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CCE, 16 décembre 1985, n° 85-616

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Villeroy & Boch

CCE n° 85-616

16 décembre 1985

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment son article 2, vu la demande d'attestation négative présentée le 25 mai 1982 par les entreprises Villeroy & Boch KG, à Mettlach (Allemagne), et Villeroy & Boch SARL, à Luxembourg, concernant un réseau de contrats-types de distribution de céramiques de table et décoratives, vu l'essentiel du contenu de cette demande (2), publié en application de l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes. Considérant ce qui suit :

I. LES FAITS

A. Les entreprises

(1) Les sociétés Villeroy & Boch KG sise à Mettlach (Allemagne) et Villeroy & Boch SARL sise à Luxembourg relèvent du groupe du même nom, grand producteur de céramiques (céramiques sanitaires et fines). Le groupe Villeroy & Boch réalise un chiffre d'affaires annuel consolidé de . . ., toutes activités confondues, dont . . . (3) au titre des céramiques fines (céramiques de table et décoratives), que Villeroy & Boch commercialise dans les Etats membres de la Communauté européenne et de l'Association européenne de libre-échange (AELE) au moyen d'un réseau de distribution.

B. Le produit et le marché

(2) Villeroy & Boch se classe parmi les grands producteurs européens de céramiques de table et décoratives. Il écoule principalement sa production en Allemagne, au Benelux et en France. Le réseau Villeroy & Boch distribue soixante et un services de table dont les plus réputés, au nombre de vingt et un, bénéficient d'une garantie de disponibilité de quinze ans. La part de marché de Villeroy & Boch est inférieure à 10 % dans tous les États membres de la Communauté économique européenne et se situe en deçà de 5 % dans plusieurs d'entre eux.

(3) Le marché des céramiques de table et décoratives est un marché dispersé où règne une concurrence très vive. Sur le seul marché allemand, de nombreux producteurs sont présents, dont les trois principaux assurent ensemble le tiers des ventes, les autres se partageant le reste du marché à raison d'une part respective égale ou inférieure à 5 %.

(4) S'agissant d'articles de qualité et non pondéreux, les importations jouent un rôle important et peuvent représenter jusqu'au tiers des ventes annuelles sur certains marchés nationaux. Chaque producteur est ainsi exposé à la concurrence des fabricants établis tant dans les autres États membres que dans les pays tiers, certains producteurs exportant jusqu'à plus du tiers de leur production.

C. Le réseau d'accords notifiés

(5) Villeroy & Boch commercialise ses céramiques de table et décoratives dans le marché commun par un réseau de quelque 3 500 détaillants spécialisés, lesquels sont approvisionnés, selon les pays, directement par Villeroy & Boch et/ou par l'intermédiaire d'importateurs ou de grossistes. Ce réseau est complété par deux filières spécialisées : l'approvisionnement des hôtels et restaurants et la distribution d'objets publicitaires.

(6) Le réseau de distribution, que Villeroy & Boch a notifié aux fins d'une attestation négative, ou subsidiairement d'une exemption, est ainsi fondé sur plusieurs contrats-types différents conclus pour une durée indéterminée et résiliables par chaque partie moyennant un préavis de six mois. Ces contrats-types lient Villeroy & Boch respectivement :

- aux détaillants spécialisés (Facheinzelhandler), à leurs grossistes et centrales d'achat,

- aux fournisseurs spécialisés dans l'approvisionnement des hôtels et restaurants,

- aux distributeurs d'objets publicitaires (Werbemittelunternehmen) habilités à approvisionner uniquement certains utilisateurs finals professionnels en vue d'une cession ultérieure à des tiers à des fins publicitaires.

1. Caractéristiques communes des contrats notifiés

a) Absence de prix imposés

(7) Les contrats-types notifiés ne comportent aucune disposition relative à la fixation des prix de revente : tous les revendeurs Villeroy & Boch sont libres de fixer leurs prix. Villeroy & Boch pratique un système de prix recommandés dans certains États membres de la Communauté.

b) Liberté des livraisons croisées entre revendeurs Villeroy & Boch

(8) Tous les revendeurs peuvent revendre les articles sous contrat aux autres revendeurs Villeroy & Boch relevant de la même filière de distribution. Les détaillants spécialisés agréés peuvent notamment approvisionner tout autre détaillant spécialisé agréé en produits sous contrat.

c) Liberté des exportations

(9) Tous les revendeurs Villeroy & Boch peuvent également effectuer les transactions visées sous b) depuis un État membre de la Communauté économique européenne ou de l'AELE vers un autre État membre.

d) Absence d'interdiction de concurrence

(10) Les revendeurs Villeroy & Boch peuvent s'approvisionner en articles similaires aux articles sous contrat auprès des producteurs concurrents.

2. Dispositions spécifiques des contrats liant Villeroy & Boch aux détaillants spécialisés (EG-Vertriebsbindung)

(11) Villeroy & Boch a conclu des contrats de distribution sélective avec quelque 3 500 détaillants spécialisés établis dans les différents États membres et approvisionnés, selon les pays, par voie de livraisons directes de Villeroy & Boch et/ou par l'intermédiaire d'importateurs ou de grossistes. Les principales dispositions contractuelles sont les suivantes :

a) Produits exclus de la filière

(12) Sont exclus des livraisons par Villeroy & Boch les articles publicitaires et les articles destinés aux hôtels et restaurants qui relèvent respectivement de deux filières spécialisées de la distribution des articles Villeroy & Boch, en tant que ces articles se différencient nettement des services de table destinés au consommateur privé final.

b) Réseau de distribution fermé (Vertriebsbindung)

(13) Les détaillants spécialisés sont tenus de n'approvisionner que les consommateurs finals ou d'autres détaillants spécialisés agréés par Villeroy & Boch, quel que soit l'État membre d'établissement de l'utilisateur.

c) Critères de sélection

(14) Seuls sont admis au sein du réseau de distribution les détaillants agréés par Villeroy & Boch en fonction des critères de sélection exposés ci-après. A la suite de certaines observations formulées par la Commission, Villeroy & Boch a assoupli certains de ses critères qui peuvent être désormais résumés comme suit :

- vendre au détail des articles de table consistant pour l'essentiel en des articles de qualité dans un magasin facilement accessible au grand public, spécialisé dans la branche ou comportant un rayon spécialisé. Lorsqu'un détaillant spécialisé commercialise en large majorité l'assortiment d'un grand producteur de céramique de table, il est réputé remplir la condition d'agrément relative à la spécialisation du point de vente. L'accord type stipulait initialement que le local de vente ne devait pas être séparé des autres commerces de détail et devait être établi dans une zone aussi centrale que possible. Villeroy & Boch a assoupli cette clause dans le sens précité à la suite des observations faites par les services de la Commission,

- le détaillant doit offrir un assortiment suffisamment étendu et varié d'articles Villeroy & Boch et d'autres articles de qualité comparable et susceptibles de satisfaire les prétentions des consommateurs exigeants. L'étendue et la variété de l'assortiment dépendent de l'importance et de la situation du point de vente,

- présentation des marchandises permettant de valoriser la production Villeroy & Boch, notamment en la distinguant visuellement des articles des autres marques. Les articles Villeroy & Boch ne doivent pas être entourés de produits susceptibles de déprécier leur présentation,

- obligation de stockage des séries Villeroy & Boch de façon à pouvoir répondre à la demande normale des clients,

- compétence technique et professionnelle du personnel,

- contrôle de la marchandise avant livraison au consommateur final,

- service après-vente habituel (remplacement d'articles et conseils au client désireux de compléter un service),

- obligation de promotion des produits Villeroy & Boch par voie de publicité, d'annonces et d'autres procédés habituels.

3. Contrats liant Villeroy & Boch au commerce de gros

(15) Villeroy & Boch a conclu deux types de contrats de distribution avec le commerce de gros (grossistes et centrales d'achat). Leur caractéristique commune est de limiter les reventes du commerce de gros aux seuls revendeurs agréés par Villeroy & Boch. Sont donc exclus des reventes par le commerce de gros les détaillants non agréés et les consommateurs finals.

4. Contrats liant Villeroy & Boch aux fournisseurs des hôtels et restaurants

(16) Villeroy & Boch n'approvisionne ces fournisseurs spécialisés dans cette filière spécifique du commerce des articles de table qu'aux fins de revente aux hôtels et aux restaurants. Villeroy & Boch se réserve la possibilité de livrer directement à ces utilisateurs finals professionnels.

5. Contrats entre Villeroy & Boch et les entreprises distribuant des objets publicitaires

(17) Villeroy & Boch approvisionne certaines entreprises spécialisées dans la distribution d'objets publicitaires aux fins exclusives de revente aux utilisateurs finals professionnels, lesquels cèdent ultérieurement les articles à des tiers à titre de cadeaux publicitaires ou à des fins promotionnelles.

(18) A la suite de la publication effectuée conformément à l'article 19 paragraphe 3 du règlement n° 17, aucune observation émanant de tiers n'a été communiquée à la Commission.

II. APPRECIATION JURIDIQUE

(19) En vertu de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

(20) Les contrats-types notifiés régissant les relations entre Villeroy & Boch et ses différents revendeurs expriment les modalités d'une coopération entre entreprises juridiquement indépendantes et constituent des accords entre entreprises au sens de la disposition précitée.

(21) Le marché sectoriel où le réseau de distribution notifié déploie ses effets est circonscrit aux céramiques de table et décoratives (céramiques fines). D'une part, les céramiques de table (services de table en porcelaine et en faïence) sont à considérer comme similaires en raison de leurs propriétés, de leur usage et de leurs prix, lesquels ne présentent pas d'écarts significatifs selon la matière du produit vendu - porcelaine ou faïence. D'autre part, les céramiques ornementales peuvent être en l'espèce incluses dans le même marché en raison de leur caractère d'accessoire des services de table, et de l'identité de la matière première entrant dans leur fabrication.

(22) Si les accords de distribution sélective influent nécessairement sur le jeu de la concurrence dans le marché commun (Cour de justice, affaire 107-82, arrêt AEG / Telefunken, du 25 octobre 1983, Recueil 1983, p. 3151, attendu 33), certains produits ou services, qui ne sont pas des produits ou services simples, ont toutefois des propriétés telles qu'ils ne peuvent être offerts utilement au public sans l'intervention de distributeurs spécialisés. Dans cette mesure, les systèmes de distribution sélective constituent un élément de concurrence compatible avec l'article 85 paragraphe 1, à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de nature qualitative en rapport avec les exigences de la distribution des produits en cause et que ces critères soient fixés de façon uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire (Cour de justice, affaire 31-80, L'Oréal, du 11 décembre 1980, Recueil 1980, p. 3775, attendus 15 et 16).

(23) Pour autant, les contrats de distribution notifiés ne pourront pas être considérés comme restrictifs de concurrence s'il est établi que la sélection des revendeurs est fondée sur des critères nécessairement commandés par la nature spécifique des produits contractuels.

(24) Or, depuis que Villeroy & Boch a assoupli certaines clauses des contrats de distribution sélective de ses détaillants spécialisés, notamment en supprimant, à la demande de la Commission, la clause de localisation centrale des points de vente au détail, qui était de nature à exclure du réseau Villeroy & Boch des canaux de distribution éventuellement aptes à satisfaire aux exigences qualitatives du producteur, sans être pour autant établis au centre des zones de consommation, l'admission par Villeroy & Boch à son réseau de détaillants spécialisés n'est plus subordonnée qu'à des conditions de qualification technique et professionnelle du point de vente, objectivement raisonnables et appropriées pour garantir dans de bonnes conditions la vente de ses articles.

(25) En effet, la vente dans de bonnes conditions (voir Cour de justice, affaire 26-76, attendu 37, Metro, Recueil 1977, p. 1875) de services de table de qualité requiert tout d'abord que ceux-ci soient présentés et commercialisés dans des magasins de la branche ou comportant un rayon spécialisé, spécifiquement équipés pour la vente de ces articles et disposant d'un personnel techniquement qualifié. Dans la mesure où le système de distribution sélective Villeroy & Boch est également ouvert aux magasins disposant d'un rayon spécialisé, il n'est pas par principe de nature à exclure certaines formes modernes de distribution.

(26) Les produits en cause sont des articles de consommation durable, de nature composite- chaque service de table comprenant une variété importante de pièces différentes - et dont l'achat ne s'épuise donc pas en un seul acte mais est appelé au contraire à se renouveler au gré des remplacements des pièces brisées ou des acquisitions de pièces complémentaires. En conséquence, la longévité des produits en cause justifie l'intérêt légitime du producteur à en confier la vente aux seuls détaillants désireux de garantir un service après vente approprié permettant d'assurer la continuité de l'approvisionnement du client.

(27) La présentation " valorisante " des articles Villeroy & Boch et leur séparation tant des articles d'autres marques que de types de produits susceptibles de dégrader l'image de marque de Villeroy & Boch a seulement pour objet d'améliorer la présentation et l'identification des articles Villeroy & Boch et d'éviter toute confusion avec des articles similaires d'autres marques et toute assimilation à des produits de qualité inférieure et susceptibles de banaliser une ligne d'articles à laquelle Villeroy & Boch entend au contraire conférer un certain prestige. Ladite obligation n'empêche aucunement les détaillants spécialisés Villeroy & Boch de vendre des produits concurrents.

(28) Le contrôle par le producteur des qualifications des détaillants spécialisés qu'il entend admettre dans son réseau est nécessaire pour assurer la cohésion et l'étanchéité du système de distribution sélective. En tant qu'accessoire de l'obligation principale de spécialisation incombant au détaillant spécialisé et dont il contribue à assurer l'application, le principe du contrôle par le producteur lui même de l'accès des détaillants spécialisés à son réseau de distribution, ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le maintien de ce réseau.

(29) En ce qui concerne plus particulièrement l'obligation d'exposer à la vente un assortiment suffisamment étendu et varié d'articles Villeroy & Boch et celle corrélative d'en maintenir un stock suffisant, elles ne sauraient sensiblement restreindre la concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1, dès lors que la structure très compétitive de l'offre sur le marché en cause, l'absence d'objectifs de vente imposés par Villeroy & Boch à ses détaillants spécialisés et l'absence d'interdiction de concurrence, non seulement inhérente au système, mais encore souhaitée par le producteur lui-même, garantissent aux détaillants spécialisés Villeroy & Boch l'indépendance de leur politique de vente et aux producteurs concurrents l'accès sans entrave à ces mêmes distributeurs:

- aucun des nombreux producteurs présents sur le marché ne détient une part supérieure à 15 % dans aucun État membre et aucun ne peut donc tenir en principe ses distributeurs en situation de dépendance. Avec une part de marché au-dessous de 10 % dans tous les États membres, Villeroy & Boch n'est en position de force ni vis-à-vis de ses concurrents, vu notamment sa part de marché modeste au niveau de la Communauté considérée dans son ensemble, ni vis-à-vis de ses détaillants, spécialisés pour pouvoir limiter par les clauses ci-dessus leur liberté de concentrer leur activité sur les marques permettant de réaliser le plus grand bénéfice. En outre, les réseaux de distribution sélective similaires à celui de Villeroy & Boch ne sont pas très répandus, de sorte que la distribution des céramiques de table ne risque pas d'être figée au sein de structures de distribution rigides où chaque producteur tenterait de capter à son profit l'activité de ses distributeurs,

- loin d'aspirer à l'exclusivité de la représentation des produits Villeroy & Boch, le système de distribution sélective Villeroy & Boch est au contraire axé sur la cohabitation des articles Villeroy & Boch avec des marques concurrentes de renom, avec lesquelles Villeroy & Boch entend mesurer le prestige de son image de marque. Le système notifié tend en effet si peu à l'exclusivité que tout détaillant spécialisé commercialisant en large majorité l'assortiment de tout grand producteur quel qu'il soit est réputé remplir la condition d'agrément relative à la spécialisation du point de vente,

- rien n'interdit en conséquence aux détaillants spécialisés Villeroy & Boch de distribuer également des produits concurrents lorsque leur vente semble avantageuse. Une telle éventualité est d'autant plus plausible que les détaillants spécialisés Villeroy & Boch ne sont pas tenus de réaliser un chiffre d'affaires déterminé avec les articles Villeroy & Boch ni d'en commander à échéances fixes des quantités prédéterminées.

(30) Dans ces conditions, même si l'obligation de promotion des ventes des articles Villeroy & Boch ne relève pas à proprement parler des critères de sélection qualitatifs compatibles avec l'article 85 paragraphe 1, elle n'est toutefois pas à considérer, en l'espèce, comme une restriction sensible de concurrence. Convenue dans l'intérêt commun évident des contractants, l'obligation générique d'engagement (Einsatz) pour la marque Villeroy & Boch au moyen de l'exposition de panonceaux Villeroy & Boch, de la distribution de prospectus Villeroy & Boch, d'annonces et d'actions promotionnelles et des autres procédés publicitaires usuels, n'empêche pas les détaillants spécialisés Villeroy & Boch de tirer parti de la concurrence entre les différentes marques.

(31) Dans un marché aussi dispersé au niveau tant de la production que de la distribution, il est par ailleurs exclu que les accords passés par Villeroy & Boch avec ses détaillants spécialisés puissent, par l'intermédiaire de réseaux éventuellement communs à d'autres producteurs, faciliter une collusion entre fabricants ayant pour objet d'exclure du marché des entreprises concurrentes : le nombre des producteurs est trop élevé et le cercle des distributeurs trop ouvert et indéfini pour permettre une telle entente.

(32) Au contraire, dans ce marché hautement compétitif, l'offre conjointe par des détaillants spécialisés de services de table de niveau comparable mais de marques différentes ne peut que renforcer la concurrence entre marques. Par la présentation concentrée et soignée de production concurrentes, le consommateur est en effet mis en mesure d'établir le meilleur rapport qualité-prix et en l'absence d'obligation de réaliser un chiffre d'affaires minimal pour les produits Villeroy & Boch, le détaillant peut conseiller le client en toute indépendance. Au cas où le client estime secondaire les services dont s'entoure la vente, au sein d'un système de distribution sélective, il pourra de toute façon porter son choix sur les articles de producteurs concurrents qui ne pratiquent pas la distribution sélective et sanctionner ainsi le choix de stratégie commerciale effectué par le producteur.

(33) Tout en renforçant la concurrence entre marques, le fonctionnement du réseau de distribution sélective ne saurait amener une restriction de la concurrence à l'intérieur de la marque par voie de collusion entre les détaillants spécialisés, ayant pour objet par exemple de faire obstacle à la libre détermination par Villeroy & Boch de ses canaux de distribution ou d'assurer le respect des prix conseillés par Villeroy & Boch. Une telle éventualité n'est possible qu'en présence d'un nombre relativement peu élevé de détaillants. Or, tel n'est pas le cas en l'occurrence. Par ailleurs, Villeroy & Boch n'a pas accordé de territoire de vente exclusif à ses détaillants et il ne lui serait, pas impossible de contrecarrer d'éventuelles pressions concertées émanant de ses distributeurs par l'approvisionnement de nouveaux détaillants agréés.

(34) La sélectivité du système de distribution en cause repose aussi sur l'engagement souscrit par les détaillants spécialisés de ne revendre les produits contractuels qu'au consommateur final ou à d'autres détaillants spécialisés agréés par Villeroy & Boch. Etant donné que tant les critères objectifs et qualitatifs que les obligations de promotion de ventes ci-dessus sont considérés comme compatibles avec l'article 85 paragraphe 1, l'engagement en question ne restreint pas non plus sensiblement la concurrence dans le cas d'espèce.

(35) Dès lors qu'on admet la licéité de l'obligation à laquelle doivent souscrire les détaillants agréés de ne pas vendre à des détaillants non agréés, il en va de même pour celle incombant aux grossistes et aux centrales d'achat de ne livrer qu'aux revendeurs Villeroy & Boch, dès lors qu'elle constitue au niveau du commerce de gros le prolongement de la sélectivité du système de distribution au détail.

(36) Quant à l'interdiction corrélative pour les grossistes et centrales d'achat de livrer aux consommateurs finals, elle ne constitue pas une restriction de concurrence au sens de l'article 85 paragraphe 1 : la concurrence serait au contraire faussée si les grossistes, dont les charges sont proportionnellement plus légères à raison même du stade de commercialisation auquel ils opèrent, faisaient aux détaillants une concurrence au stade de la distribution au détail, et notamment de l'approvisionnement des utilisateurs privés (affaire 26-76, attendu 29, Metro, du 25 octobre 1977, Recueil 1977, p. 1875).

(37) La clause des contrats-types liant Villeroy & Boch aux fournisseurs des hôtels et restaurants et qui limite à ces derniers la revente des produits contractuels est justifiée par la nature particulière de l'activité de ces revendeurs et des gammes de produits différents qu'ils livrent. S'agissant en effet de la revente de services de table en masse non destinés au consommateur final, il est raisonnable que ces revendeurs spécialisés ne puissent céder les produits contractuels ni aux détaillants agréés, ni aux consommateurs finals. Il n'y a là à proprement parler aucune restriction de concurrence dès lors que la composition des services de table et leur présentation sont différentes de celles des services de table ménagers.

(38) Les mêmes considérations s'appliquent aux contrats-types liant Villeroy & Boch aux distributeurs d'articles publicitaires (Werbemittelunternebmen). En raison de leur objet spécifique, la revente à des utilisateurs finals professionnels d'articles isolés non inclus dans des services de table aux fins de cession ultérieure à des tiers dans un but publicitaire, ces contrats s'inscrivent dans une filière commerciale tout à fait différente de celle qui conduit les services de table au consommateur final privé. Dès lors, l'obligation incombant aux distributeurs d'articles publicitaires de ne revendre qu'à ces utilisateurs finals professionnels ne constitue pas une restriction de concurrence.

(39) Le réseau de contrats de distribution notifiés ne comportant à la charge des revendeurs Villeroy & Boch aucune obligation ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre, ou de fausser sensiblement le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun au sens de l'article 85 paragraphe 1, il n'est pas nécessaire d'examiner si le commerce entre États membres est affecté. Il n'y donc pas lieu d'intervenir en vertu de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE. En conséquence, la Commission peut délivrer à son égard une attestation négative sur le fondement de l'article 2 du règlement n° 17.

A ARRÊTE LA PRÉSENTE DÉCISION :

Article premier

Sur la base des éléments dont elle dispose, il n'y a pas lieu pour la Commission d'intervenir en vertu des dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE à l'égard du réseau des contrats-types, objet de la présente décision, et liant Villeroy & Boch à ses revendeurs.

Article 2

Les sociétés Villeroy & Boch KG, à Mettlach (république fédérale d'Allemagne), et Villeroy & Boch SARL, à Luxembourg (grand-duché de Luxembourg) sont destinataires de la présente décision.

(1) JO n° 13 du 12-02-1962, p. 204/62.

(2) JO n° C 206 du 15-08-1985, p. 6.

(3) Dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certaines données ont été omises, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.