutées aux réunions d'experts, ainsi que le révèle le compte rendu fait par Repsol de la réunion de Milan).
(27) Néanmoins, les initiatives ont souvent entraîné une majoration des prix, ainsi qu'il ressort du tableau 2. Les clients se voyaient généralement appliquer sur le marché un prix "de référence" connu. Alors que certains clients pouvaient obtenir des conditions spéciales ou des ristournes, la fixation d'un prix cible déterminé restreignait inévitablement leur marge de négociation.
C. La preuve de l'existence de l'entente et de la participation de chaque producteur
1. La preuve de l'existence du principe de l'entente
(28) De par la nature de l'infraction en cause dans la présente affaire, toute décision devra se fonder dans une large mesure sur des preuves indirectes : il se peut que les faits qui constituent l'infraction à l'article 85 doivent être établis par déduction logique d'autres faits avérés.
Dans la présente affaire, la Commission a obtenu, outre les preuves indirectes, un ensemble substantiel de preuves directes consistant en documents portant sur les faits en cause. L'existence d'une infraction à l'article 85 doit être examinée à la lumière (notamment) des éléments ci-après :
a) la proposition, exposée en détail dans les documents du groupe de travail de 1976, d'un nouveau mécanisme de fixation des prix et de surveillance des tonnages géré par un système de réunions périodiques à deux niveaux ;
b) l'existence d'un système de réunions correspondant pour l'essentiel à ce plan ;
c) le but et l'objet de plusieurs de ces réunions, ainsi qu'il ressort des documents découverts chez Repsol, chez DSM et chez ICI ;
d) la participation prouvée à ces réunions de la majorité des entreprises destinataires de la présente décision ;
e) les documents portant sur les systèmes de partage des marchés et de contrôle des tonnages du type même de ceux envisagés dans les documents de planification de 1976 ;
f) le phénomène des hausses de prix uniformes au cours de la période où les entreprises se réunissaient régulièrement.
(29) Au cours de la procédure administrative, les entreprises se sont efforcées d'isoler chaque élément de preuve du reste ; elles ont fait valoir (notamment) qu'il n'est pas prouvé que le plan de 1976 ait jamais été mis en œuvre, qu'il n'est pas établi que les réunions avaient pour objet des discussions collusoires, qu'il n'est pas prouvé que les initiatives de prix aient eu un rapport avec les réunions. Pour chaque élément de preuve, des hypothèses sont avancées, qui (selon les entreprises) sont compatibles avec la non-existence d'une entente et avec la non-participation du producteur concerné. Toutefois, dans de nombreux cas, les arguments développés par les entreprises concernant un document déterminé sont en contradiction avec le texte du document lui-même.
La Commision estime que les différents éléments de preuve directs et indirects doivent en l'espèce être considérés ensemble. En particulier, le système de réunions régulières ne peut être dissocié du plan global proposé en 1976, pas plus que les initiatives de prix ne peuvent l'être de l'existence des réunions ; les réunions assez peu nombreuses pour lesquelles il existe des documents peuvent être considérées comme représentatives des autres réunions régulières. Dans cette optique, chaque élément de preuve renforce les autres à l'égard des faits en cause et aboutit à la conclusion qu'une entente consistant à partager les marchés et à fixer les prix a été mise en œuvre pour le PEBD.
2. La participation de chaque producteur
(30) La preuve essentielle de l'existence de l'entente est apportée par les documents de planification de 1976, par la mise en œuvre attestée d'un système de réunions régulières entre entreprises censément concurrentes et par les documents portant sur les mécanismes de quotas et de compensation.
En ce qui concerne l'administration pratique de la preuve, la Commission considère qu'il est nécessaire non seulement de démontrer l'existence d'une entente par des éléments convaincants, mais également de prouver que chaque participant présumé a adhéré au système commun. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille nécessairement des documents attestant que chaque participant a pris part à chaque manifestation de l'infraction. Il est hautement improbable que dans une affaire de cette nature, on trouve de tels documents chez chaque participant. De même, on ne peut s'attendre à ce que chaque document cite tous les participants à l'entente. En l'espèce, il n'a pas été possible, vu l'absence de documents sur les prix, de prouver la participation effective de chaque producteur aux initiatives de prix concertées. C'est pourquoi la Commission a examiné, pour chaque participant présumé, s'il existait des preuves suffisantes et certaines de son adhésion à l'entente considérée globalement, plutôt que des preuves de sa participation à chaque aspect de celle-ci.
Dans la présente affaire, la preuve essentielle démontre en fait non seulement l'existence d'un système commun, mais identifie aussi la quasi-totalité des participants à l'entente. Presque toutes les entreprises sont citées dans les documents du groupe du travail de 1976, et DSM et ICI ont identifié la plupart de celles qui ont participé aux réunions. On trouve confirmation de ces éléments de preuve dans les documents découverts lors des vérifications de 1987, en particulier chez Repsol. La plupart des producteurs - Atochem, BASF, Bayer, CdF, Chemie Linz (maintenant Chemie Holding), Dow, DSM, Enichem (ou Enoxy), ICI, Montedison, Repsol elle-même, Pekema et Unifos (ces deux dernières à présent fusionnées dans Neste Oy) - ont participé au système de réunions régulières. D'autres, BP, Hoechst, Monsanto, Shell et SAGA (ultérieurement Statoil), sont cités dans les documents portant sur les quotas d'une manière qui, s'ajoutant à d'autres éléments de preuve (8), est une indication de leur participation au système, bien que, dans certains cas, dans une mesure moindre que dans d'autres.
(31) Bien qu'au sens de l'article 85 il faille considérer comme entente l'action conjuguée des participants pour atteindre un but illicite commun, de sorte que l'infraction consiste essentiellement en une entreprise commune pour laquelle les différentes sociétés assument une responsabilité partagée, la Commission a également tenu compte du rôle joué par chaque producteur et des preuves de la participation de chacun à cette entente. Chaque producteur a reçu toutes les informations nécessaires au cours de la procédure administrative.
Les producteurs peuvent être classés en deux grandes catégories : ceux qui ont pris part aux réunions de l'entente et ceux qui n'ont joué qu'un rôle plus marginal.
Atochem, BASF, Bayer, CdF, Chemie Linz (à présent Chemie Holding), Dow, DSM, Enichem, Hoechst, ICI, Montedison, Pekema et Unifos (à présent fusionnées en Neste OY), Repsol et SAGA (à présent Statoil) relèvent de la première catégorie. Toutes ces entreprises ont participé aux réunions plénières. À l'exception de Chemie Linz, de Repsol et de SAGA, il existe pour toutes ces entreprises des indications de leur participation au groupe d'"experts" en 1976. Il est impossible de préciser exactement avec quelle régularité elles ont assisté aux réunions, les entreprises ayant refusé de fournir des informations à ce sujet.
En tout état de cause, étant donné que l'entente s'est poursuivie pendant un certain nombre d'années, le fait que certains membres puissent avoir manqué certaines réunions ou même y aient participé moins souvent que d'autres n'a pas de portée pratique.
Ainsi, DSM a affirmé qu'elle n'avait pas assisté aux réunions entre le début de 1981 et la moitié de 1983, mais les documents concernant les quotas et ses propres instructions en matière de prix établissent que cette société a pleinement participé à l'entente au cours de cette période.
Atochem, Bayer, CdF, Dow, DSM, Enichem, Pekema et probablement BASF également planifiaient toujours des réunions jusqu'à novembre 1984. Repsol, qui était en contact avec Dow, était également invitée. Étant donné qu'à ce moment Montedison et Hoechst avaient mis fin à leurs activités dans le domaine du PEBD et que celles de ICI au Royaume-Uni avaient été transférées à BP, la plupart des entreprises de ce secteur participaient toujours à la collusion. Seules BP, Chemie Linz, ICI, Shell et Statoil, parmi les producteurs d'Europe occidentale, ne devaient pas participer à la réunion du 13 novembre et, parmi celles-ci, seule BP paraît ne plus avoir participé à un système d'échange d'informations [dans le document de CdF comparant les ventes de 1983 et de 1984, BP et Exxon sont marquées de la lettre "E", qui signifie probablement "estimation" (9)].
Le fait que la première visite, en 1987, n'ait pas permis de découvrir de documents de prix internes chez la plupart des entreprises qui en ont fait l'objet ne les disculpe pas pour cet aspect du fonctionnement de l'entente. La Commission n'admet pas que ces producteurs puissent avoir mené des activités concernant ce produit sensible aux prix sans direction interne de leur politique en matière de prix. Le degré de responsabilité de chaque participant ne dépend pas des documents qui, par hasard ou autrement, seraient découverts dans une entreprise donnée, mais plutôt de sa participation à l'entente considérée globalement. Les comptes rendus disponibles des réunions auxquelles les entreprises ont assisté révèlent que les discussions avaient dans une large mesure pour objet une collusion sur les prix ; de toute façon, le mécanisme de contrôle des tonnages, auquel presque tous les producteurs ont participé d'après les preuves existantes, ne peut être séparé des initiatives de prix.
(32) Le cas de BP, de Shell et de Monsanto est à examiner à part. Leur participation à l'entente ne doit être considérée que comme partielle ; le problème est de savoir si elle était suffisante pour leur donner une part de responsabilité dans l'infraction, bien qu'en tant qu'acteurs de second rang.
Certes, le simple fait d'avoir connaissance de l'existence d'une entente ne constitue pas une participation à l'infraction, mais quand une entreprise est en contact direct ou indirect avec l'entente et adhère à la pratique illégale, elle peut toujours être partie à une pratique concertée, même si elle ne joue pas un rôle de premier plan dans l'entente globale.
BP, Shell et Monsanto se sont toutes vu attribuer des quotas en 1981 et sont également citées à propos de la "formule de prix" pour 1982. Elles affirment toutes que l'attribution à chacune d'entre elles d'un quota ne signifie pas qu'elles aient nécessairement participé au système lui-même. Les producteurs qui ont établi un système de quotas doivent (selon elles) tenir compte des ventes prévues des non-participants afin de rendre le système praticable. Il s'avère toutefois que même si elles n'ont pas fait des rapports mensuels, leurs ventes réelles pour 1981 ont été communiquées de façon assez précise à l'entente.
On trouve dans des documents de BP et de Shell des indications qui établissent que ces deux producteurs étaient au courant d'initiatives de prix imminentes de l'industrie et planifiaient leur propre politique sur cette base. Toutefois, tout parallélisme quant aux prix est attribué par ces entreprises à la nécessité de suivre le marché : elles affirment qu'elles n'ont eu connaissance des initiatives de prix prévues par les autres que par des "informations obtenues sur le marché" d'une manière licite ou des sources publiées.
(33) En l'absence de la preuve de participation aux réunions ou d'autres contacts, la Commission aurait pu laisser à ces trois entreprises le bénéfice du doute.
Il n'en reste pas moins vrai cependant que BP, Shell (UK) Ltd et Monsanto ont toutes participé à des réunions locales régulières au Royaume-Uni. Ainsi que BP et Shell elles-mêmes l'admettent, la première entreprise du marché (à savoir ICI) a communiqué à ces réunions les hausses des prix qu'elle se proposait d'appliquer, dans l'intention manifeste de rechercher leur appui.
Dans le cas de BP, il n'est pas nécessaire de trancher la question controversée de savoir si elle a ou non participé aux réunions plénières de l'entente, étant donné qu'elle admet avoir assisté à des réunions locales au Royaume-Uni de 1978 à 1982. Quelle que soit l'attitude de BP à l'égard du système de quotas (ICI pensait qu'elle ne voudrait pas adhérer au mécanisme de compensation), il est établi que cette société était de temps en temps informée d'avance d'initiatives de prix et les avait "soutenues". Ce fait est confirmé par la corrélation régulière entre le "prix affiché" de BP et les prix cibles connus au cours de périodes pour lesquelles il existe des preuves suffisantes pour permettre une comparaison.Eu égard à la participation de cette entreprise aux réunions locales, la Commission ne peut accepter que sa connaissance des intentions de l'entente ne soit provenue que de sources licites.
Shell admet également que si elle n'a pas participé aux réunions plénières, elle a eu des contacts téléphoniques occasionnels avec ICI, qui demandait confirmation de son "estimation des ventes des sociétés Shell sur le marché européen". Shell affirme n'avoir donné "aucune information précise", mais (contrairement à Exxon) elle n'a pas repoussé les avances de ICI, et l'information qu'elle a fournie doit avoir facilité la tâche de l'entente en ce qui concerne le contrôle des tonnages.
La participation de Shell peut également être considérée comme une coopération avec l'entente. Les contacts téléphoniques qu'elle admet avoir eus avec ICI et la participation de la société d'exploitation Shell UK à des réunions locales ont constitué à tout le moins un canal permettant un échange d'informations à l'avantage mutuel de Shell et des membres de l'entente. Shell était informée des initiatives de prix prévues et pouvait ainsi ajuster sa propre politique, et l'entente était informée des ventes de Shell pour pouvoir gérer les mécanismes de contrôle des tonnages.
Il n'y a pas de preuves écrites de la politique commerciale ou de la politique de prix pratiquée par Monsanto, mais sa participation à des réunions locales, où, à tout le moins, ICI a informé les autres des prix qu'elle se proposait d'appliquer, s'ajoutant aux documents qui la lient (bien que partiellement) au système de quotas, suffit à établir sa participation à l'infraction.
D. Problèmes de procédure
(34) Au cours de la procédure administrative, plusieurs entreprises ont fait valoir que la Commission avait violé leurs droits de défense en rejetant leurs demandes d'avoir pleinement accès aux dossiers administratifs.
La position de la Commission sur cette question a été exprimée dans la lettre de couverture envoyée avec la communication des griefs à toutes les entreprises impliquées dans l'affaire, chacune d'elles ayant reçu tous les documents nécessaires pour appuyer les allégations contenues dans les griefs de même qu'une série complète des réponses apportées en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. La Commission a également fourni une liste des documents du dossier, indiquant ceux auxquels chaque entreprise pouvait avoir accès si elle le désirait ; cependant, il a été précisé que, pour des raisons de confidentialité, aucune entreprise ne serait autorisée à examiner des documents commerciaux internes obtenus de la part de ses concurrents en vertu des articles 11 et 14 du règlement n° 17, à l'exception des documents annexés à la communication des griefs. La Commission a ensuite, et de sa propre initiative, fourni à chaque entreprise des documents complémentaires qui pouvaient être utiles à la défense.
Après l'expiration du délai accordé pour la réponse à la communication des griefs, la majorité des entreprises sont entrées en contact avec la Commission et, sur la base de renonciations réciproques à la confidentialité, ont demandé que la Commission autorise chacune d'elles à examiner tous les documents obtenus par la Commission auprès des autres. La Commission a immédiatement informé ces entreprises que chacune d'elles détenait les copies des documents qu'elles avaient fournis à la Commission, et que si elles estimaient qu'une divulgation réciproque pouvait présenter quelque utilité, la Commission n'aurait aucune objection à ce qu'elles organisent entre elles un tel échange de documents.
Il faudrait préciser que tout renoncement de la part d'entreprises au caractère confidentiel de leurs documents d'affaires internes est subordonné à l'intérêt public, qui exige que des concurrents ne soient pas informés réciproquement de leurs activités et de leurs politiques commerciales de telle manière que la concurrence entre eux soit restreinte.
S'il avait existé dans les dossiers de la Commission quelque document non divulgué à toutes les entreprises, qui aurait pu jeter un doute sur les allégations faites dans la communication des griefs, l'entreprise à l'origine de ce document aurait sans aucun doute attiré l'attention sur celui-ci pendant la procédure administrative. Aucun document de cette nature n'a été présenté.
La cour de justice a souligné à maintes reprises (voir par exemple l'arrêt du 17 janvier 1984 dans les affaires jointes 43-82 et 63-82, VBVB et VBBB contre Commission, Recueil 1984, page 19) qu'aucune disposition n'oblige la Commission à divulguer tout le contenu de son dossier administratif aux entreprises. Les droits de la défense sont pleinement protégés si les entreprises ont eu la possibilité de s'expliquer sur les documents réunis par la Commission en vue d'appuyer ses conclusions dans une décision finale. Si dans une décision, la Commission fondait ses conclusions sur des documents non divulgués aux parties, cette décision pourrait être annulée. Dans la présente affaire, la Commission est allée au-delà des exigences de la cour de justice et non seulement a divulgué aux entreprises les documents appuyant les allégations formulées dans la communication des griefs, mais leur a également fourni des documents (provenant de l'une ou de l'autre d'entre elles) qui n'étaient pas cités dans les griefs mais qui ont été considérés comme étant susceptibles d'être utiles à la défense. Les entreprises se sont appuyées sur ces documents et la présente décision les a pleinement pris en considération.
PARTIE II - APPRÉCIATION JURIDIQUE
A. Article 85
1. Article 85 paragraphe 1
(35) L'article 85 paragraphe 1 du traité CEE interdit comme étant incompatibles avec le marché commun tous accords entre entreprises ou toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur de marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou autres conditions de transaction et à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.
2. Caractère et structure de l'accord
(36) Depuis 1976 au moins, les producteurs de PEBD approvisionnant la Communauté ont été parties à tout un ensemble de plans, dispositifs et mesures collusoires arrêtés dans le cadre d'un système de réunions périodiques.
Ces réunions portaient sur des accords qui restreignaient la concurrence sur le marché, et notamment sur les points suivants :
- la fixation de prix cibles,
- les modalités d'"initiatives" concertées en matière de prix visant à relever le niveau de ceux-ci jusqu'aux niveaux "cibles" convenus,
- la répartition du marché d'Europe occidentale conformément à des parts de marché "idéales" ou à des quotas cibles,
- l'échange d'informations détaillées sur leurs activités sur le marché pour leur permettre de mieux coordonner leur action sur le plan commercial.
(37) Pour qu'une restriction constitue un "accord" au sens de l'article 85, il n'est nullement nécessaire que les parties la considèrent comme juridiquement contraignante. En effet, dans une entente secrète, lorsque les parties mesurent pleinement le caractère illégal de leur comportement, elles n'entendent évidemment pas que leurs arrangements collusoires aient une force contractuelle. Un "accord" au sens de l'article 85 peut exister dès lors que les parties s'entendent sur un plan qui limite, ou est de nature à limiter, leur liberté commerciale en déterminant les lignes de leur action ou de leur abstention réciproque sur le marché. Aucune procédure d'exécution telle que pourrait en prévoir un contrat civil n'est requise. Il n'est pas nécessaire non plus qu'un tel accord soit établi par écrit.
En l'espèce, les arrangements restrictifs permanents appliqués par les producteurs de PEBD pendant plusieurs années se rattachent incontestablement à la proposition de 1976 dont ils constituent la mise en œuvre pratique.
La Commission considère que l'ensemble des systèmes et arrangements convenus entre les producteurs constitue par conséquent un seul "accord" permanent interdit par l'article 85 paragraphe 1.
(38) Dans le cadre de ce plan d'ensemble, les producteurs ont, de temps en temps, planifié diverses initiatives en matière de prix, et le système des quotas annuels peut lui aussi avoir été révisé pour tenir compte de modifications survenues dans le secteur. Sur tel ou tel aspect des arrangements, un producteur ou un groupe de producteurs déterminé peut avoir, de temps en temps, émis des réserves ou exprimé son désaccord sur un point spécifique. Sur certains points - notamment les quotas - des solutions de compromis peuvent avoir été appliquées temporairement. Cependant, la collusion doit être considérée non pas comme une série d'accords distincts, mais plutôt comme l'exécution d'un large accord permanent entre les mêmes partenaires, suivant les mêmes procédures et avec le même objet commun, à savoir l'établissement d'un mécanisme de régulation des volumes et de concertation sur les prix.
En d'autres termes, la notion d'"accord" qui fait l'objet des griefs de la Commission consiste en une entreprise ou association permanente entre les producteurs ayant pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché du PEBD sur une période de plusieurs années.
L'accord était un accord permanent et le fait que certains producteurs aient éventuellement été absents d'une réunion donnée, aient peut-être participé moins fréquemment que d'autres aux réunions ou qu'il ne soit pas établi, faute de preuves, qu'ils ont mis en œuvre les initiatives en matière de prix n'enlève rien au caractère commun de l'entreprise dans laquelle ils s'étaient engagés.
L'essence même de la présente affaire réside dans une association de producteurs pendant un laps de temps considérable afin d'atteindre un objectif illicite commun, où chaque participant doit non seulement assumer la responsabilité découlant de son rôle direct, mais aussi partager la responsabilité du fonctionnement de l'entente dans son ensemble.
3. Pratiques concertées
(39) La Commission considère donc que la mise en œuvre de l'entente a constitué un "accord" au sens de l'article 85 paragraphe 1.
L'article 85 paragraphe 1 fait référence à la fois aux "accords" et aux "pratiques concertées", mais il peut arriver (en particulier dans le cas d'une entente complexe et durable entre de nombreux participants) que la collusion présente des éléments de l'une et de l'autre formes de coopération illicite.
La notion de "pratique concertée" vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence.
(40) En créant une notion de pratique concertée distincte, le traité visait à empêcher que les entreprises ne contournent l'application de l'article 85 paragraphe 1, en s'entendant sur des modalités contraires à la concurrence et non assimilables à un accord définitif, en s'informant, par exemple, mutuellement à l'avance de l'attitude envisagée par chacun, afin qu'il puisse régler son comportement commercial en sachant que ses concurrents agiront de la même manière : voir l'arrêt de la cour de justice du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries Ltd contre Commission, affaire 48-69 (Recueil 1972, page 619).
Dans son arrêt ultérieur du 16 décembre 1975 dans l'affaire de l'entente européenne sur le sucre [Suiker Unie et autres contre Commission, affaires jointes 40-73 à 48-73, 50-73, 54-73 à 56-73, 111-73, 113-73 et 114-73 (Recueil 1975, page 1663)], la cour, en développant la définition susmentionnée de la pratique concertée, a soutenu que les critères de coordination et de coopération définis par la jurisprudence de la cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable plan, doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence et selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre dans le marché. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou escompté de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à toute prise de contact directe ou indirecte entre elles ayant pour objet ou pour effet soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent le comportement que l'on a décidé, ou que l'on envisage d'adopter soi-même sur le marché.
Un comportement collusoire non assimilable à un accord peut donc également tomber sous le coup de l'interdiction énoncée à l'article 85.
(41) La définition donnée par la cour de la pratique concertée s'applique tout particulièrement bien à la participation de BP, de Monsanto et de Shell, qui étaient en marge de l'entente mais coopéraient avec elle et adhéraient sciemment à ses objectifs globaux. Leurs contacts avec l'entente ont dû leur permettre d'adapter leur propre comportement sur le marché à celui des autres participants et permettre aux autres de tenir compte de leurs intentions.
L'importance de la notion de pratique concertée ne résulte donc pas tant de la distinction entre une telle pratique et un "accord" que de la distinction entre une collusion qui relève de l'article 85 paragraphe 1 et un simple comportement parallèle en l'absence de tout élément de concertation. Peu importe, dès lors, la forme précise que le comportement collusoire a revêtu en l'occurrence.
4. L'objet et l'effet de l'accord
(42) L'article 85 paragraphe 1 cite expressément comme restreignant la concurrence les accords fixant les prix de vente de façon directe ou indirecte ou répartissant les marchés entre producteurs ; or, telles sont justement les caractéristiques essentielles des accords examinés dans la présente affaire.
L'instauration du système des réunions périodiques et la collusion permanente des producteurs avaient pour objectif fondamental de créer un mécanisme permanent qui permette de contrôler les tonnages vendus et de réaliser des hausses de prix concertées.
En organisant une action commune dans le cadre d'initiatives où des prix cibles entraient en vigueur à une date convenue de commun accord, les producteurs cherchaient à éliminer les risques inhérents à toute tentative unilatérale de majoration des prix.
La régulation des volumes avait également pour objectif de créer des conditions de marché artificielles favorables à des hausses de prix, et elle était donc étroitement liée aux initiatives en matière de prix.
Dans la poursuite de ces objectifs, les producteurs visaient à organiser le marché du PEBD sur une base qui substituerait au libre jeu des forces concurrentielles une collusion institutionnalisée et systématique entre les producteurs, équivalant à une entente.
(43) La Commission est parfaitement consciente de la situation du secteur, et en particulier de ce que pendant une longue période, les activités de la majorité des producteurs dans le domaine du PEBD étaient génératrices de pertes et de ce que, souvent, les initiatives en matière de prix étaient prévues uniquement pour maintenir un alignement sur la hausse du prix de la matière première.
De telles considérations n'enlèvent toutefois rien au fait que l'accord ait poursuivi un objectif contraire à la concurrence.
Si, en raison des conditions de concurrence relatives à un produit particulier (par exemple, l'existence d'un grand nombre de fournisseurs), les producteurs éprouvent des difficultés à exercer leurs activités de façon rentable, la solution ne réside pas dans une collusion entre eux pour relever le niveau des prix. À cet égard, l'argument avancé par Montedison en particulier, qui a déclaré que si des réunions avaient eu lieu, elles avaient été motivées par le désir des industriels d'assurer une "concurrence loyale" (c'est-à-dire d'éviter des baisses de prix de nature à compromettre leur rentabilité), doit être rejeté.
Le fait que de telles baisses de prix puissent avoir lieu ne saurait en aucun cas justifier une infraction aux règles de concurrence de la Communauté : voir l'arrêt de la cour de justice dans l'affaire VBVB et VBBB contre Commission, loc. cit. pages 63 et 64.
(44) L'accord ayant eu un objet manifestement anticoncurrentiel, il n'est pas strictement nécessaire de démontrer qu'il a eu un effet néfaste sur la concurrence.
En raison du fait que la majorité des producteurs n'ont pas du fournir des instructions de prix, la Commission n'a pas essayé de démontrer que tous les producteurs appliquaient des augmentations de barème uniformément et simultanément pendant la période couverte par la décision. De plus, savoir si à long terme les niveaux de prix auraient été bien plus bas en l'absence de collusion relève d'une pure spéculation.
La Commission n'accepte cependant pas l'affirmation de certains producteurs selon laquelle leurs arrangements n'auraient eu absolument aucun effet sur la concurrence.
(45) Premièrement, et abstraction faite du succès ou de l'échec de telle ou telle initiative concertée en matière de prix, les producteurs ont mis en œuvre un mécanisme permanent de surveillance de leurs activités dans le contexte d'une solidarité mutuelle consciente.
Deuxièmement, à la suite de la fixation par le secteur d'un niveau de prix "cible" européen, les forces du marché ne pouvaient jouer librement pour établir un niveau de prix concurrentiel. Dans des circonstances normales, si les conditions de l'offre et de la demande sont propices à une augmentation des prix, les principaux producteurs essaient différents niveaux de prix sur le marché, qui se stabilise finalement au niveau approprié. La fixation d'un prix "cible" ou d'un prix de barème unique entrave ou empêche un tel processus. En l'espèce, l'établissement d'un prix "de barème" ou "de référence" unique a restreint les possibilités de négociation des clients. Tous rabais ou conditions spéciales étaient fixés par référence au prix de barème.
Troisièmement, les niveaux de prix effectifs ont augmenté pour se rapprocher des niveaux cibles à l'occasion de nombreuses initiatives de prix qui ont été identifiées. Même si les producteurs n'ont pas atteint entièrement les objectifs, de nombreuses initiatives prouvées ont cepentant été considérées comme ayant permis soit d'enrayer une tendance des prix à la baisse, soit de relever substantiellement leur niveau. Les rapports internes des producteurs montrent cependant que le succès ou l'échec des initiatives de prix dépendait dans une large mesure de facteurs en dehors de leur contrôle. Compte tenu des caractéristiques du marché, il aurait été vain de tenter des initiatives de prix concertées si les conditions n'avaient pas été propices à une majoration. Toutefois, il est peu probable que les producteurs auraient poursuivi leurs réunions périodiques et leurs initiatives de prix concertées pendant huit ans si, comme ils le prétendent, les arrangements avaient été tout à fait inefficaces.
Enfin, en ce qui concerne le système de quotas, les informations détaillées dont dispose la Commission montrent que, loin d'être une proposition vague qui n'a jamais été mise en œuvre, les systèmes de quotas ont effectivement été appliqués - encore qu'avec certaines modification ou écarts par rapport à des parts "idéales -, et étaient vérifiés de près lors des réunions.
5. Effet sur le commerce entre États membres
(46) L'accord entre les producteurs de PEBD était de nature à avoir un effet sensible sur le commerce entre les États membres de la Communauté.
En l'espèce, l'accord collusoire s'étendait à tous les États membres et recouvrait pratiquement l'ensemble des ventes de ce produit industriel de première importance dans la Communauté. La plupart des producteurs vendent ce produit sur tout le territoire de la Communauté, et compte tenu des déséquilibres existant entre l'offre et la demande sur les divers marchés nationaux, les échanges intracommunautaires sont considérables.
La fixation de prix cibles a nécessairement altéré les courants d'échange entre les États membres et réduit les écarts de prix liés à l'efficacité plus ou moins grande des producteurs. Les arrangements visant à décourager les clients de "faire du tourisme" - tels que le "gel" de la clientèle ou la fin de non-recevoir opposée à des demandes - avaient manifestement pour objectif d'empêcher le développement de nouvelles relations commerciales.
Le système de contrôle des tonnages ne semble pas avoir comporté d'autre subdivision explicite en quotas attribués à chaque État membre. Néanmoins, l'existence même de telles contraintes avait pour effet de restreindre les possibilités de concurrence ouvertes à chaque producteur. En outre, il est probable que les producteurs ont échangé des informations concernant leurs ventes au niveau "national" à des réunions locales. La distinction que l'on retrouve parfois dans les documents entre producteurs "nationaux" ou "domestiques" et importateurs est également révélatrice d'un traitement distinct sur une base nationale.
6. Compétence
(47) L'article 85 du traité CEE s'applique aux pratiques restrictives de nature à affecter le commerce entre États membres, même lorsque les entreprises intéressées sont établies en dehors de la Communauté.
En l'espèce, non seulement ces entreprises se sont concertées, mais elles ont participé avec des producteurs établis dans la Communauté économique européenne à un accord beaucoup plus large restreignant la concurrence dans la Communauté. (10)
Dow est une société de droit américain, mais est l'une des plus grosses entreprises exerçant des activités dans le secteur du PEBD dans la Communauté, et ses installations de production européennes se situent aux Pays-Bas et en Espagne.
Le fait que Chemie Holding, Neste Oy et Statoil aient leurs installations de production de PEBD ainsi que leurs principaux centres d'activité en dehors de la Communauté n'affecte en rien leur responsabilité à l'égard de tout accord appliqué dans la Communauté économique européenne. La Communauté constitue un marché important pour tous ces producteurs et représente d'un quart à la moitié de leur chiffre d'affaires total pour le PEBD.
(48) Dans la mesure où les accords produisaient leurs effets à l'intérieur de la Communauté économique européenne, l'applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE aux producteurs autrichien, finlandais et norvégien n'est pas exclue par les accords de libre-échange passés entre la Communauté économique européenne d'une part et l'Autriche, la Finlande et la Norvège d'autre part: voir l'arrêt de la cour de justice du 27 septembre 1988 dans Ahlstrom Osakeyhtio et autres contre Commission : affaires jointes 89-85, 104-85, 114-85, 116-85, 117-85 et 125-85 à 129-85.
Dans le cas de Repsol, le fait que la preuve de sa participation porte sur la période précédant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté n'exclut pas l'application de l'article 85. Il est possible, comme le fait valoir Repsol, que les producteurs espagnols aient surtout voulu protéger leur marché national ; cependant, les ventes de Repsol à la Communauté se sont fortement accrues entre 1982 et 1984. Dans la mesure où sa participation à l'entente a affecté la concurrence dans la Communauté, les règles communautaires en la matière s'appliquent à Repsol.
7. Identité des entreprises
(49) Au cours de la période couverte par la présente décision, l'industrie pétrochimique de l'Europe occidentale - y compris le secteur du PEBD - a subi une restructuration substantielle, processus qui a reçu l'appui de la Commission.
Dans le cadre de leur programme de rationalisation, un certain nombre d'entreprises ont cédé leurs activités dans le secteur du PEBD à des concurrents, mais continuent à opérer dans le secteur pétrochimique. Dans d'autres cas, un groupe industriel a fait l'objet d'une réorganisation substantielle au niveau des entreprises.
Le problème particulier qui se pose en l'espèce aux fins de l'application des règles de concurrence communautaires est de savoir si, après cette restructuration, une entreprise qui existe actuellement peut être tenue pour responsable de la participation à l'entente de son prédécesseur ou d'un producteur qu'elle a absorbé.
Dans le cadre des règles de concurrence de la Communauté, les sujets de droit sont les entreprises, notion qui ne se confond pas avec celle de la personnalité juridique au sens des législations nationales. Le terme "entreprise" n'est pas défini dans le traité. Toutefois, il est applicable à toute entité exerçant des activités de nature commerciale et, s'il s'agit d'un grand groupe industriel, il peut être approprié (selon les circonstances) de l'appliquer à une société mère ou à une filiale ou encore à l'unité économique constituée par la société mère et par ses filiales.
Dans le cas où un producteur a fait l'objet d'une réorganisation ou a cédé ses activités dans le secteur du PEBD, l'important est :
i) d'identifier l'"entreprise" qui a commis l'infraction, et
ii) de déterminer si cette entreprise subsiste dans ses éléments essentiels ou si elle a été liquidée.
La question de l'identité d'une entreprise doit être tranchée sur la base du droit communautaire et les modifications survenues dans son organisation dans le cadre du droit des sociétés des différents pays ne sont pas déterminantes.
Il est donc indifférent qu'une entreprise ait vendu ses activités dans le domaine du PEBD à une autre : l'acheteur ne devient pas pour autant responsable de la participation du vendeur à l'entente. Si l'entreprise qui a commis l'infraction subsiste, elle reste responsable en dépit de la cession.
En revanche, si l'entreprise qui a commis l'infraction est elle-même absorbée par un autre producteur, sa responsabilité peut la suivre et être rattachée à l'entité fusionnée.
Il n'est pas nécessaire de démontrer que l'acquéreur a poursuivi ou adopté un comportement illicite. Le facteur déterminant est la continuité fonctionnelle et économique qui existe entre l'entreprise qui a commis l'infraction à l'origine et celle dans laquelle elle a fusionné.
(50) Atochem a absorbé sa société soeur ATO Chimie (dont la participation à l'entente remonte à l'origine) le 30 septembre 1983 dans le contexte de la réorganisation de l'industrie chimique française. Jusqu'alors Atochem était connue sous la dénomination de Chloe Chimie, mais lors de la fusion, cette société a pris sa nouvelle dénomination de ATO. Suivant les conditions expresses de la cession, la personnalité juridique de ATO était reprise par Atochem sous sa nouvelle dénomination, bien que le problème essentiel, pour l'application des règles de concurrence de la Communauté, soit la continuité fonctionnelle et économique de l'entreprise plutôt que son identité juridique. Atochem a en fait poursuivi l'activité économique de son prédécesseur, ATO Chimie, et après la restructuration de 1983, participait toujours à l'entente.
En Autriche, le secteur nationalisé de la chimie a subi dernièrement une restructuration : Chemie Linz, l'entreprise qui participait à l'entente, a changé sa raison sociale en Chemie Holding AG. Ainsi que l'indique cette dénomination, cette société opère à présent en tant que holding financier. L'ancienne division des plastiques était cédée à une société appelée "Petrochemie Danubia GmbH", dans laquelle Chemie Holding ne détient actuellement qu'une participation d'un tiers. En dépit de ces réformes financières et de cette réorganisation, Chemie Linz (ou "Chemie Holding") existe toujours en tant qu'entreprise et c'est celle-ci qui est destinataire de la présente décision.
(51) Enichem regroupe le secteur chimique nationalisé en Italie, qui, au cours de la période couverte par l'entente, a subi une restructuration permanente. À compter de 1980, ANIC, le département chimique du groupe ENI, a coordonné les ventes et les activités commerciales des deux autres sociétés, SIR et Rumianca. Le 1er janvier 1982, les activités d'ANIC, de SIR et de Rumianca dans le secteur des thermoplastiques étaient fusionnées dans Enoxy, dans laquelle ENI et le groupe pétrolier américain Occidental Petroleum détenaient chacun une participation de 50 %. Après un an seulement, l'association Enoxy a été dissoute, ENI rachetant la part de Occidental. Le groupe ENI est redevenu seul propriétaire de l'entreprise, qui fait actuellement partie de Enichem. En dépit des diverses restructurations, la continuité fonctionnelle et économique entre ANIC, Enoxy et Enichem (qui a participé sous sa propre dénomination à l'entente à compter de 1983) est telle qu'elle constituait la même "entreprise" au sens de l'article 85. (Toutefois, la Commission ne tient pas Enichem pour responsable d'une participation éventuelle de SIR ou de Rumianca avant 1980.)
Montedison a cédé ses activités dans le secteur du PEBD à Enichem à la fin de 1983, mais subsiste en tant qu'entreprise. Cette cession ne porte pas atteinte à la responsabilité de Montedison au regard de l'article 85.
(52) Neste Oy regroupe deux producteurs autrefois distincts qui ont participé à l'entente, à savoir Pekema (Finlande) et Unifos (Suède). Pekema a été impliquée dans la planification de l'entente en 1976. À compter de 1978, elle était contrôlée par Neste Oy (à raison de 91,5 %) et assurait la distribution des produits de celle-ci ; à compter de 1981, son directeur d'exploitation était même le directeur de la division "plastiques" de Neste Oy. En 1983, Neste Oy a acquis le reste des parts de Pekema, et en novembre 1985, les deux sociétés fusionnaient officiellement.
Unifos, citée en tant que participant aux réunions, appartenait auparavant à Kemanobel AB de Suède (50 %) et à Union Carbide Corporation (50 %). Unifos était rachetée par le groupe Neste Oy en avril 1984 et est connue sous la dénomination de Neste Polyeten AB. S'il n'y avait pas eu cette acquisition, la Commission se serait adressée dans la présente procédure à Unifos (plutôt qu'à ses sociétés mères Union Carbide et Kemanobel) étant donné qu'elle semble avoir agi en tant qu'"entreprise" de façon autonome. Unifos fait actuellement partie intégrante du groupe Neste Oy et ses comptes sont consolidés dans ceux du groupe. C'est par conséquent Neste Oy qui est destinataire de la présente décision pour la participation de Unifos à l'entente, tant avant qu'après la cession.
(53) Repsol est la nouvelle dénomination de Nueva Alcudia, formée elle-même en 1986 par la fusion des quatre filiales pétrochimiques de EMP, dont l'une, également appelée Alcudia, a participé à l'entente. La fusion officielle des quatre filiales n'a pas éteint la responsabilité de la société initiale, Alcudia ; aussi Repsol est-elle destinataire de la présente décision.
Statoil nie toute responsabilité pour toute participation à l'entente de SAGA Petrokjemi. Jusqu'à 1984, la capacité de production de polyéthylène de l'industrie pétrochimique norvégienne était détenue par IS Norpolefin (une association à parts égales entre Norsk Hydro, Statoil et SAGA Petrokjemi), mais SAGA Petrokjemi était responsable de l'exploitation de l'usine et de la commercialisation de sa production. SAGA Petrokjemi a eu plusieurs propriétaires, mais le 1er janvier 1984, elle a cessé d'exister en tant qu'entité juridique pour être absorbée dans Statoil et former sa division pétrochimique. Statoil exerce à présent exactement la même fonction que celle de SAGA Petrokjemi antérieurement, et a souligné dans sa publicité la continuité entre SAGA Petrokjemi et la nouvelle division. Il est prouvé (par un document CdF pour 1983-1984 : voir le point 19) qu'après cession Statoil a continué à participer à l'entente, encore que cela ne soit pas le facteur déterminant. Ce qui importe, c'est que l'"entreprise" qui a commis l'infraction a continué à exister, bien que ce soit actuellement sous la forme d'une division d'une entité plus vaste. Statoil a poursuivi l'activité économique de SAGA Petrokjemi et a conservé ses fonctions essentielles [voir la décision 86-398-CEE de la Commission (11) dans l'affaire IV/31.149 - Polypropylène]. Statoil est donc destinataire de la présente décision.
(54) Union Carbide Corporation (qui n'est pas partie à la présente procédure) est à considérer comme un cas particulier. Dans le document de planification de 1976, il était suggéré qu'un représentant de Union Carbide participe au groupe des "experts". À cette date, deux filiales à 100 % de Union Carbide (UCC en Belgique et BXL au Royaume-Uni) produisaient du PEBD, tout comme Unifos (appartenant pour 50 % à Union Carbide et pour 50 % à Kemanobel). Rien ne permet toutefois de confirmer que Union Carbide ait réellement pris part aux réunions : ICI n'a identifié comme participant que Unifos, qui semble avoir été exploitée comme entreprise distincte. Union Carbide s'est retirée de toute activité directe dans le secteur du PEBD de l'Europe occidentale fin 1978, tout en gardant sa participation de 50 % dans Unifos. On ne peut exclure qu'avant ce désinvestissement, Union Carbide ait en fait représenté UCC Belgique, BXL et Unifos dans l'entente. C'est pourquoi la Commission n'imputera à BP aucune responsabilité pour une participation éventuelle de BXL avant son acquisition. De même, la participation de Unifos à l'entente ne sera prise en considération qu'au plus tôt à la date à laquelle Union Carbide a mis fin à son activité directe dans le secteur du PEBD en Europe, fin 1978.
8. Les destinataires des décisions
(55) Bien que la notion d'entreprise en tant que sujet de droit soumis aux règles de concurrence de la Communauté ne dépende pas du droit des sociétés, il est toujours nécessaire, pour l'application des décisions, d'identifier une entité dotée de la personnalité juridique. Il pourrait être extrêmement difficile de percevoir une amende infligée au titre de l'article 192 du traité CEE si la décision n'était pas adressée à une entité juridique. Dans le cas d'un groupe industriel important, il est donc normal d'adresser la décision au holding ou au "siège", bien que l'entreprise elle-même soit constituée par l'unité formée par la société mère et toutes ses filiales.
Certaines entreprises - comme Enichem et Montedison - ont affirmé que le destinataire d'une décision devait être la filiale du groupe qui assure actuellement la responsabilité des activités dans le secteur des thermoplastiques. La Commission note toutefois que, dans les deux cas, la responsabilité commerciale est partagée par cette société avec d'autres sociétés du même groupe. Ainsi, alors que Enichem ANIC SpA est responsable des ventes du PEBD de Enichem en Italie, ses opérations commerciales internationales sont dirigées par Enichem International SA, une société ayant son siège à Zurich, et dans chaque État membre, les ventes du PEBD sont assurées par la filiale nationale de Enichem. C'est pourquoi la Commission considère que le destinataire de la présente décision doit être le principal holding qui est à la tête des groupes Enichem et Montedison.
(56) Or, le groupe Royal Dutch/Shell pose des problèmes particuliers étant donné qu'il se compose d'un grand nombre de sociétés dans lesquelles les deux holdings du groupe, Royal Dutch et Shell, détiennent respectivement 60 % et 40 % des parts. Il n'y a pas de siège unique auquel la décision puisse être adressée. Shell International Chemical Company Ltd ("SICC") est une "société de services" responsable de la coordination et de la planification stratégique des activités du groupe dans le secteur des thermoplastiques, et bien que les différentes sociétés d'exploitation du secteur de la chimie disposent d'une grande autonomie de gestion, SICC représente le "centre" des activités de Shell dans ce secteur. En l'espèce, c'est SICC qui était en contact avec l'entente par l'intermédiaire de ICI, bien que ce soit la société opérant sur le plan local qui ait assisté aux réunions au Royaume-Uni. En raison de la responsabilité globale qu'elle assume dans la planification et la coordination des activités du groupe Shell dans le secteur des thermoplastiques, Shell International Chemical Company Ltd est considérée par la Commission comme devant être le destinataire de la présente décision.
(57) Dow a fait valoir que la "partie Dow" dans la présente procédure "devait" être Dow Europe SA, la société qui dirige ses opérations européennes à partir de Horgen, en Suisse. Ultérieurement, au cours des auditions, elle a également suggéré Dow AG, la société qui possède les filiales situées dans la Communauté, comme autre destinataire possible d'une décision éventuelle.
En dépit du degré considérable d'autonomie de fonctionnement que The Dow Chemical Company laisse apparemment à ses activités régionales en dehors des États-Unis (Amérique centrale et du Sud, Europe, etc.), celles-ci font toutes partie de l'entreprise Dow et leurs résultats financiers sont consolidés avec ceux du groupe. Le président de Dow Europe est vice-président de The Dow Chemical Company et fait partie de son conseil d'administration. C'est donc la société mère américaine, qui est en définitive le propriétaire de toutes les filiales de Dow en Europe occidentale, qui est destinataire de la présente décision.
9. Règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil (12)
(58) Plusieurs producteurs ont fait valoir que le règlement (CEE) n° 2988-74 interdisait à la Commission de leur infliger des amendes pour leur participation présumée à une entente avant novembre 1978.
Conformément à ce règlement, l'imposition d'amendes est soumise à un délai de prescription de cinq ans. La prescription court à compter de la date de l'infraction, et, dans le cas d'une infraction continue, à compter de la date où l'infraction a pris fin. Le délai de prescription peut être interrompu par tout acte de la Commission visant à l'instruction de l'infraction commise par une partie à l'accord présumé.
En l'espèce, les premiers actes de la Commission au sens de l'article 2 de ce règlement étaient des vérification effectuées le 21 novembre 1983 au titre de l'article 14 du règlement n° 17.
Conformément au règlement (CEE) n° 2988-74, une infraction qui aurait pris fin avant le 21 novembre 1978 ne serait donc pas sanctionnée par des amendes.
Toutefois, en l'espèce, les entreprises ne peuvent bénéficier de l'application du règlement (13). Pour que le délai de prescription soit applicable, deux conditions liées devraient être réunies : a) tout accord ou toute pratique faisant l'objet des griefs doit avoir cessé définitivement en novembre 1978 et b) cet accord doit être distinct de tout comportement après novembre 1978.
(59) La prescription ne peut être invoquée car ces deux conditions ne sont pas réunies. D'abord, les preuves réunies révèlent que, loin d'avoir pris fin en 1978, le plan envisagé dans le rapport du groupe de travail de 1976 était intégralement mis en œuvre, des initiatives de prix étant régulièrement prises en 1978 et se poursuivant ensuite pendant de nombreuses années. Ensuite, la Commission ne peut admettre que le comportement des entreprises après novembre 1978 n'ait aucun rapport avec le plan initial élaboré en 1976. Eu égard à l'objet commun et au fait que le mode de fonctionnement de l'entente était conforme au plan proposé, la Commission considère que l'accord de 1976 et le comportement ultérieur faisant l'objet des griefs constituaient ensemble la même infraction continue.
10. Durée de l'infraction
(60) Bien que les mécanismes collusoires intéressant le PEBD soient antérieurs à la proposition de 1976 qui visait à donner un nouveau cadre aux réunions, la Commission considère que l'infraction a commencé vers le mois de septembre 1976.
C'est la date du rapport du groupe de travail et il est évident que le nouveau système de réunions à deux niveaux a débuté vers cette date.
Toutefois, il est impossible d'établir avec certitude la date à laquelle chaque producteur a commencé à assister aux réunions. La plupart d'entre eux ont, malgré le poids des éléments de preuve, nié avoir eu connaissance des réunions. Or, le document de 1976 indique l'identité de ceux qui avaient participé à la planification des arrangements collusoires et celle des membres proposés pour le groupe des "experts".
SAGA (qui devait devenir la division pétrochimique de Statoil) n'a fait son apparition sur le marché qu'en 1978. À cette exception près et mise à part la situation particulière de BP et de Neste Oy/Unifos, la participation de toutes les entreprises paraît dater de 1976.
(61) Si l'on possède peu de données sur les diverses réunions, il est clair également que l'entente a fonctionné même après les premières vérifications opérées par la Commission dans le secteur du PEBD fin 1983.
Le document découvert chez CdF indique qu'une forme de contrôle ou de surveillance des tonnages était encore pratiquée, et des informations échangées, en octobre 1984. La note de Repsol fait apparaître que des réunions se tenaient encore entre huit producteurs ou plus en novembre 1984. En décembre 1985, Enichem informait Exxon d'une hausse de prix proposée par l'industrie dans des circonstances qui constituent un indice probant de la poursuite d'une collusion entre Enichem et d'autres producteurs.
Faute d'informations émanant des producteurs, il n'est même pas possible d'établir si la collusion - sous une forme ou sous une autre - a jamais cessé.
La presse spécialisée évoque toujours le phénomène des "initiatives", impliquant simultanément plusieurs producteurs, qui s'efforcent de relever les prix jusqu'à un certain niveau. Bien que la tenue de réunions des membres de l'entente ne soit pas établie concrètement, il est probable, comme le révèlent les contacts entre Enichem et Exxon, que de pareilles initiatives peuvent indiquer la persistance d'une solidarité entre les producteurs plutôt qu'un phénomène spontané.
La Commission fera cependant une distinction entre la durée à prendre en considération pour fixer le montant des amendes au titre de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et celle pour prendre une décision visant à faire cesser l'infraction au titre de l'article 3.
B. Remèdes
1. Article 3 du règlement n° 17
(62) Si la Commission constate une infraction à l'article 85, elle peut obliger les entreprises intéressées à y mettre fin conformément à l'article 3 du règlement n° 17.
Les entreprises ont toutes nié l'existence d'une infraction à l'article 85. La plupart n'ont cessé de contester - en dépit des preuves du contraire - que des réunions périodiques aient jamais abordé les questions touchant à la concurrence.
D'autres nient avoir jamais eu connaissance des réunions. Si quelques entreprises ont informé la Commission qu'elles prenaient des mesures pour que leurs représentants évitent tout contact suspect avec les concurrents, on ignore si les réunions ou au moins un système quelconque de communication des prix et des tonnages entre les sociétés ont jamais réellement cessé.
En conséquence, il convient d'inclure dans toute décision l'obligation formelle, pour les entreprises qui exercent toujours des activités dans le secteur du PEBD, de mettre fin à l'infraction et de s'abstenir dorénavant de toute pratique collusoire ayant un objet ou un effet similaire.
2. Article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17
(63) Aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de 1 000 à 1 000 000 d'écus, pouvant être portées à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.
Les entreprises destinataires de la présente décision ont enfreint l'article 85 de propos délibéré. Elles ont délibérément instauré et appliqué un système secret et institutionnalisé de réunions périodiques en vue de fixer des prix et des quotas pour un produit industriel important. Plusieurs des entreprises intéressées (BASF, Hoechst et ICI) s'étaient déjà vu infliger des amendes par la Commission en raison d'une collusion dans le secteur chimique [colorants - décision 69-243-CEE de la Commission (14)].
La Commission tient également compte du fait établi qu'au moins Atochem, Bayer, CdF, Dow, DSM, Enichem et Pekema (certains doutes existent quant à BASF) participaient toujours délibérément à un système de collusion et de réunions un an au moins après le début de ses vérifications en novembre 1983. (Aucune sanction supplémentaire ne sera imposée à Enichem en raison de ses activités jusqu'à fin 1985.)
(64) En fixant l'ordre général des amendes à infliger, la Commission a également tenu compte des considérations suivantes :
- la collusion en matière de prix et de partage des marchés comporte en elle-même des restrictions très graves de la concurrence,
- le PEBD est un produit industriel important dont les ventes s'élèvent à plus de 3 milliards d'écus par an en Europe occidentale,
- les entreprises participant à l'infraction représentent environ 90 % de ce marché,
- la collusion était institutionnalisée sous la forme d'un système de réunions périodiques des membres de l'entente, ayant pour objet d'organiser en détail le marché du PEBD,
- les réunions se tenaient dans le plus grand secret.
La Commission accepte toutefois de réduire le montant des amendes en considérant que, pendant une grande partie de la période visée par la présente décision, les entreprises en cause ont déclaré des pertes substantielles dans leur secteur du PEBD.
La Commission prend également en considération le fait que la majorité des entreprises ont déjà été condamnées à des amendes importantes pour leur participation à une autre entente dans le secteur des thermoplastiques (polypropylène) pendant pratiquement la même période que celle couverte par la présente décision.
(65) Pour déterminer le montant de l'amende à infliger aux diverses entreprises, la Commission a tenu compte du degré de participation de chacune d'entre elles ainsi que du rôle - pour autant qu'elle peut l'établir - joué par chacune d'entre elles dans les arrangements collusoires et de l'importance respective de chaque producteur sur le marché du PEBD.
Toutefois, aucune distinction importante ne peut être faite entre les producteurs qui ont participé aux réunions sur la base de la perception, par les autres producteurs, du degré d'engagement de chacun vis-à-vis des arrangements. L'intérêt que chacun y portait pouvait varier selon les cas, mais tous les producteurs qui assistaient aux réunions, quelle que soit leur importance sur le marché, participaient à une entreprise commune.
Toutefois, s'agissant de Repsol, la Commission considère qu'elle peut lui infliger une amende beaucoup moins importante qu'aux autres producteurs, en dépit de sa participation aux réunions des membres de l'entente, eu égard à la nature "distincte" du marché ibérique avant l'adhésion de l'Espagne et du Portugal, à l'arrangement "in-out" ("moitié dedans, moitié dehors") prévu pour Repsol et au niveau relativement faible de ses ventes à la Communauté.
En fixant les amendes infligées à Chemie Holding, à Neste Oy et à Statoil, la Commission tiendra également compte du fait qu'une part importante du total de leurs ventes en Europe se font en dehors de la Communauté. De même, alors que Dow est l'un des principaux producteurs de PEBD, la moitié environ de ses ventes de ce produit ont été faites en Espagne, qui, jusqu'à 1986, n'était pas membre de la Communauté.
(66) La Commission établira en outre une distinction, pour la fixation des amendes, entre les membres à part entière de l'entente et ceux dont on peut considérer qu'ils n'ont agi qu'en marge.
Shell et BP se verront appliquer des amendes tenant compte du degré nettement moindre de leur participation par rapport à celle des producteurs qui ont assisté aux réunions plénières des membres de l'entente.
Dans le cas de Monsanto, la Commission considère que, eu égard à sa participation marginale, à son importance mineure en tant que producteur et au délai de sept ans qui s'est écoulé entre sa dernière participation aux réunions locales au Royaume-Uni et l'ouverture de la procédure, il convient de ne lui imposer qu'une amende modérée.
(67) L'absence d'informations détaillées sur la participation des producteurs aux réunions n'a pas permis de déterminer la date exacte à laquelle leur participation à l'infraction a pris fin, si elle a effectivement cessé. Dans certains cas, comme celui de Hoechst et celui de Montedison, leur responsabilité est exclue du fait que ces entreprises se sont retirées du secteur du PEBD. Dans d'autres cas (BP, ICI et peut-être Shell), la participation de ces entreprises à des réunions ou à d'autres contacts directs a peut-être pris fin avec les enquêtes menées en octobre 1983. Atochem, Bayer, CdF, Dow, DSM, Enichem et la filiale Pekema de Neste Oy participaient toujours activement à la collusion fin 1984, de même que Repsol, mais à un degré moindre.
C'est pourquoi la Commission fixera le montant des amendes en tenant compte du fait que la plupart des entreprises en cause ont participé à l'infraction jusqu'à novembre 1984,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
Atochem SA, BASF AG, BP Chemicals Ltd, Bayer AG, Chemie Holding AG, The Dow Chemical Company, DSM NV, Enichem SpA, Hoechst AG, Imperial Chemical Industries Plc, Monsanto Company, Montedison SpA, Neste Oy, Orkem SA (auparavant CdF Chimie SA), Repsol Quimica SA, Shell International Chemical Co Ltd et Statoil - Den Norske Stats Oljeselskap AS - ont enfreint les dispositions de l'article 85 du traité en participant (pour les périodes indiquées dans la présente décision) à un accord et/ou à une pratique concertée remontant à environ septembre 1976, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en PEBD le territoire du marché commun ont assisté à des réunions périodiques afin de fixer des prix "cibles" et des quotas "cibles", de planifier des initiatives concertées visant à relever le niveau des prix et à surveiller la mise en œuvre de ces accords collusoires.
Article 2
Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées (si elles ne l'ont déjà fait) et s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leur secteur PEBD, de tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange de renseignements du type généralement couvert par le secret professionnel, au moyen duquel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des livraisons, du niveau des stocks, des prix de vente, des coûts ou des plans d'investissement d'autres producteurs, ou qui leur permettrait de suivre l'exécution de tout accord exprès ou tacite ou de toute pratique concertée se rapportant aux prix ou au partage des marchés dans la Communauté. Tout système d'échange de données générales auquel les producteurs seraient abonnés pour le secteur du PEBD sera géré de manière à exclure toute donnée permettant d'identifier le comportement de producteurs déterminés ; les entreprises s'abstiendront plus particulièrement d'échanger entre elles toute information supplémentaire intéressant la concurrence et non couverte par un tel système.
Article 3
Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées dans la présente décision en raison de l'infraction constatée à l'article 1er :
i) Atochem SA : une amende de 3 600 000 écus ;
ii) BASF AG : une amende de 5 500 000 écus ;
iii) BP Chemicals Ltd : une amende de 750 000 écus ;
iv) Bayer AG : une amende de 2 500 000 écus ;
v) Chemie Holding AG : une amende de 500 000 écus ;
vi) The Dow Chemical Company : une amende de 2 250 000 écus ;
vii) DSM NV : une amende de 3 300 000 écus ;
viii) Enichem SpA : une amende de 4 000 000 d'écus ;
ix) Hoechst AG : une amende de 1 000 000 d'écus ;
x) Imperial Chemical Industries PLC : une amende de 3 500 000 écus ;
xi) Montedison SpA : une amende de 2 500 000 écus ;
xii) Monsanto Company : une amende de 150 000 écus ;
xiii) Neste Oy : une amende de 1 000 000 d'écus ;
xiv) Orkem SA : une amende de 5 000 000 d'écus ;
xv) Repsol Quimica SA : une amende de 100 000 écus ;
xvi) Shell International Chemical Co Ltd : une amende de 850 000 écus ;
xvii) Statoil - Den Norske Stats Oljeselskap AS : une amende de 500 000 écus.
Article 4
Les amendes infligées à l'article 3 sont payables dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, aux comptes bancaires suivants :
Belgique (Monsanto) n° 426-4403003-54 (15) et n° 426-4403001-52 (16), Kredietbank, agence Schuman, rond-point Schuman 2, B-1040 Bruxelles ; n° 310-0231000-32 (2), Banque Bruxelles-Lambert, agence européenne, rond-point Schuman 6, B-1040 Bruxelles ;
Allemagne (Bayer, BASF, Chemie Holding, Hoechst) n° 869-24-64910 (15) et n° 262-00-64910 (16), Sal. Oppenheim und Cie, Unter-Sachsenhausen 4, D-5000 Köln 1 ;
France (Atochem, Orkem) n° 0007-729-106-5 (15) et n° 0005-770-006-5 (16), Société générale, agence internationale, direction de l'étranger, 23, rue de la Paix, F-75002 Paris ;
Italie (Enichem, Montedison) n° 9130-707 (15), Istituto Bancario San Paolo di Torino, Piazza San Carlo 156,I-10121 Torino ; n° 26952/018 (16), Cassa di Risparmio delle Provincie Lombarde, Via Bisceglie 120, I-20152 Milano ;
Royaume-Uni (BP, ICI, Shell, Statoil) n° 59000204 (15), Lloyds Bank Ltd, Overseas Centre, 38A Paradise Street, UK-Birmingham B1 2AB ; n° 108.63.41 (16), Lloyds Bank Ltd, International Division, 1 Hay's Lane, UK-London EC3P 3AB ;
Pays-Bas (Dow, DSM, Neste) n° 54.16.99.369 (15), Algemene Bank Nederland, Vijzelstraat 31,NL-1000 EG Amsterdam ; n° 51.48.40.706 (16), Algemene Bank Nederland, Kneuterdijk 1, NL-2501 AP Den Haag ;
Espagne (Repsol) n° 394 000-278 (15) et n° 137 004-270 (16), Banco Español de Crédito, Departamento Extranjero, Paseo de la Castellana 7, ES-28046 Madrid.
À l'issue de ce délai, des intérêts sont automatiquement dus au taux pratiqué par le Fonds européen de coopération monétaire sur ses opérations en écus au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit 11 %.
En cas de paiement dans la monnaie de l'État membre où la banque indiquée pour le versement est située, le taux de change à retenir sera celui du jour précédant celui du paiement.
Article 5
Sont destinataires de la présente décision :
- Atochem SA, La Défense 10, F-92091 Paris, Cedex 42,
- BASF AG, Karl-Bosch-Strasse 38, D-6700 Ludwigshafen,
- BP Chemicals Ltd, 76 Buckingham Palace Road, UK-London SW1 0SU,
- Bayer AG, Bayerwerk, D-5000, Leverkusen,
- Chemie Holding AG,
1) St.-Peter-Str. 25, A-4021 Linz,
2) c/o Chemie Linz, via Mascheroni 19, I-20145 Milano,
- The Dow Chemical Company,
1) 2030 Willard H. Dow Center, Midland, Michigan 48674, United States of America,
2) c/o Dow Chemical (Nederland) BV (Benelux), PO Box 48, NL-4530AA Terneuzen,
- DSM NV, PO Box 65, NL-6400 Heerlen,
- Enichem SpA, Piazza Boldrini 1, I-20097 San Donato-Milanese,
- Hoechst AG, Postfach 80 03 20, D-6230 Frankfurt am Main,
- Imperial Chemical Industries plc, Imperial Chemical House, Millbank, UK-London SW1 P 3JF,
- Monsanto Company,
1) 800 N Lindbergh Blvd, St Louis MO.63167, United States of America,
2) c/o Monsanto Europe SA, avenue de Tervuren 270-272, B-1150 Bruxelles,
- Montedison SpA, via Rosellini 15-17, I-20124 Milano,
- Neste Oy,
1) Kielaniemi, SF-02150 ESPOO 15, Finland,
2) c/o Neste Chemicals Benelux BV, Wilhelminasingel, 19, NL-4818 AC Breda,
- Orkem SA, (auparavant CdF Chimie SA), tour Aurore, place des Reflets, F-92080 Paris-la-Défense 2 Cedex 5,
- Repsol Quimica SA, Juan Bravo 3, E-28006 Madrid,
- Shell International Chemical Company Ltd, Shell Centre, UK-London SE1 7PG,
- Statoil - Den Norske Stats Oljeselskap AS,
1) N-3960 Stathelle, Norway,
2) c/o UK Ltd, 25-29 Queen Street, Maidenhead, UK-BERKS SL6 1NB.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité CEE.
(1) JO n° 13 du 21. 2. 1962, p. 204-62.
(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2268-63.
(3) En septembre 1988 (au cours des auditions dans la présente affaire), CdF Chimie a changé son nom en Orkem. Dans la présente décision, cette entreprise est désignée par son ancienne appellation de "CdF", qui avait été utilisée dans la communication des griefs. D'autres entreprises, qui avaient modifié leur raison sociale entre la date de l'infraction présumée et l'ouverture de la procédure, ont été désignées dans la communication des griefs par leur nouvelle dénomination : Chemie Holding et Repsol Quimica.
(4) Toutefois, c'est Unifos, une entreprise commune établie en 1961 par Union Carbide (50 %) et Kemanobel (50 %), qui a été identifiée comme ayant participé aux réunions. D'autres sociétés appartenant à Union Carbide et fabriquant du PEBD ont été cédées à BP en 1978 et, conformément au règlement (CEE) n° 2988-74, aucune procédure n'a été engagée contre Union Carbide.
(5) Enpetrol était la société mère de Repsol. SAETA était un autre producteur espagnol qui n'existe plus. Danubia était à ce moment une société de production appartenant pour 50 % à Chemie Linz et pour 50 % à BASF. Norpolefin était la société de production de SAGA Petroleum, ultérieurement incorporée dans Statoil. Il paraît curieux que ICI cite deux sociétés de production (Danubia et Norpolefin) n'ayant pas de fonction de vente, mais il y a en fait une abondance d'autres preuves que Chemie Linz comme SAGA ont participé de façon autonome.
(6) Il semble que l'Espagne ait été considérée comme un "cas particulier" pour le système de quotas : il est question dans les documents d'un accord "in-out" ("moitié dedans, moitié dehors") pour l'Espagne en ce qui concerne les quotas, mais la Commission ne dispose pas d'autres précisions.
(7) Ces objectifs sont fixés pour les clients des catégories "a" et "b".
(8) BP et Shell admettent, quant à elles, avoir assisté régulièrement à des réunions locales au Royaume-Uni. Monsanto a également été cité comme participant à ces réunions locales. Hoechst ne nie pas avoir assisté aux réunions plénières, et Statoil ne se prononce pas sur la participation à de telles réunions de SAGA, citée par DSM comme participant probable.
(9) Ceci tend à corroborer l'affirmation de BP selon laquelle elle a procédé, à partir de fin 1983, à un réexamen de tous ses contacts avec les concurrents pour prévenir les problèmes liés aux règles de concurrence.
(10) Les activités de l'entente portant sur les ventes de PEBD dans des pays tiers ne rentrent pas dans le champ d'application de la présente décision.
(11) JO n° L. 230 du 18. 8. 1986, p. 1.
(12) JO n° L. 319 du 29. 11. 1974, p. 11.
(13) À l'exception de Union Carbide, qui a cédé ses activités européennes dans le secteur du PEBD à BP fin 1978.
(14) JO n° L. 195 du 7. 8. 1969, p. 11.
(15) En cas de paiement en écus.
(16) En cas de paiement en monnaie nationale.