CCE, 14 décembre 1985, n° 85-609
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
ECS/AKZO Chemie
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de la Grèce, et notamment ses articles 3 et 5, vu la plainte du 15 juin 1982 adressée à la Commission, conformément à l'article 3 du règlement n° 17, par Engineering and Chemical Supplies (Epsom and Gloucester) Ltd, sise à Stonehouse, Gloucestershire, Royaume-Uni, tendant à faire constater une violation de l'article 86 par Akzo Chemie BV, Amersfoort, Pays-Bas, vu la décision prise par la Commission, le 8 juin 1983, d'engager la procédure dans cette affaire, vu la décision 83- 462-CEE de la Commission, du 29 juillet 1983, relative à une procédure au titre de l'article 86 du traité CEE (2), ordonnant des mesures provisoires, après avoir donné à l'entreprise concernée l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément aux dispositions de l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et au règlement n° 99-63-CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement n° 17 du Conseil (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit :
I. LES FAITS
Introduction
(1) La présente décision fait suite à une demande introduite, en vertu de l'article 3 du règlement n° 17, par Engineering and Chemical Supplies (Epsom and Gloucester) Ltd, ci-après dénommée "ECS", petit producteur anglais d'un peroxyde organique, le peroxyde de benzoyle. ECS soutenait que la société Akzo Chemie BV, qui fait partie du vaste groupe multinational Akzo, ci-après dénommé "Akzo NV", avait enfreint l'article 86 du traité CEE en abusant de la position dominante qu'elle détient sur le marché communautaire des peroxydes organiques. L'abus aurait consisté dans la mise en œuvre d'une politique de réduction sélective des prix et de ventes à perte dans l'intention de saper l'affaire d'ECS et de l'éliminer de la concurrence. D'après ECS, ces manœuvres d'éviction par le biais des prix se seraient concentrées sur un sous-marché relativement spécialisé, celui des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande, qui représentait alors l'essentiel du chiffre d'affaires d'ECS, et visaient à lui enlever les moyens financiers de donner suite à son projet de s'étendre en direction du marché communautaire - beaucoup plus vaste - des peroxydes organiques pour l'industrie plastique
(2) Le comportement incriminé par ECS aurait commencé à la fin de 1979, lorsque des représentants d'Akzo Chemie BV et de sa filiale britannique Akzo Chemie UK Ltd (4) ont rendu visite à ECS et l'ont menacée de s'en prendre à son secteur des additifs pour farines si elle ne renonçait pas à s'étendre au marché des polymères (ou des "plastiques"), et surtout à exporter du Royaume-Uni vers l'Allemagne. ECS soutenait que, malgré l'ordonnance en référé que la High Court de Londres lui avait accordée sans délai, Akzo avait, par la suite, mis ses menaces à exécution et tenté de saper l'affaire d'ECS par une campagne soutenue et systématique de réduction des prix. En décembre 1982, la Commission a procédé auprès d'Akzo Chemie et d'Akzo UK à des vérifications impromptues au titre de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17 ; quelques mois plus tard, elle arrêtait des mesures provisoires imposant à la filiale du Royaume-Uni l'obligation de ramener ses bénéfices aux niveaux qu'elle pratiquait avant de proférer ses menaces et de les mettre à exécution.
(3) Akzo n'a pas intenté une action devant la Cour de justice pour faire annuler la décision arrêtant les mesures provisoires ; en revanche, au cours de la présente procédure, elle a contesté avec vigueur non seulement les faits établis par la Commission, mais l'application, à ces faits, des règles de concurrence de la Communauté.
Les entreprises
(4) Akzo Chemie et ses filiales forment la division "spécialités chimiques" de l'important groupe multinational néerlandais Akzo NV, fabriquant des produits chimiques et des fibres artificielles. Akzo NV a réalisé en 1984 un chiffre d'affaires mondial net de 16 520 millions de florins néerlandais (6 608 millions d'ecus) et un bénéfice net de 752 millions de florins néerlandais (300 millions d'ecus).
En 1984, le chiffre d'affaires net d'Akzo Chemie et de ses filiales dans le secteur des spécialités chimiques s'est monté à 2 498 millions de florins néerlandais (1 milliard d'ecus). Le rapport annuel d'Akzo NV pour 1984 mentionne que les produits chimiques (essentiellement les peroxydes organiques), utilisés dans la fabrication des polymères, ont contribué d'une façon "remarquable" à la croissance des profits.
Les ventes de peroxydes organiques réalisées par Akzo Chemie en 1984 se sont chiffrées à ... florins néerlandais (... ecus) (5).
(5) Akzo UK est une filiale à part entière d'Akzo Chemie. Chargée du secteur "spécialités chimiques" d'Akzo Chemie au Royaume-Uni, elle exerce des activités de fabrication et de vente. Tout en produisant, à l'instar d'autres installations d'Akzo dans la Communauté, des peroxydes organiques pour l'industrie des polymères, Akzo UK fabrique également des composés à base de peroxyde de benzoyle utilisés comme agent de blanchiment du pain en boulangerie, ainsi que d'autres additifs pour la farine ou la minoterie.
Akzo UK a réalisé en 1984 un chiffre d'affaires global de 65 millions de livres sterling (110 millions d'ecus), dans lequel les ventes d'additifs pour farines (au Royaume-Uni et ailleurs) interviennent au total pour ... livres sterling (... ecus).
(6) ECS est une petite société dont le propriétaire, qui l'a créée en 1969, est un ancien cadre de Novadel, société absorbée depuis par Akzo UK pour constituer son secteur "additifs pour farines". A l'origine, ECS avait pour principale activité la production et la vente d'additifs pour farines, notamment d'agents de blanchiment à base de peroxyde de benzoyle ; depuis 1979, elle produit également du peroxyde de benzoyle pouvant servir comme catalyseur (ou "initiateur") dans l'industrie des polymères (application "plastiques"). En 1981, ECS a pris une participation minoritaire dans Pergan, société allemande qui est devenue son agent pour la vente en Europe continentale des catalyseurs à base de peroxydes organiques.
Les produits
(7) Les peroxydes organiques sont des spécialités chimiques résultant de la réaction du produit de départ avec le peroxyde d'hydrogène (H2O2) ; Akzo ne fabrique pas le peroxyde d'hydrogène, mais est l'un des principaux clients pour ce produit dans la Communauté.
Les principaux usages des peroxydes organiques sont liés à l'industrie des polymères. Les peroxydes organiques agissent comme "initiateurs" de diverses opérations ; contrairement aux véritables catalyseurs, ils disparaissent complètement au cours du processus chimique.
Dans l'industrie des polymères, leurs principaux domaines d'application sont les suivants:
- initiateurs du processus de polymérisation ou de copolymérisation des vinyles monomères (PVC, LDPE, polystyrène),
- agents de durcissement des élastomères et résines,
- agents de réticulation des éthylènes-propylènes et du caoutchouc synthétique ou des silicones.
(8) Le premier domaine d'application aux polymères (secteur des "hauts polymères" dans la terminologie d'Akzo) représente environ 40 % de la consommation ; les clients sont les grands producteurs de produits thermoplastiques bruts.
Un secteur d'importance à peu près égale est celui du durcissement par polymérisation des résines de polyester insaturées (secteur des "polyesters insaturés"). Ces résines, vulcanisées avec des agents de renforcement tels que les fibres de verre, sont utilisées dans la fabrication de coques de bateaux, de préparations pour carrosserie, d'accessoires électriques, etc.
Le troisième domaine d'application des peroxydes organiques, représentant quelque 10 % de la consommation, est celui de la réticulation. Les polymères réticulés sont utilisés notamment dans la fabrication de revêtements renforcés pour pièces et accessoires automobiles.
(9) Dans l'industrie des polymères, il n'existe pas ou guère de produits susceptibles de remplacer les peroxydes organiques dans leurs applications aux hauts polymères et aux polyesters insaturés. Dans le troisième domaine, d'importance relativement minime, certains produits à base de soufre peuvent remplacer les peroxydes organiques dans la vulcanisation du caoutchouc synthétique. Les composés à base de soufre sont moins chers que les peroxydes organiques, mais ne possèdent pas toujours les propriétés techniques requises, ce qui n'en fait pas des produits de remplacement complets.
Les peroxydes organiques ont d'autres usages, moins importants, comme agents d'oxydation et produits intermédiaires utilisés dans la synthèse des produits cosmétiques et pharmaceutiques.
(10) Le peroxyde de benzoyle est le premier peroxyde organique en termes de production et de diversité d'applications. Avec le peroxyde de lauroyle et l'isononanoyle, il est d'application universelle dans l'industrie des polymères et largement utilisé dans la vulcanisation des hauts polymères et des polyesters. Il sert aussi d'ingrédient actif dans les produits de soins pour la peau. Dans le présent contexte, il constitue l'agent de blanchiment agréé pour la farine. C'est à cette application spécialisée (limitée, dans la Communauté, au Royaume-Uni et à l'Irlande) qu'ECS se consacrait avant de s'étendre, en 1979, au secteur plus vaste des plastiques.
Les autres peroxydes organiques sont des produits spécialisés dont la production, relativement minime, ne dépasse parfois pas quelques tonnes par an. La tendance est de plus en plus aux produits "sur mesure", qui supposent un niveau considérable de recherches et de coopération technique entre le producteur et l'utilisateur pour aboutir à un produit conforme aux exigences du client.
Le marché des peroxydes organiques et la position d'Akzo
(11) Les documents internes d'Akzo Chemie indiquent qu'elle considère le domaine des peroxydes organiques comme un marché unique ; pour des raisons "purement pragmatiques", elle a cependant réparti cette activité entre plusieurs divisions correspondant aux trois principaux domaines d'utilisation.
(12) En 1981, Akzo Chemie attribuait au marché mondial des peroxydes organiques une valeur de quelque 900 millions de florins néerlandais (325 millions d'ecus), dont Akzo NV et ses sociétés liées détenaient un peu plus d'un tiers.
En Europe occidentale (qui représente un marché un peu plus étendu géographiquement que la Communauté, puisqu'il englobe des pays limitrophes où Akzo travaille également), le marché des peroxydes organiques a une valeur d'environ 160 millions d'ecus par an.
Sur ce marché européen, Akzo Chemie estime sa part à quelque 50 %. Cette part est restée constante depuis plusieurs années. Akzo ne cache d'ailleurs pas qu'elle cherche à maintenir sa part du marché à ce niveau. (Un autre document interne d'Akzo Chemie évalue à un pourcentage plus élevé encore, soit 55 %, sa part du marché européen, étendu aux pays de l'Est à commerce d'État.)
Si les divers domaines d'application sont examinés séparément, la part de marché d'Akzo apparaît comme étant du même ordre dans chacun. De 1979 à 1982, elle s'est située juste en dessous de 50 % dans le secteur des hauts polymères ("HP") et à 55 % environ dans le secteur des polyesters insaturés ("UP"). Akzo est aussi, de loin, le premier producteur communautaire de peroxydes organiques pour la réticulation.
Selon ses propres estimations, sur les marchés nationaux des divers États membres de la Communauté, la part la plus faible d'Akzo dans le secteur "HP" était de ... % au Royaume-Uni et la plus élevée, de ... % en Italie ; dans le secteur "UP", sa part la plus faible se situait en Italie et la plus élevée, aux Pays-Bas, où elle atteignait ... %.
(13) Les parts de marché des autres principaux producteurs de peroxydes organiques en Europe occidentale sont également restées stables au cours des cinq dernières années. Le groupe Interox, commun à Solvay et à Laporte, y occupe la deuxième place avec quelque ... % ; le groupement Lucidol-Luperox, dont les capitaux sont américains, s'en arroge ... %, suivi par plusieurs autres producteurs tels que Kenogard (Suède) et Chimie de France (... %).
Akzo estime que le deuxième producteur par ordre d'importance, Interox, est techniquement fort, mais incapable d'en profiter pour augmenter sa part du marché, son secteur "commercialisation" étant relativement faible.
(14) Les documents d'Akzo Chemie indiquent qu'elle se considère comme occupant la position de tête dans le secteur des peroxydes organiques et qu'elle attribue sa force, entre autres, aux facteurs suivants:
i) une organisation de marketing solide, bien charpentée sur les plans commercial et technique;
ii) une gamme étendue, quasi complète, de produits (plus de 100, contre 40 pour Interox);
iii) des connaissances de pointe dans l'important domaine de la sécurité et de la toxicologie;
iv) son vaste éventail de production et sa couverture étendue du marché;
v) ses efforts de recherche et de développement;
vi) son savoir-faire en matière d'applications.
Un certain nombre de documents recueillis par la Commission auprès d'Akzo Chemie soulignent la position en tête ou prédominante d'Akzo, de même que la conscience qu'elle a de la nécessité de maintenir sa part du marché à 50 % "par tous les moyens".
Akzo dispose d'unités de production de peroxydes organiques aux Pays-Bas, en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni. Elle vend ces produits dans tous les États membres de la Communauté et compte parmi sa clientèle tous les grands producteurs de polymères bruts.
Le marché des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande
(15) Dans la Communauté, le Royaume-Uni et l'Irlande sont les seuls pays à utiliser le principal peroxyde organique - le peroxyde de benzoyle - dans le traitement de la farine (6). Il s'agit d'ailleurs des seuls États membres où son emploi est autorisé d'après la réglementation en vigueur. Toutefois, il est également employé à cet usage en Amérique du Nord et du Sud, au Moyen-Orient, au Japon, en Océanie et dans certaines parties de l'Afrique. Akzo UK et ECS approvisionnent l'une et l'autre les marchés d'outre-mer.
La réglementation sur la farine au Royaume-Uni n'admet qu'un seul agent de blanchiment, qui est le peroxyde de benzoyle. Les autres produits qui peuvent ou doivent être ajoutés à la farine pour remplir certaines fonctions dans le processus de fabrication du pain de boulangerie sont:
- les améliorants
- le bromate de potassium, l'acide ascorbique et l'azodicarbonamide
- utilisés pour renforcer le gluten dans le blé tendre généralement utilisé au Royaume-Uni et en Irlande,
- les amylases fongiques alpha, utilisées pour activer la formation de gaz carbonique dans la pâte,
- les agents enrichissants
- vitamine B1, acide nicotinique et fer réduit
- survivance du temps de guerre, où la loi obligeait les minotiers à ajouter à la farine certaines substances alimentaires essentielles.
(16) Au Royaume-Uni et en Irlande, le pain fabriqué à l'échelle commerciale est généralement cuit selon le procédé "Chorleywood", où les améliorants sont souvent ajoutés au stade de la cuisson plutôt qu'à celui de la production de la farine. Les additifs autres que l'agent de blanchiment peuvent donc être ajoutés à la pâte par le boulanger ou à la farine par le minotier.
Les produits sont livrables en plusieurs dilutions selon les besoins du client. Le peroxyde de benzoyle est vendu en dilution de 16 % ou de 20 % et mélangé à une charge inerte. Le bromate de potassium est généralement vendu prêt à l'emploi, en dilutions de 6 % et de 10 %, mais également à des concentrations plus élevées - 20 %, 50 % ou 95 % - mélangées à la farine par le client ou ajoutées à la pâte.
(17) Le Royaume-Uni et l'Irlande ne comptent que trois fournisseurs d'une gamme complète, ou quasi complète, d'additifs pour farines : Akzo UK, ECS et un troisième fournisseur dénommé Diaflex. Akzo UK et ECS produisent toutes deux leur peroxyde de benzoyle concentré (utilisé tant comme amorceur dans la fabrication de plastiques que pour la farine), à partir de chlorure de benzoyle et de peroxyde d'hydrogène. Pour l'usage spécialisé "farine", elles ajoutent ensuite la charge inerte. Diaflex n'a produit le peroxyde de benzoyle concentré que par intermittence ; actuellement, elle s'approvisionne en peroxyde de benzoyle auprès d'Akzo UK et s'en sert pour produire un mélange utilisé dans le traitement de la farine.
Le bromate de potassium et les autres améliorants sont achetés en vrac par les producteurs d'additifs pour farines et sont simplement mélangés à des charges inertes pour arriver à la concentration appropriée.
Les agents enrichissants (mélanges de vitamines) sont également de simples mélanges, préparés à partir de concentrés achetés à l'extérieur et complétés par une charge. Toutefois, Akzo UK et ECS s'arrangent parfois avec les minotiers pour qu'il lui fournissent eux-mêmes la farine au prix de revient ; celle-ci est alors mélangée à des concentrés afin d'obtenir le produit final souhaité.
Les agents de blanchiment et les améliorants ne peuvent être acquis qu'auprès d'Akzo UK, d'ECS et de Diaflex. Les gros clients d'Akzo UK peuvent lui acheter tout ou partie de leurs améliorants sous forme de concentrés et les mélanger jusqu'à obtenir les dilutions voulues.
Chez Akzo UK, ECS et Diaflex, la gamme des additifs pour farines comporte, ou a comporté, des agents enrichissants et, au cours des années 1970, Akzo UK détenait 90 % de ce commerce. Toutefois, le produit final peut être fabriqué assez facilement, sans savoir-faire particulier, et cette situation a entraîné l'apparition de nouveaux concurrents et une réduction des marges. Dès 1976, Akzo UK avait pratiquement cessé de fournir des agents enrichissants, se contentant de les acheter pour les revendre éventuellement à titre de "service à la clientèle".
(18) Akzo UK est le premier fournisseur d'additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande. En 1982, elle estimait à 52 %, au Royaume-Uni, sa part du marché des agents de blanchiment (principal additif pour farines), contre 35 % pour ECS et 13 % seulement pour Diaflex.
Compte tenu des différences de concentration et d'autres facteurs, la comparaison entre les tonnages absolus de toutes les livraisons d'additifs pour farines donnerait une impression trompeuse de la part de marché ; aussi la Commission a-t-elle recueilli des données sur la valeur des ventes de ces additifs chez Akzo UK et ECS de 1979 à 1984 au Royaume-Uni et en Irlande, d'une part, et à l'échelle mondiale, de l'autre.
Ces chiffres indiquent une réduction de la valeur des ventes d'ECS au Royaume-Uni et en Irlande de 1979 à 1984, ramenée de ... à ... livres sterling, tandis que, dans le même temps, les ventes d'Akzo UK passaient de ... à ... livres sterling, malgré une réduction sensible du niveau de ses prix.
A l'échelle mondiale, les ventes totales d'additifs pour farines d'Akzo UK ont presque doublé (de ... livres sterling en 1979 à ... livres sterling en 1984). Quant à ECS, ses ventes mondiales se sont chiffrées à ... livres sterling en 1979 et à ... livres sterling en 1984. Ses ventes totales en 1984 ne représentent donc guère que 40 % environ de celles d'Akzo UK.
On ne connaît pas le chiffre exact des ventes réalisées par Diaflex, mais la Commission estime qu'elles ne dépassent pas ... livres sterling par an au Royaume-Uni et en Irlande. Les parts de marché qui en résultent pour 1984 sont donc de 55 % pour Akzo UK, 30 % pour ECS et 15 % pour Diaflex.
(19) Les principaux clients en matière d'additifs pour farines au Royaume-Uni sont les trois grands groupes de minotiers : RHM, Spillers et Allied Mills (qui fait partie d'Associated British Foods). RHM était aussi jusqu'à sa récente fermeture l'un des deux gros clients minotiers en Irlande. Les trois groupes sont, grosso modo, de taille comparable et, jusqu'en 1979, date à laquelle Spillers a renoncé à son secteur boulangerie, étaient au Royaume-Uni les trois principaux fabricants de pain blanc à l'échelle industrielle ("boulangers industriels"). Ils représentent environ 85 % des achats d'agents de blanchiment. Les "gros indépendants" (minoteries indépendantes des "Trois Grands") en achètent encore 10 %, le solde allant aux "petits indépendants".
L'agent de blanchiment mis à part, les autres additifs pour farines comptent encore un client important, à savoir British Arkady, fabricant d'"améliorants pour pâte" destinés à l'industrie boulangère. La plus grande partie de son approvisionnement en bromate de potassium, azodicarbonamides et amylases lui est fourni par Akzo UK sous forme de concentrés.
(20) Traditionnellement, RHM a partagé ses commandes entre Akzo UK et Diaflex. Jusqu'en 1982, Spillers a été approvisionné principalement par Akzo UK, avec Diaflex comme second fournisseur. Aujourd'hui, le groupe se fournit exclusivement auprès d'Akzo UK. Allied Mills s'approvisionne principalement auprès d'ECS par l'intermédiaire de sa centrale d'achats Provincial Merchants Ltd. Avant son conflit avec ECS, Akzo UK approvisionnait directement une des minoteries du groupe Allied Mills ; depuis 1982, elle a repris à ECS plusieurs autres minoteries du groupe.
ECS détenait auparavant les deux tiers environ de la clientèle des indépendants, contre un tiers pour Akzo UK ; depuis 1982, ces proportions sont inversées.
Les clients d'Akzo UK sont donc RHM, Spillers, certaines minoteries du groupe Allied Mills et certains indépendants. Diaflex approvisionne RHM et quelques clients de moindre importance.
ECS ne réalise pas de ventes importantes d'additifs pour farines aux minoteries irlandaises, qui sont approvisionnées depuis le Royaume-Uni par Diaflex et Akzo UK en peroxyde de benzoyle 20 %. Le prix pratiqué en Irlande est en général le prix fait au Royaume-Uni à RHM, plus un supplément en raison des frais de transport plus élevés.
(21) Les clients recherchent un fournisseur qui puisse satisfaire la totalité de leurs besoins en additifs pour farines et, même lorsqu'ils ont un fournisseur secondaire, ils veulent pouvoir obtenir chez les deux une gamme aussi complète que possible.
L'agent de blanchiment, les améliorants et les amylases sont tous vendus à des prix différents, mais la gamme des produits est offerte en un seul "lot", dont le client apprécie l'attrait globalement. Certains clients achètent leurs agents enrichissants (vitamines) auprès d'une autre source, mais l'inclusion de mélanges de vitamines dans un lot d'autres additifs, offert à un prix avantageux, peut décider un client à passer toutes ses commandes auprès du même fournisseur.
(22) Avant le conflit entre ECS et Akzo, les producteurs d'additifs pour farines se faisaient couramment des livraisons réciproques "à titre auxiliaire" ou "de producteur à producteur" pour parfaire une production insuffisante ou répondre aux besoins de celui qui ne fabriquait pas lui-même un produit. C'est ainsi qu'Akzo UK fournissait à ECS une partie de son approvisionnement en peroxyde de benzoyle 16 % et lui achetait des mélanges de vitamines. Aujourd'hui encore, Akzo UK fournit à Diaflex une grande partie, voire la totalité, de ses achats de peroxyde de benzoyle brut.
Prix des additifs pour farines au Royaume-Uni avant le conflit
(23) Avant que le conflit n'éclate entre ECS et Akzo à la fin de 1979, les prix des additifs pour farines au Royaume-Uni ont augmenté régulièrement par tranches de 10 %. Akzo elle-même reconnaît, dans sa réponse à la communication des griefs, que, "pendant la période qui a précédé l'action devant la High Court, les prix ont augmenté régulièrement dans le secteur des additifs pour farines au Royaume-Uni" et que le marché d'avant 1980 se caractérise par "des prix stables, en augmentation régulière".
Les clients ne paraissent pas avoir réagi aux augmentations, ce qui est dû en partie au fait que les additifs pour farines ne représentent qu'un très faible pourcentage du coût de production global des minotiers (moins de 1 %).
Au milieu de l'année 1977, Akzo UK vendait le peroxyde de benzoyle 16 % à Spillers à 419 livres sterling la tonne et le bromate de potassium 10 % à 267 livres sterling la tonne.
Les prix ont été majorés de 10 % en 1978, ce qui les a portés à 463 et 293 livres sterling respectivement. Une nouvelle hausse de 10 %, survenue le 1er janvier 1979, les a portés à 506 et 339 livres sterling et une autre, le 2 juillet 1979, à 556 et 373 livres sterling.
Akzo UK prévoyait une nouvelle majoration pour le début de 1980. Celle-ci fut réalisée à la mi-février, portant à 605 et 405 livres sterling respectivement les prix faits à Spillers.
Quant à RHM, les prix qui lui étaient faits pour le bromate de potassium ont varié dans les mêmes proportions que chez Spillers. RHM achetait du peroxyde de benzoyle en concentration de 20 % (à un prix proportionnellement plus élevé que le 16 %) et le prix en a été majoré des mêmes pourcentages que chez Spillers.
Les prix facturés par Akzo UK aux indépendants, qui achetaient en plus petites quantités que les grands et payaient davantage en conséquence, ont également augmenté par tranches successives de 10 % jusqu'à atteindre, au 2 juillet 1979, 665 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle 16 % et 468 livres sterling pour le bromate de potassium 10 %.
Les prix facturés par Diaflex aux clients qu'elle partageait avec Akzo UK - RHM et Spillers - ont toujours correspondu à ceux du plus gros producteur aussi bien dans le temps qu'en pourcentage (compte tenu d'une différence possible de 1 à 2 livres sterling).
(24) ECS n'approvisionnait pas RHM ou Spillers. Les prix qu'elle facturait à Allied Mills, son seul gros client, se situaient en général 10 % en dessous des prix facturés par Akzo UK aux deux autres grands groupes. Quant aux prix qu'elle faisait aux indépendants, ils étaient sensiblement inférieurs à ceux d'Akzo UK. ECS tendait également à suivre les majorations d'Akzo UK, tout en respectant l'écart de prix. En août 1979, elle facturait à Allied 532 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle 16 % et 330 livres sterling pour le bromate de potassium 10 %, son prix de vente pour le peroxyde de benzoyle 16 % étant de 630 livres sterling pour les indépendants.
Akzo UK n'a donc rencontré de la part de ses clients aucune résistance sensible devant les majorations régulières des prix auxquelles elle a procédé au Royaume-Uni. Elle est également parvenue à maintenir sa part du marché, tout en augmentant sa part des achats de RHM et de Spillers, malgré son écart de prix avec ECS.
Les origines et l'expansion d'ECS
(25) Pendant quelques années après le début de ses activités en 1969, ECS a acheté son peroxyde de benzoyle en vrac auprès d'Akzo UK et l'a mélangé pour obtenir une concentration propre à son emploi comme additif pour farines. C'est en 1977 qu'ECS a commencé à développer sa propre production de peroxyde de benzoyle à cet usage, après une succession rapide de majorations de prix opérées par Akzo UK, qui réduisaient ses marges. D'après ECS, Akzo avait exprimé son inquiétude en 1977 devant l'initiative prise par ECS de se lancer dans la production, mais s'était montrée disposée à tolérer cette lution tant que ses intérêts ne seraient pas compromis. En 1979, ECS assurait environ un tiers des livraisons d'additifs pour farines tant dans le Royaume-Uni que sur les marchés d'outre-mer. Selon les estimations d'ECS, ses coûts de production pour le peroxyde de benzoyle sont inférieurs à ceux d'Akzo. ECS affirme qu'avant le conflit avec Akzo, le secteur permettait de dégager des marges bénéficiaires raisonnables.
Les événements incriminés résultent de la décision prise par ECS, en 1979, de déborder du secteur des additifs pour farines pour s'étendre à des applications plus lucratives et plus importantes dans le secteur des plastiques. ECS a commencé à produire du peroxyde de benzoyle sous diverses formes utilisables dans l'industrie des polymères bruts, en tant qu'agent de durcissement, et dans les produits de beauté. Le produit était vendu à l'origine par des agences et au Royaume-Uni seulement, mais, en septembre 1979, un premier lot de peroxyde de benzoyle en pâte était expédié à BASF Ludwigshafen, l'un des principaux clients d'Akzo dans le secteur des polymères. Le prix de vente fait par ECS à BASF se situait 15 à 20 % plus bas que le prix facturé au même moment par Akzo.
(26) D'après ECS, Akzo n'aurait pas tardé à réagir devant son expansion. Le 14 novembre 1979 ou aux alentours de cette date, des représentants haut placés d'Akzo UK auraient demandé une rencontre urgente avec ECS, qui eut lieu deux jours plus tard. Au cours de cette première réunion, Akzo UK aurait directement menacé ECS de représailles, sous forme de réductions de prix tant générales que sélectives, axées sur des clients d'ECS, si celle-ci ne se retirait pas du marché des plastiques. Ces réductions de prix se concentreraient sur le secteur des additifs pour farines, c'est-à- dire là où ECS risquait de subir le plus grand tort. Akzo UK aurait dit qu'elle était prête, s'il le fallait, à descendre en dessous du prix de revient et à faire supporter les frais de l'opération par des secteurs plus rentables de ses activités. D'après ECS, les représentants d'Akzo UK auraient déclaré qu'ils agissaient sur ordre de leur société mère Akzo Chemie aux Pays-Bas. Akzo Chemie aurait été fort contrariée, surtout lorsqu'ECS eut commencé à approvisionner, en Allemagne, BASF, qui est l'un des plus gros utilisateurs de peroxyde de benzoyle dans la Communauté. Akzo aurait même envisagé de racheter ECS pour neutraliser cette concurrence. ECS prétendait aussi qu'une deuxième réunion avait eu lieu environ quinze jours plus tard, à laquelle les représentants d'Akzo UK avaient été rejoints par le directeur des produits du siège social d'Akzo Chemie aux Pays-Bas et au cours de laquelle les menaces avaient été réitérées. Quelques jours plus tard, ECS demandait à la High Court de Londres et obtenait une ordonnance en référé fondée sur l'article 86 du traité CEE.
(27) Au cours de cette procédure, Akzo Chemie et Akzo UK ont fermement contesté, sous serment, avoir jamais proféré les menaces dont ECS les accusait. Selon Akzo, lorsque ECS était apparue sur le marché des plastiques en vendant à des prix sensiblement plus bas, elle avait décidé de ne plus l'approvisionner en peroxyde de benzoyle à titre auxiliaire ou de producteur à producteur et d'adopter à son égard une politique de vente "plus compétitive" en matière d'additifs pour farines. Les réunions n'auraient été qu'un simple "geste de communication" de ces intentions à ECS, à titre de pure courtoisie.
Après plusieurs audiences ayant abouti au maintien ou à la modification de l'ordonnance demandée par ECS, les parties en cause sont parvenues à un arrangement en dehors de l'enceinte du tribunal. Akzo convenait de prendre à sa charge les frais de justice d'ECS et s'engageait à ne pas réduire, au Royaume-Uni ou ailleurs, ses prix de vente normaux pour le peroxyde de benzoyle servant aux applications plastiques ou comme additifs pour farines, "dans l'intention d'évincer ECS de la concurrence". Cet engagement, qui avait la force d'une ordonnance en référé, était valable pour une période de deux ans et demi à partir de mars 1980.
(28) Toutefois, l'arrangement n'avait pas tout prévu : il ne concernait qu'un seul additif pour farines, à savoir le peroxyde de benzoyle, et pour démontrer qu'il n'avait pas été respecté, ECS devait prouver l'existence de l'intention directe de l'éliminer. Bien que l'ordonnance ne dise rien à cet égard, Akzo paraît avoir cru qu'elle pouvait faire à un client le prix le plus bas praticable sur le marché, sans se préoccuper de la situation réelle de la concurrence.
La plainte adressée par ECS à la Commission et les mesures provisoires
(29) L'arrangement a mis fin à la procédure introduite devant la High Court, sans résoudre le conflit pour autant. En 1982, ECS s'est plainte à la Commission de ce que le comportement incriminé avait été poursuivi malgré l'engagement pris devant la High Court. ECS se plaignait surtout de ce qu'Akzo UK lui aurait, par une guerre d'usure, enlevé peu à peu ses principaux clients dans le secteur des "gros indépendants", ainsi que certaines minoteries du groupe Allied, et qu'elle ne serait parvenue à conserver ses autres clients qu'en ramenant ses offres de prix aux niveaux extrêmement bas pratiqués par Akzo UK.
Lorsqu' ECS s'était adressée aux avocats d'Akzo UK en février 1981 pour se plaindre de ce que l'engagement avait été rompu, ils avaient répondu qu'Akzo UK ne faisait que réagir à la concurrence en adaptant ses prix au niveau fixé à l'origine par ECS et qu'elle n'avait aucune intention d'évincer celle-ci. ECS affirme que si elle n'a pas poursuivi l'affaire à ce moment devant les tribunaux anglais, c'est qu'elle manquait alors de preuves écrites.
(30) En décembre 1982, la Commission, agissant en vertu de l'article 14 paragraphe 3 du règlement n° 17, a procédé simultanément à plusieurs vérifications impromptues auprès d'Akzo Chemie et d'Akzo UK. Quelques mois plus tard, ECS introduisait une deuxième requête, par laquelle elle demandait, à la Commission cette fois, d'ordonner des mesures provisoires pour assurer sa survie, car les actes de piraterie d'Akzo sur le terrain des prix s'étaient poursuivis même après les vérifications, et ECS risquait en conséquence de devoir mettre bientôt un terme à ses activités.
Après avoir donné aux parties la possibilité de faire entendre leurs points de vue, la Commission a pris, le 29 juillet 1983, la décision 83-462-CEE arrêtant des mesures provisoires par laquelle elle ordonnait à Akzo UK de ramener ses marges bénéficiaires au niveau qu'elle appliquait dans le secteur des additifs pour farines au Royaume-Uni immédiatement avant son conflit avec ECS. Akzo UK ayant beaucoup insisté pour pouvoir, à titre exceptionnel, aligner ses prix sur les offres d'autres producteurs, la décision de la Commission prévoyait cette possibilité.
Allégations émises par ECS
(31) Dans la plainte qu'elle adressait à la Commission, ECS réitérait sa version des deux rencontres au cours desquelles les représentants d'Akzo lui auraient posé l'ultimatum suivant : renoncer aux plastiques ou s'exposer à des représailles, notamment dans le secteur des additifs pour farines.
ECS soutenait que la politique meurtrière de réduction des prix annoncée par Akzo avait été mise en pratique non seulement au Royaume-Uni, mais aussi ailleurs, et qu'elle ne s'était pas limitée aux additifs pour farines, mais étendue aux plastiques.
Le comportement abusif évoqué dans la communication des griefs de la Commission se limite cependant à la vente et à la commercialisation d'additifs pour farines au Royaume-Uni. Certains des documents utilisés se réfèrent aux activités d'Akzo UK dans le secteur des additifs pour farines sur d'autres marchés non communautaires, dans la mesure où ils sont révélateurs de la stratégie globale de vente d'Akzo.
Dans le secteur des additifs pour farines au Royaume-Uni, les principales accusations concernaient:
i) le fait d'avoir repris à ECS la clientèle de plusieurs minoteries d'Allied Mills en pratiquant des prix inférieurs aux coûts de production ou anormalement bas;
ii) le fait d'avoir repris à ECS la clientèle d'au moins trois gros clients "indépendants", toujours au moyen d'offres à bas prix;
iii) le fait de vendre le bromate de potassium et les mélanges de vitamines en dessous du prix réel ou comme appât dans l'intention de s'assurer l'ensemble des commandes d'additifs pour farines passées par un client;
iv) le fait d'avoir contraint ECS à abaisser ses prix jusqu'à un niveau non rentable pour conserver le reste de sa clientèle.
Le comportement commercial d'Akzo vis-à-vis d'ECS
(32) Au cours de ses visites de vérification en vertu de l'article 14 paragraphe 3, la Commission a recueilli auprès d'Akzo certains documents internes importants qui n'avaient pas été produits devant la High Court en 1980.
Un cadre de direction d'Akzo UK, qui avait participé aux deux réunions entre ECS et Akzo à la fin de 1979, en avait rédigé un compte rendu. Cette note, datée du 7 décembre 1979 et portant la mention "privé et confidentiel", était adressée à des cadres d'Akzo Chemie. Elle exposait les détails d'un plan visant à mettre ECS au pas et à l'éliminer en cas de besoin.
(33) Elle commence comme suit : "Des discussions ont eu lieu le 3 décembre au bureau du service "ingéniérie et produits chimiques" de Stonehouse. M. Sullivan a été informé qu'il ne pouvait espérer aucune coopération dans le secteur des "minoteries" s'il décidait de se lancer dans le secteur des "plastiques". M. Sullivan a été averti de ce qu'Akzo prendrait des mesures agressives à l'égard des ventes de produits pour minoteries s'il ne renonçait pas à fournir ces produits à l'industrie plastique. Il a été décidé de ne plus rien faire avant le mardi 11 décembre, pour donner à M. Sullivan le temps de réagir à cette proposition."
Sous le titre "Mise à exécution", la note poursuit : "Si M. Sullivan ne réagit pas avant le mardi 11 décembre à midi, les mesures envisagées seront mises à exécution." Suit alors un plan détaillé consistant à rencontrer chaque client d'ECS et à lui offrir une gamme d'additifs pour farines / peroxyde de benzoyle 16 %, bromate de sium 10 % et mélanges de vitamines / à des prix fort inférieurs à ceux du moment et entraînant une perte considérable.
(34) Rendez-vous avait déjà été pris avec Provincial Merchants, la centrale d'achats du principal client d'ECS, Allied Mills, à qui Akzo proposait le peroxyde de benzoyle 16 % à 395 livres sterling la tonne, le bromate de potassium 10 % à 250 livres sterling la tonne et un mélange de vitamines à 456 livres sterling la tonne plus le coût de la farine. A ce moment, les prix faits par Akzo UK à ses principaux clients pour les deux premiers produits étaient respectivement de 556 et 372 livres sterling et elle envisageait une majoration de 10 % à partir du mois suivant (Akzo UK ne fournissait pas normalement de mélanges de vitamines).
Il était également prévu de prendre rendez-vous avec six grandes minoteries indépendantes nommément citées, approvisionnées à l'époque par ECS. Les offres de prix qui leur seraient faites seraient supérieures d'environ 55 livres sterling à celles prévues pour Allied, soit le peroxyde de benzoyle 16 % à 456 livres sterling, le bromate de potassium 10 % à 305 livres sterling et le mélange de vitamines à 590 livres sterling (farine comprise), dans le cadre d'un "contrat global" qui jouerait au cas où elles feraient tous leurs achats d'additifs pour farines auprès d'Akzo UK.
Les "petits minotiers indépendants" clients d'ECS seraient également contactés ; ils se verraient offrir un contrat global pour l'ensemble de leur approvisionnement à des prix supérieurs d'environ 50 livres sterling à ceux qui seraient offerts aux "gros" indépendants, soit le peroxyde de benzoyle 16 % à 506 livres sterling la tonne, le bromate de potassium 10 % à 367 livres sterling et le mélange de vitamines à 635 livres sterling.
(35) Il était admis que ces offres à bas prix faites aux clients d'ECS obligeraient à réduire quelque peu les prix faits aux deux principaux clients d'Akzo UK, c'est-à-dire RHM et Spillers : à l'avenir, ils se verraient offrir le peroxyde de benzoyle 16 % à 495 livres sterling (et le peroxyde de benzoyle 20 % à 600 livres sterling) et le bromate de potassium 10 % à 312 livres sterling, soit une réduction de quelque 60 livres sterling la tonne.
Le plan comportait une analyse des répercussions de ces offres à bas prix sur la rentabilité d'Akzo UK. Si Akzo enlevait à ECS toute la clientèle d'Allied et des "gros indépendants", il en résulterait pour elle une perte totale prévisible de quelque 170 000 florins néerlandais par an. A la note était annexé un budget spécial pour 1980, qui tenait compte du plan. Malgré certaines erreurs de calcul, il révèle clairement qu'Akzo UK était prête à exploiter à perte son secteur d'additifs pour farines pour atteindre son objectif : évincer ECS ou la mettre au pas.
(36) Le plan n'a pu être exécuté tel qu'il était conçu à l'origine, ECS s'étant adressée immédiatement à la High Court, qui lui accorda une ordonnance de suspension.
De fait, au début de 1980, Akzo UK a majoré de 10 % les prix qu'elle faisait à ses propres clients. ECS n'a pas suivi, de sorte que l'écart habituel de prix entre les deux fournisseurs est devenu plus apparent encore.
En 1980, après qu'Akzo UK eut majoré ses prix, Spillers et RHM ont toutes deux pris contact avec ECS et lui ont demandé une offre pour la fourniture d'additifs pour farines.
Spillers cherchait à assurer l'approvisionnement d'ECS en farine devant servir de charge à ses mélanges de vitamines et ECS avait suggéré que, à titre d'échange, Spillers lui achète une partie de ses additifs pour farines. En mars 1980, ECS faisait une offre à Spillers au prix de 532 livres sterling la tonne pour le peroxyde de benzoyle 16 % et 336 livres sterling la tonne pour le bromate de potassium 10 %. (Ces prix coïncident exactement avec ceux qu'ECS faisait alors à Allied Mills tandis que les prix faits par Akzo UK à Spillers étaient de 605 et 405 livres sterling respectivement.) Akzo (dont le représentant avait vu l'offre d'ECS) ne voulut perdre aucune commande au bénéfice d'ECS et ajusta son prix à la baisse pour rattraper l'offre de celle-ci. Pour des raisons assez obscures, la facture ne devait mentionner qu'une partie de la réduction, le solde, soit 40 livres sterling la tonne, étant retenu et payé sous forme de ristourne à la fin de l'année. Au même moment, Spillers disait à Akzo UK être mécontente de Diaflex et laissait entendre qu'à l'avenir elle placerait chez Akzo UK toutes ses commandes groupées de bromate de potassium et d'azodicarbonamide.
(37) Plus tard dans l'année (vers le mois d'octobre), Spillers a demandé une offre aux trois fournisseurs d'additifs de farine pour un contrat à prix fixes d'une durée de six ou douze mois. ECS a offert son produit standard aux mêmes prix que plus tôt dans l'année ; toutefois, à la demande de Spillers, elle faisait une offre aux prix réduits de 512 et 309 livres sterling pour un mélange spécial bon marché contenant uniquement du gypse au lieu de la charge inerte normale. Plus tard, ECS a majoré de 5,90 livres sterling son offre pour le mélange bon marché afin de couvrir le coût d'un additif présentant de meilleures caractéristiques de coulée. De son côté, Diaflex faisait une offre, tout d'abord à 530 et 335 livres sterling la tonne, chiffres ramenés ultérieurement à 517 et 327 livres sterling pour un contrat de douze mois ou 490 et 310 livres sterling pour un contrat de six mois. (Le produit Diaflex est chargé au gypse, qui est meilleur marché.)
Cette fois encore, Spillers fournit à Akzo UK tout le détail (y compris les copies de la correspondance) des offres reçues des deux autres fournisseurs. Connaissant leurs prix, Akzo UK a fait une offre pour son produit standard à 489 et 309 livres sterling (soit 1 livre sterling la tonne de moins que le prix le plus bas offert à l'un des deux autres fournisseurs pour un mélange bon marché) et a emporté la commande, étant entendu que Spillers s'approvisionnerait entièrement chez Akzo UK.
(38) Akzo UK avait également majoré de 10 %, au début de 1980, les prix qu'elle faisait à RHM. Quelques mois plus tard (en juillet), RHM a pris contact avec ECS qui, cette fois encore, fit une offre à des prix équivalant à ceux qu'elle faisait à Allied Mills. Aucune commande ne s'en est suivie. En novembre 1980, Diaflex a eu connaissance de l'offre d'ECS et en a informé Akzo UK, tout en ajoutant que, à son avis, elles devraient probablement toutes deux (c'est-à- dire Akzo UK et Diaflex) offrir le même prix qu'ECS si elles voulaient conserver la clientèle de RHM. Sur la base des renseignements fournis par Diaflex sur les prix offerts à RHM par ECS, Akzo UK a ramené ses prix de 769 à 660 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle 20 % et de 405 à 330 livres sterling pour le bromate de potassium 10 %. Quelques mois plus tard, les prix faits à RHM ont encore été réduits jusqu'à 640 et 314 livres sterling respectivement et, en mars 1982, ramenés à 629 et 309 livres sterling.
La réaction d'Akzo UK à la première offre faite par ECS à Spillers au début de 1980 fut de prendre contact avec Provincial Merchants en lui proposant des "prix-budget" pour les mélanges de vitamines et l'azobrom, produit de remplacement pour le bromate de potassium. La documentation indique que la prise de contact d'Akzo UK avec Provincial Merchants est le résultat direct de l'offre d'ECS. A ce stade, toutefois, Akzo UK n'a pas fait de tentative sérieuse pour s'assurer la clientèle d'Allied Mills en additifs pour farines.
(39) Après avoir eu connaissance, à la fin de 1980, de l'offre faite par ECS à RHM, Akzo UK se montra cependant plus agressive. Elle conçut le projet de prendre contact avec Provincial Merchants et d'offrir la qualité standard de peroxyde de benzoyle 16 % à 517,90 livres sterling et de bromate de potassium 10 % à 314,90 livres sterling, soit un prix identique à celui offert par ECS à Spillers pour les mélanges spéciaux bon marché. Si aucune commande ne s'ensuivait, Akzo UK prendrait contact avec plusieurs minoteries individuelles du groupe Allied Mills en faisant une offre à ces prix, rechercherait les minotiers mécontents du système d'achat à ECS et s'efforcerait de reprendre leur clientèle à ECS. Les prix faits par ECS à Allied Mills à l'époque étaient toujours de 532 et 330 livres sterling pour ces produits ; Akzo UK fit donc une offre à un prix aussi bas que possible tout en sauvegardant la possibilité de le faire admettre comme un "alignement" sur le prix d'ECS au cas où celle-ci déciderait de retourner devant la High Court. Le représentant d'Akzo UK fut informé par Provincial Merchants que son offre était sensiblement inférieure au prix fait par ECS à Allied Mills (Akzo UK pensait que la différence pouvait atteindre 60 livres sterling la tonne) ; il offrit aussi du nutramin à 314 livres sterling seulement, sans la farine. En échange, Akzo UK s'engagerait à acheter auprès d'Allied Mills la farine requise pour la charge. Les documents indiquent qu'Akzo UK espérait par cette manœuvre "saper la position" du principal acheteur de Provincial Merchants et, ainsi, poser des jalons afin de reprendre une à une la clientèle des diverses minoteries du groupe. A noter qu'Akzo UK approvisionnait jusqu'alors Coxes Lock, la seule minoterie du groupe Allied Mills dont elle avait la clientèle, aux prix de 665 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle 16 % et de 468 livres sterling pour le bromate de potassium 10 %, soit des prix identiques à ceux qu'elle pratiquait alors à l'égard des gros indépendants.
Ce contact avec Provincial Merchants n'ayant rien donné, Akzo UK s'adressa directement aux diverses minoteries du groupe Allied Mills en leur faisant une offre aux prix nouveaux de 517,90 et 314,90 livres sterling.
(40) En décembre 1980, le même directeur des ventes qui avait rédigé le compte rendu des réunions avec ECS à la fin de 1979 prit systématiquement contact avec chacun des "gros indépendants" approvisionnés à l'époque par ECS et leur fit une offre à bas prix. Les prix faits par ECS à ce groupe de clients étaient alors de 630 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle 16 %, 362 livres sterling pour le bromate de potassium 6 % et 654 livres sterling pour le mélange de vitamines, soit un peu moins que les prix faits par Akzo UK à sa propre clientèle régulière de gros indépendants. Akzo UK offrait maintenant à la clientèle d'indépendants d'ECS les prix suivants : 563 à 568 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle 16 %, 339 livres sterling pour le bromate de potassium 10 %, 255 à 260 livres sterling pour le bromate de potassium 6 % et 565 livres sterling pour le mélange de vitamines. Ces offres sélectives étaient donc bien inférieures aux prix auxquels ECS approvisionnait le client et encore plus inférieures (20 à 30 %) aux prix pratiqués alors par Akzo UK à l'égard de sa propre clientèle de gros indépendants, dont les prix d'achat restaient inchangés (à 665 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle 16 % et 468 livres sterling pour le bromate de potassium 10 %).
Comme pour Allied Mills, les prix réduits offerts par Akzo UK n'étaient pas calculés par référence à un prix du marché ou au prix payé à l'époque par le client, mais au prix qu'ECS avait offert précédemment à Spillers, d'ailleurs sans succès, pour le mélange bon marché.
Quelques jours avant ces visites, Diaflex avait également rendu visite à deux des grands clients indépendants d'ECS et leur avait fait une offre à des prix analogues à ceux proposés par Akzo UK. Il s'agissait de clients avec qui Diaflex n'avait jamais été en rapport d'affaires auparavant. Comme Akzo UK le notait dans un rapport daté du 15 septembre 1981, Diaflex n'y a rien gagné auprès des clients d'ECS.
(41) Sous l'effet de ces offres systématiquement réduites d'Akzo UK - dont le suivi était assuré avec soin -, ECS perdit graduellement la clientèle de ses trois principaux gros clients et de plusieurs minoteries d'Allied Mills. Elle ne parvint à conserver la clientèle des autres minoteries qu'en réduisant ses prix au niveau des offres d'Akzo UK. Vers le mois de janvier 1983, Akzo UK réduisit encore ses offres de prix aux minoteries d'Allied Mills et aux indépendants, et ECS, pour garder sa clientèle, fut obligée une fois de plus d'abaisser ses prix, malgré l'augmentation substantielle du coût de la main-d'œuvre et des matières premières.
Outre les prix avantageux qu'elle offrait aux clients d'ECS pour le peroxyde de benzoyle et le bromate de potassium, Akzo UK incluait dans le contrat global des additifs vitaminiques, alors qu'elle ne fournissait pas normalement ce produit. Le prix offert par Akzo UK, livraison comprise, pour les vitamines était inférieur au coût de ses achats de matières premières.
Arguments de fait avancés par Akzo
(42) Akzo a contesté tous les points importants exposés dans la plainte d'ECS et dans la communication des griefs.
Elle combat avec vigueur la version fournie par ECS des réunions qui ont eu lieu à la fin de 1979. Akzo prétend que, lors de la première réunion, Akzo UK s'est bornée à dire que les relations "jusqu'alors harmonieuses" entre les deux firmes cesseraient si ECS continuait à offrir du peroxyde de benzoyle sur le marché des plastiques à des prix sensiblement inférieurs à ceux d'Akzo. Quant à la deuxième réunion, elle n'aurait été qu'un piège orchestré par ECS et ses avocats de l'époque pour réunir les éléments de preuve nécessaires à une action de représailles d'ECS à l'égard d'Akzo.
Bien que la note interne du 7 décembre 1979 confirme en tous ses points essentiels la version des faits qu'ECS a toujours soutenue, Akzo s'est obstinée à nier farouchement avoir jamais proféré la moindre menace. Akzo rejette la note comme n'étant que l'impression personnelle d'un "vendeur" enclin à exagérer.
Quant aux prix soi-disant abusifs qu'elle aurait pratiqués à partir de décembre 1980, Akzo soutient que leur faiblesse est entièrement imputable à ECS, qui a elle-même causé l'effondrement des prix au cours de l'année 1980. ECS aurait fait offre à des prix inférieurs à ceux d'Akzo UK chez deux importants clients de celle-ci. Akzo UK devait réduire ses prix pour conserver sa clientèle. Pour rattraper son manque à gagner, elle n'aurait eu d'autre alternative que de se chercher de nouveaux clients, les grandes minoteries et les diverses minoteries du groupe Allied Mills étant des candidats tout désignés à cet effet. Le pouvoir d'achat des gros clients et la forte concurrence exercée par Diaflex contribueraient également à expliquer la chute des prix à partir de 1980. En toute hypothèse, Akzo prétend que les prix qu'elle offrait n'avaient rien d'abusif, puisqu'ils ont toujours contenu une marge de profit. (Akzo entend par là qu'ils couvraient les charges variables, à défaut du coût total.)
D'une manière générale, Akzo prétend que la Commission s'est laissée duper par la plaignante, qui cherchait à justifier la médiocrité de ses résultats et ses erreurs d'investissement en rejetant le blâme sur d'autres participants sur le marché, c'est-à-dire finalement sur le consommateur lui-même.
(43) A la lumière des documents, la Commission rejette les arguments d'Akzo.
L'allégation selon laquelle la baisse des prix résulterait de facteurs indépendants de la volonté d'Akzo est contredite par les faits. Avant 1980, c'est bien Akzo UK qui déterminait le niveau des prix des additifs au Royaume-Uni.
Elle n'avait éprouvé aucune difficulté à majorer régulièrement ses prix de 10 % à la fois. L'écart habituel entre ses prix et ceux d'ECS n'avait déterminé aucune pression sensible de la part de RHM et de Spillers pour qu'elle ramène ses prix au niveau d'ECS. Abstraction faite de la loyauté du client, qui est un facteur non négligeable, le pourcentage extrêmement faible représenté par les additifs pour farines dans les coûts globaux des minoteries a fait de l'augmentation constante des prix l'une des caractéristiques du marché. Même si le marché est devenu plus concurrentiel après 1980, la "résistance" de la clientèle n'était pas suffisante pour empêcher Akzo UK d'augmenter ses prix, fût-ce pour suivre l'évolution des coûts.
(44) La tactique adoptée par Akzo UK à l'égard d'Allied Mills et des gros indépendants clients d'ECS ne peut être considérée comme une mesure de défense ou une concurrence normale. L'argument selon lequel Akzo UK cherchait simplement à rattraper une partie des profits perdus par suite de la baisse des prix pratiqués à l'égard de RHM et de Spillers est contredite par le fait que les commandes des clients "nouveaux" lui occasionnaient de lourdes pertes. Les circonstances et la chronologie des contacts pris par Akzo UK avec Allied Mills et les indépendants témoignent d'une campagne agressive pour déloger le fournisseur régulier. Ses offres à prix réduits n'avaient aucun rapport avec les prix payés à l'époque par ses clients ni avec sa propre structure de prix, mais étaient calculées de manière à être aussi basses que possible, tout en restant "justifiables", comparées aux prix offerts précédemment (et sans succès) par ECS à Spillers pour le mélange bon marché. Ces prix ne pouvaient davantage être considérés comme reflétant les "niveaux du marché", puisqu'Akzo UK, dans le même temps, parvenait à maintenir les anciens prix, bien plus élevés, qu'elle faisait à ses propres clients d'importance équivalente.
(45) La Commission n'admet pas que les prix aient été forcés vers le bas en raison de la forte concurrence exercée par Diaflex. Ce petit producteur, qui n'a fabriqué le peroxyde de benzoyle que par intermittence et dépend dans une large mesure d'Akzo UK pour son approvisionnement, est à considérer tout au plus comme un concurrent marginal. Dans le passé, ses prix ont toujours augmenté simultanément et uniformément avec ceux d'Akzo UK.
Les documents révèlent que, tant avant qu'après l'éclatement du conflit entre ECS et Akzo, Akzo UK entretenait des rapports étroits avec Diaflex au sujet des prix. Une note manuscrite d'une réunion tenue le 20 juin 1979 entre les deux sociétés montre qu'elles ont étudié ensemble les modalités d'une majoration des prix faits à RHM et Spillers (clients qu'elles se partageaient alors et qu'ECS n'approvisionnait pas), majoration qui fut appliquée à partir du 1er juillet 1979. La preuve du contrôle exercé par Akzo UK sur le prix de Diaflex est fournie par une note d'une réunion interne d'Akzo Chemie, où il fut décidé que le directeur des ventes d'Akzo UK prendrait contact avec le propriétaire de Diaflex pour la "contraindre à majorer ses prix". Pour expliquer ce fait, Akzo avance que, comme Diaflex avait eu du retard dans le paiement de ses achats de peroxyde de benzoyle brut, Akzo UK avait voulu relever son prix à Diaflex, ce qui obligerait sans doute celle-ci à majorer ses prix également. La Commission trouve cette explication peu convaincante. Diaflex elle-même a reconnu sa dépendance vis-à-vis d'Akzo UK dans des documents d'où il ressort qu'une "loi non écrite" lui interdisait d'enlever des affaires à Akzo UK, mais qu'elle n'éprouvait pas les mêmes réserves à l'égard d'ECS.
(46) La documentation recueillie contredit également les arguments d'Akzo en matière de surcapacités. S'il est vrai que la demande de pain blanc au Royaume-Uni a quelque peu diminué depuis 1979, la valeur des ventes d'additifs pour farines par Akzo UK a continué à progresser. Toute insuffisance au Royaume-Uni était plus que compensée par l'accroissement substantiel des exportations, qui ont presque doublé en cinq ans. Les rapports de gestion internes d'Akzo UK indiquent que, depuis 1983, les installations d'additifs pour farines de l'usine d'Akzo UK à Gillingham fonctionnent à temps plein (vingt-quatre heures sur vingt-quatre) et qu'elle n'arrive cependant pas à suivre le rythme de la demande. Il est même question d'une "sous-capacité importante dans le secteur minoterie".
(47) La Commission tiendra également compte, dans son évaluation des faits, de rapports internes d'Akzo qui dénotent son souci constant de nuire à ECS.
La note détaillée du 7 décembre 1979 montre la ferme intention de mettre ECS au pas et, si besoin en était, de l'éliminer en s'attaquant à son activité de base - les additifs pour farines - pour la punir de s'étendre dans le secteur des plastiques. La Commission n'est pas convaincue par les attaques d'Akzo contre la crédibilité de son ancien cadre, qui fut longtemps responsable de ses ventes d'additifs pour farines et occupait chez elle un poste de directeur.
L'adoption rapide d'une ordonnance en référé par la High Court empêcha la réalisation du plan sous sa forme initiale. Lorsque l'action intentée par ECS eut abouti à un règlement en mars 1980, Akzo estima que l'ordonnance l'obligeait à mettre un frein à son agressivité en matière de prix. L'on note cependant que la tactique utilisée à partir de l'automne 1980 est très semblable à celle décrite dans la note et que les clients d'ECS contactés par Akzo UK sont ceux-là même qui y sont mentionnés.
Akzo UK a cependant pris soin, tout au moins pendant les deux ans et demi durant lesquels l'ordonnance est restée en vigueur, de maintenir un rapport entre les offres de prix qu'elle faisait aux clients d'ECS et l'offre faite antérieurement par ECS à Spillers. Des documents internes datés de 1981 et 1982 indiquent cependant qu'Akzo n'avait pas renoncé à son intention première de nuire à ECS. Ils renforcent aussi la conclusion à laquelle la Commission est parvenue en se basant sur les circonstances et le moment choisi pour les offres avantageuses faites par Akzo UK à Allied Mills et aux gros indépendants, à savoir que lesdites offres n'étaient nullement imposées à Akzo UK par les conditions du marché.
Dans un rapport daté du 22 novembre 1982, rédigé à l'intention du directeur des ventes d'Akzo UK, le directeur du secteur des additifs pour farines décrivait l'évolution survenue sur le marché des additifs pour farines depuis 1979. La note rappelle qu'"ECS a perdu un tiers des minoteries indépendantes (d'autres suivront) et a souffert d'une réduction très considérable de ses marges. Les prix facturés par ECS à Allied Mills sont tombés. Exemples:
EMPLACEMENT TABLEAU
Le rapport note avec satisfaction que la chute générale des prix n'a pas affecté les marges d'Akzo UK aussi gravement que celles d'ECS, pour diverses raisons, dont la possibilité pour Akzo d'obtenir du bromate de potassium en vrac aux conditions faites à un consignataire.
Le rapport conclut comme suit : "Allied Mills s'est avéré "dur à cuire" en raison surtout des contraintes de prix imposées par l'ordonnance de la Cour, mais, avec le temps, certaines minoteries se détacheront d'ECS, la pression étant maintenue."
La formulation utilisée par Akzo UK - notamment la référence au maintien d'une "pression" sur ECS - est incompatible avec l'argument selon lequel Akzo n'avait d'autre alternative que de suivre les tendances du marché.
Une note manuscrite antérieure, datée du 15 septembre 1981, était rédigée en termes analogues ; elle attirait l'attention sur le fait qu'ECS avait perdu trois minoteries dont la clientèle avait été reprise par Akzo UK et avait été contrainte de réduire les prix qu'elle faisait aux autres. (C'est dans ce même rapport que Diaflex est mentionnée comme n'étant pas parvenue à reprendre de clients à ECS.)
Il est également révélateur qu'Akzo UK ait obtenu, ou tenté d'obtenir, auprès des fournisseurs de bromate de potassium, des renseignements sur les tonnages achetés par ECS, renseignements d'un type généralement considéré comme confidentiel et susceptibles d'indiquer l'effet opéré par les tactiques de prix d'Akzo UK sur les affaires d'ECS.
(48) Les documents trouvés chez Akzo UK et Akzo Chemie, et qui exposent leur politique, révèlent l'existence d'un lien exprès entre la politique d'Akzo sur le marché des plastiques et son action sur le marché des additifs pour farines. De fait, ce lien était le point capital des menaces proférées à l'encontre d'ECS en décembre 1979. Akzo se souciait de protéger, à long terme, sa position sur le marché des plastiques et la méthode la plus efficace pour y parvenir, dans le cas d'ECS, était d'agir sur le marché plus restreint des additifs pour farines, d'importance marginale en soi, mais qui représentait le plus gros du chiffre d'affaires d'ECS. L'un des principaux objectifs d'Akzo en matière de ventes, d'après ces rapports internes, était de "maintenir par tous les moyens la part existante du marché". Les opérations des divers producteurs devaient être surveillées avec soin pour éviter qu'elles ne compromettent les intérêts d'Akzo. Certaines activités de la concurrence pourraient être tolérées, si le rival présentait une importance comme client. En revanche, lorsqu'un producteur était considéré comme dangereux, Akzo était prête à agir pour l'éliminer du marché. Scado figurait parmi ces producteurs : les rapports annuels du département "plastiques et élastomères" d'Akzo pour 1980 et 1981 révèlent que, aux yeux d'Akzo, si ce producteur avait disparu à peu près complètement du marché, c'était à la suite d'une campagne agressive qu'elle avait menée à son encontre. D'après ces rapports, les actions d'Akzo Chemie, y compris "une concurrence aussi virulente que possible à leur encontre là où ils se manifestaient" et "nos contrats de quantité" expliqueraient que Scado ait disparu du marché et, mieux encore, qu'il ait renoncé au projet de construire une nouvelle usine, ses ventes étant tombées à 20 % de leur niveau antérieur. Scado ayant été neutralisé, Akzo put majorer le prix du produit visé. Les mêmes rapports mentionnent ECS et Pergan, sa société liée en Allemagne, comme des concurrents d' Akzo dangereux en puissance et, dans un paragraphe particulièrement significatif, l'"approche Scado" est préconisée pour résoudre le problème.
Un autre rapport (consacré en fait à une commande à l'exportation) souligne qu'Akzo UK projetait, dans le secteur des additifs pour farines, de s'assurer des commandes partout où elle pourrait le faire au détriment d'ECS, au risque de subir une perte importante, intention qui était rattachée à la "stratégie P & E" (7).
(49) Nombre d'arguments avancés par Akzo sont directement contredits par ses propres documents. Dans son examen des points de fait, la Commission a cependant tenu compte aussi de la crédibilité des protagonistes. Akzo n'a pas divulgué à la High Court la note de la réunion du 2 décembre 1979 qui est d'importance cruciale ; d'ailleurs, au cours des vérifications au titre de l'article 14 paragraphe 3, cette note n'a été découverte qu'après qu'Akzo a prétendu qu'il n'existait aucun document de ce type. Alors que sa note l'accable, Akzo a continué à nier avoir jamais menacé ECS. Les explications données pour certaines mentions telles que les contacts avec Diaflex en matière de prix ne sont pas du tout convaincantes. D'autre part, la version des faits donnée par ECS est confirmée par son propre compte rendu rédigé à l'époque et par les notes prises par son banquier, qui assistait à la deuxième réunion. La documentation interne d'Akzo corrobore elle aussi, en tous ses points essentiels, les déclarations d'ECS.
Les effets sur ECS
(50) Comme Akzo UK l'avait prévu, la baisse générale des prix et la perte de clientèle subies par ECS ont eu de graves répercussions sur ses affaires.
En 1984, les ventes d'additifs pour farines d'ECS dans le Royaume-Uni étaient descendues à 70 % du chiffre d'affaires de 1980 (compte tenu de l'inflation, ses ventes sur ce marché ont été réduites de moitié en termes réels). De fait, les "indépendants" et Allied Mills, passés de ECS à Akzo UK, représentaient près d'un tiers du commerce d'additifs pour farines d'ECS au Royaume-Uni.
La chute générale des prix des additifs pour farines a également entraîné une réduction des marges sur les affaires conservées par ECS. Celle-ci soutient que, pour pouvoir poursuivre ses activités, elle a dû augmenter considérablement ses emprunts aux banques, d'où une augmentation des frais bancaires et des intérêts à sa charge.
L'insuffisance de ses moyens a également contraint ECS à réduire son budget de recherche et de développement et à retarder les modifications qu'elle envisageait d'apporter à ses installations pour pouvoir lancer sa nouvelle affaire de peroxydes organiques.
Les coûts d'Akzo UK
(51) Au cours de la procédure ayant abouti aux mesures provisoires, durant laquelle les renseignements disponibles d'ordre financier et comptable étaient encore relativement limités, Akzo UK a donné l'impression que sa capacité de pratiquer des prix inférieurs à ceux d'ECS était due au moins en partie à "l'efficacité de son entreprise" (c'est-à-dire à des coûts plus bas et à une meilleure rentabilité, comparée à celle de ses rivaux).
Avant le conflit avec ECS, le secteur des additifs pour farines s'était effectivement révélé assez rentable pour Akzo UK, dont les bénéfices d'exploitation en 1979 atteignaient quelque ... % de son revenu net.
(52) Les activités d'Akzo UK dans le domaine des additifs pour farines ne représentent qu'une partie de l'ensemble de ses activités et ses comptes officiels ne sont pas détaillés ; toutefois, elle tient aussi une comptabilité de gestion interne qui démontre que, après l'éclatement du conflit, non seulement certains produits ont été vendus aux clients d'ECS en dessous du prix de revient, mais que, entre 1981 et 1983 au moins, c'est tout son secteur des additifs pour farines qui a fonctionné à perte.
En 1981, pour un chiffre d'affaires global tout juste supérieur à ... livres sterling, la perte se chiffrait à ... livres sterling, même si l'on fait abstraction du financement du capital d'exploitation, qui porte la perte à ... livres sterling.
Pour 1982, le secteur des additifs pour farines dégage un léger excèdent, le produit intermédiaire ayant été transféré du département "plastiques et élastomères" au secteur des additifs pour farines au coût des matières premières. Une note interne du directeur comptable d'Akzo UK indique que, si ce transfert avait été réalisé sur la base des charges fixes et variables, le bénéfice d'exploitation du secteur des additifs pour farines aurait été réduit de ... livres sterling. Si l'on avait tenu compte des charges financières, ce secteur de l'affaire aurait été en perte.
En 1983, les documents internes révèlent à nouveau que, malgré l'augmentation de son chiffre d'affaires, le secteur des additifs pour farines a accusé une perte.
(53) L'étendue des pertes est confirmée par les rapports annuels de l'unité commerciale "plastiques et élastomères", élaborés pour le siège principal aux Pays-Bas, qui indiquent séparément le compte de profits et pertes du secteur des additifs pour farines, mais tendent à sous-estimer le résultat en omettant des postes tels que les coûts indirects de vente et autres frais généraux.
Akzo a également prétendu que ses prix en matière d'additifs pour farines "avaient toujours compris une marge bénéficiaire". Cette déclaration sommaire appelle une précision importante, à savoir qu'Akzo entend par là simplement que ses prix étaient supérieurs aux charges "variables" (mais généralement pas au coût total).
(54) Lorsque l'on examine de plus près l'argument d'Akzo selon lequel elle couvrait ses charges variables, il est essentiel d'établir comment Akzo définit cette expression. Dans la classification comptable d'Akzo, les charges "variables" n'englobent que le coût des matières premières, de l'énergie, de l'emballage et des transports. D'autres éléments importants, tels que la main-d'œuvre, l'entretien, le stockage et l'expédition, sont tous traités par Akzo comme des "charges fixes", alors que la plupart des systèmes comptables les considèrent comme "variables" (8).
Akzo a elle-même reconnu l'illogisme apparent de sa méthodologie comptable : il ressort de diverses analyses de ses résultats d'exploitation que, d'une manière approximative, quelque 50 % des coûts assimilés à des charges "fixes" et, dès lors, laissés de côté par Akzo lorsqu'elle prétend couvrir ses frais, sont reconnus par elle comme étant "marginaux" ou "variables", c'est-à-dire affectés par les niveaux de production.
En outre, même si l'on corrige la définition donnée par Akzo des "charges variables" en y incluant la main-d'œuvre et d'autres coûts, les chiffres fournis par Akzo pour l'élément "main-d'œuvre", qui représente au moins 10 % du coût total, résultent d'un calcul théorique basé sur les niveaux prévisionnels d'utilisation des installations et s'écartent fort du coût réel de la main-d'œuvre (qui est presque toujours plus élevé).
(55) Si les calculs d'Akzo sont ajustés, il apparaît clairement, tant pour les améliorants au bromate de potassium que pour les mélanges de vitamines (sinon aussi pour d'autres produits) que les offres de prix faites par Akzo, de 1981 à 1984, aux clients qu'elle espérait reprendre à ECS ne couvraient même pas les charges variables telles que généralement définies.
Pour ce qui est du peroxyde de benzoyle, les offres de prix faites à Allied Mills, soit 517,90 livres sterling, n'ont couvert les charges variables ni en 1981 ni en 1982. Après 1982, les changements opérés dans l'organisation et le système comptable chez Akzo UK ont contribué à réduire certains coûts de production du peroxyde de benzoyle et les offres de prix d'Akzo UK ont généralement couvert les charges variables, sinon le coût total ; mais les additifs pour farines ont été offerts sous forme de lots : la fixation du prix des autres produits en dessous du coût marginal revenait donc en fait à subventionner davantage encore le peroxyde de benzoyle.
La majorité des offres de prix, voire toutes les offres de prix, faites par Akzo UK, plusieurs années de suite, aux diverses minoteries d'Allied Mills et à un choix de "gros indépendants" clients d'ECS, pour qu'ils renoncent à leur fournisseur du moment, étaient donc inférieures aux charges variables d'Akzo. A relever aussi que, dans de nombreux cas, Akzo n'était même pas obligée de livrer le produit à un prix correspondant à son offre ; il lui suffisait de laisser faire ECS, contrainte de réduire ses prix pour garder le client en vendant à perte.
Prix d'Akzo UK après les mesures provisoires
(56) Akzo UK savait que la demande de mesures provisoires résultait avant tout de ce qu'elle était finalement parvenue à reprendre à ECS, à la fin de 1982 et au début de 1983, la clientèle de plusieurs "indépendants".
Le jour avant l'audition dans la procédure de demande de mesures provisoires, elle s'était efforcée de parer à la nécessité d'une ordonnance en relevant de quelque 50 % le prix qu'elle faisait à ces clients pour les améliorants au bromate de potassium 6 %, de façon à l'amener au niveau du prix de revient.
(57) A la demande d'Akzo UK, la Commission, dans sa décision arrêtant des mesures provisoires, incluait une disposition autorisant Akzo UK à descendre en dessous des prix fixés dans la décision pour lui permettre de s'aligner de bonne foi sur les prix de la concurrence. Cette mesure visait à éviter qu'un autre producteur n'enlève toutes les commandes en faisant une offre se situant quelques livres en dessous d'Akzo UK.
Après la décision arrêtant les mesures provisoires, Akzo UK a continué à recevoir des commandes de tous les clients qu'elle avait repris à ECS et s'est même assuré la clientèle de plusieurs autres minoteries, en offrant pour le peroxyde de benzoyle des prix assez proches de ceux qui lui avaient permis au départ de s'assurer leur clientèle. Akzo s'efforçait de justifier la modicité de ses prix par l'existence des offres "compétitives" de Diaflex, à qui elles n'ont cependant guère rapporté de commandes.
(58) Au moment où elle prenait sa décision arrêtant des mesures provisoires, la Commission ne disposait pas des preuves qu'elle devait recueillir par la suite auprès de Diaflex et qui démontrent que celle-ci n'était pas le concurrent efficace et vigoureux présenté par Akzo UK.
Après la décision arrêtant les mesures provisoires, Akzo UK a encouragé les clients repris à ECS à demander une "offre de prix" à Diaflex, dans l'intention de s'aligner sur celle-ci, quelle qu'elle soit. Rien ne prouve directement que Diaflex ait réduit à ce moment ses offres de prix pour aider Akzo UK à faire échec à la décision : toutefois, en novembre 1982 encore, Akzo se croyait capable de contrôler la fixation des prix chez Diaflex. Celle-ci ayant déclaré qu'elle enlèverait volontiers des commandes à ECS, mais qu'elle ne voulait pas s'attaquer à Akzo UK, la Commission s'estime justifiée à en déduire que l'offre de Diaflex n'était pas conforme au prix réel du marché. Cette déduction est renforcée par le fait que les offres de prix qui auraient été faites par Diaflex, soit 570 livres sterling pour le peroxyde de benzoyle et 330 livres sterling pour le bromate de potassium 10 %, ne pouvaient lui assurer aucun profit, compte tenu des prix qu'elle payait pour la matière première, si elle avait dû effectuer la livraison. Depuis le début de 1984, Akzo UK fournissait à Diaflex tout son approvisionnement en peroxyde de benzoyle brut, à un prix (... livres sterling la tonne) qui n'eût pas permis à Diaflex de couvrir ses coûts et ses frais généraux et de tirer un profit raisonnable d'un prix de vente de 570 à 580 livres sterling.
(59) Akzo prétend qu'elle avait le droit de "s'aligner" sur le prix Diaflex, tout en reconnaissant qu'il n'en serait peut- être pas ainsi au cas où elle ramènerait son prix en dessous de ses charges variables. Or, Akzo n'inclut dans ses charges "variables" que le coût des matières premières et de l'énergie et, sur la base des chiffres qu'elle cite, ses prix répondent au critère. Toutefois, si les charges variables se voient attribuer leur sens normal, c'est-à-dire si l'on y inclut la main-d'œuvre, etc., le prix d'Akzo, tout au moins pour le bromate de potassium 10 %, soit 330 livres sterling, ne répond pas au critère dont elle se réclame. Ces prix avantageux pour des produits inclus dans des lots lui ont permis d'emporter les commandes tout en écartant ECS.
Dans le même temps, Akzo UK approvisionnait toujours la plupart de ses clients traditionnels du secteur des gros indépendants aux mêmes prix, considérablement plus élevés.
II. APPRÉCIATION JURIDIQUE
(60) Aux termes de l'article 86 du traité CEE, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté.
Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à:
a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction non équitables;
b) ...
c) appliquer à l'égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence;
d) ...
(61) Les principales questions à trancher sont les suivantes:
- Akzo détient-elle une position dominante au sens de l'article 86,
- le comportement incriminé constitue-t-il un abus de pareille position dominante,
- l'effet sur le commerce entre États membres est-il sensible?
L'analyse portera également sur un certain nombre de points soulevés par Akzo dans sa défense.
Position dominante
a) LE MARCHÉ EN CAUSE
(62) Pour pouvoir déterminer si Akzo occupe une position dominante au sens de l'article 86, la Commission doit tout d'abord définir le marché en cause, c'est-à-dire l'espace commercial à l'intérieur duquel doit être évaluée la puissance économique de l'entreprise intéressée vis-à-vis de ses concurrents.
En l'espèce, le plaignant soutient que, en menant une politique agressive de réduction des prix dans le secteur relativement restreint des additifs pour farines, Akzo avait pour but ultime d'exclure ECS en tant que concurrent effectif d'Akzo sur le marché plus vaste des peroxydes organiques.
Comme nous le verrons plus en détail aux points 87 à 89 de la présente décision, la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt du 21 février 1973 dans l'affaire 6-72, Europemballage Corporation et Continental Can Company Inc. contre Commission (9), ci après dénommée "Continental Can", a constaté que le renforcement de la position dominante détenue sur un marché de produits est susceptible de constituer un abus de cette position dominante, quels que soient les moyens utilisés à cet effet.
Conformément à l'arrêt dans l'affaire Continental Can, la présente décision postulera que le "marché en cause" dans la présente espèce est le marché dont ECS devait être exclu à long terme par Akzo, c'est-à-dire le marché des peroxydes organiques dans son ensemble.
(63) Encore faut-il définir correctement le marché des peroxydes organiques. A part son refus d'admettre que le secteur des peroxydes organiques puisse constituer le marché en cause, Akzo n'a présenté à la Commission aucun argument sur ce point. Toutefois, à propos du secteur beaucoup plus étroit des additifs pour farines, elle soutient qu'il n'existe pas de marché unique de "produits", mais bien un marché par concentration et par additif pour farines produit par ECS et Akzo. A titre d'argument, elle fait valoir que chaque additif a un usage spécifique ; aucun d'entre eux ne pouvant en remplacer un autre, ils ne sauraient former ensemble un marché unique.
Si cet argument était retenu, le résultat serait contraire à la pratique commerciale. Transposé au secteur des peroxydes organiques pour "plastiques", il aboutirait à subdiviser celui-ci en une centaine de marchés distincts selon la formule, la concentration ou la présentation.
(64) Dans le contexte de l'article 86, la délimitation du marché a pour objet de définir l'espace commercial à l'intérieur duquel il conviendra d'évaluer les conditions de la concurrence et la puissance de l'entreprise dominante sur le marché en cause. L'analyse de la notion du remplacement éventuel d'un produit par un autre suppose que le marché soit défini d'une manière assez vaste pour englober non seulement les produits fabriqués ou commercialisés par le producteur qui est censé dominer le marché, mais aussi tous les produits qui se trouvent en concurrence effective avec eux.
Pour déterminer l'étendue de la puissance d'Akzo sur le marché, le vrai problème n'est donc pas, en l'occurrence, de savoir si un peroxyde organique peut en "remplacer" un autre (ce qui est sans doute souvent le cas), mais dans quelle mesure il existe éventuellement d'autres produits susceptibles de remplacer les peroxydes organiques et pouvant dès lors être considérés comme relevant du même marché.
(65) Comme il a été dit précédemment, ce n'est que dans le domaine relativement mineur de la réticulation que les peroxydes organiques sont en butte à la concurrence de certains produits de remplacement (composés à base de soufre). Même dans ce cas, les produits à base de soufre ne répondent pas nécessairement aux spécifications requises pour des usages particuliers, où les peroxydes organiques s'avèrent préférables. C'est pourquoi la Commission ne peut admettre que, pour évaluer la puissance d'Akzo sur le marché en cause, il faille tenir compte de la possibilité de remplacer les peroxydes organiques par d'autres produits dans une application d'importance relativement mineure, en incluant dans la définition du marché la production de composés à base de soufre.Toutefois, même s'ils y sont inclus, la puissance d'Akzo sur le marché en général ne s'en trouve pas sensiblement modifiée, puisque, dans les usages plus importants, les peroxydes organiques ne subissent aucune concurrence de la part des autres produits chimiques.
(66) Du point de vue géographique, c'est l'ensemble de la Communauté qui doit être considéré comme l'espace approprié pour mesurer la concurrence. Akzo produit des peroxydes organiques dans plusieurs États membres de la Communauté et livre les produits dans tous ses États membres. Le coût du transport est certes un élément à prendre en considération, mais il ne constitue pas un obstacle sérieux au commerce transfrontalier. De l'aveu même d'Akzo, sa couverture géographique est l'un des facteurs qui contribuent le plus à sa puissance sur le marché. Comme le démontre l'exemple d'ECS, les possibilités de vente d'un État membre vers un autre ouvrent à la concurrence des perspectives substantielles.
La Commission en conclut que, pour l'application de l'article 86, le marché en cause est le secteur des peroxydes organiques dans l'ensemble de la Communauté.
b) EXISTENCE D'UNE POSITION DOMINANTE
(67) Il convient ensuite d'établir si Akzo détient ou non une position dominante sur ce marché. La Cour de justice a défini dans son arrêt du 13 février 1979 dans l'affaire 85-76, Hoffmann-La Roche & Co. AG contre Commission (10), ci- après dénommée "Hoffmann-La Roche", au point 39, la position dominante au sens de l'article 86 comme "une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. Pareille position n'exclut pas l'existence d'une certaine concurrence ... mais met la firme qui en bénéficie en mesure, sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrence se développera et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice".
La définition ci-avant a été formulée par la Cour dans une affaire où l'infraction à l'article 86 prenait essentiellement la forme d'une exploitation de la clientèle et traduit, dans ce contexte, l'importance de l'aptitude à un comportement indépendant. Toutefois, le pouvoir d'exclure une concurrence effective ne se ramène pas toujours à l'indépendance vis-à-vis de certains facteurs concurrentiels, mais peut s'étendre à la faculté d'éliminer ou d'affaiblir sérieusement des concurrents existants ou d'empêcher que des concurrents potentiels n'aient accès au marché.
Selon la Cour, il n'est pas nécessaire qu'une entreprise ait éliminé toute possibilité de concurrence pour être en situation de position dominante [voir aussi son arrêt du 14 février 1978 dans l'affaire 27-76, United Brands Company et United Brands Continental BV contre Commission (11), ci-après dénommée "United Brands", au point 113]. Elle peut même, à l'occasion, se trouver confrontée à une concurrence active de la part des autres producteurs sans perdre pour autant sa position d'entreprise dominante. (A cet égard, le fait que, en dépit de leurs efforts, les entreprises attaquantes n'aient pas réussi à accroître leur part du marché peut offrir un indicateur utile de leur prédominance.)
(68) En l'espèce, Akzo estime sa propre part du marché à 50 % ou davantage encore. Cet élément, joint aux participations élevées qu'elle détient dans chacun des États membres, semble indiquer en soi un niveau élevé de puissance sur ce marché.
La part du marché, pour importante qu'elle soit, n'est qu'un des indicateurs qui permettent de conclure à l'existence d'une position dominante. Son importance dans un cas particulier est fonction de la structure et des caractéristiques du marché en cause.
(69) Pour évaluer la puissance du marché en l'espèce, la Commission doit également tenir compte de toutes les données économiques pertinentes, y compris les éléments suivants:
i)la part de marché d'Akzo n'est pas seulement importante en soi, mais équivaut à celles de tous les autres producteurs réunis;
ii) Interox et Luperox mis à part, les autres producteurs n'ont qu'une gamme restreinte de produits et/ou n'ont d'importance qu'au niveau local;
iii) la part de marché d'Akzo (de même que celle des producteurs qui arrivent en deuxième et troisième position, c'est-à-dire Interox et Luperox) est restée stable au cours de la période examinée et Akzo a toujours repoussé toutes les attaques dont elle a fait l'objet de la part de producteurs moins importants;
iv) Akzo est parvenue, même en période de conjoncture défavorable, à maintenir sa marge globale en augmentant régulièrement ses prix et/ou ses volumes de vente;
v) Akzo offre une gamme de produits beaucoup plus étendue que n'importe laquelle de ses rivales, possède l'organisation de marketing la plus développée commercialement et techniquement, ainsi que des connaissances de pointe en matière de sécurité et de toxicologie;
vi) de son propre aveu, Akzo s'est montrée capable d'éliminer efficacement du marché des concurrents "gênants" (outre ECS) ou de les affaiblir sérieusement : l'exemple de Scado, entre autres, montre bien qu'Akzo est en mesure d'évincer un producteur moins puissant, quand elle le souhaite;
vii) après avoir éliminé pareils producteurs, potentiellement dangereux malgré leur petite taille, Akzo a pu relever le prix du produit pour lequel la concurrence se faisait sentir.
(70) La Commission tiendra également compte de la possibilité d'accéder au marché ou d'y étendre son champ d'action. Les rapports annuels du secteur "plastiques et élastomères" d'Akzo indiquent que les entreprises de plus petite taille qui ont tenté d'augmenter leur part du marché ou de pénétrer sur des marchés nouveaux n'y sont presque jamais parvenues, en raison des réactions d'Akzo. Parmi les entreprises qui ont disparu ou ont dû abandonner à Akzo une partie substantielle de leurs ventes, figurent Scado, Kenogard et Aztec-Dart. A part ECS (qui possédait déjà une "base" dans le secteur des additifs pour farines), il ne semble pas que d'autres entreprises aient récemment pénétré sur le marché des peroxydes organiques. Eu égard au coût élevé de démarrage des opérations et à la structure du marché, il est extrêmement improbable que de nouveaux producteurs, connaissant la réaction probable d'Akzo, soient prêts à se lancer sur ce marché.
(71)Compte tenu des considérations qui précèdent, la Commission estime que, pendant toute la période examinée, Akzo a toujours occupé une position dominante sur le marché communautaire des peroxydes organiques.
Abus de position dominante
(72) Il convient d'examiner maintenant si le comportement d'Akzo a constitué un abus de cette position dominante.
L'analyse portera sur deux aspects connexes : on examinera tout d'abord si un comportement du type incriminé, à savoir des prix et des manœuvres commerciales visant à nuire à un concurrent de moindre taille ou à l'éliminer du marché, relève en principe de l'article 86 et, ensuite, si pareil comportement, appliqué à la vente d'additifs pour farines, est susceptible de constituer un abus de la position dominante détenue par Akzo sur le marché plus vaste des peroxydes organiques.
(73) Sur le premier point, la Cour de justice a confirmé que l'énumération de pratiques abusives contenue à l'article 86 points a) à d) n'épuise pas les infractions possibles, mais n'en cite que des exemples (affaire Continental Can).
Lorsqu'elle interprète les dispositions de l'article 86, la Commission doit envisager le système du traité et ses finalités. L'article 86 s'insère dans le chapitre du traité qui énonce les règles générales de la politique communautaire applicable à la concurrence. Ce chapitre se fonde essentiellement sur l'article 3 point f) du traité, qui impose à la Communauté le devoir d'établir un système de concurrence effective. Tout comportement d'une entreprise dominante qui porte atteinte à l'objectif de l'article 3 point f) et compromet la structure de la concurrence risque dès lors de constituer un abus de position dominante au sens de l'article 86. Ledit article ne vise pas uniquement les pratiques susceptibles de causer un préjudice direct aux consommateurs ou aux clients, mais également celles qui leur causent préjudice indirectement en portant atteinte à une structure de concurrence effective [affaire Continental Can ; voir aussi l'arrêt de la Cour de justice du 6 mars 1974 dans les affaires jointes 6 et 7-73, Instituto Chemioterapico Italiana SpA et Commercial Solvents Corporation contre Commission (12), ci-après dénommée "Commercial Solvents"].
(74) Dans son arrêt dans l'affaire Hoffmann-La Roche, la Cour de justice a défini (au point 91) la notion d'exploitation abusive au sens de l'article 86 comme une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de la présence de l'entreprise en question, le degré de concurrence est déjà affaibli et qui ont pour effet de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une concurrence normale des produits ou services sur la base des prestations des opérateurs économiques, au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence.
Dans l'affaire 85-76, Hoffmann-La Roche contre Commission, les pratiques d'éviction consistaient en l'octroi de rabais de fidélité qui liaient les consommateurs au producteur dominant. Il ressort cependant des arrêts de la Cour que d'autres formes de comportement déloyal ou anormal qui tendent à évincer des concurrents du marché et à affecter ainsi la structure de la concurrence peuvent également tomber sous le coup de l'article 86 (voir par exemple l'affaire Commercial Solvents).
Toute pratique commerciale déloyale de la part d'une entreprise dominante visant à éliminer des concurrents de plus petite taille, à les mettre au pas ou à les dissuader d'agir relèverait donc de l'interdiction énoncée à l'article 86, pourvu que les autres conditions soient remplies pour son application.
(75) En l'espèce, l'essentiel des plaintes émises à l'encontre d'Akzo porte sur le fait que son comportement visait à éliminer ECS en tant que concurrent sur le marché des peroxydes organiques ; bien que les réductions massives et prolongées des prix aient constitué le principal moyen d'atteindre cet objectif, le comportement commercial d'Akzo Chemie présente d'autres aspects qui sont également assimilables à des manœuvres d'éviction des concurrents.
L'article 86 ne prescrit aucune règle juridique basée sur les coûts pour déterminer le stade précis à partir duquel les réductions de prix opérées par une entreprise dominante deviendraient abusives ; il semble d'ailleurs que pareil critère doive être écarté, du fait qu'il limite l'application de la notion d'abus aux différentes formes de manœuvres d'éviction.
Akzo n'en prétend pas moins que le seul critère pour évaluer le caractère licite ou illicite de son comportement consiste à établir si les prix qu'elle facturait dépassaient ou non la moyenne de ses charges variables (auxquelles elle se réfère de préférence à ses coûts marginaux).
Elle fonde son argument sur l'hypothèse que les entreprises moins efficaces risquent seules d'être affectées par la fixation de prix supérieurs à la moyenne des charges variables. A en croire Akzo, un niveau supérieur à cette moyenne entraîne, dans un premier temps, le maintien en activité de concurrents moins efficaces ; simultanément, les prix plus élevés entraînent une baisse de la production et une mauvaise répartition des ressources. En avançant ce critère, Akzo s'appuie en partie sur la règle de fixation des prix en fonction des coûts marginaux, définie en 1975 par les professeurs Areeda et Turner dans le contexte de la législation anti-trust américaine (voir 88 Harvard Law Review 697). Cette règle offre un critère en soi : un prix supérieur ou égal au coût marginal est présumé licite et un prix inférieur au coût marginal est réputé abusif.
(76) A noter que, en toute hypothèse, Akzo ne répond pas elle-même au critère qu'elle invoque. L'affirmation selon laquelle toutes les offres de prix faites pour attirer les clients d'ECS étaient supérieures aux coûts "variables" ou "marginaux" suppose que l'on accepte sans discussion la classification des coûts établie par Akzo, qui ne traite comme "variable" que le coût des matières premières et de l'énergie. Or, les auteurs de la règle Areeda/Turner précisent bien que les coûts variables doivent inclure des coûts directs de production tels que la main-d'œuvre, l'entretien et les réparations (qu'Akzo fait rentrer dans les coûts fixes) ; ils n'excluent expressément des charges variables que:
- le coût du capital (charges d'intérêt, etc.) imputable aux investissements en terrains, machines et matériel,
- l'impôt foncier et les autres impôts qui ne sont pas fonction de la production,
- la dépréciation des installations sous l'effet de l'obsolescence (III P. Areeda et D. Turner, Anti-trust Law, paragraphe 715c).
(77) La Commission rejette l'argument selon lequel l'incidence de l'article 86 dépendrait entièrement de l'application mécanique d'un critère valable en soi, basé sur les coûts marginaux ou variables. Le critère avancé par Akzo, basé sur une notion statique et à court terme de l'"efficacité", ne tient aucun compte des objectifs généraux des règles communautaires de concurrence définis à l'article 3 point f), et notamment de la nécessité d'empêcher les atteintes à une structure effective de la concurrence dans le marché commun. Il ne tient pas compte davantage des considérations stratégiques à plus long terme qui peuvent inspirer une politique soutenue de réduction des prix et qui sont particulièrement manifestes en l'espèce. Au surplus, il néglige l'importance fondamentale de l'élément discriminatoire en semblant admettre qu'un producteur dominant compense la totalité de ses coûts auprès de ses clients habituels, tout en attirant les clients d'un rival en leur faisant une offre à moindre prix. Toutefois, même si les considérations politiques qui inspirent les articles 85 et 86 ne visaient (comme Akzo le prétend) qu'à favoriser une efficacité à court terme, les entreprises "moins efficaces" ne sont pas seules à pâtir lorsqu'une entreprise dominante vend en dessous de son coût total, mais au-dessus de ses charges variables. Si les prix sont ramenés à un niveau où une affaire commerciale ne rentre pas entièrement dans ses frais, des entreprises de moindre taille, mais peut-être plus efficaces, finiront par être éliminées, alors même que survivra l'entreprise plus importante, qui dispose de moyens économiques supérieurs, y compris la possibilité de subventionner une activité par une autre.
(78) Lors de l'audition, le professeur B. Yamey, expert en économie recruté par Akzo pour les besoins de la procédure, a proposé un critère légèrement différent de celui avancé initialement par Akzo : d'après lui, une réduction de prix ne saurait être abusive lorsqu'elle "maximalise les profits" à court terme pour l'entreprise dominante, même si, dans sa foulée, elle porte inévitablement préjudice à l'affaire d'un rival de moindre taille. Il mettait l'accent non pas sur l'intention de l'entreprise principale, dirigée contre le concurrent, mais sur la conception que cette entreprise se fait de ses intérêts à court terme. Cette variation soulève les mêmes critiques que le principe initialement avancé par Akzo, avec la circonstance supplémentaire qu'elle excuserait presque tous les comportements, si meurtriers qu'ils fussent pour la concurrence, pourvu qu'ils servent les intérêts à court terme du producteur dominant.
Un critère qui se fonde uniquement sur les coûts de l'agresseur ne saurait recouvrir tous les cas de comportement non équitable conçu pour évincer un concurrent ou pour lui nuire. Même en tenant compte de la difficulté de faire un calcul précis des coûts, aucun critère de cet ordre n'accorderait suffisamment de poids à l'aspect stratégique du comportement axé sur la réduction des prix.
(79) D'ailleurs, pour qu'une entreprise dominante réalise l'objectif à long terme visé par sa campagne de réduction des prix, il n'est même pas nécessaire qu'elle descende en dessous de la moyenne de ses coûts totaux. Comme le professeur Yamey lui-même le reconnaît dans un article important publié en 1972 : "L'agresseur peut éventuellement réaliser son objectif visant à éliminer le rival ou à le mettre au pas et à décourager des candidats éventuels en réduisant ses prix, sans descendre en dessous de son prix de revient (le predatory pricing) au sens où on l'entend aujourd'hui." (15 Journal of Law and Economics 129, 133), L'entreprise dominante a intérêt à réaliser son objectif au moindre coût pour elle (ainsi, en l'espèce, Akzo a concentré ses réductions de prix sur le marché des additifs pour farines, vital pour ECS, mais relativement peu important pour elle par rapport à l'ensemble de son secteur "peroxydes organiques"). L'élément qui compte, c'est plus l'idée que le rival se fait de la détermination mise par l'agresseur à le frustrer dans ses espérances, en matière de taux de croissance ou de marge bénéficiaire par exemple, que le point de savoir si l'entreprise dominante couvre ou non ses frais. La réduction des prix peut donc être anticoncurrentielle par son objet, indépendamment du point de savoir si l'agresseur fixe ses prix au-dessus ou en dessous de ses coûts (quelle que soit la signification accordée à ceux-ci).
(80) La poursuite, par une entreprise dominante, d'une stratégie visant à éliminer des concurrents réels ou potentiels par des moyens non équitables qui s'écartent de la concurrence normale semble bien relever, en principe, des dispositions de l'article 86, quelles que soient les modalités d'application qu'elle revêt. Elle peut éventuellement se traduire non seulement par une politique de prix, mais aussi par des manœuvres commerciales d'éviction telles que des contrats d'approvisionnement exclusifs ou des rabais de fidélité. Il reste cependant qu'une analyse détaillée des coûts dans la définition qu'en donne l'agresseur peut jouer un rôle considérable dans l'évaluation du caractère normal ou anormal qu'il convient d'attribuer à son comportement en matière de prix et à l'objectif qui le sous-tend.
Les effets d'éviction d'une campagne de réduction de prix menée par un producteur dominant peuvent être si évidents en soi qu'il n'est nul besoin d'établir l'intention d'éliminer le concurrent. En revanche, lorsque le faible niveau des prix est susceptible d'interprétations diverses, il peut s'avérer nécessaire, pour démontrer l'existence d'une infraction, d'établir également l'intention d'éliminer un concurrent ou de restreindre la concurrence. Cette preuve peut prendre la forme de documents internes de la société dominante, qui révèlent l'existence d'un projet visant à nuire à des concurrents. Toutefois, à défaut de documents qui en apportent la preuve directe, l'intention de les évincer peut éventuellement se déduire de toutes les circonstances du cas d'espèce.
(81) En l'occurrence, il existe des documents probants de l'existence d'un plan détaillé, conçu par Akzo, à la fin de l'année 1979, dans l'intention d'éliminer ECS en tant que concurrent dans le secteur des plastiques. Des documents plus récents indiquent que le comportement ultérieur d'Akzo UK en matière de fixation des prix des additifs pour farines, à partir de la fin de 1980, s'inscrivait également dans une stratégie visant à nuire à ECS, tout en tenant compte des contraintes imposées par l'ordonnance de référé de la High Court. D'autres éléments viennent renforcer ces preuves d'une intention anticoncurrentielle:
i) la nature sélective des réductions de prix, axées sur les clients habituels d'ECS, alors que la clientèle établie d'Akzo continuait à payer des prix plus élevés;
ii) le fait qu'Akzo UK ait renoncé à couvrir entièrement ses coûts dans le secteur des additifs pour farines, comme elle le faisait antérieurement au conflit avec ECS;
iii) le fait de subventionner les réductions de prix dans le secteur des additifs pour farines en pratiquant des prix de transfert inférieurs aux coûts de la division "plastiques et élastomères".
Les effets d'éviction d'une campagne de réduction de prix menée par un producteur dominant peuvent être si évidents en soi qu'il n'est nul besoin d'établir l'intention d'éliminer le concurrent. En revanche, lorsque le faible niveau des prix est susceptible d'interprétations diverses, il peut s'avérer nécessaire, pour démontrer l'existence d'une infraction, d'établir également l'intention d'éliminer un concurrent ou de restreindre la concurrence. Cette preuve peut prendre la forme de documents internes de la société dominante, qui révèlent l'existence d'un projet visant à nuire à des concurrents. Toutefois, à défaut de documents qui en apportent la preuve directe, l'intention de les évincer peut éventuellement se déduire de toutes les circonstances du cas d'espèce.
(82) Bien que le comportement d'Akzo doive être évalué globalement, il convient cependant de relever les aspects particuliers qui font de son comportement en matière de prix un abus au sens de l'article 86:
i) les menaces directes proférées à l'encontre d'ECS au cours de deux réunions tenues à la fin de l'année 1979;
ii) à partir, grosso modo, de la fin de l'année 1980, l'offre systématique et-ou la fourniture d'additifs pour farines à Provincial Merchants, Allied Mills et aux clients d'ECS dans le secteur des gros indépendants à des prix anormalement bas, dans l'intention de nuire à la viabilité d'ECS, soit en reprenant sa clientèle, soit en forçant ECS à fournir à des prix non rentables pour la conserver;
iii) les offres de prix sélectives faites aux clients d'ECS, tout en maintenant des prix sensiblement plus élevés (jusqu'à 60 %) à l'égard des clients de même catégorie qu'elle approvisionnait déjà;
iv) le fait d'offrir aux clients d'ECS du bromate de potassium et du mélange de vitamines (produit qu'elle ne fournissait pas normalement elle-même) à des prix d'appel pour s'assurer l'ensemble de leurs commandes d'additifs pour farines;
v) dans le cadre du plan visant à nuire à ECS en maintenant l'ensemble des prix à un niveau non rentable - ce qu'elle pouvait se permettre en raison de ses moyens financiers plus importants -, le fait d'avoir appliqué à Spillers et à RHM, pendant un laps de temps prolongé, des prix inférieurs aux coûts;
vi) la poursuite d'une politique commerciale d'éviction à l'égard de RHM et de Spillers, en obtenant du client des précisions sur les offres qu'il recevait d'autres producteurs et en offrant ensuite un prix tout juste inférieur à celles-ci pour emporter l'affaire, à quoi il convient d'ajouter (dans le cas de Spillers) une obligation d'achat exclusif qui écartait les autres fournisseurs;
vii) la mise en œuvre de la tactique précitée dans le but ultime de nuire à ECS et-ou d'obtenir son retrait, en tant que concurrent, du marché plus vaste des peroxydes organiques dans son ensemble.
(83) Le commun dénominateur des aspects précités du comportement d'Akzo consiste dans la gravité de leur effet, tant réel que potentiel, sur la structure de la concurrence, puisqu'ils tendaient à exclure ECS en tant que concurrent.
La discrimination entre les clients de catégorie analogue est expressément interdite par le texte du point c) de l'article 86, lorsqu'elle entraîne pour certaines entreprises un désavantage dans la concurrence. En l'espèce toutefois, l'effet anticoncurrentiel des prix différenciés d'Akzo ne tenait pas tellement au préjudice direct qu'ils causaient aux consommateurs, mais plutôt à l'impact sérieux qu'ils avaient sur la structure de la concurrence au niveau de l'approvisionnement, en raison de l'éviction qu'ils entraînaient.
De même, l'inclusion par un producteur dominant, dans un "lot", d'articles divers vendus bien en dessous du prix de revient est abusive, puisqu'elle sert d'"appât" pour attirer toutes les commandes du client et pour exclure ainsi les concurrents du marché.
La Commission estime aussi que la tactique qui consiste à s'informer systématiquement, auprès des clients, des offres de prix qui leur sont faites par d'autres fournisseurs et à profiter ensuite de ces données, inconnues des autres fournisseurs, pour s'assurer toutes les commandes du client, en fixant un prix tout juste inférieur à l'offre la plus basse de la concurrence, poursuivait un but d'éviction, de même que la clause liant un prix à l'obligation pour le client de s'approvisionner exclusivement auprès d'Akzo UK. En fait, les petits fournisseurs se retrouvent ainsi dans l'impossibilité de décrocher toute commande que le producteur dominant aurait préalablement décidé de s'attribuer.
L'effet de pareils arrangements est de refuser à la petite entreprise les avantages du libre jeu de la concurrence. En l'espèce, la reprise systématique de tous les clients d'ECS dans le secteur des additifs pour farines, s'il n'y avait été mis fin, aurait entraîné le retrait d'ECS non seulement du secteur des additifs pour farines, mais aussi du marché des peroxydes organiques pour "plastiques".
(84) Akzo a prétendu qu'elle n'avait pu commettre aucune infraction à l'article 86 après la décision arrêtant des mesures provisoires, puisque, aux termes de cette décision, elle pouvait s'aligner sur toute offre d'un autre producteur.
Pour les raisons exposées au point 58, la Commission estime que les offres de Diaflex ne reflétaient pas un prix de marché réaliste et qu'Akzo le savait ou devait le savoir.
En outre, les prix sur lesquels Akzo UK s'alignait et qui lui permettaient de conserver la clientèle des "gros indépendants" déjà repris à ECS étaient, pour le bromate de potassium tout au moins, inférieurs à ses charges variables et discriminatoires par rapport à ceux qu'elle continuait à pratiquer à l'égard de ses autres clients du secteur.
A supposer que le prétendu alignement n'outrepasse pas les termes de la décision octroyant des mesures provisoires, celle-ci n'autorise pas l'adoption par Akzo UK de n'importe quel comportement qui ne l'enfreindrait pas en soi. Le fait que la décision provisoire n'ait pas spécifiquement interdit certaines pratiques n'exclut nullement qu'elles puissent constituer une infraction aux dispositions de l'article 86.
Le comportement d'Akzo visant à l'éviction d'ECS a donc été poursuivi même après la décision arrêtant les mesures provisoires.
(85) Pour établir l'abus, il convient ensuite d'examiner si le comportement d'Akzo constituait un abus de sa position dominante sur le marché communautaire des peroxydes organiques dans son ensemble. L'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Continental Can indique que le renforcement d'une position dominante acquise sur un marché particulier au point que le degré de domination ainsi atteint entrave substantiellement la concurrence est susceptible de constituer un abus de cette position dominante, que l'entreprise exploite ou non sa puissance sur le marché pour atteindre cet objectif. La Cour a jugé en particulier que le problème du lien de causalité entre la position dominante et son exploitation abusive ne revêt pas d'intérêt, le renforcement de la position dominante pouvant être abusif et interdit par l'article 86, quels que soient les moyens ou procédés utilisés, dès lors qu'il aurait pour effet de restreindre substantiellement la concurrence. Dans son arrêt dans l'affaire Hoffmann-La Roche, la Cour (au point 91) a rejeté une fois de plus l'argument selon lequel l'entreprise dominante devrait avoir obtenu le résultat incriminé au moyen de la puissance économique conférée par une position considérée comme dominante. Il s'ensuit qu'une position dominante détenue sur un marché peut être exploitée abusivement par un comportement adopté sur un marché différent de celui où la position dominante est détenue (tel qu'un sous-marché spécialisé ou un marché connexe).
(86) Akzo considérait ECS comme un concurrent modeste, mais potentiellement dangereux dans le domaine des peroxydes organiques. Il est vrai que, même si elle avait réussi à éliminer ECS du marché des polymères, d'autres producteurs auraient subsisté à côté d'Akzo. Toutefois, celle-ci considérait plusieurs de ces producteurs comme n'ayant qu'une importance locale. Quant aux deux producteurs de plus grande taille, Luperox et Interox, leur part du marché des peroxydes organiques n'a pas varié depuis 1980 et il est clair qu'Akzo ne les considère pas comme présentant un risque sérieux pour sa position sur le marché ou sa structure des prix. L'importance d'une entreprise particulière dans le maintien de la concurrence dépend moins de sa taille que de l'impulsion et de l'orientation qu'elle donne à la concurrence des grands producteurs établis. En outre, l'élimination d'ECS aurait un effet dissuasif sur tout autre petit producteur qui aurait l'idée de s'attaquer à la position établie d'Akzo sur le marché. La Commission estime dès lors que l'élimination d'ECS du marché des peroxydes organiques aurait eu un effet substantiel sur la concurrence, en dépit de sa part encore réduite du marché et de l'existence d'autres fournisseurs.
(87)Compte tenu de l'objectif stratégique qui sous-tend la politique de prix adoptée à l'égard d'ECS dans le secteur des additifs pour farines, à savoir son élimination en tant que concurrent sur le marché plus vaste des peroxydes organiques, le comportement d'Akzo peut être considéré comme un abus de position dominante sur ce marché, à supposer que les autres conditions de l'article 86 soient remplies.
Le même comportement peut évidemment aussi constituer un abus de position dominante sur le marché même où il a joué.
Effet sur les échanges entre États membres
(88) Comme la Cour l'a dit pour droit dans l'affaire United Brands (au point 201), lorsque le détenteur d'une position dominante établi dans le marché commun tend à éliminer un concurrent également établi sur ce marché, il est indifférent de savoir si ce comportement concerne directement les échanges entre États membres, dès qu'il est constant que cette élimination aura des répercussions sur la structure de la concurrence dans le marché commun.
La Cour a été jusqu'à considérer, dans les affaires Commercial solvents (au point 33), qu'il est indifférent de savoir si le comportement visant à l'éviction concerne les exportations du rival à l'extérieur de la Communauté dès qu'il est constant qu'il aura des répercussions sur la structure de la concurrence dans le marché commun.
Dans le cas présent, le comportement abusif visé dans la communication des griefs concernait les pratiques commerciales d'Akzo sur le marché des additifs pour farines au Royaume-Uni. (A noter que la plainte d'ECS avait également trait aux ventes à l'exportation et, bien que cet aspect n'ait pas été abordé expressément dans la communication des griefs et soit dès lors absent de la présente décision, rien ne paraît s'opposer en principe à ce que la fixation de prix à des fins d'éviction sur un marché d'exportation ne relève de l'article 86 dès lors qu'il affecte la structure de la concurrence dans la Communauté.)
Pour que l'article 86 trouve à s'appliquer, il n'est donc nullement nécessaire que le comportement abusif se produise dans le cadre d'une opération intéressant directement les échanges entre États membres.
(89) Quoi qu'il en soit, le comportement agressif d'Akzo UK dans le secteur des additifs pour farines présentait un lien de causalité direct avec les échanges entre États membres. Les menaces initiales découlaient directement de l'expansion d'ECS dans le secteur des plastiques, et plus particulièrement de ses exportations vers l'Allemagne. Bien que, en termes de quantités, les exportations d'ECS vers l'Allemagne aient été relativement peu importantes, Akzo pressentait des possibilités d'expansion considérable et la persistance dont elle a fait preuve pendant une période prolongée souligne l'importance que ce débouché présentait à ses yeux.
Pour ce qui est de l'article 85 du traité CEE, la Commission a déjà établi, dans sa décision 82-897-CEE dans l'affaire des marques commerciales Toltecs-Dorcet (13), que, lorsqu'un marché national est dominé par un petit nombre de sociétés importantes, le fait d'imposer des entraves à une entreprise d'un autre État membre, fût-elle de petite taille, est particulièrement lourd de conséquences, surtout lorsque l'entreprise qui impose l'entrave occupe une position importante sur le marché. Les mêmes considérations s'appliquent a fortiori, en vertu de l'article 86, au cas où une entreprise dominante adopte un comportement visant à dissuader un producteur de moindre taille d'accéder à un marché nouveau ou à le punir d'y avoir accédé.
Si Akzo était parvenue à éliminer ou à neutraliser ECS en tant que concurrent, le courant de ventes établi entre le Royaume-Uni et l'Allemagne aurait été interrompu et la concurrence qu'il représente pour Akzo, éliminée.
Le résultat en eut été non seulement d'affecter la structure de la concurrence à l'intérieur du marché commun, mais d'altérer directement le flux des échanges entre les États membres.
Le destinataire de la décision
(90) Akzo s'oppose au fait que la communication des griefs dans la présente procédure ait été destinée à Akzo Chemie, alors que la décision arrêtant des mesures provisoires s'adressait uniquement à sa filiale au Royaume-Uni.
Sans doute une société mère et ses filiales constituent-elles, en droit privé, des personnes juridiques distinctes. Toutefois, les interdictions énoncées aux articles 85 et 86 visent des "entreprises", notion qui n'est pas limitée par l'application stricte de la doctrine de la personnalité juridique. La présente affaire concerne un abus de la position dominante détenue par le groupe Akzo sur l'ensemble du marché des peroxydes organiques. Akzo Chemie et ses filiales d'exploitation dans les différents États membres de la Communauté forment une seule et même unité économique. En toute hypothèse, les actions menées par Akzo UK sur le marché des additifs pour farines l'ont été sous la direction et au su de cadres supérieurs de la société mère Akzo Chemie. Akzo UK ne peut en aucune façon être considérée comme gérant son affaire indépendamment de sa société mère.
La Commission estime dès lors qu'Akzo Chemie BV, y compris ses filiales, en tant qu'unité économique au sein de laquelle sont organisées les activités du groupe Akzo dans le secteur des spécialités chimiques, est le destinataire approprié de la présente décision.
Abus de position dominante sur le marché des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande
(91) La Commission estime (point 66) que le marché en cause aux fins de l'article 86 est l'ensemble du secteur des peroxydes organiques au niveau communautaire. Il importe toutefois de souligner que, même si l'on considère comme marché en cause le marché des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande, le résultat est en définitive le même puisqu'Akzo détient également sur ce marché une position dominante dont il a abusé.
(92) Outre la part importante détenue par Akzo dans le commerce des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande, les principaux facteurs qui permettent d'établir l'existence d'une position dominante sur ce sous-marché sont les suivants:
i) le fait qu'Akzo UK soit le fournisseur exclusif de deux sur trois des principaux clients du secteur de la minoterie au Royaume-Uni;
ii) les relations étroites avec Diaflex et l'influence exercée par Akzo UK sur les prix de cette entreprise;
iii) la structure du groupe Akzo NV, caractérisée par des moyens financiers supérieurs à ceux d'ECS, et la possibilité pour le groupe de financer les pertes qu'il accuse dans le secteur des additifs pour farines par voie de compensation avec sa division "plastiques et élastomères";
iv) la position privilégiée d'Akzo UK par rapport à ECS vis-à-vis des fournisseurs, et notamment la possibilité qu'elle a de s'assurer des produits aux conditions d'un consignataire et-ou à des conditions plus avantageuses, et l'accès dont elle dispose à des renseignements "internes" qui lui sont communiqués par des fournisseurs et des clients au sujet d'autres producteurs;
v) l'étendue de la gamme de produits d'Akzo UK dans le secteur des additifs pour farines, y compris sa force, comparée à celle d'ECS, dans des sous-secteurs hautement profitables tels que les amylases;
vi) le rôle traditionnel joué par Akzo UK, avant 1980, comme chef de file en matière de fixation des prix sur le marché des additifs pour farines au Royaume-Uni;
vii) le fait qu'Akzo reconnaisse elle-même son aptitude à contrôler les prix, comme il résulte de sa documentation interne, et le succès même de son plan visant à imposer et à maintenir un faible niveau de prix.
(93) Akzo a prétendu qu'il n'existait aucun marché (ou sous-marché) des additifs pour farines en tant que tel, mais qu'il existe des marchés distincts par additif et même par formulation d'additif. Elle soutient qu'il existe cinq marchés à prendre en considération (un par produit traité en détail dans les documents qu'elle produit), jetant ainsi un voile sur ses ventes substantielles d'autres additifs pour farines. Elle prétend aussi que, sur certains au moins des cinq marchés (en particulier celui des vitamines), c'est ECS, et non elle, qui détient la part "dominante".
(94) La documentation d'Akzo indique cependant que les "additifs pour farines" constituent un domaine bien précis du commerce, à l'intérieur duquel les clients préfèrent acheter la gamme entière des produits auprès d'un seul et même fournisseur.
Pour de motifs identiques à ceux exposés aux points 63 et 64, le secteur des additifs pour farines constitue un "créneau" ou marché unique, à l'intérieur duquel il est possible d'apprécier la puissance d'ECS et d'Akzo.
Les autres éléments analysés ci-avant par la Commission en ce qui concerne le comportement abusif et les effets sur les échanges entre États membres s'appliqueraient aussi bien à toute évaluation de la concurrence sur le marché des additifs pour farines au titre de l'article 86.
Akzo ne paraît pas contester que le Royaume-Uni et l'Irlande constituent une partie substantielle du marché commun pour l'application de l'article 86.
La Commission en conclut que, même si son raisonnement basé sur la doctrine de l'affaire Continental Can se révélait inexact, le comportement d'Akzo n'en constitue pas moins une infraction à l'article 86, en tant qu'il représente un abus de sa position dominante sur le marché des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande.
Conclusions
(95) Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission constate qu'Akzo a enfreint l'article 86 du traité CEE:
i) pendant toute la période examinée, Akzo a occupé une position dominante sur le marché communautaire des peroxydes organiques;
ii) Akzo a abusé de sa position dominante sur le marché communautaire des peroxydes organiques en proférant des menaces à l'encontre d'ECS à la fin de 1979 et en adoptant ensuite systématiquement, depuis la fin de 1980, dans le secteur des additifs pour farines, un comportement commercial visant à saper ECS, dans l'intention ultime de l'éliminer de la concurrence sur le marché des peroxydes organiques et de renforcer ainsi par des moyens non équitables la position dominante d'Akzo;
iii) l'abus par Akzo de sa position dominante a eu pour but et pour effet d'entraver sensiblement les échanges entre États membres de la Communauté;
iv) même si doit être considéré comme marché en cause aux fins de l'article 86 le marché des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande plutôt que le marché communautaire des peroxydes organiques dans son ensemble, le comportement d'Akzo n'en constitue pas moins un abus de sa position dominante;
v) l'infraction a débuté à la fin de 1979 et s'est poursuivie après la décision arrêtant les mesures provisoires.
Remèdes
a) AMENDES
(96) En vertu de l'article 15 du règlement n° 17, les infractions à l'article 86 peuvent être sanctionnées par des amendes de 1 million d'ecus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent. Il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.
En l'espèce, la Commission estime que l'infraction revêt un caractère particulièrement grave et qu'il convient d'infliger à Akzo une amende substantielle.
(97) L'infraction, en l'espèce, a consisté à menacer directement un concurrent de petite taille pour le dissuader de s'étendre vers un nouveau marché et d'introduire ainsi un élément de concurrence dans la position dominante occupée par Akzo sur le marché. Ses menaces étant restées vaines, Akzo s'est efforcée, d'une manière systématique et déterminée, de mettre en œuvre un plan visant à saper ECS. Akzo a eu recours aux moyens substantiels dont elle dispose pour subventionner, pendant une longue période, un comportement qui visait non seulement à nuire spécifiquement à ECS, mais aussi à servir sa politique tendant à maintenir par tous les moyens sa position dominante sur le marché dans un secteur industriel important. En menant cette action dans l'intention d'empêcher ou de sanctionner l'expansion d'un petit concurrent vers un autre État membre de la Communauté, Akzo faisait fi d'un des objectifs fondamentaux du traité, à savoir, l'établissement d'un marché unique entre les États membres. La gravité de l'infraction est augmentée du fait qu'Akzo a poursuivi son comportement abusif longtemps après les mesures ordonnées par la High Court et même après la décision de la Commission arrêtant des mesures provisoires. La Commission voit également une circonstance aggravante dans le fait qu'Akzo a fourni une version tout à fait trompeuse des faits à la High Court et qu'elle aurait probablement réussi, compte tenu des difficultés de preuve, à atteindre son but et à évincer ECS si la Commission n'avait pas découvert les documents sur lesquels se fonde la présente décision. Il apparaît en outre que le comportement agressif manifesté par Akzo à l'encontre d'ECS n'était pas un fait isolé, mais s'inscrivait dans une politique bien établie de cette société, qui lui fait exploiter sa puissance sur le marché pour mettre au pas des concurrents indésirables ou pour les supprimer.
(98) L'infraction a été commise de propos délibéré et Akzo savait pertinemment qu'elle enfreignait les règles de concurrence : lors de la première réunion qui eut lieu en novembre 1979, ECS avait fait remarquer à Akzo que ses menaces constituaient un abus de position dominante.
L'infraction est également de longue durée. Les menaces initiales ont été proférées en décembre 1979 et mises à exécution sérieusement un an plus tard. Le comportement abusif s'est poursuivi même après la décision arrêtant les mesures provisoires.
b) CESSATION DES INFRACTIONS
(99) Aux termes de l'article 3 du règlement n° 17, la Commission, si elle constate une infraction aux dispositions de l'article 86 du traité, peut obliger les entreprises intéressées à y mettre fin.
Étant donné les circonstances, la Commission estime nécessaire non seulement d'imposer à Akzo une amende substantielle, mais aussi de prévoir des mesures pour éviter la répétition ou la poursuite de l'infraction.
Dans l'arrêt Commercial Solvents, la Cour a établi que la Commission jouit d'un pouvoir discrétionnaire pour ordonner des mesures afin d'assurer l'effet utile de sa décision. Le pouvoir d'ordonner pareilles mesures n'est pas limité aux actes impliquant directement les échanges entre États membres, surtout lorsqu'elles visent à maintenir une structure de concurrence effective dans le marché commun.
(100) Les mesures spécifiées doivent être proportionnelles à la menace et ne doivent pas dépasser ce qui est nécessaire pour protéger efficacement le plaignant et pour maintenir les conditions de la concurrence dans le marché commun.
Bien qu'ECS se soit plainte de ce que les manœuvres d'éviction d'Akzo se soient manifestées non seulement à l'égard des additifs pour farines, mais aussi à l'égard de leurs applications au secteur des plastiques, l'infraction constatée dans le cadre de la présente procédure concerne uniquement les abus incriminés à l'occasion de la vente d'additifs pour farines ; la décision ci-après ne vise donc que la vente d'additifs pour farines dans la Communauté.
(101) Akzo doit tout d'abord se voir interdire, dans le cadre des ventes d'additifs pour farines, de faire aux clients existants ou potentiels d'ECS des offres de prix discriminatoires. Les écarts de prix sont admissibles entre diverses catégories de clients lorsqu'ils traduisent des différences raisonnables de coûts dans les éléments commerciaux de l'opération, mais, à l'intérieur d'une même catégorie de clients, Akzo ne peut être autorisée à opérer une discrimination dans le traitement qu'elle réserve à ses propres clients réguliers et aux clients anciens ou présents d'ECS dont elle espère conserver ou reprendre la clientèle.
Pour écarter toute incertitude à cet égard, il est précisé que les fournitures d'additifs pour farines effectuées par Akzo à diverses minoteries du groupe Allied Mills se feront aux mêmes conditions que celles qu'elle effectue aux grandes minoteries indépendantes.
Il est également jugé opportun de prévoir l'envoi périodique de rapports à la Commission, pour que celle-ci puisse veiller au respect de la décision par Akzo.
L'obligation pour Akzo de s'abstenir de certaines manœuvres abusives est illimitée dans le temps ; en revanche, il paraît opportun de limiter l'obligation de faire rapport à une période raisonnable, qui sera fixée à cinq ans.
Comme prévu dans la décision 83-462-CEE, la présente décision remplace les obligations imposées à Akzo Chemie (UK) par cette décision antérieure,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Akzo Chemie BV a enfreint l'article 86 du traité CEE en adoptant à l'encontre d'ECS un comportement destiné à saper l'affaire de celle-ci et-ou à provoquer son retrait du marché communautaire des peroxydes organiques, comportement dont les éléments essentiels sont résumés ci-après:
i) avoir proféré des menaces directes à l'encontre d'ECS, lors de réunions tenues à la fin de 1979, dans l'intention d'assurer son retrait du marché des peroxydes organiques dans leur application aux "plastiques";
ii) à partir, grosso modo, de décembre 1980, avoir systématiquement offert et fourni des additifs pour farines à Provincial Merchants, Allied Mills et aux clients d'ECS dans le secteur des "gros indépendants" à des prix anormalement bas, dans l'intention de nuire à la viabilité commerciale d'ECS, obligeant celle-ci soit à abandonner le client à Akzo Chemie BV, soit à abaisser son prix jusqu'à vendre à perte pour pouvoir le conserver;
iii) avoir fait des offres sélectives aux clients d'ECS pour les additifs pour farines, tout en maintenant les prix sensiblement supérieurs (jusqu'à 60 %) qu'elle pratiquait à l'égard des acheteurs comparables faisant déjà partie de sa clientèle régulière;
iv) avoir offert aux clients d'ECS du bromate de potassium et un mélange de vitamines (alors qu'elle ne fournissait pas normalement ce dernier produit) à un prix d'appel, dans le cadre d'un contrat global comportant du peroxyde de benzoyle, en vue d'attirer leur clientèle pour la gamme complète des additifs pour farines, évinçant ainsi ECS;
v) dans le cadre du plan ayant pour but de nuire à ECS, avoir maintenu les prix des additifs pour farines au Royaume- Uni à un niveau artificiellement bas pendant une période prolongée, situation qu'elle pouvait elle-même supporter en raison de ses moyens financiers supérieurs à ceux d'ECS;
vi) avoir poursuivi une politique commerciale d'éviction vis-à-vis des gros clients d'ECS, à savoir RHM et Spillers, en obtenant d'eux des détails précis sur les offres faites par les autres fournisseurs d'additifs pour farines (y compris ECS) et en faisant ensuite une offre à un prix tout juste inférieur à l'offre la plus basse de la concurrence, afin d'emporter la commande, à quoi il convient d'ajouter (dans le cas de Spillers) l'obligation imposée au client d'acheter auprès d'Akzo Chemie BV tout son approvisionnement en additifs pour farines.
Article 2
Akzo Chemie BV se voit infliger une amende d'un montant de 10 millions d'ecus, soit 24 696 000 florins néerlandais.
Ladite amende sera payée en florins néerlandais dans les trois mois suivant la date de notification de la présente décision, au compte de la Commission des Communautés européennes, n° 416095518, à Amrobank, Amsterdam.
Article 3
Akzo Chemie BV mettra fin immédiatement à l'infraction visée à l'article 1er dans la mesure où celle-ci subsisterait.
A cet effet, Akzo Chemie BV et les filiales relevant de l'entreprise Akzo Chemie BV s'abstiendront de répéter ou de poursuivre tout acte ou comportement décrit à l'article 1er points i) à vi).
En particulier, mais sans préjudice des autres obligations découlant de l'article 1er points i) à vi), Akzo Chemie BV et ses filiales s'abstiendront (sauf pour l'exécution de commandes à des prix acceptés antérieurement à la date de notification de la présente décision) de faire des offres ou d'appliquer des prix ou autres conditions de vente pour les additifs pour farines dans la Communauté qui auraient pour conséquence de faire payer, aux clients dont elles disputent les commandes à ECS, des prix différents de ceux pratiqués par Akzo Chemie BV à l'égard de clients comparables.
Cette disposition n'empêche pas Akzo Chemie BV de varier ses prix d'additifs pour farines en fonction des catégories de clients, pour refléter d'une manière raisonnable et objective les différences de coûts de production et de livraison résultant du volume d'achats annuel du client, de l'importance de la commande et d'autres facteurs de nature commerciale.
Pour écarter toute incertitude à cet égard, il est précisé que les offres faites par Akzo Chemie BV pour la fourniture d'additifs pour farines à diverses minoteries du groupe Allied Mills ne comporteront pas de conditions sensiblement plus favorables que celles faites aux "gros indépendants".
Article 4
Akzo Chemie BV informe ceux de ses clients du secteur des additifs pour farines au Royaume-Uni et en Irlande, qui ont oralement ou par écrit, expressément ou implicitement, accepté toute clause les obligeant, en principe ou en fait, à s'approvisionner exclusivement auprès d'Akzo Chemie BV, que ladite clause ne les oblige pas et elle avisera la Commission de l'accomplissement de cette tâche le 1er avril 1986 au plus tard.
Article 5
Pendant une période de cinq ans prenant cours le 1er janvier 1986, Akzo Chemie BV fera parvenir à la Commission, dans les deux mois suivant l'expiration de chaque année calendrier, un rapport indiquant, pour l'année de référence, la liste des prix qu'elle a offerts et appliqués sur le territoire de la Communauté à chacun de ses clients pour chacun des produits entrant dans la catégorie des additifs pour farines, les relevés financiers internes relatifs au secteur des additifs pour farines et la base de calcul appliquée à ses coûts (y compris les prix de transfert des matières premières et produits intermédiaires provenant d'autres départements du groupe Akzo).
Article 6
Chacune des obligations énoncées aux articles 4 et 5 de la présente décision donnera lieu au paiement d'une astreinte de 1 000 ecus par jour de retard à compter des dates qui y sont précisées.
Article 7
La décision 83-462-CEE de la Commission ordonnant des mesures provisoires cesse de produire ses effets conformément à l'article 8 de ladite décision.
Article 8
Akzo Chemie BV, Stationsstraat 48, Amersfoort, Pays-Bas, est destinataire de la présente décision.
La présente décision forme titre exécutoire au sens de l'article 192 du traité CEE.
(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO n° L 252 du 13.9.1983, p. 13.
(3) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.
(4) Dans la motivation, "Akzo" est utilisé pour désigner l'entité économique constituée par Akzo Chemie BV et ses filiales. Lorsque le contexte exige une distinction entre société mère et filiales, Akzo Chemie BV est désigné par "Akzo Chemie" et Akzo Chemie UK Ltd par "Akzo UK".
(5) En application de l'article 21 paragraphe 2 du règlement n° 17, les secrets d'affaires ne sont pas publiés au Journal officiel des Communautés européennes.
(6) L'Irlande n'intervient que pour un faible tonnage, en provenance du Royaume-Uni.
(7) Le secteur des additifs pour farines est rattaché, dans l'organisation d'Akzo Chemie, à l'unité commerciale "plastiques et élastomères (P & E)".
(8) Les charges fixes sont celles qui restent constantes quelles que soient les quantités produites ; elles comprennent généralement les frais généraux de gestion, les amortissements, les intérêts et l'impôt foncier.
Les charges variables sont celles qui varient en fonction des quantités produites ; elles comprennent en général les matières premières, l'énergie, la main-d'œuvre, la surveillance, la réparation et l'entretien, et les redevances.
Le coût total est la somme des charges fixes et variables.
Le coût moyen est le coût total divisé par la production.
Le coût marginal est celui d'une unité de production supplémentaire.
(9) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1973, p. 215.
(10) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1979, p. 461.
(11) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1978, p. 207.
(12) Recueil de la jurisprudence de la Cour 1974, p. 223.
(13) JO n° L 379 du 31.12.1982, p. 19