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Décisions

CJCE, 16 juin 1987, n° 118-85

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission des Communautés européennes

Défendeur :

République italienne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mackenzie Stuart

Présidents de chambre :

MM. Kakouris, O'higgins, Schockweiler

Avocat général :

M. Mischo.

Juges :

MM. Bosco, Koopmans, Bahlmann, Joliet, Rodriguez Iglesias

CJCE n° 118-85

16 juin 1987

LA COUR,

1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 29 avril 1985, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CEE, un recours visant à faire reconnaître que la République italienne, en ayant refusé de lui transmettre les informations au sujet de l'Amministrazione autonoma dei monopoli di stato, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 80-723 de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques (JO L 195, p. 35).

2. En ce qui concerne les faits de l'affaire, le déroulement de la procédure et les arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

3. Il n'est pas contesté que l'Amministrazione autonoma dei monopoli di stato (ci-après "AAMS") participe à l'activité économique en ce qu'elle offre, dans le secteur des tabacs manufacturés, des biens et des services sur le marché. En outre, il est constant que l'AMAS ne possède pas de personnalité juridique distincte de celle de l'État.

4. Le gouvernement italien défend son refus de transmettre les informations demandées par la Commission en invoquant le fait que l'AAMS ne peut être considérée comme une "entreprise publique" au sens de l'article 2 de la directive 80-723, mais doit, au contraire, être considérée comme un des "pouvoirs publics" au sens du même article. A cet égard, il soutient que, si l'AAMS est, en tant qu'organe de l'État, un pouvoir public, elle ne pourrait constituer en même temps une entreprise publique au sens de la directive.

5. Aux termes de l'article 2 de la directive 80-723, on entend par pouvoirs publics "l'État, ainsi que d'autres collectivités territoriales", et par entreprise publique "toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer, directement ou indirectement, une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent".

6. Il y a lieu de constater, ainsi qu'il a été dit par la Cour dans son arrêt du 6 juillet 1982 (République française, République italienne et Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord/Commission, affaires jointes 188 à 190-80, Rec. p. 2545), que l'objectif essentiel de la directive 80-723 est de promouvoir l'application efficace, aux entreprises publiques, des dispositions des articles 92 et 93 du traité concernant les aides étatiques. Ainsi qu'il ressort des considérants de la directive, la complexité des relations des pouvoirs publics nationaux avec les entreprises publiques est de nature à entraver l'exécution par la Commission de son devoir de surveillance de telle sorte qu'une application efficace et équitable des règles du traité CEE concernant les aides ne peut se faire que pour autant que ces relations financières soient rendues transparentes. En particulier, le sixième considérant prévoit que, en matière d'entreprises publiques, cette transparence doit permettre de distinguer clairement entre le rôle de l'État en tant que pouvoir public et en tant que propriétaire.

7. La distinction prévue par le sixième considérant procède de la reconnaissance du fait que l'État peut agir soit en exerçant l'autorité publique, soit en exerçant des activités économiques de caractère industriel ou commercial consistant à offrir des biens et des services sur le marché. Afin de pouvoir opérer une telle distinction, il est donc nécessaire, dans chaque cas, d'examiner les activités exercées par l'État, et de déterminer à quelle catégorie ces activités appartiennent.

8. Il y a lieu d'observer qu'à cette fin il n'importe pas que l'État exerce lesdites activités économiques par le moyen d'une entité distincte sur laquelle il peut exercer, directement ou indirectement, une influence dominante selon les critères énumérés à l'article 2 de la directive ou qu'il exerce les activités directement par le moyen d'un organe faisant partie de l'administration de l'État. En effet, dans ce dernier cas, le fait que l'organe est intégré dans l'administration de l'État implique, par hypothèse, l'exercice d'une influence dominante au sens dudit article 2. En pareil cas, les relations financières peuvent être encore plus complexes et la transparence voulue par la directive devient, dès lors, encore plus nécessaire. En l'espèce, le fait que l'AAMS est intégrée dans l'administration de l'État ne s'oppose donc pas à ce qu'elle soit considérée comme une entreprise publique au sens de la directive 80-723.

9. Le gouvernement italien fait encore valoir que, pour que les pouvoirs publics exercent leur influence sur une entreprise publique, les deux entités doivent être juridiquement distinctes. A son avis, une entreprise publique doit donc nécessairement posséder une personnalité juridique distincte de celle de l'État.

10. Cet argument ne peut pas être retenu. L'objectif de la directive 80-723 tel qu'indiqué ci-dessus serait mis en cause si son application dépendait de la question de savoir si des organes d'État possèdent ou non une personnalité juridique distincte de celle de l'État. En effet, suivant la forme juridique choisie par les États membres, les activités économiques de caractère industriel ou commercial de certains organes d'État seraient visées par la directive, alors que celles d'autres organes ne le seraient pas. En outre, l'application de la directive en ce qui concerne la même activité différerait d'un État membre à un autre, en fonction de la forme juridique que chaque État membre attribue aux entreprises publiques exerçant une telle activité.

11. A cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi que la Cour l'a constamment souligné dans sa jurisprudence, que le recours à des dispositions de l'ordre juridique interne pour limiter la portée des dispositions de droit communautaire aurait pour effet de porter atteinte à l'unité et à l'efficacité de ce droit et ne saurait dès lors être admis. Par conséquent, l'existence ou non d'une personnalité juridique distincte de celle de l'État, attribuée par le droit national, est sans pertinence pour décider si un organe peut être considéré comme une entreprise publique au sens de la directive.

12. Le gouvernement italien estime, de plus, que la notion de relations financières, dont la directive entend assurer la transparence, suppose des relations entre sujets juridiques distincts.

13. Il y a lieu d'observer, à cet égard, que le fait qu'un organe exerçant des activités économiques de caractère industriel ou commercial soit intégré dans l'administration de l'État avec lequel il se confond dans une même personne juridique n'empêche pas l'existence des relations financières entre l'État et cet organe. En effet, par le moyen d'allocations de fonds budgétaires, l'État dispose, par définition, du pouvoir d'exercer une influence sur la gestion économique de l'entreprise, permettant de compenser des pertes d'exploitation et de mettre à la disposition de l'entreprise de nouveaux fonds, et peut ainsi permettre à celle-ci de poursuivre une exploitation en dehors des règles d'une gestion commerciale normale, situation que la directive a justement pour objectif de rendre apparente.

14. Enfin, le gouvernement italien soutient qu'il résulte de l'annexe I à la directive 80-767 du Conseil, du 22 juillet 1980, adaptant et complétant, en ce qui concerne certains pouvoirs adjudicateurs, la directive 77-62-CEE portant coordination des procédures de passation des marchés publics de fournitures (JO L 215, p. 1), que l'AAMS est un organe du ministère italien des finances. En effet, une note en bas de page à ladite annexe I à propos du ministère des finances exclut la régie des tabacs et du sel de la liste des entités acheteuses italiennes relevant du champ d'application de la directive.

15. A cet égard, il y a lieu d'observer que, dans le cadre de la directive 80-767, ainsi que l'affirme le gouvernement italien, l'AAMS est considérée comme dépendant du ministère des finances. Toutefois, ainsi qu'il ressort du raisonnement de la Cour développe ci-dessus, cette circonstance n'importe pas pour la qualification d'entreprise publique au sens de la directive 80-723.

16. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'AAMS doit être considérée comme une entreprise publique au sens de l'article 2 de la directive 80-723.

17. Il y a donc lieu de reconnaître que, en ayant refusé de transmettre à la Commission les informations au sujet de l'AAMS, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 80-723 de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques.

Sur les dépens

18. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La République italienne ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1) En ayant refusé de transmettre à la Commission les informations au sujet de l'Amministrazione autonoma dei monopoli di stato, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 5, paragraphe 2, de la directive 80-723 de la Commission, du 25 juin 1980, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques.

2) La République italienne est condamnée aux dépens.