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Décisions

CA Paris, 21e ch. A, 25 septembre 1990, n° 90-32158

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Lutz

Défendeur :

Dasco France (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Calon

Conseillers :

Mme Bevin, M. Couzin

Avocats :

Mes Sitruk, Brezillon.

Cons. prud'h. Paris, 2e ch., sect. encad…

28 juillet 1989

LA COUR

Considérant que les faits de la cause, la procédure antérieure et les prétentions et moyens respectifs des parties peuvent être ainsi résumés :

Lucien Lutz, engagé le 25 janvier 1971 en qualité de représentant VRP par la société Emsold France a vu son contrat transféré à la société à responsabilité limitée Dasco France en 1987, par l'effet de l'article L. 122-12 du code du travail.

Le 26 décembre 1988, il a adressé à son employeur la lettre recommandée ainsi libellée :

"J'ai l'honneur de porter à votre connaissance que j'entends faire valoir mes droits à la retraite dès lors que j'atteins l'âge de 60 ans. Mes fonctions prendront fin, compte tenu du préavis de trois mois que je dois accomplir, le 31 mars 1989".

Estimant avoir droit à l'indemnité de clientèle, déduite de l'indemnité de départ à la retraite qu'il a perçue, il a, le 26 décembre 1988, saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour, dans le dernier état de sa demande, voir condamner la société Dasco France à lui payer la somme de 380.797 F à ce titre, outre la somme de 10.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 28 juillet 1989, le conseil de prud'hommes saisi section encadrement 2e chambre a débouté Lucien Lutz de ses prétentions et rejeté la demande reconventionnelle de la société Dasco France fondée sur l'article 700 susvisé;

Lucien Lutz a régulièrement interjeté appel de cette décision;

Il soutient qu'aux termes de l'article L. 751-9 du code du travail, tout représentant a droit à une indemnité pour la part de clientèle qu'il a apportée créée ou développée et que cette indemnité a un caractère d'ordre public;

Il fait seulement observer qu'elle ne peut se cumuler avec l'indemnité de licenciement ni avec l'indemnité de départ à la retraite, et qu'en ce cas l'indemnité la plus élevée lui est due.

Il conclut dans ces conditions, à l'infirmation du jugement entrepris dans ses dispositions lui faisant grief et à la condamnation de la société Dasco France à lui payer la somme de 380.797 F au titre de l'indemnité de clientèle, déduction faite de la somme de 43.165 F qu'il a perçue à titre d'indemnité de départ à la retraite, outre la somme de 10.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Dasco France, pour sa part, fait valoir que l'article L. 751-9 du code du travail limite expressément l'attribution de l'indemnité de clientèle au représentant au seul cas de résiliation du contrat de travail par le fait de l'employeur.

Elle fait observer que Lucien Lutz, qui est parti volontairement à la retraite, ne peut prétendre à une telle indemnité;

Elle conclut dans ces conditions, à la confirmation du jugement déféré dans ses dispositions ayant rejeté les demandes de Lucien Lutz, mais prie la Cour de faire droit à son appel incident en condamnant son ancien salarié à lui régler la somme de 5.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

CECI ETANT EXPOSE

Considérant que l'article L. 751-9 du code du travail, dont se prévaut Lucien Lutz, dispose "qu'en cas de résiliation d'un contrat à durée indéterminée par le fait de l'employeur et lorsque cette résiliation n'est pas provoquée par une faute grave de l'employé, ainsi que dans le cas de cessation d'un contrat par suite d'accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail de l'employé, celui-ci a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, compte tenu des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions qui pourraient être constatées dans la clientèle préexistante et provenant du fait de l'employé";

Que l'attribution de ladite indemnité implique nécessairement que la résiliation du contrat intervienne à l'initiative de l'employeur;

Que Lucien Lutz n'en remplit pas les conditions d'attribution dans la mesure où il ne conteste pas avoir pris l'initiative de la rupture de son contrat de travail en faisant valoir ses droits à la retraite, et n'invoque pas y avoir été contraint par le fait de son employeur, ou à la suite d'accident ou de maladie le mettant dans l'incapacité de poursuivre son activité;

Que son départ volontaire à la retraite le privant du bénéfice de l'indemnité prévue par l'article L. 751-9 du code du travail, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont débouté de l'intégralité de ses prétentions;

Considérant qu'en raison des situations financières respectives des parties, il n'est pas inéquitable de laisser supporter à la société Dasco France la totalité des frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés dans la présente instance;

Qu'elle sera dans ces conditions, déboutée de la demande qu'elle a fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et verra son appel incident rejeté;

Par ces motifs : LA COUR : Confirme le jugement entrepris ; Déboute la société Dasco France de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Met les entiers dépens de première instance et d'appel à la charge de Lucien Lutz.