CJCE, 29 octobre 1980, n° 209-78
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Heintz van Landewyck (SARL), Fedetab, Etablissements Gosset (SA), Bat Benelux (SA), Compagnie indépendante des tabacs Cinta (SA), Weltab (SA), Jubilé (SA), Vander Elst (SA), Association des détaillants en tabac (ASBL), Association nationale des grossistes en produits manufacturés du tabac, Fédération nationale des négociants en journaux (ASBL)
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, Mestdagh frères & co.(SA), Fédération belge du commerce alimentaire (ASBL), GB-Inno-Bm (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kutscher
Présidents de chambre :
MM. Pescatore, Koopmans
Avocat général :
M. Reischl
Juges :
MM. Mertens de Wilmars, Mackenzie Stuart, O'Keeffe, Bosco, Touffait, Due
Avocats :
Mes Arendt, Goffin, Braun, Van Gerven, Lebrun, Jakhian, Hanotiau, Van Ommeslaghe, Kemmler, Rapp-Jung, Bohlke, Thys, Van Hille, Francois, Didier, Van Bunnen, Waelbroeck.
LA COUR,
I - CONSIDERATIONS GENERALES
1. Les présents recours ont pour objet l'annulation de la décision de la Commission 78-670, du 20 juillet 1978, relative à une procédure d'application de l'article 85 du Traité CEE (IV/28.852 GB-Inno-BM/Fedetab et IV/29.127 Mestdagh/Huyghebaert/Fedetab et IV/29.149 - recommandation " Fedetab ") (JO n° L 224, p. 29 et suiv.) faisant grief aux parties requérantes d'avoir commis diverses infractions audit article.
2. Les requérantes, qui représentent l'ensemble des destinataires de cette décision énumérés à l'article 4 de celle-ci, sont l'association sans but lucratif Fédération Belgo-Luxembourgeoise des Industries du Tabac à Bruxelles (ci-après dénommée Fedetab), association professionnelle regroupant presque tous les fabricants belges et luxembourgeois de tabacs manufacturés, et, à titre individuel, sept de ses membres les plus importants, à savoir :
- Cinta SA (ci-après Cinta), à Bruxelles,
- Ets Gosset SA (ci-après Gosset), à Bruxelles,
- Jubilé SA (ci-après Jubilé), à Liège,
- Vander Elst SA (ci-après Vander Elst), à Anvers,
- Weltab SA (ci-après Weltab), à Bruxelles,
- Bat Benelux SA (ci-après Bat), à Bruxelles,
- Heintz van Landewyck SARL (ci-après HVL), à Luxembourg.
3. Les mesures incriminées par la décision attaquée et décrites ci-dessous portent sur la distribution des produits manufacturés du tabac en Belgique et se divisent en deux groupes. Il s'agit, d'une part, de certaines décisions prises par Fedetab et de certains accords conclus par celle-ci avec d'autres associations professionnelles du secteur desdits produits, pendant la période allant du 1er février 1962 au 1er décembre 1975, et, d'autre part, des dispositions d'une " recommandation " adoptée par Fedetab en matière de vente de cigarettes sur le marché belge et notifiée par elle à la Commission le 1er décembre 1975.
4. Les requérantes ayant invoqué de nombreux moyens relatifs au déroulement de la procédure administrative qui a précédé la décision attaquée, il convient d'indiquer d'abord les grandes lignes de cette procédure, en vue de faciliter l'examen de l'argumentation développée par les parties au sujet desdits moyens.
5. Par plainte déposée le 2 avril 1974 devant la Commission au titre de l'article 3, paragraphe 2 du règlement n° 17-62, la société GB-Inno-BM (ci-après GB), société belge de commercialisation par grandes surfaces, a demandé à la Commission d'ouvrir une procédure contre Fedetab, contre l'association sans but lucratif " Fédération Nationale du Commerce de Gros en produits manufacturés du tabac " (ci-après FNCG) et contre l'association sans but lucratif " Association des Détaillants du Tabac " (ci-après ATAB). Suite à cette plainte, la Commission a engagé une procédure en application dudit article au cours de laquelle elle a notamment adressé, le 18 juillet 1975, à Fedetab, à ATAB et à l'association sans but lucratif " Association Nationale des Grossistes Itinérants en Produits Manufacturés du Tabac " (ci-après ANGIPMT), association créée à la suite de la dissolution de la FNCG, une communication de griefs, dans laquelle elle a déclaré qu'à son avis certains accords, décisions et pratiques concertées de Fedetab et de ses membres étaient contraires à l'article 85 du Traité.
6. L'audition des requérantes dans les présentes affaires et de la plaignante GB avait été fixée au 22 octobre 1975. Le 21 octobre 1975, la SA Mestdagh frères et Cie, société exerçant les activités de revendeur en gros à succursales multiples, et la SA Eugène Huyghebaert, société exerçant les activités de grossiste en alimentation, ont demandé de se joindre à la plainte de GB et ont déposé des plaintes devant la Commission au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17-62.
7. L'audition ayant eu lieu, comme prévu, le 22 octobre 1975, la procédure a été, par la suite, étendue à la " recommandation en matière de vente de cigarettes sur le marché belge " adoptée par Fedetab et notifiée par celle-ci le 1er décembre 1975, conformément aux articles 2 et 4 du règlement n° 17-62. La Commission a, le 17 mai 1976, adressé à Fedetab et aux autres requérantes, qui avaient, de leur côté, notifié la recommandation, une seconde communication des griefs, laquelle se rapportait à ladite recommandation, et qui a fait l'objet, le 22 septembre 1976, d'une seconde audition des requérantes.
8. Après avoir adressé d'ultimes demandes de renseignements aux requérantes et obtenu l'avis du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, la Commission a pris la décision attaquée du 20 juillet 1978, qui a pour objet tant les plaintes de GB et de Mestdagh et Huyghebaert que la recommandation Fedetab du 1er décembre 1975.
9. Selon l'article premier de la décision, les accords entre les destinataires de celle-ci et les décisions d'association d'entreprises adoptées par Fedetab et relatifs à l'organisation de la distribution et de la vente des produits du tabac en Belgique et ayant pour objet :
1. l'octroi par Fedetab de son agrément aux grossistes et aux détaillants, le classement de ceux-ci en diverses catégories et l'attribution à ces dernières de marges fixes différentes ;
2. le respect des prix de revente imposés par les fabricants prévu par une convention conclue les 22 mai et 5 octobre 1967 entre Fedetab et FNCG et son avenant du 29 décembre 1970 ;
3. la limitation par Fedetab de l'accès à certaines catégories de grossistes ;
4. l'interdiction de revente à d'autres grossistes qui constituait l'objet de mesures collectives et d'un avenant interprétatif du 22 mars 1972 ;
5. l'application aux grossistes et aux détaillants de délais de paiement uniformes qui constituait l'objet de mesures collectives du 23 décembre 1971 ;
6. le respect de l'obligation imposée aux détaillants d'offrir un assortiment minimal, décidé par Fedetab et assuré par les accords et mesures collectives pris par certains de ses membres " ont constitué, pour la période allant du 13 mars 1962 au 1er décembre 1975, des infractions à l'article 85, paragraphe 1er du traité ".
10. Aux termes de l'article 2, la recommandation Fedetab, entrée en vigueur le 1er décembre 1975 et ayant pour objet :
1. la répartition des grossistes et des détaillants belges en catégories et l'attribution à ces dernières de marges différentes ;
2. l'application aux grossistes et aux détaillants de délais de paiement uniformes ;
3. l'attribution aux grossistes et aux détaillants d'une ristourne de fin d'année.
" constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1er du Traité ... et ne peut bénéficier d'une exemption au titre du paragraphe 3 du même article " .
11. L'article 3, paragraphe 1, dispose que les destinataires de la décision sont tenus de mettre fin à l'infraction visée à l'article 2 et qu'en particulier " ils s'abstiendront désormais de tout acte quelconque ayant le même objet " que la recommandation Fedetab. Aux termes du deuxième paragraphe de l'article 3, Fedetab est tenue d'informer sans délai tous ses membres non destinataires de la décision du contenu de celle-ci.
12. Par ordonnance du 30 octobre 1978, le président de la deuxième chambre de la Cour, remplaçant le président de la Cour, en vertu des articles 85, paragraphe 2, et 11, paragraphe 2, du règlement de procédure, statuant au provisoire, a ordonné qu'il soit sursis à l'exécution des articles 2 et 3 de la décision, jusqu'à ce que la Cour ait statué au fond.
13. Par requêtés déposées au greffe de la Cour au cours des mois de septembre et d'octobre 1978, chacune des requérantes a introduit un recours ayant pour objet l'annulation, et, dans certains cas, à titre subsidiaire la réformation, de la décision litigieuse pour autant qu'elle les concerne.
14. La cour a, par ordonnances datées respectivement du 26 octobre 1978, 28 mars 1979 et 27 juin 1979, admis l'intervention de diverses parties à l'appui tant des conclusions des requérantes que de celles de la Commission.
15. En raison de leur connexité, il convient de joindre les présentes affaires aux fins de l'arrêt.
II - MOYENS DE FORME ET DE PROCEDURE
Premier moyen : refus par la Commission d'entendre certaines associations de grossistes et de détaillants intéressées
16. Toutes les requérantes, sauf Vander Elst, reprochent à la Commission d'avoir refusé de donner suite à la demande des associations ANGIPMT et ATAB et du consortium Tabacs-Groep Tabak (ci-après GT), association de fait regroupant notamment certains des anciens membres de l'ANGIPMT, d'être entendus au cours de la procédure administrative. Ce refus constituerait une violation des dispositions de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 17-62 et de l'article 5 du règlement n° 99-63.
17. Aux termes de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 17-62, si des personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt suffisant demandent à être entendues, il doit être fait droit à leur demande. A cette fin, la Commission leur donne, en vertu de l'article 5 du règlement n° 99-63, l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit dans le délai qu'elle fixe.
18. Il ressort du dossier que le comportement de la Commission est critiqué dans la seule mesure où celle-ci a refusé d'inviter les associations susvisées à la seconde audition du 22 septembre 1976 relative à la recommandation Fedetab. Par contre, il ressort également du dossier qu'au cours de la procédure, ces associations ont fait parvenir à la Commission leurs prises de position écrites au sujet de la recommandation. Il en résulte que la Commission n'a pas refusé d'entendre lesdites associations, en violation des dispositions réglementaires précitées, étant donné que, conformément à l'article 5 du règlement n° 99-63, la Commission leur a donné l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit, possibilité qu'elles ont effectivement utilisée.
19. Ce moyen doit donc être rejeté.
Deuxième moyen : refus par la Commission d'accéder à la demande de Fedetab d'entendre deux associations de grossistes
20. Le 30 juin 1976, Fedetab a adressé une lettre à la Commission par laquelle elle a demandé à celle-ci de convoquer à la seconde audition du 22 septembre 1976 deux associations de grossistes, à savoir le GT et la nationale Vereniging van Familiale Groothandelsondernemingen (ci-après NVFG). Il ressort cependant du premier paragraphe de cette lettre que celle-ci avait pour objet en premier lieu d'informer la Commission que Fedetab n'avait aucune objection à ce que l'ANGIPMT assiste à l'audition du 22 septembre 1976. Toutefois, dans le second paragraphe, il est dit que " Fedetab souhaite cependant pour que la Commission soit complètement éclairée de convoquer également " la NVFG et le GT. Il est à remarquer également que cette lettre a été adressée à la Commission après la réception par Fedetab de la seconde communication des griefs relative à la recommandation mais avant la réponse de Fedetab à ladite communication.
21. Le 20 juillet 1976, après transmission à la Commission de la réponse de Fedetab à la seconde communication des griefs, la Commission a répondu à la lettre du 30 juin 1976 en signalant sa décision de n'inviter finalement à l'audition que " Fedetab et ceux de ses membres qui en auront fait la demande ". Elle a justifié cette décision en indiquant qu'elle voyait dans la recommandation une " entente qui a été et reste le fait des seuls producteurs et à laquelle ... les grossistes et les détaillants n'ont ... pris aucune part " .
22. Selon Fedetab la lettre du 30 juin 1976 aurait constitué une demande au titre de l'article 3, paragraphe 3, du règlement n° 99-63, aux termes duquel les entreprises et associations d'entreprises contre lesquelles une procédure est engagée " peuvent ... proposer que la Commission entende des personnes qui sont susceptibles de confirmer les faits invoqués " par elles dans leurs observations écrites sur les griefs retenus contre elles.
23. Par contre, la Commission maintient qu'en vertu de la formulation de la lettre du 30 juin 1976, qui traiterait sur un pied d'égalité la demande de l'ANGIPMT et la demande introduite par Fedetab pour le compte de la NVFG et du GT, il s'agissait d'une demande d'audition des tiers au sens de l'article 5 du règlement n° 99-63 et non d'une proposition, au titre de l'article 3, paragraphe 3, que soient confirmés certains faits par des témoins. Ce serait bien dans le contexte de l'article 5 que la Commission aurait placé sa réponse du 20 juillet 1976.
24. Il ressort des paragraphes 1er et 2 de l'article 3 du règlement n° 99-63 que les entreprises et les associations d'entreprises contre lesquelles une procédure a été engagée peuvent exposer tous les moyens et faits utiles à leur défense dans leurs observations écrites sur les griefs retenus contre elles. Le paragraphe 3 de cet article permet à ces entreprises et associations de proposer que la Commission entende des tiers susceptibles de confirmer les faits invoqués par elles dans leurs observations écrites. Or, au moment où Fedetab a adressé sa lettre du 30 juin 1976 à la Commission, elle n'avait pas encore transmis à celle-ci sa réponse écrite à la seconde communication des griefs, de sorte que cette lettre n'aurait pu en tout cas constituer une proposition valable au sens de l'article 3, paragraphe 3. De plus, il y a lieu de remarquer que la réponse écrite de Fedetab du 12 juillet 1976 n'a contenu aucune proposition en ce sens et que la lettre de la Commission du 20 juillet 1976 n'a suscité aucune réaction de la part de Fedetab à l'appui d'une telle proposition.
25. Pour ces motifs le présent moyen doit être rejeté.
Troisième moyen : absence de personnes mandatées pendant une partie de l'audition du 22 septembre 1976
26. Ce moyen, invoqué par Fedetab et par les autres requérantes sauf Jubilé et Vander Elst, est fondé sur l'affirmation selon laquelle des personnes mandatées par la Commission s'étaient absentées momentanément lors de l'audition.
27. La Commission a toutefois répondu, sans être contredite, que la seule personne mandatée pour procéder à cette audition était M. Dennis Thompson, directeur de la direction " ententes et abus et position dominante " qui était présent pendant toute la durée de l'audition. L'absence momentanée de certaines personnes non mandatées par la Commission est donc dépourvue de pertinence.
28. Il s'ensuit que ce moyen doit également être rejeté.
Quatrième moyen : jonction irrégulière et non motivée des plaintes de Mestdagh et Huyghebaert
29. Ce moyen se fonde essentiellement sur l'affirmation selon laquelle la Commission avait engagé trois procédures séparées, jointes par la suite par décision non motivée, dont chacune se distinguait des autres par l'attribution d'un numéro administratif distinct. La Commission aurait toutefois omis d'adresser une communication des griefs séparée au sujet des plaintes de Mestdagh et Huyghebaert, cela en violation de l'article 2 du règlement n° 99-63, de sorte que les requérantes auraient été privées, en violation de l'article 4 dudit règlement, de la possibilité de prendre position, soit par écrit, soit oralement, sur des griefs retenus par la Commission mais dont la nature leur restait inconnue.
30. La Commission soutient qu'il n'y aurait eu qu'une seule procédure ayant abouti à la décision du 20 juillet 1978. Aucune réglementation ne prévoirait que la Commission doit prendre des décisions formelles de jonction d'affaires et sa pratique administrative ne connaîtrait pas la notion de jonction. Dans le cas d'espèce, elle aurait mené la procédure administrative et statué par une décision unique sur une même infraction faisant l'objet de plaintes successives ayant le même objet, cela sans porter atteinte aux droits de la défense et sans fausser le déroulement de la procédure.
31. Il convient de faire observer au sujet du présent moyen que Mestdagh et Huyghebaert ont adressé, respectivement les 10 et 13 octobre 1975, chacune une lettre à la Commission par laquelle elles demandaient à se joindre à la plainte de GB. Le 20 octobre 1975, la Commission a informé Fedetab que la plainte de Mestdagh serait jointe à celle de GB et qu'il avait été décidé d'accepter la présence de Mestdagh à l'audition du 22 octobre 1975. Il convient toutefois de noter qu'à la demande des requérantes, Mestdagh et Huyghebaert n'ont pas été entendues lors de cette audition. En outre, par lettre du 13 novembre 1975, la Commission a transmis copie des plaintes de Mestdagh et Huyghebaert aux requérantes. Celles-ci ont pris position par écrit sur lesdites plaintes dans le courant des mois de décembre 1975 et de janvier 1976.
32. Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 99-63, la Commission " communique par écrit aux entreprises et associations d'entreprises, les griefs retenus contre elles ". Selon l'article 4 de ce règlement, " dans ses décisions la Commission ne retient contre les entreprises et associations d'entreprises destinataires que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue ". Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que la Commission ne doit retenir dans sa décision que des griefs communiqués par écrit aux entreprises et associations concernées auxquelles a été accordée la faculté de faire connaître leur point de vue. Par contre, rien ne s'oppose à ce que la Commission statue par une décision unique sur une même infraction faisant l'objet de plusieurs plaintes successivement déposées au cours d'une même procédure.
33. La plainte de Mestdagh et Huyghebaert porte exclusivement sur l'exclusion de ces entreprises, qui ne serait fondée sur aucun critère objectif, des catégories de grossistes comprises dans le classement établi par les fabricants de cigarettes par l'entremise de Fedetab, de sorte que lesdites entreprises se verraient refuser effectivement des conditions de gros. Cette plainte se situe donc dans le cadre plus général de celle déposée par GB. En outre, Mestdagh et Huyghebaert ayant, à la demande de la Commission, répondu par écrit aux prises de position des requérantes, celles-ci ont encore présenté en juillet 1976 des observations écrites sur cette réponse, exprimant ainsi une seconde fois leur point de vue au sujet des plaintes de Mestdagh et Huyghebaert.
34. Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la plainte de Mestdagh et Huyghebaert, n'a rendu nécessaire, pour assurer le respect des droits de la défense, ni l'engagement d'une procédure séparée, ni une communication de griefs supplémentaire. En informant les requérantes du contenu de la plainte de Mestdagh et Huyghebaert et en recueillant leur prise de position écrite à ce sujet la Commission a assuré le respect de ces droits.
35. Il résulte des considérations précédentes que le moyen doit être rejeté.
Cinquième moyen : refus de communiquer le dossier
36. Ce moyen, invoqué par toutes les requérantes sauf Jubilé, est tiré de la violation du principe général des droits de la défense, en ce que la Commission aurait refusé de communiquer le dossier sur lequel se fonde la décision attaquée.
37. Par lettre du 21 mai 1976, Fedetab a demandé à la Commission de lui communiquer une lettre adressée à celle-ci par l'ANGIPMT, qui serait datée du 13 février 1976, " ainsi que tous les autres documents ayant amené la Commission au libellé des griefs et dont elle pourrait faire état à l'audition fixée dès à présent au 29 juin prochain ". En réponse à cette demande la Commission a, le 26 mai 1976, communiqué à Fedetab, sans autres documents, la lettre susvisée datée en réalité du 2 mars 1976.
38. Cette réponse n'a suscité aucune réaction de la part des requérantes en ce qui concerne la production d'autres documents. Par ailleurs il est constant que, outre la lettre de l'ANGIPMT, la Commission a transmis aux requérantes les deux communications des griefs et les plaintes de GB et de Mestdagh et Huyghebaert.
39. Même si, dans son mémoire en réplique, Fedetab énumère certains faits ou documents prétendument non communiqués sur lesquels la décision serait fondée, elle n'est pas parvenue à établir que la Commission aurait refusé de produire au cours de la procédure administrative des documents relatifs à des faits essentiels, privant de la sorte les requérantes d'éléments nécessaires à leur défense. En effet, ainsi que la Cour l'a observé dans son arrêt du 13 février 1979 dans l'affaire 85-76, Hoffmann-La Roche/Commission (recueil 1979, p. 461), il suffit que la communication des griefs énonce, même sommairement, mais de manière claire, les faits essentiels sur lesquels la Commission se base, à condition toujours que celle-ci fournisse, au cours de la procédure administrative, les éléments nécessaires à la défense. La Commission ayant fourni à Fedetab, outre les deux communications des griefs, les plaintes de GB et de Mestdagh et Huyghebaert et la lettre de l'ANGIPMT, il n'est pas établi qu'elle ait omis de communiquer aux requérantes les éléments nécessaires à leur défense.
40. Les requérantes Fedetab et Vander Elst ont également demandé à la Commission, après l'adoption de la décision attaquée, de mettre à leur disposition le dossier sur lequel celle-ci s'est fondée. Le fait que la Commission a refusé de leur communiquer le dossier administratif, ne saurait être invoqué pour obtenir l'annulation de la décision, les demandes de prise de connaissance du dossier introduites après l'adoption de la décision ne pouvant avoir eu aucune incidence sur le déroulement de la procédure administrative.
Sixième moyen : violation du secret professionnel
41. Ce moyen, invoqué par Fedetab et par toutes les autres requérantes, sauf Jubilé et Vander Elst, repose sur l'affirmation de Fedetab, selon laquelle la Commission aurait transmis à GB des informations qui auraient été par leur nature couvertes par le secret professionnel et communiquées sous cette réserve. Fedetab a joint à son mémoire du 22 septembre 1975 rédigé en réponse à la première communication des griefs, trois tableaux, le premier traçant l'évolution des recettes au cours des cinq années précédentes de 160 marques de cigarettes, le second exposant le nombre des cigarettes achetées par les principaux spécialistes, et le troisième indiquant les délais de paiement des vingt-cinq principaux clients des principaux fabricants belges de cigarettes. Elle a souligné dans son mémoire le caractère confidentiel de ces tableaux. Or, la Commission a communiqué à la plaignante GB la totalité de la réponse de Fedetab, y compris lesdits tableaux. Ce faisant, elle aurait violé l'article 20, paragraphe 1er du règlement n° 17-62 aux termes duquel sans préjudice des dispositions des articles 19 et 21, la Commission et les autorités compétentes des Etats membres ainsi que leurs fonctionnaires et autres agents sont tenus de ne pas divulguer les informations qu'ils ont recueillies en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel. Cette violation d'un principe d'ordre public communautaire vicierait la décision de la Commission.
42. La Commission, pour sa part, ne conteste pas, qu'elle a, le 2 octobre 1975, communiqué à GB la totalité de la réponse de Fedetab, y compris les tableaux. Cette communication a eu lieu, selon la Commission, suite à une demande de GB qui, ayant demandé à être entendue et notamment à être invitée à l'audition, avait également demandé à pouvoir prendre connaissance des réponses des requérantes à la première communication des griefs. Pour justifier son attitude, la Commission invoque notamment les arguments suivants.
43. En premier lieu, les données litigieuses n'auraient pas été couvertes par le secret professionnel. Ayant été communiquées à Fedetab par les fabricants, elles étaient connues de toutes les requérantes par le biais de leurs représentants siégeant au conseil d'administration de Fedetab. Elles auraient perdu de ce fait leur caractère confidentiel, et ne devaient pas être considérées comme protégées par l'obligation de respect du secret professionnel qui incombe aux fonctionnaires de la Commission.
44. En second lieu, même à supposer que ces données fussent couvertes par le secret, l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17-62 aurait donné à la Commission le droit et l'article 19, paragraphe 2, lui aurait imposé le devoir de les transmettre à GB. Si elle avait agi différemment, elle aurait violé le droit de GB à être complètement entendue.
45. Enfin, la Commission fait valoir que les requérantes n'ont d'aucune manière prouvé en quoi l'action de la Commission à l'égard des tableaux a faussé le déroulement de la procédure administrative.
46. Il convient de répondre à cette argumentation en faisant observer, en premier lieu, que des informations ayant le caractère de secret professionnel, communiquées à une association professionnelle par ses membres, et de ce fait ayant perdu ce caractère parmi ceux-ci, ne le perdent pas à l'égard des tiers. Dans l'hypothèse où cette association transmet de telles données à la Commission dans le cadre d'une procédure engagée en vertu du règlement n° 17-62, la Commission ne saurait invoquer les dispositions des articles 19 et 20 de ce règlement pour justifier la transmission de ces données à des tiers plaignants. En effet, l'article 19, paragraphe 2, n'attribue à ceux-ci qu'un droit à être entendus et non le droit à recevoir des informations confidentielles.
47. Toutefois, il y a lieu de constater que, dans le cas d'espèce, même à supposer que les trois tableaux fussent couverts par le secret professionnel et de ce fait communiqués à tort par la Commission à GB, cette irrégularité de procédure n'entraînerait l'annulation en tout ou en partie de la décision que s'il était établi qu'en l'absence de cette irrégularité la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent. L'examen du dossier a révélé que la communication litigieuse n'a fourni à GB aucun argument susceptible d'avoir une influence sur le contenu de la décision en cause.
Septième moyen : dispense de notification
48. Selon ce moyen, invoqué par Fedetab et par toutes les requérantes sauf Jubilé et Vander Elst, basé sur l'argument de Fedetab, la Commission aurait violé notamment l'article 85, paragraphes 1er et 3, du Traité, et l'article 4 du règlement n° 17-62 en refusant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du Traité aux mesures antérieures à la recommandation du 1er décembre 1975 au motif que ces mesures n'auraient pas été notifiées alors qu'elles n'étaient pas dispensées de notification. De plus, la motivation de la décision de la Commission sur ce point serait inexacte et insuffisante.
49. Fedetab fait notamment valoir, à l'appui de cette thèse, que toutes les mesures antérieures, ou à tout le moins la plus grande partie d'entre elles, remplissaient les conditions de dispense de notification prévues par l'article 4, paragraphe 2, littera a), du règlement et aux termes duquel :
" 2. le paragraphe 1er n'est pas applicable aux accords, décisions et pratiques concertées, lorsque :
1) n'y participent que des entreprises ressortissant à un seul Etat membre et que ces accords, décisions ou pratiques ne concernent, ni l'importation ni l'exportation entre Etats membres ;
2) n'y participent que deux entreprises et que ces accords ont seulement pour effet :
a) de restreindre la liberté de formation des prix aux conditions de transaction d'une partie au contrat lors de la revente de marchandises qu'elle acquiert de l'autre partie au contrat ... ".
La Commission aurait dû examiner, selon Fedetab, les différentes mesures et vérifier pour chacune d'elles si les conditions de dispense de notification se trouvaient remplies. D'après Fedetab, tel était effectivement le cas.
50. En effet, l'octroi par Fedetab de son agrément aux grossistes et aux détaillants et le classement de ceux-ci en catégories, ainsi que les obligations quant à l'assortiment à offrir par les détaillants résulteraient de décisions de la seule Fedetab, association dotée de la personnalité juridique et agissant par ses organes statutaires. Il ne s'agirait, dès lors, pas d'un accord entre entreprises ni d'une décision prise par ces entreprises comme telles. Ces décisions pourraient donc, selon Fedetab, bénéficier de la dispense de notification prévue par l'article 4, paragraphe 1, du règlement.
51. De plus, pour ce qui est des conventions conclues entre Fedetab et la FNCG, il s'agirait d'accords entre deux fédérations professionnelles, agissant comme telles au nom de leurs membres mais non en qualité de mandataires, de sorte que ces accords pourraient, selon Fedetab, bénéficier de l'exemption prévue par l'article 4, paragraphe 2, alinéa 1.
52. Les " accords-types " signés par plusieurs distributeurs à l'invitation de Fedetab et comportant un engagement de respecter l'interdiction de revente à certains grossistes ne constitueraient en réalité que des engagements unilatéraux de ces distributeurs, de sorte que ces accords-types pourraient, selon Fedetab, bénéficier de l'exemption prévue par l'article 4, paragraphe 2, littera a), du règlement.
53. Pour ce qui est des mesures collectives prises le 23 décembre 1971 en matière de délais de paiement, Fedetab, fait valoir qu'il ne s'agissait pas de décisions d'entreprises ou d'accords entre plusieurs entreprises, mais plutôt d'accords conclus par chacun des fabricants avec chacun de ses clients. De tels accords ne seraient évidemment pas sujets à notification.
54. La Commission expose, au n° 110 de la décision, qu'elle ne pouvait appliquer l'article 85, paragraphe 3, du Traité aux mesures prises en matière de distribution relevant de la période allant du 13 mars 1962 au 1er décembre 1975 (décrites aux n° 19 à 57 de la décision), étant donné qu'elles ne lui avaient pas été notifiées conformément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17-62 alors qu'elles n'entraient dans aucune des catégories d'accords et décisions dispensés de notification en vertu du deuxième paragraphe de cet article.
55. Il y a lieu d'observer, qu'en édictant les mesures concernées, Fedetab agissait effectivement au nom de ses membres, c'est-à-dire la majorité des fabricants belges et un fabricant luxembourgeois (la requérante HVL) de tabacs manufacturés. Cela ressort, d'une façon particulièrement claire, de l'article 8, paragraphe 2, des statuts de Fedetab selon lequel pour être admis comme membre de Fedetab, il faut adhérer aux statuts de celle-ci et à toutes les décisions prises en vertu desdits statuts et remplir les obligations qui y sont stipulées. Ces fabricants participaient ainsi aux dites mesures par le truchement de leur association professionnelle. Cette constatation se trouve renforcée par diverses affirmations de Fedetab elle-même. En effet, par lettre du 26 janvier 1971 adressée à la Commission en réponse à une demande de renseignements, Fedetab a donné un compte-rendu de sa politique et de la pratique en matière de distribution des produits du tabac manufacturés en Belgique. A la page 2, au point b, de cette lettre, se référant au caractère libre du système de distribution, Fedetab ajoute : " la seule restriction - convenue uniquement entre les membres de Fedetab et qui ne lie pas les fabricants étrangers - est de réserver les conditions de gros aux grossistes " reconnus " en raison des services particuliers qu'ils rendent à l'industrie ". Il ressort en outre du texte même de la convention du 22 mai 1967 en matière de bradage (annexe II à ladite lettre) que celle-ci a été conclue entre la FNCG et Fedetab agissant au nom de leurs membres respectifs. La participation réelle de ces membres au contenu de la convention est clairement exposée par l'article 1er qui dispose :
" les grossistes de la Belgique représentés par la soussignée de première part (FNCG) s'engagent tant entre eux qu'envers les fabricants de cigarettes, représentés par la soussignée de la seconde part (Fedetab), à vendre les produits manufacturés du tabac achetés par eux aux prix indiqués par les fournisseurs, sans aucune remise ... ".
56. Il résulte de ces considérations que les mesures en cause ne relevaient pas de l'article 4, paragraphe 2, du règlement n° 17-62, étant donné qu'y participaient des fabricants ressortissant de deux Etats membres, à savoir de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg, et plus de deux entreprises, à savoir à tout le moins les requérantes. Ces mesures n'étant pas dispensées de notification, le présent moyen doit donc être rejeté.
Huitième moyen : refus de considérer la lettre de Fedetab du 26 janvier 1971 comme notification
57. Selon ce moyen, invoqué par Fedetab et par toutes les autres requérantes, sauf Jubilé et Vander Elst, la Commission aurait, à tort, refusé de considérer comme une notification valable des mesures pratiquées en matière de distribution des produits du tabac manufacturés la lettre susvisée de Fedetab du 26 janvier 1971, alors que cette lettre, y compris ses annexes, aurait porté à la connaissance de la Commission les mesures par la suite incriminées par celle-ci et aurait exposé les motifs pour lesquels ces mesures soit ne tombaient pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du Traité, soit, en tout cas étaient favorables à l'organisation du marché.
58. Dans la décision (n° 111), la Commission relève notamment que cette lettre, adressée à la Commission en réponse à une demande formelle de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17-62, ne contient aucune demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du Traité et ne se réfère pas à l'application des articles 4 et 5 du règlement n° 17-62. De plus, Fedetab n'aurait pas utilisé à cette occasion les formulaires de notification prescrits par le règlement n° 27 de la Commission (JO n° 35 du 10 mai 1962, p. 1118/62).
59. Dans le mémoire en défense, la Commission relève également que dans la première communication des griefs du 18 juillet 1975 elle avait indiqué que les mesures concernées ne pouvaient pas être exemptées aussi longtemps qu'elles n'étaient pas notifiées.
60. Dans sa réponse du 22 septembre 1975, à la première communication des griefs, Fedetab a exposé qu'à ses yeux la lettre du 26 juin 1971 pouvait être considérée comme une notification valable.
61. La forme, la teneur et les autres modalités des notifications prévues notamment à l'article 4 du règlement n° 17-62 sont réglées par l'article 4 du règlement n° 27-62 tel que modifié par l'article unique du règlement n° 1133-68 de la Commission du 26 juillet 1968 (JO n° L 189, p. 1). Il résulte des termes mêmes de cette disposition que les notifications doivent être présentées au moyen d'un formulaire A/B reproduit en annexe du règlement n° 1133-68 et qu'elles doivent contenir les renseignements demandés dans ledit formulaire.
62. L'utilisation du formulaire est donc obligatoire et constitue une condition préalable indispensable à la validité de la notification. Cette condition tient compte de la nécessité, exprimée à l'article 87, paragraphe 2 b), du Traité, dans le cadre des modalités d'application de l'article 85, paragraphe 3, d'assurer une surveillance efficace et de simplifier dans toute la mesure du possible le contrôle administratif. Le cas d'espèce fournit un exemple frappant de la confusion et des malentendus auxquels pouvait donner lieu une notification par un moyen autre que le formulaire prescrit. En effet, ce n'est que dans sa réponse du 22 septembre 1975 à la première communication des griefs que Fedetab a affirmé pour la première fois que la lettre du 26 janvier 1971 constituait une notification.
63. Pour les raisons exposées ci-dessus, il y a donc lieu de rejeter le présent moyen.
Neuvième moyen : réponse insuffisante aux arguments concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du Traité
64. Selon ce moyen invoqué par Fedetab et par toutes les autres requérantes, sauf Jubilé et Vander Elst, la Commission, au lieu de prendre en considération dans sa décision chacun des arguments de Fedetab au sujet de l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, aux dispositions de la recommandation, n'aurait examiné que quelques-uns de ces arguments, cela en violation de l'obligation de motiver sa décision qui lui est imposée par l'article 190 du Traité.
65. Il ressort de la décision que la Commission, après avoir rappelé (n° 114 à 117) certains arguments des parties, a exposé (n° 118 à 132) son appréciation de la recommandation au regard de l'application de l'article 85, paragraphe 3. Cette appréciation, si elle contient des éléments de réponse audits arguments, constitue, non une réfutation détaillée de ceux-ci, mais un développement autonome exposant, en termes généraux, les motifs pour lesquels l'octroi d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, était exclu en l'espèce.
66. Si, en vertu de l'article 190 du Traité, la Commission est tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision, il n'est pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative. Le présent moyen, fondé précisément sur l'hypothèse d'une telle exigence, doit donc être rejeté.
Dixième moyen : la Commission aurait pris en considération des griefs non communiqués
67. Ce moyen, invoqué par toutes les requérantes, reproche à la Commission d'avoir violé les dispositions des articles 19, paragraphe 1, du règlement n° 17-62 et 4 du règlement n° 99-63 en ce qu'elle aurait omis de donner aux requérantes l'occasion d'exprimer leur point de vue au sujet de certains griefs retenus par elle dans la décision attaquée. Dans la seconde communication des griefs, la Commission aurait refusé de faire bénéficier la recommandation de l'exemption de l'article 85, paragraphe 3, par la seule considération qu'elle ne réunirait pas la première des quatre conditions prévues par cet article, à savoir l'amélioration de la production ou de la distribution des produits ou la promotion du progrès technique ou économique. Les requérantes ne se seraient, dès lors, expliquées que sur cette seule condition. Or, la décision attaquée refuserait le bénéfice de l'exemption au motif également que les trois autres conditions de l'article 85, paragraphe 3, ne seraient pas réunies. Les requérantes auraient donc été privées de la possibilité de donner leur point de vue sur l'existence de ces conditions.
68. Ainsi que la Cour l'a dit dans son arrêt du 15 juillet 1970 dans l'affaire 41-69 ACF Chemiefarma/Commission (recueil 1970, p. 661, à la page 693, attendus 91 à 93), la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs. En effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter tant en fait qu'en droit son argumentation à l'appui des griefs qu'elle retient. Cette dernière possibilité n'est pas en contradiction avec le principe des droits de la défense sanctionnés par l'article 4 du règlement n° 99-63.
69. Dans le cas d'espèce, il ressort d'un examen de la seconde communication des griefs que le refus de l'octroi de l'exemption de l'article 85, paragraphe 3, du Traité est basé exclusivement sur la constatation que la première condition dudit paragraphe ne serait pas remplie. Dans la décision, après l'exposé d'une motivation détaillée (n° 113 à 131), ce grief est retenu au n° 132.
70. Par contre, il y a lieu de remarquer qu'il est effectivement fait état de deux autres griefs dans la décision. En effet, au n° 132 il est ajouté que la recommandation n'est pas susceptible de réserver aux utilisateurs une part équitable du profit qu'elle pourrait éventuellement entraîner. De plus, au n° 133, il est dit que, compte tenu de la part du marché détenue par Fedetab, les accords donnent aux entreprises visées la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.
71. La Commission fait observer en premier lieu que les requérantes s'étaient déjà largement expliquées au sujet des quatre conditions de l'article 85, paragraphe 3, au cours de la procédure administrative, et notamment lors de la notification de la recommandation. Quant à la deuxième condition (réservation aux utilisateurs d'une part équitable du profit), celle-ci aurait été mentionnée dans la première communication des griefs. De plus, la Commission aurait résumé dans sa décision les déclarations des requérantes au sujet de cette condition (notamment aux n° 114 à 117) et aurait également répondu à certains de leurs arguments (aux n° 119, 121, 122, 125, 126 et 131).
72. Les affirmations de la Commission étant exactes, la Cour est amenée à constater que, compte tenu du fait que les deux communications des griefs doivent être considérées dans leur ensemble et que la seconde condition est mentionnée dans la première communication, le grief retenu à son sujet au n° 131 de la décision ne saurait constituer une infraction à l'article 4 du règlement n° 99-63.
73. Pour ce qui est de la mention, au n° 133 de la décision, de la quatrième condition de l'article 85, paragraphe 3 du Traité, la Commission fait valoir qu'il ne s'agit que d'un complément à son argumentation en droit à l'appui du refus d'octroyer l'exemption, son argumentation principale concernant la première condition.
74. Il est constant qu'aucun grief relatif à la quatrième condition n'a été retenu expressément dans les deux communications des griefs dans le cadre de la question de l'applicabilité des dispositions de l'article 85, paragraphe 3. Etant donné cependant que la question de savoir dans quelle mesure la recommandation donne aux requérantes la possibilité d'éliminer la concurrence, constitue le fond même de la deuxième communication des griefs, sur laquelle les requérantes ont donné leur point de vue, son introduction, dans la partie de la décision relative à l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 3, à la recommandation, ne saurait constituer une violation des droits de la défense contraire à l'article 4 du règlement n° 99-63. Pour cette raison il y a lieu de rejeter le présent moyen.
Onzième moyen : appréciation erronée de la recommandation par rapport aux mesures antérieures
75. Les requérantes Jubilé et Vander Elst reprochent à la Commission d'avoir violé les dispositions des articles 85 et 190 du Traité, en ce qu'elle aurait de façon erronée considéré la recommandation du 1er décembre 1975 comme la prolongation des mesures prises avant cette date et n'aurait pas correctement apprécié la recommandation pour cette raison. En effet, une comparaison des restrictions à la concurrence qui, selon la Commission, seraient issues des anciens accords, avec la teneur de la recommandation, montrerait qu'il s'agit de deux situations de fait tout à fait différentes entraînant donc des effets différents sur le jeu de la concurrence. Cette erreur sur les circonstances de fait aurait conduit la Commission à motiver les prétendus effets restrictifs du jeu de la concurrence découlant de la recommandation par les effets des anciens accords.
76. A cet égard, il convient d'observer en premier lieu que la recommandation et les mesures antérieures à celle-ci sont traitées de façon séparée dans la décision tant sur le plan des faits que sur celui de l'appréciation juridique. Pour ce qui est des faits, il est dit au n° 60 de la décision, que la recommandation " ... est destinée à remplacer les mesures décrites au point I c) ci-avant (à savoir les mesures antérieures) ", ce qui constitue une simple constatation de fait qui ne se prête à aucune contestation. Le dispositif maintient la distinction entre les deux séries de mesures en leur consacrant deux articles séparés, à savoir : l'article 1er pour les mesures antérieures ; l'article 2 pour la recommandation.
77. Ainsi que la Cour l'a dit dans son arrêt du 16 décembre 1975 dans les affaires jointes 40 à 48, 50, 54 à 56, 111, 113 et 114-73 Suiker Unie et autres/Commission (recueil 1975, p. 1663 à p. 1930, att. 111), rien n'interdit à la Commission de statuer par une décision unique sur plusieurs infractions, à condition que la décision permette à tout destinataire de dégager avec précision les griefs retenus à son égard. Or, en raison de sa structure, la décision permet de faire, d'une façon claire, la distinction entre les différentes mesures, même s'il est vrai que dans l'appréciation juridique de la recommandation il est, à divers endroits, attribué à celle-ci des objets ou des effets semblables ou identiques à ceux qui caractériseraient certaines mesures anciennes.
78. Il en résulte que la Commission n'a pas violé les dispositions de l'article 190 du Traité par insuffisance ou défaut de motivation. Pour ce qui est des diverses inexactitudes sur le plan des faits invoqués par les requérantes et des erreurs de droit qui en découleraient, il convient de les considérer dans le cadre de l'examen des moyens de fond.
III - SUR LES SIX PREMIERS MOYENS ET LE DIXIEME MOYEN PAR RAPPORT A L'ARTICLE 6 DE LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME
79. Dans son mémoire en réplique, Fedetab soutient que le comportement de la Commission qui fait l'objet des sept moyens susvisés constitue également une violation de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l'homme aux termes duquel quiconque a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Se prévalant de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme (notamment son arrêt König du 31 mai 1978, séries a, n° 27, p. 30, par. 90), Fedetab fait valoir que les droits délimités par les articles 85 et suivants du Traité en matière de concurrence et par le règlement d'application seraient des droits de caractère civil au sens des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, de la convention.
80. La Commission répond en faisant remarquer qu'elle ne constitue pas un tribunal au sens desdites dispositions, lorsqu'elle applique les règles de concurrence du Traité. Relevant qu'un des critères de l'existence d'un tribunal dégagés par la Cour Européenne des Droits de l'Homme est son indépendance du pouvoir exécutif (voir arrêt Ringeisen, séries a n° 13, p. 39, par. 94), la Commission fait observer que, étant précisément investie du pouvoir exécutif communautaire, il serait pour le moins douteux que, faute d'indépendance à l'égard de ce même pouvoir, elle puisse constituer un tribunal au sens susvisé.
81. L'argumentation de Fedetab manque de pertinence. En effet, la Commission, tout en étant tenue de respecter les garanties procédurales prévues par le droit communautaire- garanties qui ont été respectées, ainsi qu'il résulte de ce qui précède - ne saurait être qualifiée, pour autant, de " tribunal " au sens de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.
IV - MOYEN CONCERNANT UN PRINCIPE GENERAL DE DROIT
82. Toutes les requérantes, sauf Jubilé et Vander Elst, reprochent à la Commission d'avoir violé un principe général de droit, à savoir celui de l'égalité des entreprises publiques et privées au regard des dispositions du Traité. En effet, la Commission aurait condamné les pratiques des requérantes en matière de distribution en même temps qu'elle tolérerait des restrictions de concurrence incontestables en France et en Italie, pays à monopole d'Etat pour les produits du tabac.
83. A l'appui de cette thèse Fedetab a fait notamment valoir que l'ouverture des marchés français et italiens serait entravée par de nombreux et importants obstacles d'ordre légal et administratif qu'elle énumère dans sa requête introductive d'instance. Répondant dans son mémoire en réplique aux explications de la Commission, qui portent notamment sur les procédures que celle-ci aurait engagées en vue de l'aménagement de ces monopoles, Fedetab déclare s'en tenir à la conviction que la Commission n'aurait pas respecté les limites de son pouvoir discrétionnaire que lui imposerait le principe d'égalité des entreprises devant le Traité.
84. Cet argument doit être rejeté. En effet, il apparaît du dossier que diverses actions ont été engagées par la Commission à l'égard des Etats membres mentionnés plus haut, de sorte que ledit argument n'est pas exact en fait. En tout état de cause, même à supposer que la Commission eut manqué à certaines de ses obligations découlant de l'article 155 du Traité en omettant de veiller à l'application du droit communautaire en matière de concurrence et d'aménagement des monopoles d'Etat dans le secteur des tabacs manufacturés, cette circonstance ne saurait justifier des infractions éventuelles au droit communautaire de la concurrence commises en l'espèce par les requérantes dans le même secteur.
V - MOYENS DE FOND RELATIFS A L'ARTICLE 85, PARAGRAPHE 1, DU TRAITE
A - Appréciation erronée de la nature et de la portée de la recommandation
85. Jubilé et Vander Elst soutiennent que la Commission aurait violé les articles 85 et 190 du Traité, en ce qu'elle aurait à tort considéré la recommandation comme ayant constitué un accord entre entreprises ou une décision d'association d'entreprises ou comme ayant créé des obligations pour les requérantes. Pour constituer un tel accord, la recommandation aurait dû comporter les éléments constitutifs d'un contrat obligatoire au titre du droit national. Or, en l'espèce, il ne s'agirait pas d'un tel contrat, étant donné que l'effet obligatoire ferait défaut.
86. Cet argument ne saurait être retenu. En effet, dans le cas d'espèce, les requérantes membres de Fedetab ont fait savoir à la Commission qu'elles faisaient leur la notification de la recommandation et, au cours de la procédure devant la Cour, elles ont admis s'y être conformées depuis le 1er décembre 1975. Il en résulte que la recommandation constitue l'expression fidèle de la volonté des requérantes de se comporter sur le marché belge des cigarettes conformément aux termes de la recommandation. Les conditions nécessaires pour l'application de l'article 85, paragraphe 1, sont dès lors réunies.
87. Certaines requérantes, ainsi que la partie intervenante AGROTAB, reprochent en outre à la Commission d'avoir désigné à tort la recommandation comme une décision d'association d'entreprises au sens de l'article 85, paragraphe 1. La recommandation aurait été émise par Fedetab, association sans but lucratif qui, en tant que telle, ne participerait pas à la vie économique.
88. Cette thèse ne saurait non plus être retenue. D'une part, ainsi qu'il ressort de l'article 8 des statuts de Fedetab, les décisions prises par celle-ci sont obligatoires pour ses membres. D'autre part, l'article 85, paragraphe 1, s'applique également aux associations dans la mesure ou leur activité propre ou celle des entreprises qui y adhérent tend à produire les effets qu'il vise à réprimer. Etant donné que plusieurs fabricants ont déclaré expressément se conformer aux dispositions de la recommandation, celle-ci ne saurait échapper à l'article 85 du Traité du seul fait qu'elle a été émise par une association sans but lucratif.
89. Il n'est pas non plus possible d'accepter la thèse selon laquelle la recommandation n'aurait pas d'effet obligatoire et que ce serait à tort qu'au n° 61 de la décision attaquée il est fait mention d'une réelle obligation pour toutes les entreprises du secteur en cause. En effet, outre le fait qu'en vertu de l'article 8 des statuts de Fedetab les dispositions de la recommandation sont obligatoires pour les membres de celle-ci, il y a lieu de relever également que l'acceptation de la recommandation par sept entreprises, requérantes dans les présentes affaires, qui contrôlent une partie substantielle du total des ventes de cigarettes en Belgique exerce une influence profonde sur le jeu de la concurrence sur le marché en cause.
B - Appréciation erronée alléguée par la requérante HVL
90. La requérante HVL, fabricant Luxembourgeois de cigarettes, se plaint de ce qu'il y aurait, à son égard, violation des articles 85 et 190 du Traité, en ce que la Commission aurait à tort estimé que HVL se serait concertée avec les autres participants au sujet des mesures antérieures au 1er décembre 1975. A cet égard, la requérante fait remarquer qu'en ce qui concerne la période antérieure au 1er décembre, elle n'aurait signé aucune des conventions visées à la décision, sauf la lettre du 23 décembre 1971 établissant des délais maxima de paiement. Il s'ensuivrait que seules les mesures visées dans cette lettre pourraient lui être reprochées. Elle se serait alignée, en raison des pressions du marché belge, sur le comportement des autres fabricants et importateurs belges, sans que pour cela l'on puisse présumer l'existence d'une entente ou d'une pratique concertée.
91. Cette thèse ne saurait être retenue. En effet, la requérante est membre de Fedetab depuis 1947 et en vertu de l'article 8 des statuts de celle-ci, elle a dû adhérer notamment à toutes les décisions prises en vertu desdits statuts. De plus, ainsi qu'il l'a déjà été constaté à propos des mesures antérieures, Fedetab agissait effectivement au nom de ses membres, qui participaient à l'adoption et au respect desdites mesures par le truchement de leur association professionnelle.
C - Moyens portant sur l'atteinte à la concurrence
92. Les requérantes font valoir en outre en substance que, par sa décision, la Commission aurait violé l'article 85, paragraphe 1, du Traité, en ce qu'elle aurait estimé à tort que les mesures incriminées auraient pour objet ou pour effet de restreindre, à tout le moins de manière sensible, le jeu de la concurrence.
1. Remarques introductives
93. Pour mieux apprécier l'argumentation des requérantes il convient en premier lieu de rappeler la nature et la portée des mesures incriminées en vue de leur examen dans la perspective de l'article 85 du Traité.
a) Rappel du contenu des mesures incriminées
i) La période antérieure au 1er décembre 1975
94. Ainsi qu'il a déjà été exposé, la Commission énumère à l'article 1er de la décision les mesures qu'elle condamne comme constitutives d'infractions à l'article 85, paragraphe 1, pour la période antérieure au 1er décembre 1975.
95. Il s'agit en premier lieu de l'octroi par Fedetab de son agrément aux grossistes et aux détaillants, du classement de ceux-ci en différentes catégories, suivant une classification établie par le comité belge de distribution et l'attribution à ces catégories de marges fixes différentes, à savoir, pour l'essentiel, une ristourne directe représentant la marge maximale admise par le ministère belge des affaires économiques dans le cadre de son système de notification des hausses de prix. Cette ristourne était conservée, selon la Commission, par les seules coopératives et grandes surfaces, qui joueraient également le rôle de détaillants, les grossistes proprement dits devant en céder une partie aux détaillants auxquels ils revendaient leurs produits. Les détaillants, au nombre de 80 000 en Belgique, étaient répartis, d'après la Commission, aux termes d'un accord conclu le 29 décembre 1970 entre Fedetab et la FNCG, en " détaillants agréés " (au nombre d'environ 2 000) et en " détaillants non agréés " , ces derniers recevant du grossiste une fraction de la ristourne moins élevée que celle concédée aux détaillants agréés.
96. La Commission signale ensuite une série de mesures prises par Fedetab et la FNCG en matière de prix de revente. Elle attire l'attention notamment sur une convention du 22 mai 1967 conclue entre Fedetab et la FNCG aux termes de laquelle les grossistes se seraient engagés à revendre les produits manufacturés du tabac aux prix indiqués par les fournisseurs sans aucune remise ou avantage autres que la marge du détaillant. En vertu de la même convention, les grossistes exploitant les magasins de détail se seraient engagés à revendre les cigarettes au prix de détail indiqué sur la bandelette fiscale, sans aucune remise au consommateur. Par la signature d'un accord-type qui leur aurait été soumis par Fedetab, les détaillants agréés auraient souscrit à un engagement semblable. Par avenant interprétatif à la convention susvisée, daté du 5 octobre 1967, Fedetab et la FNCG auraient précisé que les grossistes exploitant des magasins de détail étaient censés s'être engagés à refuser de livrer aux détaillants que ne respectaient pas le prix figurant sur la bandelette fiscale. Par nouvel avenant interprétatif du 29 décembre 1970, signé par Fedetab et la FNCG, celles-ci se seraient engagées à exercer un contrôle systématique et strict sur l'exécution des conventions. Par accord-type dénommé " accord particulier en matière de bradage " que Fedetab aurait soumis le 30 juin 1972 (date normale d'expiration de la convention du 22 mai 1967) aux grossistes, ceux-ci auraient reconnu avoir pris connaissance de ladite convention ainsi que de l'avenant du 29 décembre 1970 et de l'avenant du 22 mars 1972 (voir ci-dessous) et se seraient engagés pour la période allant du 1er juillet 1972 au 30 juin 1977, à revendre les produits manufacturés du tabac aux prix indiqués par les fournisseurs sans aucun rabais ou avantage.
97. La Commission se réfère également au refus opéré par Fedetab depuis le 1er janvier 1971 d'agréer de nouveaux grossistes, sauf dans les catégories " itinérants spécialisés " ou " hotels-restaurants-cafés ", ou de nouvelles coopératives ou grandes surfaces, sauf dans les catégories " grands magasins et magasins populaires à rayons multiples ". Les candidats à l'admission dans ces catégories devaient s'engager notamment à respecter les prix imposés, régler leurs achats au comptant et participer à la promotion de toute nouvelle marque.
98. La Commission renvoie en outre à un avenant interprétatif du 22 mars 1972 par lequel la FNCG, se référant à l'avenant interprétatif du 29 décembre 1970, a informé ses membres qu'étaient désormais interdites des reventes, d'une part, aux grossistes en alimentation et autres non directement approvisionnés par les fabricants dans le cas de produits destinés à être revendus aux détaillants, et, d'autre part, aux grossistes dits " contingentés " par les fabricants. Le non-respect de cette interdiction entraînerait la suppression de fournitures. Cet avenant était renforcé, selon la Commission, par les termes d'un accord-type, signé par presque tous les grossistes suite à une invitation que Fedetab leur aurait adressée le 30 juin 1972, et aux termes duquel les grossistes se seraient engagés à respecter notamment l'interdiction de revente susvisée. La sanction du non-respect de ces engagements était, d'après la Commission, la perte des remises de fin d'année et la perte des conditions de gros.
99. Des mesures collectives prises par les membres de Fedetab en matière de délais de paiement font également l'objet d'un grief soulevé par la Commission à l'encontre des requérantes. En effet, par lettre du 23 décembre 1971, rédigée sur papier à en-tête de Fedetab, neuf fabricants, membres de celle-ci, auraient informé tous les bénéficiaires des conditions de gros que les délais de paiement allaient être réduits à un maximum de quinze jours et que les fabricants suspendraient les livraisons en cas de non-respect des délais. D'après la Commission, ces mesures ont été appliquées jusqu'à l'entrée en vigueur de la recommandation le 1er décembre 1975.
100. La Commission fait enfin grief aux requérantes d'avoir imposé à certaines catégories de détaillants, à savoir les " grands magasins à rayons multiples " , et les " magasins populaires à rayons multiples ", l'obligation d'offrir un assortiment minimal décidé par Fedetab et d'avoir fait assurer le respect de cette obligation par diverses mesures collectives, dont notamment l'interruption des livraisons de cigarettes à GB en mars 1972.
101. Il y a lieu de remarquer que les requérantes ne contestent pas l'exactitude, en substance, des faits allégués par la Commission, sauf à affirmer que les mesures relatives aux prix imposés seraient devenues caduques en août 1974 et que celles relatives à l'interdiction de revente n'auraient eu aucune suite et auraient en tout cas pris fin le 1er juillet 1973.
ii) La recommandation Fedetab du 1er décembre 1975
102. Cette recommandation, qui a remplacé les mesures antérieures et qui a été notifiée par Fedetab à la Commission le 1er décembre 1975, ne concerne que le sous-secteur des cigarettes. Il est constant que les autres requérantes ont informé la Commission qu'elles avaient l'intention de se conformer à la recommandation et qu'elles faisaient leur la notification. D'après la motivation de la décision de la Commission, les entreprises regroupées au sein de Fedetab exerceraient une grande influence sur les autres fabricants et importateurs ainsi que sur les grossistes et détaillants. La recommandation constituerait, dès lors, une réelle obligation pour toutes les entreprises du secteur. Elle constituerait une décision d'association d'entreprises et un accord entre celles-ci qui aurait pour objet et pour effet de restreindre de façon sensible le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun entre les fabricants et, subsidiairement, entre les grossistes. De plus, elle ne satisferait pas aux conditions d'application de l'article 85, paragraphe 3, du Traité, en ce qu'elle n'entraînerait pas d'améliorations de la distribution suffisantes pour contrebalancer les effets restrictifs de concurrence qu'elle provoquerait et qu'elle ne serait pas susceptible de réserver aux utilisateurs une part équitable du profit qu'elle pourrait éventuellement entraîner.
103. Dans le cadre de la recommandation, l'organisation de la distribution des cigarettes en Belgique est axée sur les trois principes suivants :
- la répartition des grossistes et des détaillants en catégories et la fixation, tant au niveau du commerce en gros qu'à celui du commerce de détail, des remises maximales différenciées à accorder sur facture aux clients et les critères minimaux (degré de spécialisation en produits du tabac, volume de ventes, nombre de marques offertes et nombre de points de vente desservis) à satisfaire par ceux-ci pour en bénéficier ;
- l'octroi par Fedetab au grossiste ou au détaillant d'une ristourne de fin d'année, calculée en fonction de ses achats de cigarettes de toutes marques réalisés au cours de l'année, auprès de tout fabricant, membre ou non de Fedetab, belge ou étranger ;
- le principe du paiement au comptant, avec la possibilité d'accorder, à titre exceptionnel, un délai maximum de 15 jours à compter de la date de la facture.
104. Il ressort de cette analyse que les diverses mesures prises antérieurement au 1er décembre 1975 et celles contenues dans la recommandation, même si elles diffèrent à certains égards, ont pour l'essentiel des objets similaires concernant les marges bénéficiaires des grossistes et des détaillants (ci-après " marges du négoce "), les ristournes de fin d'année et les délais de paiement.
105. Aux fins de l'examen de la question de savoir si les mesures incriminées ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, il convient donc de considérer d'abord, et de façon séparée, pour l'ensemble des deux périodes, les mesures portant sur les marges du négoce, la ristourne de fin d'année et les délais de paiement.
2. Les mesures portant sur les marges du négoce, la ristourne de fin d'année et les délais maxima de paiement
a) Les marges du négoce
106. Ainsi qu'il ressort de l'exposé des mesures incriminées, celles-ci sont notamment caractérisées par l'accord des fabricants des produits manufacturés du tabac sur le classement du négoce tant au niveau du commerce en gros qu'à celui du détail, et sur les marges correspondant à ce classement. Ce système a été modifié, en vertu de la recommandation Fedetab du 1er décembre 1975, en ce sens seulement que celle-ci prend en considération, ainsi que la Commission l'a relevé au n° 97 de la décision attaquée trois nouveaux critères pour établir le montant des diverses marges, à savoir le volume annuel des ventes, le nombre de marques offertes et le nombre des points de vente desservis. De plus, le régime instauré par la recommandation se limite au seul sous-secteur des cigarettes alors que les mesures en vigueur antérieurement à celle-ci s'appliquaient à l'ensemble des produits manufacturés du tabac.
107. La Commission constate, aux articles 1er et 2 de la décision, que le classement des grossistes et détaillants belges en catégories et l'attribution à ces dernières de marges différentes constitue une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du Traité. Elle motive cette constatation en faisant notamment valoir, (n° 81 et 97), que ce système constitue une restriction de la concurrence aussi bien pour les fabricants que pour les grossistes. En effet, il priverait les fabricants de la possibilité de se faire concurrence dans le domaine des marges bénéficiaires et les grossistes dans celui des services qu'ils rendent aux producteurs. Tant dans le système antérieur au 1er décembre 1975 que dans celui instauré par la recommandation de cette date, il ne serait pas tenu compte des services, autres que ceux entrant en ligne de compte pour le classement, que peuvent rendre individuellement les intermédiaires.
108. Au cours de la procédure devant la Cour, la Commission a souligné que le fond des mesures en cause serait constitué par la concertation horizontale des requérantes au sujet des marges et autres avantages pécuniaires que les fabricants et importateurs octroient aux négociants. Pour la Commission, l'uniformisation de ces marges et avantages serait le strict équivalent d'une entente de prix entre producteurs et importateurs réglementant le prix à payer pour le service des intermédiaires. Ce système constituerait une grave infraction au régime concurrentiel voulu par le Traité.
109. Dans cette perspective, il convient d'examiner si les mesures incriminées, pour autant qu'elles portent sur les marges du négoce et sur les autres avantages pécuniaires, ont pour objet ou pour effet, contrairement à l'article 85, paragraphe 1, du Traité, d'empêcher, de restreindre ou de fausser de manière sensible le jeu de la concurrence dans le secteur des produits en cause à l'intérieur du marché commun.
110. A première vue, il apparaît du contenu même des mesures incriminées que celles-ci ont notamment pour objet d'exclure la possibilité pour les fabricants et les importateurs de négocier avec les grossistes des marges individuelles et des avantages plus favorables selon la situation du marché. Ceci est confirmé par le fait que les requérantes ont admis s'être conformées au régime en matière de marges, établi tant par la recommandation que par les mesures en vigueur antérieurement à celle-ci.
111. Les requérantes soutiennent cependant que diverses réglementations et pratiques administratives nationales applicables en Belgique dans le secteur des produits manufacturés du tabac ont une incidence si décisive sur le comportement des fabricants et importateurs belges de ces produits, tant pour les marges et autres avantages pécuniaires à consentir au négoce que pour les prix de vente aux consommateurs, que les mesures incriminées ne pourraient avoir pour objet ou pour effet de restreindre, à tout le moins de manière sensible, le jeu de la concurrence.
112. Il résulte des considérations précédentes qu'il convient d'examiner la nature et la portée desdites réglementations et pratiques administratives belges et d'apprécier leurs effets éventuels sur la concurrence.
i) Les réglementations et pratiques administratives belges
- La réglementation fiscale belge en matière des droits d'accise sur les tabacs
113. Il ressort du dossier que les produits manufacturés du tabac, et notamment les cigarettes, sont soumis en Belgique à un régime fiscal caractérisé par l'application d'un droit d'accise " ad valorem " calculé sur le prix de vente au détail " TVA comprise " (ci-après dénommé en abrégé le " PVD "). Le montant cumulé de ces deux impositions doit être acquitté par le fabricant ou par l'importateur lors de l'achat des bandelettes fiscales apposées sur les divers produits du tabac avant leur commercialisation, qu'ils soient fabriqués en Belgique ou importés dans ce pays, et qui indiquent le PVD pris en considération pour le calcul des charges fiscales dues.
114. Lors de la vente au niveau du détail, les revendeurs doivent, en vertu du droit belge, respecter strictement les prix indiqués sur les bandelettes. Cette obligation découle de l'article 58 de la loi belge du 3 juillet 1969 créant le code de la TVA, qui dispose notamment qu'en ce qui concerne lesdits produits, cette taxe est calculée sur la base du prix inscrit sur la bandelette fiscale, qui doit être le prix imposé de vente au consommateur. Il s'ensuit qu'à partir du 1er janvier 1971, date d'entrée en vigueur des dispositions de l'article 58, le PVD choisi par le fabricant ou par l'importateur devient automatiquement le prix imposé de vente au consommateur.
115. Il est constant que, pendant toute la durée d'application des mesures litigieuses, et en tout cas à partir du 13 mars 1962, date d'entrée en vigueur du règlement n° 17 du conseil du 6 février 1962, les produits manufacturés du tabac ont été et sont toujours frappés d'un droit d'accise proportionnel élevé.
116. En effet, il ressort du dossier que la proportion du PVD constituée par la charge fiscale se décompose comme suit : un droit d'accise spécifique s'élevant à un montant déterminé en FB par pièce ; un droit d'accise proportionnel s'élevant à un pourcentage déterminé du PVD ; un droit de TVA calculé sur la valeur des éléments non fiscaux du PVD et sur l'accise totale. Or, cette accise est presque exclusivement proportionnelle, le rapport entre le droit d'accise spécifique et le droit d'accise proportionnel étant de 5 à 95. Il ressort d'un tableau chiffré fourni par la Commission dans son mémoire en duplique, et dont l'exactitude n'a pas été contestée par les requérantes, que, au 1er janvier 1979, les accises constituaient 65,65 % et la TVA 5,66 % d'un paquet de 25 cigarettes dans la catégorie de prix des cigarettes les plus demandées en Belgique - 41 BFR - de sorte que la part des taxes contenues dans ce PVD était de 71,31 %. La décision de la Commission constate, au n° 11, que dans son ensemble, l'incidence fiscale sur le PVD est d'environ 70 % de ce prix. Il en résulte que la proportion non fiscale du PVD, composée, d'une part, de la quote-part du fabricant ou de l'importateur et, d'autre part, des marges commerciales, constitue à peu près 30 % du PVD.
117. Il convient de remarquer que le rapport de 5 à 95, entre le droit d'accise spécifique et le droit d'accise proportionnel est conforme à l'exigence minimum posée par la directive 72-464 du conseil du 19 décembre 1972 concernant les impôts autres que les taxes sur le chiffre d'affaires frappant la consommation des tabacs manufacturés (JO n° L 303, p. 1) telle que modifiée notamment par la directive 77-805 du conseil du 19 décembre 1977 (JO n° L 338, p. 22). Cette directive énonce le principe de l'harmonisation des structures nationales des accises en plusieurs étapes dans le cadre d'un système d'accises, à établir par chaque Etat membre, comportant un élément proportionnel calculé sur le PVD et un élément spécifique calculé par unité de produit. Ainsi qu'il ressort du préambule de la directive, cette harmonisation a notamment pour objet d'éliminer progressivement des régimes impôts frappant, dans les Etats membres, la consommation des tabacs, les facteurs susceptibles d'entraver la libre circulation de ces produits et de fausser les conditions de la concurrence, tant sur le plan national que sur le plan communautaire.
118. L'article 10 de la directive 72-464 et l'article 10 ter (5) de la directive 77-805 permettent, toutefois, aux Etats membres de percevoir sur les cigarettes une accise minimum dont le montant ne peut être supérieur à 90 % du montant cumulé de l'accise proportionnelle et de l'accise spécifique qu'ils perçoivent sur la classe des cigarettes la plus demandée. Il est constant que l'Etat belge utilise cette possibilité jusqu'au maximum permis.
- Les mesures de contrôle des prix en Belgique et la politique fiscale belge
119. L'arrêté ministériel du 22 décembre 1971 prévoit que les producteurs et importateurs sont tenus de faire connaître au ministère des affaires économiques, au plus tard trois mois avant son application, toute hausse de prix qu'ils se proposent d'appliquer sur le marché belge à tous les produits, matières, denrées ou marchandises et à toutes les prestations. Le ministre des affaires économiques peut signifier à l'entreprise déclarante, avant l'expiration du délai susvisé, que la hausse déclarée ne peut être appliquée en tout ou en partie pendant un délai maximum de six mois. A l'expiration du délai fixé par le ministre, l'entreprise peut appliquer la hausse telle que déclarée, mais elle doit notifier ses prix réellement pratiqués.
120. Il y a toutefois lieu de remarquer que si, dans le secteur des tabacs manufacturés, des notifications individuelles par des entreprises isolées sont possibles, il apparaît néanmoins qu'en pratique les négociations en matière de hausse de prix sont menées, dans la plupart des cas, par les associations professionnelles des différentes branches du secteur. Il apparaît en outre que, dans le cadre de ces négociations collectives, tous les éléments du PVD, y compris les différentes marges maximales du négoce, sont soumis à un examen minutieux, tant par le ministère des affaires économiques que par le ministère des finances, qui exerce une influence importante sur le montant de l'augmentation du PVD.
121. En effet, étant donné que les tabacs manufacturés constituent une source très importante de revenus fiscaux, le gouvernement veille à ce que les rentrées fiscales ne soient pas diminuées en raison d'une augmentation trop forte des PVD, qui pourrait provoquer une diminution de la consommation. Les requérantes ont cité, à titre d'exemple, certaines interventions gouvernementales qui ont eu pour effet d'empêcher une telle augmentation.
122. Au surplus, ainsi que le gouvernement belge l'a affirmé, en réponse à une question écrite posée par la Cour, il n'est pas permis, en vertu des dispositions législatives et réglementaires belges en matière de droit fiscal, au fabricant ou à l'importateur de mettre en vente simultanément des cigarettes de la même qualité, de la même marque, et présentées en nombre égal sous le même emballage, mais à des prix de bandelette différents. Le gouvernement belge fait remarquer que cette condition est conforme à l'article 4, paragraphe 1, de la directive 72-464 du conseil qui prévoit que l'accise proportionnelle est calculée sur le prix maximum de vente au détail. En effet, d'après le gouvernement belge, s'il devait exister plusieurs prix maxima pour un même produit, à une même époque, il s'ensuivrait que dans tous les cas sauf un - celui du prix plus élevé - l'accise aurait été perçue sur une base inférieure à la base légale.
ii) Appréciation des effets sur la concurrence provoqués par les réglementations et pratiques visées sous i)
123. Aux n° 4 à 18 de la décision la Commission a décrit les modalités de fixation des prix et de perception de l'impôt sur les produits manufacturés du tabac en Belgique et elle a fait état, au n° 36, de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1971, de l'article 58 du code belge de la TVA
124. La Commission considère, au n° 88 de la décision, que ce serait à tort que Fedetab et les entreprises en cause soutiennent que les mesures antérieures à la recommandation ne constitueraient pas des restrictions sensibles de la concurrence du fait qu'en raison de l'importance des taxes fiscales et du système de notification des augmentations des marges et des prix de revente pour les produits du tabac appliqués par l'Etat belge, celui-ci réduirait d'une manière considérable le champ d'activité possible de la concurrence dans ce secteur et pousserait de la sorte les entreprises qui y opèrent à une similitude de comportement. Elle ajoute que, si des dispositions nationales d'ordre législatif ou réglementaire ont éventuellement pour effet de restreindre la concurrence, les effets des restrictions d'ordre privé qui viennent s'y ajouter ne peuvent manquer d'être encore plus sensibles.
125. Au n° 105 de la décision, la Commission invoque le même raisonnement pour rejeter la thèse selon laquelle " les restrictions de concurrence contenues dans la recommandation ne seraient pas sensibles en raison de l'importance des interventions de l'Etat belge dans le secteur du tabac " .
126. Il est donc nécessaire de considérer en premier lieu si, contrairement à la thèse de la Commission, la réglementation belge et son application, telles que décrites plus haut, ont pour effet, soit d'exclure, ainsi que le soutiennent les requérantes, la possibilité pour les fabricants et les importateurs de se faire concurrence de manière sensible en matière des marges à consentir au négoce, soit de mettre sérieusement en doute l'existence d'une telle possibilité. En effet, dans chacun de ces deux cas, la Cour serait amenée à constater que la décision attaquée de la Commission n'aurait pas tenu correctement ou suffisamment compte de l'incidence de ladite réglementation et de son application par les autorités compétentes belges sur les possibilités concurrentielles de ces opérateurs.
127. A cet égard, il convient d'observer en premier lieu, ainsi que les parties sont d'accord pour l'admettre, que, dans un système d'accises essentiellement proportionnel, comme celui qui s'applique en Belgique, toute modification de la quote-part du fabricant ou de l'importateur comprise dans le PVD entraîne une variation plusieurs fois plus grande dans la charge fiscale et, partant, du PVD lui-même, dans le cas où ladite modification est aménagée de manière à se répercuter sur ce prix. Cet effet multiplicateur fonctionne, en principe, tant pour une modification à la hausse, que pour une modification à la baisse. Toutefois, dans ce dernier cas, l'incidence dégressive du multiplicateur, qui joue en faveur du consommateur, est limitée par l'accise minimum instaurée par l'Etat belge conformément aux directives 72-464 et 77-805 du Conseil, en raison du fait que cette accise est fixée à 90 % du montant cumulé de l'accise proportionnelle et de l'accise spécifique perçu par l'Etat belge sur la classe des cigarettes la plus demandée.
128. Il résulte de cet effet multiplicateur, combiné avec l'accise minimum pratiquée par l'Etat belge pour garantir ses revenus fiscaux, que tout effort concurrentiel en matière de marges, de la part du fabricant ou de l'importateur, qui se répercute sur le PVD, s'en trouve limité.
129. De plus, si, en principe, la réglementation belge en matière de taxes sur la consommation et de contrôle des prix n'empêche pas le fabricant ou l'importateur de choisir le PVD qu'il souhaite pour chacun de ses produits, cette liberté de choix est, sur le plan pratique, soumise à diverses contraintes. En effet, ainsi qu'il a déjà été indiqué, il semble que l'application pratique, dans le secteur des tabacs manufacturés, des mesures de contrôle des prix, auxquelles participent en particulier les autorités financières, favorise des négociations collectives avec les associations professionnelles représentant les différentes branches du secteur, même si ce régime n'exclut pas la possibilité pour des entreprises isolées de procéder à des notifications individuelles, particulièrement dans le cas de l'introduction d'une nouvelle marque. Or, dans le cadre de telles négociations, les autorités financières, dont le souci est surtout de garantir les revenus provenant de la taxation des produits en cause, exercent une influence importante sur la fixation des PVD. Il est également apparu au cours de la procédure que l'Etat belge est en mesure, en utilisant l'éventail des bandelettes fiscales, d'entraver la liberté des entreprises en matière du choix des PVD pour leurs produits.A cet égard, la requérante Bat a affirmé qu'après avoir introduit une nouvelle marque de cigarettes bon marché, elle s'est vue contrainte d'en augmenter le prix de 6 BFR le paquet pour pouvoir les mettre en vente à un prix correspondant à la bandelette la moins élevée offerte par l'administration, celle-ci ayant supprimé les bandelettes correspondant à des prix inférieurs.
130. Il résulte de l'ensemble des considérations développées ci-dessus que, dans le secteur des tabacs manufacturés, la réglementation belge en matière de taxes sur la consommation et de contrôle des prix, ainsi que son application dans le cadre de la politique fiscale poursuivie par état, a pour effet de rendre quasiment inexistante la possibilité pour les fabricants et les importateurs de se faire concurrence, dont l'effet se répercuterait sur le montant du PVD.
131. Par contre, il y a lieu de relever qu'il n'a nullement été établi que ladite réglementation ou son exécution, empêche le fabricant ou l'importateur d'accorder individuellement, sur la part qui leur revient à l'intérieur d'un PVD donné, une marge plus grande à certains grossistes. Or, en se concertant sur le niveau maximal des marges qu'elles octroient aux grossistes, les requérantes s'interdisent collectivement de se livrer à une telle concurrence et réduisent en même temps l'incitation pour ces intermédiaires à poursuivre une politique de vente qui avantagerait les produits du fabricant ou de l'importateur desquels ils obtiennent ou espèrent obtenir une marge plus favorable.
132. A cet égard, il y a lieu de relever que l'article 85, paragraphe 1, du Traité interdit toute restriction au jeu de la concurrence, à tout échelon du commerce entre le producteur et le consommateur ultime. C'est ainsi que l'article 85, paragraphe 1, parle à la lettre a) en termes généraux des " conditions de transaction ", à la lettre b) de " la production " ainsi que des " débouchés " et, à la lettre c), sans aucune distinction entre les stades respectifs du commerce, des "marchés" ou "sources" d'approvisionnement.
133. En outre, dans le cas d'espèce, même si la part du PVD attribuable au fisc est importante, il reste au producteur ou à l'importateur une marge suffisante pour permettre une concurrence effective et cela à propos de produits de consommation courante issus d'une fabrication de masse pour lesquels une réduction de prix très restreinte au niveau de la production ou de l'importation peut avoir un effet sensible au niveau de la consommation.
134. La concertation en matière de marges, que comporte tant la recommandation du 1er décembre 1975 que les mesures prises antérieurement à celle-ci, et qui résulte d'une entente entre la plupart des producteurs et des importateurs de produits de grande consommation dans une partie substantielle du marche commun, à savoir la Belgique, doit donc être considérée comme constitutive d'une restriction de la concurrence relevant de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du Traité, à supposer, d'une part, qu'elle soit susceptible d'affecter de façon sensible le commerce entre Etats membres et, d'autre part, qu'il n'existe pas en l'espèce d'autres éléments permettant de constater que le système de distribution mis sur pied par les requérantes ne tombe pas, dans son ensemble, sous le coup de ladite interdiction.
135. A ce dernier égard, s'appuyant sur l'arrêt de la Cour du 25 octobre 1977 dans l'affaire 26-76, Métro SB-Grossmarkte GMBH/Commission (recueil 1977, p. 1875), les requérantes font valoir que l'objectif d'assurer un certain niveau de rémunération pour le commerce spécialisé en vue de maintenir cette voie de distribution ne tomberait pas nécessairement, compte tenu de son influence bénéfique sur la structure du marché, sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1. La cour aurait reconnu, dans l'arrêt cité, que des mesures qui servent à maintenir le commerce traditionnel, en différenciant les fonctions du commerce de gros par rapport à celles du commerce de détail, ne seraient pas obligatoirement restrictives de la concurrence et qu'elles pourraient faire l'objet d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3. Surtout, la Cour aurait admis que la concurrence par les prix n'a pas une priorité absolue par rapport à d'autres formes effectives de la concurrence.
136. Les requérantes reprochent à la Commission de n'avoir pas tenu correctement compte de ces éléments dans l'appréciation du système de distribution qui fait l'objet des mesures susvisées.
137. Il y a lieu, toutefois, de remarquer que la Commission ne critique pas le principe de la séparation des fonctions entre les intermédiaires mais plutôt la concertation entre fabricants et importateurs concernant les avantages pécuniaires à accorder à ceux-là.
138. De plus, s'il est exact que la Cour a consacré, dans son arrêt Métro, certaines considérations à la question de la conformité éventuelle d'un système de distribution sélective avec l'article 85, paragraphe 1, du Traité, il s'agissait en l'espèce d'un système conçu, à la différence de celui en cause dans les présentes affaires, en vue de diffuser des biens de consommation durables d'une haute technicité, de sorte que les revendeurs devaient être sélectionnés en fonction de critères qualitatifs.
139. Il convient également de rappeler que, dans la même affaire, la requérante attaquait une décision de la Commission dans la mesure où elle avait accordé à un système de distribution mis sur pied par un fabricant individuel le bénéfice d'une exemption, au titre de l'article 85, paragraphe 3, de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1. De plus, la Cour a indiqué qu'il appartiendrait à la Commission de veiller à ce que la rigidité de la structure des prix au niveau des distributeurs agrées du fabricant en cause, ne soit pas renforcée, ce qui pourrait se produire dans l'hypothèse d'une multiplication de réseaux de distribution sélective pour la commercialisation d'un même produit.
140. Il apparaît donc que la thèse des requérantes, selon laquelle la Commission aurait à tort estimé que les mesures incriminées restreignent le jeu de la concurrence, notamment en matière de l'octroi de marges au négoce, ne trouve aucune justification dans le raisonnement de la Cour dans l'affaire Métro.
141. Il y a donc lieu de conclure que l'accord des requérantes au sujet de l'importance des marges à consentir à leurs revendeurs directs, qui empêche les forces du marché de déterminer l'ampleur de ces avantages, notamment en fonction des services que ces intermédiaires pourraient rendre individuellement, comporte une restriction de la concurrence, laquelle est interdite par l'article 85, paragraphe 1, à supposer qu'elle soit également susceptible d'affecter de manière sensible le commerce entre Etats membres.
b) La ristourne de fin d'année
142. Il ressort des annexes à la lettre du 26 janvier 1971 adressée par Fedetab à la Commission qu'à partir du 1er janvier 1971 les fabricants membres de Fedetab versaient, par l'entremise de celle-ci, aux grossistes et aux détaillants une ristourne de fin d'année dont le montant variait, en fonction de la vente de cigarettes au cours de l'année, entre 20 centimes et 200 centimes par 1000 cigarettes. Il convient de remarquer, cependant, que ni la motivation (n° 19 à 27 et 81), ni l'article 1er du dispositif de la décision attaquée ne font clairement état de cette ristourne pour la période antérieure à la recommandation. Il en résulte que c'est dans le seul cadre de la recommandation qu'il y a lieu d'examiner la ristourne de fin d'année.
143. A cet égard, il est constant que, ainsi que la Commission l'a relevé au n° 74 de la décision, chaque client direct - grossiste ou détaillant - peut bénéficier de la part de Fedetab de cette ristourne dont le barème figure dans la recommandation et qui est calculée en fonction de ses achats de cigarettes de toutes marques réalisés au cours de l'année, auprès de tout fabricant, membre ou non de Fedetab, belge ou étranger. Il ressort du dossier que la ristourne ne s'élève qu'à une fraction d'un pour cent du prix d'achat. Les renseignements nécessaires au calcul des ristournes sur les cigarettes revenant à chaque client sont centralisés par Fedetab ou par un organisme habilité à cet effet.
144. D'après la Commission, le système de ristourne de fin d'année mis au point par la recommandation aurait pour effet de restreindre le jeu de la concurrence entre les fabricants qui y ont adhéré, en ce qu'il rendrait sans intérêt un effort concurrentiel accru de la part des intermédiaires en vue d'obtenir des avantages supplémentaires, sans intérêt la concentration des achats des intermédiaires auprès d'un fabricant déterminé, et plus difficile l'accès au marché pour les fabricants désirant y pénétrer.
145. La requérante Fedetab soutient par contre que l'effort concurrentiel est stimulé précisément par la différenciation des taux de la ristourne d'après les quantités vendues. Elle fait en outre valoir qu'en additionnant la somme des marges directes et des ristournes de fin d'année on arrive exactement au maxima autorisé par le ministère des affaires économiques, dans le cadre des négociations en matière d'augmentation des prix. La ristourne ne serait formellement imposée à personne, mais elle serait réclamée avec force par les grossistes, de sorte qu'aucun fournisseur ne pourrait en fait s'y soustraire. Elle ne pourrait en aucun cas constituer, compte tenu de son montant minime, une lourde charge pour le fabricant, quelle que soit la part des achats faits chez lui par le revendeur.
146. Il convient de remarquer en premier lieu, à propos de ladite ristourne, que tout comme les marges directes consenties au négoce, elle fait l'objet, dans le cadre de la recommandation, d'une concertation entre les requérantes. Ainsi qu'il ressort de l'affirmation de Fedetab elle-même, elle doit être considérée conjointement avec les marges directes ; à ce titre elle constitue un élément des marges maximales dont le niveau fait l'objet d'une action collective de la part des requérantes, qui a pour objet et pour effet, ainsi qu'il a déjà été indiqué, de restreindre sensiblement le jeu de la concurrence individuelle en cette matière entre fabricants et importateurs dans le marché belge de cigarettes.
c) Les règles en matière des délais de paiement
147. Pour ce qui est des mesures prises antérieurement à la recommandation, en matière de délais de paiement maxima, il convient de rappeler que, par lettre du 23 décembre 1971, rédigée sur papier à en-tête de Fedetab, neuf fabricants de cigarettes, y compris les autres requérantes sauf la société Bat, informèrent les grossistes et autres bénéficiaires des conditions de gros qu'ils avaient décidé de mettre un terme aux longs crédits et que ceux-ci seraient ramenés progressivement à un maximum de 15 jours.
148. La recommandation du 1er décembre 1975 énonce la règle du paiement au comptant, sous réserve de la possibilité pour le fabricant d'accorder, à titre exceptionnel, à un ou plusieurs de ses clients un délai qui ne peut être supérieur à quinze jours à compter de la date de la facture.
149. D'après Fedetab, la recommandation s'inspire des mêmes préoccupations en matière de délais de paiement que celles qui ont provoqué la lettre du 23 décembre 1971. Selon Fedetab, cette communication faisait suite à une demande de l'entreprise GB, société de commercialisation par grandes surfaces, de porter les délais de crédit à 90 jours fin de mois, action qui faisait partie d'une politique de pression de tous les magasins à grande surface. Elle ajoute que, " pour donner à la lettre de Fedetab tout le poids requis ", les principaux fabricants membres de Fedetab décidèrent d'y apposer leur signature. Cette riposte aurait été une action de légitime défense. En effet, tout prolongement important des délais de crédit aurait une répercussion inévitable sur les prix au détriment du consommateur en raison notamment de l'effet multiplicateur du système fiscal belge pour les cigarettes. Dans ces circonstances, tout retard aurait provoqué, d'après Fedetab, un effondrement du marché.
150. D'autre part, les requérantes invoquent, pour la défense des dispositions de la recommandation en matière de délais de paiement, l'incidence du système fiscal belge sur les possibilités concurrentielles dans ce domaine, compte tenu particulièrement de la puissance de la demande représentée par les grandes surfaces. En effet, lesdites dispositions ne porteraient pas atteinte à une concurrence légitime mais seraient de nature à contrecarrer les excès de concurrence auxquels se livreraient les grandes surfaces qui mettraient à profit le fait que l'Etat belge ferait du fabricant ou de l'importateur de cigarettes le percepteur des impôts grevant celles-ci. La dette des intermédiaires serait donc constituée, à concurrence de 4/5, par le remboursement d'une obligation fiscale déjà acquittée par le fabricant ou l'importateur qui supporterait ainsi les risques financiers éventuels défauts au niveau du commerce. Si l'on considère en outre le fait que la vitesse de rotation des stocks de cigarettes serait en moyenne de 10 jours, et même de 3 jours dans les grandes surfaces, toute concurrence allant au-delà de ces délais ne serait pas légitime, et cela encore moins lorsque plusieurs sociétés à grande surface chercheraient encore, en profitant de leur position sur le marché, à imposer les délais très importants avec l'intention de disposer des capitaux d'emprunt à intérêt nul pour le financement de produits autres que les cigarettes. Il paraîtrait donc légitime que, dans une optique d'autodéfense, les fabricants et les importateurs s'efforcent de faire en sorte que les délais de paiement soient utilisés de façon neutre au regard du jeu de la concurrence.
151. Il ressort des n° 86 et 100 de la décision attaquée que la Commission considère notamment que l'imposition collective et uniforme par Fedetab et par ses membres de délais maximaux de paiement aux bénéficiaires des conditions de gros avaient et ont toujours pour effet empêcher la concurrence de jouer dans ce domaine et de renforcer les restrictions de concurrence découlant des autres mesures prises en matière de marges et de ristourne de fin d'année. La Commission insiste également, aux n° 101 et 102 de la décision, sur le fait que, d'après les renseignements qu'elle a recueillis, les délais appliqués en pratique manifestent une tendance à se stabiliser autour d'une durée égale ou inférieure à 15 jours et que, contrairement aux dires de Fedetab et de certains de ses membres, le comportement des différents producteurs, dont aucun n'aurait désavoué la recommandation, serait conforme aux dispositions de celle-ci.
152. Au cours de la procédure dans les présentes affaires, certaines requérantes ont contesté ces dernières affirmations de la Commission et ont soutenu que l'application des délais de paiement est souple et non uniforme. Pour leur part, les requérantes Jubilé et Vander Elst attirent l'attention sur le fait que, dans leurs lettres respectives du 18 décembre 1975 informant la Commission de leur décision d'adhérer à la recommandation, elles ont fait savoir à la Commission que le paiement comptant a toujours été de règle dans leurs sociétés et qu'elles continueraient à le pratiquer à titre autonome indépendamment de la recommandation. Elles font dès lors valoir que, si tant est qu'il faille considérer l'approbation de la recommandation comme un accord au sens de l'article 85 du Traité, elles ne seraient en tout état de cause pas partie à cet accord en ce qui concerne les délais de paiement, et, sur ce point, ce serait donc à tort que la décision leur a été adressée.
153. S'il est vrai que le système fiscal belge, qui fait du fabricant ou de l'importateur le redevable de l'élément fiscal très élevé du PVD, exerce une influence certaine, compte tenu de la rotation rapide des stocks et des intérêts bancaires élevés sur la concurrence à laquelle ces opérateurs peuvent se livrer en matière des délais de paiement, il n'en résulte pas pour autant que toute possibilité d'une concurrence efficace dans ce domaine se trouve exclue. Il importe également de ne pas perdre de vue le fait que l'octroi, par le fabricant au négociant, d'un délai de paiement, constitue l'équivalent d'une marge supplémentaire accordée à ce dernier, laquelle n'est nullement interdite ni exclue par la réglementation belge en matière fiscale ou de contrôle des prix. Ces constatations sont renforcées par le fait qu'il ressort d'un tableau joint à la réponse de la requérante Fedetab du 22 septembre 1975 à la première communication des griefs que les délais effectifs de paiement des factures aux autres requérantes, sauf la société HVL, variaient de fabricant à fabricant et de client à client, allant de zéro (paiement comptant) à quarante jours.
154. Les dispositions prises collectivement en matière de délais de paiement tant en vertu de la lettre du 23 décembre 1971 que dans le cadre de la recommandation ont, de par leur contenu, à tout le moins pour objet de restreindre de façon sensible la concurrence ce qui suffit pour les faire tomber sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, dans le cas ou elles seraient à considérer comme susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres.
155. Etant donné que l'existence de possibilités de concurrence entre les requérantes au sujet de ces délais doit être considérée comme établie et que les dispositions susvisées ont pour objet de les restreindre de façon sensible par l'établissement d'un délai maximum de 15 jours, lequel, dans le cas de la recommandation, ne peut être consenti qu'à titre exceptionnel, il n'y a pas lieu d'examiner la question de savoir dans quelle mesure ces dispositions ont été mises en vigueur par les requérantes.
156. Pour ce qui est de l'affirmation des requérantes Jubilé et Vander Elst selon laquelle la règle du paiement comptant aurait toujours été de règle dans leurs sociétés et qu'elles continueraient à le pratiquer indépendamment de la recommandation, il y a lieu de déclarer qu'une telle manifestation d'intention ne saurait être prise en considération, étant donné que, ainsi qu'il a été indiqué à plusieurs reprises, d'après l'article 8 des statuts de Fedetab, les membres de cette association doivent adhérer aux décisions prises par celle-ci en vertu de ses statuts.
3. Les mesures antérieures visant le respect par les grossistes et par certains détaillants des prix de vente fixés par les fabricants, la limitation de l'agrément de grossistes de certaines catégories, l'interdiction faite aux grossistes agrées d'approvisionner certains autres grossistes et l'obligation d'offrir un assortiment minimum de marques
157. La convention du 22 mai 1967 conclue entre Fedetab et la FNCG pour une période de 5 ans, renforcée tant par l'accord type, soumis par Fedetab aux détaillants agrées et souscrit par ceux-ci, que par les avenants interprétatifs du 5 octobre 1967 et du 29 décembre 1970, contenait un ensemble de mesures collectives auxquelles participaient notamment les requérantes et avait pour objet, d'une part, d'interdire aux grossistes de revendre aux détaillants les produits manufacturés du tabac à des prix différents de ceux indiqués par les fournisseurs sans aucune remise ou avantage autre que la marge du détaillant et, d'autre part, de faire respecter strictement par les détaillants, lors de la revente par ceux-ci au consommateur, le prix indiqué sur la bandelette fiscale.
158. Ces mesures avaient essentiellement pour objectif, ainsi que l'admet Fedetab dans sa requête, empêcher le bradage tant au niveau du commerce de gros qu'à celui de détail. D'après Fedetab, le bradage mettait en péril l'existence des grossistes et des détaillants spécialisés dont la disparition serait préjudiciable au consommateur. Il apparaît en outre des affirmations de Fedetab dans sa requête que le souci de protéger ces opérateurs ait également inspiré la politique de fermer à partir du 1er janvier 1971, l'accès aux conditions maxima de gros à de nouveaux candidats de certaines catégories, et notamment aux grossistes spécialisés en alimentation.
159. L'article 58 du code belge de la TVA, entré en vigueur le 1er janvier 1971, prévoyant que le prix inscrit sur la bandelette fiscale doit être le prix imposé de vente au consommateur, a interdit désormais toute diminution de prix accordée au niveau du détail.
160. Par contre, il est admis qu'au niveau du commerce en gros, les mesures susvisées ont été renouvelées par accord type, dénomme accord particulier en matière de bradage, soumis par Fedetab aux grossistes le 30 juin 1972 et signé par la quasi-totalité de ceux-ci. En vertu de cet accord, les grossistes se sont engagés, pour une période de 5 ans, non seulement à respecter, lors de la revente des produits en cause, les prix indiqués par les fournisseurs sans aucune remise ou avantage, mais également à respecter l'interdiction de revente des produits manufacturés de tabac, d'une part à des grossistes " contingentés " par les fabricants et à des grossistes en alimentation ou à d'autres non directement approvisionnés par les fabricants lorsque ces produits étaient destinés à être revendus à des détaillants, et, d'autre part, aux détaillants au cas où il était évident que la livraison n'était pas destinée à la clientèle normale de ceux-ci. Cette interdiction renforçait les termes de la communication du 22 mars 1972, cités plus haut, que la FNCG avait adressée à ses membres et qui, en ce qui concerne les grossistes susvisés, allait dans le même sens.
161. Il ressort du contenu même des mesures décrites ci-dessus que celles-ci avaient essentiellement pour but d'empêcher surtout que la concurrence s'établisse entre les fabricants et importateurs membres de Fedetab en matière de prix de revente de leurs produits tant au niveau du commerce en gros que, à tout le moins avant le 1er janvier 1971, date de l'entrée en vigueur de l'article 58 du code de la TVA, à celui du commerce du détail.
162. Une réglementation ayant pour objet une telle restriction générale et systématique de la concurrence tombe incontestablement sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du Traité dans le cas où elle est également susceptible d'affecter de façon sensible le commerce entre Etats membres.
163. En ce qui concerne l'obligation imposée dans le cadre des mesures antérieures à la recommandation à un nombre restreint de détaillants, d'offrir un assortiment minimal de 60 marques de cigarettes - obligation dont le respect a été assuré par l'interruption de livraisons à certaines entreprises, dont notamment GB - la Commission critique cette mesure (décision n° 87) en ce qu'elle aurait empêché les détaillants de pousser la vente de certaines marques au détriment d'autres et qu'elle les aurait contraintes à offrir des marques dont la vente est faible et qui immobiliseraient une partie de leur fonds de roulement.
164. Etant donné, toutefois, qu'il a déjà été constaté que, dans la mesure où elles portaient sur les marges du négoce, les délais de paiement et le respect des prix fixés par les fabricants et les importateurs, les mesures antérieures tombent en principe, en ce qui concerne leur aspect essentiel, sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, il n'y a pas lieu de se prononcer séparément sur la compatibilité de cette disposition avec l'obligation imposée à certains détaillants avant le 1er décembre 1975, d'offrir un assortiment minimum de marques.
4. Affectation du commerce entre Etats membres
165. Il reste à examiner la question de savoir si les restrictions constatées ci-dessus sont également susceptibles d'affecter de manière sensible le commerce entre Etats membres. En effet, ce n'est que dans le cas d'une réponse affirmative à cette question que lesdites restrictions tombent sous le coup de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1.
166. La Commission fait valoir, dans la décision attaquée que les mesures antérieures à la recommandation étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres parce que certains fabricants membres de Fedetab importaient une partie très substantielle des tabacs manufacturés importés en Belgique et en assuraient la distribution dans les mêmes conditions restrictives de la concurrence que leurs propres produits. De plus, les importateurs et les fabricants belges ou ceux des autres Etats membres qui n'avaient pas adhéré aux règles restrictives établies par Fedetab et la FNCG en matière de distribution se voyaient soumis à l'application de ces règles, dès lors qu'ils revendaient leurs produits, y compris ceux provenant d'autres Etats membres, à un grossiste ou à un détaillant qui respectaient la réglementation imposée par ces deux associations, ce qui, compte tenu de la forte position sur le marché détenue par celles-ci, était la pratique générale.
167. Eu égard à ces considérations, la Commission a constaté, au n° 93 de la décision, que, même si, en raison des dispositions fiscales en vigueur, il subsistait des difficultés pratiques d'importations parallèles par les grossistes et les détaillants, il n'en reste pas moins que la modification des conditions de commercialisation en Belgique était de nature à détourner les courants commerciaux de leur orientation naturelle, c'est-à-dire de celle qu'ils auraient connue en l'absence des restrictions de concurrence constatées par la Commission, et à affecter ainsi le commerce entre Etats membres.
168. Pour ce qui est des mesures figurant dans la recommandation, la Commission fait valoir, au n° 106 de la décision, que celles-ci sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres pour les mêmes motifs que ceux qu'elle expose en ce qui concerne les mesures antérieures.
169. Les requérantes critiquent cette motivation en soutenant notamment que le commerce entre Etats membres ne se trouverait pas affecté du fait de la position du marché des fabricants et importateurs membres de Fedetab, étant donné que, du seul fait des conséquences des différences de taxation des tabacs manufacturés dans les Etats membres, les mesures incriminées règleraient une situation purement nationale. En effet, au stade actuel de l'harmonisation des impôts frappant la consommation des tabacs manufacturés, les régimes particuliers de calcul et de perception de ces impôts constitueraient une entrave fondamentale au commerce intracommunautaire et empêcheraient la mise en place de systèmes d'importations parallèles. De plus, même à supposer que les mesures incriminées soient susceptibles d'exercer un effet indirect sur le volume des produits manufacturés du tabac importés par les fabricants, il ne serait nullement établi que cet effet est de nature à affecter la liberté de commerce entre Etats membres dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre Etats.
170. En présence de ces thèses opposées, il convient de rappeler en premier lieu que, ainsi que la Cour l'a observé dans son arrêt du 30 juin 1966 dans l'affaire 56-65, Société Technique Minière/Maschinenbau Ulm GMBH (recueil 1966, p. 337), pour qu'une décision, un accord ou une entente soit susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, ils doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres et cela de manière à faire craindre qu'ils puissent entraver la réalisation d'un marché unique entre Etats membres.
171. A cet égard, il y a lieu de remarquer qu'il est constant, ainsi qu'il est dit aux n° 8 et 91 de la décision, qu'une partie importante des produits manufacturés du tabac vendus en Belgique sont importés par l'intermédiaire de producteurs membres de Fedetab qui les commercialisent en utilisant les mêmes réseaux de distribution que pour les produits qu'ils fabriquent eux-mêmes.A titre d'exemple, ces producteurs ont importé, en 1974, 51 % des cigarettes et 12 à 14 % des cigares introduits en Belgique, soit environ 5 % des cigarettes et 10 % des cigares vendus dans ce pays.
172. En outre, si, en raison de difficultés d'ordre fiscal et technique que la Cour a relevées dans son arrêt du 16 novembre 1977 dans l'affaire 13-77 Inno/ATAB (recueil 1977, p. 2115), les importations parallèles en Belgique de tabacs manufacturés sont largement exclues, il y a lieu d'observer que l'influence sur les échanges en cause dans les présentes affaires se situe, ainsi qu'il ressort clairement de la motivation de la décision attaquée, surtout au niveau des importations de gros volume effectuées par les fabricants membres de Fedetab. A cet égard, force est de constater que les restrictions de concurrence signalées plus haut en matière de marges du négoce, de la ristourne de fin d'année et des délais de paiement sont susceptibles de détourner les courants commerciaux dans le domaine des tabacs manufacturés de l'orientation qu'ils auraient autrement connue. Il en va de même, à plus forte raison, en ce qui concerne celles des mesures antérieures à la recommandation qui visaient à assurer le respect strict, à chaque échelon de la distribution, des prix fixés par les fabricants et importateurs. En effet, en se concertant sur ces aspects fondamentaux des conditions de vente à consentir aux intermédiaires, les requérantes réduisaient encore sensiblement l'incitation pour ceux-ci de favoriser, en contrepartie d'avantages pécuniaires individuels, la vente, en ce qui concerne les produits importés, de certains produits par rapport à d'autres.
173. C'est dès lors à juste titre que la décision de la Commission constate que ces restrictions de la concurrence de la part des requérantes sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres.
VI - MOYEN DE FOND RELATIF A L'ARTICLE 85, PARAGRAPHE 3, DU TRAITE
174. Les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait violé les dispositions de l'article 85, paragraphe 3, du Traité et les droits de la défense, en ce qu'elle aurait à tort refusé d'octroyer une exemption à la recommandation, n'aurait pas pris en considération les moyens développés par les requérantes et aurait commis des erreurs de fait à cet égard.
175. Avant d'examiner l'argumentation des parties à l'égard de l'applicabilité, à la recommandation, de l'article 85, paragraphe 3, il y a lieu de rappeler qu'un accord qui s'avère être contraire aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ne peut faire l'objet d'une exemption au titre du troisième paragraphe de cet article que s'il satisfait aux conditions suivantes :
- contribuer à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique ;
- réserver en même temps aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte ;
- ne pas imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ;
- ne pas donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.
176. A cet égard, il convient également de rappeler, ainsi que la Cour l'a dit dans son arrêt Métro (attendu 21), que les compétences octroyées à la Commission par l'article 85, paragraphe 3, démontrent que la nécessité du maintien d'une concurrence efficace peut être conciliée avec la sauvegarde d'objectifs de nature différente et que, dans ce but, certaines restrictions de concurrence sont admissibles lorsqu'elles sont indispensables à la réalisation de ces objectifs et n'aboutissent pas à éliminer la concurrence pour une partie substantielle du marché commun.
177. Au n° 132 de la décision attaquée, la Commission constate, sur la base de la motivation exposée aux n° 113 à 131, que la recommandation ne peut bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, parce qu'elle ne satisfait pas aux conditions d'application de cette disposition. En particulier, la recommandation n'entraînerait pas d'améliorations de la distribution suffisantes pour contrebalancer les effets restrictifs de concurrence qu'elle provoquerait et elle ne serait pas susceptible de réserver aux utilisateurs une part équitable du profit qu'elle pourrait éventuellement entraîner.
178. En motivant, dans la décision attaquée, le maintien de son refus d'octroyer à la recommandation le bénéfice de l'article 85, paragraphe 3, la Commission fait notamment valoir qu'il ne serait nullement établi que le système de distribution érigé par la recommandation apporterait aux clients directs des membres de Fedetab et aux acheteurs de ces clients plus d'avantages que ne le ferait le jeu normal de la concurrence, lequel assurerait le libre choix du consommateur. Tout en reconnaissant que ce système permet, par le biais d'un nombre très élevé de grossistes et de détaillants d'offrir au consommateur un grand choix de marques, la Commission soutient que ce choix n'existe que chez les détaillants spécialisés, qui ne représentent qu'une faible part des 80 000 points de vente, dont la grande majorité n'offriraient à la clientèle qu'un nombre très restreint de marques. Cette multiplicité de points de vente ne pourrait d'ailleurs qu'augmenter les frais de la distribution.
179. La Commission conteste également la thèse selon laquelle la disparition du système collectif établi par la recommandation entraînerait inévitablement la disparition du commerce spécialisé. En effet, ce commerce ne serait pas menacé, même s'il ne bénéficiait plus de la part de Fedetab et de ses membres de conditions financières plus favorables que celles accordées au négoce non spécialisé, si tant est que ses services sont réellement appréciés par les utilisateurs et les consommateurs. Tout en exprimant des doutes au sujet du danger qui menacerait la survie des grossistes spécialisés, qui assurent environ 80 % des ventes de cigarettes sur le marché belge, la Commission considère que l'octroi à ces grossistes de conditions plus favorables constitue une tentative d'imposer artificiellement le maintien sur le marché d'entreprises dont le caractère nécessaire n'apparaît pas avec suffisamment d'évidence aux acheteurs de l'échelon ultérieur et dont le jeu de la concurrence devrait normalement entraîner l'élimination.
180. Au n° 133 de la décision, la Commission, se référant également aux dispositions de la recommandation, constate en outre que celle-ci ne satisfait pas non plus à la dernière condition d'application de l'article 85, paragraphe 3, étant donné que, " compte tenu de la part du marché détenue par Fedetab et par ses membres, les accords donnent aux entreprises visées la possibilité pour une partie substantielle des produits en cause d'éliminer la concurrence ".
181. Les requérantes soutiennent que l'objectif de la recommandation est le maintien en Belgique d'un réseau de distribution traditionnel très dense, comportant notamment 80 000 détaillants, qui permettrait de mettre à la disposition et au profit du consommateur, même dans les coins les plus reculés du pays, une gamme étendue de marques, ce qui, à son tour, contribuerait à renforcer le jeu de la concurrence. Or, le maintien de ce système dépendrait du négoce spécialisé, et particulièrement des grossistes spécialisés, qui assureraient l'approvisionnement des très nombreux petits détaillants disséminés dans tout le pays.
182. La recommandation ne contiendrait aucune restriction qui ne soit pas nécessaire pour atteindre l'objectif susvisé. En particulier, une légère prime supplémentaire devrait être accordée aux grossistes et aux détaillants spécialisés pour assurer la survie de ces intermédiaires face à la concurrence d'autres opérateurs, dont notamment les grandes surfaces qui n'assureraient pas le même service. L'élimination de nombreux intermédiaires spécialisés entraînerait, d'après les requérantes, non seulement une diminution du nombre de marques offertes au consommateur, mais également des conséquences sociales graves. A ce dernier égard, il importerait d'observer que la Cour aurait souligné dans son arrêt Métro que des considérations d'ordre social - et notamment le souci de préserver l'emploi dans les circonstances d'une conjoncture économique défavorable - peuvent être prises en compte dans le contexte de l'article 85, paragraphe 3.
183. Il convient de remarquer à cet égard, en premier lieu, que la recommandation comporte sans doute certains avantages, en matière de production et de distribution de cigarettes, tant pour de nombreux petits détaillants, dont notamment les marchands belges de journaux et de tabacs, qui, ainsi qu'il ressort du dossier, réalisent environ 60 % du chiffre national de vente des cigarettes, que pour les consommateurs. En effet, l'existence d'un nombre très élevé de points de vente en Belgique facilite incontestablement, pour le consommateur, l'achat des cigarettes, même s'il y a lieu d'observer qu'il ne trouve une gamme très étendue de marques qu'auprès d'un nombre restreint de détaillants spécialisés ou semi-specialisés, lesquels constituent un débouché en particulier pour les nouvelles ou les petites marques.
184. Toutefois, le nombre d'intermédiaires et de marques ne constitue pas nécessairement le critère essentiel d'une amélioration de la distribution au sens de l'article 85, paragraphe 3. En effet, la qualité d'un secteur de distribution se mesure surtout à sa flexibilité commerciale et à sa capacité de réagir aux incitations émanant tantôt des producteurs, tantôt des consommateurs. A ce dernier égard, l'efficacité de la distribution implique notamment que celle-ci puisse concentrer ses activités sur les produits les plus performants aux yeux des consommateurs et se mesure aussi à l'adaptabilité aux nouvelles habitudes d'achat qui se manifestent éventuellement auprès de ceux-ci. Or, il ressort des chiffres fournis par la Commission, dont l'exactitude n'a pas été contestée par les autres parties dans les présentes affaires, que les ventes de cigarettes réalisées par les grandes surfaces connaissent une progression beaucoup plus importante que celles réalisées par les autres revendeurs aux consommateurs, et cela en dépit du fait que les grandes surfaces n'offrent qu'un nombre restreint de la totalité des marques de cigarettes écoulées sur le marché belge.
185. Il résulte de ces considérations qu'il est permis de douter sérieusement que les avantages en matière de distribution découlant de la recommandation soient susceptibles de compenser suffisamment les restrictions rigoureuses qu'elle impose à la concurrence dans le domaine des conditions de vente accordées au négoce, pour justifier la conclusion qu'elle contribue, au sens de l'article 85, paragraphe 3, à l'amélioration de la distribution des cigarettes.
186. Il n'est toutefois pas nécessaire de se prononcer définitivement sur cette question, étant donné qu'il y a lieu de constater qu'une autre condition d'application de l'article 85, paragraphe 3, fait défaut en l'espèce.
187. En effet, pour que les dispositions de la recommandation puissent bénéficier de l'octroi d'une exemption, il faudrait qu'elles ne donnent pas aux membres de Fedetab la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence.
188. A cet égard, il y à lieu de rappeler, ainsi que la Commission l'a indiqué au n° 8 de la décision attaquée, que les entreprises membres de Fedetab produisent ou importent environ 95 % des cigarettes vendues en Belgique, et que 10 membres de Fedetab, qui sont également importateurs de produits de marques étrangères, ont importé en 1974, 51 % des cigarettes importées en Belgique, ce qui représente environ 5 % des cigarettes vendues dans ce pays. De plus, les sept sociétés requérantes assurent à elles seules un pourcentage très élevé, chiffré à 80 % au n° 61 de la décision et à 92 % dans le mémoire en duplique de la Commission, du total des ventes de cigarettes en Belgique. Il est également à noter que, d'après les chiffres non contestés fournis par la Commission, également dans son mémoire en duplique, près de deux tiers des ventes des cigarettes en Belgique sont le fait d'une dizaine de marques seulement, commercialisées, pour la plus grande partie, par une ou plusieurs parmi les sociétés requérantes.
189. Ainsi qu'il a déjà été constaté, les dispositions de la recommandation, à laquelle ont adhéré les sociétés requérantes, ont pour objet de restreindre, par le biais d'un accord collectif la concurrence que ces opérateurs pourraient se faire individuellement à ce sujet. Il y a lieu de constater que, dans ce domaine, compte tenu de la part très importante du marché des cigarettes en Belgique détenue par les membres de Fedetab, et en particulier par les sociétés requérantes, la recommandation a pour effet de donner aux requérantes la possibilité éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Il en résulte que la recommandation ne saurait en aucun cas bénéficier d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3.
VII - CONCLUSION
190. Il résulte de l'ensemble des considérations exposées ci-dessus que les recours doivent être rejetés dans leur ensemble comme non fondés.
Sur les dépens
191. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens.
192. Les requérantes ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner solidairement à l'ensemble des dépens exposés par la Commission, y compris ceux du référé, ainsi qu'aux dépens exposés par les parties qui sont intervenues au soutien de la Commission.
193. Les parties qui sont intervenues à l'appui des requérantes supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR
déclare et arrête :
1) les recours sont rejetés.
2) les requérantes sont condamnées solidairement aux dépens de la Commission y compris ceux afférents au référé et aux interventions de la SA Eugène Huyghebaert, la société GB-Inno-Bm et la fédération belge du commerce alimentaire.
3) les parties intervenantes, Association des Détaillants en Tabac, Association Nationale des Grossistes en Produits Manufacturés du Tabac, et Tédération Nationale des Négociants en Journaux, Publications Librairie et Articles Connexes, supporteront leurs propres dépens.