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Décisions

CA Angers, 3e ch., 3 janvier 2000, n° 98-00541

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Frigedoc (SA)

Défendeur :

Boussin

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

MM. Jegouic, Guillemin

Avocats :

Mes Tréguier, Loyer.

Cons. prud'h. Le Mans, du 30 janv. 1998

30 janvier 1998

Monsieur Gérard Boussin a exercé son activité de VRP pour les établissements Manceau à compter du 4 avril 1972.

Puis, par application de l'article L. 122-12 du Code du Travail, il a exercé son activité pour la société Miko SA.

Le 4 mars 1993, Monsieur Boussin a signé un contrat de travail avec la société Miko.

Le contrat comprenait en son article 18 une clause de non-concurrence à laquelle était soumise Monsieur Boussin, pendant un an et portant sur les produits (crèmes glacées et surgelés) ayant fait l'objet de la représentation confiée à Monsieur Boussin par la société Miko.

La société Miko commercialise des produits alimentaires à domicile.

Il ressort du tarif applicable de Primagel (nom commercial de Miko), pour les livraisons du 1er septembre au 31 décembre 1994 qu'outre les crèmes glacées, cette société commercialisait toute sorte de produits alimentaires surgelés.

Monsieur Boussin était donc chargé de commercialiser, non seulement des crèmes glacées, mais encore ces différents produits ressortant des viandes et charcuteries.

Au mois de février 1995, la société Frigedoc exploitant son activité sous l'enseigne Agrigel, a repris l'activité (vente à domicile) de la société Miko.

Monsieur Boussin a bénéficié des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du Travail.

Il est produit aux débats les catalogues de la société Frigedoc qui démontrent que non seulement les produits antérieurement commercialisés et vendus par Monsieur Boussin ont continué à être vendus postérieurement au mois de février 1995 par celui-ci mais qu'à cette liste se sont ajoutés d'autres produits alimentaires.

Le 22 novembre 1996, Monsieur Boussin a présenté sa démission pour le 25 février suivant.

Monsieur Boussin indiquait dans sa lettre de démission :

" Je vous demanderai de bien vouloir me confirmer par écrit la date à laquelle je serai libre de tous engagements envers votre société ".

La société Frigedoc accusait réception de cette démission le 27 novembre 1996.

Monsieur Boussin s'est régulièrement vu remettre à la date de son départ de la société un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et le chèque correspondant à ses derniers appointements.

La société Frigedoc ne souhaitant pas libérer Monsieur Boussin de sa clause de non-concurrence lui paya la contrepartie de celle-ci.

Monsieur Boussin fut engagé par la société Saussereau en mars 1997. Frigedoc a invoqué la violation de cette clause de non-concurrence par Monsieur Boussin.

La société Frigedoc a assigné, le 22 avril 1997, en la forme des référés, Monsieur Boussin devant le Conseil de Prud'hommes du Mans afin d'obtenir notamment que soit interdit à son ancien salarié de prêter ses services de quelque façon que ce soit et principalement dans le cadre d'un contrat de travail avec la société Saussereau sur le fondement de l'existence de la clause de non-concurrence.

Par ordonnance en date du 13 mai 1997, la formation des référés du Conseil de Prud'hommes du Mans déboutait la société Frigedoc et Monsieur Boussin de l'ensemble de leurs demandes respectives.

La société Frigedoc a poursuivi, au fond, la procédure contre son ancien salarié.

Par jugement du 30 janvier 1998, le Conseil de Prud'hommes du Mans a débouté la société Frigedoc, et l'a condamnée au paiement de 4000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens.

Frigedoc a formé appel de cette décision.

La société Frigedoc demande à la Cour de constater la violation par Monsieur Boussin de la clause de non-concurrence.

Constater l'existence d'actes de concurrence déloyale par Monsieur Boussin.

Le Condamner à verser à la société Frigedoc la somme de 1.800.000 F à titre de dommages et intérêts.

Ordonner à Monsieur Boussin de quitter la société Saussereau dans un délai de deux jours à compter de la notification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 10.000 F par jour de retard.

Condamner Monsieur Boussin à payer à la société Frigedoc une somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamner Monsieur Boussin aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d'exécution.

Monsieur Boussin demande à la Cour de :

- Confirmer le jugement entrepris.

- Condamner la société anonyme Frigedoc au paiement de 10.000 F de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 8000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le litige porte sur l'interprétation de la clause, en sa partie prohibant " la commercialisation des produits susceptibles de concurrencer les produits (crèmes glacées et produits surgelés) ayant fait l'objet de la représentation confiée à Monsieur Boussin par la société Miko ".

La société Frigedoc soutient que les produits cités entre parenthèses ne valent qu'à titre d'exemples et qu'il faut entendre tous les produits alimentaires vendus par Miko.

La société Frigedoc fait valoir qu'elle a la même activité que son prédécesseur et qu'elle commercialise des surgelés, des crèmes glacées, mais également des conserves et toute sorte de produits alimentaires tels que gésiers confits, poulets, saucisses, boeufs en colis etc ...

Ce qui ressort particulièrement de son Kbis qui vise la vente de tous produits alimentaires et plus particulièrement les produits surgelés et les crèmes glacées.

Elle fait valoir que si l'entreprise Saussereau est une entreprise de fabrication de salaison et de charcuteries, l'examen de son catalogue de vente prouve qu'elle commercialise une gamme de produits plus étendue ne répondant pas à la définition de la charcuterie, tels que choucroute garnie, rillettes d'oie, mousse de volailles, poulets, etc ...

La société Anonyme Frigedoc soutient que la société Saussereau vend en définitive pour une part importante des produits identiques aux siens, ce qui permettrait de caractériser de façon nette une violation de la clause de non-concurrence.

Monsieur Boussin s'oppose à ces demandes.

Il fait valoir que les clauses de non-concurrence sont d'interprétation stricte. Il indique que Frigedoc vend essentiellement quelques charcuteries sèches, mais que l'essentiel de son activité porte sur la distribution des produits surgelés.

A l'inverse, Saussereau ne diffuse aucun produit surgelé. Comme entreprise de salaison, elle vend habituellement des produits de charcuterie frais, de la viande fraîche, des conserves et quelques plats cuisinés.

Monsieur Boussin soutient que dans ces circonstances, il n'y a pas violation de la clause de non-concurrence.

La société Frigedoc réplique qu'il n'y a pas en réalité de différences entre ses propres surgelés et les produits frais vendus par Saussereau, qui sont en définitive voués en grande partie à la congélation domestique.

Les clauses de non-concurrence, constituant une exception au principe de la liberté de travail, sont d'interprétation stricte.

Il est acquis au débat que la société Frigedoc vend des surgelés, des conserves, de la charcuterie sèche. La société Saussereau vend des produits frais, des conserves, des plats préparés et de la charcuterie sèche.

La clause de non-concurrence doit s'interpréter dans le sens où seuls les produits surgelés et les crèmes glacées sont concernées par l'interdiction de représentation.

Il ne résulte de rien que cette énumération de catégories de produits a été faite à titre d'exemples.Aucun élément dans le libellé de la clause ne vient particulièrement au secours de cette thèse. Qui doit être réfutée puisqu'elle consacrerait une interprétation extensive de la clause.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que Monsieur Boussin ne vend pas chez son nouvel employeur des surgelés, des crèmes glacées, il ne peut y avoir violation de la clause de non-concurrence.

L'assimilation entre produits surgelés et produits frais dont une partie fera l'objet d'une congélation domestique n'est pas valable, puisque la surgélation constitue un procédé industriel de traitement des aliments qui permet de différencier ces deux catégories de produits.

L'exclusion n'ayant pas été étendue aux produits frais, c'est à juste titre que le Conseil des Prud'hommes a estimé qu'il n'y avait pas violation de la clause de non-concurrence.

La société Frigedoc invoque contre son ancien salarié des faits de concurrence déloyale. Elle fait valoir qu'indépendamment de la violation par Monsieur Boussin de la clause de non-concurrence, celui-ci pratique le dénigrement systématique des produits de son ancien employeur.

Dès lors qu'il a été jugé qu'il n'y avait pas violation par Monsieur Boussin de la clause de non-concurrence insérée à son contrat de travail, les éventuels actes de dénigrement et de concurrence déloyale invoqués, sont de la compétence des juridictions de droit commun, puisqu'ils ne constituent pas une suite nécessaire du Contrat de Travail.

Il convient de rejeter cette demande.

Le jugement sera donc confirmé.

Les circonstances de l'espèce conduisent à faire droit à la demande de Monsieur Boussin au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à concurrence de 3000 F en appel.

Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit à sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucun abus n'étant précisément caractérisé.

Les circonstances de l'espèce conduisent à faire droit à la demande de Monsieur Boussin au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile à concurrence de 3000 F en appel.

Il n'y a en revanche pas lieu de faire droit à sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucun abus n'étant précisément caractérisé.

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré ; Condamne la société Anonyme Frigedoc au paiement à Monsieur Boussin de 3000 F par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civil en appel ; Déboute les parties de toutes autres demandes ; Condamne la société anonyme Frigedoc aux dépens d'appel.