CJCE, 10 juillet 1980, n° 99-79
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Lancôme (SA), Cosparfrance Nederland (BV)
Défendeur :
Etos (BV), Albert Heyn Supermart (BV)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Kutscher
Présidents de chambre :
MM. O'Keeffe, Touffait
Avocat général :
M. Reischl
Juges :
MM. Mertens de Wilmars, Pescatore, Stuart, Bosco, Koopmans, Due
Avocats :
Mes Alexander, Gijlstra, Scott.
LA COUR,
Par ordonnance du 19 juin 1979, parvenue au greffe de la Cour le 21 juin 1979, l'Arrondissementsrechtbank de Haarlem a posé à la Cour de justice, en application de l'article 177 du traité, des questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 85 et de certaines dispositions du règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962 (JO n° 13 du 21-02-1962).
Ces questions sont posées dans le cadre d'un litige opposant Lancôme et sa filiale aux Pays-Bas, Cosparfrance Nederland, parties demanderesses au principal, à deux sociétés, Etos et Albert Heyn Supermart, parties défenderesses au principal, qui exploitent une chaîne de magasins de vente au détail aux Pays-Bas. Ces dernières ont été assignées par les demanderesses devant l'Arrondissementsrechtbank de Haarlem afin d'être condamnées à cesser de vendre des articles Lancôme dans les magasins qu'elles exploitent et qui ne sont pas agréés pour la vente de ces articles. Les demanderesses au principal, qui soutiennent que les défenderesses se rendraient coupables d'un acte de concurrence déloyale en minant leur système de distribution sélective, et notamment en incitant les dépositaires agréés à violer leurs engagements contractuels, réclament en outre une indemnisation du préjudice subi du fait de ces comportements.
Le système de distribution sélective mis sur pied par Lancôme repose notamment sur les accords de distribution exclusive qu'elle a conclus avec les agents généraux qu'elle a agréés dans les divers Etats membres de la Communauté ainsi que sur des accords de vente conclus avec des détaillants en France. Le contrat type conclu avec les agents généraux a été notifié à la Commission le 30 janvier 1963. Les contrats conclus entre lesdits agents généraux ou les filiales de Lancôme et les divers revendeurs agréés ont été notifiés à la Commission ultérieurement.
Les parties défenderesses au principal ayant fait valoir pour leur défense que l'organisation de vente des demanderesses serait partiellement nulle en tant qu'elle serait contraire à l'article 85, paragraphe 1, ces dernières ont fait état d'une lettre du 16 décembre 1974 du Directeur général de la concurrence de la Commission des Communautés européennes. Cette lettre, adressée à Lancôme, rappelle que cette dernière, suite à une communication des griefs du 24 juillet 1972, a modifié les contrats qui concrétisent son organisation de vente dans la CEE de telle manière que les détaillants agréés sont désormais libres de revendre et d'acheter les produits Lancôme à n'importe quel agent général ou détaillant agréé établi dans la CEE, ainsi que de fixer leurs prix de vente lorsqu'il s'agit de produits réimportés ou réexportés en provenance ou à destination des autres pays du Marché commun. La lettre se conclut en ces termes:
"J'ai l'honneur de vous informer que, dans ces conditions, étant donné la faible part que votre société détient dans chacun des pays de la CEE sur le marché des produits de parfumerie, de beauté et de toilette et la présence sur ce marché d'un nombre assez élevé d'entreprises concurrentes d'importance comparable, et parce que les liens financiers qui unissent votre société au groupe L'Oréal ne paraissent pas, en l'espèce, de nature à influencer le volume de votre chiffre d'affaires pour les produits en cause, la Commission estime qu'il n'y a plus lieu pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d'intervenir à l'égard des contrats précités en vertu des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité de Rome, cette affaire peut, dès lors, être classée".
L'Arrondissementsrechtbank a décidé de surseoir à statuer et d'adresser à la Cour de justice une demande préjudicielle libellée comme suit:
"Attendu, d'une part,
(1) qu'une entreprise applique un système de distribution sélective pour la vente dans la CEE de ses articles de parfumerie, de beauté et de toilette;
(2) que les contrats sur lesquels repose ce système de distribution sélective existaient déjà à l'époque de l'entrée en vigueur du règlement n° 17 et qu'ils ont été notifiés en temps utile à la Commission sur formulaire B, conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 17;
(3) que des modifications ont été apportées à ces contrats, conformément à ce qu'a indiqué la Commission dans son Quatrième Rapport sur la politique de concurrence, sous le n° 94;
(4) que le Directeur général de la Concurrence a envoyé le 16 décembre 1974 une lettre à cette entreprise, pour la teneur de laquelle référence est faite aux attendus en droit du présent jugement;
(5) que les entreprises du secteur de la parfumerie appliquent pour la plupart (sinon toutes) le système de distribution sélective pour la vente de leurs "produits de prestige", tel que l'a indiqué la Commission sous les n° 57 à 59 de son Cinquième Rapport sur la politique de concurrence;
(6) que la publication dont il est question à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, n'a pas eu lieu;
Attendu, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu d'examiner s'il existe en l'espèce des circonstances, telles que celles visées sous les points a) et/ou b) de la question n° 3,
Demande à la Cour de justice des Communautés européennes de statuer sur les questions ci-après:
1. Quelle est la nature de la lettre du Directeur général de la Concurrence visée sous (4) ci-dessus, notamment sous les aspects suivants:
1.1. S'agit-il d'une déclaration par laquelle la Commission estime que l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE n'est pas applicable aux contrats auxquels ont été apportées les modifications visées au point (3) ci-dessus ?
1.2. S'agit-il d'un cas d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE?
1.3. A-t-elle effet à l'égard des tiers ?
1.4. Met-elle fin à la validité provisoire des anciens contrats, notifiés en temps utile ?
2. Est-il possible que les contrats auxquels ont été apportées les modifications visées sous (3) ci-dessus, échappent à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE du fait de la part de marché relativement modeste que détient l'entreprise visée sous (1) ci-dessus, nonobstant
2.1. le fait qu'ils contiennent des dispositions tendant:
- d'une part, à établir une sélection de détaillants dits agrées,
- d'autre part, à interdire de livrer à toute personne autre que les consommateurs ou les détaillants agréés,
2.2. le fait que les concurrents de l'entreprise visée sous (1) ci-dessus pratiquent également la distribution sélective,
2.3. le fait que la distribution sélective paraissait jusqu'à présent n'être possible que sur la base d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3?
3. Si la Commission a accordé à une entreprise une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE pour l'application d'un système de distribution sélective, cette exemption deviendrait-elle caduque s'il apparaissait
a) que l'entreprise en question ne respecte pas les obligations ou conditions auxquelles la Commission a subordonné l'exemption et/ou
b) qu'en pratique, les produits en question sont offerts à l'intérieur du Marché commun par des grossistes ou des détaillants qui n'ont pas été sélectionnés par l'entreprise en question ?"
Sur la première question
Par la première question, il est demandé à la Cour, en premier lieu, de préciser la nature juridique de lettres telles que celle qui a été adressée à Lancôme par la Direction générale de la Concurrence, et de déterminer les effets que de telles lettres produisent à l'égard de tiers. En deuxième lieu, il est demandé si une telle lettre met fin à la "validité provisoire" des anciennes ententes notifiées en temps utile.
Quant à la nature juridique des lettres en cause
L'article 87, paragraphe 1, du traité a habilité le Conseil à arrêter tous règlements ou directives utiles en vue de l'application des principes figurant aux articles 85 et 86. Conformément à cette habilitation, le Conseil a arrêté des règlements, et notamment le règlement n° 17 du 6 février 1962 (JO n° 13 du 21-02- 1962), qui ont donné compétence à la Commission pour adopter diverses catégories de règlements, décisions et recommandations.
Parmi les instruments mis ainsi à la disposition de la Commission pour accomplir sa mission figurent les décisions d'attestation négative et les décisions d'application de l'article 85, paragraphe 3. En ce qui concerne les décisions d'attestation négative, l'article 2 du règlement n° 17 du Conseil prévoit que la Commission peut constater, sur demande des entreprises intéressées, qu'il n'y a pas lieu pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d'intervenir à l'égard d'un accord, d'une décision ou d'une pratique en vertu des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, ou de l'article 86 du traité. En ce qui concerne les décisions d'application de l'article 85, paragraphe 3, les articles 6 et suivants du règlement n° 17 précité prévoient que la Commission peut adopter des décisions déclarant les dispositions de l'article 85, paragraphe 1, inapplicables à un accord déterminé pour autant que celui-ci lui ait été notifié, à moins qu'il ne soit dispensé de notification en vertu de l'article 4, paragraphe 2, dudit règlement.
Le règlement n° 17 et ses règlements d'application déterminent les règles qui doivent être suivies par la Commission pour l'adoption des décisions précitées. Lorsque la Commission se propose de délivrer une attestation négative en vertu de l'article 2 précité ou de rendre une décision d'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité, elle est notamment tenue, en vertu de l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17, de publier l'essentiel du contenu de la demande ou de la notification en cause en invitant les tiers intéressés à lui faire connaître leurs observations dans le délai qu'elle fixe. Comme prévu par l'article 21, paragraphe 1, du règlement, les décisions d'attestation négative et d'exemption doivent être publiées.
Il est manifeste qu'une lettre, telle que celle qui a été adressée à Lancôme par la Direction générale de la Concurrence, qui a été expédiée sans que les mesures de publicité prévues à l'article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 aient été effectuées et qui n'a fait l'objet d'aucune publication en vertu de l'article 21, paragraphe 1, dudit règlement, ne constitue ni une décision d'attestation négative, ni une décision d'application de l'article 85, paragraphe 3, au sens des articles 2 et 6 du règlement n° 17. Comme la Commission le souligne elle-même, il s'agit seulement d'une lettre administrative portant à la connaissance de l'entreprise intéressée l'opinion de la Commission qu'il n'y a pas lieu, pour elle, d'intervenir à l'égard des contrats en cause en vertu des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, du traité et que l'affaire peut, dès lors, être classée.
Fondée sur les seuls éléments dont la Commission a connaissance, une telle lettre, qui reflète une appréciation de la Commission et termine une procédure d'examen par les services compétents de la Commission, n'a pas pour effet d'empêcher les juridictions nationales, devant lesquelles l'incompatibilité des accords en cause avec l'article 85 est invoquée, de porter, en fonction des éléments dont elles disposent, une appréciation différente sur les accords concernés. Si elle ne lie pas les juridictions nationales, l'opinion communiquée dans de telles lettres constitue néanmoins un élément de fait que les juridictions nationales peuvent prendre en compte dans leur examen de la conformité des accords ou comportements en cause avec les dispositions de l'article 85.
Quant à la validité provisoire
Ainsi que la Cour l'a dit pour droit en dernier lieu dans son arrêt du 14 décembre 1977, affaire 59-77, De Bloos/Bouyer, Recueil 1977, p. 2359, "durant la période allant de la notification à la date où la Commission prend une décision, les juridictions saisies d'un litige relatif à un accord ancien régulièrement notifié ou dispensé de notification doivent donner à pareil accord les effets juridiques qu'y attache la loi applicable au contrat, sans que ces effets puissent être mis en cause par une contestation soulevée éventuellement au sujet de sa compatibilité avec l'article 85, paragraphe 1".
Il est demandé par la juridiction de renvoi si une lettre telle que celle du 16 décembre 1974, qui a été adressée à Lancôme par les services compétents de la Commission, a pour effet de mettre fin à la protection provisoire dont bénéficient à partir de leur notification, en vertu de la jurisprudence de la Cour, les accords anciens notifiés dans le délai prévu par l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 17 ou dispensés de notification.
En vue de répondre à cette question, il y a lieu de rappeler les considérations qui sont à la base de la jurisprudence de la Cour relative à la "validité provisoire".
Comme la Cour l'a observé notamment dans son arrêt du 9 juillet 1969, Portelange/Smith Corona Marchant International, affaire 10-69, Recueil 1969, p. 309, la rédaction de l'article 85 du traité est caractérisée par la formulation d'une règle d'interdiction (paragraphe 1) et de ses effets (paragraphe 2), tempérée par l'exercice d'un pouvoir d'octroi de dérogations à cette règle (paragraphe 3). L'application à un accord déterminé, ou à certaines de ses clauses, de la nullité de plein droit suppose dès lors que cet accord tombe sous le coup du paragraphe 1 de l'article précité et qu'il ne puisse bénéficier des dispositions du paragraphe 3.
La compétence exclusive pour appliquer l'article 85, paragraphe 3, conférée à la Commission par l'article 9, paragraphe 1, du règlement n° 17, considérée conjointement avec les dispositions prévues par les articles 6, paragraphe 2, et 7 dudit règlement en faveur des accords anciens, a amené la Cour à conclure qu'en ce qui concerne lesdits accords, la sécurité juridique en matière contractuelle exige que, lorsque l'accord a été notifié conformément aux dispositions du règlement n° 17, le juge ne constate sa nullité de plein droit qu'après que la Commission ait pris une décision en vertu de ce règlement.
A la lumière de ces considérations, il apparaît que le maintien de la protection provisoire dont bénéficient les accords anciens notifiés ne se justifie plus à partir du moment où la Commission avise les intéressés de ce qu'elle a procédé au classement de l'affaire les concernant. Suite à une telle prise de position, qui indique que la Commission n'envisage pas de rendre de décision individuelle au sujet des accords notifiés en cause, il est improbable que la Commission fasse encore usage, en faveur desdits accords, de son pouvoir d'appliquer l'article 85, paragraphe 3, éventuellement avec effet rétroactif à la période antérieure à leur notification, comme le permet l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 17. Plus rien dès lors ne peut dispenser les juridictions nationales, devant lesquelles l'effet direct de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, est invoqué, de se prononcer.
Il y a lieu, dès lors, de répondre à la première question qu'une lettre administrative, portant à la connaissance de l'intéressé l'opinion de la Commission qu'il n'y a pas lieu, pour elle, d'intervenir à l'égard de contrats notifiés, en vertu des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, a pour effet de mettre fin à la période de validité provisoire dont bénéficient, à partir de leur notification, les accords conclus antérieurement au 13 mars 1962, qui ont été notifiés dans les délais prévus à l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 17 ou étaient dispensés de notification. Les appréciations exprimées dans une telle lettre ne lient pas la juridiction nationale, mais constituent un élément de fait que celle-ci peut prendre en compte dans son examen de la conformité des contrats en cause avec les dispositions de l'article 85.
Sur la deuxième question
La deuxième question posée par la juridiction nationale vise à déterminer si les accords sur lesquels repose un système de distribution sélective peuvent échapper à l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité du fait de la part de marché relativement modeste détenue par l'entreprise en cause. A cet égard, la juridiction de renvoi attire l'attention sur le fait que les concurrents de l'entreprise visée pratiqueraient également la distribution sélective. Elle fait, en outre, part de son opinion que, jusqu'à présent, la distribution sélective ne lui paraissait possible que sur la base d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3.
Ainsi que la Cour l'a observé dans son arrêt du 25 octobre 1977, affaire 26-76, Metro, Recueil 1977, p. 1875, les systèmes de distribution sélective constituent un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1, à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la qualification professionnelle du revendeur, de son personnel et de ses installations, que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliquées de façon non discriminatoire.
Il s'ensuit qu'un réseau de distribution sélective, dont l'accès est subordonné à des conditions allant au-delà d'une simple sélection objective de caractère qualitatif, tombe, en principe, sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, en particulier quand il est fondé sur des critères de sélection quantitatifs.
Toutefois, ainsi que la Cour l'a observé dans son arrêt du 30 juin 1966, affaire 56-65, LTM, Recueil 1966, p. 337, pour être interdit comme incompatible avec le marché commun en vertu de l'article 85, paragraphe 1, du traité, un accord entre entreprises doit remplir diverses conditions dépendant moins de sa nature juridique que de ses rapports, d'une part avec le "commerce entre les Etats membres", d'autre part avec "le jeu de la concurrence".
Pour apprécier, d'une part, si un accord est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, il y a lieu de déterminer, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, si cet accord permet d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre Etats membres.
Pour apprécier, d'autre part, si un accord doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l'objet ou l'effet, il y a lieu d'examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux. A cet effet, il y a lieu de prendre en considération notamment la nature et la quantité limitée ou non des produits faisant l'objet de l'accord, la position et l'importance des parties sur le marché des produits concernés, le caractère isolé de l'accord litigieux ou, au contraire, la place de celui-ci dans un ensemble d'accords.A cet égard, la Cour a précisé dans son arrêt du 12 décembre 1967, affaire 23-67, Brasserie de Haecht I, Recueil 1967, p. 525, que l'existence de contrats similaires, sans nécessairement être déterminante, est une circonstance qui, avec d'autres, peut former un ensemble constitutif du contexte économique et juridique dans lequel l'accord doit être apprécié.
Il appartient à la juridiction nationale, sur la base de toutes les données pertinentes, de déterminer si l'accord remplit, en fait, les conditions pour tomber sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1.
Il y a lieu, dès lors, de répondre à la seconde question que les accords sur lesquels repose un système de distribution sélective, fondé sur des critères d'admission allant au-delà d'une simple sélection objective de caractère qualitatif, réunissent les éléments constitutifs de l'incompatibilité avec l'article 85, paragraphe 1, lorsque ces accords, soit isolément, soit simultanément avec d'autres, dans le contexte économique et juridique dans lequel ils sont intervenus et sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et ont, soit pour objet, soit pour effet, d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence.
Sur la troisième question
Compte tenu de la réponse apportée à la première question, la troisième question posée par la juridiction de renvoi est devenue sans objet.
Sur les dépens
Les frais exposés par le gouvernement belge, le gouvernement danois, le gouvernement français, le gouvernement néerlandais, le gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, LA COUR,
statuant sur les questions à elle soumise par l'Arrondissementsrechtbank de Haarlem, par ordonnance du 19 juin 1979, dit pour droit:
1. Une lettre administrative, portant à la connaissance de l'intéressé l'opinion de la Commission qu'il n'y a pas lieu, pour elle, d'intervenir à l'égard de contrats notifiés, en vertu des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, a pour effet de mettre fin à la période de validité provisoire dont bénéficient, à partir de leur notification, les accords conclus antérieurement au 13 mars 1962, qui ont été notifiés dans les délais prévus à l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 17 ou étaient dispensés de notification. Les appréciations exprimées dans une telle lettre ne lient pas la juridiction nationale, mais constituent un élément de fait que celle-ci peut prendre en compte dans son examen de la conformité des contrats en cause avec les dispositions de l'article 85.
2. Les accords sur lesquels repose un système de distribution sélective, fondé sur des critères d'admission allant au-delà d'une simple sélection objective de caractère qualitatif, réunissent les éléments constitutifs de l'incompatibilité avec l'article 85, paragraphe 1, lorsque ces accords, soit isolément, soit simultanément avec d'autres, dans le contexte économique et juridique dans lequel ils sont intervenus et sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et ont, soit pour objet, soit pour effet, d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence.