CCE, 28 septembre 1981, n° 81-881
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Verre plat en Italie
LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 85, vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (1), et notamment ses articles 1, 3 et 4, vu la procédure engagée d'office par la Commission le 22 janvier 1980 à l'encontre des sociétés Fabbrica pisana SpA, à Pise, Società italiana vetro SpA, à San Salvo (Chieti), Vernante Pennitalia SpA, à Cuneo, ainsi que de l'Istituto sviluppo vetro, à Milan, de d'Associazione sviluppo vetro Italia centrale, à Ancona et de l'Associazione meridionale del vetro in lastre, à Catania, pour des accords et des décisions d'association concernant le marché du verre plat en Italie, après avoir entendu les entreprises concernées conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement n° 17 et aux dispositions du règlement n° 99-63/CEE de la Commission du 25 juillet 1963 (2), vu l'avis du Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes recueilli, conformément à l'article 10 du règlement n° 17, le 16 juin 1981,
I - LES FAITS
Considérant que les faits peuvent être résumés comme suit :
A. LES ENTREPRISES
I. Les associations
L'Istituto sviluppo vetro (ISVE) a été créé en 1975 à Milan par les plus importantes entreprises de l'Italie du Nord spécialisées dans la vente en gros du verre plat. Il a été dissout par décision de son assemblée générale le 13 mars 1979. Les entreprises associées contrôlent plus de 50 % du verre plat commercialisé dans l'Italie du Nord.
L'Associazione sviluppo vetro Italia centrale (ASVIC) a été créée le 24 juillet 1976 à Ancona par les grossistes les plus importants des régions suivantes : Umbria, Marche, Emilia-Romagna et Toscana. Elle a été dissoute par décision de son conseil d'administration le 20 avril 1979.
La procédure initialement engagée à l'encontre des deux associations a été poursuivie à l'encontre des entreprises qui en ont été membres pendant la période de validité des accords. L'Associazione meridionale del vetro in lastre (AMVL), créée le 11 septembre 1976 à Catania, groupe les grossistes les plus importants de l'Italie du Sud. Elle étend sa compétence aussi à quelques régions de l'Italie centrale, et notamment à la région de Rome. Elle représente plus de 50 % du marché du verre plat dans les régions concernées.
Ces associations sans but lucratif, qui ont adopté des statuts et des règlements rigoureusement identiques, ont pour objet :
- le développement d'une politique d'achat assurant aux associés les meilleures conditions contractuelles ;
- la distribution et la transformation les plus économiques du verre plat.
La durée de ces associations a été fixée à cinq ans renouvelables.
Les conditions d'admission sont les suivantes :
- être des entreprises de distribution et de transformation du verre plat ;
- remplir certaines conditions de solvabilité et de moralité commerciale ;
- obtenir un vote favorable des deux tiers au moins des membres du Conseil de direction (Consiglio direttivo).
II. Les sociétés
1. La Fabbrica pisana SpA (ci-après dénommée "Fabbrica pisana"), établie à Pise, avec un capital social de 11 934 500 000 lires italiennes, est une filiale à 100 % de Saint-Gobain Industries, société du groupe Saint-Gobain/Pont-à- Mousson. Ce groupe, qui figure parmi les plus importants groupes industriels du monde, comprend 134 sociétés établies dans 17 pays différents. Il est structuré en 6 départements industriels et commerciaux et chaque département dépend d'une société holding, contrôlée à 100 % par Saint-Gobain/Pont-à-Mousson. Le groupe possède en Italie, outre Fabbrica pisana, les sociétés suivantes, toutes concernées, à différents titres, par le marché du verre : Vetreria milanese Lucchini-Perego, Vetreria italiana Balzaretti-Modigliani, Vetreria Luigi Fontana, Vetrerie riunite Bordoni- Miva. La Vetreria Luigi Fontana, à Milan, avec sa filiale Felice Quentin à Florence, représente le transformateur- grossiste le plus important sur le marché italien.
Le groupe Saint-Gobain/Pont-à-Mousson emploie environ 110 000 personnes, dont 69 000 sont engagées dans le département intitulé "des constructions" qui englobe les usines produisant du verre.
La société Saint-Gobain Industries, qui est à la tête dudit département des constructions, contrôle 25 filiales parmi lesquelles Fabbrica pisana en Italie qui occupe environ 3 000 personnes. Cette dernière société dispose d'usines à Caserta, Pisa, Savigliano et Torino, qui produisent les catégories suivantes de verre :
- verre flotté, clair et coloré (bleu, ambre, bronze, vert, gris) ;
- verre coulé, clair et coloré, y compris le verre profilé en "U" ;
- produits transformés pour la construction (BIVER).
2. La Società italiana vetro SpA (ci-après dénommée "SIV"), dont le siège est à Rome et le capital social est de 28 000 000 000 de lires italiennes, est une société contrôlée par l'Etat. Elle a été créée en mai 1962 par l'Ente finanziamento industria meccanica, à Rome (ci-après dénommée "EFIM"), et la Società finanziamenti idrocarburi SpA, à Milan (ci- après dénommée "Sofid"). Actuellement, Sofid et la Società mineraria carbonifera sarda (ci-après dénommée "MCS"), filiale du groupe EFIM, détiennent la totalité du capital de SIV à concurrence de 50 % chacune.
Jusqu'en mai 1974, SIV ne disposait que d'installations pour la production de verre à vitres (verre étiré). La capacité a été progressivement réduite à 38 000 tonnes par an, pour être définitivement arrêtée en septembre 1975. A partir de mai 1974, une ligne pour la production de verre flotté, d'une capacité de 120 000 tonnes par an, a été mise en route. En outre, à partir de 1979, a été mise en marche une ligne float, propriété de la Société Flovetro SpA, filiale commune à 50 % de SIV, et Fabbrica pisana, ayant une capacité de 120 000 tonnes par an, que les deux sociétés mères se partagent à égalité entre elles.
SIV contrôle aussi deux filiales de transformation, la ILVED SpA, à San Salvo, spécialisée dans la miroiterie, et la Vetroeuropa SpA, à Turin, spécialisée dans le verre de sécurité.
SIV, dont les installations sont à San Salvo (Chieti) et qui occupe 3 500 personnes, produit maintenant du verre flotté, du verre coulé et du verre transformé (sécurité et isolation). Le réseau de vente de SIV en Europe comporte une filiale pour la zone est (SIV-Deutschland, à Francfort) et une filiale pour la zone ouest (SIV-France, à Paris).
3. Vernante Pennitalia SpA, dont le capital social est de 16 106 700 000 lires italiennes et qui est établie à Cuneo, est issue le 30 novembre 1974 de la fusion entre la société "Vernante" et la société "Pennitalia", filiale italienne de PPG- Industries Inc., à Pittsburgh (USA). Le capital social de Vernante Pennitalia est partagé entre PPG Industries (80,5 %), les anciens actionnaires de Vernante (17,5 %) et Montedison (2 %). Cette société produit du verre flotté, du verre étiré et du verre coulé ; elle procède aussi à leur transformation en produits finis. En outre, Vernante Pennitalia contrôle entièrement Pennitalia Securglas SpA, qui a son siège social et ses ateliers à Roccasecca di Frosinone : cette société fabrique essentiellement des verres spéciaux pour l'industrie automobile.
B. LES PRODUITS ET LA SITUATION DU MARCHE
1. Dans la présente procédure, les produits concernés sont les différentes variétés de verre plat.
Celui-ci peut, en effet, être réparti en trois catégories, selon les procédés de fabrication utilisés :
- le verre étiré, qui se présente comme une feuille incolore et transparente, utilisée pour produire du verre à vitres ;
- le verre coulé, qui consiste dans une feuille de surface inégale, sans transparence mais translucide, obtenue par laminage ;
- le cristal, qui consiste dans une feuille transparente dont les faces sont d'un parallélisme presque parfait ; elle peut être obtenue par deux procédés : la coulée continue et le float. Ce second procédé est celui utilisé par SIV, Fabbrica pisana et Vernante Pennitalia.
Tous les types de verre plat sont produits en plusieurs épaisseurs et peuvent être clairs ou colorés, mais, pour des raisons techniques, il n'est pas approprié d'utiliser le même four pour la production des deux qualités différentes.
2. Le verre flotté a commencé à être produit industriellement au début des années soixante : grâce à ses caractéristiques et aux coûts de production relativement réduits par rapport à sa qualité, il a rapidement supplanté les autres types de verre plat. En outre, grâce à la multiplicité de ses utilisations, on peut espérer un accroissement ultérieur de sa consommation dans un proche avenir.
3. Cependant, bien que le rapport qualité-prix soit nettement en faveur du verre flotté, des quantités assez considérables de verre coulé et de verre étiré sont encore vendues en Italie, le premier grâce à sa structure physique qui le rend particulièrement apte à certaines utilisations et le second grâce à un coût de revient assez faible, dû au fait que les investissements effectués sont désormais complètement amortis.
4. La clientèle des producteurs de verre plat, abstraction faite des fabricants d'automobiles qui absorbent 95 % du verre flotté destiné à ce secteur, comprend essentiellement des grossistes et des transformateurs. Certains grossistes, relativement peu nombreux, se limitent à revendre le verre tel qu'ils l'ont acheté ; d'autres disposent aussi d'installations pour le découpage et pour un premier travail du verre. L'activité des transformateurs consiste à fabriquer du verre de sécurité, du verre isolant, des miroirs, etc. pour la construction et pour l'industrie de l'ameublement.
5. Le tableau suivant donne les statistiques concernant la production, l'importation et l'exportation de verre plat en Italie, pour les années 1974 à 1978, pour les trois types de verre plat, à savoir le verre coulé, le verre étiré et le verre flotté.
EMPLACEMENT TABLEAU
6. Les parts de marché des producteurs italiens, pour l'ensemble du marché du verre plat en Italie, ont été pendant la durée des accords au moins les suivantes : Fabbrica pisana = 20 % ; SIV = 14 % ; Vernante Pennitalia = 14 % ; Fabbrica Sciarra = 3 % ; Vetro-Coke = 3 % ; le reste du marché étant couvert par les importations. Ces importations, surtout de verre flotté, ont été le fait, pour environ une moitié du total, des deux grands producteurs européens Saint- Gobain et BSN, directement ou par le moyen de leurs filiales belges et allemandes, et pour l'autre moitié d'offres de verre à vitre et de verre coulé en provenance surtout des pays de l'Est à commerce d'Etat, ainsi que de quelques offres très irrégulières de verre flotté provenant des Etats-Unis.
7. Les exportations de verre plat ont constitué une partie importante de la production des sociétés intéressées, surtout de SIV et de Vernante Pennitalia qui, pour les années 1976 et 1977, ont vendu sur les autres marchés de la CEE environ 55 % de leur production respective. Egalement Fabbrica pisana a effectué des exportations de verre plat vers les Etats membres de la CEE, dans le cadre de la stratégie commerciale globale du groupe Saint-Gobain.
C. LES ACCORDS
I. Accords des grossistes et transformateurs entre eux et décisions de leurs associations
1. Ces accords ont trouvé leur concrétisation dans les statuts et les règlements des trois associations, rigoureusement identiques entre eux, et dans les décisions des conseils d'administration de ces associations, figurant dans les procès-verbaux des réunions de ces mêmes conseils : en effet, l'assemblée représente la totalité des membres et ses délibérations sont obligatoires et engagent tous les associés, y compris les absents et ceux qui ne sont pas d'accord.
2. Les statuts des trois associations imposent à leurs membres les obligations suivantes :
- transmission à l'association de la copie des commandes passées aux producteurs ;
- engagement d'accepter les contrôles, prévus par le règlement, de la part des producteurs, parallèlement à l'engagement des producteurs de faire parvenir à l'association copie des factures et des éventuelles notes de crédit et de débit, tirées sur les associés ou émises par eux.
3. Les règlements intérieurs des trois associations, ainsi que les décisions adoptées par les conseils d'administration, précisent les objectifs concrets des accords, les obligations à la charge des associés, les sanctions aux infractions éventuelles et les mesures pratiques d'application.
a) Parmi les normes édictées par les associations figurent les objectifs concrets suivants :
- une politique commerciale commune, pour la réalisation de laquelle chaque association doit promouvoir une ligne commune de vente par la fixation, l'application et le respect d'un tarif de vente du verre plat et des produits transformés ;
- la collaboration avec les producteurs afin de promouvoir "une politique de production apte à augmenter la consommation du verre et de parvenir à une meilleure valorisation des produits transformés par une politique de vente adéquate". A cette fin, les associations doivent "contracter" avec les producteurs une remise différentielle consentie aux seuls adhérents en compensation de leurs obligations ; en même temps, elles s'efforcent de moduler les commandes de leurs adhérents aux producteurs selon une répartition en pourcentages préfixée.
b) Parmi les obligations à la charge des associés, il faut relever les obligations suivantes :
- l'engagement de n'acheter les produits qu'auprès des entreprises choisies par l'association. A cette fin, chaque adhérent doit transmettre copie de ses commandes, sur lesquelles doivent figurer les indications suivantes :
* quantité et qualité des produits,
* prix et remises consentis,
* nom du fournisseur (sans valeur d'engagement) ;
- l'engagement de ne pas effectuer d'achats auprès de producteurs étrangers, directement ou indirectement, sans autorisation préalable du comité de direction, sauf les cas d'importations :
a) de produits en provenance de pays soumis à contingents par l'Etat italien et dans les limites de ces contingents,
b) de produits spéciaux, non fabriqués par les producteurs choisis par l'association ;
- l'engagement, imposé aux membres qui effectuent des importations des pays de l'Est, de mettre 25 % de celles-ci à la disposition de l'association, qui doit les redistribuer équitablement entre les adhérents "exclus" de cette source d'approvisionnement, mais intéressés à la livraison ; au cas où l'importateur refuse de se soumettre à cette obligation, il doit reverser à l'association le montant de la différence entre le prix d'achat et le prix d'achat correspondant pour un produit national identique. Cette obligation disparaît si l'importateur s'engage à revendre le produit importé au prix du marché national ;
- l'obligation pour l'association de répartir équitablement entre les adhérents les quantités de produits vendues à des prix spéciaux, la répartition étant faite en proportion des achats à des prix normaux effectués au cours des douze mois précédents ;
- le versement d'une caution de 3 millions de lires italiennes au comptant ou de 6 millions en chèques ;
- la présentation d'un inventaire de magasin détaillé, dans un délai n'excédant pas trente jours avant l'admission.
c) Parmi les "infractions" commises par les adhérents et susceptibles d'être sanctionnées par les associations figurent :
- le non-envoi à l'association de la copie des commandés,
- le refus de se soumettre aux contrôles périodiques effectués par l'association,
- la vente, ou l'offre de vente, de produits à des conditions et prix inférieurs à ceux fixés par l'association,
- le refus de suivre la politique d'achat fixée par le conseil de direction de l'association.
En cas d'infraction, le conseil de direction peut infliger des amendes d'un montant de 250 000 à 3 millions de lires italiennes et, dans certains cas "graves", recommander aux producteurs de suspendre pour un temps déterminé les fournitures au "récalcitrant" ou prononcer son expulsion.
II. Accords entre les associations de grossistes et transformateurs et les producteurs
1. Fabbrica pisana, Vernante Pennitalia et SIV ont été intéressées, dès le début, à la constitution des associations de grossistes et transformateurs. Le premier procès-verbal de réunion du conseil directeur d'ISVE du 25 juillet 1975 fait état de la disposition des trois producteurs à accéder aux demandes de l'association concernant :
- les prix pratiqués et la remise différentielle réservée aux seuls adhérents,
- la garantie du maintien du niveau de prix pour les marchandises livrées aux distributeurs,
- le respect des remises convenues et de la liste des clients.
En contrepartie de ces obligations que les producteurs ont par la suite souscrites, les grossistes et transformateurs se sont engagés à une programmation réelle des commandes, dès le mois de septembre 1975.
Le procès-verbal susmentionné indique la répartition décidée par ISVE du montant total des commandes en cours (3 200 millions de lires) de la façon suivante :
- 56 % pour Fabbrica pisana,
- 27 % pour Vernante Pennitalia,
- 17 % pour SIV.
Etant donné que les 56 % attribués à Fabbrica pisana comprennent également les commandes de la société Fontana, filiale de vente de ce producteur, équivalant à environ 37 % du montant total, la répartition du reste des commandes s'effectue comme suit :
- 32 % pour Fabbrica pisana,
- 42 % pour Vernante Pennitalia,
- 26 % pour SIV.
2. Les accords concernant l'ISVE ont été formalisés à la suite d'une réunion tenue à Milan le 27 février 1976.
L'ISVE a, par la suite, demandé l'engagement formel de Fabbrica pisana, Vernante Pennitalia et SIV par trois lettres envoyées le même jour (9 avril 1976), résumant les éléments essentiels des accords, qui ont été ratifiés par échange de lettres. Cet engagement a été demandé aussi pour le compté des deux autres associations qui à ce moment là étaient encore en cours de constitution.
a) Fabbrica pisana a répondu à l'ISVE le 21 avril 1976, à l'ASVIC et à l'AMVL le 29 septembre 1976.
b) Les réponses de Vernante Pennitalia ont été envoyées respectivement le 9 juin 1976 à l'ISVE et le 15 novembre 1976 à l'ASVIC et à l'AMVL.
c) SIV a répondu à l'ISVE le 5 mai 1976, à l'AMVL et à l'ASVIC le 8 novembre 1976.
3. Le contenu des accords entre l'ISVE, d'une part, et les producteurs, d'autre part, tel qu'il résulte de l'échange de correspondance susmentionné, ainsi que des procès-verbaux des assemblées générales de l'association, peut être résumé comme suit :
a) les producteurs réservent aux distributeurs associés une remise différentielle dont le montant a été fixé dans un premier temps à 7 % (quelques exceptions sont prévues pour des verres spéciaux) ;
b) toutes les commandes des associés doivent passer par l'intermédiaire des associations et seules les commandes transmises de cette façon bénéficient de la remise différentielle ;
c) la liquidation de la remise différentielle est effectuée tous les six mois ;
d) la liste des clients de chaque producteur doit être mise à jour chaque année sur la base de critères objectifs, tenant compte du volume des achats (ou des ventes), du nombre des salariés et des investissements (cette clause n'a pas été ratifiée par Vernante Pennitalia) ;
e) les grossistes et les transformateurs s'engagent à respecter les barèmes fixés pour les produits transformés d'après les tarifs convenus avec les producteurs ;
f) les associations s'engagent à réserver à chaque producteur des quotas d'achat de leurs membres ;
g) les transformateurs et les grossistes membres des associations sont tenus d'accepter les contrôles de leur comptabilité par une commission désignée par les producteurs ;
h) les associés s'engagent à faire parvenir aux producteurs les listes des commandes en cours auprès des autres producteurs non italiens au moment de la conclusion des accords ;
i) l'exclusion de la remise différentielle est prévue pour les membres qui ne respectent pas les conditions fixées par les producteurs. Cette sanction s'ajoute à celles prévues par les associations (voir point C-I-3-c ci-dessus).
4. En ce qui concerne plus particulièrement l'AMVL et l'ASVIC, les accords entre ces associations et les producteurs ont été conçus d'une façon plus simple, sans prévoir toutes les clauses qui figurent au point précédent. Cependant, ces accords prévoient également l'engagement des grossistes et transformateurs de partager leurs achats de façon équitable entre les seuls producteurs italiens et l'engagement de ces derniers d'octroyer, à leur tour, aux membres des associations une remise différentielle qui a été, en fait, la même que celle réservée aux membres de l'ISVE.
III. L'application des accords
A l'examen de la documentation recueillie, et notamment des procès-verbaux des assemblées, on peut constater que les accords susmentionnés ont été appliqués, même si, souvent, ce ne le fut qu'en partie et de manière irrégulière.
a) L'ISVE et l'AMVL ont communiqué aux membres, soit par la diffusion de tarifs, soit par la communication de "coûts de production", les prix que les grossistes et les transformateurs devaient respecter. Il s'agit des prix les plus élevés du monde, selon le procès-verbal n° 26 d'ISVE du 11 février 1977. Sur ces prix, les associations peuvent autoriser des augmentations en pourcentage, modulées d'après les qualités du verre et les modalités de livraison.
b) Les remises que les membres peuvent octroyer à leurs clients ont fait elles aussi l'objet d'accords au sein des associations.
D'autres remises et réductions ont été autorisées au fur et à mesure que la situation du marché l'exigeait et sur la base de l'origine du verre ainsi que de la qualité du produit et des modalités de livraison.
c) Les associations, usant de leur pouvoir d'agir en tant que comptoirs d'achat, se sont efforcées de contrôler les importations de verre plat en Italie, comme, par exemple, à l'occasion d'importations d'Allemagne (procès-verbal n° 6 d'ISVE du 18 novembre 1975), de Belgique (procès-verbal n° 2 d'ISVE du 6 octobre 1976) et d'Espagne (procès-verbal n° 25 d'ISVE du 13 janvier 1977).
d) L'ISVE, par décision du 8 avril 1976, a imposé à ses membres d'adresser désormais leurs commandes directement à l'association, qui se chargerait de les transmettre aux producteurs.
e) Les associations ont donné à leurs membres les instructions nécessaires pour permettre : d'effectuer les relevés statistiques prévus par les accords et concernant aussi les importations.
f) La remise différentielle paraît avoir été régulièrement appliquée en faveur des entreprises qui faisaient partie des associations et payée aux dates convenues.
Cependant, des tensions et des oppositions se sont manifestées entre les parties concernées, tout au long de la période de validité des accords. Ainsi, les producteurs ont continué à livrer quelques grossistes indépendants, à conditions égales, ou même meilleures, que celles pratiquées à l'égard des membres des associations, tandis que, pour leur part, les grossistes et transformateurs ont encore effectué, de manière sporadique, des achats à l'étranger. Mais ces exceptions ont été peu nombreuses et leur nombre a sensiblement augmenté seulement à la veille de la cessation des accords.
Par rapport au contenu des accords résumé au point 3 ci-dessus, il faut remarquer que la remise différentielle a été de 7 % jusqu'au 30 avril 1976 et de 5 % à partir du 1er mai 1976. Le procès-verbal n° 32 de l'ISVE du 29 juin 1977 fait état d'une proposition de l'association à Fabbrica pisana et à SIV pour relancer les accords en portant la remise différentielle de 5 à 10 %. Les parties aux accords ont d'abord convenu d'un paiement trimestriel de la remise différentielle, pour tomber enfin d'accord sur un paiement semestriel.
IV. Durée des accords
Les accords existant entre les associations et les producteurs ont été progressivement abandonnés au cours du second semestre 1977, les producteurs ne reconnaissant plus l'engagement de réserver exclusivement aux membres des associations le bénéfice de la remise différentielle. Formellement, ces accords ont été dénoncés par la seule Fabbrica pisana le 21 novembre 1977.
Les statuts et les règlements de l'ISVE et de l'ASVIC ainsi que les décisions prises par les assemblées de ces deux associations sont restés en vigueur jusqu'à la dissolution desdites associations. L'AMVL a gardé le pouvoir d'agir en tant que comptoir d'achat et de fixer les prix et les conditions de vente pour ses membres. Toutefois, au sein des associations, les accords et les décisions adoptées ont pratiquement cessé d'être appliqués déjà dès que les accords avec les producteurs ont pris fin. Même l'AMVL a vu s'affaiblir beaucoup l'importance des liens au sein de sa propre organisation, une fois qu'elle est restée sans le support des autres associations et des producteurs.
II - APPRECIATION JURIDIQUE
A. APPLICABILITE DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 1
Considérant que, conformément à l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, sont incompatibles avec le Marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'association d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun ;
1. Considérant que les entreprises Fabbrica pisana, SIV et Vernante Pennitalia ainsi que les sociétés membres des associations ISVE, ASVIC et AMVL sont des entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE;
2. Considérant que les décisions des associations ISVE, ASVIC et AMVL ainsi que les accords, qui sont l'objet de la présente procédure et qui lient les entreprises membres desdites associations tant entre elles qu'aux sociétés Fabbrica Pisana, SIV et Vernante Pennitalia, sont des décisions d'associations d'entreprises ainsi que des accords entre entreprises au sens de l'article 85 paragraphe 1;
3. Considérant que les décisions et les accords en cause ont eu pour objet et pour effet d'empêcher, restreindre et fausser le jeu de la concurrence entre les entreprises concernées sur le marché du verre plat;
(a) en ce qui concerne les accords des grossistes et des transformateurs entre eux et les décisions des associations,
(a-1) Considérant que les accords des grossistes et des transformateurs entre eux et les décisions des associations ISVE, ASVIC et AMVL peuvent être pris en considération ensemble, puisque les finalités, les moyens et les effets sont les mêmes pour les trois associations ;qu'ils visent à restreindre la concurrence entre les plus importants distributeurs italiens de ce produit ;que, à ce propos, il faut remarquer que le verre plat, malgré l'existence de différentes qualités (flotté, étiré, coulé), reste un produit particulièrement homogène du point de vue de la qualité, de sorte que la concurrence n'est possible, en pratique, que dans le domaine des prix et des conditions de vente ;que, dès lors, les pouvoirs des organes statutaires des trois associations de négocier les prix des produits et de choisir les fournisseurs pour le compte de leurs membres, restreignent la liberté des membres des associations de se faire concurrence au moment de l'achat, afin de rendre plus compétitive leur situation commerciale ;qu'également l'interdiction d'importer et l'obligation de répartir, au moins en partie, les importations éventuellement effectuées des pays à commerce d'Etat, vise à décourager les membres de se faire concurrence ;
Considérant que le pouvoir des associations d'établir des prix uniformes et de déterminer les conditions de vente du verre plat a eu pour objet et pour effet d'affaiblir l'intérêt et la capacité des membres à se faire concurrence et, par conséquent, de maintenir les prix du verre plat à un niveau artificiel ;
(a-2) Considérant que les accords et décisions susmentionnés sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres de façon directe ; que, en effet, l'interdiction d'acheter les produits en cause auprès de producteurs étrangers vise, en premier lieu, les producteurs des pays de la CEE, compte tenu de l'importance tant des courants d'échange à l'intérieur de la Communauté que de la production desdits producteurs, dont une grande partie est destinée à l'exportation ; que, en outre, les mêmes accords et décisions ont affecté les échanges intracommunautaires également de manière indirecte, par l'obligation, faite aux membres, de redistribuer, au moins en partie, parmi les associés, les quantités de verre plat importées des pays situés en dehors de la CEE et de les revendre aux prix fixés par les conseils directeurs des associations ; que, en effet, un tel comportement est contraire aux principes du marché commun dans la mesure où il contribue à provoquer artificiellement sur le marché italien un régime de prix différent de celui des autres marchés de la Communauté où le jeu de la concurrence peut s'exercer librement aussi pour les produits d'importation ;
(b) En ce qui concerne les accords entre les producteurs et les associations :
(b-1) Considérant que les accords qui prévoient l'engagement des grossistes et des transformateurs d'effectuer leurs achats de verre plat en fonction des quotas préétablis en faveur des producteurs concernés, qui, en contrepartie, leur concèdent une remise différentielle, constituent des restrictions de concurrence directement visées par l'article 85 paragraphe 1 sous c) du traité ; que les clauses qui prévoient la transmission d'informations commerciales et l'institution de contrôles sur l'application des accords tombent également sous l'interdiction dudit article 85 paragraphe 1, dans la mesure où elles permettent aux producteurs de faire en sorte que les règles convenues soient respectées par toutes les entreprises concernées ;
(b-2) Considérant que les accords passés entre les producteurs et les associations ont été susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres pour les motifs suivants :
a) chacun des producteurs concernés ne limite pas son activité au marché italien, mais opère également sur les marchés des autres Etats membres. Les courants d'échanges entre Etats membres sont nécessairement affectés par le fait que chaque producteur, en raison de la prédétermination des quotas réservés pour le marché italien, n'est plus en mesure de fixer de manière autonome sa propre politique de production et de vente ;
b) les producteurs ont accordé la remise différentielle aux membres des associations en contrepartie également de l'interdiction d'exporter que ces derniers s'étaient imposée : dès lors, les courants d'échanges entre l'Italie et les autres Etats membres ont été affectés sensiblement par ces accords, du fait qu'environ 60 % des possibilités de commercialisation sur le marché italien du verre plat ont été soustraits artificiellement aux producteurs des autres Etats membres.
4. Considérant que les accords et décisions en cause ont été susceptibles de restreindre sensiblement le jeu de la concurrence sur le marché italien du verre plat, non seulement à cause de la nature des restrictions envisagées, mais aussi de la position des entreprises concernées sur ledit marché ; que, en effet, d'une part, les associations ont représenté environ 60 % du total des ventes de verre plat sur le marché italien et ont réuni la plupart des distributeurs italiens les plus importants dans ce domaine ; que, d'autre part, les fabricants concernés ont représenté 94 % environ de la production et satisfait 60 % environ de la consommation de verre plat en Italie ;
B. INAPPLICABILITE DE L'ARTICLE 85 PARAGRAPHE 3
Considérant que, conformément à l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE, les dispositions du paragraphe 1 dudit article peuvent être déclarées inapplicables à tout accord, à toute décision et à toute pratique concertée qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ; et sans imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs, ni donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence :
1. Considérant que, aux termes de l'article 4 paragraphe 1 du règlement n° 17, les accords en faveur desquels les intéressés désirent se prévaloir des dispositions de l'article 85 paragraphe 3 doivent être notifiés à la Commission ; que, aussi longtemps qu'ils ne l'ont pas été, une décision d'application de l'article 85 paragraphe 3 ne peut être rendue ; que, dans le cas d'espèce, cette notification n'a pas été faite ; qu'il n'est donc pas possible d'examiner si les conditions prévues pour l'application de l'article 85 paragraphe 3 sont remplies par les accords en cause ;
Considérant, de toute façon, qu'au moins une parmi les conditions prévues par l'article 85 paragraphe 3 n'est pas remplie ; que, en effet, par ces accords et décisions la presque totalité de la production de verre plat en Italie et environ 60 % de la consommation italienne de verre plat ont pu être soustraites, à cause des effets combinés des prix uniformes et des quotas de vente, au jeu de la concurrence tant entre les producteurs qu'entre les grossistes italiens, la concurrence étant ainsi éliminée pour une partie substantielle des produits en cause, pendant la période de validité des accords ;
Considérant que, en outre, l'accès à ce même pourcentage de la consommation italienne a été rendu plus difficile pour le verre plat en provenance des producteurs et des distributeurs des autres pays membres, en raison de l'interdiction d'acheter à l'étranger, des engagements d'achat des associations vis-à-vis des producteurs italiens et de la remise différentielle en faveur des grossistes et transformateurs membres des associations ;
2. Considérant qu'il faut encore examiner si les accords en cause peuvent être considérés comme exemptés de l'obligation de notification au titre de l'article 4 paragraphe 2 du règlement n° 17, qui prévoit que cette obligation ne s'applique pas aux accords et aux pratiques concertées lorsque n'y participent que des entreprises ressortissant à un seul Etat membre et qu'ils ne concernent ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres;
Considérant que, dans le cas d'espèce, la seconde condition mentionnée ci-dessus n'est pas remplie, puisque les membres des trois associations sont convenus d'interdire aux distributeurs d'importer du verre plat, sauf autorisation expresse des conseils directeurs des associations, comme contrepartie de l'engagement des producteurs d'octroyer, pour leur part, une remise différentielle aux grossistes qui acceptent un tel engagement;
Que, par conséquent, ledit article 4 paragraphe 2 n'est pas applicable ;
C. APPLICABILITE DE L'ARTICLE 15 PARAGRAPHE 2 DU RÈGLEMENT n° 17
Considérant que, conformément à l'article 15 paragraphe 2 du règlement 17, la Commission peut infliger des amendes aux entreprises ayant participé à l'infraction lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 ;
Considérant que, toutefois, il n'y a pas lieu, dans ce cas, d'imposer des amendes, étant donné que la Commission a constaté que la période de validité des accords et décisions en cause a été relativement brève par rapport à la nature et aux buts des restrictions et que l'application des clauses restrictives de concurrence de ces accords et décisions a toujours été limitée et partielle, même pendant la période de leur existence officielle ;
A ARRÊTE LA PRESENTE DECISION :
Article premier
Les accords conclus entre les entreprises membres des associations ISVE, ASVIC et AMVL et les décisions de ces associations ainsi que les accords conclus par ces mêmes entreprises, par le biais des organes statutaires desdites associations, avec les producteurs italiens de verre plat Fabbrica pisana SpA, Società italiana vetro SpA et Vernante Pennitalia SpA, constituent des infractions à l'article 85 paragraphe 1 du traité instituant la Communauté économique européenne, dans leurs clauses concernant :
a) en ce qui concerne les statuts, les règlements d'application et les décisions desdites associations :
- l'obligation pour les membres d'acheter par l'intermédiaire des associations ;
- l'interdiction pour les membres d'importer et l'obligation de répartir les produits éventuellement importés, après autorisation préalable de l'association, des pays à commerce d'Etat ;
- l'adoption et le respect d'une liste de prix commune,
b) en ce qui concerne les accords entre les associations et les producteurs :
- l'établissement de quotas de vente,
- l'octroi d'une remise différentielle,
- la transmission d'informations commerciales,
- le contrôle de l'activité des membres des associations.
Article 2
Les entreprises suivantes :
Fabbrica pisana SpA, à Pisa, Società italiana vetro SpA, à San Salvo (Chieti), Vernante Pennitalia SpA, à Cuneo, Associazione meridionale vetro in lastre, à Catania, au nom et pour le compte de ses membres,
ainsi que les entreprises membres de l'Istituto sviluppo vetro, à Milan et de l'Associazione sviluppo vetro Italia centrale, à Ancona, et dont les noms figurent aux annexes A et B, sont destinataires de la présente décision.
ANNEXE A - Membres de l'ISVE
EMPLACEMENT TABLEAU
ANNEXE B - Membres de l'ASVIC
EMPLACEMENT TABLEAU
(1) JO n° 13 du 21.2.1962, p. 204-62.
(2) JO n° 127 du 20.8.1963, p. 2268-63.