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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 4 janvier 2000, n° 98-03309

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Seac'h

Défendeur :

Direct Menager France (SA), Blériot (ès qual.), Leblanc (ès qual.), Organisme CGEA Amiens

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ploux

Conseillers :

Mmes Citray, Van Ruymbeke

Avocats :

Mes Baley, Le Priol, Lardoux.

Cons. prud'h. Brest, du 18 mars 1998

18 mars 1998

Embauchée le 22 septembre 1961 en qualité de VRP pour la vente d'appareils ménagers par la société Electrolux aux droits de laquelle de trouve la société Direct Ménager France, Madame Seac'h a été licenciée le 8 avril 1997 pour inaptitude définitive à son poste de représentante, l'entreprise précisant qu'elle n'avait aucun autre poste susceptible de convenir à son état de santé à lui proposer, ainsi qu'elle en avait d'ailleurs informé la médecine du travail.

Estimant que son inaptitude était consécutive à l'accident de travail dont elle a été victime le 30 octobre 1993, que l'employeur qui n'avait pas respecté la procédure de licenciement, avait failli à son obligation de reclassement et qu'il lui était dû diverses indemnités dont l'indemnité de clientèle, elle a, le 23 juin 1997, saisi le Conseil de Prud'hommes de Brest d'une demande en paiement de diverses sommes.

Déboutée par jugement du 18 mars 1998, de l'ensemble de ses prétentions, elle a, le 10 avril 1998, régulièrement relevé appel de cette décision reprenant devant la Cour les mêmes arguments qu'en 1re instance, à savoir :

- qu'après avoir été victime d'une fracture de la cheville droite le 30 octobre 1993 dans le cadre de son travail, elle a présenté par la suite une déchirure musculaire et un hématome résiduel profond au niveau du mollet gauche dus à un déséquilibre de la marche consécutif à la fracture de l'autre jambe et donc à l'accident du travail, ce qui démontre bien que son inaptitude résulte de ce dernier,

- qu'elle sollicite dans ces conditions le versement d'une indemnité compensatrice de 3 mois de préavis (soit 21.741 F),

- que son employeur n'a pas respecté le délai franc de 5 jours qui doit exister entre la réception de la lettre de convocation à l'entretien préalable et la date fixée pour cet entretien, ce qui justifie l'allocation d'une indemnité correspondant à 1 mois de salaire (soit 7.247 F),

- que dans la mesure où la société DMF avait la possibilité de la reclasser dans un emploi de vendeuse dans le magasin qu'elle a ouvert à Brest en janvier 1997, elle démontre qu'elle a failli à son obligation et sollicite le versement de dommages-intérêts correspondant à 12 mois de salaire sur le fondement de l'article L. 122-327 [sic],

- qu'elle justifie avoir pendant ses 36 années de travail au sein de l'entreprise, apporté à celle-ci une clientèle non négligeable dont la perte génère indiscutablement un préjudice qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 173.946 F,

- qu'il lui est dû un complément d'indemnité conventionnelle de rupture de 5.069 F,

- qu'enfin il convient de l'indemniser des frais non répétibles qu'elle a engagé par le versement d'une somme de 30.000 F.

En réponse, la société DMF qui est revenue "in bonis" le 30 juillet 1998 après avoir été mise en redressement judiciaire par jugement du 22 septembre 1997 conclut à la confirmation du jugement dont appel et à l'allocation d'une indemnité de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elle relève que la CPAM a refusé à Madame Seac'h la prise en charge au titre de la législation professionnelle des soins dispensés à compter du 5 mai 1995 et du repos que son état de santé a nécessité à partir de cette date, que dès lors l'inaptitude physique qui a motivé le licenciement n'est pas consécutive à un accident du travail, que n'ayant pu exécuter son préavis, elle ne peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, ni d'ailleurs à des dommages-intérêts pour licenciement abusif puisqu'aucune proposition de reclassement n'a pu lui être faite. Soulignant que les prospections de la salariée visaient essentiellement une clientèle de particuliers peu susceptibles de renouveler leurs commandes elle déclare qu'il ne saurait être dû à celle-ci d'indemnité de clientèle.

Le CGEA d'Amiens et l'AGS intervenants forcés à la procédure, sollicitent leur mise hors de cause.

DISCUSSION

Sur l'inaptitude physique de la salariée

Considérant que Madame Seac'h a été victime le 30 octobre 1993 d'un accident du travail, qu'après avoir été en arrêt de travail pendant 17 mois, elle a du à nouveau cesser son activité à partir du 5 mai 1995 : que de manière parfaitement claire, la CPAM du Nord Finistère lui a fait savoir dans une lettre du 28 juin 1995 dont elle n'a pas contesté les termes, qu'elle ne pouvait prendre en charge au titre de la législation professionnelle les soins et le repos qui lui ont été prescrits à compter du 5 mai 1995 dans la mesure où ils ne sont pas en rapport avec l'accident du 30 octobre 1993 ;

Considérant qu'il convient de dire dans de telles conditions que l'inaptitude physique de la salariée n'est pas liée à un accident de travail ;

Considérant que c'est à bon droit que, rappelant que les règles particulières concernant les victimes d'un accident du travail ne s'appliquent pas en l'espèce, les premiers juges ont débouté Madame Seac'h de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, tenant compte du fait qu'elle s'est trouvé dans l'impossibilité physique d'effectuer ce dernier ;

Considérant que la salariée qui a perçu une indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à 6 mois et demi de salaire conformément aux dispositions de l'article 13 de la convention collective des VRP sera déboutée de sa demande en paiement d'un solde d'indemnité ;

Sur la procédure de licenciement

Considérant que l'employeur n'a pas respecté les dispositions du cadre du travail relatives au délai de 5 jours ouvrables devant exister entre la date de présentation de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement (le 27 mars 1997) et la date prévue pour l'entretien (le 2 avril 1997) et n'a pas tenu compte que le 31 mars 1997 correspondait au lundi de pâques : qu'à titre de dommages-intérêts il sera condamné à verser à Madame Seac'h une somme de 5.000 F ;

Sur l'obligation de reclassement

Considérant que Madame Seac'h a été licenciée en raison de son inaptitude définitive à son poste de représentante constatée par la médecine du travail, l'employeur précisant qu'il n'avait pas d'autre poste susceptible de convenir à son état de santé à lui proposer ;

Considérant que la salariée prétend que l'emploi de Madame Jacopin, qui s'occupe à la fois de la vente et du secrétariat du magasin ouvert à Brest, aurait pu lui être proposé ;

Considérant que le poste dont elle fait état n'était pas disponible: qu'elle ne justifie pas en tout état de cause qu'elle avait les compétences voulues pour l'occuper, puisqu'il s'agit d'un emploi mi-administratif mi-commercial ;

Considérant que l'entreprise n'ayant pas failli à son obligation de reclassement il y a eu lieu de débouter la salariée de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Sur l'indemnité de clientèle

Considérant que celle-ci ne peut venir se cumuler avec l'indemnité conventionnelle de rupture qui a été allouée à Madame Seac'h ; que toutefois cette dernière ayant précisé verbalement qu'elle sollicitait le bénéfice de l'indemnité qui s'avérait la plus avantageuse, il convient d'examiner sa demande ;

Considérant que cette indemnité de clientèle est destinée à réparer le préjudice causé au représentant par la perte, pour l'avenir, du bénéfice de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ;

Considérant qu'il résulte du contrat de travail en date du 13 décembre 1968 annulant et remplaçant les contrats antérieurs que Madame Seac'h n'était autorisée à visiter que la clientèle particulière et qu'elle ne pouvait prétendre à aucune rémunération sur les ventes [qui] seraient f ites à des commerçants revendeurs, à des entreprises commerciales ou industrielles, des administrations, établissements publics ou collectivités;

Considérant qu'elle précise d'ailleurs qu'elle exerçait ses fonctions sur les marchés et qu'elle démarchait les particuliers à leur domicile;

Considérant qu'eu égard d'une part à la nature de sa clientèle, qui n'est pas amenée à renouveler fréquemment le matériel qui lui est proposé et d'autre part au fait que celui-ci n'est pas exposé à une usure rapide, il y a lieu de dire que le type d'activité exercé par Madame Seac'h ne saurait générer une indemnité de clientèle, faute de créer ou développer une clientèle qui restera fidèle à l'employeur;

Sur les demandes d'indemnités pour frais non répétibles

Considérant qu'il n'apparaît pas irréfutable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais non répétibles ;

Considérant enfin que la société DMF étant " in bonis ", il y a lieu de mettre hors de cause le CGEA d'Amiens, gestionnaire de l'AGS ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement par arrêt contradictoire, Confirme le jugement déféré et y ajoutant, Condamne la société DMF à verser à Madame Seac'h la somme de 5.000 F à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, Déboute les parties de leur demande d'indemnité pour frais non répétibles, Met hors de cause le CGEA d'Amiens, gestionnaire de l'AGS, Dit que les parties supporteront la charge de leurs propres dépens.