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Décisions

CA Montpellier, ch. soc., 17 mai 2000, n° 99-01589

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Lexel France (SARL)

Défendeur :

Tassin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gerbet

Conseillers :

MM. Sonneville, Bruyère

Avocats :

Mes Almodovar, Kirkyacharian.

Cons. prud'h. Montpellier, sect. encadr.…

19 juillet 1999

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat du 13 septembre 1996, Mme Martine Tassin a été embauchée en qualité de formatrice départementale par la SARL Groupe Lexel France. Le 2 décembre 1996 a été conclu un avenant entre les parties et Mme Martine Tassin s'est vue confier la fonction de responsable départementale pour le département de l'Hérault. A compter d'avril 1997, Mme Martine Tassin a été promue responsable régionale pour le Grand Sud-Est afin de superviser l'ensemble des responsables départementales du sud de la France.

Le 16 juillet 1998, la SARL Groupe Lexel France a convoqué Mme Martine Tassin à un entretien qui s'est déroulé le 24 juillet puis, par lettre du 28 juillet 1998, lui a notifié son licenciement pour les motifs suivants :

"Au cours des journées de formation qui se sont déroulées à Mauguio (34), les 6 et 7 juillet 1998 et auxquelles vous participiez à l'animation, vous avez tenu à certaines participantes des propos inquiétants sur la santé de la société ainsi que des propos diffamatoires à l'encontre de Monsieur Lario, Directeur Commercial.

Outre qu'aucun élément ne puisse attester de tels dires, tout au contraire, au lieu de dynamiser le secteur vente, ces propos ont entraîné une grave désorganisation qui s'est manifestée par des courriers et des appels téléphoniques dont certains demandaient un changement d'affectation.

Malgré la gravité de tels faits, nous avons décidé de vous licencier tout en vous maintenant le droit à un mois de préavis, que nous vous dispensons d'effectuer".

Le 13 août 1998, Mme Martine Tassin a saisi le Conseil de Prud'hommes de Montpellier qui, par jugement du 19 juillet 1999, a :

- dit le licenciement de Mme Martine Tassin sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la SARL Groupe Lexel France à payer à Mme Martine Tassin les sommes de :

* 17 680,28 F à titre de complément de préavis ;

* 1 768,03 F à titre de congés payés sur préavis ;

* 7 010,07 F à titre d'indemnité de congés payés non pris ;

* 150 000 F à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- débouté Mme Martine Tassin du surplus de ses demandes, notamment celles relatives à la reconnaissance du statut de VRP ;

- ordonné l'exécution provisoire sur les sommes relatives aux salaires.

La SARL Groupe Lexel France a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle soutient que Mme Martine Tassin ne remplit pas les conditions pour se voir appliquer le statut VRP car elle n'avait pas une activité unique de prospection ni un secteur fixe.

Elle considère que la preuve des faits ayant conduit au licenciement est rapportée par les attestations et courriers d'autres salariées et que les propos de dénigrement de l'employeur et des dirigeants constituaient une faute de nature à justifier le licenciement.

Elle demande à la Cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Martine Tassin de sa demande de requalification de son contrat de travail en un contrat VRP et débouter Mme Martine Tassin de ses demandes en découlant ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé le licenciement de Mme Martine Tassin sans cause réelle et sérieuse et lui a accordé la somme de 150 000 F à titre de dommages et intérêts ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 17 680,28 F à titre de complément de préavis, outre 1 768,03 F à titre de congés payés sur préavis ;

- lui donner acte de ce qu'elle accepte sa condamnation au titre de l'indemnité de congés payés pour la somme de 7 010,07 F ;

- condamner Mme Martine Tassin au paiement de la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Mme Martine Tassin conteste les faits pour lesquels elle a été licenciée et critique les attestations produites par l'employeur pour étayer ce licenciement. Elle estime qu'elle occupait un emploi strictement commercial et que, à l'instar des autres responsables, le statut de VRP doit lui être reconnu.

Elle sollicite donc :

- la confirmation dans toutes ses dispositions de la décision entreprise, sauf à augmenter les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à les porter à 200 000 F ;

- ajoutant aux demandes initiales, la condamnation de la SARL Groupe Lexel France à lui payer les sommes de :

* 7 000 F à titre de rappel de commissions ;

* 100 000 F à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice lié à la mise en œuvre de la clause de non-concurrence ;

- la réformation de la décision entreprise en ce qu'elle ne lui a pas reconnu le bénéfice du statut de VRP et l'allocation en conséquence de l'indemnisation de la clause de non-concurrence ;

- la condamnation de la SARL Groupe Lexel France à lui payer les sommes de :

* 20 213,44 F à titre de complément d'indemnité de préavis ;

* 54 021,24 F au titre d'un rappel d'indemnité de préavis complémentaire ;

* 2 021,34 F au titre d'un rappel de congés payés ;

* 5 402,12 F à titre d'indemnité de congés payés sur préavis ;

* 120 000 F au titre d'une indemnité de clientèle ;

* 12 910 F au titre d'un solde de frais de déplacement ;

- la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Groupe Lexel France à lui payer la somme de 17 680,28 F à titre de complément de préavis plus 1 768,02 F de rappel afférent, 7 010,07 F à titre d'indemnité de congés payés ;

- la condamnation de la SARL Groupe Lexel France à lui payer la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIFS

I - SUR L'APPLICATION DU STATUT DE VRP

En vertu de l'article L. 751-1 du Code du travail, le statut spécifique de VRP ne peut être reconnu qu'aux salariés qui, cumulativement :

1°) Travaillent pour le compte d'un ou plusieurs employeurs ;

2°) Exercent en fait d'une façon exclusive et constante leur profession de représentant ;

3°) Ne font effectivement aucune opération pour leur compte personnel ;

4°) Sont liés à leurs employeurs par des engagements déterminant la nature des prestations de services ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, la région dans laquelle ils doivent exercer leur activité ou les catégories de clients qu'ils sont chargés de visiter, le taux des rémunérations.

En l'espèce, le contrat initial de formatrice attribuait à Mme Martine Tassin des fonctions d'administration, d'encadrement, de formation et surtout de recrutement et de mise en place de conseillères de vente. La note du 24 mars 1998, définissant les attributions exactes des responsables départementales, fonction à laquelle Mme Martine Tassin a été rapidement promue, renforce son rôle de management et ajoute la nécessité de sorties pour accompagner les vendeuses ; celle du 30 avril 1998, adressée à Mme Martine Tassin en sa qualité de responsable régionale Sud-Est, insiste sur les taches administratives (rapports hebdomadaires, plannings prévisionnels, comptes-rendus mensuels sur le recrutement, suggestions).

L'objectif imparti à Mme Martine Tassin était un chiffre d'affaire global pour l'ensemble des conseillères qu'elle supervisait et non un chiffre d'affaire personnel.Quant à sa rémunération, elle comprenait, outre un salaire fixe équivalent au SMIC, des commissions sur le chiffre d'affaire qu'elle réalisait personnellement (taux de 20 %) mais aussi des commissions différentielles sur les chiffres d'affaire réalisés globalement sur le département et sur la région. Les bulletins de paie produits montrent que ces commissions différentielles représentaient la part la plus importante de la rémunération de Mme Martine Tassin, ses ventes personnelles étant pratiquement négligeables.

Il en résulte que Mme Martine Tassin ne se livrait pas à un travail personnel de prospection de la clientèle, qu'elle encadrait une équipe qui se partageait un secteuret qu'elle tirait du chiffre d'affaire réalisé par cette équipe l'essentiel de sa rémunération. C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont considéré qu'elle n'exerçait pas de façon exclusive et constante la profession de représentant et ne remplissait pas les conditions légales pour se prévaloir du statut de VRP.Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef et en ce qu'il a débouté Mme Martine Tassin de toutes ses demandes subséquentes relatives à l'indemnité de préavis, aux congés payés et à l'indemnité de clientèle.

II - SUR LE LICENCIEMENT

Les propos alarmistes sur la santé financière de l'entreprise et critiques sur un de ses dirigeants, qu'aurait tenus la salariée au cours de la session de formation interne des 6 et 7 juillet 1998, ont été rapportés à l'employeur par les courriers de plusieurs salariées y ayant participé.

Bien qu'inopportuns et excessifs, ils sont restés dans un cercle restreints de personnes et la portée qui leur est prêtée doit être relativisée, d'une part car les salariées qui témoignent étaient les subordonnées de Mme Martine Tassin, d'autre part car certaines s'en emparent comme d'une excuse à leurs mauvais résultats commerciaux. La grave désorganisation que, selon l'employeur, ils auraient provoqué n'est d'ailleurs pas démontrée, ils s'inscrivent de surcroît dans le cadre d'un comportement exemplaire et d'une parfaite loyauté de Mme Martine Tassin à l'égard de son employeur, ainsi qu'il le reconnaît et que le montrent les attestations produites par la salariée et les notes internes qu'elle avait diffusées.

Par conséquent, le motif invoqué par la SARL Groupe Lexel France ne pouvait justifier une mesure aussi grave qu'un licenciement et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que celui-ci était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Tenant compte de la rémunération de Mme Martine Tassin, de son âge (42 ans), de son ancienneté (21 mois), et des difficultés financières rencontrées après la rupture du contrat et concrétisées notamment par la saisine de la commission de surendettement, les premiers juges ont exactement évalué 150 000 F les dommages et intérêts réparant le préjudice, par application de l'article L. 122-14-5 du Code du travail.

III - SUR LES AUTRES DEMANDES

1) La clause de non concurrence insérée au contrat de travail, dont la validité n'est pas discutée, n'était assortie d'aucune contrepartie financière. La demande de dommages et intérêts de Mme Martine Tassin en réparation du préjudice subi du fait le respect de cette obligation contractuelle ne saurait donc prospérer.

2) Il n'est justifié d'aucun document contractuel allouant à la salariée une indemnité kilométrique en complément des frais réels exposés lorsqu'elle utilisait son véhicule personnel. Les premiers juges l'ont donc à juste titre déboutée de sa demande en paiement de la somme de 12 910 F présentée de ce chef.

3) Aucun décompte précis n'établit qu'il resterait dû à la salariée un solde de commission à hauteur de 7 000 F.

4) Mme Martine Tassin n'avait droit qu'à un délai-congé d'un mois. Mais le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité compensatrice doit englober l'ensemble des éléments de rémunération, ceux qui présentent un caractère variable s'appréciant en fonction de leur moyenne sur les douze derniers mois.

En l'espèce, Mme Martine Tassin, qui a été dispensée d'effectuer son préavis, n'a reçu qu'une indemnité de 6 797,18 F équivalente à la partie fixe de son salaire. Elle réclame en juste titre un complément de préavis tenant compte de la moyenne des commissions perçues au cours des douze mois précédents que les premiers juges ont correctement chiffré à 17 680,28 F, outre les congés payés afférents.

Le jugement déféré sera en conséquence entièrement confirmé.

IV - SUR L'ARTICLE 700 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE

Il est inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles exposés par lui pour agir en justice et non compris dans les dépens ; compte tenu de la situation économique de l'appelante, il y a lieu de lui allouer la somme de 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, en complément de celle reçue en première instance.

Par ces motifs : LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne la SARL Groupe Lexel France à payer à Mme Martine Tassin la somme de 5 000 F (cinq mille francs) au titre de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel ; Condamne la SARL Groupe Lexel France aux dépens.