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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 3 juin 1994, n° 93-15716

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ernesto Stoppani (Sté)

Défendeur :

Stoppani France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bihl

Conseillers :

Mme Hubac, M. Astier

Avoués :

SCP Jourdan & Wattercamps, SCP Tollinchi

Avocats :

Mes Rivoir, Faccendini.

T. com. Nice, du 13 août 1993

13 août 1993

FAITS ET PROCEDURE

Se prévalant de l'existence d'un contrat de distribution exclusive que le concédant aurait rompu fautivement le 30 janvier 1992, par acte du 27 mars 1992 la société Stoppani France a assigné la société de droit italien Ernesto Stoppani SPA (Stoppani Italie) devant le tribunal de commerce de Nice en paiement de dommages- intérêts ;

Par jugement du 13 août 1993 le tribunal s'est déclaré compétent pour connaître de la demande ;

La société Stoppani Italie a formé contredit le 25 août 1993 ;

Au soutien de son recours elle fait valoir :

- que la seule convention existant en l'espèce résulte d'un acte signé le 23 juillet 1981 au profit de M. Hubert Mattouk et attribuant compétence en cas de difficultés au tribunal de Bergame statuant selon la loi italienne ;

- que cette juridiction a été saisie le 25 novembre 1992 par ses soins d'une action en paiement des marchandises livrées ;

- que s'agissant de la demande de la société Stoppani France, envers laquelle elle conteste être liée par un contrat de distribution exclusive, la compétence doit être déterminée par référence aux dispositions de l'article 5-1 de la Convention de Bruxelles,

- que l'obligation visée par ce texte doit s'entendre de celle à la charge du concédant dont l'inexécution est invoquée, c'est-à-dire en l'occurrence de l'obligation de ne pas résilier le contrat;

- que cette obligation s'exécute en Italie et non en France ;

Elle conclut à la réformation du jugement entrepris, et à la compétence du tribunal civil de Bergame tant par l'attribution de la compétence de la convention de représentation du 23 juillet 1981 qu'en vertu des dispositions des articles 2 et 5 de la Convention de Bruxelles ;

La société Stoppani France réplique :

- qu'il existait bien des accords d'exclusivité entre les parties ;

- que ces accords ont été rompus abusivement par la société Stoppani Italie, qui a saisi le tribunal de Bergame d'une demande en paiement postérieurement à sa propre assignation ;

- que l'obligation à laquelle il convient de faire référence pour l'application de l'article 5 de la Convention de Bruxelles est celle qui découle de l'exécution ou de l'inexécution du contrat ;

- que cette obligation s'exécute en France, où sont en outre estimées les conséquences financières de la rupture du contrat ;

- que le recours de la société Stoppani est dilatoire ;

Elle conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de la société Stoppani Italie au paiement de la somme de 20.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de celle de 20.000 F pour frais irrépétibles ;

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que le contredit est régulier en la forme et a été déposé dans les délais ;

Attendu que les parties s'accordent pour réclamer l'application en l'espèce des dispositions de l'article 5-1° de la Convention de Bruxelles au terme desquelles le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;

Attendu que la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit le 6 octobre 1976 que dans un litige opposant le bénéficiaire d'une concession exclusive de vente à son concédant à qui il reproche d'avoir violé la concession exclusive, le terme "obligation" qui se trouve inscrit au-dit article 5-1° se réfère à l'obligation contractuelle servant de base à l'action judiciaire, c'est-à-dire à l'obligation du concédant correspondant au droit contractuel qui est invoqué pour justifier la demande du concessionnaire , et encore que dans un litige portant sur les conséquences de la violation par le concédant d'un contrat de concession exclusive, telles que le paiement de dommages-intérêts ou la résolution du contrat, l'"obligation" à laquelle il faut se référer aux fins de l'application de l'article 5-1° sus-visé est celle qui découle du contrat à la charge du concédant et dont l'inexécution est invoquée pour justifier la demande de dommages-intérêts ou de résolution du contrat de la part du concessionnaire ;

Attendu que la détermination de la compétence dépendant en l'espèce d'une question de fond, il y a lieu de statuer sur cette question de fond, conformément aux dispositions de l'article 77 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que selon les propres explications de la société Stoppani Italie (cf. conclusions de première instance) celle-ci, spécialisée dans les peintures, a créé le 26 juin 1973 à Nice entre M. Bruno Stoppani et Mme Enrica Zanchi une société, la société Stoppani France, qui était dépositaire de ses marchandises ;

Attendu que le 1er juillet 1981 la société Stoppani Italie a établi un contrat de représentation en faveur de M. Hubert Mattouk, salarié de la société Stoppani France ;

Attendu qu'à la suite de divers actes de cession de parts, à la date du 24 juin 1990 les 1250 parts de la société Stoppani France se sont trouvées réparties entre Mme Ethel Boukobsa veuve Bessis (650) et M. Hubert Mattouk (600) ;

Attendu que le 26 juillet 1990 la société Stoppani Italie, représentée par la même personne qui avait déjà signé le contrat de représentation de M. Mattouk du 1er juillet 1981 (en l'espèce M. Bruno Stoppani, "conseiller délégué") ainsi que permet de s'en convaincre une simple comparaison des signatures, a signé un document certes intitulé "projet" mais dûment accepté par la société Stoppani France et qui constate donc leur accord réciproque et sans réserve, comportant les stipulations suivantes :

" Nous soussignés, Stoppani SPA dont le siège est à Sarnico (Province de Bergame), confirmons consentir à la société Stoppani France un contrat de distributeur exclusif de la totalité de nos produits sur le territoire français.

Le présent contrat est consenti pour une durée de deux années à compter du 1er janvier 1990 ; il sera renouvelable par tacite reconduction de deux ans en deux ans, faute de dénonciation par l'une des parties six mois au moins avant l'expiration de chaque période.

Les tarifs seront communiqués au fur et à mesure au distributeur."

Attendu qu'en l'état de ce document, la société Stoppani Italie n'est pas fondée à soutenir :

- qu'elle n'est pas liée à la société Stoppani France par un contrat de distributeur exclusif ;

- qu'il y a lieu de faire produire effet à la clause attributive de compétence prévue dans un autre contrat, en l'occurrence celui de représentation de M. Mattouk du 1er juillet 1981 ;

Attendu que force est de constater que, faute de dénonciation avant le 1er juillet 1991, le contrat conclu avec la société Stoppani France s'est trouvé renouvelé par tacite reconduction le 1er janvier 1992 pour une durée de deux ans (au moins) ;

Attendu que dans ses conclusions devant le tribunal, la société Stoppani France reproche à la société Stoppani Italie d'avoir :

- tout d'abord, en 1931, multiplié les difficultés pour l'approvisionner en marchandises ;

- ensuite, en 1992, rompu brutalement le contrat, et entrepris de démarcher et de livrer directement la clientèle française en pratiquant des prix inférieurs de 40 % à ceux qui lui étaient consentis ;

Attendu en conséquence que l'"obligation" contractuelle dont la violation par le concédant fonde la demande de la société Stoppani France est à la fois celle d'approvisionner normalement le distributeur en produits, et de respecter et faire respecter l'exclusivité de distribution dont il bénéficie ; que cette "obligation" devant être exécutée en France, et plus particulièrement à Nice où la société Stoppani France a son siège social, le tribunal de commerce de Nice est compétent pour connaître de la demande ;

Attendu que la procédure de la société Stoppani Italie ne peut être qualifiée d'abusive ; que la demande de dommages-intérêts de la société Stoppani France sera rejetée ;

Attendu en revanche que celle-ci a engagé devant la Cour des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser supporter la charge intégrale ; qu'il convient de lui allouer de ce chef la somme de 5.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort. Déclare le contredit de la société de droit italien Ernesto Stoppani SPA recevable mais mal fondé et l'en déboute; Dit que l'obligation contractuelle servant de base à la demande est celle d'approvisionnement par la société Stoppani Italie de son distributeur, la société Stoppani France, et de respect de son exclusivité sur le territoire français, et qu'elle doit être exécutée en France et particulièrement à Nice ; En conséquence confirme le jugement entrepris du chef de la compétence ; Renvoie la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Nice ; Condamne la société Ernesto Stoppani SPA à payer à la société Stoppani France la somme de 5.000 F (cinq mille francs) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes ; Condamne la société Ernesto Stoppani SPA aux dépens du contredit, recouvrés par la SCP Tollinchi, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.