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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 3 mars 1995, n° 92-23498

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Europ Auto (SA)

Défendeur :

Sonauto (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

Mme Regniez, M. Ancel

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Sagard, Durand.

TGI Paris, 5e ch., 1re sect., du 11 févr…

11 février 1992

Les contrats de concession automobile successifs conclus depuis plusieurs années entre la société Europ Auto et la société Sonauto, pour la vente des véhicules de marque Porsche et Mitsubishi ont été renouvelés le 15 mars 1989 et résiliés par la société Sonauto le 16 août 1989 avec effet au 17 août 1990. Des tentatives pour obtenir le renouvellement de ses contrats n'ayant pas abouti, la société Europ Auto a assigné la société Sonauto en rupture abusive de contrat et concurrence déloyale.

Le jugement déféré a débouté la société Europ Auto de ses demandes et a rejeté la demande de la société Sonauto, sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Europ Auto a relevé appel de cette décision. Elle fait valoir les griefs suivants :

- La société Sonauto aurait commis une faute en résiliant le contrat de concession sans invoquer de motifs de rupture ;

- La société Sonauto aurait entretenu la société Europ Auto dans l'espoir de la continuation de leurs relations commerciales et contractuelles, procédant ainsi à la rupture de pourparlers concernant la poursuite du contrat.

- La société Sonauto aurait refusé de reprendre le stock de pièces détachées détenues par la société Europ Auto.

- La société Sonauto aurait participé au débauchage du personnel de la société Europ Auto embauché par la société Alpas, devenue concessionnaire de la société Sonauto.

- La société Sonauto, par sa décision, aurait causé un préjudice à la société Europ Auto, notamment par la disparition de sa clientèle attachée aux produits Porsche et Mitsubishi, et la perte d'investissements non amortis.

- La société Sonauto se serait livrée à des pratiques discriminatoires de prix.

La société Europ Auto demande de condamner la société Sonauto à lui payer la somme de 6 876 595 F en réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive du contrat de concession et de la rupture abusive des pourparlers, la somme de 700 000 F, sauf à parfaire par voie d'expertise, au titre des actes de concurrence déloyale, et la somme de 1 500 000 F au titre du préjudice moral.

La société Sonauto conclut à la confirmation du jugement.

Chaque partie sollicite l'application à son profit des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Sur ce, LA COUR

qui pour plus ample exposé, se réfère au jugement de 1re instance et aux écritures d'appel,

SUR LA RUPTURE DES CONTRATS ET DES POURPARLERS

Considérant que les parties ont conclu, le 15 mars 1989, deux contrats de concession exclusive pour chaque marque de voiture Porsche et Mitsubishi dans une zone déterminée, à savoir l'Aude et la Haute-Garonne, rédigés en termes comparables, pour une durée indéterminée, avec faculté pour l'un ou l'autre des contractants d'y mettre fin moyennant préavis d'un an ;

Considérant que par application de l'article 2-1 du contrat, la société Sonauto a résilié par LRAR du 16 août 1989, les deux contrats du 15 mars 1989 ;

Considérant qu'il résulte de la nature des contrats en question comme de leurs dispositions que chaque partie peut y mettre fin librement sans avoir à justifier de l'existence d'un juste motif, sous la seule réserve de respecter le préavis et de ne pas agir abusivement;

Considérant qu'en l'espèce, la société Sonauto a respecté le préavis contractuel d'un an conforme au règlement CEE n° 123-85, applicable; que les pourparlers allégués par l'appelante résultent de ses propres affirmations et ne sont étayés par aucun élément de nature à établir une modification des intentions de la société Sonauto ; que cette dernière s'est contentée de notifier sa décision de rupture en respectant le préavis contractuel et sans justifier d'aucun motif; qu'elle n'a ainsi commis aucun abus reprochable dans cette rupture;

SUR LE REFUS DE REPRISE DU STOCK DE PIECES DETACHEES ET LE DEBAUCHAGE DE PERSONNEL

Considérant que l'appelante ne fait la preuve d'aucune de ces deux allégations ; qu'en ce qui concerne le stock de pièces, la société Sonauto fait valoir sans être démentie sur ce point que la société Europ Auto n'a pas sollicité le rachat de ce stock, en utilisant la procédure contractuelle prévue à l'article 25.3.b des contrats de concession ; qu'elle ne peut donc s'en faire un grief ;

SUR LA PERTE DE CLIENTELE ET L'AMORTISSEMENT DES INSTALLATIONS

Considérant qu'il n'est pas fait état d'une autre perte de clientèle que celle qui est attachée à la marque du concédant et non à la personne du concessionnaire ; que celui-ci sera débouté de cette demande ;

Considérant d'autre part que la société Europ Auto n'apporte pas la preuve d'avoir été conduite ou contrainte par la société Sonauto de réaliser des investissements qui ne seraient pas amortis dans des circonstances qui lui auraient laissé entendre que le contrat devait se poursuivre ; que la demande de ce chef n'est pas fondée ;

SUR LES PRIX DISCRIMINATOIRES

Considérant que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les 1ers juges ont à juste titre écarté le grief des pratiques discriminatoires ; qu'en effet la société Europ Auto ne démontre pas que la société Sonauto ait refusé de lui livrer la même quantité de véhicules dans les mêmes conditions, que celles faites à un autre concessionnaire International Garage ;

Considérant que l'appelante n'invoque pas de justifications particulières au soutien de sa demande en réparation de son préjudice moral, qu'elle en sera déboutée ;

Considérant qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré ;

Considérant qu'en équité, il sera alloué à l'intimée une somme de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré ; Condamne la société Europ Auto à payer à la société Sonauto la somme de 8.000F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; la Condamne aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du NCPC par la SCP d'avoués Teytaud.