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Décisions

CJCE, 15 juillet 1970, n° 41-69

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

ACF Chemiefarma NV (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lecourt

Présidents de chambre :

MM. Monaco, Pescatore, Donner, Trabucchi

Avocat général :

M. Gand

Juges :

MM. Strauss, Mertens de Wilmars

CJCE n° 41-69

15 juillet 1970

LA COUR,

1. Attendu que, conjointement avec cinq autres entreprises néerlandaises qui furent par la suite toujours représentées par elle, la NV Nederlandse Combinatie voor Chemische Industrie, Amsterdam (appelée ci-après "Nedchem"), aux droits de laquelle a succédé la requérante, a conclu, en 1958, avec les entreprises CF Boehringer & Söhne, Mannheim, et Vereinigte Chininfabriken Zimmer & Co., GmbH, Mannheim (appelées ci-après "Boehringer") et Buchler & Co., Braunschweig, un accord par lequel ces entreprises se sont réservé leurs marchés nationaux respectifs et ont prévu la fixation de prix et de quotas pour l'exportation de quinine et de quinidine à destination des autres pays;

2. Que Buchler s'est retiré de cet accord le 28 février 1959;

3. Qu'en juillet 1959, à la suite de l'intervention du Bundeskartellamt, à qui l'accord avait été notifié, Boehringer et Nedchem ont modifié cet accord de façon à en exclure les livraisons à destination des Etats membres de la CEE;

4. Qu'en 1960 une nouvelle entente a été constituée entre Nedchem et les deux autres entreprises précitées et étendue peu après à des entreprises françaises et anglaises;

5. Que cette entente a été fondée tout d'abord sur une convention concernant le commerce avec les pays tiers (appelée ci-après "convention d'exportation") et prévoyant, entre autres, la fixation concertée des prix et des remises applicables aux exportations de quinine et de quinidine et la répartition de quotas d'exportation garantie par un système de compensation pour le cas où les quotas d'exportation seraient dépassés ou ne seraient pas atteints;

6. Qu'en outre, un "gentlemen's agreement" entre les mêmes parties a étendu les dispositions susvisées à toutes les ventes effectuées à l'intérieur du Marché commun;

7. Que cet acte a établi également le principe de la protection des marchés nationaux en faveur de chacun des producteurs et a obligé les membres français de l'entente à ne pas fabriquer de la quinidine synthétique;

8. Que la Commission, par décision du 16 juillet 1969 (JO n° L 192, p. 5 et s.), estimant que les restrictions à la concurrence ainsi prévues étaient susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres, a infligé à la requérante une amende de 210 000 unités de compte;

9. Que par requête déposée au greffe de la Cour le 13 septembre 1969, l'entreprise Chemiefarma NV a introduit un recours contre cette décision;

A - Quant au moyen d'incompétence de la Commission

10. Attendu que la requérante, tirant argument de ce que la convention d'exportation avait été notifiée aux autorités nationales compétentes sans soulever d'objections, invite la Cour à examiner dans quelle mesure les articles 88 et 89 du traité et, le cas échéant, le règlement n° 17-62 du Conseil refusent compétence à la Commission pour apprécier des ententes ainsi notifiées;

11. Attendu qu'aux termes de l'article 9, n° 3, du règlement n° 17, "les autorités des Etats membres restent compétentes pour appliquer les dispositions de l'article 85, paragraphe 1", mais seulement "aussi longtemps que la Commission n'a engagé aucune procédure en application des articles 2, 3 ou 6" du règlement;

12. Que le caractère provisoire ainsi conféré aux interventions des autorités nationales ne saurait porter atteinte au plein exercice, par la Commission, de ses pouvoirs dans le cadre du Marché commun;

13. Que, en tout état de cause, les gentlemen's agreements qui réglaient le comportement des membres de l'entente dont s'agit dans le Marché commun n'ont pas fait l'objet de la notification susvisée;

14. Que, dès lors, le grief n'est pas fondé;

15. Attendu que la requérante soutient que la Commission n'aurait pas établi sa compétence faute d'avoir fourni l'indication nécessaire pour prouver l'existence des conditions requises pour l'application de l'article 85;

16. Que ce grief concerne la violation des formes substantielles et non la compétence de la Commission;

B - Quant au moyen relatif à la prescription

17. Attendu que la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir tenu compte de ce que l'infraction alléguée serait couverte par la prescription, eu égard au délai qui s'est écoulé entre la date des faits et l'ouverture de la procédure administrative par la Commission;

18. Attendu que les textes régissant le pouvoir de la Commission d'infliger des amendes en cas d'infraction aux règles de concurrence ne prévoient aucune prescription;

19. Que, pour remplir sa fonction d'assurer la sécurité juridique, un délai de prescription doit être fixé à l'avance;

20. Que la fixation de sa durée et des modalités d'application relève de la compétence du législateur communautaire;

21. Que, dès lors, le grief n'est pas fondé;

C - Quant aux moyens de procédure et de forme

I - Sur les moyens concernant l'exposé des griefs

22. Attendu que la requérante fait valoir que la Commission aurait indiqué d'une manière insuffisante, dans son exposé des griefs communiqué le 30 mai 1968, les reproches retenus contre elle et les moyens de preuve utilisés;

23. Que, par cette omission, la Commission aurait entravé le contrôle de la Cour sur la légalité de la décision attaquée;

24. Attendu que l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 oblige la Commission à donner aux intéressés, avant de prendre une décision en matière d'amendes, l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs qu'elle a retenus à leur égard;

25. Que l'article 4 du règlement n° 99-63 de la Commission prévoit que, dans ses décisions, la Commission ne retient contre les entreprises et associations d'entreprises destinataires que les griefs au sujet desquels ces dernières ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue;

26. Que l'exposé des griefs répond à cette exigence, dès lors qu'il énonce, même sommairement, mais de manière claire, les faits essentiels sur lesquels se base la Commission;

27. Que l'obligation imposée à celle-ci par l'article 19 est satisfaite dès lors qu'elle fournit au cours de la procédure administrative les éléments nécessaires à la défense;

28. Attendu qu'en l'espèce la Commission a clairement exposé les faits essentiels sur lesquels elle fondait les griefs articulés, en se référant expressément à des déclarations contenues dans les procès-verbaux de certaines réunions des entreprises intéressées et à la correspondance relative à la protection des marchés nationaux échangée entre ces entreprises en octobre-novembre 1963;

29. Que, d'autre part, en soutenant, sur la base de ses vérifications, que les intéressés ont continué à échanger des données relatives à leurs ventes en fonction de la compensation éventuelle des quantités et ont maintenu jusqu'à la fin de 1964 une politique de prix uniformes, elle en a déduit la continuation, après 1962, de l'application du gentlemen's agreement relatif à l'activité de production et de vente dans le Marché commun;

30. Que, dès lors, les reproches soulevés à l'égard de l'exposé des griefs ne sont pas fondés;

II - Sur le grief relatif à la consultation du dossier administratif

31. Attendu que la requérante soutient que la Commission aurait violé les droits de la défense en lui refusant, au cours de la procédure administrative, la consultation des documents essentiels sur lesquels repose la décision attaquée;

32. Que la défenderesse réplique qu'elle avait mis la requérante en mesure de consulter les documents qui revêtaient de l'importance pour l'appréciation des griefs;

33. Attendu que l'exposé des griefs reproche à la requérante d'avoir suivi jusqu'en 1966, notamment pour ses ventes en Italie, Belgique et Luxembourg, une politique de prix communs avec d'autres producteurs de quinine;

34. Que, selon cet exposé, ce comportement concerté résulterait notamment de l'uniformité des prix pratiqués par les entreprises pour leurs ventes dans lesdits pays;

35. Qu'à l'appui de cette affirmation, l'exposé des griefs (paragraphe 11, dernier alinéa) se réfère aux résultats des vérifications effectuées par des agents de la Commission dans ces pays;

36. Que la requérante, au cours de la procédure administrative, a demandé à la Commission de lui donner connaissance de ces éléments;

37. Que la Commission a opposé un refus à cette demande, en invoquant la nécessité de sauvegarder le secret d'affaires des autres entreprises;

38. Attendu cependant que la Commission a elle-même allégué que ces entreprises se seraient réciproquement et régulièrement communiqué les données relatives aux quantités vendues dans les Etats en question;

39. Que, d'ailleurs, en cas de doute, la Commission aurait pu demander l'avis des autres entreprises intéressées sur la communication demandée par la requérante des documents les concernant;

40. Qu'il n'apparaît pas que la commission ait procédé à cette consultation;

41. Attendu cependant que, tout au long de la procédure administrative, la requérante n'a pas contesté avoir pratiqué une politique concertée en matière de prix jusqu'à fin octobre 1964;

42. Qu'ainsi le défaut de communication de pièces ne paraît avoir été susceptible d'affecter les possibilités de défense de la requérante, dans le cadre de la procédure administrative, qu'en ce qui concerne la période novembre 1964 - janvier 1965;

43. Que, dès lors, il y a lieu de joindre cet élément au fond;

III - Sur les griefs relatifs à la rédaction du procès-verbal de l'audition

44. Attendu que la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir observé l'article 9, paragraphe 4, du règlement n° 99, en omettant notamment de soumettre aux intéressés, dans un délai raisonnable, un procès verbal complet et fidèle de l'audition, en lui fixant un délai trop court pour présenter ses observations et en ne s'assurant pas, avant d'adopter la décision attaquée, de son accord sur le projet de procès-verbal;

45. Attendu que, lors de la procédure administrative, la requérante, qui disposait d'un délai de trois semaines pour faire parvenir ses observations sur le projet de procès-verbal que la Commission lui avait soumis, n'a pas fait usage de son droit de proposer des amendements et n'a pas non plus demandé une prolongation du délai;

46. Qu'elle n'est donc pas fondée à reprocher maintenant à la Commission de lui avoir fixé un délai trop court et de ne pas s'être assurée, avant d'adopter la décision attaquée, de son accord sur le procès-verbal;

47. Attendu que la requérante soutient en outre que la Commission, en ne lui soumettant pas le texte en langue néerlandaise, aurait violé les principes inscrits aux articles 217 et 248 du traité CEE, conjointement avec les dispositions du règlement n° 1 du Conseil;

48. Attendu qu'aux termes de l'article 3 du règlement n° 1 du Conseil, les textes adressés par les institutions à une personne relevant de la juridiction d'un Etat membre sont rédigés dans la langue de cet Etat;

49. Que le fait de ne pas avoir communiqué une version néerlandaise du projet de procès-verbal constitue donc un vice dans l'établissement de ce document qui pourrait en affecter la régularité;

50. Qu'il ressort cependant des arguments produits par la requérante que celle-ci a été en état de prendre utilement connaissance du contenu du procès-verbal;

51. Que la requérante n'a pas allégué que, de ce fait, le procès-verbal comporterait à son égard d'inexactitudes ou d'omissions substantielles;

52. Qu'il y a lieu de conclure que l'irrégularité constatée n'a pas eu en l'espèce de conséquences préjudiciables pouvant vicier la procédure administrative;

53. Que, dans ces conditions, les griefs susvisés doivent être rejetés;

IV - Sur les griefs relatifs à la participation insuffisante de la requérante à la procédure administrative

54. Attendu que la requérante se plaint de ce que la Commission n'aurait pas respecté un principe général de droit lui imposant d'admettre les intéressés à participer étroitement à la procédure administrative afin de corriger ensemble d'éventuelles imprécisions et de compléter les arguments insuffisants;

55. Que ce défaut de collaboration de la Commission résulterait notamment de ce que la décision attaquée aurait maintenu des inexactitudes patentes, pour ne pas avoir tenu compte des observations faites par la requérante dans sa réponse à l'exposé des griefs;

56. Attendu que les droits de la défense sont satisfaits dès lors que chacune des personnes concernées a eu la possibilité de présenter ses observations écrites et orales sur les griefs retenus par la Commission à son égard;

57. Qu'il n'est pas contesté qu'au cours de la procédure administrative la requérante a eu cette possibilité;

58. Que, dès lors, ce grief n'est pas fondé;

V - Sur les griefs concernant le fondement juridique du règlement n° 99 de la Commission

59. Attendu que la requérante soutient que la délégation à la Commission du pouvoir d'élaborer des dispositions relatives à l'audition des intéressés et des tiers, faite par l'article 24 du règlement n° 17, concernerait une activité législative et serait, de ce fait, incompatible avec l'article 87 et avec les dispositions combinées des articles 155 et 4 du traité;

60. Attendu que l'article 87 attribue au Conseil la mission d'arrêter "tous règlements ou directives utiles en vue de l'application des principes figurant aux articles 85 et 86";

61. Qu'on ne saurait en déduire qu'il serait interdit au Conseil de conférer à la Commission le pouvoir de prendre les mesures réglementaires qui seraient nécessaires pour l'exécution des règles qu'il aurait adoptées dans le cadre de sa mission;

62. Que l'article 155 du traité, qui prévoit l'attribution à cet effet de compétences à la Commission par le Conseil, ne limite pas cette habilitation aux compétences non réglementaires;

63. Attendu qu'à l'article 19 du règlement n° 17, le Conseil a prévu le droit des entreprises, parties à une des procédures prévues par ce règlement, d'être entendues par la Commission;

64. Qu'à l'article 24 du même règlement, le Conseil a autorisé la Commission à arrêter des dispositions d'application concernant ces auditions;

65. Que le principe de l'audition des intéressés par la Commission ayant été adopté par le Conseil, les règles définissant la procédure à suivre à cet égard, pour importantes qu'elles soient, constituent des mesures d'exécution au sens de l'article 155 susvisé;

66. Que, partant, il était loisible au Conseil de confier à l'institution compétente pour appliquer cette procédure la mission d'en fixer les détails;

67. Que, dès lors, l'exception d'illégalité que la requérante fait valoir à l'égard de l'article 24 du règlement n° 17 n'est pas fondée;

68. Attendu que la requérante soutient en outre que le projet du règlement n° 17, qui avait été soumis au Parlement, ne prévoyait pas l'attribution de compétence à la Commission, de sorte qu'il n'aurait pu donner son avis sur ce point;

69. Attendu que le projet susvisé, dans la version ayant fait l'objet d'un avis favorable du Parlement (JO 1961, p. 1416) contient à son article 20 une disposition substantiellement identique à celle de l'article 24 du règlement n° 17;

70. Que, dès lors, ce grief n'est pas fondé;

VI - Sur le grief concernant la composition de l'organe administratif

71. Attendu que la requérante fait état de la violation d'un principe général imposant la continuité dans la composition de l'organe administratif saisi d'une procédure pouvant aboutir à une amende;

72. Attendu qu'il n'existe aucun principe général de cette nature et que partant ce grief n'est pas fondé;

VII - Sur le moyen de violation des formes substantielles par défaut de motivation

73. Attendu que, sous l'angle de la violation des formes substantielles, la requérante fait valoir une série de griefs concernant la motivation de la décision attaquée;

74. Qu'elle reproche en premier lieu à la décision d'avoir passé sous silence des parties importantes de son mémoire en réponse à l'exposé des griefs, qui concernaient notamment les caractéristiques du marché des produits pharmaceutiques et le défaut d'objet de la protection territoriale;

75. Que ces omissions empêcheraient tout contrôle de la compétence de la Commission pour intervenir en vertu de l'article 85 du traité en raison d'une entrave potentielle au commerce entre les Etats membres;

76. Attendu qu'en vertu de l'article 190 du traité, la Commission est tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l'ont amenée à prendre sa décision;

77. Qu'il n'est cependant pas exigé que la Commission discute tous les points de fait et de droit qui auraient été traités par chaque intéressé au cours de la procédure administrative;

78. Qu'en ce qui concerne plus particulièrement les décisions infligeant une amende, la motivation doit être jugée suffisante dès lors qu'elle fait apparaître de façon claire et cohérente les considérations de fait et de droit sur lesquelles s'appuie la condamnation des intéressés, de manière à permettre tant à ceux-ci qu'à la Cour de connaître les éléments essentiels du raisonnement de la Commission;

79. Attendu qu'il ressort de la décision que la Commission a estimé que la situation du marché des produits pharmaceutiques n'était pas décisive pour la constatation d'une violation des règles de concurrence du traité;

80. Que, dès lors, la Commission n'a pas commis une violation des formes substantielles en écartant des motifs de sa décision des éléments qu'elle estimait, à tort ou à raison, étrangers à l'affaire;

81. Qu'en ce qui concerne la protection territoriale, la décision expose de façon claire et cohérente les motifs, de fait et de droit, pour lesquels la Commission a reproché à la requérante d'avoir procédé, avec d'autres entreprises, à une répartition des marchés à l'intérieur de la Communauté;

82. Que les griefs susvisés ne sont donc pas fondés;

83. Attendu que la requérante soutient ensuite que certains des considérants de la décision seraient contradictoires;

84. Attendu, toutefois, que la requérante s'étant bornée à indiquer ces considérants, sans expliciter son affirmation, elle ne saurait invoquer utilement ce moyen;

85. Attendu que la requérante reproche en outre à la décision attaquée de contenir des affirmations non motivées ou insuffisamment motivées;

86. Attendu qu'en ce qui concerne les passages critiqués de la motivation relatifs aux inconvénients causés par l'entente aux acheteurs, il s'agit de considérations qui n'ont pas, dans le raisonnement de la Commission, une valeur déterminante;

87. Attendu qu'en ce qui concerne le reproche d'insuffisance de motivation relatif aux affirmations contenues aux alinéas 2 et 3 du paragraphe 24 de la décision, ce grief relève de la preuve des faits qui sont à la base de la décision et, par conséquent, du fond;

88. Qu'à cet égard les précisions contenues dans la décision de la Commission sont suffisantes pour permettre la compréhension du raisonnement de la Commission et le contrôle de la Cour;

89. Que, dès lors, ces griefs ne sont pas fondés;

90. Attendu que la requérante fait en outre grief à la défenderesse d'avoir violé l'article 4 du règlement n° 99, du fait que certains passages de la décision attaquée - concernant notamment la portée juridique du gentlemen's agreement, de la convention d'exportation et de la compensation des quantités - ne figuraient pas dans l'exposé des griefs ou s'y trouvaient sous une autre forme;

91. Attendu que la décision ne doit pas nécessairement être une copie de l'exposé des griefs;

92. Qu'en effet, la Commission doit tenir compte des éléments résultant de la procédure administrative soit pour abandonner des griefs qui se seraient révélés mal fondés, soit pour aménager et compléter, tant en fait qu'en droit, son argumentation à l'appui des griefs qu'elle maintient;

93. Que cette dernière possibilité n'est pas en contradiction avec les droits de la défense sanctionnés par l'article 4 susvisé;

94. Que cette disposition est respectée dès lors que la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l'exposé des griefs, et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l'occasion de s'expliquer;

95. Qu'aucun reproche de cette nature ne résulte de la comparaison entre l'exposé des griefs communiqué à la requérante le 30 juillet 1968 et le texte de la décision attaquée;

96. Que, dès lors, ce grief n'est pas fondé;

97. Attendu que la requérante fait enfin grief à la Commission d'avoir violé un principe général de droit suivant lequel l'attention des justiciables doit être attirée sur les possibilités de recours et sur les délais impartis à cet effet;

98. Attendu que la requérante ayant introduit son recours dans les délais, le présent moyen est sans portée;

VIII - Sur le grief concernant la publicité donnée à la décision

99. Attendu que la requérante reproche à la Commission d'avoir violé les principes qui seraient à la base de l'article 21 du règlement n° 17 en communiquant à la presse la décision attaquée et en la publiant intégralement au Journal officiel des Communautés, alors qu'elle ne figure pas parmi les décisions dont cet article prévoit la publication;

100. Qu'ainsi la défenderesse aurait influencé l'opinion publique au détriment de la réputation de la requérante et de sa position en bourse;

101. Attendu que l'article 21 du règlement n° 17, prévoyant la publication de certaines décisions, ne comprend pas celles prises en application de l'article 15 dudit règlement;

102. Que si la Commission n'était pas tenue de publier la décision attaquée, rien ni dans le texte ni dans l'esprit de l'article 21 susvisé ne l'empêchait d'effectuer cette publication, dès lors que celle-ci ne constituait pas une divulgation du secret d'affaires des entreprises;

103. Que la communication à la presse effectuée par les services de la Commission n'altérait ni le sens ni le contenu de la décision;

104. Que la publicité ainsi donnée à la décision peut même contribuer à assurer le respect des règles de concurrence du traité;

105. Que le présent grief n'est donc pas fondé;

D - Quant au fond

I - Sur la qualification et la durée du gentlemen's agreement

106. Attendu que la requérante fait grief à la Commission d'avoir considéré comme un tout indissoluble au regard de l'article 85 la convention d'exportation concernant le commerce avec les pays tiers et le gentlemen's agreement régissant le comportement de ses membres dans le Marché commun;

107. Qu'à la différence de la convention d'exportation, le gentlemen's agreement n'aurait pas constitué un accord, aux termes de l'article 85, paragraphe 1, et, de toute façon, aurait cessé d'exister de manière définitive dès la fin octobre 1962;

108. Que le comportement des parties à la convention d'exportation ne permettrait pas de conclure qu'elles auraient continué à appliquer les restrictions à la concurrence prévues originairement par le gentlemen's agreement;

109. Que les conclusions contraires auxquelles parvient la décision attaquée seraient viciées parce que basées sur des constatations inexactes;

110. Attendu que le gentlemen's agreement, dont l'existence jusqu'à fin octobre 1962 est reconnue par la requérante, avait pour objet de restreindre la concurrence dans le Marché commun;

111. Que les parties à la convention d'exportation s'étaient mutuellement déclarées disposées à se conformer au gentlemen's agreement et admettent s'y être conformées jusqu'à la fin d'octobre 1962;

112. Que ce document constituait ainsi la fidèle expression de la volonté commune des membres de l'entente sur leur comportement dans le Marché commun;

113. Qu'en outre, il contenait une clause selon laquelle la violation du gentlemen's agreement constituerait ipso facto une violation de la convention d'exportation;

114. Que, dans ces conditions, il convient de tenir compte de ce lien pour qualifier le gentlemen's agreement à l'égard des catégories d'actes interdits par l'article 85, paragraphe 1;

115. Attendu que la défenderesse fonde son opinion relative à la continuation, jusqu'en février 1965, du gentlemen's agreement, sur des documents et des déclarations émanant des parties à l'entente, dont la teneur peu claire et même contradictoire ne permet pas de décider si ces entreprises avaient entendu mettre fin au gentlemen's agreement lors de leur réunion du 29 octobre 1962;

116. Qu'il y a donc lieu d'examiner le comportement des entreprises dans le Marché commun après le 29 octobre 1962 sur les quatre points relatifs à la répartition des marchés nationaux, à la fixation de prix communs, à la détermination de quotas de vente et à l'interdiction de fabriquer la quinidine synthétique;

II - Sur la protection des marchés nationaux des producteurs

117. Attendu que le gentlemen's agreement assurait la protection de chaque marché national en faveur des producteurs des différents Etats membres;

118. Qu'après octobre 1962, lorsque des livraisons d'une certaine importance ont eu lieu sur un de ces marchés de la part de producteurs non nationaux, comme ce fut le cas des ventes de quinine et de quinidine en France, ceux-ci se sont substantiellement alignés sur les prix intérieurs français, plus élevés que les prix à l'exportation vers les pays tiers;

119. Qu'il ne paraît pas qu'il y ait eu des modifications dans le volume insignifiant des échanges entre les autres Etats membres visés par la clause de protection nationale, malgré les différences importantes des prix pratiqués dans chacun de ces Etats;

120. Que les divergences entre les législations internes de ces Etats ne suffisent pas à expliquer ces différences de prix ni l'absence substantielle d'échanges;

121. Que les entraves pouvant résulter des différences entre les législations nationales régissant les produits pharmaceutiques de marque aux échanges de quinine et de quinidine ne sauraient être utilement invoquées pour expliquer ces faits;

122. Que l'échange de correspondances effectué en octobre-novembre 1963 entre les parties à la convention d'exportation au sujet de la protection des marchés nationaux n'a fait que confirmer la volonté de ces entreprises de laisser inchangé cet état de choses;

123. Que cette volonté a reçu une confirmation ultérieure de Nedchem lors de la réunion des entreprises intéressées à Bruxelles le 14 mars 1964;

124. Qu'il résulte de ces circonstances, qu'en ce qui concerne la restriction de la concurrence découlant de la protection des marchés nationaux des producteurs, ceux-ci ont continué, après la réunion du 29 octobre 1962, à se conformer au gentlemen's agreement de 1960 et ont confirmé leur volonté commune à cet effet;

125. Attendu que la requérante soutient qu'en raison notamment de la pénurie de matières premières la répartition des marchés nationaux, telle qu'elle résulte de l'échange de lettres d'octobre-novembre 1963, était dépourvue de toute portée sur la concurrence dans le Marché commun;

126. Attendu que, malgré la raréfaction des matières premières et une augmentation de la demande des produits en cause, comme la décision attaquée le constate, une menace sérieuse de pénurie ne s'est cependant manifestée qu'en 1964, à la suite de l'interruption des livraisons de Nedchem provenant de l'administration américaine;

127. Que, d'autre part, une telle situation n'est pas de nature à rendre licite une entente ayant pour objet de restreindre la concurrence dans le Marché commun et affectant les échanges entre les Etats;

128. Que la répartition des marchés nationaux a pour objet de restreindre la concurrence et les échanges effectués dans le Marché commun;

129. Que le fait que cette entente ait pu avoir en pratique, lorsque la menace de pénurie des matières premières s'est manifestée, une portée moindre sur la concurrence et sur le commerce international que dans une période normale, ne saurait rien changer au fait que les parties n'ont pas cessé leurs agissements;

130. Que, d'ailleurs, la requérante n'a fourni aucun élément déterminant susceptible d'établir qu'elle aurait cessé de se comporter conformément à l'entente avant la date d'expiration de l'accord d'exportation;

131. Que, dès lors, les moyens concernant la partie de la décision relative à la continuation de l'accord sur la protection des marchés nationaux des producteurs jusqu'au début de février 1965 ne sont pas fondés;

III - Sur la fixation en commun des prix de vente

132. Attendu qu'en ce qui concerne la fixation en commun des prix de vente pour les marchés non répartis, à savoir l'Union belgo-luxembourgeoise et l'Italie, le gentlemen's agreement prévoyait l'application à ces ventes du barème des prix courants à l'exportation dans les pays tiers fixé de commun accord, conformément à la convention d'exportation;

133. Que la fixation en commun des prix de vente par les producteurs de la quasi-totalité de quinine et de quinidine écoulée dans le Marché commun, est de nature à affecter le commerce entre les Etats membres et limite de manière grave la concurrence dans le Marché commun;

134. Que si, comme le soutient la défenderesse, les parties à la convention d'exportation avaient continué jusqu'à février 1965 à appliquer, pour leurs fournitures dans les Etats membres susvisés, leurs prix courants à l'exportation, il en résulterait qu'elles auraient continué à se conformer à la partie du gentlemen's agreement relative à la fixation en commun des prix de vente;

135. Attendu qu'en ce qui concerne la période de novembre 1962 à avril 1964, les données fournies par la défenderesse montrent une identité substantielle et constante entre les prix courants fixés à l'exportation dans le cadre de l'entente et les prix pratiqués par les intéressés, y compris la requérante, pour leurs ventes dans les marchés nationaux non protégés de la Communauté;

136. Que, lorsque ces prix s'écartent du barème des prix à l'exportation, c'est en fonction de rabais ou de majorations correspondant généralement à ceux convenus sous l'empire du gentlemen's agreement;

137. Que la requérante n'a fourni aucune preuve susceptible d'infirmer le bien-fondé de cette démonstration;

138. Que, d'autre part, l'augmentation des prix de 15 %, décidée en commun le 12 mars 1964 en vertu de la convention d'exportation qui avait permis de faire cesser l'opposition de Nedchem, a été uniformément appliquée, bien que cette entreprise eût préféré continuer à pratiquer des prix plus bas, également aux livraisons en Italie, en Belgique et au Luxembourg;

139. Que ces circonstances font apparaître qu'en matière de prix de vente les parties à la convention d'exportation ont continué, après octobre 1962, à se comporter dans le Marché commun comme si le gentlemen's agreement de 1960 était encore en vigueur;

140. Attendu que le comportement tenu par les membres de l'entente en matière de prix dès le mois de mai 1964 n'a fait l'objet de discussions approfondies qu'à la suite des questions posées par la Cour à la défenderesse au cours de la procédure orale;

141. Qu'il ressort de ces débats, compte tenu des données fournies par les parties, qu'au cours de l'année 1964, et notamment à partir du mois de mai, un membre de l'entente a appliqué, dans un nombre croissant de cas, des prix qui s'écartent des prix courants à l'exportation, sans que la défenderesse ait été en mesure d'expliquer d'une manière convaincante comment ce fait pourrait se concilier avec le maintien en vigueur de l'accord dont il s'agit;

142. Que le défaut de communication aux intéressés des résultats des vérifications effectuées en Italie et en Belgique, qui a empêché toute possibilité de clarification et de discussion au stade de la procédure administrative, paraît susceptible d'avoir contribué à maintenir dans l'ombre des faits qui auraient dû être mis en lumière;

144. Que, dans ces conditions, il n'a pas été établi à suffisance de droit que la requérante a pratiqué, de commun accord avec les autres producteurs, des prix uniformes pour ses ventes dans l'Union belgo- luxembourgeoise et en Italie après mai 1964;

145. Que, dès lors, la période de mai 1964 à février 1965 doit être écartée de l'infraction;

IV - Sur les quotas de vente

145. Attendu qu'en ce qui concerne la fixation des quotas de vente pour le Marché commun, assortie d'un système de compensation, et constituant une garantie supplémentaire de la répartition des marchés nationaux, la requérante soutient que la condition nécessaire pour le fonctionnement d'un tel système, à savoir la communication réciproque de la totalité des ventes, y compris celles effectuées dans la Communauté, n'aurait plus eu lieu après le mois d'octobre 1962;

146. Attendu qu'il n'apparaît pas de manière certaine que les communications des intéressés relatives aux ventes, produites par la défenderesse à l'appui de son affirmation contraire, concernent également les livraisons dans le Marché commun;

147. Qu'au contraire, ces documents se réfèrent généralement de manière expresse aux "ventes à l'exportation", expression par laquelle les membres de l'entente désignaient habituellement les ventes aux pays tiers;

148. Qu'en outre, il ressort d'un échange de lettres de janvier 1964 entre deux membres de l'entente que même la communication des chiffres relatifs à ces ventes à l'exportation n'était plus effectuée de manière régulière;

149. Que la défenderesse elle-même, dans les motifs de la décision attaquée, admet qu'au cours des années 1963-1964 le mécanisme des compensations, visant à assurer le respect des quotas, n'a pas été appliqué, en raison de la raréfaction des matières premières et de l'augmentation de la demande, de sorte que les membres de l'entente n'avaient plus intérêt à effectuer des livraisons compensatoires entre eux;

150. Attendu que la défenderesse a présenté à l'audience un tableau des quantités de quinine écoulée par Nedchem, Boehringer et Buchler de 1962 à 1964, tendant à démontrer que ces quantités, considérées en pourcentage du total des quotas, ne s'écartent pas sensiblement pour cette période du quota assigné à chacune de ces entreprises dans le cadre de l'entente et, par là, que le mécanisme des quotas aurait continué à fonctionner après 1962;

151. Attendu cependant que ce tableau, qui exclut d'ailleurs les ventes de quinidine, fait apparaître que, même en prenant comme base une moyenne établie sur les deux dernières années, des écarts non négligeables subsistent pour chacune des trois entreprises par rapport à son propre quota;

152. Qu'en outre, les chiffres fournis par la Commission ont un caractère global, comprenant la totalité des ventes de quinine des intéressés et ne permettent donc pas de voir quelle a été l'évolution du comportement de ceux-ci dans le Marché commun;

153. Qu'en l'absence de preuves suffisantes sur la continuation du système des quotas pour les ventes dans le Marché commun après octobre 1962, il y a lieu de conclure que les griefs de la requérante à l'égard de cette partie de la décision attaquée sont fondés;

V - Sur les limitations apportées à la fabrication de la quinidine synthétique

154. Attendu que le gentlemen's agreement interdisait au groupe des entreprises françaises de fabriquer de la quinidine synthétique;

155. Que par la gravité des restrictions imposées à des entreprises d'un Etat membre en faveur d'entreprises d'autres Etats membres et compte tenu de l'importance de ces entreprises sur le marché concerné, ces interdictions ont manifestement pour objet de restreindre le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun et sont de nature à affecter le commerce entre les Etats membres;

156. Que la circonstance invoquée que les entreprises françaises n'auraient pas été en mesure, à l'époque où cet accord a été conclu, de fabriquer de la quinidine synthétique ne saurait rendre licite une telle restriction qui empêchait toute possibilité de leur part d'entreprendre cette activité;

157. Attendu que l'acceptation par les entreprises françaises de cette limitation à leur liberté d'action peut s'expliquer en considération de l'intérêt qu'elles avaient - en raison des prix particulièrement élevés qu'elles pratiquaient en France pour leurs produits - à sauvegarder la protection territoriale dont elles bénéficiaient sur leur marché national;

158. Qu'en tenant compte du lien ainsi existant entre ces deux restrictions de la concurrence, on peut raisonnablement conclure que l'interdiction de production a duré autant que la protection territoriale;

159. Que s'il est vrai que Boehringer, en mars 1964, a cédé une licence pour la production de quinidine au membre anglais restant dans l'entente et auquel le gentlemen's agreement imposait des interdictions analogues à celles imposées aux entreprises françaises, ce fait ne change rien à ce qui a été déjà constaté quant aux rapports entre les entreprises françaises et les membres allemands et néerlandais de l'entente;

160. Que s'il est possible qu'en raison de la raréfaction des matières premières, constatée par la décision attaquée (n° 29, dernier alinéa), la protection des marchés nationaux n'ait pas, dans sa dernière période, exercé d'effets importants sur le plan de la concurrence et des échanges entre les Etats membres, cette entente n'a pas moins duré jusqu'en février 1965;

161. Qu'à défaut de tout indice contraire et eu égard aux liens indiqués ci-dessus entre les deux aspects de l'entente, il y a lieu de considérer que l'accord restreignant la liberté de fabrication des entreprises françaises a eu la même durée;

162. Que, dès lors, les griefs que la requérante a fait valoir à cet égard ne sont pas fondés;

VI - Appréciation globale de l'entente dans le Marché commun

163. Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ce qui précède que la requérante a participé avec d'autres producteurs de quinine et de quinidine à une entente interdite par l'article 85 du traité CEE;

164. Que cette entente a persisté sous la plupart de ses aspects, même après la réunion du 29 octobre 1962;

165. Que des doutes sérieux sur le maintien de l'entente après 1962 ne subsistent qu'en ce qui concerne l'application de quotas de vente;

166. Que, cependant, la circonstance que les entreprises n'auraient pas continué à appliquer le système des quotas ne paraît pas avoir amélioré sensiblement les conditions de la concurrence, dès lors qu'elles ont persisté à pratiquer des prix fixés en commun, à appliquer uniformément pour leurs livraisons dans le Marché commun des augmentations communes de prix, effectuées en mars et en octobre 1964 et décidées dans le cadre de la convention d'exportation, à maintenir enfin la protection des marchés nationaux respectifs et l'interdiction pour les entreprises françaises de produire de la quinidine synthétique;

167. Que l'application de prix uniformes pour les livraisons en Italie, en Belgique et au Luxembourg n'a toutefois pu être constatée que jusqu'en avril 1964;

168. Qu'enfin, même si on devait admettre que la convention d'exportation aurait pu fonctionner indépendamment de l'accord relatif au Marché commun, il faut constater qu'en fait les membres de l'entente ont attribué une grande importance à ce que les deux accords reçoivent conjointement application;

169. Que, bien qu'à partir d'octobre 1963 la convention d'exportation a été déclarée "en sommeil", il apparaît clairement des déclarations faites par les intéressés au cours de leurs réunions postérieures ainsi que de l'ensemble de leur comportement ultérieur, qu'ils avaient encore intérêt à ce que cette convention soit préservée, notamment en vue de son éventuelle utilisation dans le Marché commun;

VII - Sur les griefs relatifs à l'amende

170. Attendu que la requérante reproche à la Commission de lui avoir infligé une amende du chef d'une infraction qui avait pris fin;

171. Que les amendes prévues par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 auraient le caractère d'astreintes, et non pas de sanctions pénales;

172. Attendu que les sanctions prévues par l'article 15 du règlement n° 17 n'ont pas le caractère d'astreintes;

173. Qu'elles ont pour but de réprimer des comportements illicites aussi bien que d'en prévenir le renouvellement;

174. Que cette finalité ne pourrait être atteinte de manière adéquate si l'application d'une sanction devait être limitée aux seules infractions actuelles;

175. Que le pouvoir de la Commission d'infliger des sanctions n'est nullement affecté par le fait que le comportement constitutif de l'infraction et la possibilité de ses effets nuisibles ont cessé;

176. Que l'appréciation de la gravité de l'infraction, aux fins de la fixation du montant de l'amende, doit être effectuée en tenant compte notamment de la nature des restrictions apportées à la concurrence, du nombre et de l'importance des entreprises concernées, de la fraction respective du marché qu'elles contrôlent dans la Communauté ainsi que de la situation du marché à l'époque où l'infraction a été commise;

177. Attendu que la requérante soulève une exception d'illégalité à l'encontre de l'article 15 susvisé, motif pris de ce que le système des amendes prévu par cette disposition serait essentiellement différent du système prévu par le projet de la Commission sur lequel le Parlement européen avait été entendu;

178. Attendu que le projet de règlement sur lequel le Parlement a été consulté, considéré dans son ensemble, n'a pas été affecté dans sa substance même;

179. Que, dès lors, l'exception d'illégalité n'est pas fondée;

180. Attendu que la requérante demande à la Cour de supprimer ou, du moins, de réduire considérablement l'amende parce que l'infraction qui lui est imputée aurait un caractère "purement formel";

181. Qu'elle soutient, en outre, qu'il n'y aurait pas de juste rapport entre l'amende imposée et l'infraction commise, compte tenu notamment de ce que la requérante avait toujours soutenu au sein de l'entente le maintien des prix à un niveau peu élevé;

182. Attendu qu'il résulte des considérations déjà exposées à propos des griefs concernant les constatations des faits contenus dans la décision litigieuse que l'infraction n'a pas un caractère purement formel;

183. Que la décision attaquée, au n° 40, alinéa 3, a expressément fait état de ce que la requérante s'est prononcée à plusieurs reprises en faveur de prix relativement bas;

184. Que la Commission a donc tenu compte de cet élément dans l'évaluation de l'amende;

185. Que la prise en considération de circonstances atténuantes en faveur de la requérante a eu pour effet que l'amende qui lui a été appliquée, par rapport à celles infligées aux autres membres de l'entente, est proportionnellement inférieure au quota dont elle disposait au sein de l'entente;

186. Que le montant relativement élevé de l'amende imposée à la requérante se justifie cependant en raison notamment de ce que cette entreprise détient la plus grande part du marché pour les produits en cause, en considération de l'influence majeure qu'elle a exercée lors de l'élaboration et de la mise en œuvre des accords, ainsi que du caractère grave et conscient des infractions par elle commises;

187. Attendu que les constatations de la décision attaquée relatives aux infractions imputables à la requérante sont ainsi, en leurs parties essentielles, fondées;

188. Que l'exclusion de la fixation de quotas de vente pour la période allant de novembre 1962 à février 1965 et des prix de vente pour la période mai 1964-février 1965, n'ayant pas diminué d'une manière sensible la gravité des restrictions de la concurrence découlant de l'entente, ne justifie qu'une légère diminution de l'amende;

189. Qu'il y a lieu de réduire celle-ci à 200 000 unités de compte;

Sur les dépens

190. Attendu qu'aux termes de l'article 69, paragraphe 2, alinéa 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens;

191. Que la requérante ayant succombé pour l'essentiel de ses conclusions, elle doit être condamnée aux dépens de la présente instance.

Par ces motifs, vu les actes de procédure; le juge rapporteur entendu en son rapport; les parties entendues en leurs plaidoiries; l'Avocat général entendu en ses conclusions; vu le traité de la Communauté économique européenne et notamment son article 85; vu les règlements n° 17-62 du Conseil et n° 99-63 de la Commission de la Communauté économique européenne; vu le protocole sur le statut de la Cour de justice de la Communauté économique européenne; vu le règlement de procédure de la Cour de justice des Communautés européennes,

LA COUR, rejetant toutes autres conclusions plus amples ou contraires, déclare et arrête:

1) Le recours en annulation est rejeté;

2) La décision de la Commission des Communautés européennes du 16 juillet 1969 (JO n° L 192, p. 5 et s.) est réformée pour autant qu'en son article 1 elle constate que la requérante a appliqué les clauses du gentlemen's agreement du 9 avril 1960 concernant le système de quotas et de compensation au cours de la période de novembre 1962 à février 1965, et la fixation des prix et des remises pour les exportations de quinine et de quinidine au cours de la période de mai 1964 à février 1965;

3) L'amende infligée à la requérante par la décision précitée est réduite à 200 000 unités de compte;

4) La partie requérante est condamnée aux dépens de l'instance.