Décisions

CJCE, 18 mai 1982, n° 155-79

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

PARTIES

Demandeur :

AM & S Europe Limited

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Avocats :

Me Lever, Bellamy, Child

LA COUR,

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 octobre 1979, la société Australian Mining & Smelting Europe Limited (AM & S Europe), établie au Royaume-Uni, a introduit, en vertu de l'article 173, alinéa 2, du traité CEE, un recours visant à l'annulation de l'article 1, lettre b), de la décision individuelle 79-760 de la Commission du 6 juillet 1979 (JO L 1979, p. 31), notifiée à la requérante et lui faisant obligation de produire aux agents de la Commission, mandates aux fins d'une vérification, tous les documents pour lesquels le "légal privilège" est demandé, mentionnes en annexe à la lettre de AM & S Europe à la Commission du 26 mars 1979.

2 A l'appui du recours, la requérante soutient que la correspondance entre les avocats et leurs clients est dans tous les Etats membres protégée en vertu d'un principe général commun à tous ces Etats, bien que la portée de cette protection et les moyens d'y parvenir varient d'un Etat à l'autre. Ce principe qui, d'après la requérante, s'appliquerait ," dans certaines limites éventuelles ", également en droit communautaire, impliquerait que la Commission, dans le cadre d'une vérification ordonnée en vertu de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17-62 du conseil du 6 février 1962 (JO 1962, p. 204), ne pourrait prétendre recevoir communication, du moins dans son texte intégral, de la correspondance échangée entre l'avocat et son client, dès lors que "l'entreprise revendique la protection et prend des mesures raisonnables pour convaincre la Commission du bien-fondé" de ce que les documents en question sont effectivement couverts par le "légal privilège".

3 En partant de cette prémisse, la requérante affirme que ce serait nier le principe de la confidentialité que de permettre à l'autorité qui mène une investigation ou procède à une vérification, telle, en l'occurrence, la Commission, vis-à-vis de laquelle le principe de la protection est invoqué, d'examiner des documents protégés, sous peine de voir violé le caractère confidentiel de ces documents. Cependant, elle reconnaît que "la Commission a un droit prima fascié de voir les documents détenus par une entreprise", conformément à l'article 14 du règlement n° 17-62, et qu'en vertu de ce droit "c'est toujours la Commission qui décide si les documents sont ou non protégés, mais sur la base d'une description des documents" et non de l'examen de ceux-ci, dans leur intégralité, de la part de ses inspecteurs.

4 La requérante admet à ce sujet que, dans une première phase, l'entreprise qui invoque la protection devrait fournir a la Commission des éléments d'appréciation suffisants, tels que la description des documents faite par l'entreprise et la présentation aux inspecteurs de la Commission de "certaines parties des documents", à l'exclusion des passages pour lesquels la protection est demandée, afin de la convaincre que lesdits documents sont effectivement protégés. Dans le cas où la Commission ne serait pas convaincue du caractère confidentiel des documents en question, l'entreprise serait tenue de permettre " une inspection par une tierce partie indépendante, qui vérifiera la description du contenu des documents ".

5 La décision attaquée, fondée sur le principe selon lequel il appartient à la Commission de déterminer si un document donné peut être utilisé ou non, enjoint à AM & S de permettre aux inspecteurs mandatés de la Commission de voir les documents litigieux dans leur intégralité. La requérante, en alléguant que lesdits documents réunissent les conditions requises pour pouvoir bénéficier de la protection légale au sens ci-dessus indiqué, a demandé à la Cour de déclarer nul et de nul effet l'article 1, lettre b), de la décision précitée, et, subsidiairement, d'annuler l'article 1, lettre b), de la décision du 6 juillet 1979 en tant qu'il postule la divulgation à l'inspecteur de la Commission de l'intégralité de chacun des documents pour lesquels la requérante revendique la protection au titre du caractère confidentiel de ces documents.

6 Le Gouvernement du Royaume-Uni, intervenu dans la procédure, se rallie pour l'essentiel à l'argumentation de la requérante, en soutenant que le principe de la protection légale de la correspondance entre les avocats et leurs clients est reconnu comme tel dans les divers pays de la communauté, même s'il n'y a pas un concept harmonisé, unique et invariable quant a ses limites. Il admet que ce concept peut faire l'objet d'approches différentes dans les divers Etats membres.

7 Quant à la procédure la plus appropriée pour résoudre d'éventuels conflits entre l'entreprise et la Commission sur la nature confidentielle ou non de certains documents, le Gouvernement du Royaume-Uni propose, au cas où l'inspecteur de la Commission ne serait pas satisfait des éléments de preuve fournis par l'entreprise, le recours à un expert indépendant et, éventuellement, si le différend n'est pas aplani, le recours à la Cour de justice, saisie par la partie intéressée, suite à une décision prise par la Commission en vertu du règlement n° 17-62.

8 La Commission consultative des barreaux de la Communauté européenne (CCBE), intervenue elle aussi à l'appui des conclusions de la requérante, estime, pour sa part, que le droit au secret des communications entre l'avocat et son client (dans les deux sens) est reconnu en tant que droit fondamental, constitutionnel ou de l'homme, qu'il est l'accessoire ou le complément d'autres droits similaires qui sont expressément reconnus, et que ce droit devrait comme tel être reconnu et appliqué comme faisant partie du droit communautaire. Après avoir expliqué qu'il ne s'agirait pas d'une notion statique, mais en constante évolution, la CCBE conclut que, dans le cas d'un différend entre l'entreprise et la Commission sur le caractère confidentiel d'un document, la procédure la plus appropriée consisterait à faire appel à une expertise ou à un arbitrage. A supposer par ailleurs que la Cour soit la seule instance compétente pour trancher un tel différend, elle devrait, dans ce cas, se borner à vérifier le caractère éventuellement confidentiel des documents litigieux à la lumière d'une expertise ordonnée en vertu de l'article 49 du règlement de procédure.

9 A tous ces arguments, la Commission oppose que, même s'il existe en droit communautaire un principe général protégeant la confidentialité de la correspondance entre les avocats et leurs clients, l'étendue de cette protection ne saurait être définie de manière générale et abstraite, mais doit être dégagée en tenant compte des particularités de la réglementation communautaire en cause, considérée dans sa lettre, de son système et eu égard aux exigences auxquelles elle répond.

10 Elle en déduit qu'une interprétation correcte de l'article 14 du règlement n° 17-62 exclut la possibilité que ce principe, tel que l'invoque la requérante, puisse s'appliquer aux documents exigés lors d'une vérification ordonnée en vertu dudit article, y compris la correspondance échangée entre l'entreprise concernée et ses avocats.

11 La thèse de la requérante serait, selon la Commission, d'autant plus inacceptable qu'elle n'offrirait sur le plan pratique aucun moyen efficace pour permettre aux inspecteurs de s'assurer du contenu et de la nature réelle des documents litigieux. Bien au contraire, les solutions proposées à ce sujet par la requérante auraient pour effet, en raison notamment des longueurs inhérentes à toute procédure d'arbitrage - à supposer même que celle-ci soit juridiquement admissible -, de retarder sérieusement, voire d'annihiler, l'action de la Commission tendant à déceler des violations éventuelles des articles 85 et 86 du traité, et de faire ainsi échec aux finalités essentielles du règlement n°17-62.

12 Le Gouvernement de la République française, intervenu dans la procédure au soutien des conclusions de la Commission, relève que le droit communautaire, à son stade actuel, ne contient aucune disposition consacrant la protection des documents échanges entre un conseil juridique et son client. Il en conclut que la Commission doit pouvoir exercer les pouvoirs qu'elle tient de l'article 14 du règlement n° 17 sans se voir opposer le caractère confidentiel des documents qu'elle jugerait nécessaire de connaître pour accomplir la mission que lui assigne ce règlement. Faire du conseil juridique et de l'entreprise soumise à une procédure en matière de concurrence les arbitres de la question de savoir si un document est ou non protégé serait, de l'avis du gouvernement, non conforme au droit communautaire et ne manquerait pas de créer de graves distorsions dans l'application des règles de concurrence.

13 Il ressort de la requête ainsi que de la base légale sur laquelle se fonde la décision attaquée que le présent litige a essentiellement pour objet l'interprétation de l'article 14 du règlement n° 17-62 du Conseil, en vue de déterminer les limites auxquelles est éventuellement soumis l'exercice du pouvoir de vérification de la Commission, visé par cette disposition, du fait de la protection légale accordée à la confidentialité de la correspondance entre les avocats et leurs clients.

14 Une fois vérifiée l'existence d'une telle protection en droit communautaire et définies les conditions de son application, il échet de déterminer quels sont, parmi les documents visés à l'article 1, lettre b), de la décision attaquée, ceux qui pourraient éventuellement être considérés comme confidentiels et soustraits de ce fait au pouvoir de vérification de la Commission. Une partie de ces documents ayant été entre-temps volontairement communiquée à la Commission par la requérante elle-même, les documents à examiner en l'occurrence sont ceux déposés, sous enveloppe scellée, au greffe de la Cour le 9 mars 1981, en application de l'ordonnance de la Cour du 4 février 1981, rouvrant la procédure orale dans la présente affaire.

a) Sur l'interprétation de l'article 14 du règlement n° 17-62

15 Le règlement n° 17-62 du Conseil, pris en application de l'article 87, paragraphe 1, alinéa 1, du traité, a, aux termes du paragraphe 2, a) et b), de ce même article, pour objet d'assurer le respect des interdictions visées aux articles 85 et 86 du traité et de déterminer les modalités d'application de l'article 85, paragraphe 3. Il est destiné ainsi à assurer la réalisation de l'objectif visé à l'article 3, f), du traité. A ces fins, il confère à la Commission un large pouvoir d'investigation et de vérification en précisant, dans son huitième considérant, que celle-ci doit disposer, dans toute l'étendue du Marché commun, du pouvoir d'exiger les renseignements et de procéder aux vérifications " qui sont nécessaires " pour déceler les infractions aux articles 85 et 86 susdits.

16 Les dispositions des articles 11 et 14 du règlement prévoient, dès lors, que la Commission peut recueillir " les renseignements " et procéder aux vérifications " nécessaires " pour la poursuite des infractions aux règles de concurrence. L'article 14, paragraphe 1, en particulier, habilite la Commission à se faire présenter les documents professionnels, c'est-à-dire les documents ayant trait à l'activité de l'entreprise sur le marche, en ce qui concerne notamment le respect des règles de concurrence. La correspondance entre avocat et client, pour autant qu'elle porte sur une telle activité, relève de la catégorie des documents visés aux articles 11 et 14 susdits.

17 En outre, les documents que la Commission peut exiger étant, ainsi que l'affirme l'article 14, paragraphe 1, ceux qu'elle juge " nécessaire " de connaître pour pouvoir déceler une infraction aux règles de concurrence du traité, il s'ensuit qu'en principe il appartient à la Commission elle-même, et non à l'entreprise intéressée ou à un tiers, expert ou arbitre, de décider si un document doit ou non lui être présenté.

b) Sur l'applicabilité de la protection de la confidentialité en droit communautaire

18 La réglementation susvisée n'exclut cependant pas la possibilité de reconnaître, sous certaines conditions, le caractère confidentiel de documents professionnels déterminés. En effet, le droit communautaire, issu d'une interpénétration non seulement économique, mais aussi juridique des Etats membres, doit tenir compte des principes et conceptions communs aux droits de ces états en ce qui concerne le respect de la confidentialité à l'égard, notamment, de certaines communications entre les avocats et leurs clients. Cette confidentialité répond en effet à l'exigence, dont l'importance est reconnue dans l'ensemble des Etats membres, que tout justiciable doit avoir la possibilité de s'adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession même comporte la tâche de donner, de façon indépendante, des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin.

19 En ce qui concerne la protection de la correspondance entre les avocats et leurs clients, les ordres juridiques des Etats membres laissent apparaître que, si le principe de cette protection est généralement reconnu, sa portée et les critères de son application varient, ainsi que, du reste, l'admettent tant la requérante que les parties intervenues au soutien de ses conclusions.

20 Si, dans certains Etats membres, la protection de la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients se fonde principalement sur la reconnaissance de la nature même de la profession d'avocat, en tant qu'elle coopère au maintien de la légalité, dans d'autres Etats membres, cette même protection trouve sa justification dans l'exigence plus spécifique - d'ailleurs reconnue également dans les premiers Etats - du respect des droits de la défense.

21 Au-delà de ces diversités, les droits internes des Etats membres révèlent cependant l'existence de critères communs en ce qu'ils protégent, dans des conditions similaires, la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients, pour autant, d'une part, qu'il s'agisse de correspondance échangée dans le cadre et aux fins du droit de la défense du client et, d'autre part, qu'elle émane d'avocats indépendants, c'est-à-dire d'avocats non liés au client par un rapport d'emploi.

22 Placé dans un tel contexte, le règlement n° 17-62 doit être interprété comme protégeant lui aussi la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients dans les limites de ces deux conditions, en reprenant ainsi les éléments constitutifs de cette protection communs aux droits des Etats membres.

23 Quant à la première de ces deux conditions, le règlement n° 17-62 lui-même, notamment dans son onzième considérant et par les dispositions de l'article 19, prend soin de sauvegarder le plein exercice des droits de la défense, dont la protection de la confidentialité de la correspondance entre avocats et clients constitue un complément nécessaire. Cette protection doit dans ce cas s'entendre, pour être efficace, comme couvrant de plein droit toute correspondance échangée après l'ouverture de la procédure administrative, en vertu du règlement n° 17-62, susceptible d'aboutir à une décision d'application des articles 85 et 86 du traité ou à une décision infligeant à l'entreprise une sanction pécuniaire ; elle doit pouvoir être étendue également à la correspondance antérieure, ayant un lien de connexité avec l'objet d'une telle procédure.

24 Quant à la deuxième condition, il y a lieu de préciser que l'exigence relative à la position et à la qualité d'avocat indépendant, que doit revêtir le conseil dont émane la correspondance susceptible d'être protégée, procède d'une conception du rôle de l'avocat, considère comme collaborateur de la justice et appelé à fournir, en toute indépendance et dans l'intérêt supérieur de celle-ci, l'assistance légale dont le client à besoin. Cette protection a pour contrepartie la discipline professionnelle, imposée et contrôlée dans l'intérêt général par les institutions habilitées à cette fin. Une telle conception répond aux traditions juridiques communes aux Etats membres et se retrouve également dans l'ordre juridique communautaire, ainsi qu'il résulte de l'article 17 du statut de la Cour CEE et CEEA ainsi que de l'article 20 du statut de la Cour CECA.

25 Eu égard aux principes du traité relatifs à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services, la protection ainsi accordée par le droit communautaire, en particulier dans le cadre du règlement n° 17-62, à la correspondance entre les avocats et leurs clients doit s'appliquer indistinctement à tous les avocats inscrits au barreau de l'un des Etats membres, quel que soit l'Etat membre où réside le client.

26 Cette protection ne saurait être étendue au-delà de ce cadre, déterminé par la portée des règles communes relatives à l'exercice de la profession d'avocat, telles qu'elles résultent de la directive 77-249 du Conseil du 22 mars 1977 (JO L 78, p. 17), fondée à son tour sur la reconnaissance mutuelle entre tous les Etats membres des notions propres à leur droit interne en la matière.

27 Au vu de tous ces éléments, il y a donc lieu de conclure que si le règlement n° 17-62, et, en particulier son article 14, interprété à la lumière de son libellé, de son système et de ses finalités, et compte tenu du droit des Etats membres, habilite la Commission à se faire présenter, lors d'une vérification au sens dudit article, tous les documents professionnels qu'elle estime nécessaire de connaître, y inclus la correspondance entre avocat et client, pour la poursuite d'éventuelles infractions aux articles 85 et 86 du traité, ce pouvoir rencontre cependant une limite dans l'exigence du respect de la confidentialité, aux conditions ci-dessus définies, et dans la circonstance que la correspondance en question est échangée entre un avocat indépendant, c'est-à-dire non lié au client par un rapport d'emploi, et ce dernier.

28 Il y a lieu enfin d'observer que le principe de confidentialité ne saurait faire obstacle à ce que le client d'un avocat révèle la correspondance échangée entre eux, s'il estime avoir intérêt à le faire.

c) Sur les procédures relatives à l'application de la protection de la confidentialité

29 Dans le cas où une entreprise, soumise à vérification en vertu de l'article 14 du règlement n° 17-62, refuse, en invoquant un droit à la protection de la confidentialité, de produire, parmi les documents professionnels exigés par la Commission, la correspondance échangée avec son avocat, il lui incombe en tout cas de fournir aux agents mandatés de la Commission, sans pour autant devoir leur dévoiler le contenu de la correspondance en question, les éléments utiles de nature à prouver que celle-ci remplit les conditions justifiant sa protection légale ci-dessus définie.

30 Si la Commission estime qu'une telle preuve n'est pas rapportée, l'appréciation de ces conditions ne saurait être laissée à un arbitre ou à une autorité nationale. S'agissant d'une appréciation et d'une décision qui touchent aux conditions d'action de la Commission dans un domaine aussi essentiel au fonctionnement du Marché commun que celui du respect des règles de concurrence, la solution des litiges relatifs à l'application de la protection de la confidentialité de la correspondance entre les avocats et leurs clients ne peut être recherchée qu'au niveau communautaire.

31 Dans une telle hypothèse, il appartient à la Commission d'ordonner, en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17-62, la production de la correspondance litigieuse et, si besoin est, d'infliger à l'entreprise une amende ou une astreinte, en vertu du même règlement, en vue de sanctionner le refus de celle-ci soit d'apporter les éléments de preuve supplémentaires considérés par la Commission comme nécessaires, soit de présenter la correspondance en question que la Commission estimerait ne pas avoir un caractère confidentiel légalement protégé.

32 Le fait que, en vertu de l'article 185 du traité CEE, un recours introduit par l'entreprise concernée contre de telles décisions n'a pas d'effet suspensif permet de répondre au souci manifeste par la Commission quant aux conséquences que le délai requis par la procédure devant la Cour peut avoir sur l'efficacité du contrôle que la Commission doit exercer sur le respect des règles de concurrence du traité, tandis que, d'autre part, les intérêts de l'entreprise concernée sont sauvegardés par la possibilité ouverte par les articles 185 et 186 ainsi que par l'article 83 du règlement de procédure de voir ordonner le sursis à l'exécution de la décision prise ou toute autre mesure provisoire.

d) Sur la confidentialité des documents litigieux

33 Il ressort des documents déposés à la Cour le 9 mars 1981 par la requérante que la presque totalité de la correspondance y contenue a été établie où se refère à des avis juridiques donnés vers la fin de 1972 et au Cours du premier semestre 1973.

34 Il apparaît que la correspondance en question a été établie à l'époque qui précède et suit immédiatement l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté et qu'elle concerne, pour l'essentiel, le point de savoir dans quelle mesure un conflit éventuel pourrait être évité entre la requérante et les autorités communautaires en ce qui concerne la situation de la requérante, notamment au regard des dispositions communautaires sur la concurrence. Ces circonstances justifient que malgré le délai qui sépare ladite correspondance du moment ou une procédure a été engagée, cette correspondance doit être considérée comme se situant dans le cadre du respect des droits de la défense et de la mission spécifique de l'avocat à cet égard. Elle doit, dès lors, bénéficier de la confidentialité.

35 En raison d'une telle connexité et au vu des considérations précédemment developpées, la correspondance litigieuse, dans la mesure où elle émane d'un avocat indépendant, inscrit au barreau d'un Etat membre, doit donc être considérée comme confidentielle et soustraite de ce fait au pouvoir de vérification de la Commission, prévu à l'article 14 du règlement n° 17-62.

36 Compte tenu des particularités de cette correspondance, il y a lieu d'annuler l'article 1, lettre b), de la décision attaquée, pour autant qu'il enjoint à la requérante de présenter les documents mentionnes dans l'annexe à la lettre de Australian Mining & Smelting Europe Limited à la Commission du 26 mars 1979 et énumérés dans la liste des documents déposés à la Cour le 9 mars 1981, sous les n° 1 a) et b), 4 a) a f), 5 et 7.

37 En revanche, le recours doit être rejeté pour autant qu'il est dirige contre les dispositions de l'article 1, lettre b), précité, qui visent les documents autres que ceux ci-dessus mentionnés, également énumèrés dans l'annexe et la liste susdites et non encore présentes à la Commission.

Sur les dépens

38 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. En vertu du paragraphe 3 de ce même article, la Cour peut compenser les dépens en totalité ou en partie si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, ou pour des motifs exceptionnels.

39 Chacune des parties, principales et intervenantes, ayant succombé dans une partie de ses moyens, il y a lieu de compenser les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR,

déclare et arrête :

1) L'article 1, lettre b), de la décision 79-760 de la Commission du 6 juillet 1979 est annulé pour autant qu'il enjoint à la requérante de produire les documents mentionnés dans l'annexe à la lettre de Australian Mining & Smelting Europe Limited à la Commission du 26 mars 1979 et enumérés dans la liste des documents déposés à la Cour le 9 mars 1981, sous les n°s 1 a) et b), 4 a) a f), 5 et 7.

2) Le recours est rejeté pour le surplus

3) Chacune des parties, principales et intervenantes, supportera ses propres dépens.