CA Montpellier, ch. soc., 10 mai 2000, n° 98-00183
MONTPELLIER
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Verbrugghe, Villalonga
Défendeur :
Casino France (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gerbet
Conseillers :
MM. Sonneville, Masia
Avocats :
Mes Ogbi, Pons.
FAITS ET PROCEDURE
Didier Verbrugghe et Maryline Villalonga ont été engagés par la SNC Casino selon un contrat de co-gérance en date du 3 juillet 1989, pour gérer la succursale de Lunel.
Le 6 juillet 1995, la SNC Casino a convoqué les deux co-gérants à un entretien préalable en vue d'une éventuelle rupture de leur contrat de co-gérance.
Le 13 juillet 1995, la SNC Casino a notifié à chacun des co-gérants un courrier dans lequel elle informait ses co-gérants de la rupture de leur contrat de co-gérance ;
Didier Verbrugghe et Maryline Villalonga ont reçu une attestation qui mentionnait les dates d'exercice des fonctions de co-gérants mandataires au sein de la SNC Casino, à savoir du 3 juillet 1989 au 13 juillet 1995.
Le 5 octobre 1995, Didier Verbrugghe et Maryline Villalonga ont saisi le Conseil de prud'hommes de Montpellier d'une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour l'un, pour licenciement discriminatoire pour l'autre, assortie d'une demande de paiement d'indemnités diverses.
Par jugement en date du 9 décembre 1997, le Conseil de prud'hommes de Montpellier a débouté Didier Verbrugghe de ses demandes et a condamné la SNC Casino à verser à Maryline Villalonga les sommes suivantes :
- 7 728,58 F à titre d'indemnité de préavis,
- 772,85 F à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 4 250,72 F à titre d'indemnité de licenciement,
- 6 000F au titre de l'article 700 du NCPC.
Didier Verbrugghe et Maryline Villalonga ont relevé appel du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Montpellier.
MOYENS ET PRETENTIONS
Les appelants sollicitent la réformation du jugement déféré.
Didier Verbrugghe soutient que le motif de son licenciement est illégitime et dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Maryline Villalonga soutient qu'elle était en arrêt de travail pour cause de grossesse pathologique depuis le 26 avril 1995 lorsqu'elle a été convoquée à l'entretien préalable à la rupture du contrat de co-gérance.
L'intimée, pour sa part, sollicite la réformation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser des indemnités à Maryline Villalonga et demande la condamnation au paiement de la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.
DISCUSSION ET DECISION
Sur la rupture du contrat de co-gérance fondée sur la faute lourde du co-gérant
Attendu qu'il convient de préciser, à titre préliminaire, que les articles L.782-1 et suivants du Code du travail stipulent que les personnes qui exploitent, moyennant des remises proportionnelles au montant des ventes, les succursales de maisons d'alimentation de détail ou de coopératives de consommation, sont qualifiées de gérants non salariés lorsque le contrat intervenu ne fixe pas les conditions de leur travail et leur laisse toute latitude d'embaucher du personnel. Il s'agit donc de gérants mandataires.
Attendu, en outre, que les gérants non salariés bénéficient de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale.
Attendu, en l'espèce, qu'il est reproché à Didier Verbrugghe de pratiquer des ventes au-dessus des prix fixés par la Société Casino, que cette infraction, qu'elle soit imputable à l'un ou à l'autre des co-gérants constitue une faute lourde, en application des dispositions de l'article 16 du contrat de co-gérance, qu'il ressort, d'une part, d'un procès verbal de constat, dressé par huissier, en date du 1er juillet 1995, que les prix de différents produits sont supérieurs aux prix cadenciers casino et que certains produits présentés à la vente n'affichent aucun prix, que, d'autre part, un second procès verbal de constat dressé par huissier en date du 4 juillet 1995, confirme que certains prix ont été majorés et que les poids des fromages à la coupe n'ont pas été portés sur le ticket de caisse, que la SNC Casino a justement qualifié le comportement de Didier Verbrugghe de faute lourde ayant entraîné la résiliation immédiate du contrat de co-gérance, sans préavis ni indemnité, que le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de co-gérance à l'égard de Maryline Villalonga fondée sur la solidarité indivise des co-gérants
Attendu que selon les dispositions de l'article 1995 du Code civil, quand il y a plusieurs mandataires établis par le même acte, il n'y a de solidarité entre eux qu'autant qu'elle est exprimée.
Attendu, en l'espèce, que le contrat de co-gérance signé le 3 juillet 1989 engageait conjointement Didier Verbrugghe et Maryline Villalonga en qualité de co-gérants de l'un des magasins de vente au détail de la SNC Casino, qu'il est stipulé au contrat que les co-gérants sont solidaires entre eux dans toute l'étendue et l'exécution de leur mandat et cette solidarité étant expressément acceptée par eux, qu'il a été précédemment établi que l'un des cogérants avait commis une faute lourde en contrevenant aux engagements établis conventionnellement, que cette infraction est imputable à l'un ou à l'autre des co-gérants en vertu de la solidarité indivise des deux co-gérants,qu'il s'ensuit que si le contrat prend fin pour l'un des cogérants, pour quelque cause que ce soit, il se trouvera cesser de plein droit pour l'autre et dans tous ses effets, qu'en conséquence, c'est à bon droit que la SNC Casino a considéré que la faute lourde était conjointement imputable à Maryline Villalonga, que le jugement déféré doit être réformé de ce chef.
Attendu, à titre subsidiaire, que Maryline Villalonga ne saurait prétendre à la protection accordée à la salariée enceinte pendant la période de suspension de son contrat dans la mesure où l'employeur peut prononcer un licenciement au cours de la période de protection, lorsqu'il est motivé par une faute grave de la salariée non liée à son état de grossesse, qu'en l'espèce, la rupture du contrat de cogérance a été motivée par la faute lourde imputable conjointement aux deux co-gérants, sans qu'il ne puisse être établie une quelconque discrimination liée à l'état de santé de Maryline Villalonga, qu'en conséquence, le jugement déféré doit être réformé de ce chef.
Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de quiconque.
Par ces motifs, LA COUR, En la forme, reçoit Didier Verbrugghe et Maryline Villalonga en leur appel, Au fond, confirme le jugement à l'exception de ses dispositions relatives à la condamnation de la SNC Casino à payer à Maryline Villalonga des indemnités de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement, le réformant de ce chef ; Dit Maryline Villalonga mal fondée en ses demandes et l'en déboute ; Condamne Didier Verbrugghe et Maryline Villalonga aux dépens.