CCE, 28 octobre 1988, n° 88-587
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Hudson's Bay/Dansk Pelsdyravlerforening
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3 paragraphe 1 et son article 15 paragraphe 2, vu la demande du 4 janvier 1985 tendant à faire constater une infraction et présentée, conformément à l'article 3 du règlement n° 17, par Hudson's Bay and Annings Ltd (ci-après dénommée HBA), Londres, Royaume-Uni, vu la notification et la demande d'attestation négative à la Commission, par Dansk Pelsdyravlerforening (association des éleveurs danois d'animaux à fourrure, désignée par le sigle DPF), Glostrup, Danemark, le 27 août 1985, des accords et décision suivants : a) Love for Dansk Pelsdyraverforening (statuts de l'Association des éleveurs danois d'animaux à fourrure) ; b) Regler for avlernes rapitalfond (règles concernant le fonds de capital des éleveurs) ; c) Regler for ratastrofebjoelpsordningen (règles concernant le secours d'urgence), vu la décision de la Commission du 30 mars 1987 d'engager une procédure, après avoir donné aux entreprises et associations d'entreprises l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenue par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 et 2 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes. Considérant ce qui suit :
I. LES FAITS
(1) Plainte et notification
Le 4 janvier 1985 et ultérieurement, HBA a officiellement adressé à la Commission une plainte lui demandant de constater que les accords et/ou pratiques énumérés ci-après constituaient des infractions à l'article 85 paragraphe 1 et à l'article 86 du traité :
a) l'article 4 paragraphe 1 sous f) des statuts de Dansk Pelsavlerforening (ci-après dénommée DPF), dont le contenu est exposé au point 3 sous a) ci-après, qui oblige les membres à ne pas organiser ou favoriser des ventes par des concurrents de DPF et qui a été invoqué pour menacer d'expulsion trois membres de DPF parce qu'ils agissaient comme agents de HBA. Deux d'entre eux ont en fait été exclus de DPF ;
b) l'article 5 des règles concernant le secours d'urgence, dont le contenu est exposé au point 3 sous b) ci-après, qui traite du refus de secours d'urgence au cas où un membre de l'association a livré des points de vente autres que ceux de DanskPelsauktioner (ventes des fourrures danoises), ci-après dénommée DPA ;
c) les conditions auxquelles DPF octroie à ses membres une avance sur les jeunes animaux (avance pour jeunes instituée le 11 avril 1975 par décision du conseil d'administration) dans la mesure où le membre doit d'abord s'engager à vendre l'intégralité de sa production par l'intermédiaire de la Dansk Pelsauktioner et ensuite devenir membre des secours d'urgence ; les obligations de livrer l'intégralité de la production se renforcent ainsi l'une l'autre ;
d) l'obligation faite aux éleveurs de renards à fourrure, désireux de suivre un cours d'insémination artificielle des renards ou qualifiés pour agir en qualité d'inséminateurs artificiels de DPF, de ne pas approvisionner des concurrents de DPF et de ne pas inséminer les animaux d'éleveurs qui envoient des peaux à des concurrents de DPF ;
e) l'article 5 de l'accord type sur le contrôle de la pelleterie (par lequel DPA s'engage à surveiller la préparation des peaux dans un centre spécialisé) qui prévoit que " le centre de pelleterie s'engage à ne servir que les intérêts de DPA et notamment à ne pas montrer ses propres peaux ou les peaux qui lui ont été livrées à d'autres personnes que les représentants de DPA. Le centre de pelleterie s'engage également à ne pas organiser de vente ou toute autre forme d'expédition de peaux à des acheteurs ou à d'autres organisations de vente que DPA " ;
f) les règles d'admission au " palmarès ", c'est-à-dire sur la liste des membres produisant des peaux de qualité, qui obligent l'éleveur à livrer l'intégralité de sa production à DPA, y compris pour les catégories de peaux qu'il ne demande pas à voir figurer au " palmarès " ;
g) le système de quota pratiqué par DPA lors des enchères par lequel un certain pourcentage de la production de chaque membre est vendu à chacune des cinq ventes aux enchères tenues annuellement.
(2) Les parties
i) HBA, principale entreprise de vente aux enchères de peaux au Royaume-Uni, a des filiales au Danemark, aux Pays-Bas, en Finande, e Suède et en Norvège. Au Danemark (comme ailleurs), elle dispose d'agents chargés d'acheter et de centraliser les peaux destinées à être vendues aux enchères à Londres. HBA a été rachetée le 19 décembre 1986 par Finnish Fur Sales et est désormais connue sous le nom de Hudson's Bay Company Properties (UK) Ltd.
ii) DPF, association coopérative regroupant plus de 5 000 éleveurs d'animaux à fourrure (3) (4), offre à ses membres des services de conseil, des services vétérinaires, des possibilités de formation, une revue mensuelle ainsi que des activités d'essai et de recherche. Certains services sont gratuits pour les membres, d'autres non. DPA est la filiale de vente de DPF et organise les enchères. Les activités étrangères sont régies par un accord avec Global Fur A/S dont les actions sont détenues par les associations provinciales.
(3) Les accords et décisions notifiés
Les parties essentielles des accords et décisions notifiés à la Commission sont les suivantes :
a) les statuts de DPF, en particulier l'article 4 point 1 sous f) prévoient que les membres " s'engagent à ne pas organiser de ventes de peaux susceptibles d'entrer en concurrence avec celles de l'association des éleveurs danois d'animaux à fourrure, ou y prêter de toute autre manière leur concours " ;
b) les règles concernant le secours d'urgence, dans la mesure où il est prévu : que cette aide vise à indemniser les membres des pertes subies du fait de la mort de leurs animaux,
qu'un nouveau membre n'a pas droit à cette aide tant qu'il n'a pas été affilié pendant au moins un an, l'aide pouvant toutefois être versée après trois mois d'affiliation s'il paie 3 couronnes danoises pour chaque animal que compte son élevage au moment de l'affiliation,
que l'aide d'urgence est refusée en vertu de l'article 5 des statuts si l'assuré " a effectué des livraisons à d'autres acheteurs que DPA pendant l'année (15 août - 14 août) où le sinistre a eu lieu ou cours de l'exercice comptable précédent " (utilisation privée exceptée).
Les règles concernant le fonds de capital n'ont fait l'objet d'aucune plainte.
(4) Le marché
i) Les produits en cause sont les peaux de vison, de renard, de raton laveur et de putois. En l'espèce, toutefois, seules les peaux de vison et de renard revêtent de l'importance. Le Danemark produit chaque année environ 9 millions de visions (ce qui représente 72 % de la production de la Communauté et 27 % de la production mondiale), environ 240 000 renards et quelques chinchillas. En 1985-1986, les ventes de sPA ont porté sur 11,7 millions de peaux, dont 8 millions de peaux de visons danois et 185 000 peaux de renards danois. En 1986-1987, 13 millions de peaux ont été vendues aux enchères par DPA, dont 8,3 millions de peaux de visons danois et 190 000 peaux de ranards danois.
Les peaux sont vendues soit par transactions privées à des négociants en peaux, soit plus fréquemment aux enchères. Copenhague est le principal centre de vente aux enchères en Europe, et les acheteurs y viennent du monde entier. (En 1986-1987, 995 acheteurs de 28 pays différents ont participé aux enchères de DPA).
Les ventes de peaux de vison à Copenhague représentent le tiers de la production mondiale. Environ 98 % des peaux vendues sont exportées. Les cours peuvent fluctuer fortement en fonction de la conjoncture économique mondiale. Les peaux danoises peuvent être vendues par l'intermédiaire de certaines entreprises étrangères dont la plus importante est HBA. Une petite partie seulement des peaux danoises est présentée dans des ventes aux enchères à l'étranger.
ii) Pour les saisons 1985-1986 et 1986-1987, l'approvisionnement de HBA dans les pays scandinaves a atteint les pourcentages suivants de la production nationale desdits pays :
EMPLACEMENT TABLEAU
iii) Les recettes de DPF sont presque exclusivement constituées par les droits fixes acquittés par les producteurs et par les commissions sur les ventes payées par les acheteurs. Ces ventes, qui, en 1985-1986, se sont chiffrées à 226 millions d'écus et, en 1986-1987, à 504 millions d'écus, ont porté sur des peaux provenant de Finlande, de Suède, de Norvège, etc. Les droits et les commissions ont atteint respectivement environ 16 et 23 millions d'écus. Les bénéfices de l'année sont directement liés au chiffre d'affaires et sont répartis entre les comptes d'exploitation et les comptes capital des membres sur la base d'une clé de répartition entre les deux catégories de fonds fixée chaque année lors de l'assemblée général. Les droits d'un membre sont proportionnels au volume d'affaires qu'il traite avec DPA (article 22 des statuts de DPF).
En 1986-1987 l'excédent dégagé après les paiements effectués au titre de la recherche, des cours, des rémunérations, etc. s'est établi à 2,97 millions d'écus, qui ont été répartis à raison de 2,3 millions d'écus sous forme d'intérêts entre les comptes d'exploitation et les comptes capital des membres, et à raison de 0,67 million d'écus entre les comptes d'exploitation des membres. En 1985-1986, les pertes ont atteint un montant de 1,7 million d'écus compensé par le fonds en capital de DPF.
(5) Les observations de DPF
Dans sa réponse à la communication des griefs du 13 avril 1987 comme pendant la procédure, DPF a nié qu'il y ait infraction aux règles de concurrence et a prétendu que les règles et pratiques incriminées se justifiaient par la nature spéciale des services fournis aux membres de la coopérative, en faisant valoir en particulier :
a) qu'en ce qui concernait le grief invoqué au point 1 sous a) ci-avant, il fallait considérer que les dispositions de l'article 4 point 1 sous f) des statuts interdisaient de concurrencer activement les activités de vente aux enchères de DPA mais qu'elles n'empêchaient pas un éleveur de vendre ses productions ailleurs ;
b) qu'en ce qui concernait le grief invoqué au point 1 sous b) ci-avant, il ne serait pas juste vis-à-vis d'autres membres que l'un d'entre eux pût bénéficier du secours d'urgence sans être tenu de vendre les peaux de son élevage par l'intermédiaire de DPA puisqu'il ne contribuerait pas financièrement au mécanisme d'indemnisation ;
c) qu'en ce qui concernait le grief invoqué au point 1 sous c) ci-avant, l'obligation de livrer l'intégralité de la production comme condition préalable pour recevoir l'" avance pour jeunes " visait à protéger les actifs sur la base de laquelle cette avance est distribuée ;
d) qu'en ce qui concernait le grief invoqué au point 1 sous d) ci-avant, de telles obligations étaient, selon DPF, inexistantes pour ce qui concerne l'insémination artificielle des renards ;
e) qu'en ce qui concernait le grief invoqué au point 1 sous e) ci-avant, l'article 5 de l'accord type sur le contrôle de la pelleterie ne restreignait pas, selon DPF, la concurrence ;
f) qu'en ce qui concernait le grief invoqué au point 1 sous f) ci-avant, il était normal, pour pouvoir être admis au " palmarès ", que l'avis d'un expert soit requis non seulement pour certaines peaux mais pour l'ensemble de l'élevage : c'était le seul moyen de pouvoir faire des recommandations précises au sujet de l'élevage ;
g) qu'en ce qui concernait le grief invoqué au point 1 sous g) ci-avant, le système de quota pratiqué pour les ventes aux enchères se justifiait, selon DPF, par le manque de place de stockage et parce qu'il était de l'intérêt des membres que l'on fasse en sorte qu'à chaque vente aux enchères les acheteurs disposent d'un choix suffisant. DPF a expliqué que tous les animaux sont tués et qu'on leur retire leur fourrure à fin novembre. Il est convenu avec tous les membres que la livraison de peaux à fourrures doit se faire de manière échelonnée avec un pourcentage déterminé du nombre convenu de peaux de fourrure à vendre lors de chacune des cinq ventes annuelles et contre une commission fixe. Une avance immédiate sur les peaux et disponible ; elle est calculée sur la base du nombre de peaux de fourrures à vendre via le DPA.
(6) Les propositions de DPF
Bien que DPF ait sur le fond maintenu sa position, elle a néanmoins proposé les modifications suivantes :
i) par lettre du 4 juin 1987 à la Commission :
a) en ce qui concerne les " avances pour jeunes ", tous les éleveurs - membres et non membres - recevront l'avance à condition qu'ils s'engagent seulement à livrer un nombre de peaux équivalant au nombre d'animaux ayant fait l'objet d'une avance en espèces.
En outre, l'accord concernant l'" avance pour jeunes " n'impliquerait à l'avenir aucune obligation d'être affilié au système du secours d'urgence ;
b) l'affiliation au système du secours d'urgence resterait facultative et continuerait à couvrir l'élevage entier de chaque éleveur membre, tandis que l'obligation de ne vendre que par l'intermédiaire de DPA serait supprimée. Le secours d'urgence serait calculé au prorata du pourcentage de peaux remises en consignation à DPA au cours de l'exercice comptable précédant l'année du sinistre ;
c) les règle concernant l'admission au " palmarès " ne concerneraient qu'une seule catégorie de peaux. (Par exemple un éleveur souhaitant que ses peaux de vison soient inscrites au " palmarès " ne serait tenu de livrer que l'intégralité de sa production de peaux de vison et aurait toute liberté pour vendre sa production de peaux de renard à d'autres intermédiaires). DPF a proposé ultérieurement de modifier encore cette règle en n'imposant l'obligation de livrer l'intégralité de la production que pour une seule couleur (claire ou foncée) ;
ii) par lettre du 26 novembre 1987 :
a) suppression de l'interdiction énoncée à l'article 4 point 1 sous f) des statuts de DPF d'organiser des ventes concurrençant celles de DPF ou d'y prêter son concours ;
d) suppression de l'article 5 de l'accord type sur le contrôle de la pelleterie.
A l'exception possible des règles de l'avance pour jeunes qui devait entrer en vigueur en juillet 1988, les modifications proposées n'ont pas été, à la connaissance de la Commission, mises en œuvre.
II. APPRECIATION JURIDIQUE
Article 85 paragraphe 1
(7) L'article 85 paragraphe 1 dispose que tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, sont incompatibles avec celui-ci et interdits à ce titre.
(8) Les éleveurs membres de DPF sont des entreprises au sens de l'article 85 du traité CEE et les accords qui les lient sont des accords au sens de cette disposition dans la mesure où ils constituent les règlements de base de DPF.
DPF est une association d'entreprises au sens de ce même article et les statuts et règles adoptés par ses organes dirigeants constituent des décisions de cette association au sens de l'article 85 paragraphe 1 (5).
(9) Les statuts et les règles qui régissent les rapports juridiques entre DPF et ses membres ont notamment pour objet d'empêcher les membres de DPF de confier en dépôt ou de vendre des fourrures à des concurrents de cette association. A cette fin, DPA impose à ses membres de vendre l'intégralité de leur production par son intermédiaire .
(10)Les règles suivantes sont considérées comme ayant pour objet et effet de restreindre la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1[l'application de l'article 85 paragraphe 1 n'est pas exclue par l'article 2 du règlement n° 26 du Conseil (6) étant donné que les peaux ne sont pas comprises dans l'annexe II du traité] :
i) l'article 4 point 1 sous f) des statuts de DPF imposait une obligation de non-concurrence aux membres de cette association. Cette obligation interdit en particulier aux membres d'agir comme agents collecteurs pour des concurrents, fermant ainsi l'accès au marché danois à la concurrence. L'effet restrictif de cette interdiction est encore aggravé par des pratiques concertées consistant pour certains membres à ne pas placer des peaux en consignation chez des concurrents. Bien que la direction générale de la concurrence l'ait priée de clarifier ce problème avec ses membres, DPF a refusé de donner suite à cette demande, estimant qu'une telle clarification n'était pas nécessaire ;
iii) L'obligation de livrer l'intégralité de la production de peaux à laquelle est subordonnée la possibilité de bénéficier de l'" avance pour jeunes ", d'être affilié au système du secours d'urgence, d'être admis au " palmarès ", et qui est contenue dans l'accord type sur le contrôle de la pelleterie, limite les membres dans leur choix, en les empêchant de décider en toute indépendance de leur politique de vente . Elle empêche les concurrents d'accéder au marché en leur fermant la principale source d'approvisionnement en peaux au Danemark.
(11)Le commerce entre Etats membres se trouve affecté dans la mesure où ces règles, obligations et pratiques concertées ont pour but de limiter l'accès des concurrents au marché en instituant un monopole de fait sur la fourniture et la vente des peaux de vison au Danemark.La limitation ou l'élimination d'une véritable concurrence a abouti à cloisonner le marché commun dans la mesure où les concurrents de DPF ne peuvent pratiquement pas accéder au marché danois. Il y a tout lieu de présumer que si ces obligations étaient supprimées ou assouplies, un pourcentage plus important de peaux, notamment de peaux de vison, serait livré à des concurrents de DPF, y compris HBA, par les membres de DPF, comme cela est le cas dans les autres pays scandinaves. Ces règles et obligations empêchent et ont empêché les membres d'envoyer une partie de leur production vers d'autres Etats membres pour y être vendue, soit aux enchères, soit directement (7). En outre, il est pratiquement exclu que les éleveurs danois puissent vendre à titre privé à des acheteurs d'autres Etats membres. Vu l'importance du secteur de la fourrure au Danemark (plus de 27 % de la production mondiale de vison), les effets sur le commerce entre Etats membres sont sensibles.
(12) Article 85 paragraphe 3
i) La conséquence de l'article 4 point 1 sous f) des statuts de DPF comme des obligations de livrer la totalité de la production est d'éliminer la concurrence pour une part substantielle des fourrures produites par les membres de DPFqui ainsi ne peuvent pas offrir à la vente leurs fourrures par le biais des salles de ventes aux enchères, s'ils souhaitent concurrencer DPA. En outre, les membres sont même empêchés d'effectuer des ventes privées. Les statuts et règles notifiés ne peuvent donc pas bénéficier de l'exemption prévue au titre de l'article 85 paragraphe 3 puisque les conditions d'exemption ne sont pas remplies. Enfin, il n'a pas été justifié suffisamment que ces obligations sont indispensables pour réaliser les objectifs de DPF.
ii) L'accord type d'avances pour jeunes, les conditions relatives à l'admission sur le palmarès et l'accord sur le contrôle de la pelleterie n'ont pas été formellement notifiés à la Commission selon les règles prévues par l'article 4 paragraphe 1 du règlement n° 17. L'objet de ces accords et des conditions y imposées est d'empêcher les exportations parallèles. Ils ne tombent donc pas sous le coup de l'article 4 paragraphe 2 dudit règlement puisqu'il faudrait pour cela que les accords, décisions et pratiques concertées ne concernent ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres (8). Il n'est donc pas possible de prendre une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 pour ces accords. De toutes manières, ces accords ne bénéficieraient pas de l'application de l'article 85 paragraphe 3 puisqu'ils restreignent la concurrence de la même manière que les obligations mentionnées sous i) ci-avant.
iii) Bien que DPF ait fait des propositions de modification de ses règles pour les rendre compatibles avec l'article 85, les modifications n'ont pas été mises en œuvre, sauf exception possible pour les règles de l'avance pour jeunes.
La Commission n'envisagera la possibilité d'exemption ou d'attestation négative qu'après que les modifications proposées par DPF auront été effectuées et qu'elle aura eu la possibilité d'examiner la mise en œuvre, en pratique, de ces règles et règlements amendés.
(13) Article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17
Aux termes de l'article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17, la Commission peut infliger à toute entreprise ayant participé à l'infraction des amendes allant de 1 000 écus à 1 million d'écus ou d'un montant plus élevé, mais ne dépassant pas 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent à toute entreprise ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, cette (ces) entreprise(s) enfreint (enfreignent) l'article 85 paragraphe 1 ou l'article 86 du traité. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération la gravité et la durée de l'infraction.
La Commission estime qu'une amende s'impose dans la présente affaire pour les infractions commises de propos délibéré ou tout au moins par négligence. La DPF doit avoir su que l'obligation de lui livrer l'intégralité de la production avait pour objet ou effet une restriction de concurrence. Les infractions elles-mêmes ont été graves puisqu'elles ont eu pour effet d'empêcher presque entièrement d'autres organismes de vente de peaux de s'approvisionner au Danemark, ce qui a donc pratiquement supprimé toute concurrence avec DPF dans ce pays. L'importance du Danemark comme producteur de peaux au sein de la CEE, qui place DPF dans une situation pratiquement dominante pour les ventes de peaux dans le marché commun, accentue encore la gravité de ces infractions. DPF n'a que peu de concurrents, voire aucun, en tant que fournisseur de services (assistance vétérinaire, conseil, laboratoires, etc.) et de produits indispensables à la grande majorité des éleveurs danois membres de l'association.
(14) Les infractions ont commencé au plus tard aux dates suivantes :
i) le 11 avril 1975 et le 1er janvier 1973, respectivement, en ce qui concerne l'obligation de l'avance pour jeunes et les règles de secours d'urgence ;
ii) le 22 octobre 1976 en ce qui concerne l'obligation de ne pas organiser la vente de peaux par des concurrents de DFA ni d'y prêter son concours ;
iii) l'obligation de livrer l'intégralité de sa production dont était assortie l'inscription au palmarès est entrée en vigueur pendant l'exercice 1984-1985 ;
iv) le 1er janvier 1973 en ce qui concerne l'obligation de livrer l'intégralité de sa production prévue dans l'accord type sur le contrôle de la pelleterie.
Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission a pris en considération les circonstances atténuantes suivantes :
depuis la réception de la communication des griefs, DPF a présenté des propositions concrètes pour mettre fin aux restrictions incriminées,
le fait que DPF est un groupement coopératif mérite une attention particulière : la propriété de cette coopérative étant aux mains des producteurs, ceux-ci dépendent directement, pour leurs revenus, des résultats de la coopérative.
(15) Pour ces raisons et compte tenu des circonstances ci-avant, la Commission estime qu'une amende doit être infligée à DPF. Pour ce qui concerne les accords et décisions notifiés, la Commission, pour la détermination de l'amende, tiendra compte de la période jusqu'à la date de la notification, soit le 27 août 1985.
(16) Article 3 du règlement n° 17
Aux termes de l'article 3 paragraphe 1 du règlement n° 17, la Commission peut, si elle constate une infraction aux dispositions de l'article 85 du traité, obliger, par voie de décision, les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. Compte tenu du fait que DPF n'a pas, à ce jour, mis en œuvre toutes les modifications, la Commission estime qu'elle doit ordonner de mettre fin aux infractions.
A ARRETE LA PRESENTE DECISION :
Article premier
1. Les accords, décisions d'associations d'entreprises des éleveurs danois d'animaux à fourrure (DPE), et les pratiques concertées constituent des infractions à l'article 85 paragraphe 1 :
a) l'article 4 point 1 sous f) des statuts de DPF, qui prévoit que les membres actifs sont ceux qui notamment s'engagent à ne pas organiser de ventes ou prêter, de toute autre manière, leur concours à des ventes de peaux concurrençant l'activité commerciale de l'association des éleveurs danois d'animaux à fourrure et la mise en œuvre de cette clause ;
b) l'article 5 des règles concernant le secours d'urgence, qui prévoit que l'aide en cause est refusée si l'assuré a fourni des peaux à la vente à d'autres acheteurs que DPA pendant l'exercice au cours duquel s'est produit le sinistre ou pendant l'exercice comptable précédent ;
c) l'obligation pour un membre de remettre à DPA l'intégralité de sa production en confiant à cet organisme le soin de la vendre :
lorsque le membre a bénéficié d'une avance pour jeunes,
lorsque le membre souhaite figurer au palmarès ;
d) l'article 5 de l'accord type sur le contrôle de la pelleterie qui interdit au centre de pelleterie de montrer ses propres peaux dans un but de vente à d'autres acheteurs que ceux de DPA.
2. Dans la mesure où elle ne l'a pas encore fait, DPF met fin aux infractions indiquées au paragraphe 1 et s'abstient à l'avenir de prendre des mesures ayant le même objet ou le même effet que les restrictions précitées.
3. Une exemption au titre de l'article 85 paragraphe 3 en faveur des règlements notifiés à la Commission et qui sont cités au paragraphe 1 points a) et b) est refusée.
4. DPF informe les deux membres, exclus de l'association en raison du fait qu'ils agissaient comme agents de HBA, que l'obligation qui a conduit à leur expulsion constituait une infraction à l'article 85 paragraphe 1. DPF adresse à la Commission une copie de cette communication ainsi que toutes réponses y afférentes.
Article 2
1. Une amende de 500 000 écus (cinq cent mille écus) est infligée à l'Association des éleveurs danois d'animaux à fourrure (DPF) pour les infractions indiquées à l'article 1er.
2. Cette somme est à verser par ladite association :
a) pour un paiement en écus, au compte n° 1013823 de la Commission de Communautés européennes - Bruxelles, auprès de la Kj0benhavns Handelsbank, 2 Holmens Kanal, DK-1091 K0benhavn K ;
b) pour un paiement en couronnes danoises, au compte courant n° 7351-6 de la Commission des Communautés européennes - Bruxelles, à la Canmarks Nationalibank, Havnegade, 5, DK-1093 K0benhavn K,
dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision. Passé ce délai, le montant de cette amende porte intérêt de plein droit au taux appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ses opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de trois points et demi, soit 10,75 %.
En cas de paiement en couronnes danoises, la conversion sera effectuée au taux du jour précédant le jour du versement.
Article 3
L'Association danoise des éleveurs d'animaux à fourrure (DPF) communique à ses membres le contenu de la décision au plus tard le 31 janvier 1989 et informe la Commission de la manière dont cette communication a été effectuée.
Article 4
Dansk Pelsdyravlerforening, Langagervej 60, DK-2600 Glostrup est destinataire de la présente décision.
La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du taité CEE.
(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62
(2) JO n° 127 du 20. 8. 1963, p. 2263-63.
(3) DPF coiffe cinq associations provinciales qui, elles-mêmes, regroupent chacune des associations locales. Tout éleveur s'affiliant à une association provinciale devient ainsi membre de DPF.
(4) DPF a affirmé à l'audition que la proportion des producteurs de vison danois parmi ses membres était très élevée.
(5) A certains égards, DPF est également une association d'associations locales et provinciales, mais ce fait n'entre pas en ligne de compte dans le présent cas.
(6) JO n° 30 du 20. 4. 1962, p. 993-62.
(7) A propos d'une restriction à l'importation, la Cour a dit : " que cette clause, en restreignant la liberté des adhérents d'importer directement dans les Pays-Bas, est susceptible de détourner les courants commerciaux de leur orientation naturelle et d'affecter ainsi le commerce entre pays membres " (Frubo/Commission, Recueil 1975, p. 584).
(8) Dans les affaires jointes IAZ 96-102-82, 104-82, 105-82, 108-82 et 110-82, Recueil 1983, page 3369, la Cour a affirmé au point 35 des motifs que " l'objet de l'accord était de restreindre sensiblement les importations parallèles . . . et il tendait ainsi à isoler le marché de la Belgique d'une manière incompatible avec les principes fondamentaux du marché commun ".