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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 22 mars 2000, n° 1998-02020

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Scarfogliero (es qual.)

Défendeur :

Tousalon Expansion (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Taze- Bernard-Belfayol-Broquet, Me Baufumé

Avocats :

Mes Usclat, Taiebbesserat.

T. com. Paris, 12e ch. , du 23 sept. 199…

23 septembre 1997

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Henri Scarfogliero agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Espace à l'encontre du jugement rendu le 23 septembre 1997 par le tribunal de commerce de Paris qui a

- débouté le société Espace de ses demandes,

- condamné celle-ci à payer à la société Tousalon Expansion la somme de 523.877,85 francs assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 août 1995 et celle de 10.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la société Espace.

Sur ce

Vu les dernières écritures de Henri Scarfogliero, ès-qualités, par lesquelles il demande, en substance, à la Cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il a estimé que la société Espace avait accepté tacitement pendant six ans la modification de la zone concédée et en ce que la perte de chiffre d'affaires n'était que supposée et pouvait être également liée à la crise économique,

- condamner en conséquence la société Tousalon Expansion à lui payer ès-qualités, les sommes de

-- 2.739.014 francs au titre de la perte de résultat cumulée sur six exercices courus,

-- 1.000.000 de francs à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial ayant entraîné le dépôt de bilan de la société,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Espace au paiement de la somme de 523.877,65 francs et débouter la société Tousalon Expansion de cette demande, assortir subsidiairement cette somme des intérêts à compter du 10 mars 1996 et non du 31 août 1995,

- en tout état de cause, dire que cette créance ne peut faire l'objet que d'une inscription au passif de la société Espace,

- condamner l'intimée à lui régler la somme de 20.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la débouter de l'ensemble de ses prétentions.

Vu les écritures de la société Tousalon Expansion par lesquelles elle prie la Cour de débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement dont appel sauf à fixer à la somme de 523.877,65 francs la créance de la société Tousalon Expansion sur la société Espace et de condamner Henri Scrafogliero, ès-qualités, au paiement de la somme de 20.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

LA COUR

Considérant que la SA Espace a acquis le 29 juin 1989 le fonds de commerce de meubles exploité en franchise par la société JP Couzon à Andrezieux Bouthéon (Loire) qui avait conclu avec la société Tousalon France un contrat de franchise le 1er juillet 1983 lui concédant l'exploitation exclusive de la marque Tousalon sur un certain nombre de cantons de l'arrondissement de St Etienne ; que le 7 juillet 1989 le franchiseur a agréé cette cession et a adressé les 28 septembre et 9 octobre 1989 un contrat de franchise qui n'a jamais été signé par le nouveau franchisé ;

Que courant 1995, les relations commerciales entre les parties se sont dégradées, le franchiseur n'étant pas payé de ses factures et le franchisé reprochant à celui-ci d'avoir laissé une société Tousalon Givors exploiter le canton de St Chamont qui lui avait été initialement concédé ;

Que la société Tousalon Expansion anciennement dénommée Tousalon France a saisi le juge des référés d'une demande en paiement de ses factures impayées dont elle a été déboutée le 1er février 1996 en raison d'une contestation sérieuse, puis a résilié le contrat le 11 mars 1996 ;

Qu'antérieurement la société Espace avait saisi le tribunal de commerce de Montbrison qui s'est déclaré incompétent au profit de tribunal de commerce de Paris d'une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui avait causé la carence du franchiseur à faire respecter la zone qui lui avait été concédée ; que c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement dont appel, le tribunal ayant estimé que la société Espace avait tacitement accepté le modification du périmètre d'exclusivité ;

Considérant qu'il ressort de écritures prises devant la Cour par Henri Scarfogliero, ès qualités, que le seul contrat de franchise opposable à la société Espace est celui régularisé le 1er juillet 1983 par la société JP Couzon comprenant notamment l'arrondissement de St Chamond, que Monsieur Poisay, dirigeant de la société Espace n'a jamais accepté même tacitement que Monsieur Grimaldi, administrateur de cette dernière et propriétaire d'un magasin Tousalon exploité à Givors s'approprie la zone de St Chamond, que le franchiseur qui devait assurer le respect des concessions exploitées par ses franchisés a créé la confusion entre eux en ne prenant position sur l'arrondissement de St Chamond que le 20 juillet 1995 ;

Considérant, en premier lieu, qu'il convient de noter que la société Espace n'a jamais retourné signé aucun des documents qu'a pu lui adresser la société Tousalon Expansion, que ce soit :

- le contrat de franchise ne comprenant plus la zone de St Chamond dans le territoire dont l'exclusivité lui était concédée ni même celui la comprenant (envois des 28 septembre et 9 octobre 1989),

- le contrat conforme aux modifications de la réglementation européenne (envoi du 3 janvier 1990),

- l'avenant réduisant la redevance (envoi 28 décembre 1994),

Considérant qu'il ne peut être valablement soutenu que le franchiseur aurait manqué à ses obligations en n'assurant pas le respect des zones d'exclusivité puisque dans un courrier adressé le 30 juin 1989 par Roger Grimaldi, administrateur de la société Espace et gérant de la société Gisors Sièges, à la société Tousalon France, celui-ci lui annonçait que le compromis de vente avait été signé pour le rachat de Tousalon d'Andrezieux dans le cadre d'une association qu'il avait constituée à cet effet, que le gérant sera un professionnel du siège Dominique Poisay et sollicitait l'agrément du franchiseur et l'actualisation de la nouvelle zone concédée à d'Andrezieux, ce qui a été fait par le franchiseur qui a agréé le 7 juillet 1989 le nouveau franchisé et lui a envoyé un contrat de franchise le 9 octobre ne comprenant plus la zone de St Chamond,

Considérant que Dominique Poisay dirigeant de la société Espace ait pris la précaution de ne pas signer ce document qui a disparu, est sans incidence sur le fait que du 9 octobre 1989 jusqu'au mois de juin 1995, cette société a accepté tacitement mais sans équivoque en exécutant le contrat, la modification de la zone d'exclusivité opérée à la demande de son créateur,

Que pendant ces six années, cette société n'a adressé à ce titre aucune réclamation au franchiseur et ne saurait valablement se prévaloir des procès verbaux des conseils d'administration de la société Espace des 17 janvier 1991 et 3 août 1995 au cours desquels cette question a été abordée, Roger Grimaldi conseillant même en août 1995 à son co-associé d'assigner le franchiseur pour obtenir réparation du préjudice qu'il a lui-même causé en exploitant la zone litigieuse au détriment de la société Espace,

Considérant que la société Tousalon Expansion, étrangère aux accords ou désaccords des administrateurs de la société Espace ne peut aujourd'hui se voir reprocher le moindre manquement à ses obligations contractuelles, étant ici observé qu'il n'est nullement surprenant qu'en juin 1995, alors que la société Espace ne réglait pas les factures qu'elle devait au franchiseur depuis la fin de l'année 1994 et que son chiffre d'affaires était en baisse, elle a vu tout l'intérêt pour elle de soulever pour la première fois le problème de la zone de St Chamond dont elle avait accepté qu'elle soit retirée de son périmètre d'exclusivité ;

Que par suite, aucun manquement ne pouvant être reproché au franchiseur, la demande d'indemnisation formée par Henri Scarfogliero doit être rejetée ;

Considérant, sur la demande en paiement des factures restant dues au franchiseur, que celles- ci ne sont pas utilement contestées par l'appelant; que cependant le décompte arrêté au 10 mars 1996 de la société Tousalon Expansion faisant état d'intérêts à hauteur de 41.589,78 francs, la somme 523.887,65 francs sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mars 1996 comme le demande à juste titre l'appelant ;

Qu'en raison de la procédure collective dont la société Espace a fait l'objet le 11 juin 1997, le jugement sera réformé en ce qu'il a prononcé une condamnation pécuniaire à l'encontre de celle-ci ; que l'appelant ne contestant pas que l'intimée a déclaré sa créance bien que la déclaration de créance n'a pas été versée aux débats, il sera procédé à la fixation de la créance au passif de la société Espace, sous réserve de la production d'une déclaration de créance régulière ;

Considérant que Henri Scarfogliero qui succombe ne peut prétendre être indemnisé de ses frais irrépétibles ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à ce titre à l'intimée la somme complémentaire précisée au dispositif ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a prononcé une condamnation pécuniaire à l'encontre de la société Espace en liquidation judiciaire et statuant à nouveau, Constate que la société Tousalon Expansion est créancière de la société Espace de la somme de 523.877,65 francs assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 mars 1996 et non pas du 31 août 1995, Fixe, sous réserve de l'existence d'une déclaration de créance régulière, la créance de la société Tousalon Expansion au passif chirographaire de la société Espace pour ce montant, Condamne Henri Scarfogliero, ès-qualités, à payer à l'intimée la somme complémentaire de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par l'avoué concerné.