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Décisions

CA Colmar, ch. soc., 12 janvier 1995, n° 2577-93

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Stroh

Défendeur :

SVP (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Eschrich

Conseillers :

MM. Litique, Dietenbeck

Cons. prud'h. Strasbourg, du 20 oct. 199…

20 octobre 1992

Monsieur Stroh a été engagé à compter du 1er décembre 1972 en qualité de représentant exclusif par la SA SVP avec pour secteur d'activité les Départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin, Moselle et Territoire de Belfort.

Le contrat liant les parties prévoyait une commission de 25 % sur le montant annuel des abonnements souscrits et 10 % sur le montant des abonnements existants au 1er décembre 1972.

Le 5 septembre 1973 les conditions de rémunération ont été modifiées par un contrat de représentant statutaire qui prévoyait une rémunération sur commissions ainsi qu'une rémunération fixe.

Le contrat a été appliqué jusqu'en 1986 et lorsque l'employeur a supprimé la rémunération fixe Monsieur Stroh a saisi le Conseil de Prud'hommes aux fins plus particulièrement de réintégrer la partie fixe dans sa rémunération.

Par jugement du 29 mars 1988 le Conseil de Prud'hommes a accordé à Monsieur Stroh une somme de 99.939 F correspondant au fixe pour la période du 1er mars 1986 au 30 novembre 1987. Le jugement a été confirmé par arrêt du 22 février 1990.

Le 28 novembre 1990 Monsieur Stroh a été convoqué pour un entretien préalable au licenciement ; par lettre de licenciement du 6 décembre 1990 l'employeur reprochait à Monsieur Stroh les griefs suivants constitutifs d'une faute grave :

- mauvais résultats obtenus sur le secteur d'activité,

- absence de résultat qui aurait été liée à un problème d'organisation et de non-respect des règles,

- refus réitérés de respecter les règles de l'entreprise.

Estimant abusif son licenciement Monsieur Stroh saisissait le Conseil de Prud'hommes de Strasbourg aux fins d'entendre condamner la société SVP à lui payer les montants suivants :

- 1.033.966,48 F au titre de l'indemnité de clientèle ;

- 135.083 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 54.167,17 F au titre des salaires fixes et commissions jusqu'au 7 décembre 1990 ;

- 11.261,50 F au titre des frais engagés jusqu'au 7 décembre 1990 ;

- 62.288,57 F au titre des congés payés ;

- 48.691,16 F à titre d'indemnité compensatrice de journées de stage, réunions et convocations ;

- 630.387,24 F à titre d'indemnité de licenciement abusif ;

- 720.442,66 F au titre de l'indemnité de non-concurrence ;

- 17.160 F au titre des commissions supprimées ;

- 283.561,91 F représentant la différence des commissions pour la période de décembre 1985 à novembre 1990 ;

- 25.000 F au titre de l'aride 700 du NCPC.

Il demandait de plus condamnation à lui payer les commissions au titre de retour sur échantillonnage et d'enjoindre à la société SVP d'indiquer le montant à ce titre.

Par jugement du 20 octobre 1992 le Conseil de Prud'hommes de Strasbourg a jugé que le licenciement de Monsieur Stroh reposait sur une cause réelle et sérieuse et n'est pas abusif.

Il a donné acte à la société SVP que les salaires fixes et commissions pour 54.167,17 F, 11.267,50 F au titre des frais engagés et de 62.288,57 F au titre des congés payés, ont été réglés en cours de procédure.

Les premiers Juges ont condamné la société SVP à payer à Monsieur Stroh :

- la somme de 130.637 F brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés s'y rapportant ;

- la somme de 350.000 F au titre de l'indemnité de clientèle.

Monsieur Stroh a été débouté de sa demande portant sur l'indemnité réclamée pour journées de stage et d'intéressement sur la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat.

La mission confiée à Monsieur Levy par arrêt de la Cour d'appel de Colmar en date du 22 février 1990 pour la période allant jusqu'au jour du licenciement et dans les mêmes conditions que cet arrêt a été élargie.

A donné mission complémentaire à Monsieur Levy de faire le compte entre les parties :

- sur les commissions pouvant rester dues au titre du retour d'échantillonnage selon article L. 751-8 du Code du travail,

- de la rétention faite éventuellement indûment de 17.160 F,

- du droit à trop perçu sur les commissions déjà payées dans le cadre d'une retenue pouvant être opérée dans la même proportion que le client ne règle pas sa facture.

Le Conseil a encore dit que le demandeur est à considérer comme un commis commercial et qu'ainsi la clause de non-concurrence est nulle et a débouté le demandeur.

A ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Monsieur Gilbert Stroh a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Il critique le jugement attaqué en ce qu'il a partiellement rejeté ses prétentions quant à :

- l'indemnité de rupture abusive du contrat de travail ;

- le montant de l'indemnité de clientèle ;

- l'application de la clause de non-concurrence ;

- les commissions sur les chiffres d'affaires TTC au lieu des chiffres d'affaires HT ;

- la rémunération des journées de stage.

Monsieur Stroh expose qu'il a été engagé en qualité de représentant statutaire salarié exclusif, position cadre, par la société SVP le 1er décembre 1972.

Qu'il avait déjà saisi le Conseil de Prud'hommes qui par jugement du 29 mars 1988 avait fait partiellement droit à sa demande portant sur les conditions de sa rémunération.

Que la Cour a confirmé ce jugement le 22 février 1990 et avait jugé que les griefs liés à l'insuffisance de prospection, à sa négligence et son dilettantisme, à l'absence de réalisation des objectifs n'étaient pas fondés.

Monsieur Stroh estime que la lettre de convocation du 28 novembre 1990 préalable à son licenciement qui a conduit à son licenciement le 6 décembre 1990 reprend les mêmes griefs.

Monsieur Stroh soutient que l'insuffisance de résultat n'est pas prouvée et surtout que la faute qui serait à l'origine de cette insuffisance n'est pas invoquée sauf à se référer à un défaut de tenue d'un planning prévisionnel.

De ce point de vue Monsieur Stroh fait valoir que la société avait renoncé à cette exigence de nature à nuire à l'autonomie et à la liberté d'action d'un représentant statutaire.

La non-fourniture de ce planning n'établit pas une incidence sur l'absence de résultat alléguée.

Monsieur Stroh estime en conséquence que les fautes qui lui sont reprochées dans des conditions identiques à celles qui avaient déjà été évoquées dans la précédente procédure et que la Cour a estimé non-établies, ne le sont pas davantage dans le cadre de la présente procédure.

Concernant l'indemnité de clientèle Monsieur Stroh soutient que les premiers Juges l'ont minorée à tort et estime qu'il peut prétendre à deux années de commissions, fixe inclus, soit un total de 1.034.074,41 F.

A titre subsidiaire il entend se prévaloir de l'indemnité de licenciement prévue par l'accord d'entreprise en son article 193 et en application de l'article L. 751-9 du Code du travail et réclame un montant de 527.596,38 F.

Sur l'applicabilité de la clause de non-concurrence Monsieur Stroh fait valoir que les dispositions de droit local ne s'appliquent pas.

Par contre il estime que la clause de non-concurrence prévue au contrat suppose une contrepartie financière telle que prévue par l'article 17 de la Convention collective nationale des VRP.

Il fait valoir que la mise en œuvre de ces dispositions lui permettent de réclamer à son employeur une indemnité de 720.442,56 F.

Il chiffre l'indemnité de rupture abusive à la somme de 630.387,24 F.

Sur le mode de calcul des commissions Monsieur Stroh estime qu'elles devaient se calculer sur le chiffre d'affaires TTC et non hors taxes.

Il réclame à ce titre une somme de 283.561,91 F.

Monsieur Stroh soutient qu'il a droit à une indemnité compensatrice des journées de réunions, convocations et stage. Couvrant la période du 1er janvier 1986 au 7 décembre 1990 il estime qu'il peut prétendre à ce titre à une indemnité de 48.691,16 F.

Monsieur Stroh conclut de plus à la capitalisation des intérêts.

Monsieur Stroh demande en définitive à la Cour de recevoir son appel, d'infirmer le jugement entrepris sur les chefs de demande ci-dessous le jugement devant être confirmé pour le surplus.

En conséquence :

Condamner la SA SVP à payer à Monsieur Stroh une somme de 1.034.074,41 F au titre de l'indemnité de clientèle respectivement à titre subsidiaire de 527.596,38 F au titre de l'indemnité de licenciement, sans que ce chef de préjudice, qu'il s'agisse de l'indemnité de clientèle ou de l'indemnité de licenciement, ne puisse être inférieur au montant de 527.596,38 F,

Condamner la défenderesse à payer au demandeur une somme de 630.387,24 F au titre de l'indemnité de rupture abusive,

La condamner à lui payer une somme de 283.561,91 F à titre de complément de commissions.

La condamner à lui payer une somme de 48.691,16 F à titre d'indemnité compensatrice des journées de stage, réunions et convocations.

Dire que ces montants porteront intérêts au taux légal à compter de la demande.

Dire que ces intérêts se capitaliseront conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, en tant que de besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires.

Condamner la société SVP à payer à Monsieur Stroh une indemnité de 25.000 F au titre de l'article 700 du NCPC pour les frais irrépétibles de l'instance et d'un montant de 30.000 F pour ces mêmes frais à hauteur d'appel.

Par conclusions subséquentes du 1er décembre 1993 Monsieur Stroh fait valoir que son employeur a manqué à ses obligations de payer régulièrement le fixe et les commissions ce qui a été sanctionné par le jugement du 29 mars 1988, l'arrêt du 22 février 1990 et encore par arrêt du 9 septembre 1993.

Ainsi argue-t-il l'employeur est responsable de la rupture du contrat de travail.

Il fait valoir que la véritable cause de licenciement n'est pas celle invoquée par la lettre de licenciement mais le refus qu'il a opposé à l'employeur d'accepter des modifications d'éléments substantiels de son contrat de travail.

La société SVP fait valoir concernant l'indemnité de rupture abusive que c'est à bon droit que les premiers Juges ont retenu l'insuffisance de résultat.

Elle soutient que le nombre de contrats obtenu par Monsieur Stroh est médiocre soit 27 % d'augmentation en 17 années d'activité.

Que si la société a connu une légère baisse de son fonds d'abonnements la chute constatée dans le nombre d'abonnements de Monsieur Stroh est deux fois supérieure à celle de la France et deux fois 1/2 plus élevée que celle du fonds province.

Elle fait valoir que concernant le chiffre d'affaires sur la période 1980/1990 le chiffre d'affaires a cru de 155,78 % alors que le prix moyen augmentait de 166,32 % soit une baisse en chiffre d'affaires absolue de 10,84 % en cinq ans.

Que [sur] la période 1985-1990 le chiffre d'affaires a été en augmentation de 67,21 % et le prix de 78,05 % soit une baisse en chiffre d'affaires absolue de 10,84 % en cinq ans.

Elle soutient que la chute des résultats s'explique par le non-respect des directives commerciales données à Monsieur Stroh.

Que l'exigence de visites à des époques déterminées correspond à une exigence contractuelle non respectée par Monsieur Stroh.

Elle fait valoir que dans le cadre d'une meilleure organisation de son réseau commercial elle était en droit de demander à son salarié de visiter la clientèle à des périodes convenues, ou de se conformer à ses directives.

Elle entend prouver que le nombre des visites aux clients effectives par Monsieur Stroh était insuffisant ce qui conduit à des résiliations imputables précisément à un défaut d'information du client.

Ainsi elle estime que la dégradation du secteur de Monsieur Stroh est la conséquence de l'insuffisance soit quantitative soit qualitative de sa prospection.

Elle fait valoir que Monsieur Stroh a refusé les visites et n'a pas respecté les plannings prévisionnels.

Que malgré avertissement la situation a perduré.

La société SVP demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le licenciement de Monsieur Stroh reposait sur des motifs réels et sérieux.

Concernant la clause de non-concurrence elle approuve les premiers Juges qui ont déclaré nulle cette clause faute de contrepartie pécuniaire.

Elle soutient que l'accord interprofessionnel dont l'application est demandée n'est pas prévu par le contrat de travail qui ne fait référence qu'au statut légal de VRP.

Que l'ensemble des clauses de non-concurrence a été supprimé au sein de la société SVP.

Qu'aucune contrepartie financière n'a jamais été payée de sorte que le salarié n'est pas tenu par les termes de la clause de non-concurrence.

Que Monsieur Stroh qui conteste la validité de son licenciement pour faute grave ne peut à la fois réclamer le bénéfice des indemnités de rupture et celui de la clause de non-concurrence puisque l'article 94 du contrat dispose que la clause de non-concurrence ne s'applique qu'en cas de rupture du contrat du fait de Monsieur Stroh ou du fait de la société SVP par suite d'une faute grave.

La société SVP soutient que Monsieur Stroh a réclamé la première fois devant le Conseil de Prud'hommes de Strasbourg par conclusions du 20 mars 1992, un rappel de commissions sur TVA de sorte qu'elle est partiellement prescrite.

Elle fait valoir qu'il ne peut y avoir commissions sur des montants dont l'employeur n'est que tiers détenteur.

Concernant les indemnités compensatrices des journées de stage, réunions et convocations, la société SVP soutient que le contrat ne prévoit pas d'indemnisation et qu'en tout état de cause Monsieur Stroh qui touchait un fixe était tenu à des obligations.

La société SVP forme un appel incident.

Elle soutient que la faute grave avait été invoquée à juste titre dès lors que Monsieur Stroh a refusé de façon réitérée de respecter les règles qu'elle avait mise en place et plus particulièrement l'exigence d'un planning prévisionnel.

Elle estime en conséquence que la demande de Monsieur Stroh relative aux indemnités de rupture est mal fondée dans son principe.

Elle critique le jugement attaqué en ce qu'il a pris en compte les trois derniers mois d'activité alors que ceux-ci contenaient des rappels de salaires pour des périodes antérieures à 1990.

Concernant l'indemnité de clientèle la société SVP estime que Monsieur Stroh ne rapporte pas la preuve qu'il a apporté, créé, développé par sa seule action personnelle une clientèle dont il est privé pour l'avenir du fait de la rupture du contrat de travail.

Subsidiairement elle soutient qu'en tout état de cause il y aurait lieu d'exclure du calcul de cette indemnité le salaire fixe, les commissions dites de renouvellement et les frais professionnels à hauteur de 30 %.

La société SVP demande en conséquence à la Cour :

- de dire mal fondé l'appel formé par Monsieur Stroh ;

- de faire droit à son appel incident ;

- de débouter Monsieur Stroh de ses demandes ;

- de condamner Monsieur Stroh à lui rembourser la somme de 560.827,39 F qu'elle lui a réglée, augmentée des intérêts légaux à compter du versement indû soit le 14 mai 1993 ;

- le condamner à lui payer une indemnité de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

SUR QUOI,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions ;

LA COUR, statuant dans la limite de l'appel.

Un contrat de représentant statutaire signé le 5 septembre 1973 liait les parties aux termes duquel Monsieur Stroh s'engageait à rechercher la clientèle susceptible de souscrire des contrats d'abonnements à ses services et d'assurer l'après-vente dans le secteur confié.

L'exclusivité des secteurs 57-67-68-90 a été concédée à Monsieur Stroh.

L'article 4 du contrat disposait que pendant toute la durée du contrat, Monsieur Stroh devra se conformer rigoureusement aux directives et instructions qui lui seront données par la direction commerciale.

Il devra notamment effectuer aux époques prévues, tous les déplacements et visites de la clientèle qui lui seront demandés.

La production mensuelle du secteur était définie en objectifs (nombre de contrats et chiffre d'affaires par la direction commerciale de la société SVP).

Après entretien préalable Monsieur Stroh était licencié le 6 décembre 1990.

La lettre de licenciement était rédigée de la façon suivante :

" Depuis plusieurs mois, nous nous inquiétons des mauvais résultats obtenus sur votre secteur d'activité, résultats d'autant plus inadmissibles que venant d'un collaborateur ayant une expérience fort ancienne dans la société ; nous vous avons maintes fois alerté sur ce point. Nous estimons que l'absence de résultat est souvent un problème d'organisation aussi avons-nous dicté des règles auxquelles chacun doit se soumettre. Nous vous avons demandé à plusieurs reprises de les respecter.

Devant votre refus réitéré de respecter les règles de l'entreprise (plannings prévisionnels) nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour faute grave ".

Ainsi il est reproché au salarié une insuffisance de résultats et une insubordination.

Il résulte des documents produits que le nombre des abonnements a baissé (1989 : 246 - 1990 : 237) et qu'en considération du prix des contrats le chiffre d'affaires a également chuté.

Le 20 septembre 1990 la société SVP exigeait de son salarié l'obligation de se soumettre comme l'ensemble du réseau de vente, à l'envoi d'un planning prévisionnel détaillé, comportant indication des rendez-vous organisés (coordonnées des sociétés visitées et mention " ventes et après-vente " ceci dans les délais exigés par la direction commerciale.

Les directives résultaient d'un courrier du 13 juin 1990 où se trouvaient énumérées les exigences commerciales à revoir :

- la remontée du planning prévisionnel complet où doit figurer les coordonnées des visites à effectuer,

- les visites client demandées chaque mois par l'entreprise ;

- la remontée du baromètre qualité à chaque visite de client ;

- le contrat [contact] téléphonique systématique tous les lundis avec les services de la direction commerciale ;

- un effort soutenu pour faire jouer plus souvent le relationnel clients.

La société SVP insiste à juste titre sur le suivi de la clientèle qui nécessite davantage de démarches de la part du VRP afin d'assurer le maintien du contrat. Pareillement des clients qui ont contacté directement la société sont autant de clients potentiels que le VRP devra démarcher et convaincre.

De janvier à décembre 1990 les contrats d'abonnements de Monsieur Stroh ont baissé de façon plus significative que dans les autres secteurs et surtout le taux de transformation des visites opérées par Monsieur Stroh en octobre 1990 était de 11,30 % alors que la moyenne de la province était de 25,90 %.

Pourtant contractuellement il lui appartenait d'effectuer des visites aux clients selon les directives de son employeur ; il devait se plier à toute nouvelle organisation du travail, M. Stroh s'est manifestement soustrait à ces exigences. Il suffit de se référer au courrier du 25 juin 1990 adressé à l'employeur pour se persuader de la réticence du salarié à se plier aux directives. En effet il indique que son statut de VRP l'autorise à organiser librement son travail et s'il est nécessaire d'effectuer des visites après-vente " ma mission première est la recherche de clients susceptibles de souscrire des contrats d'abonnements ".

" Je me permets de vous faire remarquer que le fait d'exiger des visites supplémentaires, des enquêtes baromètres qualité ou du travail administratif en plus, réduit d'autant le temps consacré à la recherche de la clientèle, et de ce fait, ma rémunération dont l'essentiel réside en commissions. Dans ces conditions le représentant ne peut être tenu responsable d'une baisse des ventes et de chiffre d'affaires ".

En se soustrayant à l'obligation de se soumettre à un contrôle plus pointilleux de l'employeur légitimement dicté par des impératifs commerciaux alors que les résultats étaient en baisse Monsieur Stroh a commis une faute grave qui justifiait la mesure prise par la société SVP.

L'exigence du planning prévisionnel n'est qu'une modalité des obligations des dispositions du contrat (article 4) et ne saurait d'aucune façon constituer une modification substantielle du contrat de travail ou une atteinte aux prérogatives d'un représentant statutaire car en définitive il est sans incidence sur les conditions de travail du salarié.

Il est sans emport de se référer à un précédent arrêt de la Cour dès lors que le présent litige repose sur des pièces autres ou nouvelles de sorte que l'autorité des choses jugées ne peut valablement être invoquée.

La faute grave est privative de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de clientèle.

A hauteur de Cour Monsieur Stroh fait valoir que la rupture du contrat doit être imputée à l'employeur dès lors que ce dernier l'a privé d'une partie de sa rémunération que ce soit dans sa partie fixe ou les commissions.

Il en veut pour preuve les décisions de justice qui ont été rendues.

Il y a cependant lieu de remarquer que la saisine des juridictions était liée soit à une question d'interprétation du contrat soit à une contestation des droits des salariés concernant certaines commissions. Il aura fallu une expertise pour dégager les droits du salarié qui n'a pas eu gain de cause concernant tous les chefs de demande de sorte que le manquement aux obligations n'est pas de ceux qui autorise une résolution fautive du contrat de travail.

En conséquence ces conclusions d'appel seront rejetées.

Il y a lieu de réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau de débouter Monsieur Stroh de ce chef de demande.

La société SVP est en droit de réclamer en remboursement les sommes payées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement soit 560.827,39 F ; le montant portera intérêts légaux à compter de ce jour.

Monsieur Stroh ne peut prétendre à une commission sur TVA. En effet les commissions sont payées sur le montant annuel des abonnements souscrits. Seul est pris en compte le montant nécessairement HT puisque la TVA est payée à l'Etat dont l'employeur fait office de collecteur.

Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Monsieur Stroh ne peut pas non plus prétendre à une indemnisation au titre des journées de stage dès lors que le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail permet à l'employeur de solliciter ses salariés ne serait ce que pour fixer les nouveaux objectifs et exigences.

Le contrat ne prévoit aucun dédommagement à ce titre étant observé de plus que Monsieur Stroh touchait une rémunération fixe en sus des commissions.

Là encore les premiers Juges ont rejeté à juste titre ce chef de demande.

La clause de non-concurrence de droit local ne peut recevoir application dès lors qu'en sa qualité de VRP Monsieur Stroh disposait d'un volant de liberté incompatible avec la notion de commis.

L'article 14 du contrat dispose qu'en cas de rupture du contrat de travail du fait de la société SVP mais par suite d'une faute grave de Monsieur Stroh, celui-ci aura l'interdiction d'exercer, soit pour son propre compte, soit pour celui d'une autre entreprise toute activité similaire à celle exercée par la société SVP ou susceptible de la concurrencer.

Cependant aucune contrepartie financière n'était prévue.

De plus Monsieur Stroh a été dispensé de l'application de la clause de non-concurrence.

Aucun délai de forclusion n'est contractuellement prévu concernant cette dispense et sa réclamation portant sur le dédommagement du fait du respect de cette clause pendant deux ans est sans fondement.

En effet aucun empêchement à exercer une action concurrente n'existait après la dispense d'exécution de sorte qu'en tout état de cause un dédommagement sur deux ans par application de la Convention collective du VRP ne saurait prospérer.

Les dépens de procédure de première instance et d'appel seront supportés par Monsieur Stroh qui paiera en outre à la SA SVP une indemnité de 6.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Reçoit les appels en la forme, Statuant dans la limite de l'appel, Au fond, Infirme partiellement le jugement entrepris ; Dit que le licenciement de Monsieur Stroh se fonde sur une faute grave ; Dit que Monsieur Stroh ne peut prétendre à une indemnité de clientèle et à une indemnité compensatrice de préavis ; En conséquence, Déboute Monsieur Stroh de sa demande, Le Déboute de ses conclusions d'appel ; Dit que Monsieur Stroh ne peut réclamer dédommagement au titre de la clause de non-concurrence ; Dit que Monsieur Stroh ne peut prétendre à des commissions sur TVA ni à une indemnisation des journées de stage ; Condamne Monsieur Stroh à rembourser à la société SVP les sommes qu'il a touchées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement augmentées des intérêts légaux à compter de ce jour ; Condamne Monsieur Stroh aux dépens des procédures de première instance et d'appel ; Le Condamne à payer à la société SA SVP une indemnité de 6.000 F (six mille francs) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.