CCE, 24 avril 1985, n° 85-276
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Assurance en Grèce
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 90 paragraphe 1 et 3, Considérant que la Grèce, par l'article 13 de la loi n° 1256-1982 des 28 et 31 mai 1982 (1), a modifié la loi n° 400-1970 des 13 et 17 janvier 1970 (2) et notamment son article 31 paragraphe 1 et son article 54 paragraphe 1 ;
Considérant que l'article 13 paragraphe 2 de la loi 1256-1982 dispose que tous les biens publics, y compris ceux des entreprises publiques helléniques, doivent être assurés exclusivement par les compagnies d'assurances du secteur public ; qu'en outre, le paragraphe 4 de ce même article oblige le personnel des banques publiques à indiquer par écrit à leurs clients de s'assurer auprès d'une compagnie d'assurances dépendante du secteur bancaire public et contrôlée par celui-ci ;
Considérant que ni la circulaire K 3-3494 du ministère grec du commerce communiquée aux banques publiques et soulignant le caractère non contraignant de la recommandation pas plus que la procédure instaurée par la circulaire B/147 de la banque nationale de Grèce, par laquelle a été simplifiée la procédure à respecter au cas où l'emprunteur entend s'assurer auprès d'une compagnie d'assurances autre que celle contrôlée par ladite banque, ne sont pas de nature à modifier, quant au fond, le système législatif en vigueur établissant ladite obligation ;
Considérant que lors de la conclusion du contrat d'assurance par l'intermédiaire de la banque publique, la société d'assurances du secteur public est, conformément au paragraphe 4 de l'article 13 de la loi n° 1256-1982, tenue de déposer la commission pour le service rendu dans un compte spécial de ladite banque publique au bénéfice notamment des caisses d'assurances de son personnel ; que cela constitue une incitation supplémentaire pour le personnel des banques publiques pour assurer le respect de l'obligation de recommander une compagnie d'assurances publique ;
Considérant que l'association grecque de compagnies d'assurances a fait état des distorsions de concurrence qui résultent des deux modifications introduites par la loi n° 1258-1982 pour les assureurs du secteur privé et notamment pour les agences, succursales et filiales des entreprises des autres États membres ; que ce point de vue a d'ailleurs également été avancé par les gouvernements de deux États membres ;
I
Considérant que la Grèce, en réservant l'assurance de biens publics aux seules entreprises d'assurances helléniques du secteur public a établi de nouvelles restrictions à l'établissement sur son territoire, car cette mesure rend impossible aux compagnies d'assurances des autres États membres de s'établir en Grèce en tant qu'assureur des biens publics tandis que les assureurs grecs du secteur public peuvent continuer à assurer de tels risques tout en bénéficiant de l'apport des contrats précédemment souscrits auprès des compagnies privées ; que le marché d'assurance des biens publics helléniques représente environ 25 % du revenu annuel des primes d'assurances en Grèce, ce qui constitue une partie importante de ce marché ;
Considérant que les crédits accordées par les banques publiques helléniques de crédit constituent environ 80 % du marché du crédit en Grèce et que la Grèce, en obligeant le personnel des banques publiques de crédit à recommander à leurs clients de s'assurer auprès d'une compagnie d'assurance du secteur public, favorise ce dernier au détriment des compagnies d'assurance du secteur non public et donc aussi des compagnies d'assurances des autres États membres ;
Considérant par ailleurs qu'en réservant de la sorte le marché d'assurance de certains risques au secteur public, des distorsions de concurrence au dépens notamment des compagnies d'assurance des autres États membres, en découlent non seulement pour le marché en cause mais risquent d'en découler pour l'ensemble des activités d'assurance ;
Considérant que la Commission est intervenue dès le 28 octobre 1982 auprès du gouvernement grec pour qu'il mette fin à la situation incriminée ; que cette position lui a été rappelée le 20 septembre 1984 et réaffirmée le 14 décembre 1984, après que la Commission ait pris connaissance des observations, ainsi que des circulaires précitées du ministère grec du commerce et de la banque nationale de Grèce, que le gouvernement grec lui a communiquée par note n° A II.3082/22002 du 29 novembre 1984 de la représentation permanente.
II
Considérant que, en vertu de l'article 90 paragraphe 1 du traité CEE, les États membres sont tenus, en ce qui concerne les entreprises publiques, de n'édicter ni de ne maintenir aucune mesure contraire aux règles dudit traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 ; que cette même obligation existe également en ce qui concerne les entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs ;
Considérant que la République hellénique, en promulguant la loi n° 1256-1982, a édicté en ce qui concerne des entreprises publiques, à savoir les compagnies d'assurances du secteur public, des mesures au sens de l'article 90 paragraphe 1 du traité CEE ;
Considérant que la Commission est tenue, conformément aux dispositions de l'article 90 paragraphe 3 du traité CEE, de veiller à l'application des dispositions de l'article 90 et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres ;
Considérant que sont à respecter, dans le cadre de l'article 90 paragraphe 1, entre autres les dispositions de l'article 52 du traité CEE en matière de droit d'établissement et plus particulièrement celles de l'article 53 en vertu desquelles les États membres n'introduisent pas de nouvelles restrictions à l'établissement sur leur territoire des ressortissants des autres États membres ;
Considérant que sont également à respecter dans le cadre de l'article 90 paragraphe 1 du traité CEE les dispositions de l'article 5 deuxième alinéa du traité CEE imposant aux États membres de s'abstenir de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts dudit traité et que, parmi ces buts, figure celui visé à l'article 3 lettre f), visant l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le Marché commun, plus particulièrement en ce qui concerne le respect des principes contenus dans les articles 85 et 86 du traité CEE;
Considérant que la Grèce, en décidant que tous les biens publics doivent être assurés par des compagnies d'assurances du secteur public et en rendant l'assurance du crédit des banques publiques helléniques plus difficile pour les entreprises d'assurance n'appartenant pas à ce secteur, a pris des mesures incompatibles avec l'article 52 du traité CEE ; que, s'agissant de restrictions nouvelles, ces mesures sont incompatibles avec les dispositions de l'article 53 et de l'article 5 deuxième alinéa; qu'au surplus, ces mesures sont incompatibles avec le but énoncé à l'article 3 lettre f) visant l'établissement d'un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le Marché commun, plus particulièrement en ce qui concerne le respect des principes contenus dans les articles 85 et 86 du traité CEE,
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
Les dispositions de l'article 13 de la loi grecque n° 1256-1982 des 28 et 31 mai 1982, qui ont modifié les dispositions de l'article 31 paragraphe 1 et de l'article 54 paragraphe 1 de la loi 400-1970 des 13 et 17 janvier 1970 sur la compagnie privée d'assurance, établissant, d'une part, l'obligation que tous les biens publics, y compris ceux des entreprises publiques helléniques, doivent être assurés exclusivement par des compagnies helléniques du secteur public et, d'autre part, l'obligation pour les banques publiques de crédit helléniques de recommander à leurs clients de s'assurer auprès d'une compagnie d'assurance publique, sont incompatibles avec les dispositions de l'article 90 paragraphe 1 du traité CEE en liaison avec celles de l'article 52, de l'article 53, de l'article 5 deuxième alinéa et de l'article 3 lettre f) dudit traité.
Article 2
La Grèce informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle a prises pour s'y conformer.
Article 3
La Grèce est destinataire de la présente décision.
(1) Journal officiel de la République hellénique, fascicule A', feuillet n° 65.
(2) Journal officiel de la République hellénique, fascicule A', feuillet n° 10.