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Décisions

CA Rennes, 5e ch., 17 octobre 1995, n° 95-4521

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Solfin (SA)

Défendeur :

Arros

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Beaurain

Conseillers :

M. Ploux, Mme Citray

Avocats :

Mes Preston, Voisin.

Cons. prud'h. Saint-Brieuc, du 18 mai 19…

18 mai 1995

Embauché en qualité de VRP exclusif à temps plein par la société Solfin à compter du 27 juillet 1992, Monsieur Christian Arros a été licencié pour faute grave le 23 juin 1994 pour insubordination et abandon de poste.

Au motif qu'il avait fait l'objet d'un licenciement abusif et qu'il n'avait pas été rempli de ses droits, il a, le 5 octobre 1994, saisi le Conseil de Prud'hommes de Saint-Brieuc d'une demande en paiement de diverses sommes.

Par décision en date du 18 mai 1995 cette juridiction a estimé que le licenciement du salarié n'était pas fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à lui verser une indemnité de préavis de 12.074,40 F.

En outre, relevant que Monsieur Christian Arros n'avait pas perçu la rémunération minimale prévue par les dispositions de la convention collective des VRP, elle a condamné la société Solfin à lui verser 82.803,64 F à titre de rappel de salaire et 8.280,31 F à titre d'indemnité de congés payés ainsi qu'une indemnité de 1.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, le déboutait par ailleurs du surplus de ses prétentions.

La société Solfin a, le 1er juin 1995, régulièrement relevé appel de ce jugement et sollicité le débouté de Monsieur Christian Arros en toutes ses demandes, au motif d'une part que le licenciement pour faute grave était parfaitement caractérisé et d'autre part que le faible niveau de production de ce représentant et son activité effective réduite ne lui permettaient pas de prétendre à la ressource minimale forfaitaire prévue par la convention collective pour les VRP travaillant réellement à temps plein pour le compte d'un employeur. A titre subsidiaire elle estime que tout au plus le montant total du minimum garanti susceptible d'être dû à Monsieur Christian Arros ne saurait être fixé à une somme supérieure à 43.413,31 F qui résulte d'un relevé de compte qu'elle a établi en tenant compte notamment des absences du salarié.

En réplique Monsieur Christian Arros qui conclut à la confirmation de la décision déférée, soutient qu'en outre il lui est dû une somme de 8.452,08 F au titre de l'indemnité spéciale de rupture et des dommages et intérêts à hauteur de 20.000 F en réparation de son préjudice. Enfin il conclut à la condamnation de son employeur à lui verser une indemnité de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

DISCUSSION :

SUR LE LICENCIEMENT :

Il résulte des pièces produites au dossier par la société Solfin que celle-ci a adressé à Monsieur Christian Arros un certain nombre de correspondances à partir du 20 avril 1994 aux termes desquelles elle demandait à celui-ci d'établir des comptes rendus précis d'activité journalière, constatant que depuis le 28 mars 1994 il ne prenait plus la peine d'expédier ses résumés d'activité en fin de semaine.

Constatant que le salarié n'avait pas déféré à ces mises en demeure, et que, depuis le 24 mai 1994, elle n'avait reçu de sa part ni commande ni résumé hebdomadaire d'activité, la société Solfin l'a par lettre du 23 juin 1994 licencié pour deux fautes graves constituées d'une part par une insubordination caractérisée, d'autre part par un abandon de poste.

Monsieur Christian Arros prétend que la rupture des relations contractuelles ne saurait lui être imputable dans la mesure où, n'ayant pas été rémunéré à hauteur du minimum salarial garanti, il a été placé par son employeur dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de son contrat de travail.

Il convient toutefois de remarquer à ce sujet que, à aucun moment, Monsieur Christian Arros n'a mis son employeur en demeure d'exécuter ses obligations en lui réglant le salaire minimum prévu par les dispositions de la convention collective des VRP et qu'il n'a pas davantage évoqué les difficultés qu'il rencontrait dans l'exécution de son activité.

En partie responsable, en raison de la faiblesse du montant des commandes qu'il a effectuées, du fait qu'il n'a même pas bénéficié du minimum de salaire garanti, il ne peut raisonnablement prétendre imputer à la société Solfin la rupture des relations contractuelles.

Dans la mesure où par ailleurs il ne conteste pas qu'il n'a pas déféré aux mises en demeure de son employeur relatives à l'établissement de comptes rendus d'activité et qu'il n'a établi aucune commande à partir du 24 mai 1994 il y a lieu de considérer que c'est à juste titre que la société Solfin invoque à son encontre des faits d'insubordination et d'abandon de poste parfaitement caractérisés.

De tels motifs de licenciement étant justifiés et rendant impossible le maintien des relations contractuelles pendant la période de préavis, il convient de dire fondé le licenciement de Monsieur Christian Arros pour faute grave et de débouter ce dernier de sa demande d'indemnité de préavis et d'indemnité spéciale de rupture auquel ne peut prétendre un salarié licencié pour faute grave.

De la même manière il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur Christian Arros.

SUR LA DEMANDE DE RAPPEL DE SALAIRE :

Aux termes de son contrat de travail Monsieur Christian Arros, embauché à temps plein, était payé à la commission, il prétend qu'il avait droit, en application de l'article 5-1 de la convention collective des VRP du 3 octobre 1975, en tant que représentant engagé à titre exclusif par un seul employeur au titre de chaque trimestre d'emploi à temps plein, à une ressource minimale forfaitaire.

Pour s'opposer à ces prétentions la société Solfin entend relever que la faiblesse des commandes prises par Monsieur Christian Arros établit qu'il n'avait qu'une activité réduite au sein de l'entreprise et qu'il n'exerçait pas en réalité un emploi à temps plein.

Elle veut pour preuve de ses allégations l'analyse trimestre par trimestre de l'activité développée par Monsieur Arros et expose que la moyenne des commandes qu'il a effectuées est très nettement inférieure à celle des représentants à temps plein de la société.

En réplique Monsieur Christian Arros entend relever que à lui seul le chiffre d'affaires qu'il a réalisé, fut-il insuffisant, ne justifie pas qu'il n'a travaillé en fait qu'à temps partiel et qu'en tout état de cause ce n'est qu'en mars 1994 que l'employeur s'est inquiété de la faiblesse des commandes réalisées.

L'examen attentif de l'ensemble des relevés d'activité de juillet 1992 à fin mars 1994 produits au dossier par Monsieur Christian Arros et qui n'ont jusqu'aux courriers à lui adressés par l'employeur à partir du 20 avril 1994 fait l'objet d'aucune observation particulière tend à démontrer que, si le nombre de commandes effectuées était relativement faible, par contre les contacts auprès des anciens clients et la prospection de nouveaux clients étaient soutenus et à peu près constants quant à leur importance révélant ainsi qu'en réalité Monsieur Christian Arros exerçait bien une activité à temps plein pour le compte de la société Solfin.

C'est donc à bon droit que le salarié sollicite l'application des dispositions de l'article 5-1 de la convention collective.

Les parties ont fourni chacune à la Cour un décompte des sommes susceptibles d'être allouées à Monsieur Christian Arros en application de ce texte ; ces décomptes font apparaître des chiffres très différents (82.803,64 F pour ce qui est de celui produit par Monsieur Christian Arros et 43.413,31 F pour ce qui est de celui établi par l'employeur).

Dans son relevé la société Solfin prend en considération non seulement les périodes durant lesquelles son salarié aurait été en arrêt de travail, ce qui est justifié au regard du texte de la convention collective, mais aussi les périodes pendant lesquelles Monsieur Christian Arros aurait été absent. Compte tenu que ces simples absences non motivées par des arrêts de travail n'ont pas fait l'objet d'observation particulière de la part de l'employeur il n'y aura pas lieu de les prendre en considération dans l'établissement par les parties du décompte final auquel elles devront procéder.

SUR LA DEMANDE D'INDEMNITÉ POUR FRAIS IRRÉPÉTIBLES :

Dans la mesure où il n'apparaît pas inéquitable de laisser supporter à Monsieur Christian Arros les frais par lui engagés en cause d'appel, il y a lieu de le débouter de la demande qu'il formule à ce titre sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ces motifs, Réforme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la condamnation de la société Solfin à verser à Monsieur Christian Arros une indemnité de 1.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Statuant à nouveau : Dit que le licenciement de Monsieur Christian Arros pour faute grave est justifié. Déboute Monsieur Christian Arros de ses demandes d'indemnité de préavis, d'indemnité spéciale de rupture et de dommages et intérêts. Dit que, exerçant son activité de VRP exclusif à plein temps, il doit lui être alloué un rappel de salaire et de congés payés. Renvoie les parties à effectuer le calcul du montant du dit rappel de salaire conformément à l'article 5-1 de la convention collective des VRP étant expressément rappelé que la ressource minimale trimestrielle prise en compte sera réduite à due concurrence pendant la suspension temporaire d'activité de Monsieur Christian Arros suite à des arrêts de travail exclusivement. Dit que les sommes dues au titre du rappel de salaire et des congés payés correspondant au dixième de ce rappel de salaire porteront intérêts de droit à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes. Déboute Monsieur Christian Arros de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles d'appel. Condamne la société Solfin aux dépens.