CA Pau, ch. soc., 4 mai 2000, n° 98-04153
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
SOCAFA (SA)
Défendeur :
Simonin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Zanghellini
Conseillers :
Mme Poque, M. Pouyssegur
Avocats :
Mes Moras, Ducorps.
Monsieur Alain-Michel Simonin a été engagé par la SA SOCAFA en qualité de commercial à compter du 19 octobre 1987 par contrat écrit. D'octobre 1996 à avril 1997, il a bénéficié d'un congé individuel de formation.
Monsieur Simonin a été licencié le 17 mai 1997 suite à son refus d'accepter la poursuite de son contrat dans le cadre de la proposition formulée le 12 avril 1997, consécutivement à sa demande de réintégration à l'issue de son stage.
Il a saisi le 30 octobre 1997 le Conseil de Prud'hommes de Dax pour obtenir un complément d'indemnité de licenciement 14 586,98 F, la prise en compte d'une clause de non-concurrence (226 057,27 F) et les dommages-intérêts pour rupture abusive 220 752,00 F (18 mois).
La juridiction prud'homale par jugement du 3 décembre 1998 a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse mais indiquant que Monsieur Simonin relevait du statut voyageur représentant placier a alloué à titre de complément d' indemnité de licenciement la somme de 4238,52 F, la réparation au titre de la clause de non concurrence 226 057,27 F, la somme de 3 071,79 F net au titre des charges sociales sur indemnité de licenciement.
La SA SOCAFA a interjeté appel de façon limitée le 8 décembre 1998 sur les sommes allouées du fait de la qualité de voyageur représentant placier (numéro 98-04153).
Monsieur Simonin forma lui aussi recours le 30 décembre 1998 sur les dommages-intérêts pour rupture abusive 18 mois de salaire ainsi que le règlement de 18 jours et demi de congés payés (8310,77 F) - (numéro 99-00037).
Eu égard à la connexité des affaires, il convient de les joindre, la Cour étant saisie de l'ensemble des demandes initiales.
La SA SOCAFA rappelle la chronologie ayant conduit à la rupture du contrat à la suite de l'absence pour formation du 15 octobre 1996 au 8 avril 1997 et les exigences de réintégration de Monsieur Simonin, le refus de ce dernier justifiant le licenciement.
Elle fait observer que Monsieur Simonin a lui-même souhaité un emploi au sein de l'entreprise suivant les possibilités, notant qu'en réalité, il avait espéré trouver un emploi dans la nouvelle qualification ailleurs ; il savait qu'un autre salarié à durée déterminée avait investi son poste, ayant même contribué à sa formation.
La SA SOCAFA fait enfin remarquer que Monsieur Simonin s'était engagé à ne pas réclamer sa réintégration.
La SA SOCAFA souligne avoir néanmoins essayé de satisfaire les souhaits de son salarié dans la mesure du possible, Monsieur Simonin n'ayant pas réclamé son ancien poste de commercial, si ce n'est dans le courrier qu'il a adressé le 22 avril 2000. Elle fait observer que Monsieur Simonin est resté taisant sur la proposition d'intégrer un poste au siège de l'entreprise.
Selon la partie appelante, le licenciement est justifié puisque Monsieur Simonin ne démontre pas que le poste qui lui était proposé était inacceptable et en quoi il modifiait son contrat de travail. Elle note la mauvaise foi de Monsieur Simonin qui s'était engagé à démissionner de son poste de commercial, ce qu'il avait expressément reconnu lorsqu'il avait bénéficié de la première proposition de stage. De surcroît, Monsieur Simonin a lui-même demandé sa réintégration dans des emplois sans restriction tant au niveau de la qualification ni qu'au niveau de la situation géographique.
La société SOCAFA justifie le remplacement de Monsieur Simonin en raison même de l'attitude de celui-ci et de la nature du poste.
Elle précise que l'obligation de l'employeur se définit par rapport à l'emploi et non par rapport au poste de travail occupé. La SA SOCAFA invoque la jurisprudence de la Cour de cassation.
La partie appelante estime avoir fait le maximum d'efforts pour une petite et moyenne industrie de 40 personnes en essayant de procurer un emploi commercial, ce qui ne changeait pas les éléments fondamentaux du contrat.
Elle estime que le refus non motivé et non justifié du salarié a été à l'origine de la rupture.
Sur le second point, la SA SOCAFA fait plaider que Monsieur Simonin n'a jamais été voyageur représentant placier n'étant pas statutaire au sens de l'article L. 751 du Code du travail.
Il ne fait pas de démarchage-prospection. Il était soumis à des directives précises et ne disposait d'aucune autonomie dans l'organisation de son travail.
Il n'a jamais rendu compte de son activité si bien qu'il ne peut pas par ce biais réclamer l'application de la Convention Collective voyageur représentant placier. Il prétendait lui-même dépendre de la Convention Collective du Négoce des Produits du Sol et Monsieur Simonin, est-il observé, n'a jamais cotisé aux organismes spécifiques des Voyageurs Représentants Placiers. Il n'a pas saisi la section encadrement.
La clause de non-concurrence ne pouvait donner lieu à une contrepartie financière dans le cadre de la convention applicable.
La SA SOCAFA réclame le débouté des demandes de Monsieur Simonin, outre la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Simonin sollicite au contraire l'intégralité des sommes ayant motivé la saisine du Conseil, outre 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il rappelle qu'à l'issue du stage de formation fait avec l'accord de la SA SOCAFA, Monsieur Simonin dont le contrat était simplement suspendu, pouvait prétendre réintégrer le poste qu'il occupait alors qu'il ne lui a été proposé qu'un poste commercial sédentaire dans un lieu différent à Cavignac.
Monsieur Simonin précise que le courrier qu'on lui oppose en date du 22 mai 1995 ne saurait avoir de pertinence alors qu'il était relatif à la première tentative de congé individuel de formation.
La SA SOCAFA ne pouvait proposer un poste différent, ce qu'elle reconnaît implicitement dans ses conclusions en page 4 et Monsieur Simonin fait observer qu'en outre l'emploi envisagé ne correspondait en rien à son ancien travail (primes-voiture, sédentaire, lieu de travail).
Il indique qu'âgé de 41 ans, il n'a retrouvé qu'un emploi de réceptionniste si bien qu'il a perdu 50 % de son salaire. Il réclame dans ces conditions 18 mois de salaire de même que la somme de 8 310,77 F correspondant aux 18 mois et demi de congés non réglés.
Quant aux indemnités dues comme voyageur représentant placier au titre de la clause de non-concurrence (article 17 de la Convention Nationale), il fait observer que sa qualité d'attaché commercial est en harmonie avec le statut de voyageur représentant placier comme l'ont noté les premiers juges (modalité d'exercice, autonomie, compte-rendus, objet et cadre des prestations). Il est donc demandé sur ce point confirmation pure et simple.
MOTIVATION
I - SUR LE STATUT DE MONSIEUR SIMONIN :
Il appartient au juge de rechercher les éléments caractérisant la réalité du lien salarial.
Le voyageur représentant placier tel que défini à l'article L. 751-1 du Code du travail doit exercer de façon constante et exclusive pour le compte de son employeur des prestations de représentation, excluant toute opération commerciale pour son compte personnel, portant sur des services ou des marchandises, dans un secteur déterminé moyennant une rémunération fixée suivant un taux sur chaque affaire traitée.
L'autonomie de l'organisation du travail, l'obligation de rendre compte régulièrement de ses activités et le règlement de commissions caractérisent principalement l'activité de voyageur représentant placier.
Monsieur Simonin ne saurait prétendre à cette qualification.
Tout d'abord, si son acte d'engagement lui attribue certes des secteurs déterminés et des attributions de représentation mais aussi de prospection, contrairement à ce qu'affirme la SA SOCAFA, en revanche il prévoit le paiement d'un salaire net mensuel et forfaitaire, exclusif de tout règlement à la commission.
De surcroît, le contrat prévoit que Monsieur Simonin agit uniquement sous les directives générales ou particulières de l'employeur, peu compatible avec une organisation autonome du temps de travail.
Ce même contrat faisait référence expressément à la Convention Collective Nationale des Entreprises de Négoce et de l'Industrie des Produits du Sol, engrais et produits connexes.
Les bulletins de paie confirment la mise en œuvre de ces engagements contractuels.
De plus, il n'est pas contesté sérieusement, et en tout état de cause la démonstration contraire n'est pas établie par des éléments de preuve, que Monsieur Simonin ne rendait pas compte de son activité à son employeur. Il le précise lui-même sans ambiguïté dans un questionnaire du Conseil National des forces de vente. Dans ce même document établi le 25 avril 1997, Monsieur Simonin indique ne pas toucher de commissions mais seulement des primes régulières sur objectifs et affirme ne pas être soumis à la Convention Collective des Voyageurs Représentants Placiers.
Il reconnaît aussi, ce qui est confirmé par l'attestation du commissaire aux comptes, qu'il ne cotise pas pour la retraite aux organismes obligatoires à l'IRREP et à l'IRPVRP. Il n'avait ni carte professionnelle ni ne pratiquait l'abattement fiscal de 30 %.
Ces éléments montrent que Monsieur Simonin n'a pas été engagé comme voyageur représentant placier, n'exécutait pas son travail comme un voyageur représentant placier et ne peut revendiquer l'application d'une Convention Collective étrangère aux modes d'exécution de son contrat, n'étant pas payé à la commission, ne rendant pas compte de ses activités qu'il exerçait dans le cadre de directives précises et ne cotisant pas aux organismes sociaux Voyageurs Représentants Placiers.
Il sera aussi débouté de ses demandes visant à appliquer à son bénéfice l'article 17 de la convention relativement à la contrepartie financière liée à la clause de non-concurrence.
En revanche, il apparaît que la totalité des congés payés dus n'a été honorée qu'à hauteur de 8 jours et demi et qu'il reste dû la somme de 8 310,77 F représentant le solde de 18 jours et demi.
II - SUR LE LICENCIEMENT :
Il est constant que le 17 mai 1995 et 7 juin 1995, Monsieur Simonin avait dans un premier temps obtenu une autorisation d'absence pour une formation d'attaché de direction en hostellerie, restauration ou loisirs à l'IRTH de Tarbes du 1er octobre 1995 au 30 juin 1995. Il avait à l'époque précisé dans un courrier du 22 mai 1995 qu'il s'engageait à ne pas faire valoir, à l'issue de ce stage, son droit à réintégration dans son poste au sein de l'entreprise.
Ce projet, toutefois, ne pouvait être mis en place pour des raisons d'aide publique.
Toutefois, le 23 avril 1996, Monsieur Simonin renouvelle sa démarche pour la période du 15 octobre 1996 au 8 avril 1997 (6 mois).
Monsieur Simonin sollicite, 15 jours avant la fin de son stage, de son employeur d'envisager les possibilités d'emploi qu'il pouvait proposer.
La société SOCAFA répond que le poste quitté est occupé tout en lui rappelant qu'il s'était engagé à ne pas réclamer sa réintégration mais propose un poste sédentaire à Cavignac, défini dans un second courrier du 24 avril 1997.
Monsieur Simonin refusera cette proposition ce qui aboutira à la notification de son licenciement.
Attendu que le seul effet du congé pour formation est de suspendre le contrat de travail, le salarié ayant le droit de retrouver son poste ou un emploi équivalent.
La SOCAFA ne saurait de toute façon se prévaloir d'une renonciation anticipée à un droit en invoquant la lettre du 22 mai 1995 qui de surcroît ne concernait que le premier projet devenu caduc. Cette condition, niant le droit reconnu par la loi de retrouver un poste au retour du congé-formation, était de nature, même indirectement, à déterminer l'autorisation donnée par l'employeur et ne pouvait de ce fait modifier utilement le mécanisme législatif organisant le congé formation.
La SA SOCAFA explique cependant que la nature du poste et les nécessités d'organiser son circuit commercial conformément à l'intérêt de l'entreprise et de sa clientèle impliquaient le remplacement du salarié.
Il faut toutefois souligner que la SA SOCAFA n'a pas fait prévaloir cette logique puisqu'elle a accepté sans réserve le départ de son salarié en congé formation et sans invoquer la possibilité offerte par l'article L. 931-6 du Code du travail.
Dans ces conditions, le fait pour l'employeur d'engager pour une durée indéterminée un salarié remplaçant un autre employé parti en stage congé emploi formation, interdisait à ce dernier de retrouver d'emblée les fonctions occupées.
Ce d'autant plus que la période minimale de 6 mois était parfaitement compatible avec une organisation rationnelle de l'activité commerciale de l'entreprise.
En refusant d'accepter un poste sédentaire, qui en toute hypothèse ne présentait pas les mêmes avantages et le même profil quant au lieu d'exercice et aux avantages pouvant en découler pour lui, Monsieur Simonin n'a recherché qu'à bénéficier d'une réintégration que seule l'attitude fautive de l'employeur a rendue définitivement impossible.
Ainsi, l'origine de la rupture est imputable à l'employeur qui a procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le préjudice subi sera justement indemnisé par une somme arrondie à 75 000 F.
Monsieur Simonin a du exposer des frais irrépétibles de procédure qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge et qu'il convient d'évaluer à la somme de 4 000 F.
Par ces motifs : LA COUR ; Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort. Vu la procédure suivie, Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou non fondées, Ordonne la jonction des procédures 98-04153 et 99-00037, Déclare les appels de la SA SOCAFA et Monsieur Simonin recevables, Condamne la SA SOCAFA aux entiers dépens. Au fond, infirme le jugement entrepris, Dit et juge que Monsieur Simonin ne peut prétendre au statut de voyageur représentant placier et des avantages en découlant, Dit et juge que son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse, Condamne la SA SOCAFA à payer à Monsieur Simonin la somme de 75 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, Condamne la SA SOCAFA à verser les congés payés restant dus pour la somme de 8 310,77 F, Déboute Monsieur Simonin pour le surplus de ses demandes, Condamne la SA SOCAFA à payer à Monsieur Simonin la somme de 4000 F au titre de l'article sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,