CCE, 6 janvier 1982, n° 82-267
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
AEG-Telefunken
La Commission des Communautés européennes,
Vu le Traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 3 et 15 paragraphe 2, vu la notification de la " Vertriebsbindung fuer Telefunken-Markenwaren " (système de distribution des produits de marque Telefunken) faite par la société Allgemeine Elektricitaets-Gesellschaft AEG-Telefunken, le 6 novembre 1973, conformément à l'article 4 du règlement n° 17, vu la décision de la Commission, du 29 mai 1980, d'engager la procédure de l'article 9 paragraphe 3 du règlement n° 17, après avoir entendu l'entreprise intéressée, conformément à l'article 19 du règlement n° 17 en liaison avec le règlement n° 99-63-CEE de la Commission du 25 juillet 1963 (2), vu l'avis rendu le 28 octobre 1981 par le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, conformément à l'article 10 du règlement n° 17, considérant les éléments de fait et de droit ci-après :
LES FAITS
I. Structure de distribution et position sur le marché
(1) L'Allgemeine Elektricitaets-Gesellschaft AEG-Telefunken (ci-après dénommée AEG), société par actions de droit allemand ayant son Siège à Francfort-sur-le-Main, s'occupe notamment de la mise au point, de la fabrication et de la distribution d'articles de l'électronique de divertissement (téléviseurs, radios, magnétophones, phonos et matériel audio-visuel). Ce secteur a été confié - depuis le 1er janvier 1970 - à la Telefunken Fernseh - und Rundfunk - GMBH (ci-après dénommée TFR), filiale d'AEG, et depuis le 1er juin 1976 il est indépendant d'AEG. TFR fabrique ces produits et les distribue. Pour la distribution, elle utilise l'organisation de distribution de AEG, soit, en Allemagne, les bureaux ou installations de vente AEG et, dans les autres pays membres de la Communauté économique européenne, les filiales AEG chargées des activités de distribution. Les filiales concernées par la présente décision sont les suivantes :
- en France : AEG-Telefunken France SA, ayant son siège à Clichy (ci-après dénommée ATF),
- en Belgique : AEG-Telefunken SA belge, ayant son siège à Bruxelles (ci-après dénommée ATBG).
Ces bureaux de vente relèvent de TFR, dont ils reçoivent des instructions.
La commercialisation des produits AEG se fait ensuite par l'intermédiaire de grossistes et de détaillants. Les détaillants importants sont parfois directement approvisionnés par les bureaux de vente AEG, notamment lorsqu'ils ont un chiffre d'affaires comparable à celui d'un grossiste.
(2) La position que AEG occupe sur le marché de l'électronique de divertissement varie fortement selon les régions et les produits. Alors que pour les téléviseurs couleur, sa position sur le marché allemand, qui représente près de la moitié des téléviseurs de marque AEG vendus dans le marché commun, s'établit à ... % (3) environ, elle se situe entre .. et .. % en France, en Belgique et aux Pays-Bas. Pour les autres produits de l'électronique de divertissement, la part de marché de AEG se situe à environ ... % en Allemagne et entre .. et .. % en France et dans les pays du Benelux.
(3) Le chiffre d'affaires mondial de AEG s'est élevé pour l'exercice 1980 à environ 14,1 milliards de marks allemands, dont environ 3 milliards de marks allemands se rapportent aux produits de l'électronique de divertissement. Dans ce chiffre, la Communauté européenne représentait environ 0,95 milliard de marks allemands. Le bilan du groupe pour 1979 s'est clôturé par une perte de 968 millions de marks allemands et, pour 1980, par une perte de 278 millions de marks allemands.
II. Accord de distribution notifié
(4) Pour la distribution du programme 5 étoiles de TFR (téléviseurs, radios, magnétophones, phonos et matériel audio-visuel) dans le marché commun, AEG a notifié à la Commission, le 6 novembre 1973, le " système de distribution sélective pour les produits de marque Telefunken " ("Vertriebsbindung fuer Telefunken- Markenwaren" - "EG-Verpflichtungsschein"). Le système de distribution a pour base juridique des contrats-type conclus avec des revendeurs sélectionnés aux divers stades de la distribution. Jusqu'à la fin de 1978, c'était AEG, agissant en même temps pour TFR, qui passait les contrats de distribution sélective avec les revendeurs. Dans les nouveaux contrats-type actuellement en vigueur, c'est AEG-Telefunken Konsumgueter Aktiengesellschaft Francfort-sur-le-Main, agissant au nom et pour le compte de AEG et, en même temps, de TFR, qui est cocontractant.
(5) En 1981, AEG a introduit en Allemagne un nouveau système de distribution, basé sur des " contrats de partenaire " qu'elle conclut avec des revendeurs spécialisés. Ces " contrats de partenaire " remplacent en Allemagne les contrats de distribution sélective antérieurs, lesquels subsistent cependant dans les autres Etats membres. Les " contrats de partenaire " ne font pas l'objet de la présente décision.
(6) Aux termes du contrat de distribution sélective ("EG-Verpflichtungsschein") pour grossistes, ceux-ci doivent, pour être sélectionnés, acheter régulièrement les produits contractuels pour leur propre compte et les revendre à des détaillants, exercer un contrôle rigoureux sur les numéros et ne pas commettre d'infractions à la législation sur la concurrence. La sélection des détaillants s'opère, aux termes du contrat de distribution sélective CE, sur la base de critères qualitatifs objectifs se rapportant aux qualifications professionnelles du revendeur et de son personnel, et aux propriétés techniques de ses installations. Les détaillants doivent eux aussi exercer un contrôle rigoureux sur les numéros. Il leur est interdit, ainsi qu'à AEG, de céder des produits sous contrat à des commerçants non soumis au système de distribution sélective. En notifiant son système de distribution sélective, AEG a indiqué que son système de distribution était ouvert à tout commerçant spécialisé remplissant les conditions du contrat de distribution sélective CE.
(7) Le directeur général de la concurrence a fait savoir à AEG, dans une lettre du 17 mai 1976, qu'il ne voyait pas d'objection à l'utilisation de la version notifiée le 16 mars 1976 de l'accord de distribution sélective pour produits de marque Telefunken, eu égard à l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE.
La question de savoir si, à la lumière de l'expérience acquise entre-temps, la Commission maintiendra cette opinion, peut être laissée en suspens. Cette question ne fait pas l'objet de cette décision, qui ne concerne que l'application pratique du système de distribution d'AEG.
III. Mise en œuvre effective du système de distribution
La phase d'introduction
(8) L'introduction et la mise en œuvre effective du système de distribution dans la Communauté ont pris plusieurs années.
Une note TFR du 7 septembre 1973 indique que le but du système de distribution sélective est d'assurer une " marge bénéficiaire minimale " aux commerçants. On peut y lire à ce propos qu'" il existe deux possibilités pour atteindre ce but : l'industrie livre ses produits à des prix qui garantissent au commerce la marge qui lui revient, ou l'industrie veille à ce que les produits n'entrent pas dans des circuits qui n'ont pas besoin de cette marge bénéficiaire élevée. Nous songeons aux magasins Cash and Carry qui cassent les prix ... ".
(9) Dans une lettre du bureau de vente de Münster, du 22 septembre 1975, adressée à TFR, il est signalé que le système de distribution sélective vise à " éliminer les revendeurs en question " bien que, comme il est dit plus loin, " à notre avis, il y ait une certaine tendance à la création de rayons spécialisés, même dans les hypermarchés ".
(10) Une note interne TFR du 5 juillet 1976 concernant la politique de distribution AEG future décrit le " système de distribution actuellement en vigueur " comme un système où les produits en question ne sont commercialisés que par l'intermédiaire du commerce de détail et du commerce de gros traditionnels (4).
Dans les " directives concernant le système de distribution sélective ", publiées le 8 octobre 1973 (" TFR Sonderkurzmitteilung " 44), qu'AEG a communiquées à la Commission dans le cadre de la procédure engagée, il est dit que, pour ce qui est des magasins à succursales multiples (5), il est possible que " certaines succursales remplissent toutes les fonctions requises du commerce spécialisé, mais non l'ensemble de l'entreprise ". Il y est dit plus loin que " ces succursales ne devront en principe pas être approvisionnées, elles non plus ". On y lit en outre que, pour le cas où le bureau de vente " considère une livraison de produits sous contrat aux rayons spécialisés de ces entreprises comme opportune ", les négociations ne peuvent être menées " qu'après concertation préalable " avec TFR.
Mise en œuvre du système dans la pratique
A. Discrimination de certains distributeurs
1. Non-admission de certains distributeurs en Allemagne
a) Politique générale de distribution
(12) Dans un compte rendu TFR du 25 mai 1976 concernant une réunion de chefs de vente à Francfort, il est fait état des craintes de ces derniers au sujet d'une libéralisation du système de distribution sélective en faveur des grands magasins qui remplissent les conditions d'un commerce spécialisé. Les chefs de vente se sont déclarés d'accord pour éviter un comportement trop rigide à l'égard des grands magasins. Il a également été convenu de " (fixer) des critères qualitatifs pour les grands magasins et d'informer les principaux groupements du commerce spécialisé sur la manière de procéder (à l'égard des grands magasins). Au cas où les conversations à mener devraient se heurter à l'incompréhension des groupements, il faudra, logiquement, agir en justice pour préserver le système de distribution sélective ".
(13) Il faut en conclure qu'un " droit de consultation " a été accordé aux groupements du commerce spécialisé en ce qui concerne l'admission des " grands magasins ", même lorsque ceux-ci remplissaient les critères du commerce spécialisé.
b) Cas individuels
Ratio-Markt à Kassel
(14) La société Terfloth & Snoek GMBH, qui exploite des magasins de détail sous le nom de Ratio, a ouvert au début de mai 1976 un magasin Ratio à Kassel. Elle s'est efforcée de faire admettre ce magasin dans le système de distribution. Elle a eu des entretiens avec AEG, sur lesquels le bureau de vente de Münster fait rapport à TFR dans une note du 6 avril 1976 : " il a été question de la fixation des prix, mais il n'y a pas eu d'accord. La fixation des prix dépendra des conversations qui auront lieu à Kassel ". Il résulte également de cette note que, selon le bureau de vente AEG de Münster, ce magasin Ratio remplissait pour l'essentiel les critères d'un commerce spécialisé. En effet, il possédait un département radio séparé, pourvu d'un studio hi-fi, un chef de rayon spécialisé, des vendeurs spécialisés et un atelier spécialisé. Fin mai 1976, des agents du service extérieur AEG ont visité le magasin Ratio. Lors de cette visite, ils ont regretté qu'il n'existait pas de poste central à l'intérieur du rayon HI-FI pour la délivrance des cartes de garantie, que le rayon ne donnait pas l'impression d'être un service spécialisé séparé et que des produits étaient stockés dans le rayon dans leur emballage d'origine. Au contraire, Ratio affirmait qu'il disposait d'un rayon spécialisé, séparé et représentatif. Par lettre du 29 juin 1976, le bureau de vente de Münster a fait savoir à l'administration centrale de Ratio que TFR avait examiné un commentaire de l'article 85 du Traité CEE à propos des contrats de distribution. Compte tenu de tous les problèmes qui se posaient dans ce contexte, il n'était pas possible de livrer des produits sous contrat. Bien que, par lettre du 22 décembre 1976 adressée à AEG, Ratio ait à nouveau demandé à être approvisionnée et promis de " respecter scrupuleusement toutes les conditions du contrat de distribution sélective ", il n'a pas encore été admis dans le système de distribution.
(15) L'administration centrale de Ratio a présenté des documents qui montrent que le rayon " électronique de divertissement " du magasin Ratio à Kassel disposait en 1976 d'un personnel de vente qualifié. Il résulte d'autres documents présentés par Ratio que ce rayon, comme c'est souvent le cas dans les hypermarchés, était séparé dans l'espace mais non par des cloisons, des autres rayons.
(16) On peut conclure de la lettre de refus du 29 juin 1976 et du silence de TFR après la promesse faite par Ratio de respecter toutes les conditions du contrat de distribution sélective ce, que le refus d'agréer Ratio n'était pas motivé par la prétendue absence d'un rayon spécialisé, mais reposait sur le fait que Ratio est un " grand magasin ".
Harder à Villingen
(17) Le grossiste Harder (Villingen), qui avait été exclu du réseau de distribution pour non-respect du contrat mais auquel le bureau de vente AEG de Fribourg ne voulait pas renoncer comme distributeur, s'est vu imposer par ce dernier, comme condition supplémentaire de sa réadmission dans le réseau de distribution, la déclaration expresse " de ne pas livrer des produits AEG à des hypermarchés ou à des entreprises comparables ", et de ne pas effectuer d'exportations vers d'autres pays membres de la Communauté européenne (rapport du bureau de vente de Fribourg, du 15 décembre 1976, adressé à TFR).
2. Non-admission de certains distributeurs en France
a) Politique générale de distribution
(18) Une note interne ATF datée du 7 juillet 1977 signale qu'ATF a sommé un client (l'entreprise Sedif) de ne pas livrer de produits Telefunken aux hypermarchés Hyper, Carrefour, Conforama. La circulaire ATF du 13 septembre 1977 invite les collaborateurs du service extérieur ATF à faire en sorte que les clients soient persuadés que ATF " cherche à les protéger par le système de distribution sélective (marge bénéficiaire correcte) ".
(19) Cette intention est d'ailleurs bien perçue par le commerce. Dans une note interne ATF du 30 juin 1978, il est dit qu'un distributeur avec lequel ATF négocie en vue de son adhésion est au courant " de la politique commerciale de Telefunken, grâce à laquelle les prix de vente restent stables et les revendeurs sont assurés d'une marge bénéficiaire adéquate ".
(20) Dans le compte rendu, date du 5 janvier 1978, d'une conversation entre ATF et TFR, mention est faite expressément des " effets positifs " de cette politique de distribution. Il y est dit également qu'en 1977 les hypermarchés, dont la part de marché est de 7 %, ne représentent que 0,7 % dans la structure commerciale de TFR. Cette part extrêmement faible a permis jusqu'ici à ATF d'appliquer aux appareils Telefunken un niveau de prix élevé et uniforme, ce qui est apprécié par le commerce spécialisé (marges bénéficiaires supérieures à celles obtenues pour des appareils concurrents). Dans ce compte rendu, on lit encore que malgré les pressions toujours plus fortes de la part des hypermarchés (magasins discount - grandes surfaces), leurs demandes ont été rejetées jusque là. Et le compte rendu poursuit textuellement : " en 1978 également, il faudra absolument éviter toute collaboration (marge bénéficiaire au niveau du commerce spécialisé, résultats peu élevés au niveau des magasins discount) ".
(21) Dans une note interne TFR du 1er septembre 1978 concernant le marché français, il est dit que jusque-là, les véritables magasins discount n'ont délibérément pas été approvisionnés, pour des raisons de maintien des prix.
(22) Le directeur des ventes ATF a écrit le 12 janvier 1979 à TFR que, dans ses projets à moyen terme, ATF prévoyait de s'ouvrir progressivement aux circuits de distribution modernes. La lettre poursuit textuellement : " nous devons décider si nous allons dorénavant souscrire ou non des contrats de distribution sélective avec de grands distributeurs potentiels tels que Conforama, Carrefour, etc. ".
Il y est dit également que les appareils Telefunken sont de 570 à 770 francs français plus chers que les appareils réellement comparables de la concurrence. La lettre poursuit textuellement : " il est clair pour nous que les problèmes de la politique des prix élevés sont ici liés avec ceux des circuits de distribution (magasins discount) ".
b) Cas particuliers
Auchan
(23) Une note ATF du 21 mars 1978 explique qu'Auchan compte parmi les magasins discount les plus agressifs dont les commandes jusqu'ici ont été classées sans suite. ATF vient de recevoir une mise en demeure formelle de livrer, et se trouve maintenant pour la première fois devant le problème d'un refus de vente. Dans la note, il est dit textuellement : " la livraison de matériel Telefunken à Auchan serait excessivement dangereuse et mettrait en péril notre activité globale de cette année ".
(24) A la suite des pressions exercées par Auchan sur ATF, un échange de vues a eu lieu le 18 octobre 1978 sur son éventuelle admission dans le système de distribution sélective. Dans une note ATF du 20 octobre 1978, on peut lire à ce propos : " (Auchan) accepterait qu'en échange de nos livraisons ... il retirerait toute parution- presse sur nos téléviseurs, suivrait les prix conseillés que nous lui demanderions d'appliquer, à condition que dans la ville où ces produits seront vendus aucun magasin, de quelque sorte que ce soit, ne pratique des prix inférieurs ... ". Sur ce, Auchan a été admis dans le système de distribution AEG, le 3 novembre 1978.
L'engagement pris par Auchan de suivre les recommandations de prix de TFR suffisait manifestement pour que celui-ci lui fournisse les produits sous contrat. En août 1980, TFR avait vendu quelque 700 téléviseurs à Auchan.
Mammouth (Toulouse)
(25) Une note interne ATF du 20 octobre 1978 rend compte de tractations engagées en vue de l'admission de Mammouth dans le réseau de distribution : " dans la mesure où M. ... (directeur de Mammouth), comme celui-ci nous l'a promis, tiendrait les prix pratiqués sur la ville de Toulouse, nous pourrions le livrer ".
Iffli/Darty
(26) Dans le cadre des négociations en vue de l'admission du distributeur Iffli (Metz), connu pour sa politique de prix agressive, celui-ci a dû s'engager vis-à-vis de ATF à respecter les prix de détail proposés. Une note ATF du 30 juin 1978 dit textuellement : " M. Iffli s'engage à respecter nos prix ... ".
La note fait ensuite état des difficultés qu'entraîne l'admission de nouveaux distributeurs et poursuit textuellement : " nous pensons qu'il vaut mieux trouver un arrangement de politique de prix maintenus sur la ville de Metz entre " Le roi de la télé ", Iffli et Darty (6) plutôt que de laisser les Etablissements Iffli de coté ... ceux-ci, en effet, réussiraient de toutes façons à obtenir du matériel Telefunken et nous n'aurions plus alors la possibilité de faire respecter notre politique de prix ".
(27) Cette intention, évoquée dans la note, d'arriver à un accord sur les prix de détail à Metz s'est concrétisée dans les faits. Au cours de nouvelles conversations avec Iffli, ATF lui a déclaré qu'il était souhaitable qu'il soit en concurrence sur les prix avec des produits autres que des produits Telefunken. Dans ce cas, ATF lui assurait que son admission serait approuvée par Darty et par Le roi de la télé lesquels étaient par ailleurs pleinement d'accord sur cette politique de distribution.
(28) Selon des renseignements fournis par Iffli, ATF a cité à cette occasion l'exemple de la région Parisienne et d'autres régions de France, où les détaillants se seraient concertés sur la marge bénéficiaire réalisée avec les produits Telefunken et auraient ainsi évité toute concurrence sur les prix. Selon Iffli, ATF y aurait vu un exemple d'une " saine commercialisation " des produits Telefunken.
c) Protection territoriale
(29) ATF accordait à certains distributeurs agréés en France une protection territoriale partielle ou totale contre la concurrence d'autres distributeurs en ce qui concerne les prix des produits Telefunken. ATF attribuait aux distributeurs qu'elle avait sélectionnés un territoire de vente déterminé où elle leur promettait une absence totale de concurrents dans la distribution des produits Telefunken. ATF rejetait toutes les demandes d'admission émanant d'autres distributeurs installés dans ce territoire.
Le roi de la télé
(30) Le détaillant " Le roi de la télé" à Metz jouissait d'une telle protection territoriale de ATF pour la ville de Metz. Fin 1977, un autre distributeur (M. Iffli) s'est mis à vendre à Metz des produits Telefunken qu'il s'était procurés auprès d'un distributeur AEG à Paris. " Le roi de la télé " s'en est plaint à ATF. Celle-ci lui a répondu par une lettre du 3 janvier 1978, dans laquelle on peut lire : " vous vous doutez bien qu'il est de notre souci de préserver votre position sur Metz et nous l'avons prouvé jusque là. "
(31) On peut lire dans une lettre adressée le 11 octobre 1978, par ATF au " roi de la télé " : " après de nombreuses discussions entre nous et suivant l'avis de nos conseils, tant à Paris qu'à notre siège en Allemagne, nous nous trouvons dans l'obligation de prendre contact officiellement avec les Ets Iffli ainsi qu'avec quelques autres revendeurs qui nous sollicitaient depuis un moment. Notre direction générale de Francfort nous a impérativement donné des instructions pour ne pas limiter à l'extrême notre réseau de clientèle, afin d'obtenir le maximum de crédibilité à nos conventions de distribution. C'est devant les pressions diverses et après de longues réflexions que nous sommes amenés à prendre cette position, et pouvons vous assurer que nous nous sécurisons au maximum afin de ne pas créer l'anarchie dans notre distribution et pensons qu'il est de notre intérêt commun de limiter les attaques que nous subissons par une certaine souplesse bien orchestrée ... ".
(32) Lorsque Iffli a finalement demandé que lui soient livrés des produits AEG, ce n'est qu'après de longues hésitations qu'ATF a été prêt à abandonner la protection territoriale dont jouissait " Le roi de la télé " à Metz, et à admettre Iffli dans le réseau de distribution. De plus, ce distributeur a dû d'abord promettre de respecter les prix indiqués par ATF et de ne pas faire concurrence sur les prix au " roi de la télé ", qui bénéficiait jusque-la d'une certaine protection territoriale (voir point 26 ci-dessus).
Radio du centre
(33) Le 2 mars 1978, ATF a écrit au grossiste " radio du centre " A. Cournun : " faisant suite à l'entretien que vous avez eu jeudi dernier avec notre inspecteur commercial, nous vous confirmons que nos objectifs commerciaux, en télévision couleur et en radio-électro-acoustique pour l'année 1978, nous obligent à reconsidérer nos accords de 1977 en ce qui concerne l'attribution de votre zone d'activité pour notre marque.
En fait, nous pensons que le département du Puy De Dôme, ..., justifie la proposition faite par notre collaborateur, à savoir : une exploitation conjointe de votre société et de celle de la SNER, votre confrère de roanne. En conséquence, nous modifions ci-dessous l'énumération départementale faite dans notre lettre du 20 octobre 1977 ... vous connaissez notre souci d'une politique de prix tenus ; nous ne manquerons pas dans l'avenir, soyez-en assurés, de maintenir cet état d'esprit. "
Lama
(34) Dans une lettre ATF du 23 octobre 1978, adressée au grossiste Lama à Paris, on peut lire : " si certaines chaînes, telles que Cart expert, ont un réseau de détaillants sur l'ensemble de la France, il ne s'agit que de revendeurs ayant une tranquillité morale de distribution très localisée. Par contre, lorsqu'il s'agit de grossistes, il est normal, quoique cela devienne illégal dans le cadre de la circulaire Scrivener, que nous nous accordions une exclusivité de fait sur un territoire donné. "
Schadroff
(35) Le grossiste Schadroff, à Bourg-Saint-Andéol, s'étant plaint au sujet de livraisons de produits Telefunken faites à d'autres distributeurs installés dans le territoire de vente qui lui avait été attribué, ATF lui écrivait ceci le 13 avril 1979 : " nous avions pris les devants sur cette affaire, puisque M. Watier, ..., était intervenu auprès du grossiste de Marseille pour qu'il ne continue pas sur votre secteur à faire de telles propositions ... nous voulons, une fois de plus, vous garantir que vous bénéficiez des conditions maximales avec l'avantage d'avoir sur un territoire donné une exclusivité de fait que nous avons toujours défendue et nous vous en avons très souvent donné la preuve. "
3. Non-admission de distributeurs en Belgique
Diederichs à Zutendaal
(36) Le grossiste belge Diederichs s'était spécialisé dans l'importation de produits de l'électronique de divertissement d'Allemagne, et leur revente en Belgique à des distributeurs spécialisés. Une note TFR du 29 septembre 1977 dit à ce propos : " depuis des années, l'entreprise Diederichs est un facteur de perturbation en Europe occidentale par les activités commerciales qu'elle a développées surtout en Belgique et au Luxembourg, en court-circuitant les différentes agences nationales ... les perturbations proviennent du fait que Diederichs achète aux prix les plus bas à des grossistes allemands et offre nos appareils à des prix légèrement supérieurs, mais inférieurs aux prix de livraison de ATBG, par voie postale, à 2 800 distributeurs dans toute la Belgique ".
Dans une lettre de ATBG à TFR du 24 octobre 1977, il est dit tout d'abord que l'entreprise Grundig a conclu un contrat de distribution sélective avec Diederichs. La lettre poursuit en ces termes : " un tel contrat serait également possible pour Telefunken. Il est vrai que les discussions ont montré que Diederichs refuse d'accepter une concertation quant aux prix qui rendrait son activité compatible avec la notre ... toujours vendre moins cher que les autres - c'est là en fait sa seule arme. C'est pourquoi, si nous devions l'approvisionner, il provoquerait sûrement une chute des prix sur le marché tout entier ... il faut donc craindre qu'il nous manquera une part importante de notre chiffre d'affaires. "
(37) Diederichs ayant refusé de s'engager à s'aligner sur le niveau de prix recommandé par ATBG - ou effectivement pratiqué bien qu'il ait été prêt à accepter toutes les autres conditions du contrat de distribution sélective - les négociations entre ATBG et lui ont été rompues. Dans une note TFR du 28 octobre 1977 concernant une conversation avec ATBG, il est dit à ce propos : " ATBG a dans l'intervalle poursuivi les négociations avec Diederichs. Il est apparu que M. Diederichs n'était en aucun cas prêt à appliquer aux revendeurs belges un niveau de prix conseillé par ATBG et ce même pour les téléviseurs avec tuner universel qui doivent être achetés à ATBG. AEG Bruxelles craint donc des perturbations importantes sur l'ensemble du marché belge si des téléviseurs avec tuner universel viennent à être livrés à Diederichs et aimerait donc renoncer à l'admission de Diederichs pour des raisons de politique de distribution ".
B. Influence directe exercée sur les prix
1. Influence directe
a) Fixation et application d'un prix de marché en Belgique
(38) Dans le compte rendu ATBG, date du 19 décembre 1978, d'une conversation entre ATBG et TFR, il est dit tout d'abord qu'il est nuisible de laisser fluctuer librement les prix de détail. Le compte rendu poursuit alors textuellement : " nous avons l'intention non pas de fixer (en infraction à la loi) un prix de marché uniforme, mais d'obtenir par la fixation de prix de marché moyens que les prix ne varient pas de plus de 1 000 francs. "
Le compte rendu poursuit en disant que ATBG peut, par exemple, fixer arithmétiquement un prix de marché de 34 450 francs, mais dans la pratique tolérer des prix variant entre 33 990 francs et 34 990 francs.
(39) Selon des indications fournies par le distributeur belge Verbinnen de Lubbeek, ATBG lui a ordonné en janvier/février 1980 de majorer de 3 000 francs belges le prix d'un téléviseur Telefunken, afin de s'adapter au niveau régional belge des prix de détail. Verbinnen ne s'est cependant pas conformé à cet ordre.
b) Influence exercée sur les prix en Allemagne
Suma (Munich)
(40) Une note du bureau de vente AEG de Munich, datée du 20 avril 1977, décrit un entretien avec les magasins Suma (Munich). Au cours de cet entretien, qui portait sur la mise en œuvre d'un nouveau système de prix introduit par TFR et sur la distribution des produits contractuels Telefunken, l'attention de Suma aurait été attirée sur l'importance que TFR attachait à l'application des prix de marché dans les magasins Suma. A cette occasion, Suma aurait promis au bureau de vente (textuellement) " de ne pas jouer un rôle de chef de file dans le domaine des prix, mais de s'aligner dans le cas le plus favorable sur le prix le plus bas du marché, et de se maintenir autant que possible entre les prix moyens des magasins et les prix les plus bas ... ".
Holder (Guenzburg)
(41) Une influence a été exercée sur les prix pratiqués par le distributeur Holder à Guenzburg, puisque le bureau de vente de Munich lui a expliqué en détail comment il devait fixer ses prix (note du bureau de vente de Munich datée du 30 novembre 1976).
c) Influence exercée sur les prix en France
Darty
(42) La chaîne de magasins de détail Darty s'est engagée, à la suite d'une intervention de ATF, le 24 mai 1978, à porter les prix de vente au détail des produits Telefunken au niveau fixé en accord avec TFR (lettre ATF du 26 mai 1978).
Distributeurs à Paris
(43) Par ailleurs, comme il ressort d'une note interne ATF du 5 juin 1978, les détaillants approvisionnés par ATF à Paris (" tout le monde ") étaient convenus avec ATF de majorer collectivement leurs prix à partir du 2 juin 1978 au soir. Seuls Darty et FNAC faisaient encore des difficultés. La note donne instruction à un collaborateur ATF de prendre contact avec FNAC et Darty au sujet de cette majoration des prix.
CAMIF
(44) Une autre note ATF, du 5 juin 1978, rapporte que certains détaillants considèrent les maisons de vente par correspondance CAMIF comme des concurrents normaux, et ont dès lors tendance à aligner leurs prix sur les prix CAMIF. C'est pourquoi, poursuit la note, ATF a pris contact avec CAMIF pour l'amener à majorer ses prix de vente dans son catalogue d'hiver 1978.
FNAC
(45) Une autre concertation sur les prix de vente au détail transparaît dans une lettre ATF datée du 13 octobre 1978, où il est dit que les détaillants Darty, FNAC et grands magasins sont convenus avec ATF d'appliquer uniformément, à partir du 2 novembre 1978, à Paris les prix fixés avec ATF.
CART
(46) ATF a adressé les 4 novembre 1977 et 21 juillet 1978 des lettres à CART, par lesquelles elle lui demandait de majorer les prix au consommateur final, en faisant référence à l'accord conclu et selon lequel CART doit se concerter avec ATF sur les prix au consommateur final.
CAPOFERM
(47) Il résulte finalement d'une note interne ATF du 3 avril 1979 que les chaînes de magasins de détail CAPOFERM/Darty se sont engagées vis-à-vis de ATF à ne pas utiliser la prime spéciale qui leur est accordée, pour diminuer le prix de vente au détail d'un certain appareil Telefunken faisant l'objet du contrat de distribution sélective.
2. Influence indirecte exercée sur les prix
a) Bonus de bonne conduite
(48) Dans une proposition faite par le bureau de vente AEG de Munich à TFR, en date du 22 décembre 1976, concernant la politique à suivre en matière de distribution et en matière de prix et autres conditions de vente il est dit, d'une part, que pour être agréés, les grossistes devraient s'engager à adopter un comportement conforme aux conditions du marché, à respecter les prix et à ne pas procéder à des livraisons réciproques et, d'autre part, qu'un bonus annuel de 2 % devrait être accordé aux gros acheteurs dont le comportement en matière de prix a été conforme à la situation du marché. Ensuite, il est dit textuellement que " l'octroi du bonus annuel permet d'orienter le comportement sur le marché ".
(49) Même s'il s'agit en l'occurrence de propositions, il y a eu effectivement orientation du comportement des distributeurs dans le domaine des prix. Lors de ses conversations avec la firme Suma dont il a été question plus haut (point 40), le bureau de vente AEG de Munich lui a promis un bonus de bonne conduite égal à 2 % de son chiffre d'affaires. Ce bonus serait versé à la fin de l'année (note du 20 avril 1977). Avant que ce bonus fut accordé à Suma, " son attention avait été attirée sur l'importance que revêt l'application du prix de marché dans ses magasins ".
b) Autres cas particuliers
(50) Lorsqu'en juillet 1976 le distributeur P. Wilhelm, de Sarrebruck, fit de la publicité en proposant des prix réduits, TFR adressa au bureau de vente de Sarrebruck la lettre suivante : " ... le service de publicité me communique une annonce ... de P. Wilhelm proposant des prix très perturbateurs. Pourquoi cette nouvelle offensive ? "
(51) Le bureau de vente de Cologne eut, le 8 septembre 1977, une conversation " franche et de temps en temps animée " avec le détaillant Schlembach, à propos des annonces concernant des produits Telefunken que celui-ci avait fait paraître (note TFR du 9 septembre 1977). Il fut précisé à Schlembach qu'" une répétition des annonces conduirait à une grave perturbation de la coopération ". La note poursuit : " cette conversation aura probablement pour résultat d'amener Schlembach à s'abstenir de la publication de nouvelles annonces agressives ". Une note du bureau de vente de Dortmund, datée du 30 septembre 1977 fait état de prix perturbateurs pratiques par la firme Schlembach dans la région du Rhin et de la Ruhr. La note demande à TFR " s'il n'existe pas de moyens élégants et exceptionnels pour tenir la bride haute à ce client ".
(52) Un rapport du bureau de vente de Mannheim, date du 31 octobre 1978, qualifie de perturbatrices les offres de prix des grossistes Gruoner et Suedschall, ainsi que des détaillants Massa-Maerkte, Kaufhof (Kassel) et Hertie (Francfort). Il y est dit également : " ce n'est qu'après des efforts intenses que le calme a pu être rétabli ".
Appréciation juridique
I. Applicabilité de l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE
1. La jurisprudence de la Cour de justice au sujet des systèmes de distribution sélective
(53) Les systèmes de distribution sélective peuvent constituer un élément de la concurrence compatible avec l'article 85 paragraphe 1 lorsque la sélection des revendeurs se fait sur la base de critères objectifs de nature qualitative qui se rapportent à l'aptitude professionnelle du revendeur et de son personnel et à la qualité technique de ses installations, et dans la mesure où ces conditions sont fixées uniformément et appliquées sans discrimination à l'égard de tous les revendeurs entrant en ligne de compte (arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 25 octobre 1977 dans l'affaire 26-76 Metro recueil 1977, page 1875).
Il s'ensuit, comme la Cour l'a précisé dans son arrêt du 10 juillet 1980 dans l'affaire 99-79 Lancôme recueil 1980, page 2511, et dans son arrêt du 16 juin 1981 dans l'affaire 126-80 - distributeurs de journaux, recueil 1981 - non encore publié, que les accords qui servent de base à un système de distribution sélective reposant sur des critères d'admission allant au-delà d'une simple sélection objective de nature qualitative tombent en principe sous le coup de l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1 surtout lorsqu'ils font appel à des critères de sélection quantitatifs. Il ressort de cette jurisprudence de la Cour qu'il importe, dans l'appréciation des systèmes de distribution sélective, de savoir si ces accords, à eux seuls ou en liaison avec d'autres, dans le contexte économique et juridique dans lequel ils ont été conclus et compte tenu de l'ensemble des circonstances objectives de droit ou de fait, sont de nature à affecter le commerce entre Etats membres et ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence (arrêt du 11 décembre 1980 affaire 31-80 l'Oreal - recueil 1980, page 3775).
(54) Il résulte de cette jurisprudence que, pour que le système de distribution appliqué par AEG ne tombe pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1, il faut qu'il résulte du contexte économique et juridique dans lequel il s'inscrit, et de l'ensemble des circonstances à prendre en compte,
- que tous les revendeurs qui réunissent les conditions nécessaires pour la distribution correcte des produits en question peuvent en principe obtenir ces biens,
- que certains commerçants ne sont pas systématiquement écartés du réseau de distribution parce qu'ils pourraient constituer un danger pour la politique de prix menée par AEG et
- que les distributeurs agréés sont libres de fixer leurs prix de vente sans qu'AEG intervienne directement ou indirectement sur la base d'une décision autonome.
Par ailleurs, dans sa décision du 15 décembre 1975 (iv/847 - Saba - JO n° l 28 du 3. 2. 1976, p. 19), la Commission a précisément fait remarquer que, dans les systèmes de distribution sélective, la concurrence doit être garantie et que, pour cela, les distributeurs agréés doivent rester libres de fixer leurs prix de vente comme bon leur semble.
2. Le contrat de distribution sélective et son application pratique
(55) Ces conditions, qui doivent être remplies pour qu'un système de distribution sélective puisse être considéré comme ne tombant pas sous le coup de l'article 85 paragraphe 1 ne sont pas remplies dans le cas du système de distribution AEG tel qu'il est effectivement appliqué.
(56) AEG a en réalité appliqué un système de distribution totalement différent des termes du contrat type notifié : l'accès au réseau de distribution a été fermé, entravé ou subordonné à des conditions supplémentaires pour certaines formes de distribution et pour certains commerçants qui satisfaisaient pourtant aux critères d'ordre qualitatif stipulés dans le contrat-type. En plus, AEG a exercé directement et indirectement une influence considérable sur la fixation des prix de vente des distributeurs.
(57) La non-admission de certains commerçants et la fixation des prix de vente intervenaient en application du contrat de distribution, et présentaient avec celui-ci un lien étroit et direct.
Il y avait discrimination par le fait que l'admission dans le système était refusée à certains commerçants si bien que, d'après les dispositions du contrat de distribution, les produits contractuels ne pouvaient pas leur être livrés.
(58) Ainsi, l'influence qui est exercée sur les prix fait partie de l'application effective du contrat de distribution par AEG-Telefunken, et y est étroitement liée. La possibilité, prévue pour AEG dans le contrat-type, de cesser les livraisons, de contraindre les distributeurs de s'abstenir de certaines actions, de leur réclamer des dommages et intérêts et donc, en fait, de les exclure du réseau de distribution constituait le moyen par lequel AEG pouvait obliger les distributeurs à respecter sa politique de prix. Ce moyen a d'ailleurs été utilisé par AEG. AEG obligeait les distributeurs à conclure des accords sur les prix de vente. Dans le cadre des pourparlers sur les livraisons, AEG donnait des " indications précises " sur le prix du marché aux distributeurs qui, par la fixation de leurs prix, perturbaient ou pouvaient perturber le marché (point 49), leur expliquait " en détail " la façon de fixer les prix (point 41), les " obligeait " à augmenter leurs prix (point 43), leur " faisait comprendre " que de nouvelles offres de prix réduits conduiraient à une grave perturbation de la collaboration ou recherchait des " moyens élégants et exceptionnels pour tenir la bride haute aux clients " (point 51).
(59) Un examen du contexte économique et de l'ensemble des circonstances concrètes montre donc que ces mesures présentent un lien étroit avec le contrat de distribution et que, sans elles, AEG n'aurait pas pu ou aurait difficilement pu influencer les prix. Le rapport contractuel relativement étroit et durable crée par le contrat de distribution entre le producteur et les distributeurs donnait la possibilité à AEG d'entrer en contact direct avec les distributeurs. De plus, le contrat de distribution conduisait très souvent le distributeur à effectuer des investissements financiers en faveur de la marque Telefunken, dans l'espoir d'être assuré d'un approvisionnement régulier. Etre exclu du réseau de distribution aurait donc, en général, eu des conséquences très défavorables pour les distributeurs agréés, lesquels étaient d'autant plus disposés à se conformer aux desiderata d'AEG en matière de discipline des prix.
(60) La non-admission dans le réseau de distribution et l'influence exercée sur les prix des mesures isolées, constituent mais présentent un lien direct avec le contrat de distribution.
3. Examen détaillé de la mise en œuvre du système de distribution
a) La discrimination dans l'admission au système de distribution
aa) Critères de sélection subjectifs lors de l'admission au système de distribution
(61) AEG envisageait au sujet de la mise en œuvre pratique du système de distribution sélective le contrat de distribution comme un moyen de refuser, a priori et en général, aux nouvelles formes de distribution (hypermarchés, magasins libre-service, magasins Cash and Carry) l'accès au système de distribution. Pour AEG, ce qui était déterminant à cet égard n'était pas de savoir si ces formes de distribution disposaient des qualifications professionnelles nécessaires ou des installations appropriées pour la vente des produits contractuels. L'élément décisif était de savoir s'il s'agissait de formes de distribution qui pouvaient compromettre sa politique de prix élevés. La note interne TFR du 7 septembre 1973 (voir point 8) et les directives concernant l'accord de distribution du 8 octobre 1973 (voir point 11), qui prouvent qu'AEG n'a jamais eu l'intention de faire dépendre l'admission des distributeurs uniquement de critères professionnels objectifs, sont particulièrement intéressantes à cet égard.
(62) En Allemagne, le concept de distribution apparaît dans le compte rendu de la réunion des chefs de vente du 25 mai 1976 (voir point 12), et dans les cas individuels Ratio et Harder. La façon dont AEG a traité le cas Ratio, après l'échec de ses négociations avec ce distributeur sur la fixation des prix de détail, correspond manifestement à ce qui était prévu dans les " directives concernant l'accord de distribution ", à savoir que les entreprises à succursales multiples ne sont pas admises, même si elles remplissent les conditions d'admission.Bien que Ratio se soit engagé à remplir toutes les conditions du contrat de distribution, AEG n'a pas jugé nécessaire de lui donner la possibilité d'être admis dans le réseau, en lui communiquant les conditions qui prétendument lui manquaient encore. Le cas Harder, ce grossiste auquel a été intimée l'interdiction absolue de livrer à des hypermarchés, montre une fois de plus qu'à cette époque, AEG entendait écarter ces formes de distribution de son réseau de distribution.
(63) En France, la même politique de vente apparaît dans la mise en œuvre du système de distribution, dont les nouvelles formes de distribution étaient également exclues (voir points 18 à 22 ci-dessus). Là aussi, contrairement au libellé du contrat de distribution, la politique de distribution menée par AEG tendait délibérément, pour des raisons de maintien des prix, à ne pas admettre les magasins discount, même s'ils remplissaient les conditions du commerce spécialisé. C'est ce qui résulte du compte rendu du 5 janvier 1978 (point 20 ci-dessus) et de la note TFR du 1er septembre 1978 (point 21 ci-dessus). C'est seulement en janvier 1979 que TFR commence à envisager de " s'ouvrir progressivement " aux formes modernes de distribution, tout en y voyant des problèmes en raison de la politique de prix élevés qu'elle poursuivait (point 22 ci-dessus). Il ressort des documents évoqués aux points 23 et 24 qu'initialement ATF n'était pas du tout disposé à admettre Auchan dans le réseau de distribution. Ce n'est qu'après s'être engagé à respecter les prix recommandés par ATF et à mettre fin à toute publicité par annonce pour produits Telefunken qu'il a été admis dans le système de distribution. ATF s'est comporté de la même façon envers Mammouth (point 25 ci-dessus) et envers Iffli (point 26 ci-dessus), cette dernière entreprise ayant, en plus, été obligée par ATF à conclure un accord de prix avec les autres distributeurs AEG de l'endroit.
(64) En Belgique, le cas Diederichs montre que, pour ATBG également, ce qui était déterminant dans la reconnaissance des distributeurs c'était, non pas des critères objectifs, mais uniquement leur politique de prix et leur attitude à l'égard des importations parallèles. Il résulte de la lettre de ATBG à TFR du 24 octobre 1977 (point 36 ci-dessus) que ATBG aurait été disposé à reconnaître Diederichs en tant que distributeur agréé, comme l'avait fait Grundig AG, s'il avait accepté de conformer sa politique de prix à celle de ATBG. Comme Diederichs cherchait à vendre toujours à meilleur prix que les autres, son approvisionnement faisait craindre un effondrement des prix sur l'ensemble du marché. C'est pourquoi son admission dans le système de distribution a été refusée après de multiples pourparlers.
bb) Sélection quantitative
(65) L'application discriminatoire du contrat de distribution se manifeste également dans le fait qu'en France les distributeurs agréés se sont vus accorder, par la non-admission d'autres distributeurs, une protection territoriale de fait. AEG a ainsi procédé à une sélection quantitative des distributeurs, ce qui a pour conséquence de faire tomber le système de distribution sous le coup de l'interdiction de l'article 85 paragraphe 1. Cette protection territoriale peut être prouvée dans les cas " Le roi de la télé " (point 30), Radio du centre (point 33), Lama (point 34) et Schadroff (point 35).
ATF était également disposé à exercer des pressions sur les distributeurs pour qu'ils s'abstiennent de faire de la publicité dans un territoire attribué à quelqu'un d'autre (cas Schadroff, point 35). Restreindre ainsi leur liberté d'activité économique était pour ATF " tout à fait normal ", même si, comme elle l'explique dans sa lettre du 23 octobre 1978, c'était " illégal " (voir point 34).
b) Influence exercée sur les prix dans le cadre du contrat de distribution
(66)En Belgique, un des moyens pour influencer les distributeurs dans la fixation de leurs prix de vente consistait dans la fixation, par ATBG, d'un prix de marché sur lequel les distributeurs agréés devaient s'aligner et dont ils ne pouvaient s'écarter qu'à l'intérieur d'une limite supérieure et d'une limite inférieure (point 38). La fixation effective d'un prix de marché en Belgique peut être prouvée dans les cas Diederichs (point 36) et Verbinnen (point 39).
(67) Des influences directes ont également été exercées sur les prix, en Allemagne, dans les cas Suma, Ratio, Holder (points 40 et 41) et, en France, dans les cas de Darty et des distributeurs AEG à Paris, CAMIF, FNAC, CART et CAPOFERM (points 42 à 47). Le bonus de bonne conduite en Allemagne, ainsi que les mesures prises par TFR contre les distributeurs qui ne respectaient pas le niveau de prix fixé par TFR et provoquaient de ce fait des " perturbations dans le domaine des prix " (voir les cas Suma, P. Wilhelm, Schlembach, Gruoner, Suedschall, Massa-Maerkte, Kaufhof, Hertie - points 48 à 52) indiquent à quel point TFR s'efforçait de faire appliquer les prix de détail souhaités par elle. Les menaces adressées aux distributeurs, selon lesquelles toute nouvelle action de concurrence sur les prix conduirait à " une grave perturbation de la collaboration ", et la recherche de " moyens élégants " pour " tenir la bride haute aux distributeurs " (point 51), ne peuvent être comprises qu'en ce sens que le contrat de distribution était et devait être utilisé pour contraindre à plus de discipline les distributeurs qui intervenaient dans les prix.
4. Conclusions au regard du droit de la concurrence
(68) La description faite ci-dessus du comportement d'AEG et de ses organisations de vente montre que, pour maintenir un niveau de prix aussi élevé que possible - AEG parle elle-même de " politique de prix élevés " -, AEG interdisait l'accès au système de distribution aux distributeurs actifs en matière de prix ou subordonnait leur admission à l'obligation supplémentaire de respecter les prix recommandés par elle et/ou de ne pas faire concurrence sur les prix aux autres distributeurs AEG de l'endroit (discrimination de certains distributeurs).
En ce qui concerne les distributeurs agréés, AEG a, en plus, empiété directement et indirectement sur leur liberté de fixer les prix, soit en les obligeant à conclure des accords de prix et à s'abstenir de toute concurrence sur les prix, soit en leur accordant des avantages pour non-concurrence sur les prix, soit en les menaçant d'arrêter la collaboration au cas où ils poursuivraient la concurrence sur les prix (fixation directe et indirecte des prix de vente).
(69) La question de savoir si les candidats distributeurs remplissaient les conditions d'un commerçant spécialisé n'était pas seule déterminante pour AEG. L'important était de savoir si l'admission du distributeur ne constituait pas une menace pour le niveau de prix indiqué par AEG (" prix de marché "). Si le distributeur n'était pas disposé à adopter le prix de vente minimal fixe par AEG, son admission était refusée. Par contre, s'il passait des accords de prix avec AEG ou avec les autres distributeurs AEG de l'endroit, il avait de meilleures chances d'être admis dans le réseau.
D'autre part, cette discrimination de cette fixation des prix de vente étaient non pas des fautes isolées commises par des collaborateurs trop zélés du service extérieur, mais des infractions perpétrées de propos délibéré et de manière systématique. C'est ce qui résulte des documents des directions de vente de TFR, ATF et ATBG. Il en ressort que les nouvelles formes de distribution ne devaient en aucun cas être approvisionnées si la politique de prix élevés de AEG pouvait en être menacée.
5. Restrictions de la concurrence
(70) Ne pouvant avouer ouvertement ces motifs, véritables et décisifs, de la discrimination exercée sur certains distributeurs, AEG, contrairement à la réalité, prétendait que ceux-ci ne remplissaient pas les conditions d'admission ou qu'ils avaient commis des infractions aux règles de concurrence. Elle se servait de ce prétexte soit globalement et sans apporter d'autre justification, soit en invoquant le critère qui lui paraissait le plus approprié.
Des distributeurs capables d'assurer correctement la distribution des produits contractuels étaient ainsi écartés, et ils cessaient d'être des concurrents potentiels dans le marché commun. Ils n'étaient pas en mesure eux-mêmes d'obtenir des appareils Telefunken, et il était d'autre part interdit aux distributeurs agréés de les approvisionner.
En exerçant une influence sur les prix de vente des distributeurs agréés, AEG empêchait dans une large mesure, au détriment des consommateurs, des offres à prix modéré non souhaitées par elle.
Le système de distribution sélective AEG tel qu'il a été appliqué effectivement avait ainsi pour conséquence de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun.
(71) Eu égard au grand nombre de cas où des restrictions de concurrence ont pu être constatées, et surtout à l'exclusion en bloc de certaines formes de distribution et à la conclusion d'accords de prix, on peut également affirmer que la concurrence a été sensiblement restreinte au niveau de la Communauté. Par ailleurs, AEG est une entreprise importante dans le domaine de l'électronique de divertissement, et sa part de marché est substantielle.
C'est ainsi qu'après son admission, le détaillant Auchan a pu vendre 700 téléviseurs couleur Telefunken entre octobre 1979 et juillet 1980 uniquement. De même qu'Auchan a été empêché, avant son admission, de réaliser une telle expansion de ses affaires, d'autres distributeurs (par exemple Ratio) continuent d'en être empêchés, du fait de leur non admission.
6. Préjudice porté au commerce entre Etats membres
(72) En raison de sa diffusion et de son application dans l'ensemble de la Communauté, le système de distribution exclusive AEG était de nature à porter préjudice au commerce entre les Etats membres. Il était appliqué de manière uniforme dans tous les pays de la Communauté, et affectait donc les échanges entre les différents Etats membres.
Selon la version des faits présentée par AEG elle-même, des échanges non négligeables de produits Telefunken ont eu lieu et ont lieu aux échelons du commerce de gros et du commerce de détail entre les Etats membres. Ces échanges présentent surtout un intérêt pour les détaillants puisqu'ils leur permettent de tirer profit des différences de prix qui existent fréquemment entre les Etats membres, et d'obtenir souvent beaucoup plus tôt des produits Telefunken nouveaux ou plus perfectionnés, par des " importations parallèles ". On a constaté, par exemple, que des appareils Telefunken techniquement améliorés étaient en vente sur le marché allemand six mois avant leur apparition sur le marché belge. Certains détaillants importants, dont on savait (par exemple Diederichs) ou dont on pouvait supposer (Auchan, Darty, FNAC, Conforama, Ratio, Harder) qu'ils se livraient à des importations parallèles de produits de l'électronique de divertissement, n'étaient pas admis dans le système de distribution ou étaient admis après avoir rempli des conditions supplémentaires et donc avec un retard considérable. Etant donné que seuls les distributeurs qui faisaient partie du système de distribution pouvaient légalement pratiquer le commerce international de produits Telefunken, la discrimination opérée à l'égard de catégories entières de commerçants, ou à l'égard de certains distributeurs importants, a, de manière sensible, empêché les échanges de se développer comme ils l'auraient fait sans cette discrimination.
II. Non-applicabilité de l'article 85 paragraphe 3 du Traité CEE
(73) AEG a appliqué son système de distribution d'une manière qui dépassait largement, voire contredisait totalement, le contenu de la notification.
Le système de distribution tel qu'il a été réellement appliqué n'a pas été notifié et pour cette raison déjà, il ne peut être exempté. Au demeurant, il est impossible d'accorder une exemption pour un système de distribution impliquant des discriminations en matière d'admission et l'exercice d'une influence sur les prix. Ces restrictions ne sont pas indispensables à une bonne distribution des produits et ne semblent procurer aucun avantage aux consommateurs.
III. Applicabilité de l'article 15 paragraphe 2 sous a) du règlement n° 17
1. Imputabilité
(74) AEG a délibérément enfreint l'article 85 paragraphe 1. Elle a sciemment et délibérément pratiqué un système de distribution dans lequel des revendeurs capables et désireux d'être admis n'étaient pas admis ou ne l'étaient qu'après avoir rempli des conditions supplémentaires n'apparaissant pas dans le contrat de distribution, et dans lequel les distributeurs agréés étaient empêchés de fixer leurs prix de vente librement et sans subir l'influence de AEG ou d'autres distributeurs. AEG cherchait ainsi à empêcher toute concurrence à l'intérieur de la Communauté pour les produits en question.
AEG porte la responsabilité de cette sélection discriminatoire et de cette influence exercée sur les prix et ne peut faire valoir que ces infractions ont, en majeure partie, été commises par ses filiales.
Jusqu'à la fin de 1978, AEG était directement partie aux accords de distribution. A partir du 1er janvier 1979, les contrats de distribution sélective ont été conclus, au nom et pour le compte d'AEG, par TFR ou par les sociétés responsables de la distribution dans les autres Etats membres. Le système de distribution a été appliqué au profit d'AEG, qui est responsable en dernier ressort de son introduction et de sa mise en œuvre. Ainsi qu'il résulte de l'exposé des faits, AEG se servait de ses filiales pour distribuer ses produits et, à l'occasion, intervenait même directement dans la distribution en donnant des instructions à ses filiales.
AEG est donc responsable des infractions commises par ses départements et filiales dont elle se servait pour la mise en œuvre des contrats de distribution, et ne peut se soustraire à cette responsabilité.
2. Effets de la notification
(75) Le fait qu'AEG ait notifié son système de distribution à la Commission ne s'oppose pas, dans le cas d'espèce, à la fixation d'une amende. En effet, selon l'article 15 paragraphe 5 sous a) du règlement n° 17, la notification ne protège contre l'imposition d'une amende que lorsque les agissements postérieurs à la notification et antérieurs à la décision de la Commission au titre de l'article 85 paragraphe 3 du Traité CEE restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification. Or, comme il a été indiqué plus haut, tel n'est pas le cas. L'application, contraire aux règles de concurrence, par AEG de son contrat de distribution n'a pas été notifiée et n'est donc pas couverte par la notification du contrat de distribution CE (EG-Verpflichtungsschein).
3. Durée de l'infraction
(76) La discrimination exercée envers certains distributeurs s'observe pour la première fois en mai 1976, et l'influence sur les prix depuis juillet 1976.
Il faut donc situer le début des infractions au mois de mai 1976. Elles ont duré au moins jusqu'au mois de février 1980 (voir point 39 ci-dessus), c'est-à-dire à peu près pendant trois ans et demi.
4. Gravité de l'infraction
(77) AEG a, d'une part, fixé directement et indirectement les prix de vente, ce qui est interdit expressément par l'article 85 paragraphe 1. D'autre part, après la décision Saba de la Commission, du 15 décembre 1975, et l'arrêt Metro de la Cour de justice, du 25 octobre 1977, AEG ne pouvait pas ignorer que la discrimination que son système de distribution opérait parmi les commerçants constitue une infraction aux règles de concurrence du Traité CEE.
Les répercussions économiques directes de ces infractions sont difficiles à évaluer. Certains détaillants importants et capables d'assurer la distribution des produits du secteur de l'électronique de divertissement ont été définitivement ou temporairement écartés du système de distribution. D'autres, connaissant la politique de distribution et la sélection discriminatoire d'AEG, n'ont sans doute même pas essayé d'être admis dans le système de distribution. Cette discrimination a probablement eu des répercussions sur le niveau des prix aux plans local, régional et international puisqu'elle avait pour conséquence que les grandes chaînes de magasins, de même que des détaillants actifs sur le plan des importations, étaient dans l'impossibilité d'acheter des produits Telefunken là où ils pouvaient les acheter au prix le plus avantageux dans la Communauté, et de répercuter ces avantages sur les consommateurs. Les consommateurs, en particulier ceux des régions très peuplées de la Communauté (Paris, Metz, région de la Ruhr, Munich) ou même de tout un pays membre (Belgique), étaient ainsi privés de la possibilité d'acheter les produits Telefunken à des prix moins élevés.
(78) Il s'agit, en l'espèce, de la première affaire dans laquelle la Commission se prononce sur l'application contraire aux règles de concurrence d'un système de distribution sélective contre lequel elle n'avait pas formulé d'objection en tant que tel. Dans plusieurs cas, la discrimination et l'influence sur les prix ont été opérées à l'instigation des distributeurs agréés. Par ailleurs, la Commission tient également compte de la taille de l'entreprise AEG.
IV. Applicabilité de l'article 3 du règlement n° 17
(79) Si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 85 ou de l'article 86 du Traité CEE elle peut, selon l'article 3 du règlement n° 17, obliger, par voie de décision, les entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. Il faut dès lors contraindre AEG à mettre fin à l'application, contraire aux règles de concurrence, de son système de distribution, et notamment à mettre un terme à la sélection discriminatoire de ses distributeurs et à l'influence directe ou indirecte qu'elle exerce sur leurs prix de vente,
a arrêté la présente décision :
Article premier
Le système de distribution sélective des produits de marque Telefunken instauré, avec effet au 1er novembre 1973, dans la Communauté européenne par l'Allgemeine Elektricitaets-Gesellschaft AEG-Telefunken constitue, dans son application pratique, suivant laquelle
a) certains distributeurs, bien que remplissant les conditions d'admission, n'étaient pas admis
et
b) les prix de vente à appliquer par les distributeurs agréés étaient fixés directement ou indirectement par AEG,
une infraction à l'article 85 paragraphe 1 du Traité instituant la Communauté économique européenne.
Article 2
AEG est obligée de mettre fin immédiatement à l'infraction constatée.
Article 3
Une amende d'un montant de 1 000 000 (un million) d'Ecus, soit 2 445 780 marks allemands (deux millions quatre cent quarante-cinq mille sept cent quatre-vingts marks allemands) est infligée à AEG. Ce montant doit être versé dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, au compte de la Commission des Communautés européennes n° 000 00 64 910 à la SAL Oppenheim à Cologne.
Article 4
La présente décision forme titre exécutoire, conformément à l'article 192 du Traité instituant la Communauté économique européenne.
Article 5
L'Allgemeine Elektricitaets-Gesellschaft AEG-Telefunken, à Francfort-sur-le-Main, est destinataire de la présente décision.
(1) JO n° 13 du 21-02-1962, p. 204/62.
(2) JO n° 127 du 20-08-1963, p. 2268/63.
(3) dans le texte de la présente décision destiné à la publication, certains chiffres ont été omis, conformément aux dispositions de l'article 21 du règlement n° 17-62 concernant la non-divulgation des secrets d'affaires.
(4) les hypermarchés ne rentrent pas dans la catégorie du " commerce traditionnel ".
(5) sont visés les grands magasins ou hypermarchés à succursales multiples.
(6) il s'agit de magasins de détail à Metz.