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Décisions

CJCE, 8 novembre 1983, n° 96-82

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

NV IAZ International Belgium, NV Disem, NV Werkhuizen Gebroeders Andries, Bauknecht NV, NV Artsel, NV Zanker, NV Asogem, NV Ets J. Van Assche & co, Despagne, Ateliers de constructions électriques de Charleroi (SA), Anseau, NV Miele Belgie

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mertens de Wilmars

Présidents de chambre :

MM. Koopmans, Bahlmann, Galmot

Avocat général :

M. Verloren van Themaat

Juges :

MM. Pescatore, Mackenzie Stuart, O'Keefe, Bosco, Due, Everling, Kakouris

Avocats :

Me Linden, Baetens, Braun, Herbert, Hoffmann, van de Walle de Ghelcke.

CJCE n° 96-82

8 novembre 1983

LA COUR

1. Par requêtes déposées au greffe de la Cour les 22 et 24 mars 1982, les requérantes ont introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation de la décision IV-29.995 - Navewa-Anseau de la Commission, du 17 décembre 1981, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (JO L. 167, p. 39).

2. La décision attaquée concerne la " convention concernant l'utilisation de la marque de conformité Navewa-Anseau pour machines à laver et lave-vaisselle " (ci-après " la convention ") conclue le 13 décembre 1978 entre, d'une part, les fabricants et importateurs exclusifs affiliés à certaines organisations professionnelles en Belgique, à savoir la Communauté de l'électricité (ci-après " CEG "), la Fédération du commerce de l'appareillage électrique (ci-après " FCAE ") et l'Union des fournisseurs des artisans de l'alimentation (ci-après " UFARAL ") et, d'autre part, l'Association nationale des services d'eau (ci-après " Anseau "), association sans but lucratif qui regroupe 31 entreprises de distribution d'eau.

3. Ladite convention vise à organiser la surveillance de la conformité des machines à laver et des lave-vaisselle avec les exigences techniques établies, dans l'intérêt de la qualité de l'eau alimentaire, par les arrêtés royaux des 24 avril 1965 et 6 mai 1966. Ces arrêtés prévoient que seuls les appareils munis de certains dispositifs et satisfaisant aux normes belges en la matière peuvent être raccordés au réseau de distribution d'eau. Les entreprises de distribution d'eau dont l'Anseau défend les intérêts communs sont chargées de veiller au respect de ces règles.

4. La convention, qui a remplace un système de contrôle base sur des listes reprenant les types d'appareils reconnus conformes aux exigences des arrêtés précités, prévoit le contrôle des appareils au moyen de labels de conformité. La distribution des labels est assurée, aux terme de la convention, par la CEG, mandatée à cet effet par tous les contractants. L'Anseau, quant à elle, est tenue, aux termes de la convention, de veiller à ce que les machines introduites dans le circuit commercial soient revêtues de la marque de conformité. Lorsqu'elle constate qu'une machine ne possède pas la marque, elle doit faire savoir au commercent que cette machine ne satisfait pas aux conditions requises pour son raccordement au réseau de distribution. L'Anseau est tenue en outre de recommander à ses membres de tenir compte du contenu et du but de la convention et d'en informer les consommateurs. D'autres parties peuvent adhérer à la convention pour autant qu'elles soient également fabricants ou importateurs exclusifs.

5. La convention a été mise en œuvre de telle sorte que la CEG, seule habilitée à délivrer les labels, ne les a effectivement remis qu'à des fabricants et importateurs officiels et qu'elle a demandé aux commerçants désireux d'obtenir des labels, soit la preuve de leur qualité d'importateur exclusif, soit la désignation d'un importateur exclusif en Belgique. L'Anseau, quant à elle, a activement contrôlé l'apposition des labels et a attiré l'attention des commerçants et des consommateurs sur les conséquences susceptibles de résulter de l'absence de ces labels. Elle a en outre prêté son assistance technique en vue du contrôle de conformité des machines dépourvues de labels dans des conditions nettement moins favorables pour les non-conventionnés que pour les membres de la convention.

6. Le 15 décembre 1980, la Commission a adressé une communication des griefs aux parties à la convention dans laquelle elle a déclaré envisager de constater que la convention avait " pour objet et pour effet de rendre impossibles ou au moins plus difficiles les importations parallèles de machines à laver et de lave-vaisselle en Belgique "'.

7. Le 17 décembre 1981, la Commission a arrêté la décision faisant l'objet du présent recours. Cette décision déclare que certaines dispositions de la convention du 13 décembre 1978 " qui excluent la possibilité pour les importateurs non exclusifs d'obtenir un contrôle de la conformité des machines à laver et des lave-vaisselle qu'ils importent en Belgique à des conditions non discriminatoires par rapport à celles consenties aux fabricants ou importateurs exclusifs, constituent des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité ".

Elle dispose que les parties à la convention sont tenues de mettre fin aux infractions constatées et inflige des amendes à celles des parties qui ont participé à l'élaboration de la convention. En ce qui concerne les requérantes, les amendes se repartissent comme suit : 9 500 écus pour les requérantes Asogem (101-82) et Despagne (104-82); 38 500 écus pour les requérantes IAZ (96-82), Disem-Andries (97-82), Artsel (99-82), Zanker (100-82) et van Assche (102-82) et 76 500 écus pour les requérantes Bauknecht (98-82), Acec (105-82), Anseau (108-82) et Miele (110-82).

8. A l'appui de leurs recours, les requérantes invoquent une série de moyens en partie parallèles qui sont regroupés ci-après aux fins de leur examen.

Sur la violation des droits de la défense et des formes substantielles

9. Toutes les requérantes, à l'exception de Miele (110-82), reprochent à la Commission en premier lieu d'avoir violé les droits de la défense et les formes substantielles, en particulier l'article 4 du règlement n° 99-63 de la Commission, du 25 juillet 1963 (JO p. 2268), aux termes duquel, dans ses décisions, la Commission ne retient contre les destinataires que les griefs au sujet desquels ceux-ci ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

10. A l'appui de ce moyen, les requérantes affirment que la communication des griefs a attribué à la convention l'objet et l'effet d'empêcher ou de restreindre les importations parallèles, alors que la décision aurait retenu le seul objet d'établir un traitement discriminatoire des importateurs non exclusifs par rapport aux fabricants et importateurs exclusifs. En conséquence, la décision aurait porté sur un grief non articulé dans la communication des griefs et sur lequel les requérantes n'auraient, par conséquent, pas eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

11. Ce moyen doit être rejeté. Une analyse de la communication des griefs montre à l'évidence qu'elle est consacrée à la démonstration de la discrimination dont les importateurs parallèles font l'objet par rapport aux importateurs exclusifs. En analysant le comportement des requérantes au regard de l'article 85 du traité, la Commission mentionne de façon expresse, pour conclure au caractère restrictif de concurrence de l'accord, que celui-ci a également pour objet d'empêcher ou de restreindre les importations parallèles des machines à laver et des lave-vaisselle. Il n'y a donc aucune contrariété entre la communication des griefs et la décision.

Sur la violation des principes de bonne administration

12. L'Anseau (108-82) reproche à la Commission, d'une part, de n'avoir pas vérifié dans quelle mesure les parties à la convention ont fait disparaître les objections articulées dans la communication des griefs et, d'autre part, d'avoir rendu publique la décision avant d'en donner officiellement connaissance aux intéressés.

13. En ce qui concerne ce premier reproche, l'Anseau observe qu'elle a fait parvenir à la Commission, au début de 1981, un projet de modification de la convention ainsi que le projet d'une " convention particulière ". Ce dernier aurait permis également aux importateurs non affiliés à la convention litigieuse d'obtenir des labels de conformité à condition, entre autres, de verser une certaine somme en garantie. Le projet définitif de la " convention particulière " aurait été transmis à la Commission par lettre du 15 juin 1981, mais celle-ci aurait pris la décision litigieuse six mois après, sans avoir répondu à la lettre.

14. La Commission, tout en admettant les faits avances par l'Anseau, estime qu'elle était justifiée à ne pas donner suite à la lettre du 15 juin 1981, car elle aurait eu des raisons de douter de la volonté réelle de l'Anseau de procéder à des modifications. En effet, par lettre du 19 mai 1981, la Commission aurait formulé certaines objections au projet de " convention particulière " auxquelles la version définitive de ce projet n'aurait pas répondu. Au demeurant, ladite convention n'aurait été mise en vigueur que postérieurement à l'adoption de la décision.

15. A cet égard, il y a lieu tout d'abord de relever que l'objet de la procédure administrative préliminaire est de préparer la décision de la Commission concernant l'infraction aux règles de la concurrence, mais que cette procédure est également l'occasion, pour les entreprises concernées, d'adapter les pratiques incriminées aux règles du traité. Il est certes regrettable et non conforme aux exigences d'une bonne administration que la Commission n'ait pas réagi au projet de " convention particulière " qui lui a été présenté précisément en vue d'une telle adaptation. Toutefois, il n'est pas contesté entre les parties que ce projet n'a répondu à toutes les objections de celle-ci. Dans ces conditions, on ne saurait considérer comme une faute de procédure entachant la décision d'illégalité le fait que la Commission n'a pas poursuivi au préalable la correspondance avec la requérante.

16. En ce qui concerne le grief d'avoir rendu publique la décision avant d'en donner connaissance aux destinataires, il y a lieu de constater que, quelque regrettable que soit un tel procédé, la décision avait déjà été prise et que des actes postérieurs à son adoption ne peuvent pas affecter sa validité.

17. Ce moyen doit donc également être rejeté.

Sur l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, du traité

18. L'Anseau (108-82) et Miele (110-82) font valoir de plus que la convention ne réunit pas les éléments constitutifs d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

19. En premier lieu, l'Anseau indique qu'il ne saurait être question d'un " accord entre entreprises " au sens de la disposition susvisée. En effet, l'Anseau serait une association d'entreprises n'exerçant elle-même aucune activité économique. L'article 85, paragraphe 1, du traité ne lui serait donc applicable que dans la mesure ou les entreprises qui en sont membres sont juridiquement liées par la convention. Tel ne serait pas le cas puisqu'aux termes tant de la convention que des statuts de l'Anseau, celle-ci aurait le seul pouvoir d'émettre des recommandations.

20. Ainsi que la Cour l'a déjà dit, dans les arrêts du 15 mai 1975 (Frubo, 71-74, Recueil p. 563) et du 29 octobre 1980 (van Landewyck, 209 à 215 et 218-78, Recueil p. 3125), l'article 85, paragraphe 1, s'applique également aux associations d'entreprises dans la mesure où leur activité propre ou celle des entreprises qui y adhèrent tend à produire les effets qu'il vise à réprimer.Il ressort notamment de ce dernier arrêt qu'une recommandation, même dépourvue d'effet obligatoire, n'échappe pas à l'emprise de l'article 85, paragraphe 1, lorsque l'acceptation de la recommandation par les entreprises destinataires exerce une influence sensible sur le jeu de la concurrence sur le marché en cause.

21. Au vu de cette jurisprudence, il y a lieu de souligner, ainsi que la Commission l'a constaté à juste titre, que les recommandations que l'Anseau a émises au titre de la convention et selon lesquelles les entreprises membres doivent tenir compte du contenu et du but de la convention et doivent en informer les consommateurs, ont effectivement eu pour conséquence que les entreprises de distribution d'eau dans les agglomérations de Bruxelles, d'Anvers et de Gand ont vérifié chez les abonnés si les machines raccordées au réseau de distribution d'eau étaient pourvues du label de conformité. Ces recommandations ont donc déterminé le comportement d'une partie importante des membres de l'Anseau et ont, partant, exercé une influence sensible sur le jeu de la concurrence.

22. L'Anseau et Miele reprochent en outre à la décision de n'avoir pas démontré à suffisance de droit que la convention avait un objet restrictif de concurrence. Elles font valoir sous ce rapport, d'une part, que le véritable objet de la convention était la sauvegarde du contrôle de conformité et la réduction du coût administratif et, d'autre part, que les parties n'avaient pas toutes l'intention de restreindre le jeu de la concurrence.

23. S'agissant de la première partie de l'argument des requérantes, il y a lieu de constater que tant le contenu de la convention que sa genèse et les circonstances de sa mise en œuvre manifestent clairement la volonté de traiter les importations parallèles, en vue de les entraver, d'une manière moins favorable que les importations officielles.

24. Cette conclusion découle en premier lieu de la circonstance que la convention est fondée sur un système unique de contrôle au moyen de labels de conformité qui a remplace un système de contrôle antérieur basé sur des listes d'appareils agrées, et que seuls les fabricants et importateurs exclusifs peuvent obtenir ces labels. Elle procède également de certaines déclarations faites par la CEG et la FCAE lors des réunions préparatoires. En effet, lors de ces réunions, la CEG a déclaré vouloir obtenir pour ses membres un traitement qui les favorise par rapport aux non-membres et a indiqué qu'elle considérait la convention envisagée comme une " arme " contre les importations parallèles. La FCAE, d'autre part, a souligné que le système des listes d'appareils agrées présentait l'inconvénient que les importations parallèles profitaient également de la vérification acquise par l'importateur officiel, sans pour autant devoir participer aux frais. Enfin, la volonté d'entraver les importations parallèles est également indiquée par les actions que la CEG et l'Anseau ont entreprises postérieurement à la conclusion de la convention, en vue de mettre les commerçants et les consommateurs en garde contre, respectivement, la vente et l'achat d'appareils non revêtus du label de conformité.

25. Par conséquent, eu égard tant à sa teneur qu'à son contexte juridique et économique et au comportement des parties, la convention a pour objet de restreindre sensiblement le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun, nonobstant le fait qu'elle poursuit également l'objet de protéger la santé publique et de réduire le coût du contrôle de conformité. Cette constatation n'est pas mise en cause par le fait que l'intention de restreindre la concurrence n'a pas été établie à l'égard de toutes les parties à la convention.

26. L'Anseau et Miele invoquent encore que, contrairement aux constatations contenues dans la décision, la convention n'avait pas d'effet restrictif de concurrence.

27. Il résulte des considérations qui précèdent que la convention est de nature à rendre plus difficiles, sinon impossibles, les importations parallèles des machines à laver et des lave-vaisselle et peut donc affecter le commerce entre Etats membres. Etant donné que selon les observations présentées au cours de la présente procédure, la part du marché détenue par les entreprises signataires est d'environ 90 % et donc très significative, il faut en conclure que la convention avait un effet restrictif de concurrence.

28. Il découle également de ces considérations que, contrairement aux objections formulées par l'Anseau, la convention affecte les échanges intracommunautaires d'une manière qui doit être considérée comme sensible.

29. Ce groupe de moyens doit donc également être rejeté.

Sur la non-application de l'article 85, paragraphe 3, du traité

30. Toutes les requérantes font valoir que la Commission ne pouvait refuser l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité au motif que la convention n'avait pas été notifiée conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17-62. A l'appui de ce moyen, elles allèguent que la convention était dispensée de l'obligation de notification, en vertu de l'article 4, paragraphe 2, du règlement précité, comme étant un accord purement national, auquel seules des entreprises ressortissant à un seul Etat membre auraient participé et qui, de plus, ne concernerait ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres.

31. Selon la Commission, cette dernière condition doit être interprétée en fonction du but de la disposition en cause, à savoir la simplification administrative en faveur des ententes revêtant un caractère moins nocif au regard des objectifs de l'article 85 du traité. Tel ne serait pas le cas de la convention dont l'objet serait d'éliminer les importations parallèles. La Commission conteste, en outre, le caractère purement national de la convention, en raison de la participation de la société de droit allemand BBC Hausgerate GmbH, qui n'aurait qu'une succursale dépendante en Belgique.

32. Il convient de constater qu'aux termes de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17-62, les accords intervenus après l'entrée en vigueur du règlement et en faveur desquels les intéressés désirent se prévaloir des dispositions de l'article 85, paragraphe 3, doivent être notifiés à la Commission, à défaut de quoi une décision d'application de cet article ne peut être rendue. Toutefois, l'article 4, paragraphe 2, dudit règlement dispense de la notification les accords auxquels ne participent que des entreprises ressortissant à un seul Etat membre et qui, de plus, ne concernent ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres.

33. Il faut donc d'abord rechercher si les deux conditions d'application de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17-62 sont réunies, étant entendu que, si l'une de ces conditions n'est pas remplie, la convention ne pouvait bénéficier de l'article 85, paragraphe 3, à défaut de sa notification conformément à l'article 4, paragraphe 1, dudit règlement.

34. Il suffit, à cet égard, de constater que la convention ne satisfait pas à la condition que l'accord ne concerne ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres.Ainsi que la Cour l'a dit dans l'arrêt du 3 février 1976 (fonderies Roubaix-Wattrelos, 63-75, Recueil p. 111), cette condition doit s'interpréter en fonction de l'économie de l'article 4 et des objectifs de simplification administrative qu'il poursuit en n'obligeant pas les entreprises à notifier des contrats qui, tout en pouvant relever de l'article 85, paragraphe 1, apparaissent, de façon générale, en raison de leurs particularités, comme moins nocifs au regard des objectifs de cette disposition.

35. En l'espèce, la convention vise, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus, à restreindre sensiblement les importations parallèles en Belgique des machines à laver et lave-vaisselle et tend ainsi à isoler le marché belge d'une façon incompatible avec les principes fondamentaux du Marché commun. Elle concerne donc l'importation à un degré qui ne peut pas être considéré comme peu nocif. Elle ne saurait, par conséquent, être dispensée de la notification prévue à l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17-62 et ne peut, à défaut de notification conformément au paragraphe 1 de cet article, bénéficier de l'exemption de l'article 85, paragraphe 3.

36. Les requérantes ont encore soutenu dans ce contexte que la décision viole l'article 190 du traité en ce qu'elle ne motiverait pas à suffisance de droit le refus d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, du traité.

37. Ce moyen ne saurait non plus être retenu. Selon une jurisprudence constante de la Cour, l'obligation de motiver une décision faisant grief, consacrée par l'article 190 du traité, a pour but de permettre à la Cour d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d'un vice permettant d'en contester la légalité. Par conséquent, ainsi que la Cour l'a dit dans l'arrêt du 29 octobre 1980, précité, il est satisfait à cette exigence de motivation lorsque la décision mentionne les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure ainsi que les considérations qui ont amené à prendre la décision.

38. Tel est le cas en l'espèce. Les motifs de la décision indiquent clairement que l'article 85, paragraphe 3, ne pouvait être appliqué dès lors que la convention, soumise à l'obligation de notification pour les raisons exposées ci-dessus, n'avait pas été notifiée conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17-62, et que, de toute manière, les conditions posées à l'article 85, paragraphe 3, lui-même n'étaient pas réunies.

39. Ces moyens doivent donc également être rejetés.

Sur les amendes

40. En ce qui concerne les amendes infligées, toutes les requérantes font valoir en premier lieu qu'un accord dispensé de notification, en vertu de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17-62, ne peut donner lieu à des amendes. A tout le moins, le principe de confiance légitime s'opposerait en l'espèce à l'imposition d'amendes, la Commission ayant elle-même suscité l'impression que les accords dispensés de notification ne peuvent faire l'objet d'amendes.

41. Il suffit de rappeler à cet égard que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la convention n'était pas dispensée de notification.

42. En second lieu, les requérantes prétendent qu'une amende n'aurait pas dû leur être infligée ou, à tout le moins, que le montant devrait en être réduit des lors que, contrairement aux constatations contenues dans la décision, l'infraction n'aurait pas été commise de propos délibéré ou par grave négligence. Plus spécifiquement, les requérantes autres que l'Anseau prétendent n'avoir pas agi de propos délibéré, tel que constaté dans la décision, puisqu'elles n'auraient pas été conscientes de l'objet anticoncurrentiel de la convention dans l'élaboration de laquelle, de plus, elles n'auraient joué qu'un rôle purement passif ou même pas du tout participé. L'Anseau, quant à elle, conteste avoir commis une grave négligence telle que constatée dans la décision, puisque l'objet anticoncurrentiel ne découlerait pas de la convention elle-même et qu'elle n'aurait pas été au courant des intentions de ses cocontractants.

43. La Commission rétorque que les requérantes ont été conscientes ou auraient, à tout le moins, du être conscientes de l'objet de la convention restrictif de la concurrence, étant donné qu'elles auraient pris ou auraient pu prendre connaissance des déclarations faites notamment par la CEG au cours des réunions préparatoires, au plus tard lors de la lecture du procès-verbal.

44. Il y a lieu d'observer qu'en vertu de l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17-62, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes lorsque, de propos délibéré ou par négligence elles commettent une infraction aux règles de la concurrence du traité.

45. En l'espèce, il ressort des considérations qui précèdent que toutes les parties ayant participé à l'élaboration de la convention ont été conscientes de ce que la convention, telle qu'elle se présentait eu égard à sa teneur, à son contexte juridique et économique et au comportement des parties, avait pour objet de restreindre les importations parallèles, et qu'elle était susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres en ce qu'elle était effectivement de nature à rendre plus difficiles, sinon impossibles, les importations parallèles. En souscrivant à la convention en connaissance de ces circonstances, elles ont donc agi de propos délibéré, qu'elles aient eu ou non conscience, ce faisant, d'enfreindre l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

46. Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait, invoqué par certaines des requérantes, qu'elles n'ont pas assisté à toutes les négociations aboutissant à la conclusion de la convention, dès lors que le contenu essentiel de ces négociations ressortait clairement des procès-verbaux accessibles à toutes les parties.

47. Dans ces conditions, la thèse des requérantes selon laquelle l'infraction n'aurait pas été commise de propos délibéré ou, à tout le moins, du fait d'une grave négligence, ne saurait être retenue, de sorte que ce moyen lui aussi, doit être rejeté.

48. En troisième lieu, toutes les requérantes, à l'exception de Miele, font valoir que le montant de l'amende aurait été déterminé d'une manière incorrecte.

49. Plus spécifiquement, les requérantes autres que l'Anseau reprochent à la Commission une appréciation erronée de la gravite de l'infraction, en ce qui concerne tant la nocivité de l'accord que la part de responsabilité individuelle des entreprises concernées. A l'appui de cet argument, elles invoquent, d'une part, une discordance sensible entre le montant de l'amende et la part respective des entreprises sur le marché et, d'autre part, la circonstance que la convention n'a pas jusqu'ici affecté sensiblement les échanges entre Etats membres.

50. L'exposé des motifs de la décision fait apparaître que la Commission, en déterminant le montant des amendes, a considéré en premier lieu qu'il s'agit d'une infraction grave en ce qu'elle comporte des entraves aux importations parallèles et établit, de ce fait, des barrières artificielles à l'intérieur de la Communauté. En fixant les amendes individuelles à 9 500, 38 500 et 76 500 écus, la Commission s'est orientée, selon les motifs de la décision, sur l'importance respective des entreprises sur le marché en cause, partant de l'hypothèse que toutes les entreprises ayant participé à l'élaboration de la convention portent une responsabilité identique du fait même de leur participation à la convention.

51. Au cours de la procédure devant la Cour, la Commission a précisé qu'elle avait, pour le calcul du montant des amendes, d'abord déterminé le montant global des amendes à imposer à l'ensemble des entreprises sanctionnées, en appliquant le taux de 1,5 % à la valeur des importations en Belgique des machines à laver et lave-vaisselle en provenance des autres Etats membres. Ce total aurait ensuite été reparti entre les entreprises concernées en établissant à cet effet trois groupes, selon le nombre des labels de conformité commandés à l'Anseau.

52. Ainsi que la Cour l'a dit dans l'arrêt du 7 juin 1983 (Pioneer e.a., 100 à 103-80, non encore publié) il faut, pour apprécier la gravité d'une infraction, tenir compte d'un grand nombre d'éléments dont le caractère et l'importance varient selon le type d'infraction en cause et les circonstances particuliers de l'infraction concernée. Parmi ces éléments peuvent, selon le cas, figurer le volume et la valeur des marchandises faisant l'objet de l'infraction ainsi que la taille et la puissance économique de l'entreprise et, partant, l'influence que celle-ci a pu exercer sur le marché. La Cour a également, dès son arrêt du 15 juillet 1970 (Boehringer Mannheim, 45-69, Recueil p. 769), reconnu compatible avec la détermination individuelle de la sanction la fixation préalable d'un plafond global pour l'amende, déterminé en relation avec la gravite du danger que l'entente représentait pour la concurrence et les échanges dans le Marché commun.

53. A la lumière de cette jurisprudence, on ne saurait faire grief à la Commission d'avoir, eu égard à la nocivité de la convention, d'abord déterminé le montant global des amendes à imposer, en appliquant à cet effet à la valeur des importations en cause le pourcentage choisi. La Commission était également justifiée à repartir ensuite ce total entre les entreprises sanctionnées en classant celles-ci en groupes constitués sur la base du nombre des labels commandés. Les arguments tenant à une appréciation erronée de la gravité de l'infraction doivent donc être écartés.

54. La requérante Disem-Andries soutient, en outre, l'existence d'une erreur d'appréciation en ce que la Commission, lors de la détermination de l'amende à elle imposée, n'aurait pas tenu compte de sa situation financière déficitaire.

55. Cet argument ne saurait non plus être retenu. Ainsi que la Commission l'a relevé avec raison, la reconnaissance de pareille obligation reviendrait en effet, à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.

56. L'Anseau, quant à elle, reproche à la décision de n'avoir pas pris en considération le fait qu'elle n'exercerait pas d'activité économique propre ni n'aurait tiré de profit financier de l'application de la convention et que, de plus, l'infraction constatée aurait cessé à la date de l'adoption de la décision.

57. L'exposé des motifs de la décision fait apparaître à cet égard que l'amende infligée à l'Anseau, d'un montant égal à celui des amendes les plus élevées infligées aux entreprises parties à la convention, a été fixée en considération, d'une part, que l'Anseau porterait la plus importante part de responsabilité mais que, d'autre part, il fallait tenir compte du fait qu'elle n'avait pas de but lucratif.

58. Cette façon de procéder doit être considérée comme justifiée, nonobstant l'absence de but lucratif de l'Anseau, compte tenu notamment du rôle central que celle-ci a joué lors de la préparation et de la mise en œuvre de la convention.

59. En ce qui concerne enfin l'argument selon lequel, contrairement aux constatations de la décision, l'infraction aurait cessé à la date de la décision il suffit de rappeler qu'aucune modification de la convention susceptible de mettre fin à l'infraction n'a été mise en œuvre avant l'adoption de la décision.

60. Ce moyen doit donc aussi être rejeté.

61. Aucun des moyens des requérantes n'ayant abouti, il y a lieu de rejeter les présents recours dans leur ensemble comme non fondés.

Sur les dépens

62. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, si plusieurs parties succombent, la Cour décide du partage des dépens.

63. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens. Chaque requérante supportera la partie des dépens de la Commission correspondant au pourcentage de l'amende qui lui a été infligée par rapport au total des amendes infligées à l'ensemble des requérantes.

Par ces motifs,

LA COUR

Déclare et arrête :

1) les recours sont rejetés.

2) les requérants sont condamnées aux dépens. Chaque requérante supportera la partie des dépens de la Commission correspondant au pourcentage de l'amende qui lui a été infligée par rapport au total des amendes infligées à l'ensemble des requérantes.