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Décisions

CA Riom, ch. soc., 27 février 1995, n° 2870-94

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Raussin

Défendeur :

Primext (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blatman

Conseillers :

Mme Gire, M. Chauvet

Avocats :

SCP Michel-Frey- Gossin-Masse, Me Southon.

Cons. prud'h. Montluçon, sect. encadr., …

7 juin 1991

I- EXPOSE DE LA CAUSE :

Suivant déclaration du 7 juin 1991 Monsieur Jean-Charles Raussin, entré le 1er août 1977, en vertu d'un contrat écrit du 12 septembre de la même année, au service de la société anonyme Primex't, entreprise de vente d'extincteurs, en qualité de voyageur, représentant, placier (VRP) à cartes multiples, et y travaillant encore à ce jour, a interjeté appel du jugement rendu le 7 juin 1991, par lequel le Conseil de Prud'hommes de Montluçon, section Encadrement, l'a débouté de toutes ses demandes contre l'employeur.

L'appelant ayant, d'une part, soutenu que cette décision reposait sur la prise en considération, par les premiers juges, d'un contrat de travail à temps partiel du 12 novembre 1990 dont il contestait l'authenticité, et ayant, d'autre part, justifié de l'introduction d'une plainte avec constitution de partie civile contre X devant le Doyen des juges d'instruction de Montluçon des chefs de faux et usage de faux, cette Cour a, par arrêt du 27 avril 1992, sursis à statuer jusqu'à décision définitive de la juridiction pénale sur l'action publique.

Ce sursis a été renouvelé par autre arrêt du 5 septembre 1994.

Une ordonnance de non-lieu est intervenue le 19 août 1994.

Le 18 octobre 1994, Monsieur Raussin a sollicité le rétablissement de l'affaire au rôle de la Cour.

L'appelant demande la condamnation de la SA Primex't à lui payer les sommes de :

* 239.859,77 F à titre de rappel de salaire pour la période 1985-1993 inclusivement, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 18 février 1991 ;

* 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

* 11.186 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société intimée conclut à la confirmation pure et simple du jugement et à la condamnation de son adversaire à lui payer la même somme de 11.186 F sur le fondement de l'article 700 précité du NCPC.

II - MOTIFS :

Attendu que, pour plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées, oralement reprises ;

Sur la recevabilité :

Attendu que l'appel, interjeté dans le délai prévu par les articles 538 du nouveau Code de procédure civile et R. 517-7 du Code du travail, est régulier en la forme ;

Sur le rappel de salaire :

Attendu que, pour débouter Monsieur Raussin de sa demande en paiement de la ressource minimale forfaitaire égale à 520 fois le SMIC, prévue par l'article 5-1 de l'Accord National interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 modifié par avenant n° 4 du 12 janvier 1982, le conseil énonce, d'abord, qu'en vertu de son second contrat de travail, en date du 12 novembre 1980, l'intéressé avait été embauché à temps partiel, ensuite, qu'il résulte des pièces versées au dossier qu'il avait un objectif de 50 % moins élevé qu'un VRP à temps complet et qu'il a été déclaré dans la DAS 1 bis comme VRP à temps partiel ;

Attendu que le représentant fait grief aux premiers juges d'avoir ainsi statué, alors, selon la première branche du moyen, qu'il justifie être VRP exclusif dans la mesure où, à compter de 1979 il a cessé d'être titulaire d'autres cartes ; et alors, selon la seconde branche du moyen, qu'il établit travailler à plein temps pour le compte de l'employeur ; que, d'une part, en effet, l'information pénale a démontré qu'il n'était pas le véritable signataire du contrat de travail du 12 novembre 1980 ; que, dès lors, ce faux document dans lequel il était stipulé qu'il travaillerait à temps partiel, ne lui est pas opposable ; que, d'autre part, ainsi qu'il est exposé verbalement à l'audience, l'appréciation concrète du travail effectué pour le compte de l'entreprise, l'examen de ses bulletins de salaire et la comparaison avec les autres VRP pourvus de secteurs plus importants que le sien, font ressortir qu'il exerçait réellement une activité à temps complet au service de son employeur ;

Attendu qu'aux termes de l'article 5-1 de l'Accord National interprofessionnel des VRP du 3 octobre 1975 modifié par avenant n° 4 du 12 janvier 1982, lorsqu'un représentant de commerce est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi, à une ressource minimale forfaitaire qui, déduction faite des frais professionnels, ne pourra être inférieure à 520 fois le taux horaire du salaire minimum de croissance ; que, selon renvoi du même texte, l'expression "à temps plein" a pour objet "non d'introduire une notion d'horaire de travail généralement inadaptée à la profession de représentant de commerce, mais d'exclure de la présente disposition les représentants de commerce qui, bien qu'engagés à titre exclusif, n'exercent qu'une activité réduite à temps partiel" ;

Qu'appelée à se prononcer sur la portée de ce dernier texte, la Commission paritaire nationale d'interprétation de ladite convention a, par délibération n° 1 du 6 octobre 1987, donné l'avis suivant :

"L'appréciation de la notion d'" activité réduite à temps partiel " figurant au renvoi ne saurait s'apprécier au regard de la seule dénomination donnée au contrat de travail. Elle doit se déterminer, notamment, compte tenu :

- des stipulations contractuelles de nature à permettre l'appréciation du caractère réduit de l'activité par rapport à une même activité à temps plein dans l'entreprise ;

- des conditions effectives d'exercice de l'activité dans le cadre du contrat de représentation liant les parties."

Attendu, en premier lieu, que même si l'intéressé a omis de prévenir le chef d'entreprise de la cessation de ses autres représentations, il résulte néanmoins des pièces produites que, depuis l'année 1979, il travaille exclusivement pour le compte de la SA Primex't ;

Que, contrairement à ce que soutient l'employeur, la première condition d'application du texte susvisé est donc remplie ;

Mais attendu, en second lieu, qu'il ressort des relevés de chiffres d'affaire régulièrement versés au débat et non contestés en leurs montants, que, depuis l'année 1985, Monsieur Raussin, dont les objectifs contractuels représentaient la moitié de ceux des VRP à temps plein, obtient des résultats non seulement inférieurs de près de moitié à ceux des représentants de cette dernière catégorie les moins performants, mais encore inférieurs à ceux de nombre de ses collègues exerçant une activité à temps partiel;

Que si, sur un court laps de temps, le montant du chiffre d'affaires ne suffit pas à inférer une durée de temps de travail, en revanche, sur une période aussi longue, l'importance restreinte des résultats obtenus démontre l'existence d'une activité réduite;

Que, de surcroît, l'examen des bulletins de salaire de l'appelant révèle que le montant de ses commissions après abattement pour frais professionnels, depuis 1985, dépasse rarement la moyenne de 3.500 F par mois ;

Qu'enfin, s'agissant de la vente d'extincteurs, il importe peu, au regard du temps de travail de l'intéressé, que son secteur géographique soit limité au département de la Meuse ;

D'où il suit que le salarié ne travaillant pas à temps plein, le jugement attaqué sera confirmé;

Sur les dépens et l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que Monsieur Raussin, succombant en ses prétentions, sera d'abord débouté de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, ensuite tenu aux dépens d'appel, enfin débouté de sa demande en application de l'article susvisé ;

Que l'équité, toutefois, conduit à écarter l'application à son encontre des dispositions du même texte ;

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, déclare l'appel recevable. Au fond, confirme le jugement en toutes ses dispositions. Y ajoutant, Déboute Monsieur Raussin de ses demandes en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute la SA Primex't de sa propre demande sur le fondement du texte ci-dessus. Condamne Monsieur Raussin aux dépens d'appel.